jeudi 14 juillet 2016

PROCÈS DE SODOMIE EN FRANCE suivi de LA MÉTHODE FLANDRIN


TABLE D'AUTEURS ANCIENS


A / Michel FOUCAULT
B / Canon 8 du Concile de Naplouse
C / XIVe SIÈCLE : huit procès
D / XVe : sept procès
E / XVIe : quinze procès
F / XVIIe : vingt-quatre procès
G / XVIIIe : dix-sept procès


A / Michel FOUCAULT :

  « La société dans laquelle nous vivons limite considérablement la liberté sexuelle. Bien sûr, en Europe, depuis 1726 [exécution de Deschauffours à Paris], on n’exécute plus d’homosexuels (1), mais le tabou sur l’homosexualité n’en reste pas moins tenace. Si j’ai pris l’exemple de l’homosexualité dans la société européenne, c’est parce que c’est le tabou le plus répandu et le plus ancré. Ce tabou de l’homosexualité influe, du moins indirectement, sur le caractère d’un individu ; par exemple il exclut chez lui la possibilité d’un certain type d’expression langagière, il lui refuse une reconnaissance sociale et il lui confère la conscience du péché, d’emblée, en ce qui concerne les pratiques homosexuelles. Le tabou de l’homosexualité, sans aller jusqu’à l’exécution d’homosexuels, pèse lourdement non seulement sur les pratiques des homosexuels, mais sur tous, si bien que même l’hétérosexualité n’échappe pas à l’influence de ce tabou, sous une certaine forme. »
« Folie, littérature, société », Bungei, n° 12, décembre 1970 [traduit du japonais par R. Nakamura].

1. En fait, il y eut encore deux exécutions à Paris en 1750, et une en 1783, comme on verra ci-dessous (ce que j'avais porté à la connaissance de Michel Foucault), et des exécutions en Grande-Bretagne pendant le premier tiers du XIXe siècle.


B / En l'an 1120, le canon 8 du Concile de Naplouse (Cisjordanie actuelle)

décide que l'adulte sodomite doit être brûlé, l'actif comme le passif (ce qui confirme la connotation homosexuelle du terme "sodomie", connotation qui a présidé à la sélection des procès évoqués ci-dessous). Selon le canon 9, l'enfant coupable doit faire pénitence. J.D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, Florence, XXI, colonne 264. 

Vers 1270, le chapitre 90 des Établissements de Saint Louis disposait : "Si quelqu'un est soupçonné de bougrerie, la justice doit le prendre et l'envoyer à l'évêque ; et s'il en était convaincu, on devrait le brûler ; et tous ses [biens] meubles sont au baron." Juste après, venait des dispositions contre les hérétiques.

Vers 1285, Philippe de Beaumanoir, jurisconsulte, associait aussi les crimes d'hérésie et de sodomie : "Qui erre contre la foi, comme en mécréance, de la quelle il ne veut venir à voie de vérité, ou qui fait sodomiterie, il doit être brûlé (Les Coutumes de Beauvaisis, édition par Thaumas de La Thaumassière, 1690, page 149).

On voit donc que c'est seulement à la fin du Moyen-Âge qu'intervient cette répression qui culmine au XVIIe siècle. Sur cette question comme sur d'autres, le Moyen-Âge dans son ensemble a souvent été accusé à tort.
Thierry Revol : « Il semble bien que l'imposant dispositif législatif mis en place et les discours violemment répressifs aient eu des effets assez limités dans la réalité. Maurice Lever rappelle que " sur les 73 procès en sodomie recensés par Claude Courouve en France, 38 seulement ont donné lieu à des exécutions effectives ", sans compter les tortures infligées, les peines de bannissement, de galère, de prison, etc. Ces 38 exécutions, entre 1317 et 1789, paraissent bien peu, d'autant que certains accusés étaient aussi condamnés pour des viols, des rapts ou des meurtres. » (article " Théologie ", in Louis-Georges Tin, dir. Dictionnaire de l'homophobie, Paris : PUF, 2003, page 399).

C / XIVe SIÈCLE : huit procès (sur 71) :

Les Templiers, 1307-08 : mais la sodomie n' est pas seule en cause.
Robert de Péronne, dit de Bray, 1317: brûlé.

Arnaud de Vernioles, Pamiers 1323-24 : réclusion à perpétuité dans un monastère. Mentionné par Emmanuel Le Roy Ladurie dans Montaillou, village occitan ..., chapitre " Le geste et le sexe ".

Me Raymond Durant, procureur, 1333 : détention, réussit à s' échapper; il y avait eu contrainte sur ses deux valets. M. Langlois et Y. Lanhers, Confessions et jugements de criminels au Parlement de Paris (1319-1350), Paris : Archives Nationales, 1971.

Pierre Porrier, 1334 : brûlé.
Guillaume Belleti, 135I : amende.
Remion, Reims 1372: brûlé. Bibliothèque de l’Arsenal, Archives de la Bastille, mss. 10254.
Pierre de Cierges, Reims 1372, acquitté. Bibliothèque de l’Arsenal, Archives de la Bastille, mss. 10254.


D / XVe SIÈCLE : sept procès (sur 71)

Jacques Purgatoire, Bourges 1435: brûlé. Jean Chartier, Chronique de Charles VII.
Gilles de Rais, 1440 brûlé, mais aussi très nombreux meurtres d'enfants,
Cunrat de Bruchsal, 1443: banni.
Gilles de Nevers et un autre, Lille 1457: brûlés. Jacques Duclerc (1420 - vers 1468), Mémoires de Montrelet, III, 31.
Deux hommes, Saint-Omer [Pas-de-Calais actuel], vers 1458: brûlés. Jacques Duclerc, III, 31.


E / XVI SIÈCLE : quinze procès (sur 71) :

Jean Moret, 1519 : brûlé.
Un juge, 1520-1523: mort.
Un Italien, 1533 : brûlé.
Antoine Mellin, 1534 : condamné à mort,
Benoit Gréalou, prêtre, Cahors 1536 : mort.
Nicolas Ferry, 1540 : brûlé ou banni,
Marc Antoine Muret, Toulouse 1554 : brûlé en effigie, en fuite.
Memmius Frémiot, étudiant, Toulouse 1554: brûlé en effigie, en fuite.
Un Italien, 1584: brûlé vif.
Nicolas Dadon, régent de collège, 1586 : pendu :
« Le premier de février, Jean Dadon, » 
Pierre de L'Estoile, Journal du règne de Henri III, 1586. Édition Pierre Gosse, La Haye, 1744.



Richard Renvoisy, prêtre et musicien, Dijon 1586 : brûlé
Antony Bacon, noble anglais, 1586-87: acquitté. Archives départementales du Tarn et Garonne, E. 1537, f° 177, novembre 1587 :
M. Bacon gentilhomme anglais caressait Isaac Burgades son page et demeurait enfermé souvent dans une salle de son logis [...] la sodomie n'était point trouvée mauvaise car M. de Bèze ministre de Genève et M. Constant ministre de Montauban en avaient usé et la trouvaient bonne [...] Bacon lui avait assuré que ce n'était point mal fait d'être bougre et sodomite. »
Deux hommes, 1596: brûlés.
Ruffin Fortias, 1598 : brûlé.


F / XVII SIÈCLE : vingt-quatre procès (sur 71) :

Jean-Imbert Brunet, prêtre, Ollioules (Var actuel), 1601 : brûlé. Sur cette affaire :
L'ouvrage " Histoire véritable... " n'est qu'un texte polémique (une « fable » disait le mémorialiste Pierre de L’Estoile) contre les Jésuites. S’il est exact qu’il ne s’était rien passé à Anvers, un prêtre d’Ollioules (Var actuel) fut exécuté pour sodomie à Aix-en-Provence le 9 avril 1601.Jean Imbert Brunet, prêtre du lieu d'Ollioules [Var actuel], prévenu de « sodomie abominable commise à la personne de Gabriel Maistral âgé de cinq ans », fut condamné en 1599 par la justice ecclésiastique à la réclusion dans un monastère ; puis, réclamé par la justice civile qui fait prévaloir sa compétence sur celle de l'Official [juge ecclésiastique], il fut condamné à mort, à être brûlé, en avril 1601 ; peine exécutée malgré les efforts de l'archevêque d'Aix-en-Provence pour le sauver, en ayant refusé de le dégrader (*) avant l'exécution. (mss 1787, fonds Peiresc, de la Bibliothèque Inguibertine de Carpentras ; consulté).
*. Il était alors interdit d'exécuter un prêtre non préalablement dégradé par son Église. Voir plus loin " La méthode Flandrin ".
François Beaupled, 1611: brûlé ; il y avait eu violences.
Gervais Liénard, 1612 : brûlé ; il y avait violence sur enfant.
Toussaint Bédier, 1623: pendu; violences.
Jean Perier, 1624: brûlé; aussi bestialité.
Léonard Le Riche, 1624: remis en liberté.
Léonard Moreuil 1633 : brûlé
Michel Morgaron 1633: deux ans de correction dans une maison de force.
Félix Simon, 1650 : accusé aussi d empoisonnement; brûlé.

