Affichage des articles dont le libellé est André Gide. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est André Gide. Afficher tous les articles

dimanche 21 avril 2024

DFHM : Ultramontain à uraniste en passant par Uranie — et Vaisseau à virer sa cuti en passant par Vice à la mode et Villette




UGOBER

Anagramme de bougre dans l’ouvrage de Beauchamp, 1722 ou 1728.

ULTRAMONTAIN, adj. et subs.

« Le commencement du mois de juin [1682] fut signalé par l’exil d’un grand nombre de personnes considérables accusée de débauches ultramontaines. Tous ces jeunes gens avaient poussé leurs débauches dans des excès horribles, et la Cour était devenue une petite Sodome. »
Louis François marquis de Sourches (1645-1716), Mémoires sur la fin du règne de Louis XIV.

« Au jeu d’amour, une gente donzelle
Voulut induire un cavalier romain ;
L’ultramontain, à son culte fidèle,
La refusait, et même avec dédain,
Quand pour lui plaire, elle tourna soudain
Ce qu’à Jupin, Ganimède réserve ;
Mais dans son goût,  malgré l’offre affermi,
Me fourrer là, dit-il, Dieu m’en préserve !
Je logerais trop près de l’ennemi. »
Jean-Baptiste Rousseau, Épigrammes, XXIII

« En réputation de préférer les plaisirs ultramontains, à ceux qu'il aurait pu prendre avec les Dames. »
Pierre de L'Estoile, Journal du règne de Henri III, 1587.
Édition Pierre Gosse, La Haye, 1744 (tome 2).


« Ultramontain : pédéraste, appelé ainsi à cause des vices hors nature attribués aux habitants de l’autre côté des montagnes alpines, l’Italie. »
Hector France, Dictionnaire de la langue verte, 1907, réédition Nigel Gauvin, 1990.

UNISEXUALITÉ

« L’unisexualité, tel est le dernier mot de cette dégradation de l’amour. Or, comme il ne se peut rien concevoir par l’entendement qui ne tende à se réaliser par le fait, l’unisexualité a pour expression pratique, chez tous les peuples, la PÉDÉRASTIE. »
Pierre Joseph Proudhon, Amour et mariage (1858), XIX.

Proudhon entendait pédérastie au sens de sodomisation, comme la plupart des médecins-légistes de l’époque, dont Tardieu, qu’il venait de lire.

« Les hommes qui ont séduit, corrompu, souillé les âmes et les vies de leurs semblables plus jeunes sont d’habitude des pervertis. Ils n’ont pas toujours été unisexuels. Ils ont plus de prise. Ils sont plus vicieux. L’unisexuel qui s’essaye à la bissexualité devient aussi corrompu que l’homme sexuel normal qui s’essaye à l’unisexualité : ils ont tous les vices, ceux qui leur reviennent et les autres. »
Marc-André Raffalovich, Archives d’Anthropologie Criminelle, mars 1894.

« Les femmes d’aujourd’hui s’intéressent beaucoup à l’unisexualité masculine. »
A. Raffalovich, « Quelques observations sur l’inversion », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 50, 15 mars 1894.

A. Raffalovich publia en 1896 l’ouvrage Uranisme et Unisexualité, puis trois séries de longs articles dans les AAC : « Annales de l’unisexualité » en 1897, « Chronique de l’unisexualité » en 1907 et 1909.

« L’unisexualité se ressemble chez les femmes comme chez les hommes ; l’inversion est une. »
Dr H. Legludic, Attentats aux mœurs, 1896.

UNISEXUEL(LE), adj. et subs.

Unisexuel et unisexué ont d’abord été appliqués aux végétaux et animaux n’ayant qu’un seul sexe. Puis Charles Fourier a parlé d’affection unisexuelle, de couples unisexuels et d’orgies unisexuelles. ; il a aussi utilisé les expressions amour ambigu et amour unisexuel :

« En amour, il y a ultragamie entre deux femmes saphiennes. Ce lien sort des attributions de l’amour qui comprennent les unions bisexuelles. Dans ce cas, les deux ressorts de l’amour engrènent dans la passion d’amitié ou affection unisexuelle. »
Charles Fourier, Œuvres complètes, Anthropos, 1967, t. IV, p. 367.

« De toutes nos relations, il n’en est pas de plus fausse que celle de l’amour ; on y a introduit une dissimulation si générale que nous ne pouvons plus lire les modernes du bon vieux temps ni les ouvrages anciens qui traitent de l’amour franchement, comme ceux de Plutarque, Virgile et autres […] À cette époque on admettait l’ambigu, l’amour unisexuel. Si les grands hommes de la Grèce revivaient aujourd’hui, ils seraient tous brûlés vifs. Solon, Lycurge, Agésilas, Épaminondas, Sappho, Jules César et Sévère seraient tous conduits à l’échafaud pour pédérastie ou saphisme. Ces même anciens méprisaient le trafic et le mensonge qui sont aujourd’hui en honneur, la banqueroute et l’agiotage qui sont devenus des usages aussi innocents qu’autrefois l’amour ambigu. »
Charles Fourier, Œuvres complètes, tome XI, vol. 4, pp. 219-220.

Les audaces de l’utopiste ont été sévèrement jugées par Proudhon :

« Je sais même que Fourier, qu’on n’accuse pourtant pas d’avoir eu des goûts socratiques, a étendu fort au delà des barrières accoutumées les relations amoureuses, et que ses spéculations sur l’analogie l’avaient conduit à sanctifier jusqu’aux conjonctions unisexuelles. »
Pierre-Joseph Proudhon, Avertissement aux propriétaires, 1841.

« Aussi l’amour unisexuel est-il susceptible d’inspirer une jalousie effrenée. »
Proudhon, Carnet n° 7, 1849.

« On me racontait hier que l’abbé de Lamennais pratiquait le culte d’Anacréon pour les petits garçons ; que même le vieux Barbet l’économiste lui avait servi d’amante. Une amante mâle de 60 ans !... Ce goût n’est pas rare aujourd’hui parmi les gens de lettres, les artistes et les grands. – On cite entr’autres, [Jean-Louis-Eugène] Lherminier [professeur au Collège de France], Germain Sarrut, et une foule que j’oublie. Nos mœurs tournent à la pédérastie, terme ordinaire, fatal, du développement érotique dans une nation. Quand la femme, prise d'abord pour organe de luxure, est devenue, par le raffinement de la volupté, un objet d'art, de l'art luxurieux, l'érotisme ne s'en tient pas là, il va jusqu'à l'affection unisexuelle. C'est logique. Qu'est-ce en effet que la volupté ? L'art de la masturbation, soit solitaire, soit à deux, de même ou de différent sexe. C’est bien ainsi que toutes nos notabilités de la politique, de la philosophie, du clergé, etc. entendent l’amour. […] Changarnier, Lamoricière, ont rapporté d’Afrique le goût des amours masculines. On assure que tous nos officiers et soldats qui tombent aux mains des Arabes passent tous par l’étrivière socratique. Courby de Cognord n’y aurait pas échappé. C’est même là une des causes des atrocités commises par nos troupes, notamment par le colonel Pélissier aux grottes de [le nom manque] .»
P. J. Proudhon, Carnet n° 8, année 1850.

Dans un pamphlet, le Dr Agrippa employait les expressions plaisir unisexuel, pratiques unisexuelles et amour unisexuel :

« Dans l’amour unisexuel, il y a une brutalité que ne s’accommode pas des soupirs et du dévouement délicat de l’amour honnête. »
La Première flétrissure, 1873.

Ce vocabulaire se retrouve dans le roman de Paul Bonnetain :

« Une demi-heure après, le crime irrémédiable était accompli ; l’ignorantin avait fait un nouvel élève à qui les monstrueux mystères des pratiques unisexuelles seraient désormais familiers. À jamais, il était détraqué, le petit malheureux qui souriait maintenant, l’œil humide de plaisir. »
Charlot s’amuse, 1883.

« Laissez passer la légion des solitaires, des unisexuels, des benjamites [cf Juges, XX] et des tribades. […] La chronique scandaleuse prétend que jamais ne fut si répandu le goût unisexuel, qu’il se propage singulièrement de par le monde, et que le bataillon de Lesbos, formé de recruteuses et d’entremetteuses, va grossissant chaque jour. »
Frédéric Loliée, Les Immoraux – Études physiologiques, Livre 2, VI-VII, 1891.

Digression sur le mot tribade :
Dictionnaire français... de Pierre Richelet, 1680 et 1706.

« D’autres croient que la similarité est une passion comparable à celle suscitée par la dissimilarité sexuelle. Hommes, ils aiment un homme ; mais ils affirment que s’ils étaient femmes, ils aimeraient une femme. Ce sont les unisexuels par excellence. Ce sont aussi les supérieurs, les plus intéressants. […] C’est une erreur de croire que les unisexuels, les invertis, se reconnaissent entre eux. C’est une de leurs vantardises, et qui a été fort répétée. Mais un de leurs sujets de conversation est justement de se demander si tel ou tel partage leurs goûts, leurs habitudes ou leurs tendances. Les efféminés se reconnaissent naturellement, mais on les reconnaît aussi aisément sans être efféminé soi-même. Mais la prudence, l’amour-propre, l’orgueil, le respect de soi-même, une affection profonde, mille sentiments empêchent un unisexuel de se livrer ainsi s’il n’est pas un débauché, ou très efféminé […] Les femmes d’aujourd’hui s’intéressent beaucoup à l’unisexualité masculine. On en parle beaucoup à présent ; les femmes sont très renseignées à ce sujet ; non seulement les femmes unisexuelles (qui sont toutes complices des hommes unisexuels à tous les degrés, du platonisme à l’abjection) mais aussi les femmes honnêtes. Les femmes n’ont pas peu contribué au sans-gêne de l’unisexualité masculine mondaine. Arrivées à un certain âge, les femmes qui ne s’attirent plus l’hommage des vrais hommes, s’entourent d’hommes unisexuels qui leur font la cour pour la galerie. »
André Raffalovich, « Quelques observations sur l’inversion », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 50, 15 mars 1894.

« Lorsqu’ils font semblant d’ignorer l’amour unisexuel ou de s’en indigner, les "gens honnêtes" mentent à dire d’expert. Cela fourmille au grand jour, sous le regard complaisant des sergots [agents de police] et de la foule. Maquillés, impudiques et frôleurs, vont et viennent les cynèdes en troupeau. Qui les désire n’a qu’un signe à faire pour en être obéi. »
Laurent Tailhade, La Touffe de sauge, édition de La Plume, 1901.

« Il y a un rapport constant entre la conduite et les principes des unisexuels et la conduite et les principes des hétéro-sexuels. Le relâchement des uns est le relâchement des autres. Sexuellement tous les hommes sont solidaires. »
André Raffalovich, « Les groupes uranistes à Paris et à Berlin », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 132, 15 décembre 1904.

« Quant au vice unisexuel masculin, quelques écrivains ont tenté de l’expliquer, sinon de l’excuser, chez les Grecs par la beauté même des hommes de l’Attique. »
B. de Villeneuve [Raoul Vèze], Le Baiser en Grèce, 1908.


« Puisque la législation barbare et injuste de certains États condamne avec sévérité les unisexuels, M. [Stuart] Merrill ne pense-t-il pas qu’il est du dernier intérêt de montrer qu’il a pu y avoir des hommes de génie parmi les  unisexuels ? Le prestige de ces hommes ne peut-il aider à défaire la barbarie et l’injustice des législations citées par M. Merrill ? Par quelle rage singulière MM. Les Humanitaires, chaque fois qu’un grand homme est donné comme unisexuel, s’efforcent-ils de dénier aux autres unisexuels le droit de le considérer comme un des leurs ? Si nous avions l’avantage de donner dans l’unisexualité, M. Merrill ou moi, la question ne nous serait pas indifférente. »
Guillaume Apollinaire, « Revue de la quinzaine », Mercure de France, tome 106, 16 décembre 1913.


Pris dans le livre de John Addington Symonds A Problem in Modern Ethics, 1891.


URANIE, VÉNUS URANIE, VÉNUS URANIENNE

Vénus Uranie est le nom francisé de l’Aphrodite Ourania, amour intellectuel (ou céleste) et pédérastique, en opposition à l’Aphrodite Pandémos, amour vulgaire (ou terrestre), bisexuel ou hétérosexuel ; cette distinction apparaît dans les Symposia [Banquets ou Beuveries] de Platon (180d-181) et deXénophon (viii, 9-10).

