jeudi 16 août 2018

VOLTAIRE : L'AMOUR SOCRATIQUE - 1/2

Début de l'article, édition Londres 1764.


PRÉSENTATION


Lien vers : Texte et notes

Voir aussi : L'affaire de Lenoir et Diot. (1750)


   J'indique par (a), (b), etc. les notes de Voltaire. Les variantes par rapport au texte de 1775 sont signalées. J'ai, conformément à l’usage actuel, modernisé l’orthographe, la ponctuation et la syntaxe. 

   Voltaire disputait des mœurs de Socrate. Il y a trente ans, celles de Voltaire furent l’objet d’une belle controverse entre l’écrivain Roger Peyrefitte (1907-2000), avec lequel j'avais correspondu efficacement, et l’historien de la littérature René Pomeau (1917-2000). Non sans raison, si l’on pense à l’ambivalence durable de Voltaire vis-à-vis des jésuites, notamment Pierre-François Guyot Desfontaines, Élie Catherine Fréron et François-Marie de Marsy ; à son évocation attendrie de la beauté des adolescents ; à l’amitié qu’il éprouvait pour ses valets de chambre, qu’il nommait secrétaires ; à ses sentiments curieux pour le roi de Prusse Frédéric II, « aimable putain » ; à son amitié fidèle pour Thiriot, ou encore à son goût pour les épigrammes libres des Notebooks.

   Le problème méritait d’être examiné sérieusement, et non repoussé avec indignation comme le fit René Pomeau dans la par ailleurs excellente Revue d’Histoire Littéraire de la France (RHLF, n°2, mars-avril 1986, pages 235-247 ; René Pomeau y rendait compte d'un ouvrage de Roger Peyrefitte, Voltaire, sa jeunesse et son temps, Paris : Albin Michel, 1985). Mais seules les idées de Voltaire m'intéressent ici, je ne vais donc pas refaire sa biographie …  Je constate seulement qu'en 1986 on pouvait s'indigner de l'évocation de l'homosexualité de Voltaire, et qu'en août 2012 Roger-Pol Droit dénonça dans Le Point l'homophobie de Voltaire :
" On le découvre aussi, au fil des pages, misogyne, homophobe, antijuif, islamophobe… L’inventaire de ces textes oubliés surprend, puis inquiète, finalement interpelle. Ce super-héros serait-il un super-salaud ? L’homme des Lumières, un ami des ténèbres ? Devrait-on décrocher son tableau d’adversaire résolu des fanatismes et de prince de la tolérance pour le remplacer par un autre, celui d’un homme obtus, truffé de préjugés, de mépris et de haines ? "
" Sexiste ordinaire, Voltaire se révèle aussi homophobe virulent. Face aux amours entre hommes, il ne semble plus vouloir laisser vivre chacun selon ses mœurs. L’homosexualité masculine est pour lui un « sujet honteux et dégoûtant », un « attentat infâme contre la nature », une « abomination dégoûtante », une « turpitude » (article « Amour socratique » du « Dictionnaire philosophique »). Il tente même d’en disculper les Grecs et minimise la place des relations sexuelles entre hommes dans l’Antiquité. Pareil acharnement est d’autant plus curieux qu’il est difficile de l’imputer au climat de l’époque : les élites du XVIIIe siècle sont de moins en moins sévères à ce propos, et Frédéric II de Prusse, que Voltaire a conseillé et fréquenté assidûment, revendiquait sans vergogne son homosexualité. La plupart des philosophes des Lumières sont d’ailleurs plus que tolérants envers les partenaires de même sexe. Au contraire, Voltaire n’a cessé de juger ces mœurs contre nature, dangereuses, infâmes. Encore un point qu’on ne souligne presque jamais. "

   Bien avant cet article de son Dictionnaire …, Voltaire (1694-1778, pour rappel) formula diverses remarques sur cette question ; on les trouvera dans le Traité de Métaphysique, écrit vers 1735, publié dans l'édition de Kehl, dont le chapitre IX contient cette phrase admirable : « L'adultère et l'amour des garçons seront permis chez beaucoup de nations : mais vous n'en trouverez aucune dans laquelle il soit permis de manquer à sa parole ; parce que la société peut bien subsister entre des adultères et des garçons qui s'aiment, mais non pas entre des gens qui se feraient une gloire de se tromper les uns les autres. » Ce ne sont pas les propos d'un "homophobe".

   Encore dans l’Examen de Milord Bolingbroke, vers 1735, chapitres 23 et 25 ; dans l’Essai sur les mœurs, 1756, chapitre 66 et 146 ; enfin, dans Idées républicaines, 1762, § 53. Parmi les écrits postérieurs à la première publication de cet article (1764), on peut citer La Défense de mon oncle, 1767, chapitre 5, dont José-Michel Moureaux réalisa une édition critique en 1984 ; La Bible enfin expliquée, 1776, § Genèse ; le Prix de la Justice et de l’Humanité, 1777, article 19.

ARTICLE XIX.

DE LA S O D O M I E (1).