Jacques Chausson, Paris 1661: aussi violences sur enfants et rapt ; brûlé.
Fougeret de Montbron, parodiant la Henriade de Voltaire, composa ces
vers sur Henri III :
« Sauf son respect le Nicodème
Roupillait sous son diadème,
Tandis que régnaient en son nom
Quatre précurseurs de Chausson ;
Car il était, dit la Chronique,
Sujet au vice antiphysique. »
Henriade travestie, Berlin, 1745. Un nommé Chausson fut exécuté avec
son "complice" Fabry en 1661 ; ils étaient aussi accusés de proxénétisme de
jeunes garçons et de blasphème.

Un peu plus loin dans cette Henriade travestie, l'auteur disait de Joyeuse, mignon d'Henri III :

« fort joli garçon, quoiqu'un peu puant le Chausson. 

Voltaire fit ces vers contre l'abbé Desfontaines :
« La Nature fuit et s'offense
À l'aspect de ce vieux giton ;
Il a la rage de Zoïle,
De Gacon l'esprit et le style,
Et l'âme impure de Chausson. »
Ode VI, sur l'ingratitude, 1736.

« Chausson, fameux partisan d'Alcibiade, de Jules César, de Giton, de Desfontaines, de l'âne littéraire [Fréron], brûlé chez les Welches [Français] au XVIIe siècle. » Voltaire, note à La Guerre civile de Genève, 1768. 

Jacques Paulmier, Paris 1661 : aussi violences sur enfants et rapt ; brûlé.
Mauger, étudiant, 1661: six mois de détention.

Antoine Mazouer, 1666 : brûlé.
Emery Ange Dugaton, 1666 : brûlé,
Claude Fabre, 1667 : pendu.
Isaac Dutremble, 1667: deux mois de détention.
Antoine Bouquet, 1671: brûlé vif.
Salomon Peresson, 1677 : brûlé
Julien Pessinelle, 1677 : condamné au feu, en fuite,
Philippe Bouvet de la Contamine, 1677 : aussi accusé de violences; pendu.
Maurice Violain, 1678 : aussi violences; brûlé.
Lambert Trippodière, 1678 : aussi violences; en fuite, condamné au feu.
Honoré Pandelle, 1678 : en fuite, condamné au feu.
René du Tertre, 1680 : violences sur son fils ; brûlé.


G / XVIII SIÈCLE : dix-sept procès (sur 71) :

Antoine Chassang, prêtre, 1700: six mois de détention; il y avait eu violence.
Neel, 1701 : mis à la Bastille.
La Guillaumie, 1701 : mis à Charenton.
Toussaint Pellien, 1714 : pendu.
Nicolas Fougny, 1715 : galères à perpétuité.
Philippe Basse, 1720 : brûlé vif.
Bernard Mocmanesse, 1720 : brûlé vif. 
Benjamin Deschauffours, Paris 1725-26 aussi accusé de meurtre et violences ; brûlé. Cf BnF, mss fr 10 969 et 10 970, « Procès faits à divers sodomites jugés au Parlement de Paris ».


Nicolas Gaspard, 1726 : relégation.
Riotte de la Riotterie, 1726 : cinq ans de détention.
Frère Toussaint, 1731 : banni.
Jean-Pierre Lécrivain, 1741 : non-lieu.
Bruno Lenoir, Paris 1750 : brûlé vif.
Jean Diot, Paris 1750, brûlé vif
François Fyot, 1764-65 : acquitté.
Polycarpe, Gex (Ain actuel) 1771: exilé en Suisse.
Jacques François Paschal, 1783 : aussi coupable d'une agression à coups de couteau ; brûlé.


NOTE : Ces 71 affaires eurent lieu sur le territoire de la France actuelle. On les connait grâce à l'appel systématique au Parlement. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, dans environ la moitié des cas, les individus poursuivis étaient auteurs de violences, ce qui diminue d'autant la répression spécifique de l' homosexualité consentie. Par comparaison, la répression judiciaire en France de 1942 à 1982 (article 331 de l'ancien Code pénal) fut moins sévère, mais bien plus importante numériquement : des milliers d'emprisonnements pour des relations homosexuelles sans violence, pour des relations amoureuses ou érotiques.


Mont Sodome, Israël



Des versions antérieures de cette table furent publiés dans ma brochure auto-éditée Les Origines de la répression de l'homosexualité (Paris, 1978) et aussi dans Gay Books Bulletin (New York), édité par Wayne R. Dynes, n° 1, Spring 1979, pages 22-26.


LA MÉTHODE FLANDRIN EN HISTOIRE

" Jean-Louis Flandrin (4 juillet 1931 - 8 août 2001) est un historien français qui a profondément renouvelé l'histoire de la famille, de la sexualité et de l'alimentation. " (wikipédia)



« Si l’on excepte les mots du langage familier, voire grossier, comme "bougre" – qui n’apparaît pas au niveau des titres – l’homosexualité ne semble guère saisie, au XVIe siècle, qu’à travers la notion de sodomie. Celle-ci déborde le cadre des rapports homosexuels et n’en rend pas toute la complexité. […] Dans ce domaine, que trouvons-nous ? Un titre, de diffusion populaire, racontant "l’Histoire véritable du P. Henry Mangot, jésuite, bruslé à Anvers le 12 avril 1601 (a), estant convaincu d’estre sodomiste …" La notion n’apparaît que par l’adjectif   "sodomiste" emportant une violente condamnation et les titres lyonnais n’y font aucune autre allusion. En 1961, au contraire, la notion d’homosexualité apparaît dans deux titres médicaux (2), sans aucune trace de condamnation. Il ne s’agit pas de prétendre qu’elle est aujourd’hui acceptée par l’ensemble de la société, mais que, par le biais de la recherche médicale, elle apparaît dans un contexte d’objectivité, alors que l’on ne pouvait autrefois y faire allusion qu’en la réprouvant. »
Jean-Louis Flandrin, " Sentiments et civilisation ", Annales E.S.C., septembre-octobre 1965, n° 5, (repris tel quel dans Le Sexe et l'Occident, Paris : Le Seuil, 1981)

a. Cet ouvrage " Histoire véritable... " n'est qu'un texte polémique (une « fable » disait le mémorialiste Pierre de L’Estoile) contre les Jésuites. S’il est exact qu’il ne s’était rien passé à Anvers, un prêtre d’Ollioules (Var actuel) fut exécuté pour sodomie à Aix-en-Provence le 9 avril 1601.

Jean Imbert Brunet, prêtre du lieu d'Ollioules [Var actuel], prévenu de « sodomie abominable commise à la personne de Gabriel Maistral âgé de cinq ans », fut condamné en 1599 par la justice ecclésiastique à la réclusion dans un monastère ; puis, réclamé par la justice civile qui fait prévaloir sa compétence sur celle de l'Official [juge ecclésiastique], il fut condamné à mort, à être brûlé, en avril 1601 ; peine exécutée malgré les efforts de l'archevêque d'Aix-en-Provence pour le sauver, en ayant refusé de le dégrader (*) avant l'exécution. (mss 1787, fonds Peiresc, de la Bibliothèque Inguibertine de Carpentras ; consulté). "
*. Il était alors interdit d'exécuter un prêtre non préalablement dégradé par son Église.

« Ce qui m’étonne, rétrospectivement, c’est d’avoir utilisé dans mon article une édition grenobloise [par Antoine Blanc], et qui plus est de 1601, alors que je croyais [sic...] n’avoir tenu compte que des éditions lyonnaises datant de 1500 à 1599. » (Jean-Louis Flandrin, communication personnelle, 24 septembre 1984).