« Qui doute qu’il n’y ait deux Vénus ? L’une ancienne, fille du ciel, et qui n’a point de mère : nous la nommons Vénus Uranie ; l’autre plus moderne, fille de Jupiter et de Dioné [compagne de Zeus, forme locale de la Terre-Mère] : nous l’appelons Vénus populaire. Il s’ensuit que de deux Amours, qui sont les ministres de ces deux Vénus, il faut nommer l’un céleste, et l’autre populaire. ».
Jean Racine, traduction du Banquet de Platon, dans Œuvres complètes, tome II, Paris : Gallimard, 1952, collecton " Bibliothèque de la Pléiade "..

L’abbé François-Marie Coger, dans son Dictionnaire anti-philosophique pour servir de commentaire et de correctif au Dictionnaire philosophique (Avignon : Veuve Girard et François Seguin, 1767), écrivait : « Les Anciens ont connu deux sortes d'amour, le premier fils de Vénus Uranie, c’est-à-dire céleste ; le second engendré par Vénus terrestre... 



Aussi Chateaubriand, dans Génie du christianisme : « Ce qu’il y avait de plus sublime et de plus doux dans la fable [antique] possédait la virginité ; on la donnait à Vénus-Uranie et à Minerve, déesses du génie et de la sagesse ; l’Amitié était une adolescente. » Première partie « Dogmes et doctrines », livre I « Mystères et sacrements », chapitre ix, « Sur le sacrement d’ordre ».À leur suite, le Complément du Dictionnaire de l’Académie française (1842) définissait ainsi Uranie : « Nom de Vénus comme déesse de l’amour pur. »

« {…] ces Orientaux dont parle Julius Firmicus [Lib. De Errore prof. Relig] lesquels consacraient, les uns à la déesse de Phrygie, les autres à Vénus Uranie, des prêtres qui s’habillaient en femmes, qui affectaient d’avoir un visage efféminé, qui se fardaient. »
Joseph-François Lafitau (1681-1740), Mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps, tome 1, 1724.

« L’amour des hommes, dit-il, est en lui-même un sentiment pur, noble, divin. C’est l’amour des âmes. C’est un présent de Vénus Uranie. »
Dupin, La Prusse galante ou Voyage d’un jeune homme à Berlin, 12e journée, 1800.

« Carthage où l’on adore Vénus-Uranie [d’après Salvien, Du gouvernement de Dieu, VII]. »
Alfred de Vigny, Journal d’un poète, 16 juin 1837.

« Apollonius. La connais-tu la Vénus uranienne, qui brille sous son arc d' étoiles ? T' a-t-on dit les mystères de l' Aphrodite prévoyante ? As-tu jamais palpé la poitrine sèche de la Vénus barbue, ou médité les colères d' Astarté furieuse ? N' aie souci, j' arracherai leurs voiles, je briserai leurs armures ; avec moi tu marcheras d' un pied robuste sur la crête de leurs temples, et nous atteindrons ensemble jusqu' à la mystérieuse et l' inaltérable, jusqu' à celle des maîtres, des héros et des purs, la Vénus apostrophienne, qui détourne les passions et tue la chair. »
Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine, 1849.

« Socrate veut prouver (dit-il dans le Banquet de Xénophon) que l’amour de l’âme l’emporte de beaucoup sur l’amour du corps. Néanmoins, en établissant la différence entre la Vénus Uranie et la Vénus Pandème, il admet comme un usage établi qu’un garçon ait commerce avec un homme. »
Audé [O.-J. Delepierre], Dissertation sur les idées morales des Grecs et sur le danger de lire Platon, 1879.

« M. André Gide est pédéraste. Ce n'est pas le diffamer que de le dire, il s'en fait gloire. Il a écrit un petit livre (Corydon) pour s'en flatter et défendre l'uranie, et un gros bouquin (Si le grain ne meurt...) pour s'en confesser.
Je ne le lui reproche pas. Je m'en moque éperdument. Chacun prend son plaisir où il le trouve. Il me semble seulement aussi puéril d'avouer et de proclamer le goût qu'on a pour les jeunes gens qu'il me parait déplacé d'ouïr les confidences d'un érotomane déclarant n'aimer que les dames à gros derrière ou les jeunes filles aux seins inexistants.
Ce n'est pas du non-conformisme. C'est de l'exhibitionnisme... Une triste manie, sans plus.
Cependant, voici un article du réquisitoire d'André Gide contre l'U.R.S.S. (note au bas de la page 63) qu'il vient de publier et par lequel il accède pour la première fois, à soixante et un ans, aux gros tirages : " Que penser, au point de vue marxiste (sic) de celle (la loi) plus ancienne contre les homosexuels qui, les assimilant à des contre-révolutionnaires (car le non-conformisme est poursuivi jusque dans les questions sexuelles) les condamne à la déportation pour cinq ans, avec renouvellement de peine s'ils ne se trouvent pas amendés par l'exil ? "
On a le droit et peut-être le devoir de penser que ces dispositions sont bien rigoureuses. Mais on ne peut pas sous-estimer le poids dont elles ont pesé, au trébuchet de M. Gide, et la mesure dans laquelle elles ont aidé à sa déception.
Passons. Au sens propre du mot, M. André Gide est un pauvre bougre. »
" Un pauvre bougre : André Gide " Le Merle blanc siffle et persifle le samedi, N° 140, 5 décembre 1936, page 1.

URANIEN, adj. et subs., URNIEN, adj.

« Apollonius. La connais-tu la Vénus uranienne, qui brille sous son arc d' étoiles ? T' a-t-on dit les mystères de l' Aphrodite prévoyante ? As-tu jamais palpé la poitrine sèche de la Vénus barbue, ou médité les colères d' Astarté furieuse ? N' aie souci, j' arracherai leurs voiles, je briserai leurs armures ; avec moi tu marcheras d' un pied robuste sur la crête de leurs temples, et nous atteindrons ensemble jusqu' à la mystérieuse et l' inaltérable, jusqu' à celle des maîtres, des héros et des purs, la Vénus apostrophienne, qui détourne les passions et tue la chair. »
Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine, 1849.

« C’est toute une révolution sociale que M. Marx [Heinrich Marx] propose. Il veut que la loi, après avoir créé le genre Urnien, garantisse à l’Urning un état social équivalent à celui de la jeune fille et de la femme […] il fonde une société pour la défense des intérêts Urniens. »
François Carlier, La Prostitution antiphysique, 1887.

Edward Carpenter, " L'amour homogénique et sa place dans une société libre ",
La société nouvelle, 1896



« L’auteur [Magnus Hirschfeld] connaît les milieux spéciaux d’uraniens qu’il décrit et consacre de nombreux passages aux réunions d’homosexuels, notamment au Club Lohengren, à la Société des monistes et à la société des Platoniques qui ont un caractère plus littéraire et aux cabarets fréquentés spécialement par des uraniens. […] Le conseiller, Dr Necke, évalue à plus de vingt le nombre des tavernes uraniennes à Berlin. […] C’est par certains propriétaires de locaux fréquentés par les uraniens, mais pas exclusivement par eux, que sont organisés, surtout durant le semestre d’hiver, ces grands bals d’uraniens qui tant par leur cachet spécial que par leur extension, constituent une spécialité de Berlin. »
« Les Homosexuels de Berlin – Le troisième sexe, par le Dr Magnus Hirschfeld », Revue de Droit pénal et de criminologie, 1908

Dans Corydon, IV, André Gide évoque les « périodes uraniennes » de l’histoire : « nullement des périodes de décadence »

Pierre Lièvre a parlé du « caractère uranien » de L’Immoraliste, et proclamé que lui était étrangère une « œuvre à tendance uranienne »
« André Gide », Le Divan, n° 131, juillet-août 1927.


URANISME

De l’allemand Uranismus, néologisme dû au magistrat K. H. Ulrichs, par référence à l’Aphrodite Ourania de Platon (Banquet, 180-181). Ulrichs fut suivi par Heinrich Marx, auteur en 1875 d’une brochure intitulée Urningsliebe [L’Amour de l’uraniste]. Les termes de cette famille sont associés à une réévaluation positive de l’homosexualité.

Marc Raffalovich a entendu par uranisme l’inversion sexuelle congénitale masculine (Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 55, 15  janvier 1895) ; il publia en 1896 l’ouvrage Uranisme et unisexualité.

"Le mot Adelphisme serait plus juste et moins médical d'aspect qu'Uranisme, malgré son exacte étymologie sidérale."
Alfred Jarry, Les Jours et les nuits, II, 1, 1897.

« Pour pouvoir juger l’uranisme il faut l’examiner – tout comme l’hétérosexualité – neutralement ; le considérer comme une expression de la sexualité. On oublie et on a toujours oublié que pour juger de la situation sociale de l’uraniste, une morale sexuelle préfixée doit fatalement induire en erreur.
La période d’indifférence sexuelle, aussi bien que le fait qu’un individu qui a toujours été hétérosexuel acquiert parfois, sous l’influence du milieu, des penchants homosexuels qui disparaissent aussitôt que les circonstances sont favorables à la manifestation hétérosexuelle, prouvent que l’uranisme n’est pas une anomalie. »
Dr A. Alétrino, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901.

Selon le principal contradicteur d’Alétrino, J. Crocq,

« L’uranisme n’existe pas sans désir charnel, mais il se complique fréquemment d’amour cérébral ; l’amour cérébral est même très souvent le point de départ de l’uranisme. Mais l’uranisme ne naît que le jour où le désir sexuel paraît. »
Dr J. Crocq, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901. Article reproduit dans le Journal de Neurologie, 1901, pp. 591-596, et dans le Bulletin de la Société de Médecine d’Anvers, août 1901, pp. 116-122.

Pour un autre participant, M. Ferri,

« L’uranisme est encore un symptôme de la crise sociale qui marque toujours la transition d’une époque à une autre et qui maintenant se manifeste par exemple dans la répulsion psychologique que plusieurs gens ont pour le mariage, lequel du reste pour certaines classes sociales ne peut s’effectuer pour des raisons économiques que longtemps après la puberté. L’uranisme n’est qu’un autre reflet de cette crise morale et sociale que nous traversons et dont il faut aider la société à sortir. »

Ce à quoi M. Steinmetz avait répondu en anthropologue :

À notre époque on parle beaucoup d’uranisme, de suite M. Ferri fait la généralisation : aux époques de crise l’uranisme fait des progrès. C’est une induction un peu rapide ! Certainement le savant italien n’avait pas présente à l’esprit la statistique ethnographique assez riche de M. R. Burton dans les notes de sa belle traduction des Mille et une Nuits [The Book of the Thousand Nights, 1886], que je pourrais enrichir beaucoup moi-même. L’uranisme se trouve chez des peuples primitifs d’Amérique, d’Asie et d’Afrique, chez les anciens Perses et chez les Afgans modernes. Rien n’indique que ces peuples se trouvent dans des crises sociales. »

Remy de Gourmont fit un grand usage de ce terme dans son article de 1907 :


Léon Bocquet, appréciation sur Georges Eekhoud :
« Georges Eekhoud est le poète épique de la paysannerie pail­larde et de la gouaperie des faubourgs, des plèbes attirées de corps et d'âme vers la terre et la boue. Il est le défenseur et l'admirateur des réfractaires et des révoltés. Son anarchisme éro­tique n'est point d'ailleurs complaisance délibérée aux perversités, ni dévergondage d'esprit calculé, mais bien plutôt un sensualisme impérieux et instinctif, analogue à celui des hétérodoxes et éroto­manes dont il a conté l'histoire dans ce livre admirable d'érudition folkloriste : Les Libertins d' Anvers. L'uranisme, sous sa plume, devient art et mysticisme. Il lui sera beaucoup pardonné parce qu'une large sincérité dicte ses audaces.  »
La Société nouvelle —  Revue internationale — Sociologie, arts, sciences, lettres, 19e année, janvier 1914.

Plusieurs textes avaient mis en œuvre une argumentation dont on retrouve une bonne part dans les quatre dialogues de Corydon. Dans ces dialogues, uranisme et uraniste sont fréquents ; la traduction américaine de Hugh Gibb les avait rendus par homosexual et homosexuality, modernisant ainsi considérablement le texte de Gide.