Les empereurs Constantin II, et Constance son frère, sont les premiers qui aient porté peine de mort contre cette turpitude, qui déshonore la nature humaine. (Code, liv. IX, tit, ix.) La novelle 141 de Justinien est le premier rescrit impérial dans lequel on ait employé le mot sodomie. Cette expression ne fut connue que longtemps après les traductions grecques et latines des livres juifs. La turpitude qu’elle désigne était auparavant spécifiée par le terme paedicatio, tiré du grec.
L'empereur Justinien, dans sa novelle, ne décerne aucune peine. Il se borne à inspirer l’horreur que mérite une telle infamie. Il ne faut pas croire que ce vice, devenu trop commun dans la ville des Fabricius, des Caton et des Scipion, n'eût pas été réprimé par les lois : il le fut par la loi Scantinia, qui chassait les coupables de Rome et leur faisait payer une amende ; mais cette loi fut bientôt oubliée, surtout quand César, vainqueur de Rome corrompue, plaça cette débauche sur la chaire du dicta- teur, et quand Adrien la divinisa.
Constantin II et Constance, étant consuls ensemble, furent donc les premiers qui s’armèrent contre le vice trop honoré par César. Leur loi Si vir nubit ne spécifie pas la peine ; mais elle dit que la justice doit s’armer du glaive : Jubemus armari jus gladio ultore; et qu’il faut des supplices recherchés, exquisitis pœnis. Il paraît qu’on fut toujours plus sévère contre les corrupteurs des enfants que contre les enfants mêmes, et on devait l’être.
Lorsque ces délits, aussi secrets que l’adultère, et aussi difficiles à prouver, sont portés aux tribunaux, qu’ils scandalisent ; lorsque ces tribunaux sont obligés d’en connaître, ne doivent-ils pas soigneusement distinguer entre l’homme fait et l’âge innocent qui est entre l’enfance et la jeunesse ?
Ce vice indigne de l’homme n’est pas connu dans nos rudes climats. Il n’y eut point de loi en France pour sa recherche et pour son châtiment. On s’imagina en trouver une dans les établissements de saint Louis, « Se aucuns est souspeçonneux de bulgarie, la justice laie le doit prendre, et envoyer à l’evesque; et se il en estoit prouvés, l’en le doit ardoir, et tuit li mueble sont au baron. » Le mot bulgarie (2) qui ne signifie qu’hérésie, fut pris pour le péché contre nature ; et c’est sur ce texte qu’on s’est fondé pour brûler vifs le peu de malheureux convaincus de cette ordure, plus faite pour être ensevelie dans les ténèbres de l’oubli que pour être éclairée par les flammes des bûchers aux yeux de la multitude.
Le misérable ex-jésuite (3), aussi infâme par ses feuilles contre tant d’honnêtes gens que par le crime public d’avoir débauché dans Paris jusqu’à des ramoneurs de cheminées, ne fut pour- tant condamné qu'à la fustigation secrète dans la prison des gueux de Bicêtre. On a déjà remarqué (4) que les peines sont sou- vent arbitraires, et qu'elles ne devraient pas l’être; que c’est la loi, et non pas l’homme, qui doit punir.
La peine imposée à cet homme était suffisante ; mais elle ne pouvait être de l’utilité que nous désirons, parce que, n’étant pas publique, elle n’était pas exemplaire (5)
1. Voyez le Dictionnaire philosophique, article AMOUR SOCRATIQUE, tome XVII, page 179.
2. Voyez tome XVII, pages 38 et 45.
3. Desfontaines; voyez tome X, page 521.
4. Voyez tome XVIII, page 2.
5. Note de Condorcet à l'édition de Kehl : " La sodomie, lorsqu’il n’y a point de violence, ne peut être du ressort des lois criminelles. Elle ne viole le droit d’aucun autre homme. Elle n’a sur le bon ordre de la société qu’une influence indirecte, comme l’ivrognerie, l’amour du jeu. C’est un vice bas, dégoûtant, dont la véritable punition est le mépris. La peine du feu est atroce. La loi d’Angleterre qui expose les coupables à toutes les insultes de la canaille, et surtout des femmes, qui les tourmentent quelquefois jusqu’à la mort, est à la fois cruelle, indécente, et ridicule. Au reste, il ne faut pas oublier de remarquer que c’est à la superstition que l’on doit l’usage barbare du supplice du feu. "

Autre commentaire d'époque sur le même sujet ; « Les Anciens n'étaient pas aussi choqué que nous de ce cynisme bizarre, sur lequel l'imagination la plus déréglée ose à peine s'arrêter. Héraclides dit expressément que l'amour des garçons n'avait rien de honteux chez les Crétois [...] À l'égard de cette expression, d'ailleurs si vague, de crime contre nature, par laquelle les Modernes ont désigné cette espèce de monstruosité, elle présente une idée fausse, et que la saine philosophie doit rectifier : en effet, il n'y a rien qui ne soit en nature, le crime comme la vertu. »
Jacques André Naigeon (1735-1810), article "Académiciens", section « Philosophie ancienne et moderne », Encyclopédie méthodique, Panckoucke, 1791.


   Dans les Contes, les allusions amusées à la pédérastie ou à l’ambiguïté des relations masculines sont nombreuses et pourraient faire l’objet d’une étude particulière ; nous n’en donnons ici que les références :
Histoire des Voyages de Scarmentado
Candide, ou l’Optimisme
Jeannot et Colin
L’Ingénu
La Princesse de Babylone
Les Lettres d’Amabed
Histoire de Jenni ou l’athée et le sage


   Dans la Correspondance, ce genre d’allusions est assez fréquent ; ainsi cette lettre à la marquise de Bernières, vers le 10 juillet 1724 :
« Je vous dirai pourquoi M. de La Trémoïlle est exilé de la Cour. C’est pour avoir mis très souvent la main dans la braguette de sa Majesté très chrétienne […] Tout cela me fait très bien augurer de M. de La Trémoïlle et je ne saurais m’empêcher d’estimer quelqu’un qui à seize ans veut besogner son roi et le gouverner. Je suis presque sûr que cela fera un très bon sujet. »
À Madame Denis, il écrivait :
« Je sais, ma chère enfant, tout ce que l’on dit de Potsdam [la Cour de Frédéric II] dans l’Europe. Les femmes surtout sont déchainées, comme elles l’étaient, à Montpellier, contre M. d’Assoucy [poète ayant évité de peu un procès pour sodomie, en 1654], mais tout cela ne me regarde pas [formule reprise depuis par le commentateur sportif Thierry Roland...] » (lettre du 17 novembre 1750).
Voltaire intervint en faveur de l’abbé Desfontaines auprès du Lieutenant général de police de Paris : « Je puis vous assurer qu’il est incapable du crime infâme qu’on lui attribue » (lettre du 29 mai 1725) ; mais onze ans plus tard, il rageait : « Ses mœurs et ses livres inspirent également le mépris et la haine » (lettre du 3 mars 1736). Les frères Goncourt notèrent justement à propos de Voltaire : « Ses ennemis sont des gueux, des assassins, des pédérastes. » (Journal littéraire, 15 mars 1867). Mais cela ne suffit pas à faire du philosophe un "homophobe" !


   Bien des articles du Dictionnaire philosophique (DP) ou des Questions sur l’Encyclopédie (QE) comportent des allusions à l’amour masculin :

Abus des mots (QE) : « La différence est prodigieuse entre l’amour de Tarquin et celui de Céladon, entre l’amour de David pour Jonathan, qui était plus fort que celui des femmes, et l’amour de l’abbé Desfontaines pour de petits ramoneurs de cheminée [Voir, dans la Correspondance générale, la lettre à Thieriot, du 5 juin 1738]. »

Amitié (DP, QE) : « L’amitié était un point de religion et de législation chez les Grecs. Les Thébains avaient le régiment des amants : beau régiment ! quelques uns l’ont pris pour un régiment de sodomites ; ils se trompent ; c’est prendre l’accessoire pour le principal. L’amitié chez les Grecs était prescrite par la loi et la religion. La pédérastie était malheureusement tolérée par les mœurs ; il ne faut pas imputer à la loi des abus honteux. »

Amour (QE) : « Si quelques philosophes veulent examiner à fond cette matière peu philosophique, qu’ils méditent le Banquet de Platon, dans lequel Socrate, amant honnête d’Alcibiade et d’Agathon, converse avec eux sur la métaphysique de l’amour. »

Ana, Anecdotes (QE) : « Jamais le roi Guillaume [Guillaume III d'Orange-Nassau] n’eut de maîtresse ; ce n’était pas d’une telle faiblesse qu’on l’accusait. »

Ange (DP, QE) : section III : « Les habitants de Sodome voulurent commettre le péché de pédérastie avec les anges qui allèrent chez Loth. »

Aristote (QE) : « Il fait le dénombrement de toutes les vertus, entre lesquelles il ne manque pas de placer l’amitié. Il distingue l’amitié entre les égaux, les parents, les hôtes et les amants. »