2. Deux thèses de médecine, dont une est restée dactylographiée...

* * * * *

Extrait de la chronolexicographie de mon Dictionnaire français de l'homosexualité masculine : 

1532 : bougrisque (Rabelais, Pantagruel, III)
1534 : bougrin (Rabelais, Gargantua, II)
1548 : bredache [bardache], (Rabelais, Quart livre, 1ère édition, XX)
1548 : incube (Rabelais, Quart livre, 1ère édition, XX)
1548 : succube (Rabelais, Quart livre, 1ère édition, XX)
1552 : berger passionné (Rabelais, Quart livre, XXVIII)

1558 : un ganymède
1558 : un Jupiter
1559 : aimer les garçons
1560 : simple paillardise (hétéro)
1560 : sodoméen (Mémoires de Condé)

1566 : bardache
1566 : délices
1566 : paillardises contre nature
1567 : paillard (hétéro)

1572 : amour des mâles
1573 : amour d’homme à homme (Pontus de Tyard)

1576 : ganymédien
1576 : impudique [adj.]
1576 : mignon
1578 : aimer les mâles
1578 : bougeronnerie
1578 : fouille-merde
1578 : amour socratique (traduction Ficin)
1578 : sodomiste
1579 : amour platonique et socratique (traduction Franco)
1580 : bougeron (de La Porte)
1580 : cynède (Bodin)
1580 : pédérastie (Bodin)
1580 : pédicon (Bodin)
1581 : autre conjonction [hétéro] (Montaigne)
1581 : confrérie (Montaigne)
1581 : paillarder (hétéro)
1581 : bardacher (Cabinet du Roi de France)
1581 : bardachiser (Cabinet du Roi de France)
1582 : affection masculine (Lucien)
1582 : amour des femmes [hétéro] (Lucien)
1582 : amour des garçons

1585 : agir
1585 : pâtir

1588 : beau (substantif, Montaigne)
1589 : à la turquesque

1594 : pédicateur
1597 : mignard (Laphrise)

* * * * *

La conclusion de Flandrin, obtenue par le seul examen des titres d'ouvrages : "par le biais de la recherche médicale, elle [l'homosexualité] apparaît dans un contexte d’objectivité, alors que l’on ne pouvait autrefois y faire allusion qu’en la réprouvant" est donc manifestement fausse, aussi bien pour le XVIe siècle que pour les années 1960.

Le 18 juillet 1960, à l'article 38 d'une loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances, l'Assemblée nationale adopta un sous-amendement du député UNR de Metz Paul Mirguet rangeant l'homosexualité parmi les " fléaux sociaux ", avec l’alcoolisme, la tuberculose, la toxicomanie, le proxénétisme et la prostitution.

* * * * *

Ce n'est pas parce qu'une étude statistique n'a pas repéré un phénomène que celui-ci n'existe pas...







samedi 21 mai 2016

QUERELLE DE L'ART ET DE LA MORALE suivi de FRANÇOIS MAURIAC ET L'HOMOSEXUALITÉ


ROGER PEYREFITTE vs FRANÇOIS MAURIAC

AVRIL 1964


   Au printemps 1964, une violente polémique éclata entre les écrivains Roger Peyrefitte et François Mauriac, puis s'étendit à leurs admirateurs respectifs. Une des causes, relativement lointaine, en était un article de Mauriac paru en octobre 1963, lors de la mort de Jean Cocteau. Après un sursaut prémonitoire, " Ah ! l'envie me prend tout à coup d'être sec, net, de ne rien écrire qui ne soit vrai dussé-je choquer. ", Mauriac y avoua que Cocteau l'avait agacé, et s’étonna " qu’il ait pu faire quelque chose d'aussi naturel, d’aussi simple que de mourir, d'aussi peu concerté " ; il ajoutait : " le personnage tragique, certes il le fut : condamné à l'adolescence éternelle, sans échappatoire comme tant d'autres, sans aucune espérance de sursis, interdit de séjour malgré les honneurs et les académies, chassé de cet univers rassurant où une femme nous met la main sur le front du même geste qu'avait notre mère, où les enfants jusqu'à la fin se presseront autour de nous, couvée que la vie ne disperse pas." (Figaro Littéraire, 26 octobre 1963).

La dispute démarra avec le tournage du film Les Amitiés particulières d'après le roman homonyme publié en 1944. Sur l'expression " amitiés particulières ", on peut se reporter à cette page de mon Dictionnaire.

Dans le Figaro Littéraire du 23 avril 1964, F. M. se plaignit d'avoir vu à la télévision " quelque chose d'horrible " : un reportage sur le tournage de ce film dans l'abbaye de Royaumont (Val d'Oise) :


" Le journal de la télévision nous a montré quelque chose d'horrible. Dans la chapelle de l'abbaye de Royaumont, des enfants de douze ans faisaient le geste de la communion, revenaient de la Sainte Table, feignaient de se recueillir.
C'était l'intrigue des Amitiés particulières que ces petits garçons incarnaient. Je ne croyais pas qu'un spectacle pût me donner cette tristesse, ce dégoût, presque ce désespoir.  Comment, me demandais-je, des parents consentent-ils, comment un metteur en scène s'abaisse-t-il? ... Mais je n'aurais jamais cru possible ce qui a suivi: l'auteur lui-même a paru sur le petit écran, non pour plaider coupable, mais au contraire pour nous avertir de ses intentions édifiantes.  Il ne songe, ce bon apôtre, qu'à venir en aide aux éducateurs, aux Jésuites d'abord j'imagine, si le même personnage immonde est passé du livre dans le film.  L'auteur des Amitiés particulières nous a même confié qu'il espérait que ce film aiderait les écoliers à mieux régler leurs sentiments.  Honnête Tartuffe de Molière, inoffensif  Tartuffe dont l'imposture énorme ne pouvait tromper que .l'imbécile Orgon et que l'idiote Pernelle, et qui ne touchait pas à ces petits, comme vous me paraissez innocent... "
Mauriac ajoutait : " L'interprétation exige que des garçons de douze ans soient délibérément plongés, pour votre profit, dans ce bouillon de culture d'où leur âme ne sortira pas vivante. (..) J'accorde que les rapports de l'art et de la morale ne sont pas faciles à régler dans une entreprise qui s'adresse à des millions de spectateurs de toute condition, de toute religion et de tout Age.  Mais l'enfance devrait nous réconcilier.  Il n'y a même pas à ouvrir le débat.  Je ne me serais certes pas indigné si l'auteur était venu nous dire : « Les amitiés particulières existent, elles sont un élément de l'histoire humaine, la plus quotidienne, elles relèvent donc du domaine de l'historien des mœurs. Elles doivent être décrites comme le reste... » Décrites, peut-être... Ce serait à discuter, mais accordons-le. Décrites, mais non représentées, non dans ce bouillon de culture d'où leur âme ne sortira pas vivante. Ces petits garçons que vous nous montrez sur l'écran et qui servent la messe, et qui communient, à quelle histoire osez-vous les mêler?  Et pourquoi la faites-vous bénéficier de cette publicité immense?  Car ce sont des intérêts que vous servez : ces enfants rapportent. "

Didier Haudepin, l'Alexandre des Amitiés particulières.

Le metteur en scène Jean Delannoy (1908/2008) fit publier dans le Figaro Littéraire du 7 mai cette réponse à Mauriac. On y lisait notamment :
   " Je m'étonne qu'un homme de votre qualité puisse juger d'un film sur un reportage de télévision (..) Je puis vous assurer que Les Amitiés particulières ne sera ni un film scandaleux ni un film irréligieux (..) Je me permets de vous citer les conclusions de la commission de censure, après lecture du découpages. La commission de contrôle des films cinématographiques rend hommage aux auteurs qui ont su traiter, avec autant de délicatesse que de tact, un sujet qui paraissait hérissé d’embûches.  Elle ne saurait, en conséquence, retenir l'éventualité d'interdiction aux mineurs, si celui-ci, une fois réalisé, exprimait exactement l'esprit du découpage du film. "
La réaction de Roger Peyrefitte fut infiniment plus cinglante.

   L'hebdomadaire Arts fut ranimé en 1959 par André Parinaud (auteur d'une étude sur Colette).  C'est dans le numéro 961 du 6 mai que R. P. publia sa célèbre « Lettre ouverte à M. François Mauriac, prix Nobel, membre de l'Académie Française ». Après une brève entrée en matière, Roger Peyrefitte interrogea l’illustre écrivain :
« Qui êtes-vous, mon cher maître ?  Un écrivain que nous admirons, mais un homme que nous ne pouvons plus supporter (..) moralisateur, beaucoup moins pour défendre la morale que pour vous punir, aux dépens d'autrui, de votre penchant irrésistible à l'immoralité. »
Après le reproche relatif à l'attitude vis à vis de Cocteau, le fond du débat :

   " Ce poète, ce prince fut le contraire d'un hypocrite, et c'est pour cela que vous le haïssiez même si vous ne l'avez point haï dans votre jeunesse.  Où sont-elles, ces lettres d'amour que vous lui aviez écrites et que vendit Maurice Sachs après les lui avoir volées [..] L'homme à qui vous aviez écrit ces lettres, vous avez eu l’ignominie de le renier, de le vilipender à toute occasion, comme pour abolir et absoudre votre passé - et si ce n'était que le passé! ... Vous avez piétiné son cadavre, chaud encore, dans ce journal où vous vous insultez. [..] Jamais empoisonneur public ne sut mieux son métier.  Non content d'interdire aux autres de toucher à ces sujets vous leur interdisez encore de prononcer les mots de religion et de morale. [..] J'ai parlé de ces lettres adressées à Cocteau et conservées dans des mains jalouses.  Mais on pourrait publier en fac simile celle assez récente, que vous écriviez à l'un de vos plus compromettants collaborateurs, après l'une de vos maladies : " Les battements de votre jeune cœur  m'aident à retrouver le goût de cette vie que j'avais cru perdue.  Un jour vous comprendrez que je ne suis qu'un très pauvre homme. " Nous ne vous le faisons pas dire, mon cher maître.  C'est le pauvre homme de Tartuffe au superlatif. [..] Vous ameutez contre nous l'escadron des bien-pensants et vous nous menacez de l'Enfer ! Y croyez-vous, à l'Enfer, mon cher maître, après ce télégramme facétieux (1) qu'André Gide vous expédia de l'au-delà : " L'Enfer n'existe pas, tu peux te dissiper " ? "