« Remarquez je vous prie que Schopenhauer et Platon ont compris qu'ils devaient, dans leurs théories, tenir compte de l'uranisme ; ils ne pouvaient faire autrement. Platon lui fait, même, la part si belle que je comprends que vous en soyez alarmé. » (Corydon, Deuxième dialogue, II)

« Je reconnais avec vous que, après tout, la question de l'uranisme n'a pas, en elle-même, une grande importance ; mais je crois qu'après lecture de mes Mémoires vous reconnaîtrez que, pour moi, elle put en avoir une capitale, et que, du même coup, vous vous expliquerez mieux ce besoin de justification qui vous gêne dans mes écrits. Car ce n'est pas le fait d'être uraniste qui importe, mais bien d'avoir établi sa vie, d'abord, comme si on ne l'était pas. C'est là ce qui contraint à la dissimulation, à la ruse, et... à l'art. » (André Gide, lettre à André Rouveyre, 22 novembre 1924).

« Il ne se faisait pas sur la pédérastie une idée bien précise, avait besoin d’explications. L’entretien fut atrocement pénible. Ce n'est pas seulement à l'uranisme que Charlie [Du Bos] ne comprenait rien ; c'est à la vie. »
André Gide, Ainsi soit-il, 1951.

Le Manuel alphabétique de psychiatrie contenait dans sa 5e édition (PUF, 1975) un article intitulé « INVERSION SEXUELLE (URANISME, SAPHISME » ; par « uranisme classique », le Dr Bardenat semblait entendre l’homosexualité masculine associée à l’efféminement. Pour d’autres médecins, uranisme désigne plutôt l’homosexualité masculine en général :

« Quant à l’homosexualité, qu’elle soit lesbianisme ou uranisme, source possible de liens affectifs respectables, elle n’obéit pas cependant aux règles biologiques les plus élémentaires. »
M. Nicoli & B. Cviklinski, « La sexologie traverse aujourd’hui une crise conceptuelle », Quotidien du médecin, 7 novembre 1978.

Le Grand Robert de 1985 définissait uranisme par « homosexualité masculine ; les éléments de congénitalité, d’hermaphrodisme somato-psychique selon Ulrichs et de revendication militante néo-platonicienne sont oubliés, dans une progression assez fréquente du sens particulier au sens général.

« Signalons que le terme d' "uranisme" désigne l'homosexualité masculine et que Gide semble l'utiliser comme synonyme d' "homosexualité masculine", alors qu'il est généralement employé pour des hommes refusant tout comportement et toute occupation virils et se conduisant comme des femmes. » (Alain Goulet, Les Corydon d'André Gide, Paris : Orizons, 2014, II, 2., page 100).


URANISTE

De l’allemand Urning, néologisme dû au magistrat K. H. Ulrichs, par référence à l’Aphrodite Ourania de Platon (Banquet, 180-181). Ulrichs fut suivi par Heinrich Marx, auteur en 1875 d’une brochure intitulée UrningsliebeL’Amour de l’uraniste. La transposition en français se fit avec la traduction de Moll :

« Il est probable qu’une modification des dispositions pénales aurait pour effet d’améliorer la situation sociale des uranistes. »
Les perversions de l’instinct génital, 1893.

« L’éducation de l’uraniste est un devoir ; ce sera bientôt une nécessité. Si nous nous appliquons à découvrir l’uraniste enfant et à le perfectionner et à l’améliorer, si nous lui facilitons la continence, la chasteté, le sérieux, les devoirs, nous nous trouverons en face d’une classe nouvelle, apte au célibat, au travail, à la religion – puisque la réalisation de leurs désirs n’est pas de ce monde. »
Raffalovich, « L’uranisme (inversion sexuelle congénitale) », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 55, 15  janvier 1895.

Pour le Dr Saint-Paul, uraniste était synonyme d’inverti congénital, conformément à la théorie du troisième sexe d’Ulrichs. Le mot a rapidement diffusé hors des milieux médicaux :

« M. Oscar Wilde est maintenant torturé pour avoir été un uraniste, un hellénique, un homosexuel, comme vous voudrez. »
Alfred Douglas, « Une introduction à mes poèmes, avec quelques considérations sur l’affaire Oscar Wilde », Revue Blanche, 15 juin 1896.

" Ce n'est pas le fait d'être uraniste qui importe, mais bien d'avoir établi sa vie, d'abord, comme si on ne l'était pas. C'est là ce qui contraint à la dissimulation, à la ruse, et... à l'art. " (André Gide, lettre à André Rouveyre, 22 novembre 1924).

Dans les milieux médicaux, le sens s’est dilué :

« Uraniste. Syn. Homosexuel. Nom sous lequel on désigne, en médecine légale, les individus qui présentent une inversion de l’instinct sexuel, bien que leurs organes génitaux soient normalement conformés. »
Garnier & Delamare, Dictionnaire des termes techniques de médecine, 1900.

Le mot a occupé une large place dans la grande polémique de 1901, lors du Congrès international d’anthropologie criminelle :

« Malgré les autres noms qu’on a essayé de faire adopter, celui de « Urning », gracieusement transformé par les Français en « Uraniste », s’est maintenu, et sert encore à désigner une classe déterminée d’hommes chez lesquels existe cette particularité que le sexe propre a plus d’attraction sur eux que le sexe opposé. En classant les hommes d’après leur manifestation sexuelle, les Uranistes forment une classe distincte. Il ne faut donc pas les confondre avec les sadistes, les masochistes, les nécrophiles, les fétichistes, les flagellants et les efféminés, qui tous sont des personnes présentant des anomalies sexuelles. […] En parlant ici d’Uranistes, j’ai avant tout en vue les hommes qui, comme hommes, se sentent attirés vers d’autres hommes, sans me demander si ces derniers se sentent plus, autant, ou un peu moins virils qu’eux. Par conséquent j’écarte tous les efféminés, aussi bien les efféminés proprement dits que que ceux qui le sont devenus par perversion, par l’influence de l’exemple ou par dépravation. »
Dr A. Alétrino, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901. André Gide lui aussi écartera les efféminés.

« Il y a entre l’attraction homosexuelle de l’homme normal et l’attraction homosexuelle de l’uraniste la différence qu’il y a entre la communion d’idées, l’amitié, l’affection même et le désir, la différence qu’il y a entre l’amour fraternel et l’amour conjugal. »
Dr J. Crocq, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901. Article reproduit dans le Journal de Neurologie, 1901, pp. 591-596, et dans le Bulletin de la Société de Médecine d’Anvers, août 1901, pages 116-122.

« Pour un médecin, un … uraniste est un malade. Pour un poète aussi délicat que le créateur de Michel, c’est un … convalescent. »
Rachilde, « L’Immoraliste, par André Gide », Mercure de France, n° 151, juillet 1902.

Dans les années 1904-1905, l’écrivain Raffalovich décrivit les « groupes uranistes à Paris et à Berlin », et même un « syndicat des uranistes ».

Archives d'anthropologie criminelle, 15 décembre 1904.



« L'uraniste est une variété normale de l'homo sapiens»
A. Alétrino, "Uranisme et dégénérescence", Archives d’Anthropologie Criminelle, 1908.


Dans Corydon, écrit entre 1909 et 1918, uranisme et uraniste sont employés fréquemment ; mais on ne les trouve pas chez Proust.

« Je ne prétends pas que tous les uranistes le soient [bien portants et virils] ; l'homosexualité, tout de même que l'hétérosexualité, a ses dégénérés, ses viciés et ses malades [...] mon livre traitera de l'uranisme bien portant ou, comme vous disiez tout à l'heure : de la pédérastie normale. » (Corydon, Premier dialogue, III)

« Calmez-vous ! calmez-vous ! votre uraniste est un grand inventeur. » (Corydon, Deuxième dialogue, I)

Robert de Saint Jean : « Dans ses romans [ceux de François Mauriac] aucun personnage important n'est uraniste ; à peine quelques silhouettes à peine esquissées çà et là. »
Passé pas mort, III " En revenant de la revue ", Paris : Grasset, 1983.

USAGE DES GARÇONS

« Un jeune abbé dissolu qui, pour s’égayer, avait parlé dans sa diatribe des filles de joie de Babylone, de l’usage des garçons, de l’inceste, et de la bestialité. »
Voltaire, La Défense de mon oncle [1767], Avertissement.

* * * * *

VAGIN MASCULIN
Alfred Delvau, Dictionnaire érotique moderne..., 1864.
Plaute, L'Imposteur, acte IV, scène 7 : " BALLION à HARPAX : La nuit, quand le militaire était de service, allais-tu avec lui ? son épée entrait-elle bien dans ton fourreau ? "

VAISSEAU

« La pédérastie est dans les habitudes des forçats. Au bagne, on appelle vaisseau le pédéraste et frégate son complice. »
Revue pénitenciaire et des institutions préventives, octobre-décembre 1846, page 493.

VARIANTE, VARIATION

Naecke, 1904, 1909 ; Sigmund Freud, vers 1924.

VAUTRIN

D’après le nom du personnage des romans d’Honoré de Balzac.

« Bichon : Petit jeune homme qui joue le rôle de Téhodore Calvi auprès de n’importe quels Vautrins. »
Alfred Delvau, 1866.

VÉNUS

« L’une et l’autre Vénus »
Lettre de Guez de Balzac sur Nicolas Vauquelin des Yveteaux (1567-1649) qui pratiquait « L’une et l’autre Vénus »
Sonnet de François Ogier à propos de Vauquelin des Yveteaux : « Un sérail qui comprend l’une et l’autre Vénus [...] des valets, mais infâmes. » (Réponse au sonnet XIII).

VÉNUS URANIE cf URANIE

VEUVES

« Allée des Veuves : guinguettes inféodées à la secte dominatrice des sodomites.
Veuve était, dans la langue imagée des sodomites, le synonyme de patient, avec le sens du mot latin patiens. »
Paul Lacroix (1808-1884), cité par Pisanus Fraxi [Henry Spencer Ashbee], Centuria librorum absconditorum, London, privately printed, 1879.

« Allée des Veuves, s ; f. : Avenue qui se trouve dans les Champs-Elysées. Ancien lieu de rendez-vous [parisien] de Messieurs et Mesdames les pédérastes. Aujourd’hui, ils et elles se rencontrent partout. »
J. Ch.x, Le Petit Citateur, 1881..

VICE À LA MODE

« L’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. »
Molière, Dom Juan, V, 2, Dom Juan à Sganarelle.

De Madame, princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV : « Quand on a raconté à Mme Cornuel la vie dévergondée des dames du faubourg (car on les appellent ainsi pace qu’elles habitent toutes au faubourg St Germain), elle a dit : "Mon Dieu, ne les blâmez pas, vous verrez que c’est une mission qu’on aura envoyée là, pour ramener les jeunes hommes du vice à la mode". Cette dame a maintenant 87 ans. »
Lettre à Sophie de Hanovre, 1er février 1693.

« Ce vice, qui s’appelait autrefois le beau vice, parce qu’il n’était affecté qu’aux grands seigneurs, aux gens d’esprit ou aux Adonis, est devenu si à la mode qu’il n’est pas aujourd’hui d’ordre de l’État depuis les ducs jusqu’aux laquais et au peuple qui n’en soit infecté. Le commissaire Foucault, mort depuis peu, était chargé de cette partie et montrait à ses amis un gros livre où étaient inscrits tous les noms de pédérastes notés à la police ; il prétendait qu’il y en avait à Paris presque autant que de filles, c’est-à-dire environ 40 000. »
Mémoires secrets …, 13 octobre 1783.

VICE DE NON-CONFORMITÉ

« […] un certain vice de non-conformité dont on l’accusait [Cambacérès]. Vice qui, du reste, est fort ancien en France. »
Aubriet, Vie de Cambacérès, 1824.

VICE GREC

« Pendant deux siècles [VIIe-VIe] nous avons vu les deux institutions qui forment le corps humain, l'orchestrique et la gymnastique, naître, se développer, se propager autour de leurs points de départ, se répandre dans tout le monde grec, fournir l'instrument de la guerre, la décoration du culte, l'ère de la chronologie, offrir la perfection corporelle comme principal but à la vie humaine, et pousser jusqu'au vice (1) l'admiration de la forme accomplie.
(1) Le vice grec, inconnu au temps d'Homère, commence, selon toutes les vraisemblances, avec l'institution des gymnases. Cf Becker, Chariclès (Excursus).
Hippolyte Taine, Philosophie de l'art en Grèce, Paris : Germer Baillière, 1869, III " Les institutions ", ii " La gymnastique ".  »

VICE ITALIEN

« À l’exemple de la plupart des jeunes Français, il [le comte de Guiche] avait compromis sa santé par la pratique du vice italien et particulièrement au service des plaisirs de Monsieur. Mais il m’a été assuré, d’autre part, que le duc de Nevers [neveu de Mazarin] avait été le premier à corrompre Monsieur [frère de Louis XIV], lequel était un prince d’une grande beauté. Aussi la reine-mère avait-elle éloigné Monsieur du duc de Nevers, que l’on accusait d’avoir importé en France la mode du vice italien
Primi Visconti, Mémoires sur la Cour de Louis XIV, 1908 [1673].