Asphalte (QE) : « La sainte Écriture parle de cinq villes englouties par le feu du ciel. [...] Il faut donc que les cinq villes, Sodome, Gomorrhe, Séboin, Adama et Segor, fussent situées sur le bord de la mer Morte. On demandera comment, dans un désert aussi inhabitable qu’il l’est aujourd’hui, et où l’on ne trouve que quelques hordes de voleurs arabes, il pouvait y avoir cinq villes assez opulentes pour être plongées dans les délices, et même dans des plaisirs infâmes qui sont le dernier effet du raffinement de la débauche attachée à la richesse : on peut répondre que le pays alors était bien meilleur. […] On fait encore une autre objection. Isaïe et Jérémie disent (Isaïe, chapitre xiii, 20 ; Jérémie, chapitre xlix, 18, et l, 40 ; note de Voltaire) que Sodome et Gomorrhe ne seront jamais rebâties ; mais Étienne le géographe parle de Sodome et de Gomorrhe sur le rivage de la mer Morte. On trouve dans l’histoire des conciles des évêques de Sodome et de Segor. On peut répondre à cette critique que Dieu mit dans ces villes rebâties des habitants moins coupables : car il n’y avait point alors d’évêques in partibus. [...] Il est bien triste pour les doctes que parmi tous les sodomistes que nous avons, il ne s’en soit pas trouvé un seul qui nous ait donné des notions de leur capitale. »

Athéisme (QE) : section première : « Le dieu [Jupiter] que les Romains appelaient Deus optimus, maximus, très bon, très grand, n’était pas censé encourager Clodius à coucher avec la femme de César, ni César à être le giton du roi Nicomède. […] Il n’était point du tout ordonné de croire aux deux œufs de Léda, au changement de la fille d’Inachus en vache, à l’amour d’Apollon pour Hyacinthe. »

Atomes (QE) : « L’auteur des Épigrammes sur la sodomie et la bestialité [Jean-Baptiste Rousseau] devait-il écrire si magistralement et si mal sur des matières qu’il n’entendait point du tout, et accuser des philosophes d’un libertinage d’esprit qu’ils n’avaient point ? »

Auguste Octave (QE) : « Cette abominable épigramme [sur Fulvie] est un des plus forts témoignages de l’infamie des mœurs d’Auguste. Sexte Pompée lui reprocha des faiblesses infâmes : Effeminatum insectatus est. Antoine, avant le triumvirat, déclara que César, grand-oncle d’Auguste, ne l’avait adopté pour son fils que parce qu’il avait servi à ses plaisirs : adoptionem avunculi stupro meritum. Lucius César lui fit le même reproche, et prétendit même qu’il avait poussé la bassesse jusqu’à vendre son corps à Hirtius pour une somme très considérable. Son impudence alla depuis jusqu’à arracher une femme consulaire à son mari au milieu d’un souper ; il passa quelque temps avec elle dans un cabinet voisin, et la ramena ensuite à table, sans que lui, ni elle, ni son mari en rougissent. (Suétone, Octave, chapitre lxix) […] Enfin on le désigna publiquement sur le théâtre par ce fameux vers :

« Videsne ut cinaedus orbem digito temperet ? (Ibid., chapitre lxviii)
Le doigt d’un vil giton gouverne l’Univers. »

Bayle (QE) : « Et à qui l’héritier non penseur d’un père [Jean Racine] qui avait cent fois plus de goût que de philosophie adressait-il sa malheureuse épître dévote contre le vertueux Bayle ? À [Jean-Baptiste] Rousseau, à un poète qui pensait encore moins, à un homme dont le principal mérite avait consisté dans des épigrammes qui révoltent l’honnêteté la plus indulgente, à un homme qui s’était étudié à mettre en rimes riches la sodomie et la bestialité, qui traduisait tantôt un psaume et tantôt une ordure du Moyen de parvenir [de Béroalde de Verville] à qui il était égal de chanter Jésus-Christ ou Giton. Tel était l’apôtre à qui Louis Racine déférait Bayle comme un scélérat. »

Bulgares ou Boulgares (QE) : « Puisqu’on a parlé des Bulgares dans le Dictionnaire encyclopédique, quelques lecteurs seront peut-être bien aises de savoir qui étaient ces étranges gens, qui parurent si méchants qu’on les traita d’hérétiques, et dont ensuite on donna le nom en France aux non-conformistes, qui n’ont pas pour les dames toute l’attention qu’ils leur doivent ; de sorte qu’aujourd’hui on appelle ces messieurs Boulgares, en retranchant l et a. Les anciens Boulgares ne s’attendaient pas qu’un jour dans les halles de Paris, le peuple, dans la conversation familière, s’appellerait mutuellement Boulgares, en y ajoutant des épithètes qui enrichissent la langue. [...] Le mot de Boulgare, tel qu’on le prononçait, fut une injure vague et indéterminée, appliquée à quiconque avait des mœurs barbares ou corrompues. [...] Ce terme changea ensuite de signification vers les frontières de France ; il devint un terme d’amitié. Rien n’était plus commun en Flandre, il y a quarante ans, que de dire d’un jeune homme bien fait : C’est un joli boulgare ; un bon homme était un bon boulgare. »

Conciles (DP, QE) : section III : « Concile général à Vienne, en Dauphiné, en 1311, où l’on abolit l’ordre des Templiers, dont les principaux membres avaient été condamnés aux plus horribles supplices, sur les accusations les moins prouvées. En 1414, le grand concile de Constance, où l’on se contenta de démettre le pape Jean XXIII, convaincu de mille crimes, et où l’on brûla Jean Hus[s] et Jérôme de Prague, pour avoir été opiniâtres, attendu que l’opiniâtreté est un bien plus grand crime que le meurtre, le rapt, la simonie et la sodomie. »

Contradictions (QE) : section première : « On cuit en place publique ceux qui sont convaincus du péché de non-conformité, et on explique gravement dans tous les collèges la seconde églogue de Virgile, avec la déclaration d’amour de Corydon au bel Alexis : « Formosum pastor Corydon ardebat Alexim ; » et on fait remarquer aux enfants que, quoique Alexis soit blond et qu’Amyntas soit brun, cependant Amyntas pourrait bien avoir la préférence. »

Femme (QE) : « Montesquieu, dans son Esprit des lois [VII, ix], en promettant de parler de la condition des femmes dans les divers gouvernements, avance que « chez les Grecs les femmes n’étaient pas regardées comme dignes d’avoir part au véritable amour, et que l’amour n’avait chez eux qu’une forme qu’on n’ose dire. » Il cite Plutarque pour son garant. C’est une méprise qui n’est guère pardonnable qu’à un esprit tel que Montesquieu, toujours entraîné par la rapidité de ses idées, souvent incohérentes. Plutarque, dans son chapitre de l’amour, introduit plusieurs interlocuteurs ; et lui-même, sous le nom de Daphneus, réfute avec la plus grande force les discours que tient Protogènes en faveur de la débauche des garçons. »