Roger Peyrefitte évoquait fort à propos le chevalier de Florian (1755/1794) :

" La pire espèce des méchants
Est celle des vieux hypocrites. "

avant de conclure : " Je vous citerai le mot d'un fils, un mot que me répéta ce même Cocteau dont vous avez outragé la mémoires 'Je sens que mon père m'a fait sans plaisir.' C'est probablement le mot le plus affreux qu'un fils ait jamais dit sur son père. "

   Les réactions des gens de lettres furent nombreuses, vives et contradictoires. Michel Droit, rédacteur en chef du Figaro Littéraire, à Roger Peyrefitte: " Vous êtes méprisable au delà de toute expression. " Jacques Chabannes, président de la Société des Sens de Lettres (SGL), à Roger Peyrefitte. - " Vous avez eu le courage de mettre fin à la plus monumentale escroquerie intellectuelle et morale du siècle. " À la suite de la déclaration de Jacques Chabannes, 14 membres (sur 24) du comité de la S. G. L. démissionnèrent par désaccord avec leur président, provoquant ainsi la convocation d'une assemblée générale ; parmi les démissionnaires, on releva les noms de Robert Sabatier, du duc de Lévis Mirepoix et du duc de Castries.

Yvon Le Vaillant, dans Témoignage Chrétien du 14 mai :
" D'un côté les mains jointes (2), de l'autre les mains baladeuses.  D'un côté le bréviaire, de l'autre la braguette.
Bref : d’un côté François Mauriac et de l'autre Roger Peyrefitte.  Et dès lors que ce vertueux est agressé par ce vicelard, on doit voler d'instinct aux côtés du vertueux, a fortiori, puisque l'on est chrétien.  Ah c'est trop facile!
Quitte à passer pour traître à la charité chrétienne (..) je me refuse vraiment à verser dans cette simplification confortable et rassurante qui (..) donne à l'un le privilège exclusif de la vertu, à l'autre celui du vice.  Peut-être n'ai-je pas l’âge encore de m’accommoder de ce confort intellectuel. "
À la suite de cet article, Jean-Marie Domenach, directeur de la revue Esprit, et plusieurs personnalités, dont le futur cardinal Daniélou (décédé en 1974 au domicile d'une prostituée ... ), le futur évêque auxiliaire de Paris Daniel Pézeril et l'écrivain Pierre Emmanuel, adressèrent à Témoignage Chrétien une pétition déplorant que Yvon Le Vaillant " renvoie dos à dos Mauriac et son insulteur ". Pierre-Henri Simon, critique littéraire du quotidien Le Monde, se joignit à la cacophonie des cris indignés ; " poubelle d'injures ", " un procédé qui n'est pas à la hauteur de nos lettres. " (Le Monde, 12 mai) ; Simon, élu en novembre 1966 retrouva François Mauriac à l'Académie française lors de sa réception le 9 novembre 1967...

Le journaliste Jean Coquelle, dans Arts, n° 964, 25 mai :
" Je ne sais plus très bien qui avait qualifié M. Mauriac de 'vieille corneille élégiaque', formule nouvelle et plus élégante que 'vieille punaise de sacristie'.  Ce que M. Peyrefitte met au grand jour courait de bouche à oreille depuis très longtemps.  Et voilà le moralisateur étriqué, le fourbisseur de glaives vengeurs qui reçoit largement la monnaie de sa pièce. (..) Que votre journal soit remercié d’avoir ouvert ses colonnes à cet assainissement nécessaire de la pensée. "
   Roger Peyrefitte expliqua, dans ce même numéro d'Arts, pourquoi il avait réagi si violemment:
" Il y a une accusation que je ne pouvais admettre de personne, et encore moins de lui, c'est l'accusation de 'tartuferie'. "
"Il n'y a même pas à ouvrir le débat", affirmait François Mauriac en conclusion de sa fort malheureuse critique de télévision.  Attitude à la fois totalitaire et obscurantiste de quelqu'un qui avait le culot de se vouloir à la fois juge et procureur pour un procès à huis-clos !!


Quelques bons auteurs se sont souvenus de cet épisode :

Bertrand Poirot-Delpech (depuis Académicien), dans Le Monde, 8 juillet 1977 : " Dénoncer les hypocrisies relève, pour les minorités sexuelles, de la légitime défense.  Du moins est-ce de bonne guerre, après ce qu'elles ont subi et qu'elles subissent encore. "


Daniel Guérin, dans Masques, n° 24, hiver 1985 :

   "En avril 1964, dans sa chronique de télévision du Figaro Littéraire, [François] Mauriac commet le faux pas de s'offusquer du passage sur le petit écran de l’ extrait d'un film de Jean Delannoy adaptant Les Amitiés particulières de Roger Peyrefitte.  L'académicien interpelle l'auteur de l'audacieux roman, apparu en personne sur le petit écran, pour avoir "délibérément plongé des garçons de 12 ans dans ce bouillon de culture d'où leur âme ne sortira pas vivante ... Les petits garçons que vous montrez sur l'écran, à quelle histoire osez-vous les mêler? Il plaint 'ces petits poucets livrés à I’ ogre".  Il exhale "cette tristesse, ce dégoût, presque ce désespoir que lui a procuré un tel spectacle. "

   Mal lui en a pris car l'impitoyable Peyrefitte (..) administre au moralisateur une volée de bois vert.  Il fait allusion, entre autres, à tel épisode de sa jeunesse où l’ogre avait nom François Le Brix (3).  Trois jours après ce mauvais coup, la victime pantelante, saignante, s'affligeait d'avoir reçu le coup de couteau d'un "assassin des lettres".  Certes, son "bourreau" y avait été fort.  Mais l'écrivain s'y était imprudemment exposé".


   Françoise Verny éditeur, dans Le plus beau métier du monde, 1990 : " article ignominieux sur l'homosexualité supposée de François Mauriac", "dénonciateur de la pire espèce". (Dans le même livre, "la Verny" nous apprenait  que Marc Soriano, Francis Mayor et Charles Orengo ont pratiqué l'homosexualité, que Jean Daniel, Claude Estier et Léo Hamon s'appellent en réalité Jean Bensaid, Claude Ezrati et Léo Goldenberg.  Souvent donc femme varie sur le sujet de la discrétion, comme récemment Françoise Giroud à propos de la photo de la jeune Mazarine Pingeot, fille d'une très haute - sinon grande - personnalité ...

   Dr Louis Bertagna, psychiatre, dans Lire, mars 1991 : " François Mauriac, qui fut lui-même un critique très sévère, a été terriblement blessé par certaines critiques et notamment par celles, particulièrement assassines, de Roger Peyrefitte dans Arts. "

   Daniel Garcia, dans Jean-Louis BORY, chapitre XI, Flammarion 1991 : " Roger Peyrefitte publia en 1964 un pamphlet contesté mais retentissant contre Mauriac où il disait, en substance, que ce vieil homosexuel n'avait de leçon de morale à donner à personne. " (Daniel Garcia a reconstitué l'histoire de l'hebdomadaire Arts)

" Plusieurs années plus tard, l'un des fils de François Mauriac, Jean écrivit qu'il ne croyait pas que son père ait eu des expériences homosexuelles, mais qu'il était sûrement « homosensible ». « Mon père, en vérité, détestait le contact physique. C'est pour cela, d'ailleurs, que je suis très étonné quand j'entends dire qu'il aurait eu des relations amoureuses avec des hommes », a-t-il précisé dans un livre, Le Général et le journaliste. La récente biographie de Jean-Luc Barré, François Mauriac, biographie intime, 1885-1940, publiée chez Fayard en mars 2009, 650 pages, fait une large place à l'homosexualité de « l'illustre écrivain catholique » ; il révèle même le nom d'un jeune homme qui aurait été « l'amant » de Mauriac ; Mauriac aurait en effet été amoureux fou de Bernard Barbey, chef de l'état-major particulier du général Guisan pendant la guerre de 1939 à 1945, qui était aussi romancier, lauréat du Grand Prix de l'Académie française et diplomate. " (" L'illustre écrivain catholique ")

NOTES

1. Le romancier Roger Nimier (1925/1962) était l'auteur de ce télégramme, expédié en février 1951.
2. François Mauriac publia en 1909 un recueil de poèmes précisément intitulé Les Mains jointes.
3. En 1923 François Le Grix s'associa à l'intervention de Jacques Maritain auprès d'André Gide, en vue de le faire renoncer à la publication de Corydon



FRANÇOIS MAURIAC ET L'HOMOSEXUALITÉ



« S'il n'existait que des homosexuels désespérés et voués au suicide, je vois bien la nécessité de leur montrer qu'il n'y a rien dans la nature qui ne soit naturel et qu'il peut être bon de les accoutumer à contempler leur corps et leur cœur sans dégoût ... Mais il existe tous les autres, chaque jour plus nombreux et qui ne s'embarrassent pas d'être ce qu'ils sont. Et puis, j'entends mal votre distinction entre homosexuels et invertis ... Quand je songe à tous ceux que je connais, je ne vois que des malheureux, des diminués, des êtres déchus, dans la mesure où ils ne luttent pas. Mais c'est vrai qu'il y a là un trop grand mystère et que l'hypocrisie du monde a trop vite fait de ne pas méditer ... Ce qui importe n'est pas ce que nous désirons – mais le renoncement à ce que nous désirons. »
Lettre à André Gide, 28 juin 1924.