VICE PHILANDRIQUE

« mon éloignement extrême pour le vice philandrique [régnant dans l’école janséniste de Bicêtre]. »
Restif de la Bretonne, Monsieur Nicolas, seconde époque.

VICE SOCRATIQUE

" Les Anglais pratiquent, en grand, le vice socratique. "
Carrefour, 16 juin 1965.

VILLETTE

À cause de l’homosexualité supposée du marquis Charles Michel de Villette.(1736-1793).

« Mad. Durut : si j'étais un aussi joli garçon que vous, je ne me contenterais pas de tourner la tête aux femmes, je voudrais m'amuser encore à me faire lancer par tous les Villettes du Royaume. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 1ère partie, quatrième fragment, Lampsaque : 1793.
« […] jour de solennité le Jeudi, en l'honneur de Jupiter, le Villette de l’Olympe, comme tout le monde le sait. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 2e partie, premier fragment "L'Œil du maître", Lampsaque : 1793.

VIRER SA CUTI

Changer d’opinions en général, et spécialement « devenir homosexuel » (Grand Robert 1985), ou hétérosexuel.

Anciennement, on disait : changer de religion ou changer de côté. Noter la connotation homosexuelle de côté, repérée pendant la Révolution française ; connotation qui implique l'opposition droite/gauche.

VIRIL

En 1909, Guy Debrouze se proposait d’étudier

« les types infiniment variés de l’homosexuel, depuis l’ordinaire à caractères féminins prédominants, jusqu’au type supra-viril en qui s’essaye une formule supérieure du sexe . Entre ces deux extrêmes, qu’elle le veuille ou non, est comprise toute l’humanité. »
« Le préjugé contre les mœurs », Akadémos, n° 7, 15 juillet 1909.

" [...] le vieux Monsieur n'est pas du tout l'amant de Mme Swann, mais un pédéraste. C'est un caractère que je crois assez neuf, le pédéraste viril, épris de virilité, détestant les jeunes gens efféminés [...]."
Marcel Proust, Lettre à Gaston Gallimard, novembre 1912, Lettres à la NRF, Gallimard, 1932 (Cahiers Marcel Proust, n° 6).

VOILE ET VAPEUR

« Voile et vapeur : navigation entre les deux sexes. »
Delpal, Paris bleu tendre, 1972.

VOYAGE EN TERRE JAUNE

France-Inter, 29 avril 1999.


Lettre T

CHRONOLEXICOGRAPHIE

jeudi 4 janvier 2024

DFHM : Échappé de Sodome à exercice bulgare en passant par efféminé, Émile, en être, éphèbe, équivoque, Éros et évêque de Clogher


ÉCHAPPÉ DE SODOME

La dénotation homosexuelle de l’expression est évidente.

« rivales des échappés de Sodome »
Le Vol le plus haut, 1784.

ÉCUYER

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne, 1864.
Delvau cite Pétrone, Le Satyricon, XXIV

EFFÉMINÉ, adj. et subs.

Du latin effeminatus ;  voir Ces petits Grecs … Selon Furetière, « se dit d’un homme mol, voluptueux, qui est devenu semblable à la femme. Montaigne l’employa à propos d’Héliogabale, « le plus effeminé homme du monde, Heliogabalus », Essais, II, xiii, 607), mais aussi, plus surprenant, d’un père de famille que son fils appelait « lâche, efféminé, faiseur d’enfants » (II, viii, 390). L’ambiguïté du terme est en effet de désigner aussi bien celui qui fréquente trop les femmes que le partenaire supposé passif d’une relation masculine. La connotation homosexuelle est récente.

Agrippa d'Aubigné : « Le geste efféminé, l'œil d'un Sardanapale »
Les Tragiques (1616), II " Princes".

Adamantius, médecin juif de langue grecque converti au christianisme, La Physionomie, ou des indices que la nature a mis au corps humain..., Paris : Toussaint du Bray, 1635 (fin IVe siècle).
" La mollesse du corps pour le plus souvent est propre à un homme tout à fait efféminé " chapitre XVI.
" L'avoir aigue [la voix], molle, et fort distincte, est être mol et efféminé. " chapitre XXX.
De la façon d'un homme efféminé chapitre XL : " Un homme efféminé a le regard et humide et effronté : ses yeux vont et viennent de tous côtés ".
Divinations par les marques qui sont naturellement en divers endroits du corps humain : " l'avoir au fondement, c'est être efféminé ".

« De combien de mots masculins
A-t-on fait des mots féminins
[...]
Sans que l'abbé de Boisrobert
Ce premier chansonnier de France,
Favori de son éminence,
Cet admirable patelin,
Aimant le genre masculin,
S'opposât de tout son courage
À cet efféminé langage. »
Gilles Ménage, Requête des dictionnaires, 1649.

« Ce sont là des discours de pédérastes, il faudrait que j’eusse bien perdu l’esprit pour approcher ma bouche de celle d’un petit efféminé. »
Lucien, Dialogue de Junon et de Jupiter, traduction Perrot d’Ablancourt, 1654.

Dans la traduction de l’ouvrage de J. B. Porta sur la physionomie humaine, figurent un article intitulé L’efféminé ; dans l’article Le Timide, on lit cette paraphrase de Lactance (L’Ouvrage du dieu créateur) :

« Si dans le coït la semence de l’homme venant du côté droit tombe dans le côté gauche de la matrice de la femme, il naîtra un enfant mâle, mais il sera efféminé, vu que cette partie est destinée à la génération des femelles. »
La Physionomie humaine, 1655.

Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706 (rien en 1680) :


« On y voyait des hommes qui n’avaient point honte d’y prendre l’habillement des femmes, et de s’assujettir à toutes les occupations propres du sexe, d’où s’ensuivait une corruption qui ne peut s’exprimer. On a prétendu que cet usage venait de je ne sais quel principe de religion ; mais cette religion avait comme bien d’autres pris sa naissance dans la dépravation du cœur, ou si l’usage dont nous parlons avait commencé par l’esprit, il a fini par la chair ; ces efféminés ne se marient point, et s’abandonnent aux plus infâmes passions ; aussi sont-ils souverainement méprisés. »
F.-X. de Charlevoix (1682-1761, jésuite), Journal de voyage dans l’Amérique septentrionale, tome 6, juillet 1721 [édition 1744, pages 4-5].

« {…] ces Orientaux dont parle Julius Firmicus lesquels consacraient, les uns à la déesse de Phrygie, les autres à Vénus Uranie, des prêtres qui s’habillaient en femmes, qui affectaient d’avoir un visage efféminé, qui se fardaient. »
Joseph François Lafitau, Mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps, tome 1, 1724.

Au XVIIIe siècle, comme sous Henri III (voir l’entrée MIGNON), l’effémination a été associée à la richesse : « le superflu rend les hommes mous et efféminés » lit-on dans Le Législateur moderne (1739) attribué au marquis d’Argens.

« Les véritables crêtes annoncent souvent la vérole et l’infamie des Efféminés. […] Il arrive quelque chose de semblable aux Efféminés, lorsque, par leurs abominations, ils contractent à l’anus des ulcères malins.  ».
J. Astruc, Traité des maladies vénériennes, 1740.

En 1800, dans son Histoire naturelle du genre humain, J. J. Virey (1775-1846) évoquait encore les « riches efféminés », mais il commençait à envisager une autre cause, la chaleur du climat ; dans De la femme sous les rapports physiologique, moral et littéraire (1825), il a creusé la question :

« Jamais une femme masculine ne sera bien chérie d'un homme ; il croirait pécher avec elle comme avec son semblable, et il éprouve presque le même genre de répugnance. [...] L’homme trop efféminé a paru de tout temps exposé à un vice qui semble montrer pour lui le besoin de reprendre dans son sexe l’élément créateur qui lui manque. Ces retours des individus sur leur propre sexe, tout abominables et outrageux qu’ils soient pour la nature, se remarquent fréquemment sous les climats chauds […] La femme virile s’accommoderait mieux d’un efféminé avec lequel elle prendrait en quelque sorte le rôle masculin, que d’un homme dont la complexion trop mâle heurterait, pour ainsi parler, la sienne. »
Julien Joseph Virey, De la femme sous les rapports physiologique, moral et littéraire (Bruxelles : Aug. Wahlen, 1825, 1826), chapitre III, 3, " Considération sur les causes de l’amour entre chaque sexe ".

Pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, efféminement et passivité ont parfois été attribués aux homosexuels des milieux populaires. Par la suite, plus que le lien éventuel entre position sociale et orientation sexuelle, c’est la distinction des types homosexuels qui intéressera les auteurs.

«  Il [Chouard] a presque dis-huit ans et en paraît quatorze à peine. C’est presque un enfant, imberbe, d’une paleur mate, visage efféminé ; ses cheveux blonds cendrés sont divisés par une raie médiane ; il est vêtu d’un petit paletot gris à collet de velours, et sur le plastron de sa chemise s’étalent les bouts flottants d’une cravate bleue, signe distinctif ordinaire des éphèbes de barrière [faubourg]. »
« Affaire de Germiny », " Entrée des prévenus ", La Tribune - Journal républicain socialiste, n° 20, 25 décembre 1876.

« Il est pénible pour les patriotes d’acquérir la preuve que les hommes sur lesquels ils comptent pour défendre la Patrie ne sont que des efféminés ayant l’œil constamment braqué sur une autre trouée que celles des Vosges. »
« L’armée pédéraste », La Révolte, 5-11 décembre 1891.

« Les invertis ne se contentent pas du tout de la vieille explication [cabalistique] de l’âme féminine dans un corps masculin. Certains sont plus masculins que les hommes habituels, et se sentent portés vers leur propre sexe en raison de la ressemblance. Ils disent qu’ils méprisent trop les femmes pour être efféminés. […] On pourrait admettre (et ce serait une règle assez générale) que plus un unisexuel a de valeur morale, moins il est efféminé. »
Raffalovich, « Quelques observations sur l’inversion », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 50, 15 mars 1894.

« Le livre [d’Albrecht Moll] est très bien fait, – mais il me semble qu’il ne différencie pas assez ces deux classes : les efféminés et les "autres" : il les mélange incessamment et rien n’est plus différent, plus contraire – car l’un est l’opposé de l’autre – car pour cette psychophysiologie, ce qui n’attire pas repousse, et l’une de ces deux classes fait horreur à l’autre. »
André Gide, lettre à Eugène Rouart, 14 septembre 1894, citée par David H. Walker dans Le Ramier, Paris : Gallimard, 2002, page 64.

« Les rapports qui existent entre la véracité, le mensonge et la vie sexuelle sont étroits. Les efféminés sont menteurs à tous les degrés, depuis la perfidie minutieuse jusqu'à l'inconscience, jusqu'à une incontinence de faussetés. Ils observent mal et reproduisent mal ce qu'ils ont observé.[…] Si vous voulez un admirable portrait de l’inverti efféminé tel qu’on le rencontre dans les milieux mondains et artistiques où il a le loisir de se développer à son aise, lisez la description d’Adolphe par Benjamin Constant. »
Marc-André Raffalovich, Uranisme et unisexualité : étude sur différentes manifestations de l'instinct sexuel, Lyon : A. Storck ; Paris : Masson, 1896.


Ce point de vue, réaffirmé dans des articles ultérieurs, et notamment à l’occasion de la scission de l’organisation allemande W.H.K. en 1907 (« l’inverti intéressant n’est pas efféminé, au contraire ») rencontra l’assentiment du Dr Alétrino :

« En parlant ici d’Uranistes, j’ai avant tout en vue les hommes qui, comme hommes, se sentent attirés vers d’autres hommes, sans me demander si ces derniers se sentent plus, autant, ou un peu moins virils qu’eux. Par conséquent j’écarte tous les efféminés, aussi bien les efféminés proprement dits que que ceux qui le sont devenus par perversion, par l’influence de l’exemple ou par dépravation. […] La notion erronée que l’uraniste doit être assimilé au pédéraste, à l’efféminé et au dégénéré, ou qu’il est identique à ceux-ci, s’est maintenue jusqu’à ce que Marc André Raffalovich ait mis de l’ordre dans cette confusion par la publication de ses études sur l’uranisme. »
Dr A. Alétrino, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901.