Genèse (DP, QE) : « « Et sur le soir, les deux anges arrivèrent à Sodome, etc. »
Toute l’histoire des anges, que les Sodomites voulurent violer, est peut-être la plus extraordinaire que l’Antiquité ait rapportée. Mais il faut considérer que presque toute l’Asie croyait qu’il y avait des démons incubes et succubes ; que de plus ces deux anges étaient des créatures plus parfaites que les hommes, et qu’ils devaient être plus beaux, et allumer plus de désirs chez un peuple corrompu que des hommes ordinaires. Il se peut que ce trait d’histoire ne soit qu’une figure de rhétorique pour exprimer les horribles débordements de Sodome et de Gomorrhe. Nous ne proposons cette solution aux savants qu’avec une extrême défiance de nous-mêmes. […] Il s’est trouvé quelques savants qui ont prétendu qu’on devait retrancher des livres canoniques toutes ces choses incroyables qui scandalisent les faibles ; mais on a dit que ces savants étaient des cœurs corrompus, des hommes à brûler, et qu’il est impossible d’être honnête homme si on ne croit pas que les Sodomites voulurent violer deux anges. C’est ainsi que raisonne une espèce de monstres qui veut dominer sur les esprits. »

Ignorance (QE) : section II : « Qui es-tu, toi, animal à deux pieds, sans plumes, comme moi-même, que je vois ramper comme moi sur ce petit globe? Tu arraches comme moi quelques fruits à la boue qui est notre nourrice commune. Tu vas à la selle, et tu penses ! Tu es sujet à toutes les maladies les plus dégoûtantes, et tu as des idées métaphysiques ! J’aperçois que la nature t’a donné deux espèces de fesses par devant, et qu’elle me les a refusées ; elle t’a percé au bas de ton abdomen un si vilain trou, que tu es portée naturellement à le cacher. Tantôt ton urine, tantôt des animaux pensants sortent par ce trou ; ils nagent neuf mois dans une liqueur abominable entre cet égout et un autre cloaque, dont les immondices accumulées seraient capables d’empester la terre entière; et cependant ce sont ces deux trous qui ont produit les plus grands événements. Troie périt pour l’un ; Alexandre [le grand] et Adrien [empereur romain] ont érigé des temples à l’autre. L’âme immortelle a donc son berceau entre ces deux cloaques ! Vous me dites, madame, que cette description n’est ni dans le goût de Tibulle, ni dans celui de Quinault : d’accord, ma bonne ; mais je ne suis pas en humeur de te dire des galanteries. »

Inquisition (DP, QE) , section II : « Louis de Paramo [Luis de Páramo (1545 - 1608)], inquisiteur du royaume de Sicile] remarque que les habitants de Sodome furent brûlés comme hérétiques, parce que la sodomie est une hérésie formelle. »

Jésuites ou Orgueil (QE) : « On ne chasse pas un ordre entier de France, d’Espagne, des Deux-Siciles, parce qu’il y a eu dans cet ordre un banqueroutier. Ce ne sont pas les fredaines du jésuite Guydot-Desfontaines, ni du jésuite Fréron, ni du révérend P. Marsy, lequel estropia par ses énormes talents un enfant charmant de la première noblesse du royaume [Le prince de Guemené ; voir, dans la Correspondance générale, la lettre de Voltaire à d’Alembert, du 10 mars 1765]. On ferma les yeux sur ces imitations grecques et latines d’Anacréon et d’Horace. »

Julien le philosophe (DP) : « Julien avait toutes les qualités de Trajan, hors le goût si longtemps pardonné aux Grecs et aux Romains. »

Langues (QE), section I : « Horace prodigue le futuo, le mentula, le cunnus. On inventa même les expressions honteuses de crissare, fellare, irrumarecevere, connilinguis. On les trouve trop souvent dans Catulle et dans Martial. Elles représentent des turpitudes à peine connues parmi nous : aussi n’avons-nous point de termes pour les rendre. […] Il n’y a point de langue qui puisse traduire certaines épigrammes de Martial, si chères aux empereurs Adrien et Lucius Verus. »

Médecins (Nouveaux mélanges, 3e partie) : « Tout homme riche [à Rome] eut chez lui des parfumeurs, des baigneurs, des gitons, et des médecins. »

Onan (QE) : « Nous avons promis à l’article Amour socratique de parler d’Onan et de l’onanisme, quoique cet onanisme n’ait rien de commun avec l’amour socratique, et qu’il soit plutôt un effet très désordonné de l’amour-propre. »

Oraison, prière publique, actions de grâce, etc. (QE) : « dans les maisons on chantait à table ses autres odes [d’Horace] pour le petit Ligurinus, pour Lyciscus, et pour d’autres petits fripons, lesquels n’inspiraient pas la plus grande dévotion ; mais il y a temps pour tout : pictoribus atque poetis. […] dans tous nos collèges nous avons passé à Horace ce que les maîtres de l’empire romain lui passaient sans difficulté. »

Ovide (QE) : « Les vers où Horace prodigue tous les termes de la plus infâme prostitution, et le futuo, et le mentula, et le cunnus ? Il y propose indifféremment ou une fille lascive, ou un beau garçon qui renoue sa longue chevelure, ou une servante, ou un laquais: tout lui est égal. Il ne lui manque que la bestialité. »

Pétrone (QE) : « C'est dommage que ces vers ne soient pas faits pour une femme [...] Ce sont les vers d'un jeune homme dissolu qui célèbre ses plaisirs infâmes »

Philosophe (QE) : section II : « Si ces rois [Charles IX et Henri III] avaient été philosophes, l’un n’aurait pas été coupable de la Saint-Barthélemy; l’autre n’aurait pas fait des processions scandaleuses avec ses gitons, ne se serait pas réduit à la nécessité d’assassiner le duc de Guise et le cardinal son frère, et n’aurait pas été assassiné lui-même par un jeune jacobin, pour l’amour de Dieu et de la sainte Église. »

Quisquis (du) de Ramus ou La Ramée (QE) : « le procès criminel du malheureux Théophile [de Viau] n’eut sa source que dans quatre vers d’une ode que les jésuites Garasse et Voisin lui imputèrent [Voyez l’article Théophile, au chapitre Athéisme. (Note de Voltaire.)] » […] « De Larcher, ancien répétiteur du collège Mazarin. […] Il prétend que les jeunes Parisiens sont fort sujets à la sodomie; il cite pour son garant un auteur grec son favori. »

Rome, Cour de Rome (QE) : « Ce Jean XII, que l’empereur allemand Othon Ier fit déposer dans une espèce de concile, en 963, comme simoniaque, incestueux, sodomite, athée, et ayant fait pacte avec le diable ; ce Jean XII, dis-je, était le premier homme de l'Italie en qualité de patrice et de consul, avant d’être évêque de Rome ; et malgré tous ces titres, malgré le crédit de la fameuse Marozie sa mère, il n’y avait qu’une autorité très-contestée. »

Taxe (QE) : « Antoine Dupinet […] 1564, Taxes des parties casuelles de la boutique du pape […] si on demande seulement l’absolution du crime contre nature [homosexualité] ou de la bestialité, il n’en coûtera que trente-six tournois et neuf ducats. »