« Qui me rendra ma vertu ? Il m'est arrivé, cette semaine, une histoire étrange et belle : un garçon de 19 ans a débarqué à Paris avec mes bouquins ; une figure d'ange rimbaldien ... »
Lettre à Daniel Guérin, fin 1924. [Communication personnelle de Daniel Guérin].

« L'influence de ces sortes d'ouvrages sur les mœurs est certaine ; non qu'ils puissent incliner à l'inversion ceux qui n'en ont pas le goût : car ce vice inspire trop d'horreur aux hommes normaux, et l'usage en demeure trop périlleux ; ceux que de telles peintures troublent, c'est qu'ils étaient, à leur insu, atteint du même mal.
Beaucoup de ces malades qui ne se connaissaient pas, se connaissent aujourd'hui, grâce à Gide et à Proust. Beaucoup qui se cachaient ne se cacheront pas.
Est-ce nuisible à l'art ? Non et oui. Cette préoccupation homosexuelle est d’abord une préoccupation sexuelle. »
Réponse au questionnaire sur la préoccupation homosexuelle en littérature, Les Marges, n° 141, 15 mars 1926.

« Ce n'est pas toujours le même corps, c'est toujours la même folie, – toujours le même corps aussi ; toujours la même adolescence ; la même dure poitrine, le même fruit pesant dans les mains. »
Lettre à Daniel Guérin, 26 septembre 1928. [Communication personnelle de Daniel Guérin].

« Le désir que l'homme ressent de posséder ce qu'il admire aboutit à ce comble d'horreur et de misère, crée toute une race traquée dont la tare éclate aux regards comme une plaie. C'est donc que la loi de la nature est une loi de Dieu. La nature toute seule n'a pas de loi, puisqu'elle n'a pas de volonté. Le vice grec se heurte à un interdit, et plus qu'à un interdit, à une exécration. »
Voyage en Grèce, Journal, 1937.

« Très simplement et au nom de notre vieille amitié, je vous demande de me restituer ce qui, dans cette correspondance, est trop personnel pour que je puisse exposer les miens au risque d'une publication posthume. Non qu'il y ait rien là dont j'aie à rougir. Mais enfin cette crise d'il y a trente quatre ans dont vous avez été le témoin, vous comprenez que je ne souhaite pas de la savoir exposée à la curiosité (à supposer que l'on s'intéresse assez à moi, après moi, pour se poser des questions sur ce pauvre être que je fus entre 1924 et 1928).
Cher Daniel, Celui qui m'a sauvé à ce moment-là, je ne l'ai plus reperdu. Et me voici au seuil de la mort avec Lui dans le cœur. Si vous saviez ... »
Lettre à Daniel Guérin, 4 juillet 1961.  [Communication personnelle de Daniel Guérin].






L'AMOUR GREC VU PAR ARISTOPHANE



ARISTOPHANE d'Athènes (vers -450/-386), auteur de l'ancienne comédie grecque,
Collection des Universités de France (Budé), Loeb Classical Library, Perseus, Oxford Classical Texts, Folio classique (Gallimard), GF (Flammarion) :

Illustration d'après un buste trouvé près de Tusculum


Les Acharniens : 77-80 : À Athènes, on ne considère comme des hommes que les prostitués et les enculés [katapugonas] ; 119 : Dicéopolis traite Clisthène de "cul-rasé" ; 270 : Phalès, amateur de jeunes garçons ; 716 ; 980 : chanson d'Harmodios ; 1093 : chanson d'Harmodios le bien-aimé.

L'Assemblée des femmes, 67-68 ; 102-103 ; 112-113 : les jeunes qui se font le plus secouer sont aussi les plus habiles parleurs [cité par Montesquieu, Spicilège, 500-501].

Les Cavaliers, 380-381 : anus dilaté du charcutier; 426-428 : un gars qui ne peut manquer de gouverner le peuple, car son fessier serrait de la viande [cf Jean-Paul Sartre, L'enfance d'un chef] ; 732-740 : Démos semblable aux jeunes garçons qui ont des amants vulgaires et n'acceptent pas les honnêtes gens ; 877 : répression des prostitués, inspecteurs des culs ; 1242 : le Charcutier : je vendais des saucisses et me faisais baiser [ἠλλαντοπώλουν καί τι καὶ βινεσκόμην].

Fragments : 198, Les Convives, 5-11.

Les Grenouilles, 48 : sous-verge de Clisthène ; 50-60 : désir de Dionysos pour un homme ; 145 ; 422422-423 : le fils de Clisthène épilait son derrière.

Les Guêpes, 84 : Philoxène est un enculé [katapygon] ; 98 ; 99 ; 687-688 : débauché marchant les jambes écartées, l'air efféminé ; 1069-1070 : jeunesse composée d'une foule d'enculés aux cheveux bouclés.

Lysistrata, 1091-1092 : Le Prytane : si on ne nous réconcilie pas rapidement, nous devrons baiser Clisthène ; 1112-1113 : Lysistrata : prendre les hommes quand ils sont enflammés de désir et qu'ils ne cherchent pas à se satisfaire entre eux [ironique].

Les Nuées, 670-680 : parler de Carpodos et de Cléonymos au féminin ; 686-692 : noms d'hommes qui ne sont pas masculins ; 973-980 : pudeur des garçons avec l'ancienne éducation ; 1015-1023 : la mode du jour ; vice infâme d'Antimachos ; 1072-1073 Le Raisonnement Injuste : inconvénients de la tempérance, se priver de jeunes garçons, de femmes ; 1075 : Le Raisonnement Injuste : les nécessités de la nature [cité par Dominique Fernandez] ; 1094-1100 : les plus nombreux, ce sont les enculés [euryprokton].

Les Oiseaux, 137-142 : Pisthetairos aimerait une ville où le père d'un joli garçon lui reprocherait : " tu rencontres mon fils sortant du gymnase, et tu ne l'embrasses point, tu ne lui dis rien, tu ne l'attires pas à toi, tu ne lui tâtes point les couilles, toi, un ami de la famille " ; 705-707 : beaux garçons qui cèdent à leurs amants pour des oiseaux offerts en cadeau ; 1280-1285 : hommes entichés des mœurs lacédémoniennes puis tombés dans l'excès contraire en s'entichant des oiseaux.

La Paix, 11 : matière bien travaillée d'un jeune inverti ; 762-763 : Le Coryphée : " Je ne me suis pas mis à fréquenter les palestres pour séduire les garçons ".

Ploutos, 153 : les débauchés demandent de l'argent, les honnêtes un animal en cadeau.

Les Thermosphories : 35 : Euripide : tu l'as chevauché, mais tu ne le sais peut-être pas ; 50 : Le Serviteur : Agathon est sur le point ... Le Parent : de se faire enfiler ? ; 130-167 : interrogatoire de l'androgyne Agathon par Le Parent ; Agathon : Ibycos, Anacréon de Téos et Alcée vivaient en efféminés ; 200 : Agathon traité d'enculé [euryproktos].

CES PETITS GRECS




jeudi 5 mai 2016

L'AMOUR GREC VU PAR LES POLITIQUES ANCIENS


Eschine, Démosthène, Cicéron, César, Marc Aurèle

Eschine, copie romaine d'un original grec.