" Depuis des mois l'efféminé Chargnieu épie la tristesse de Caradec. Il devine sa langueur et ses fringales. Il rôde, calin, autour de l'isolé. Mais celui-ci semble se méfier. Son instinct droit repousse les gestes caresseurs. "
Georges Lecomte, Les Cartons verts, Mardi gras, Paris, Charpentier, 1901.

Dans Corydon, Gide utilisa inverti dans le sens d’efféminé ; chez lui, l’opposition inverti/homosexuel correspond donc à l’opposition efféminé/inverti chez Raffalovich.

« Vous frayez (sans méchanceté, j'en suis sûr) le chemin à tous les méchants, en me traitant de " féminin ". De féminin à efféminé, il n'y a qu'un pas. Ceux qui m'ont servi de témoins en duel vous diront si j'ai la mollesse des efféminés »
Marcel Proust, lettre à Paul Souday, novembre 1920.

Le mot apparaît dans des annonces de rencontre pour exprimer les restrictions de l’annonceur :

« Efféminés, aventuriers, abstenez-vous. »
« Poilu bienvenu, efféminé s’abstenir. »
« Folles, vulgaires, barbus, efféminés et gros s’abstenir. »
« J’aime en fait tous styles sauf efféminés, flemmards, grognons, buveurs d’eau, qui peuvent s’abstenir. »
« Folles, SM, efféminés, barbus, s’abstenir. »
« S’abstenir : efféminé et maniéré, pas sérieux, jeune à lunettes. »
Gai Pied Hebdo et Samouraï Magazine, 1983-1988.

" Heures au London, affreuse nouvelle boîte pleine de moustachus latins efféminés, de la tendance qu'il était convenu jadis d'appeler ginette ".
Renaud Camus, Journal 1995, 2000.

« Les signes de piété comme la barbe pour les hommes, le voile pour les femmes, sont nécessaires dans un souci de ne pas confondre les sexes. Les hommes efféminés et les femmes d'aspect viril sont voués à la géhenne par l'islam. »
Cheikh Youcef [imam dans la banlieue d’Alger], cité par l’Agence France Presse (AFP), 22 décembre 2003.

EFFÉMINATION, EFFÉMINEMENT,

« Le cas d'une vieille femme maniérée comme était M. de Charlus, qui, à force de ne voir dans son imagination qu'un beau jeune homme, croit devenir lui-même beau jeune homme et trahit de plus en plus d'efféminement dans ses risibles affectations de virilité, ce cas rentre dans une loi qui s'applique bien au delà des seuls Charlus...  ». Marcel Proust, La Prisonnière, 1922.

« Cette théorie du " troisième sexe " ne saurait aucunement expliquer ce que l’on a coutume d’appeler " l’amour grec " : la pédérastie – qui ne comporte efféminement aucun, de part ni d’autre. »
André Gide, Corydon, collection Folio, 2001 [1924], page 8, note à la préface de novembre 1922.

Julien GREEN : « Il [le compositeur André David] m'a parlé d'une façon très intéressante de sa vie intime et déploré que le sujet qui nous intéresse soit si mal compris de presque tous. Par exemple ce fait si curieux que passivité ne veut pas nécessairement dire effémination, que l'effémination était justement dans l'autre camp ; que les hommes dits hommes à femmes devenaient de bien des façons pareils à des femmes. Sur tous ces points d'accord avec lui. Que de fois n'ai-je pas constaté dans toute l'Europe centrale et septentrionale que les passifs se recrutaient parmi les débardeurs, les athlètes, les marins, enfin les " costaux ". »
Toute ma vie Journal intégral ** 1940-1945, 7 octobre 1945, Paris : Bouquins éditions, 2021.


ÉGLISE INVISIBLE

 « Massignon était un fanatique et un obsédé, mais quelle classe!
    Sous le verre qui coiffait son bureau, de minces ossements : des reliques d'adolescents africains qui, après le passage d'un missionnaire plus qu'étourdi, avaient été brûlés vifs pour s'être refusés à un roitelet noir.
    Il allait prier sur place avec eux, pour eux, à telle date. Il faisait de même pour de nombreux membres de l'Église invisible, n'importe où dans le monde. Aux frais de qui ? J'ai toujours pensé qu'il faisait partie du contre-espionnage, comme on dit hypocritement en français. »
Pierre Leiris, Pour mémoire, José Corti, 2002.

EMBASICÈTE
Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne, 1864.
Delvau cite le Satyricon de Pétrone, chapitre XXIV.

ÉMIGRÉ DE GOMORRHE 

Lucien Rigaud :

Dictionnaire du jargon parisien — L'argot ancien et l'argot moderne,
Paris : Paul Ollendorff, 1878.



ÉMILE

« Nom donné aux pédérastes que précédemment l’on appelait Tantes (V. ce mot). Les Émiles étaient en société, à Paris, en 1864. Leurs statuts ont été imprimés. La police, avertie de ces réunions, y fit une descente et fit fermer un établissement de marchand de vins de la Barrière de l’École, où ils se réunissaient. De hauts fonctionnaires furent compromis. Une chanson fut faite à cette occasion. Les patients s’habillaient en femme pour recevoir leur Émile. » (Alfred Delvau, Dictionnaire érotique, 2e édition, 1866).

« La Société des Émiles », in Alfred Glatigny, La Sultane Rozréa, 1871.

Émile fut signalé par Lorédan Larchey, et par Aristide Bruant à l'entrée " pédéraste " de son Dictionnaire français-argot (Paris : Flammarion, 1905).

EMMANCHER, EMMANCHÉ

Au sens propre ou au sens figuré.

Signalé par Aristide Bruant à l'entrée " pédéraste " de son Dictionnaire français-argot.

« Dans tous les cas, on se fait emmancher. »
Mail lu sur la liste talk@attac.org , 17 juin 2005.

EMPALEUR, EMPALEUR DE GOMORRHE

« Que ces empaleurs de Gomorrhe
Ces bougres que mon cœur abhorre
Ces infâmes pêcheurs d’étrons
Ces soldats lâches et poltrons,
Qui dénués de toute audace
N’osent assaillir qu’une place,
Qui sans tour et sans parapet
Ne se défend qu’à coup de pets. »
Saint-Amant, Le Palais de la volupté, 1629.

« lâches empaleurs et chaussonneurs de culs »
Claude Le Petit, " Le bordel des muses " (1662), Œuvres libertines, éditées en 1909 par Frédéric Lachèvre.

EMPAPAOUTABLE, EMPAPAOUTAGE , EMPAPAOUTER

Henri Bauche enregistra empapaouter en 1920 (Le Langage populaire, Paris : Payot).

« Vive l'immense lamentation ! Elle attendrit tous les bons cœurs, elle fait tomber avec l'or toutes les murailles qui se présentent. Il rend tous ces cons goymes encore plus friables, nouilles, malléables, empapaoutables […] »
Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, 1937.

François Caradec donnait empapaouter = sodomiser.

« Mais pas question de s’empapaouter, hein ? Ni toi ni moi. On va pas se mettre à les singer [les hétéros]. Allons, viens, tout ce que tu veux sauf ça, d’accord ? »
Dominique Fernandez, L’Étoile rose, Paris : Grasset, 1978.

EMPÉTARDER, EMPÉTAUDAGE

« EMPÉTAUDAGE : sodomie. »
Évariste Nouguier, 1899-1900.

EMPÉTARDER dans Bruant, 1905.

EMPROSEUR

De prose, cul ; terme argotique relevé au XIXe siècle par Vidocq
Les Voleurs, 1837

et à la suite par Francisque Michel, Alfred Delvau, Jules Choux, Lorédan Larchey, Rigaud, Charles Virmaître et Bruant.

« Emproseur. Lesbien, dans l’argot des voleurs. »
Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte, 2e édition, 1883.

Virmaitre, 1894.


Cf rivancher en prose.

EN ÊTRE

  Dans Les Origines de la langue française (1650), Gille Ménage commençait ainsi son fameux article sur bougre :

« Bougre : je suis de l’avis […] ». Tallemant des Réaux rapporta la plaisanterie faite à ce sujet :

« Ah ! lui dit Bautru, vous en êtes donc aussi, et vous l’imprimez ! tenez : il y a, bien moulé : Bougre je suis. »
Historiettes, « M. de Bautru ».

  Ce serait donc Guillaume Bautru (1588-1669), réputé pour avoir aimé les hommes, qui aurait forgé ou fait connaître cette expression, révélatrice d’une certaine notion d’identité homosexuelle. Au début du XVIIIe siècle, l’expression était connue des policiers parisiens et de ceux qu’ils épiaient :

« Si tous n’en étaient pas, il s’en trouverait peut-être un. »
Rapport de police, septembre 1724, propos d'un dragueur optimiste.

« Dubois, grand-maître des eaux et forêts : en est.
L’Éveillé : passe pour en être.
Cadet : en est aussi. »
Le grand mémoire, 1725-1726.

« Entendant un des garçons du cabaret parler de la fouterie des hommes, il avait cru qu’il en était. »
Rapport de police, juin 1726. Encore un optimiste....

« En être à tout rompre » se rencontre parfois dans ces archives (années 1724 et 1736) ; voir Les Assemblées de la manchette.

L’expression s’est retrouvée dans les Confessions de Jean-Jacques Rousseau :

« Cette aventure me mit pour l’avenir à couvert des entreprises des Chevaliers de la manchette, et la vue des gens qui passaient pour en être, me rappelant l’air et les gestes de mon effroyable Maure, m’a toujours inspiré tant d’horreur, que j’avais peine à la cacher. »
1ère partie, livre II.

Au XIXe siècle, l’expression est entrée dans les dictionnaires d’argot.

« Être (en) – Aimer la pédérastie. »
François Vidocq, Les Voleurs, Physiologie de leurs mœurs et de leur langage, tome 1, page 132, Paris : chez l'auteur, 1837.

Pour Francisque Michel, en être, c’est « être des amateurs » ; pour Alfred Delvau, dans son Dictionnaire de la langue verte, « Faire partie de la corporation des non-conformistes. » Entrée aussi dans la presse à l’occasion d’un écho sur la mort du général Nicolas Changarnier :
« Les journaux réactionnaires continuent à tresser des couronnes au défunt général Bergamotte [ainsi surnommé à cause de son goût pour les parfums].
Aucun n’a rappelé ce mot de Lamoricière sur son ancien compagnon d’armes :
"En Afrique nous en étions tous ; mais lui il en est resté à Paris."
Honni soit qui mal y pense ! »
Le Ralliement, 23 février 1877 [repris deux jours plus tard par La Lanterne].

« Comme Bautru, et dans le même sens, on dit encore : Il en est. Sur ce terrain honteux, les synonymes pullulent ; ils prouvent la persistance d'un vice qui semble éprouver, dans les deux sexes, le besoin de se cacher à chaque instant derrière un nom nouveau. Nous rappellerons ici pour mémoire et sans les expliquer ailleurs, les mots : pédé, bique et bouc, coquine, pédéro, tante, tapette, corvette, frégate, jésus, persilleuse, honteuse, rivette, gosselin, emproseur, émile. »
Lorédan Larchey (1831-1902), Dictionnaire, 1881.

Aristide Bruant, À Biribi, 1891 :



« Voyons, Costi, il en est, ça saute aux yeux. »
Binet-Valmer, Lucien, I, xi, Paris : P. Ollendorff, 1910.


« À peine arrivés, les sodomistes quitteraient la ville pour ne pas avoir l’air d’en être. »
Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, I.
« La question n'est pas, comme pour Hamlet, d'être ou de ne pas être [William Shakespeare, Hamlet, III, 1], mais d'en être ou de ne pas en être. »
Id. ibid., II, ii.

« Quand il avait découvert qu’il " en était ", il avait cru par là apprendre que son goût, comme dit Saint-Simon, n’était pas celui des femmes.’
Marcel Proust, La Prisonnière.

L’ouvrage de Jean Cocteau, La Difficulté d’être, avait inspiré à André Du Dognon un article titré « La difficulté d’en être. » (Arcadie, n° 1, janvier 1954).