Tonnerre (QE), section I : « S’il était tombé sur Cartouche ou sur l’abbé Desfontaines, on n’aurait pas manqué de dire : Voilà comment Dieu punit les voleurs et les sodomites. Mais c’est un préjugé utile de faire craindre le Ciel aux pervers. »


Au total, on est bien loin de la condamnation « sans appel » lue par René Pomeau dans les écrits de Voltaire ; la réalité est plus nuancée ; à côté de réelles critiques, davantage d’ordre esthétique que moral, il y a beaucoup d’indulgence et d’amusement chez le philosophe de Ferney. Tout comme chez Montaigne, La Mothe Le Vayer, ainsi que dans le Corydon d’André Gide, et à la différence de l’article contemporain « SODOMIE » de l’Encyclopédie (tome XV, 1765, par Antoine-Gaspard Boucher d'Argis (1708-1791) ; reproduit dans mon Dictionnaire français de l'homosexualité masculine, entrée " sodomie "), la morale judéo-chrétienne et les condamnations du Lévitique ne sont jamais invoquées ; Voltaire se situe dans le mouvement de laïcisation entrepris depuis la Renaissance. De plus, la fréquente référence à l’Antiquité et à ses vertus d’indifférence et de tolérance en dit long sur celles de Voltaire.


Enfin, la richesse du vocabulaire de notre auteur (une trentaine de termes, pour évoquer ce sujet supposé tabou, est étonnante (1). La liberté d’expression étant restreinte, bien des auteurs, les plus courageux en tout cas, s’arrangeaient pour se faire lire « entre les lignes », ou pour mêler des points de vue contradictoires, ce que fit Diderot dans l’Entretien entre D’Alembert et Diderot (voir « Suite de l’entretien »), publié posthumement en 1830. David Hume aborda la question dans un "Dialogue", à la fin de l’Enquête sur les Principes de la Morale (1751). Voltaire, « grand seigneur de l’esprit » selon Nietzsche, se détache par l’étendue et la précision de son information, ainsi que par son sens critique.

1. Le vocabulaire spécial de Voltaire :

agent
amour antiphysique
amour des garçons
amour infâme,
5 amour socratique

Corydon
enfondré le cul
exercice bulgare (Candide, XIV), exercice à la bulgare (Candide, XIV), pupille, traité précisément comme sa sœur (par des soldats bulgares ; Candide, IV)
faux amour
10 garçons qui s'aiment

giton
ce goût
goût particulier
icoglan (Un jeune icoglan très bien fait, tout nu avec un icoglan, Candide, XXVIII)
15 jésuite (connotation : d’un page, qui l’avait reçu d’un jésuite qui, étant novice, l’avait eu en droite ligne d’un des compagnons de Christophe Colomb : Candide, IV)).

mignons, catégorie de ses mignons
un Nicomède
non-conformistes
passion sodomitique
20 patient

péché antiphysique
péché contre nature
le rond (le cul)
sodomisé
25 sodomiste

sodomite
sodomitique (passion)
usage des garçons


Suite : Texte et notes













lundi 13 mars 2017

MON ARRIÈRE GRAND-PÈRE DAUBERT

Jules Ambroise DAUBERT (AGP, 1855-1915),

(extrait et complété à partir de ma généalogie générale)


Né à Marseille, 11 rue longue des Capucins (1er), le 26 octobre 1855 (registre 7, vue 35/51),

Matricule 4247, 6e bureau parisien en 1875,

Facteur de pianos, sans doute chez G. ou Em. Daubert.

Demeurant 10 rue des Poissonniers, Paris 10e, en mai 1885,

Décédé le 21 août 1915 52 rue du Mont-Cenis, Paris XVIIIe. Acte 3253 établi sur la déclaration de Jules Romat, 54 ans, et de Albert Bourgin, 42 ans, employés rue Hermel.


Ascendance :

Fils de Jean Marie Guillaume Augustin Daubert (mon AAGP donc), né le 28 août 1818 à Cugnaux (Haute-Garonne, arrondissement de Toulouse, canton de Tournefeuille), ébéniste, décédé le 16 décembre 1901 en son domicile 16 rue Marcadet à Paris, 18e, Acte N° 5097 du 17/12 ; registre VAE 10482, vue 24D (right)/31.


Lui-même fils de 
Antoine Barthémély Daubert (mon AAAGP donc), né à Cugnaux (Haute-Garonne, arrondissement de Toulouse, canton de Tournefeuille) selon les actes de mariage et de décès, fabricant, puis épicier.
" Barthélémy Antoine Daubert fils de Sieur Jean Daubert négociant à ....... (Escalquens ?) de et de Catherine Dettout mariés de cette paroisse, né le 27 octobre 1779 a été baptisé ce jour ; parrain le Sieur Barthélémy ....... marchand à Toulouse, marraine Antoinette ....... de cette paroisse qui requise de signer a dit ne savoir ; le parrain et le père ont signé avec nous. " Collection du greffe 1775-1791, vue 125D/453
Son frère, Pierre Germain Daubert, né le 9 juillet 1765 à Cugnaux, décédé en 1806) émigra en Amérique du Nord (Saint-Domingue).
Antoine B. est décédé à Cugnaux le 11 novembre 1845  ; acte établi sur la déclaration de Jean jacques Raymond, 68 ans, jaugier (??), et Antoine Delhom, 60 ans, charron, tous deux voisins du défunt.
Germain (né le 9 juillet 1765 à Cugnaux) et Antoine Barthélémy sont donc les fils de Jean Daubert et Catherine Dettou.
Jean Daubert, né le 22 janvier 1742 à Cugnaux, propriétaire, décédé le 22 décembre 1808 à Cugnaux. 
Catherine Dettou, née à Seysses_Tolosane (Haute-Garonne) le 12 avril 1738, décédée le 21 février 1812 à Cugnaux.

Mariage Daubert x Dettou le 14 juin 1757 à Seysses-Tolosane. Vue 61G/134 (greffe : vue 19/277).
Germain quitta la France pour l'Amérique du Nord :
Aperçu de sa descendance :
Pierre François Daubert (Port-de-Paix, Saint-Domingue, 24 février 1779 / New Orleans 18 juillet 1875)
Francis D. Daubert (New Orleans 9 août 1857 / 30 octobre New Orleans 1942)
Gladys Vera Daubert (New Orleans 15 décembre 1890 / Portland 22 janvier 1968)
Douglass Daubert Fox (New Orleans 14 juillet 1910 / Sedro Woolley, Washington State, 16 septembre 1980)  
Private 

et de Jeanne Marie Étiennette Martin ALAUX, née le 11 novembre 1790 à Cugnaux, demeurant à Toulouse en 1812, 
fille de Antoine Alaux et Marie Antoinette Scolastique Capmarty
Mariage Daubert x Alaux le 27 août 1812 à Cugnaux (Haute-Garonne) ; 1 E 6, vue 79G/147
Mariage Daubert x Alaux le 27 août 1812 à Cugnaux



et de Anne Bernard, née à Lyon le 15 mai 1815, couturière, mariée en 1843, décédée à Paris 18e le 10 mars 1887.