TABLE DES AUTEURS ANCIENS


ESCHINE D'ATHÈNES (vers -390/-314), homme politique grec puis professeur de rhétorique,

Discours : Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library :
Contre Ctésiphon : 162 : Démosthène aurait vécu avec un jeune homme.
Contre Timarque, [-346] : 9-11 : exigences morales du législateur vis-à-vis des pédagogues ; 12 : gymnases interdits aux adultes ; 13-16 : répression de la prostitution et des violences ; 19-20 : celui qui s'est prostitué ne pourra pas devenir archonte ; 21 [loi relative à ceux qui se sont prostitués] ; 41-42 : Timarque se vendit à Misgolas [cité par Athénée] ; 52 : Timarque accusé d'être un prostitué ; 119-120 : Timarque s'étant prostitué n'a pas le droit de s'adresser au peuple en assemblée ; 135 : [Eschine] a souvent été éraste ; 136 : je ne nie pas avoir été érotique [cité par K. J. Dover] ; 137 : être amoureux de ceux qui sont beaux et chastes est l'expérience d'une âme généreuse [cité par Georges Hérelle] ; 138-139 : nos ancêtres ont interdit les palestres et l'amour des garçons aux esclaves ; il n'est pas interdit à l'homme libre de s'unir à un garçon ; 139 : l'amant doit se contrôler tant que le garçon est incapable de discernement [cf Platon, Banquet] ; 142 : Homère a passé sous silence l'amour d'Achille et de Patrocle [reproche repris par Roger Peyrefitte] ; 143 : c'est par amour qu'Achille a agi ; 155 : beaucoup de ceux qui ont été aimés pour leur beauté ne sont jamais tombé sous le coup de l'accusation portée contre Timarque.

Sur l'ambassade infidèle : 99 : Démosthène surnommé Battalos [derrière] ; 166 : l'éros véritable ne saurait aller de pair avec la perversité ; 179 : Démosthène, homme sans virilité et qu'on prendrait pour une femme.


DÉMOSTHÈNE (-384/-322), orateur et homme politique grec, exact contemorain d’Aristote (-384/-322),

Ambassade, Collection Budé, Loeb Classical Library : 233, 280, 287.

Contre Androtion, Collection Budé, Loeb Classical Library :
Argument, 10 : Androtion, qui s'était prostitué, aurait dû s'abstenir de toute activité politique ; 61-62 :
il mettait en cause la vie privée des citoyens ; 73 : il avait fait un trafic de son corps.

Contre la loi de Leptine, Collection Budé, Loeb Classical Library :
18 ; 29 : privilège des descendants d'Harmodios et d'Aristogiton ; 127 ; 159 ; 160.

Contre Midias, Collection Budé, Loeb Classical Library :
47 : loi réprimant l'outrage [hybris] fait à un garçon, une femme ou un homme [cité par J. Potter].
Érotique, Collection Budé, Loeb Classical Library :
4 : les relations ne sont pas vertueuses ou déshonnêtes d'une manière absolue ; 12 : la mollesse détruit
la grâce ; 20 : à Épicrate : personne n'est frustré de tes faveurs quand elles sont compatibles avec la justice et la morale.
Lettres, Collection Budé, Loeb Classical Library :
4, 11 : Théramène est l'ami de Pausanias le prostitué.


CICÉRON (-106/-43), écrivain et philosophe stoïcien,

Correspondance, Collection Budé, LCL :
Ad familiam, VIII, 12, septembre -50 : ils ont l'incroyable effronterie de me faire assigner aux termes de la loi Scantinia ; 14 : août -50 : Drusus juge en vertu de la loi Scantinia.

Du destin, Collection Budé, Loeb Classical Library :
V, 10 : Socrate adonné aux femmes ? On dit qu'Alcibiade éclata de rire.

Les devoirs : Collection Budé, Loeb Classical Library :
I, 40 : Sophocle et le beau garçon : Périclès lui conseille de garder la chasteté dans ses regards [cité par Montaigne, I, xxx, 199].

Discours, Collection Budé, Loeb Classical Library :
Pour Caelius : 6 : médisances sur ses mœurs ; 30 : Caelius traité d'impudique.
Catilinaires : II, iv, 7-8 : débauches criminelles, amours honteuses ; x, 22 : amis de Catilina en tuniques à manches longues ; 23 : jouvenceaux dressés à inspirer l'amour.
Pour L. Flaccus : XXI, 51 : Décianus avait plaisir à voir l'adolescent Lysianas nu.
Pour Milon : 55 : Clodius ne manquait jamais de se faire suivre par des courtisanes, des exolètes, des putes ; 89 : un homme efféminé.
Philippiques :
II, 18 ; 44-47 : vices de Marc-Antoine et de Curio dans leur jeunesse ; unis dans un mariage [matrimonium] stable et régulier [cité par J. Boswell qui l’interprète comme une remarque sarcastique] ; Marc-Antoine était soumis au pouvoir de Curio.
III, v, 12 : ne pas être asservi à un homme infâme, sans pudeur, efféminé ; vi : -Marc-Antoine aurait calomnié les mœurs de César.
XI, iv, 9-10 : turpitude et excès de Marc-Antoine.
Pour Plancius : 30 : tu l'appelles bimaritum, imaginant ainsi un mot et non seulement une accusation [cf Ausone] ; tu prétends qu'il a emmené un homme avec lui dans sa province ; ce n'est pas une accusation, mais un mensonge gratuit joint à une insulte; 86 : efféminement de Clodius.
Pour Sestius : VII, 16 : commerce scandaleux [flagitiis] de P. Clodius avec ses frères [cité par J. Bentham]
Contre Verres : II,ii,192 : personne de plus masculin parmi les femmes et de plus efféminé chez les hommes.

Laelius De l'amitié, Collection Budé, Loeb Classical Library :
VIII, 26 : le mot amiticia provient du mot amor ; 27 : l'amour est à la source de l'amitié [cf Tusculanes].
XXVII, 101 : une fois vieux, nous trouvons l'apaisement dans l'affection des adolescents.

De la nature des dieux, Loeb Classical Library :
I, xvi, 42 : désirs licencieux des dieux, leurs unions avec des êtres humains ; xxviii, 79 : Alcée admire un grain de beauté sur le poignet de son petit ami [puer].

De l'orateur, Collection Budé, Loeb Classical Library :
II, lxiii, 256 : paranomase de Caton : « si tu es du devant et du derrière [si tu et adversus et aversus es » ; cité par Forberg].

République, Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library :
IV, iii, : [à Sparte] l'opprobre était sur les adolescents s'ils n'avaient pas d'amateurs [cité par Servius, Schopenhauer et Paul Gide] ; 4 : Scipion : les exercices absurdes des gymnases ; amour des hommes libres permis en Élide et à Thèbes ; amour des jeunes permis sauf le stupre chez les Lacédémoniens ; ils permettent de s'embrasser et de dormir ensemble, avec un manteau entre les deux. ; Laelius : tu ne mentionnes pas ton cher Platon.

Des termes extrêmes des bien et des maux [De finibus], Collection Budé, Loeb Classical Library :
Des fins, III, vi, 20 : les choses contraires à la nature doivent être rejetées.
De la nature de l'homme, V, xii, 35 : les mouvements brusques des hommes efféminés [mollis] sont contre la nature.

Tusculanes, Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library :
I, xxvi : rapt de Ganymède à cause de sa beauté, selon Homère [cité par Augustin et Pierre Jurieu]
IV, xxxiii, 70 : Qu'est-ce que cet amour d'amitié [amor amiticiae] ? Cette pratique est née dans les gymnases des Grecs ; Ennius : la nudité est à l'origine de cette débauche [cité par Naigeon] ; 71 : l'amour des femmes, que la nature concède davantage ; les poètes font le récit du rapt de Ganymède ; qui ne comprend le discours et le désir de Laïos dans la pièce d'Euripide ? [Chrysippe ; passage souligné par Félix Buffière] ; Alcée a écrit sur l'amour des jeunes ; toute la poésie d'Anacréon est amatoria ; écrits d'Ibycus ;
xxxiv, 72 : les philosophes paraissent au débat ; reproche de Dicéarque [élève d'Aristote] à Platon [cité par Montaigne, II, xii] ; définition stoïcienne de l'amour : tendance à se lier d'amitié à partir d'un idéal de beauté [relevé par Montaigne, I, xxviii, et par Nietzsche].
V, vii, 20 : le roi de Perse Xerxès offre un prix pour l'invention d'une volupté nouvelle [cité par Montaigne, III, xiii, 1106] ;*xx, 58 : liaisons amoureuses de Denys l'Ancien [tyran de Syracuse] avec des adolescents, more Graeciae [cité par John Lauritsen et C. A. Williams] ; xx, 60 : Denys fit tuer un adolescent qu'il aimait passionnément, parce qu'il avait ri à une plaisanterie.
V, xxxiii : classes de cupidités ; les disciples d'Épicure discourent fort au long des voluptés obscènes [cité par Montaigne, II, xii, 471].


CÉSAR (-101/-44), général et homme d'État romain,
Guerre des Gaules, Collection Budé, Loeb Classical Library :

VI, 21 : connaître la femme avant l'âge de 20 ans était honteux chez les Germains [cité par Jean-J. Rousseau].