L’expression s’est maintenue longtemps dans le milieu homosexuel, indiquant le sentiment d’appartenir à une communauté ; ce que manifestait, a contrario, la réponse de Marcel Jouhandeau à André Baudry, lors de la création de la revue Arcadie :

« Aujourd’hui, les goûts qui sont devenus les miens, mais que je domine, sont tombés dans une telle promiscuité, une si odieuse vulgarité les entoure, une si dégradante ignominie les suit trop souvent que je ne suis plus du tout fier d’en être, presque j’en ai honte. »
NRF, mars 1954.

« Savez-vous ce qu'on dit de Zizi? On dit qu'il en est.
Ce jeune homme poli et si gentil. On dit qu'il en est.
Il est pourtant de bonne famille, avec de bonnes fréquentations,
Toujours des garçons, jamais de fille, alors pourquoi que les gens font ?

Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout!
Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout!
Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout!
Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout!

Ce garçon si drôle en travesti. On dit qu'il en est.
Ce fervent de la bicyclette. On dit qu'il en est. »
Fernandel, chanson « On dit qu’il en est », 1968.

« EN ÊTRE, ÊTRE COMME ÇA : expressions par lesquelles nous désignons ceux ou celles qui sont susceptibles d’aimer une personne de leur sexe. »
FHAR [Front homosexuel d'action révolutionnaire], Rapport contre la normalité, Paris : 1971.

« Si ma tante en avait on l’appellerait mon oncle, et si mon oncle en était on l’appellerait ma tante. »
Pierre Dac, Les Pensées, Paris : Éditions de Saint-Germain des Prés, 1972. Souvent cité de manière incomplète.

ENCLIN AUX FEMMES

« Naturellement enclin aux femmes, sale en propos, mais bon homme et qui avait de la vertu ».
Tallemant des Réaux, Historiettes, « Du Moustier ».

ENCORYDONNER

« (…] quelques blocs de siècles – Périclès, Élisabeth, Henri III, où force grands et petits seigneurs, paraît-il, s’encorydonnaient à lèvres que veux-tu. »
Léon Bazalgette, « À propos du "Corydon" d’André Gide », Europe, n° 20, 15 août 1924.

ENCROUPÉ

« Serge, s’écriait-il d’une voix entrecoupée, sens-tu bien l’instrument qui, non satisfait de t’avoir engendré, a également assumé la tâche de faire de toi un jeune homme parfait ? Souviens-toi, Sodome est un symbole civilisateur. L’homosexualité eût rendu les hommes semblables à des dieux et tous les malheurs découlèrent de ce désir que les sexes différents prétendent avoir l’un de l’autre. Il n’y a qu’un moyen aujourd’hui de sauver la malheureuse et sainte Russie, c’est que philopèdes, les hommes professent définitivement l’amour socratique pour les encroupés, tandis que les femmes iront au rocher de Leucade prendre des leçons de saphisme. »
Guillaume Apollinaire, Les onze mille verges, 1907, chapitre 5.

ENCULADE, ENCULAGE

« Si notre santé nous le permet, nous ne manquerons pas d'assister à vos enculages virils. »
Bordel apostolique institué par Pie VI, pape, en faveur du clergé de France, Paris : de l'imprimerie de l'abbé Grosier, ci-devant soit-disant jésuite, 1790. BnF cote Enfer 602.

« Regarde comme ils sont heureux tes "Français de race" d'avoir si bien reçu les Romains... d'avoir si bien tâté leur trique... si bien rampé sous les fourches... si bien orienté leurs miches... si bien avachi leurs endosses. Ils s'en congratulent encore à 18 siècles de distance !.. Toute la Sorbonne en jubile !... Ils en font tout leur bachot de cette merveilleuse enculade ! Ils reluisent rien qu'au souvenir !... d'avoir si bien pris leur pied... avec les centurions bourrus... d'avoir si bien pompé César... d'avoir avec le dur carcan, si étrangleur, si féroce, rampé jusqu'à Rome, entravés pire que les mulets, croulants sous les chaînes... sous les chariots d'armes... de s'être bien fait glavioter par la populace romaine... Ils s'esclaffent encore tout transis, tout émus de cette rétrospection... Ah! qu'on s'est parfaitement fait mettre!... Ah! la grosse ! énorme civilisation !... On a le cul crevé pour toujours... Ah ! mon popotas !... fiotas ! fiotum !... Ils s'en caressent encore l'oigne... de reconnaissance... éperdue... Ah! les tendres miches !... Dum tu déclamas !... Roma !... Rosa ! Rosa !... Tu pederum !... Rosa ! Rosa ! mon Cicéron ! »
Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, 1937.

ENCULÉ, subs.

Le participe passé enculé est devenu, comme substantif, une injure grave dans l’argot contemporain :

« Vos insultes là-dessus en disent plus qu’un long discours. Celle notamment dont les chauffeurs de taxis gratifient immanquablement, et presque toujours à tort, qui les gêne. Trois syllabes qui nous clouent au pilori en nous accusant de supporter ce que, me dit-on, il vous arrive de faire subir à vos femmes. »
Pierre Démeron, Lettre ouverte aux hétérosexuels, 1969.

« Il fait pas bon être pédé
Quand t’es entouré d’enculés. »
Renaud/Séchan, Petit pédé, 2002.

« Tu es Juif et homo ? Un enculé au bout coupé ? »
Message produit par PBA sur une liste de discussion d’Attac en septembre 2005.

ENCULER/ACCULER

Enculer est d’apparition légèrement ultérieure à sodomiser (1651).

« En vertu de tels édits,
Un honnête homme qui accule
Son page, sa chèvre ou sa mule
Ira droit en paradis. »
Epigramme sur la bulle de Sourdis, 1600.
[François d'Escoubleau (1570-1628), marquis de Sourdis, archevêque de Bordeaux (1591) et cardinal (le 3 mars 1598 ou 1599)]

« Imitons Henri [prince de Condé] ce bonhomme
Il nous donne des leçons ;
Car il n’encule ni n’enconne,
Si ce n’est la main des garçons
Et s’écrie en branlant la pique
Culs et cons je vous fais la nique. »
Recueil Maurepas, année 1666, BnF, mss fr  12639, tome 24, page 35.

« Il [Louis-Joseph de Vendôme] était sodomite. Mais il eût été à souhaiter qu’au lieu de bougre, l’auteur eût pu mettre bardache, car le grand plaisir de ce duc était de se faire enculer, et il se servait pour cela de valets et de paysans, faute de plus gentils ouvriers. On dit même que les paysans des environs de sa belle maison d’Anet se tenaient avec soin sur son chemin lorsqu’il allait à la chasse, parce qu’il les écartait souvent dans les bois pour se faire foutre et leur donnait à chacun une pistole pour le prix de leur travail»
Recueil Maurepas, année 1695, BnF, mss fr 12623, tome 8, p. 229. Commentaire du dernier vers d’une épigramme, « C’est le meilleur bougre du monde. »

« On ne voit que f[outre] couler !
Le beau Narcisse, pâle et blême,
Brûlant de se foutre lui-même,
Meurt en tâchant de s’en[culer]. »

Alexis Piron, Ode à Priape, vers 1710, dans Recueil de pièces choisies..., 1735, pages 17-22, sous le simple titre ODE.. Le marquis de Sade écrira (dans Juliette) une forte parodie de cette Ode.

Selon l'écrivain Honoré Bonhomme, Piron, né en 1689, avait 20 ans lorsqu’il composa cette ode.

« Au clair de la lune, dans un bosquet de Versailles, il plaisait à ces jeunes seigneurs qui sont presque tous nouvellement mariés de s’enculer assez publiquement. Le marquis de Rambure [quelques mots rayés] par toute la bande, et l’on dit qu’il en voulait à M. l’abbé de Clermont qui est de l’âge du Roi [Louis XV, alors âgé de 12 ans]. Il est à la Bastille et les autres sont exilés, l’un d’un côté, l’autre d’un autre. Tout cela, hors le duc de Retz, n’a guère plus de 20 ans. »
E. J. F. Barbier, Journal historique et anecdotique, août 1722, BnF, mss fr. 10285, folio 229 verso.

Le verbe se rencontre ensuite dans des poésies libres écrites vers 1730 et attribuées à Ferrand ou à Jean-Baptiste Rousseau :

« Lorsque les deux anges blondins
Aux sodomites apparurent,
Deux des plus nobles citadins
En rut après eux accoururent.
Les anges eurent beau voler,
Les bougres pour les enculer
À leurs dos si fort se lièrent,
Qu’emportés là-haut tout brandis,
En déchargeant ils s’écrièrent :
"ah ! nous sommes en Paradis !" »


Recueil de pièces choisies... 1735, page 153.

« Prenez garde à lui, c’est un serpent qui se glisse : il monte chez vous, veillez des yeux votre femme, ressserez vos filles, éloignez vos garçons ; bougre, bardache, fouteur, il est entré, vous êtes sorti, tâtez-vous le front, visitez votre femme, vos filles, vos fils, tout est foutu, tout est enculé ! »
[Gervaise de Latouche], Histoire de Dom B[ougre] portier des Chartreux, 1741, réédité en 1976.

Et dans le même texte :

« Il avait des yeux qui nous enculaient de cent pas, et dont le regard farouche ne s’attendrissait qu’à la vue d’un joli garçon, alors le bougre entrait en rut, il hénissait, sa passion pour le cas antiphysique était si bien établie qu’il était redoutable aux Savoyards mêmes. »

Cet auteur connaissait aussi le verbe parallèle enconner :

« Je me mis en devoir d’enconner ma charmante, et mon bougre de m’enculer. »

Ce verbe se retrouve sous la plume du marquis de Sade et dans les écrits satiriques de la période révolutionnaire.

« Vous tremblez de voir détruire votre société, d’être forcé à renoncer au doux plaisir d’enculer. Eh bien, Messieurs, prenez des moyens pour écarter un malheur dont la seule idée vous fait frémir. »
Anonyme, Délibération du conseil général des gougres et des bardaches, 1790.

« Je pourrais citer l’exemple de Socrate qui enculait Alcibiade au vu et au su de tout le monde, et cependant les femmes grecques étaient assez belles pour inspirer des désirs aux hommes, et les faire bander. »
Anonyme, Les Petits bougres au Manège, 1790.

Au XIXe siècle, enculer est signalé par les dictionnaires d’argot ; on le rencontre aussi dans la correspondance de Gustave Flaubert, dans des vers attribués à Théophile Gautier :

Flaubert : « Que dis-tu de ceci : des brigands grecs ont un jour une riotte [querelle] avec la gendarmerie. Ils s’emparent de l’officier et de trois gendarmes, les enculent à outrance et les renvoient ensuite sans leur avoir fait autre chose. Quelle ironie de l’ordre ! »
Lettre à Louis Bouilhet, 10 février 1851.

Gautier : « Que les chiens sont heureux !
Dans leur humeur badine,
Ils se sucent la pine,
Ils s’enculent entre eux !
Que les chiens sont heureux ! »
Cité par Alfred Delvau, Dictionnaire érotique, 2e édition, qui attribue ces vers au Parnasse satyrique.

Alfred Delvau : « ENCULER. Introduire son membre dans le cul d’une femme, lorsqu’on est sodomite, – ou d’un homme, lorsqu’on est pédéraste. » (Dictionnaire érotique moderne..., 1864 et 2e édition, 1874). 
Dictionnaire érotique moderne... 1864, Supplément.

Jules Choux : « Allez vous faire foutre ! Expression injurieuse qui ne peut convenir à aucun homme, fût-il dans le cas de se faire enculer. On le fait, c’est peut-être bon ; mais on n’aime pas à s’entendre dire qu’on le fait. » (Le Petit citateur, 1881)

« Par une porte entrouverte qui laissait voir dans le cabinet de travail du général, Mony aperçut son chef debout et en train d’enculer un petit garçon charmant. »
Apollinaire, Les Onze mille verges, chapitre 5, 1907.

À la fin du XIXe siècle, l’argot connaissait une profusion de synonymes signalés par Aristide Bruant à l'entrée " pédéraste " : « Avoir des rapports avec un pédéraste. L'empétarder, l'encaldosser, l'enfifrer, l'entaler, etc. Toutes ces expressions sont de la plus basse obscénité. » (Dictionnaire français-argot, Paris : Flammarion, 1905).

Le verbe figure évidemment dans la langue du romancier Louis-Ferdinand Céline, avec un assez grand nombre de variantes, dont engider.

« Triste sire. Allez vous faire enculer et n'en faites pas un fonds de commerce. Je vous méprise trop pour employer une formule de politesse. »
Lettre du sénateur RDSE François Abadie (1930-2001) à Sébastien Chenu, 19 juillet 2000.