elle-même fille de Louis Bernard, né le 7 juin 1786 à Bourg Saint-Christophe (Ain, arrondissement de Bourg-en-Bresse, canton de Meximieux), boulanger en 1812, puis concierge, décédé le 1er janvier 1846 à Lyon.
lui-même fils de Michel Bernard, né le 4 décembre 1753 à Bourg-Saint-Christophe, Ain (vue 70G/87),  tailleur en 1780, puis propriétaire et cultivateur en 1812
et de Marie Léger, née en 1759, décédée à Bourg-Saint-Christophe le 23 Ventôse an VIII (14 mars 1800). 
Mariage Bernard x Leger le 1er février 1780 à Bourg-Saint-Christophe ; (AD Ain 1776-1780)
et de Marie Françoise GAGNEUX, née à Chazey/Ain (Ain) le  26 mai 1790, veuve de Louis Bernard puis de Jean Paul Bourdin, concierge à Lyon rue St Joseph, décédée à Lyon (2e) le 30 mars 1859 ; vue 131/300.
elle-même fille de Benoit Gagneux propriétaire cultivateur et de Louis Drillon, décédée à Chazey/Ain le 25 Ventôse an XI.
  Mariage Bernard x Gagneux : le 28 janvier 1812 à Chazey/Ain (Ain) ; vues 20-21D/33.  Témoin : Jean Bernard, frère de l'époux, cultivateur.

Mariage Daubert x Bernard à Lyon (mairie unique) le 23 septembre 1843. Vue 186G/365.


Mariage :
Mariage Daubert x Bailly le 23 mai 1885 à Paris (10e), leurs parents respectifs présents et consentants ; V4E 6360, vue 25D/31.

Descendance :


Hélène Marie DAUBERT (ma GMP), née à Paris le 5 mars 1886 (Paris, 18e) - décédée le 5 mars 1975 au 5, rue Cavendish à Nice (06), sténographe puis couturière
fille donc de Jules Ambroise Daubert (AGP)
et de Jeanne Albertine Marie BAILLY, née à Paris (10e) le 11 octobre 1867, sans profession, puis couturière,
domiciliés 5 rue Myrha (Paris, 18e).

Rue Myrha, Paris XVIIIe


Sources numérisées d'état-civil (adresses internet actualisées) :



mercredi 12 octobre 2016

INDEX NIETZSCHE (14/16) : LA CULTURE, L'ÉDUCATION





Fragments posthumes, 1870-1872,

U I 3-3a, septembre 1870 - janvier 1871 : 5[106] : Qu’est-ce que l’éducation ? [Was ist Erziehung ?]

UI 5a, hiver 1870-1871 - automne 1872 : 8[57] : l’éducation de tous n’est qu’un préstade du communisme. [Die allgemeine Bildung ist nur ein Vorstadium des Communismus: Die Bildung wird auf diesem Wege so abgeschwächt, daß sie gar keine Privilegien mehr verleihen kann. Am wenigsten ist sie ein Mittel gegen den Communismus. Die allgemeinste Bildung d.h. die Barbarei ist eben die Voraussetzung des Communismus. Passage d'interprétation difficile.]

8[62] : impossibilité de la philosophie à l’Université.
D'où aussi impossibilité d’une vraie formation classique. [Die deutsche Wissenschaft und die deutsche Bildung.
Die Unmöglichkeit der Philosophie auf Universitäten.
Darum auch wieder Unmöglichkeit einer wahren klassischen Bildung.]

8[65] : [Das ist etwas Neues. Der Staat als Führer der Bildung. Bei ihm wirken Elemente, die der wahren Bildung entgegengesetzt sind: er rechnet auf die Breite, er richtet sich die vielen jungen Lehrer ab. Lächerliche Stellung der klassischen Bildung: der Staat hat ein Interesse an dem „fachmäßigen“ Lakoniker: wie er in Betreff der Philosophie entweder nur die fachmäßig philologische oder die panegyrische Staatsphilosophie fördert. [...] Eine Menge Lehrer sind nöthig. Es sind Methoden ersonnen, wie sie mit dem Alterthum verkehren können.
Die Lehrer dürften gar nicht mit dem Alterthum verkehren. Aeschylus!
Die Sprachwissenschaft.]


U I 4a, 1871 : 9[70] : Égalité de l’enseignement pour tous jusqu’à 15 ans.
Car la prédestination au lycée par les parents, etc. est une injustice. [Gleichheit des Unterrichts für Alle bis zum 15ten Jahre.
Denn die Prädestination zum Gymnasium durch Eltern usw. ist ein Unrecht.]

5) Le concept épouvantable de maître d’école et d’instituteur
Le métier de professeur proprement dit, l’état de professeur est à briser. Donner l’enseignement est un devoir de l’homme d’âge. [Der schreckliche Begriff des Volkslehrers und Elementarlehrers. Der eigentliche Lehrerberuf, der Lehrerstand ist zu brechen. Unterrichtgeben ist eine Pflicht der älteren Männer.]

L’enseignement classique n’est de toute façon fécond que pour un petit nombre. [Der klassische Unterricht ist überhaupt nur für eine kleinere Zahl fruchtbar.]


P I 16b, printemps 1871 - début 1872 : 14 [11] : " Le principe pédagogique correct ne peut être que celui de mettre la plus grande masse dans le juste rapport avec l’aristocratie spirituelle ; c’est là proprement la tâche de la culture (selon les trois possibilités hésiodiques) ; " [Celui qui pense par lui-même - celui qui se rend au bon avis - l'esprit faux]. [Das richtige Erziehungsprincip kann nur sein, die größere Masse in das rechte Verhältniß zu der geistigen Aristokratiezu bringen: das ist die eigentliche Bildungsaufgabe (nach den drei Hesiodischen Möglichkeiten)]


Considérations inactuelles, I, David Strauss, 1873 :
§ 1: « Nous autres Allemands, dit un jour Goethe à Eckermann, nous sommes d'hier ; il est vrai que depuis un siècle, nous nous sommes solidement cultivés, mais il se peut bien qu'il se passe encore deux siècles avant que nos compatriotes se pénètrent d'assez d'esprit et de culture supérieure pour que l'on puisse dire d'eux qu'il y a très longtemps qu'ils ont été des barbares. »
[„Wir Deutsche sind von gestern, sagte Goethe einmal zu Eckermann, wir haben zwar seit einem Jahrhundert ganz tüchtig kultivirt, allein es können noch ein paar Jahrhunderte hingehen, ehe bei unseren Landsleuten so viel Geist und höhere Kultur eindringe und allgemein werde, dass man von ihnen wird sagen können, es sei lange her, dass sie Barbaren gewesen.]

Louis Dumur, " Nietzsche et la « culture », Mercure de France, 1er février 1908.