MARC AURÈLE (121/180), philosophe d'expression grecque, empereur romain,

Pensées, Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library, GF :
I, 16 : avait appris de son père adoptif à faire cesser en lui les amours pour les jeunes gens.




dimanche 6 septembre 2015

L'AMOUR GREC, vu par PARMÉNIDE, DÉMOCRITE, ÉPICURE, BION, LUCRÈCE, VIRGILE, HORACE, PROPERCE ET OVIDE

Voir également : Plutarque et Athénée

Martial et Juvénal


TABLE



PARMÉNIDE d'ÉLÉE (fin -VIe siècle / milieu -Ve siècle), philosophe, fondateur de l'école éléate,

Je reproduis ici une communication personnelle de Patrick Négrier, que je remercie.
« Parménide au fragment XII attribue au daimôn le mélange (coït sexuel) d'un mâle avec une femelle puis à l'opposé du mâle " avec UN (et non pas une !) plus féminin que lui " : Αἱ γὰρ στεινότεραι πλῆντο πυρὸς ἀκρήτοιο, αἱ δ' ἐπὶ ταῖς νυκτός, μετὰ δὲ φλογὸς ἵεται αἶσα· ἐν δὲ μέσῳ τούτων δαίμων ἣ πάντα κυϐερνᾷ· πάντα γὰρ στυγεροῖο τόκου καὶ μίξιος ἄρχει πέμπουσ' ἄρσενι θῆλυ μιγῆν τό τ' ἐναντίον αὖτις ἄρσεν θηλυτέρῳ. »

De la nature, in Les Présocratiques, Paris : Gallimard, 1988, collection " Bibliothèque de la Pléiade " :
Fragment B xviii : conflit des sexes lors de la conception [cité par Célius Aurélien, Des maladies chroniques, livre IV, chapitre ix].




DÉMOCRITE (vers -460/vers -370), philosophe grec matérialiste,

Fragments, in Les Présocratiques, Paris : Gallimard, 1988, collection " Bibliothèque de la Pléiade " :
fr. B LXXIII : Éros est légitime quand il poursuit sans excès les belles choses.

B CXXVII : " Et Démocrite : La masturbation procure une jouissance comparable à l'amour. (Hérodien, Prosodie générale, cité par Eusthate de Thessalonique, Commentaire sur l'Odyssée, XIV, 428, page 1766).


ÉPICURE (-341/-270), philosophe athénien,

Lettres et sentences, Bibliotheca Teubneriana ; traduction PUF, 1987 : Diogène Laërce, Vie..., X :
X, 5 : À Pythoclès : ton retour charmant et divin ; 6 : Épictète l'appelle cinédologue ;
X, 132 : À Ménécée : la jouissance des garçons et des femmes n'engendre pas la vie heureuse.


BION de Smyrne (-IIe siècle), poète bucolique grec,

Bucoliques grecs, CUF, LCL ; Remacle :
Fragment VIII : Je rends visite à mon berger ; Hespéros avec sa lumière s'associe à l'amour d'un amant [cité par Goethe]
Fragment IX : Heureux sont ceux qui aiment, lorsqu'ils sont aimés en retour ; Thésée et Pirithoüs, Oreste et Pylade [cf Pindare], Achille et Patrocle [cité par Edward Carpenter et par Gide dans Corydon, IV].


LUCRÈCE (vers -98/-55), philosophe latin disciple des atomistes et poète,

De la nature, Collection Budé, Loeb Classical Library :
IV, 1053-1056 : traits de Vénus lancés par un garçon [puer] aux membres féminins ou par une femme ; umor lancée de corps à corps ;
V, 1111 : la beauté [masculine] eut alors grande valeur.


VIRGILE (vers -70/-19), érudit et poète national de Rome,

Bucoliques, Bibliotheca Teubneriana, CUF, Loeb Classical Library, Folio classique, GF :
II : 1 : Formosum pastor Corydon ardebat Alexim, le berger Corydon brûlait pour le bel Alexis [devise de la pédérastie selon Roger Peyrefitte] qui faisait les délices de son maître [cité par Properce et par Edward Carpenter] ;
Cette églogue, celle de l'amour grec entre Alexis et Corydon,
fut étonnamment la première des neuf à être traduite en français,
en 1543 ; le libraire-traducteur en était Loïs Grandin
et l’achevé d’imprimer datait du 20 septembre.

II : 65 : trahit sua quemque voluptas, chacun est entraîné par son plaisir [cité par Rabelais, Shenstone, Voltaire (" la pédérastie enseignée à la jeunesse "), Stendhal, Friedrich Nietzsche, etc. ; églogue entière traduite pour la première fois par Loïs Grandin en 1543].

Paul SÉRUSIER (1864-1927) Le Berger Corydon, 1913,
huile sur toile 73 x 99 cm © MuMa Le Havre / David Fogel


III [amour de Ménalque pour Amyntas ; thème repris par André Gide ] ; V ; VII.

Catalepton [d'Horace ?], Bibliotheca Teubneriana, CUF, Loeb Classical Library :
XIII, 13-14 : ces banquets que tu as partagés avec des mecs, étant puer ; 35-38 : cinède Lucien ; tu n'as rien à part des frères [cf Pétrone] et un Jupiter coléreux.

Énéide, Bibliotheca Teubneriana, CUF, Loeb Classical Library, Folio classique, GF :
I, 28 : honneurs rendus à Ganymède [cité par Macrobe]; 188 : fidèle Achate [cité par Lafitau ; cf aussi X, 332].
V, 252 : le garçon royal [Ganymède] ; 294-296 : amour de Nisus pour le garçon Euryale.
IX, 18 ; 424-430 : Nisus veut mourir à la place d'Euryale ; 614-620 : Phrygiens traités de Phrygiennes, car leurs tuniques ont des manches [cité par Aulu-Gelle].
X, 185 : Cycnus et son aimé Phaëthon ; 324-327 : Clytius et Cydon [commenté par Servius].

Géorgiques, Bibliotheca Teubneriana, CUF, Loeb Classical Library, Folio classique :
IV, 521 : Orphée déchiré par les femmes pour les avoir méprisées [cité par Forberg].


HORACE (-65/-8), poète lyrique et satirique,

Art poétique [Épître aux Pisons], Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library, GF :
85 : mission de chanter les amours pour des jeunes gens [juvenem curas] ; 161-165 : caractère, goûts, désirs extrêmes de l'adolescent imberbe.

Épîtres, Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library, GF :
I, xviii, 72-73 : chez un ami, ne pas s'enflammer pour une servante ou pour un jeune esclave.

Épodes, Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library, GF :
XI : l'amour pour les jeunes garçons [mollibus in pueris] ou pour les jeunes filles m'embrase ; j'aime Lyciscus, qui l'emporte sur n'importe quelle petite femme ; je ne serai libéré que par un autre amour pour une fille ou pour un garçon [cité par Naigeon] ; XIV : Anacréon et Bathylle.

Odes, Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library, GF :
I, 32 : Lycus [éphèbe chanté par Alcée] ; II, 5 : ambigïté sexuelle de Gygès [cité par Montaigne] ; III, 20 : Ganymède enlevé par Jupiter ; IV, 1 : ni femme ni garçon ne sont plus pour me plaire ; cruel Ligurinus ; 10 : cruel Ligurinus [cité par Marbode de Rennes].

Satires, Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library, GF :
I, ii, 32-35 [cité par Chateaubriand] ;117-118 : posséder une servante ou un jeune esclave [puer ; cité par Voltaire] ; vi, 84 : mon père me garda de tout soupçon infamant [cité par Festugière] ; II, iii, 325 : éprouvait des passions pour mille filles, mille jeunes garçons [cité par Festugière].


PROPERCE (vers -47/vers -15), poète latin imitateur des Alexandrins,



Loeb Classical Library :
Élégies, Paris : Belles Lettres, 1929 (rééditions en 1947, 1961, 1964, 1980, 1990,1995) :

I, 20 : Gallus aime un garçon qui ressemble à Hylas, fils de Théodamas ;
II, 4 : à mon ennemi, je souhaite d'aimer les filles ; à mon ami, de se réjouir avec les garçons ; 30 : Jupiter vola jusqu'aux maisons de Troie sous la forme d'un oiseau ; 34 : Alexis et Corydon [cf Virgile] ;
III, 7 : douleur d'Agamemnon à la mort de son aimé Argynnus ;
IV, 8 : un débauché, un épilé dont le sort est de se vendre, qui a honte de sa barbe.


OVIDE (-43/17 ou 18), poète latin dit « de la décadence »,

Amours, Collection Budé, Loeb Classical Library :
I, 20 : aut puer aut [...] puella.

Art d'aimer, Collection Budé, Loeb Classical Library, Folio classique :
I, 33-34 : nous chanterons les liaisons permises [cité par César de Rochefort] ; 524 : homme dévirilisé qui cherche à avoir un homme ; II, 682-684 : je hais les embrassements où l'un et l'autre ne se donnent pas : je trouve moins d'attraits dans l'amour des garçons [amor pueri ; cité par Edward Gibbon et Forberg] ; III, 437-438.