ENCULERIE

Supercherie, chose méprisable, selon Wiktionnaire.

« Mais quelle enculerie ce genre de liens »
Fabien Gregh-Partenay, sur facebook, 31 décembre 2009.

ENCULEUR

« L’archevêque de Narbonne encule son enculeur. »
Anonyme, Bordel apostolique, 1790.

Un pamphlet contre-révolutionnaire, Les Petits bougres au Manège [1790], portait comme sous-titre : « Réponse de M. ***, Grand-maître des enculeurs, et de ses adhérents, à la requête des fouteuses, des maquerelles et des branleuses, demanderesses. »

« Du fils de dieu la voix horrible,
Tâche en vain de parler au cœur :
Un cul paraît, passe-t-il outre * ?
Non, je vois bander mon jean-foutre,
Et Dieu n’est plus qu’un enculeur.
[…]
D’enculeurs l’histoire fourmille,
On en rencontre à tout moment. »
* Celui de Jean-Baptiste, bardache aimé du fils de Marie. »
Marquis de Sade, Histoire de Juliette [1801], 4ème partie [parodie de l’Ode à Priape de Piron], in Œuvres, Paris : Gallimard, 1998, édition Michel Delon.

Le Dictionnaire érotique moderne (1864) d’Alfred Delvau donne
« ENCULEUR. Sodomite ou pédéraste, selon que sa pine s’adresse à un cul féminin ou à un cul masculin, ce qui, en somme, est toujours la même chose – et la même merde. »
puis explicite, purement et simplement, à l'entrée sodomite, la différence avec pédéraste :


« Le premier ne copule qu’avec les hommes, et le second avec l’un et l’autre sexe ; le pédéraste peut, d’enculeur, devenir enculé, tandis que le sodomite reste purement et simplement un enculeur. »

ENCULISME

« Il n'y a pas plus d'égoïsme en France qu'il n'y a d'individualisme. Il y a en France comme partout dans le monde esclavage et esclavage (et de l'enculisme à la rigueur, de plus en plus d'enculisme). On ne peut appeler méchant celui qui n'a pas les moyens d'être bon. On ne peut appeler égoïste celui qui n'a pas les moyens d'être généreux. »
Jean-Pierre Voyer, L’anti-bloc-notes de Louis-Henri Brulard, août 1996.

ENDAUFFER

Argot pour « sodomiser » ; apparu au XIXe siècle, on l’entend encore parfois de nos jours.

ENDROIT

De même que pour « devant/derrière », on a parfois eu recours à l’opposition endroit/envers pour signifier l’opposition entre deux goûts.

On observera que ces Jeudis sont à nous ce que sont les Indiens aux Européens. Ceux-ci font le diable noir, parce qu'ils sont blancs ; ceux-là le font blanc, parce qu'ils sont noirs. C'est ainsi que l'apostat vicomte appelle revers ce qui pour nous est l'endroit, et réciproquement. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 5e partie, " Passe pour ceux-ci ".

« AMOUR SOCRATIQUE. La pédérastie, que Socrate pratiquait si volontiers à l’endroit – je veux dire à l’envers d’Alcibiade. » Alfred Delvau, Dictionnaire érotique, 2e édition.

« Favorable au préservatif pour lutter contre l'épidémie du sida, l'abbé Pierre [Henri Grouès] était ainsi très ouvert sur le mariage et l'adoption par les couples homosexuels. Longtemps, son secrétaire fut d'ailleurs Jacques Perotti, curé et militant homosexuel qui fonda l'association des cathos gays David et Jonathan. L'abbé Pierre n'était pas de ceux qui pensent qu'on ne doit aimer qu'à l'endroit. Sur sa tombe, il souhaitait qu'on inscrive juste : "II a essayé d'aimer". »
Isabelle Monnin, « Les confessions scandaleuses », Le Nouvel Observateur, 25 janvier 2007.

ENFANT D'HONNEUR

« Si tu veux me servir deux jours d’enfant d’honneur.
Et sais-tu quel est cet usage ?
Il te le faut expliquer mieux.
Tu connais l’Echanson du Monarque des Dieux ?

Anselme.
Ganimède ?

Le More.
Celui-là même.
Prend que je sois Jupin le Monarque suprême,
Et que tu sois le Jouvenceau :
Tu n’es pas tout-à-fait si jeune ni si beau.

Anselme.
Ah Seigneur, vous raillez, c’est chose par trop sûre :
Regardez la vieillesse, et la magistrature.

Le More.
Moi railler ? point du tout.

Anselme.
Seigneur.

Le More.
Ne veux-tu point ?

Anselme.
Seigneur… Anselme ayant examiné ce point
Consent à la fin au mystère.
Maudit amour des dons, que ne fais-tu pas faire !
En Page incontinent son habit est changé :
Toque au lieu de chapeau, haut-de-chausse troussé.
La barbe seulement demeure au personnage.
L’enfant d’honneur Anselme, avec cet équipage,
Suit le More partout. »
La Fontaine, Contes, III (1671), xiii, « Le petit chien ».

« Bardache : jeune garçon dont les gens de mœurs levantines abusent. On disait enfant d’honneur. »
Hector France, Dictionnaire de la langue verte, 1907, réédition Nigel Gauvin, 1990.

Jean Genet :
« Enfant d’honneur si beau couronné de lilas !
Penche-toi sur mon lit, laisse ma queue qui monte
Frapper ta joue dorée. Écoute, il te raconte,
Ton amant l’assassin sa geste en mille éclats. »
Le Condamné à mort, 1942.

L’expression se rattache à la famille lexicale de : bras d’honneur, doigt d’honneur, honneur (sexe de l’homme, virginité de la femme), lieu d’honneur, trou d’honneur (glory hole),

Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706 (rien en 1680) :


ENFANT DE SODOME

"Que faisait Créquy dans Rome
De défendu par la loi ?
Il est enfant de Sodome
Et Romain de bonne foi.
Un réformé de Genève
N'eût pas reçu plus d'affronts.
Quoi, dans Rome comme en [place de] Grève,
Veut-on fronder les chaussons ?"
BnF, mss 673 (Tallemant des Réaux), folio 109 recto ; il s'agit de Charles, duc de Créquy, mort en 1687.

Pamphlet anonyme titré : Les Enfants de Sodome à l’Assemblée Nationale ou Députation de l’Ordre de la Manchette, en 1790 [BnF Enf 638]. Réédité en 2005 par Patrick Cardon.


« Mais pourquoi n’êtes-vous donc pas classé dans l’Almanach des enfants de Sodome ? »
Compère Mathieu, Suite des Pantins des Boulevards, 1791.

ENFIFRÉ

Non-conformiste, selon Delvau (Dictionnaire de la langue verte, supplément, 1883).

ENFOIRÉ, ENFOIRER

François Caradec donne enfoiré = homosexuel, et enfoirer = sodomiser.

ENFIGNEUR

Charles Virmaitre, Dictionnaire..., 1894 :






ENGANYMÈDER

Daterait du XVIe siècle d’après M/ de L’Aulnaye qui le définissait : « faire la sodomie » (Erotica verba, in Rabelais, Œuvres, 1820 ; mais ce verbe ne se trouve pas chez Rabelais)

« J’en connais d’assez peu sages
pour enganyméder leurs pages. »
Scarron, Poésies diverses, 1654.

« Enganyméder : Abuser honteusement d’un jeune garçon. Ce terme est de style burlesque. »
P. Richelet, Dictionnaire français, 1679-1680.

Dans ses notes sur Martial, Beau prenait soin de signaler ce verbe.

ENTRÉE DES ARTISTES

« ENTRÉE DES ARTISTES. Le cul, par allusion à la porte par laquelle entrent les acteurs et qui est ordinairement derrière la façade du théâtre et à l’opposite de celle par laquelle entre le public. » (Alfred Delvau, Dictionnaire érotique, 2e édition 1866).

« Les artistes entrent au théâtre par la porte de derrière. Quand un professionnel [un habitué] a des goûts antiphysiques il pénètre chez son Jésus par l’entrée des artistes (Argot du peuple) »
Charles Virmaître, Supplément, 1896.

ENVERS

« Pourceau le plus cher d’Épicure,
Qui, contre les lois de nature,
Tournez vos pages à l’envers,
Et qui, pris aux chaînes des vices
Vous plongez dedans leurs délices,
J’ai des limbes entendu vos vers. »
Sieur de Sigognes, Ode, in Cabinet satyrique ou Recueil parfait des vers piquants et gaillards de ce temps, 1618.

« AMOUR SOCRATIQUE. La pédérastie, que Socrate pratiquait si volontiers à l’endroit – je veux dire à l’envers d’Alcibiade. » Alfred Delvau, Dictionnaire érotique, 2e édition.

« Le monde de la pédérastie constitue au milieu de la société un monde à part, —  ajoutons et à l’envers, —  fermé, inaccessible au profane, qui a son histoire, son organisation, sa langue, son personnel, sa hiérarchie, son recrutement, son enseignement, ses traditions, ses modes, sa tenue, ses procédés, sa criminalité, sa solidarité et sa psychologie ; par où il est démontré que ce monde-là ne se refuse rien. »
J. Chevalier, " De l’inversion sexuelle aux points de vue clinique, anthropologique et médico-légal ", Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 31, 15 janvier 1891.

ÉPÉES DU CHEVET

« À la Cour [d'Henri IV], on ne parle que de duels, puteries et maquerelages ; le jeu et le blasphème y sont en crédit ; la sodomie - qui est l'abomination des abominations - y règne tellement qu'il y a presse à mettre la main aux braguettes ; les instruments desquelles ils appellent entre eux, par un vilain jargon, les épées du chevet. [...] Dieu nous a donné un prince tout dissemblable à Néron, c'est-à-dire bon, juste, vertueux et craignant Dieu, et lequel naturellement abhorre cette abomination. »
Pierre de l'Estoile, Mémoires-Journaux, tome IX, page 187, décembre 1608.

ÉPINE cf DÉLIT D'ÉPINE

ÉPHÈBE, ÉPHÉBIQUE

Le T.L.F. reconnaît à ce terme « une nuance d’ironie ou une idée d’homosexualité » ; on peut suivre cette dernière depuis le milieu du XIXe siècle :

« Un petit bonhomme gras et douteux, éphébique et féminin, avec sa tête d’Alsacienne, les cheveux blonds, en baguettes, tombant droit de la raie du milieu de sa tête, en redingote allemande de séminariste, dans l’ouverture de laquelle se flétrit un peu de lilas blanc, – tapette étrange et inquiétante. »
Edmond et Jules Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire de 1851 à 1896, Paris : Fasquelle/Flammarion, 1956, 4 mai 1865.

« On remplit le presbytère et l'église de jeunes et beaux garçons, ayant au moins quinze ans, n'en ayant pas plus de dix-huit, — enfants frais et roses, à la tournure molle, aux regards malins, aux voix féminines, aux lèvres épaisses et bien rouges, élèves ardents et disciples fidèles qui apprennent tout ce qu'on leur enseigne et n'oublient rien de ce qu'ils ont appris ; troupeau voué à la corruption par des calculs infâmes, d'où sortiront à vingt ans les jeunes prêtres à qui vous confierez vos femmes, les ignorantins à qui vous confierez vos enfants, ô pères de famille. Certes, la religion catholique est en progrès sur le paganisme. Celui-ci avait ses confréries de vierges ; – les catholiques y ont ajouté les maîtrises de jeunes éphèbes. »
Louis Baudier, L’Arlequin démocratique, Paris : Mme Veuve Millière, 1873, « Sur les genoux de l’Église », V.

« Il [Chouard] est vêtu d’un petit paletot gris à collet de velours, et sur le plastron de sa chemise s’étalent les bouts flottants d’une cravate bleue, signe distinctif ordinaire des éphèbes de barrière [de faubourg]. »
« Affaire de Germiny », La Tribune, 25 décembre 1876.