Sur l’avenir de nos établissements d’ enseignement, 1874 [Conférences],

Préface : L’avenir de nos moyens et méthodes d’éducation est lié à l’avenir de la culture [Bildung]
nos méthodes modernes : méthodes anti-naturelles de formation [Bildung].
I [16 janvier 1872] : ridicule disproportion entre le nombre des hommes vraiment cultivés et l’énorme appareil de la culture [Bildung]
Deux courants dominent nos établissements d’enseignement :
- pulsion vers l’extension, à l’élargissement maximal de la culture [Bildung]
- pulsion vers la réduction, à l’affaiblissement de la culture elle-même
La culture, pour diverses raisons, doit être étendue aux milieux les plus vastes – voilà ce qu’exige une tendance. L’autre invite au contraire la culture à abdiquer ses ambitions les plus hautes, les plus nobles, les plus sublimes, et à se mettre avec modestie au service de n’importe quelle autre forme de vie, l’État par exemple.
La culture [Bildung] la plus universelle, c’est justement la barbarie.


II [6 février 1872] :
Le gymnasium enseigne non pour la culture [Bildung] mais seulement pour l’érudition ; il prend depuis peu l’allure de ne plus enseigner pour l’érudition, mais pour le journalisme.
C’est l’autonomie véritable qui ne peut s’exprimer qu’en maladresses, c’est l’individu pris exactement qui est réprimandé par le maître et rejeté au profit d’une moyenne décente.
La médiocrité uniformisée reçoit des louanges dispensées à contre-cœur : car c’est elle justement qui d’habitude ennuie fort le maître, et pour de bonnes raisons.
Une éducation correcte devrait réprimer la prétention ridicule à l’autonomie du jugement ;
le laisser-faire universel de ce qu’on appelle la « libre personnalité » ne peut être rien d’autre que le signe distinctif de la barbarie.
On vous pervertit méthodiquement à bredouiller par vous-mêmes, lorsqu’on devrait vous apprendre à parler, à esthétiser par vous-mêmes, lorsqu’on devrait vous mener à la ferveur devant l’œuvre d’art, à philosopher par vous-mêmes, lorsqu’on devrait vous forcer à écouter les grands penseurs.

III [27 février 1872] :
Il existe maintenant presque partout un nombre si excessif d’établissements d’enseignement d’un haut niveau qu'on y utilise toujours beaucoup plus de maîtres que la nature d'un peuple, même richement doué, ne peut en produire ; il arrive donc dans ces établissements un excès de gens qui n’ont pas la vocation, mais qui peu à peu, par leur nombre écrasant et avec l’instinct du similis simili gaudet [inspiré de asinus asinum fricat ?] déterminent l’esprit de ces établissements. [Es existirt jetzt fast überall eine so übertrieben große Anzahl von höheren Bildungsanstalten, daß fortwährend unendlich viel mehr Lehrer für dieselben gebraucht werden, als die Natur eines Volkes, auch bei reicher Anlage, zu erzeugen vermöchte; und so kommt ein Übermaß von Unberufnen in diese Anstalten, die aber allmählich, durch ihre überwiegende Kopfzahl und mit dem Instinkt des „similis simili gaudet“, den Geist jener Anstalten bestimmen.]

L’immense majorité des maîtres se retrouve assurée de son bon droit parce que ses dons sont dans un certain rapport harmonique au bas vol et à la médiocrité de leurs élèves. C'est de cette majorité que viennent les cris qui appellent à fonder toujours de nouveaux lycées et de nouveaux établissements de haut niveau [...] ces hérauts bruyants du besoin de culture se transforment soudain, dès qu'on les regarde de près, en adversaires zélés, voire fanatiques, de la vraie culture, c'est-à-dire de celle qui s'attache à la nature aristocratique de l'esprit : car ils pensent au fond que leur but est d'émanciper les masses des grands individus, au fond ils aspirent à bouleverser d'ordre sacré dans le royaume de l'intellect, la vocation de la masse à servir, son obéissance soumise, son instict de fidélité sous le sceptre du génie. [die ungeheure Mehrzahl der Lehrer fühlt sich wiederum, diesen Anstalten gegenüber, im Recht, weil ihre Begabungen zu dem niedrigen Fluge und der Dürftigkeit ihrer Schüler in einem gewissen harmonischen Verhältnisse stehen. Von dieser Mehrzahl aus erschallt der Ruf nach immer neuen Gründungen von Gymnasien und höheren Lehranstalten [...] jene lauten Herolde des Bildungsbedürfnisses verwandeln sich plötzlich, bei einer ernsten Besichtigung aus der Nähe, in eifrige, ja fanatische Gegner der wahren Bildung d.h. derjenigen, welche an der aristokratischen Natur des Geistes festhält : denn im Grunde meinen sie, als ihr Ziel, die Emancipation der Massen von der Herrschaft der großen Einzelnen, im Grunde streben sie darnach, die heiligste Ordnung im Reiche des Intellektes umzustürzen, die Dienstbarkeit der Masse, ihren unterwürfigen Gehorsam, ihren Instinkt der Treue unter dem Scepter des Genius.]

Donc, ce n’est pas la culture [Bildung] de la masse qui peut être notre but, mais la culture d'individus choisis, armés pou accomplir de grandes œuvres qui resteront. [Also, nicht Bildung der Masse kann unser Ziel sein: sondern Bildung der einzelnen ausgelesenen, für große und bleibende Werke ausgerüsteten Menschen].
l’exigence de l’excès de maîtres de culture vient d’une sphère ennemie de la culture ; les conséquences de cet excès ne profitent qu’à l’inculture
On craint la nature aristocratique de la vraie culture [Bildung]


Fragments posthumes 1872-1873,

P I 20b, été 1872 - début 1873 : 19 [39] : « Si l’humanité reportait sur l’éducation et les écoles ce qu’elle a mis jusqu’ici sur la construction des églises, si elle redirigeait l'intelligence, de la théologie vers l’éducation. » [Wenn die Menschheit, was sie bis jetzt auf den Bau von Kirchen, auf Erziehung und Schulen verwendet, wenn sie den Intellekt, den sie auf Theologie, jetzt auf Erziehung richtet.]

U II 1, printemps-automne 1873 : [66] : Nous n’avons pas de culture [Kultur], nous avons seulement une civilisation avec quelques modes culturelles, plus encore une barbarie.
U II 2, été-automne 1873 : [220] : La culture [Bildung] devient de jour en jour plus faible, parce que la hâte devient plus grande.
U II 3, automne 1873 - hiver 1873-1874 : 30 [6] : Les natures faibles ne doivent pas du tout être prises en compte dans le programme d’éducation ; elles n’auront jamais une grande importance, ni en bien ni en mal.