Fastes, Collection Budé, Loeb Classical Library :
III, 407 : Ampélos aimé de Bacchus [alias Dionysos ; cité par César de Rochefort].

Métamorphoses, Collection Budé, Loeb Classical Library, Folio classique ; traduction Actes Sud, 2001:
III Tirésias : 326 : Tirésias changé d’homme en femme ; Narcisse : 351-353 : âgé de 16 ans, il pouvait être pris à la fois pour un enfant et pour un jeune homme ; il était désiré par beaucoup de jeunes gens et de jeunes filles ; V, Persée contre Phinée, 47-73 : amour authentique de Lycabas pour Athis ;
VIII Le sanglier de Calydon, 302 : Thésée et Pirithoüs, unis par une tendre amitié ; 403-404 : Thésée à Pirithoüs : Toi que je chéris plus que moi-même ;
IX Iphis et Ianthé : 712 : Iphis habillée en garçon ;715 : fiancée à la blonde Ianthé ; 720 : l’amour toucha leurs deux jeunes cœurs ; 725 : fille,
Iphis brûlait pour une fille ; 727-728 : sentiment amoureux ignoré de tous, incroyable et étrange ; 731 : une vache ne brûle pas d'amour pour une vache, ni une jument pour une jument [cf Longus] ; 746 : passion aberrante, insensée ;
X, Orphée et Eurydice, 83-85 : Orphée apprit aux peuples de Thrace [nord-est de la Grèce, Turquie d'Europe et sud de la Bulgarie] à transférer leur amour sur des enfants mâles et à cueillir les premières fleurs de ce court printemps qui précède la jeunesse [cité par Voltaire ; c'est Thamyris ou Laïos qui aurait été le premier, selon d'autres auteurs] ; Cyparissus, 106-142 : Cyparissus consolé par Apollon ; Chant d’Orphée : Ganymède, Hyacinthe, 152-153 : aujourd’hui, c’est d’un ton plus léger que je vais chanter les garçons aimés des dieux et les filles aveuglées par des passions interdites ; 155-156 : le roi des dieux brûla d’amour pour un Phrygien, Ganymède [cité par Pierre Bayle] ; 200-201 : Phoebus : à moins que ce soit une faute d’aimer [Hyacinthe] :
XI Mort d'Orphée et châtiment des Ménades, 7 : l'homme qui nous méprise, disaient les Furies.


Voir également : Plutarque et Athénée

Martial et Juvénal

Les animaux aussi ?

dimanche 30 août 2015

CINQ AUTEURS CHRÉTIENS PARLENT DES SODOMITES suivi de RATZINGER

Voir aussi mes pages :



Et la

TABLE



Bernardin de Sienne, Bonaventure, Catherine de Sienne, Jacques de Vitry et Jacques de Voragine.


JACQUES DE VITRY (vers 1165/1240), curé d'Argenteuil, prédicateur et cardinal, nommé cardinal-évêque de Tusculane (Latium, Italie actuelle) en 1228,


Jacques de Vitry (1263)

Histoire occidentale, 1597 ; traduction 1825 :
1 : la libido ne se souciait pas de la différence des sexes [prologue dans l'édition de 1825].
7 [vi dans l'édition de 1825] : une fornication simple n'était point réputée un péché. Les filles publiques, dans les rues, sur les places, devant leurs maisons, arrêtaient effrontément les clercs. Et si, par hasard, ils refusaient de les suivre, aussitôt elles criaient après eux en les appelant sodomites. Car ce vice honteux et abominable est tellement en vigueur dans cette ville [Paris], ce venin, cette peste y sont si incurables, que celui qui entretient publiquement une ou plusieurs concubines est réputé honorable.

Histoire orientale, 1597, traduction 1825 :
I, 5 "De origine et vita Mahometi" : Mahomet a introduit le vice sodomitique parmi son peuple [Per hoc enim latenter vitium Sodomiticum hostis nature in popula suo introduxit ; cité par John Boswell].



BONAVENTURE (Bagnoregio, 1217 / Lyon, 1274), théologien franciscain d'origine italienne, cardinal, Docteur séraphique, canonisé en 1482,

Saint Bonaventure, peint par Peter Paul Rubens
(Palais des beaux-arts de Lille)

Opera omnia [Œuvres complètes], volume 9, 1902 :
Sermon " In nativitate Domini ", XXII, septimo : tous les Sodomites, hommes et femmes, furent tués à la naissance de Jésus, comme dit [Saint] Jérôme dans le psaume Lux orta est justo [ce n'est pas si clair dans Jérôme, Commentaire sur Isaie, IX, 1 ; cf Jacques de Voragine].


JACQUES DE VORAGINE (vers 1230/1298), dominicain et archevêque de Gênes,

La Légende dorée, GF ; H. Champion :
Nativité de Jésus-Christ, III, 4 : destruction miraculeuse des sodomites [cf Bonaventure] ; cite Jérôme, Lux orta est [passage encore non retrouvé].
Saint Jean : amitié particulière avec Jésus.


CATHERINE DE SIENNE (1347/1380), mystique italienne,

Livre des dialogues, traduction 1953 :
124 : horreur du péché contre nature, que même les démons ne peuvent supporter [cité par Avenir de la Culture]


BERNARDIN DE SIENNE (1380/1444), prêcheur franciscain,

Statue de Bernardin de Sienne par Antonio Raggi, cathédrale de Sienne.

Opera omnia [Œuvres complètes], 1635, 1950 :
Feria sexte post I. Dominicam in Quadragesima :

Sermon XV " De l'horrible crime des Gomorrhéens "
L'horreur est triple : corruption, abomination, réprobation.
Art. 1 : corruption triple : cite Paul, Éphésiens, et Isidore.
Art. 2 : abomination triple : fureur, malice, dureté.
Art. 3 : réprobation triple : entêtement, impénitence, dissidence.
Les six degrés : accord de la raison, opération du crime, naissance d'une habitude, se faire gloire de ce péché, en faire l'apologie, désespérer ou présumer de la miséricorde divine.

[Dans les quatre étapes du devenir homosexuel marquées par Jean-Louis Bory (1919-1979) – se reconnaître, s'accepter, se faire reconnaître, se faire accepter –, ce qui surprend, c'est comme une réminiscence, en positif, des six étapes de la chute morale décrite par Bernardin]


Depuis (sans exhaustivité)

JOSEPH RATZINGER (1927-2022, pape BENOÎT XVI de 2005 à 2013)
« Pour éviter toute suprématie de l'un ou l'autre sexe, on tend à gommer leurs différences, considérées comme de simples effets d'un conditionnement historique et culturel. Dans ce nivelage, la différence corporelle, appelée sexe, est minimisée, tandis que la dimension purement culturelle, appelée genre, est soulignée au maximum et considérée comme primordiale. L'occultation de la différence ou de la dualité des sexes a des conséquences énormes à divers niveaux. Une telle anthropologie, qui entendait favoriser des visées égalitaires pour la femme en la libérant de tout déterminisme biologique, a inspiré en réalité des idéologies qui promeuvent par exemple la mise en question de la famille, de par nature biparentale, c'est-à-dire composée d'un père et d'une mère, ainsi que la mise sur le même plan de l'homosexualité et de l'hétérosexualité, un modèle nouveau de sexualité polymorphe. »
Lettre aux évêques de l'Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde, 31 juillet 2004.

BENOÎT XVI (1927-2022, pape de 2005 à 2013)
« Les différentes formes actuelles de dissolution du mariage, comme les unions libres et le " mariage à l’essai ", jusqu’au pseudo-mariage entre personnes de même sexe, sont au contraire l’expression d’une liberté anarchique qui se fait passer, à tort, pour une vraie libération de l’homme. Une telle pseudo-liberté s’est fondée sur une banalisation du corps, qui inclut inévitablement la banalisation de l’homme. […] Le libertinisme, qui se fait passer pour la découverte du corps et de ses valeurs, est en réalité un dualisme qui déprécie le corps en le plaçant pour ainsi dire en dehors de l’authentique être et dignité de la personne. »
Discours sur la famille et la communauté chrétienne, Latran, 6 juin 2005.

« L'homosexualité n'est pas conciliable avec la vocation de prêtre. On courrait un grand risque si le célibat devenait en quelque sorte un prétexte pour faire entrer dans la prêtrise des gens qui ne peuvent de toute façon pas se marier. […] En instaurant une séparation radicale entre sexualité et fécondité, ce qui est fait en utilisant la pilule, alors la sexualité devient arbitraire. Et dans ce cas tous les types de sexualité ont la même valeur. Conviction qui est rapidement suivie par l'idée que l'homosexualité a la même valeur que l'hétérosexualité. »
Lumière du monde. Le pape, l'Église et les signes des temps, Paris : Bayard, 2010.