En avril 1877, une gazette judiciaire rendit ainsi compte d’une affaire d’outrage aux bonnes mœurs à Paris :

« On sait quelle était autrefois, sous le rapport des mœurs, la triste réputation de l’allée des Veuves [avenue Montaigne], aux Champs-Élysées. Depuis quelque temps, cette fâcheuse notoriété semblait transportée au passage Jouffroy [9e arrondissement], et la chronique s’alimentait des scènes scandaleuses qu’on disait s’y passer tous les soirs.
  On voyait, en effet, circuler là des sortes d’éphèbes, au visage efféminé, aux airs alanguis, adressant aux hommes des regards provocateurs, et, quand ils croyaient pouvoir le faire, joignant aux propos obscènes des gestes plus obscènes encore. »

À une enquête sur la crise de l’amour, Paul Verlaine répondit :
« Les philosophes grecs aimaient les belles formes. Leur cœur s’attachait de préférence aux nobles lignes que les beaux éphèbes déployaient dans les exercices du gymnase […] quelques esprits délicats de nos jours, heurtés par le côté bassement matériel de l’amour, par le prosaïsme des rapports journaliers, frappés de l’incomplet des formes féminines, du manque d’esthétique de leur amitié toujours peu sûre, ont jugé que la passion ordinaire ne pouvait jamais atteindre à ce haut point de désintéressement où se joue l’amitié entre hommes. L’amitié-passion, voilà le remède que vous cherchez. »
La Vie parisienne, 26 septembre 1891.

On a su par Jules Renard que :

« L ‘éphèbe Marsolleau va d’ami en ami. »
Journal, 23  décembre 1891.

« Des éphèbes de dix-sept ou dix-huit ans minaudent et font les 'folles' ».
Henry-Marx, Ryls, un amour hors-la-loi, Paris : Ollendorff, 1924.

« Par pédéraste, on entend généralement l’homme qui recherche les éphèbes pour leur beauté. Ainsi la pédérastie relève-t-elle de l’esthétique, pas du tout de la clinique. Le pédéraste n’a rien d’anormal a priori. »
Marcel Jouhandeau, Corydon résumé et augmenté, 1951.

« Tous ces rituels de foire aux éphèbes, de marché aux esclaves m'excitent énormément. La lumière est moche, la musique tape sur les nerfs, les shows sont sinistres et on pourrait juger qu'un tel spectacle, abominable d'un point de vue moral, est aussi d'une vulgarité repoussante. Mais il me plaît au-delà du raisonnable. »
Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie, Robert Laffont, 2005.

Parmi les dérivés, on rencontre éphébophile dans une traduction de Magnus Hirschfeld, éphébophilie dans des publications médicales, éphébérastie dû à Willy, éphébisme chez Jean Lorrain.

ÉQUIVOQUE, ÉQUIVOQUER

« Et Socrate, l’honneur de la profane Grèce,
Qu’était-il en effet, de près examiné,
Qu’un mortel, par lui-même au seul mal entraîné ;
Et malgré la vertu dont il faisait parade,
Très équivoque ami du jeune Alcibiade. »
Boileau, Satires, XII [1706].

Pierre Daniel Huet (sur l'humaniste italien Ange Politien) : « Je ne dis rien de ses mœurs, et de sa religion. Il a eu sur cela une réputation fort équivoque, et ce défaut qui est capital, a obscurci toutes ses autres vertus ; d'autant plus que son caractère de Prêtre, et son emploi de Chanoine, requéraient une vie réglée, et des mœurs exemplaires. »
Huetiana, ou pensées diverses de M. Huet, VII, publié par l'abbé Pierre-Joseph d'Olivet (1682-1768).
Paris : J. Estienne, 1722.

« L’Univers sait que l’équivoque marquis de Villette est le président perpétuel du formidable district des citoyens rétroactifs, partant zélé partisan de la Constitution où tout est sens devant derrière. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 1793, 1ère partie, « À bon chat : bon rat ».

« […] chansons d’amour arabes qui rappellent aux commerçants l’équivoque classique de l’églogue de Corydon. » (Virgile, Églogues, II).
Gérard de Nerval, Voyage en Orient, " Les femmes du Caire ".

« La conversation tourne, se retourne et va à M. de Custine. On équivoque. L’allusion joue. La pédérastie flotte sous la plaisanterie. »
Edmond et Jules Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire de 1851 à 1896, Paris : Fasquelle/Flammarion, 1956, 31 décembre 1862.

Eugène Gilbert, appréciations sur Georges Eekhoud, 
« Il déconcerte, et parfois même il blesse, par ses crudités de style et d'images, par son intransigeance têtue et quelquefois tendancieuse, par ses jugements préconçus et trop généralisés, et, enfin, par le choix équivoque de certains sujets dont le bon goût littéraire même est atteint. »
La Société nouvelle —  Revue internationale — Sociologie, arts, sciences, lettres, 19e année, décembre 1913 (numéro spécial consacré à Georges Eekhoud).

ÉROS

Robert Flacelière, ancien directeur de l'École normale supérieure : " Pour les Grecs, Éros préside en premier lieu à l'attachement passionné d'un homme pour un garçon, et Aphrodite aux relations sexuelles d'un homme avec une femme. " (L'Amour en Grèce, Paris : Hachette, 1960, chapitre II).

Paru en 1970 :
CE QU’EN DIT L’ÉDITEUR :
Depuis des siècles de civilisation chrétienne, l’homosexualité relève du “péché muet” on ne brûlait pas seulement les condamnés, mais les pièces du procès. Aujourd’hui encore elle est tenue pour perversion, maladie ou “bizarrerie” par les “normaux”. Mais comment se fait-il que cette perversion ait été pratiquée dans tout le monde antique et même parfois honorée, érigée en règle de morale ? La biologie, l’histoire, la psychanalyse ont tenté des explications diverses. Chacune est intéressante ; aucune ne satisfait. Au prix d’un long travail qui passe de l’enquête journalistique à la documentation de l’érudit, Françoise d’Eaubonne propose une réponse originale.

Paru en 1980 :

Selon le pape Benoît XVI : « L'Ancien Testament grec utilise deux fois seulement le mot eros, tandis que le Nouveau Testament ne l'utilise jamais : des trois mots grecs relatifs à l’amour – eros, philia (amour d’amitié) et agapè – les écrits néotestamentaires privilégient le dernier, qui dans la langue grecque était plutôt marginal. En ce qui concerne l'amour d'amitié (philia), il est repris et approfondi dans l’Évangile de Jean pour exprimer le rapport entre Jésus et ses disciples. La mise de côté du mot eros, ainsi que la nouvelle vision de l’amour qui s’exprime à travers le mot agapè, dénotent sans aucun doute quelque chose d’essentiel dans la nouveauté du christianisme concernant précisément la compréhension de l’amour. Dans la critique du christianisme, qui s’est développée avec une radicalité grandissante à partir de la philosophie des Lumières, cette nouveauté a été considérée d’une manière absolument négative. Selon Friedrich Nietzsche, le christianisme aurait donné du venin à boire à l’eros qui, si en vérité il n’en est pas mort, en serait venu à dégénérer en vice [Jenseits von Gut und Böse, IV, § 168 ( Par delà le bien et le mal)]. » Deus caritas est, § 3, 25 décembre 2005.

ÉROTISME D'EN FACE

Raymond de Becker, L'Érotisme d'en face, Pauvert, 1964. Bibliothèque Internationale d'Erotologie, n° 12.

ÉTRANGE

"Je n'ai eu pour régent que des écoliers écossais, et vous des docteurs jésuites [...] Vous m'avisez du mal que donnent les garces : priez Dieu que les chirurgiens ne découvrent jamais la cause qui vous fit éviter celui-là pour vous en donner un pire. On dit que vous êtes un étrange mâle : je l'entends au rebours, et je ne m'étonne pas si vous êtes si médisant contre les dames."
Lettre de Théophile de Viau à Guez de Balzac, 1626, in F. Lachèvre, Le Procès de Théophile de Viau, Bibliothèque des Curieux, 1909.

ÊTRE DE LA CONFRÉRIE, DE LA CORPORATION, DE LA PROCESSION, DU BÂTIMENT

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.

« Être de la procession. Être du métier. On dit aussi En être. »
Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte, 2e édition, 1883.

Être du bâtiment : dans le film français Pédale douce (Gabriel Aghion, 1996).

Au XVIIIe siècle : être de la clique, ou du commerce infâme ; au XIXe : être de la corporation, de la Garde Nationale,
Alfred Delvau, Dictionnaire érotique moderne..., 1964.

Pour Charles Virmaitre, " GARDE NATIONALE (En être) : Femme pour femmes (Argot des filles). " (1894).

Être de la procession ; au XXe : être de la pédale, de la jaquette flottante, de la corporation, en être une.

ÊTRE POUR HOMMES, ÊTRE POUR LES HOMMES

Expression donnée par Alfred Delvau comme signifiant « être pédéraste » (Dictionnaire érotique moderne, 1864). Henri Bauche l’a signalée en 1920, l’expliquant par « aimer les hommes (sodomie) ».

« Dans ce café bondé d’imbéciles, nous deux,
Seuls, nous representions le soi-disant hideux
Vice d’être "pour hommes" et sans qu’ils s’en doutassent
Nous encaguions ces cons avec leur air bonasse,
Leurs normales amours et leur morale en toc. »
Paul Verlaine, Hombres, XII [1891].

« [Gertrude] : Si monsieur Lucien était pour les hommes, est-ce qu’il courtiserait cette gentille demoiselle qui vient de me donner encore un louis à propos de rien ?’
Binet-Valmer, Lucien, III, ii, Paris : P. Ollendorff, 1910.

EUNUQUE

Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706 :

En 1680, seulement ceci :


ÉVÊQUE DE CLOGHER

Cette expression tire son origine d’un fait divers londonien, le 19 juillet 1822 ; Percy Jocely, évêque de clogher, fut surpris en compagnie d’un soldat dans la back room d’un pub, dans Haymarket ; arrêté puis relâché, il se serait réfugié à Ostende, puis en France et enfin en Écosse où il aurait fini ses jours le 2 décembre 1843.

Stendhal mentionna un récit de voyage en Angleterre écrit par le marquis de Custine, ajoutant :

« On dit l’auteur a member of the clergy of the R[ight] R[everend] bishop of  Klogher. »
Lettre à Sutton Sharpe, 10 janvier 1830.

Dans des notes manuscrites pour Lucien Lewen, Stendhal indiquait :

« Milord Link est un évêque de Clogher, mais ne pas le dire. »
« Lord Link = évêque de Clogher. Mais cela ne peut pas se dire. ».
« – Modèle : marquis Courtenay de Draveil. »
Chapitre 31.

Il est encore question de l’amour de l’évêque de Clogher dans le chapitre XXXI de La Vie de Henri Brûlard :

« Benoît, bon enfant qui se croyait sincèrement un Platon parce que le médecin Clapier lui avait enseigné l’ amour (de l’évêque de Clogher). »
Tome second, Paris: Honoré et Édouard champion, 1913.


Cette expression eut un correspondant en anglais avec the crime of Clogherism (William Benbow, The Crimes of the clergy, 1823).

Étudiant l’homosexualité « intérieure et virtuelle » de Stendhal, Philippe Berthier donna comme titre à son article : « Portrait de Stendhal en évêque de Clogher » (Stendhal Club, 15 janvier 1983).

EXCÈS CONTRAIRE

«  Les Lacédémoniens [Spartiates] furent de tous les Grecs ceux qui se livrèrent le moins à l’amour contre nature ; ils donnèrent peut-être même dans l’excès contraire, car Aristote leur reproche d’avoir laissé prendre trop d’empire à leurs femmes. »
Étienne. Clavier, Histoire des premiers temps de la Grèce, 1809.

EXERCER, EXERCICE, EXERCICE À LA BULGARE, EXERCICE BULGARE

Le sens homosexuel d’exercer remonte au latin de Sénèque le Jeune : marem exerceo, j’exerce sur un mâle, dit Hostius Quadra dans les Questions naturelles (I, xvi, 7)

« Ils [les jésuites] seront charmés d’avoir un capitaine qui fasse l’ exercice à la bulgare […] Quel plaisir auront Los Padres quand ils sauront qu’il leur vient un capitaine qui sait l’exercice bulgare. »
Voltaire, Candide, ou l’Optimisme, XIV.

« J’ai vu tout récemment un grand notaire en lunettes, qui est é….. et jésuite, faisant faire l’exercice à un petit bonhomme en casquette. »
Fournier-Verneuil, Paris, Tableau moral et philosophique, 1826.

« [Alphonse] Daudet remémore le cynisme de la parole de Rimbaud, jetée tout haut en plein café et disant de Verlaine : "Qu’il se satisfasse sur moi, très bien ! Mais ne veut-il pas que j’exerce sur lui ? Non, non, il est vraiment trop sale et a la peau trop dégoûtante !" »
Journal des Goncourt, 8 février 1891.


Lettre F