Schopenhauer éducateur (1874),


§ 2 : " Je me demandais ce qu'il dirait des deux maximes d'éducation qui sont en vogue de notre temps. L'une exige que l'éducateur ait tôt fait de reconnaître le point fort de ses élèves et dirige alors toutes les énergies, toutes les sèves et tout l'éclat du soleil sur celui-ci afin d'amener à maturité et à fécondité cette unique vertu. L'autre maxime veut au contraire que l'éducateur tire parti de toutes les forces existantes, les cultive et fasse règner entre elles un rapport harmonieux. Mais faudrait-il pour autant contraindre à la musique celui qui a une inclination avérée pour l'orfèvrerie ? " [ich überlegte mir, was er zu den beiden Maximen der Erziehung sagen würde, welche in unserer Zeit im Schwange gehen. Die eine fordert, der Erzieher solle die eigenthümliche Stärke seiner Zöglinge bald erkennen und dann alle Kräfte und Säfte und allen Sonnenschein gerade dorthin leiten, um jener einen Tugend zu einer rechten Reife und Fruchtbarkeit zu verhelfen. Die andre Maxime will hingegen, dass der Erzieher alle vorhandenen Kräfte heranziehe, pflege und unter einander in ein harmonisches Verhältniss bringe. Aber sollte man den, welcher eine entschiedene Neigung zur Goldschmiedekunst hat, deshalb gewaltsam zur Musik nöthigen?]

" De quoi ne se contente-t-on pas, même dans nos cercles les plus distingués et les plus instruits, en fait de précepteurs ! De quel ramassis de têtes biscornues et d'institutions vieilliotes ne se satisfait-on pas souvent sous le nom de lycées ! Quel établissement supérieur, quelle université nous satisfont, nous tous, quels dirigeants, quelles institutions, comparés à la difficulté de la tâche d'éduquer un homme en homme !" [Was genügt da nicht alles, selbst bei unsern vornehmsten und best unterrichteten Leuten, unter dem Namen der Hauslehrer, welches Sammelsurium von verschrobenen Köpfen und veralteten Einrichtungen wird häufig als Gymnasium bezeichnet und gut befunden, was genügt uns Allen als höchste Bildungsanstalt, als Universität, welche Führer, welche Institutionen, verglichen mit der Schwierigkeit der Aufgabe, einen Menschen zum Menschen zu erziehen !]

§ 6 : éducation rapide, juste assez approfondie, pour gagner vite beaucoup d’argent.
L’éducation n’a en vue que le profit.


Fragments posthumes 1874-1877,

 U II 5a, début 1874 - printemps 1874 : 32 [73] Éducation du philosophe

U II 8b,printemps-été 1875 : 5[20] : un jour viendra où il n’y aura plus aucune pensée donnée comme éducation [Es wird irgendwann einmal gar keinen Gedanken geben als Erziehung.]

[25] : Éduquer les éducateurs ! Mais les premiers  doivent s’éduquer eux-mêmes ! Et c’est pour eux que j’écris.

[64] : L’éducation est d’abord l’apprentissage du nécessaire, puis du changement et du variable.
Quelle est la puissance de l’homme sur les choses ? C’est la question de toute éducation.

U II 8b, printemps-été 1875 : 5[87] : « L’œuvre de toute éducation est de transformer des activités conscientes en d’autres plus ou moins inconscientes ; et l’histoire de l’humanité est en ce sens son éducation. » [Opposer à Karl Marx, « l’histoire n’est que l’histoire de la lutte des classes »].
[Es ist das Werk aller Erziehung, bewußte Thätigkeiten in mehr oder weniger unbewußte umzubilden: und die Geschichte der Menschheit ist in diesem Sinne ihre Erziehung. Der Philologe nun übt eine Menge Thätigkeiten so unbewußt: das will ich einmal untersuchen, wie seine Kraft, d.h. sein instinktives Handeln, das Resultat von ehemals bewußten Thätigkeiten ist, die er allmählich als solche kaum mehr fühlt: aber jenes Bewußtsein bestand in Vorurtheilen. Seine jetzige Kraft beruht auf jenen Vorurtheilen, z.B. die Schätzung der ratio wie bei Bentley, Hermann. Die Vorurtheile sind, wie Lichtenberg sagt, die Kunsttriebe des Menschen.]


U II 5b, été 1876 : 17[65] : dispensé à l’heure et toutes les matières pêle-mêle. [d'où ces jolis mots d'élèves français fin XXe siècle : " symétrie participiale ", " nombres chargés positivement ".]

17[67] : Les États sincèrement démocratiques doivent à tout prix fournir à tous l’instruction la plus élevée.

M I 1, septembre 1876 : [2] : toutes les écoles publiques sont appropriées aux natures médiocres

U II 5c, octobre-décembre 1876 : [82] : les professeurs abêtissent tout, les auteurs etc.

[105] : Un bon éducateur peut en arriver à se trouver dans le cas d’offenser gravement son élève simplement pour étouffer en germe une sottise qu’il va dire.

Mp XIV 1b, fin 1876 - été 1877 : [43] : précarité de toutes les formes d’enseignement
[44] : « L’instruction en classe n’est guère qu’un pis-aller pour le cas où l’individu ne peut pas être formé par un professeur particulier. » [Klassenerziehung eben nur ein Nothbehelf ist, wenn der einzelne Mensch durchaus nicht von einem einzelnen Lehrer erzogen werden kann]
[94] : L’humanité n’a pas encore dépassé l’éducation par le hasard

N II 2, printemps-été1877 : 22[46] : l’école doit enseigner la plus grande liberté en matière de religion, la pensée la plus sobre dans sa rigueur. [Die Schule soll die grösste Freiheit im Rel lehren, das nüchternste strenge Denken. Die Unklarheit und die gewohnten Neigungen werden sehr weite Grenzen ziehen.]


Humain, trop humain. Un livre pour les esprits libres (1878),

IV " De l'âme des artistes et écrivains ",
§ 200 Écrire et enseigner veut prudence. : Le professeur pense toujours au bien de ses disciples [Wer Lehrer ist, ist meistens unfähig, etwas Eigenes noch für sein eigenes Wohl zu treiben, er denkt immer an das Wohl seiner Schüler und jede Erkenntniss erfreut ihn nur, so weit er sie lehren kann.]
§ 203 : L’exercice de style latin était le plus précieux. [Die blose Darstellung bei gegebenem Inhalte war die Aufgabe des lateinischen Stils, für welchen die alten Lehrer eine längst verloren gegangene Feinheit des Gehörs besassen.]

V " Caractères de haute et basse civilisation ", § 228 Le caractère fort et bon.: les éducateurs voudraient transformer l’individu en copie.
§ 242 : Éducation miraculeuse.
L’intérêt pour l’éducation deviendra une grande force quand on abandonnera la croyance en un Dieu et en sa providence.
§ 259 : Une éducation virile. Éducation virile en Grèce.

V " Caractères de haute et basse civilisation "§ 265 : La raison à l’école. L'école n'a pas de tâche plus importante que d'enseigner la rigueur de la pensée, la prudence du jugement, la logique du raisonnement. Aussi doit-elle faire abstraction de tout ce qui ne saurait servir à ces opérations, par exemple de la religion. [Die Schule hat keine wichtigere Aufgabe, als strenges Denken, vorsichtiges Urtheilen, consequentes Schliessen zu lehren: desshalb hat sie von allen Dingen abzusehen, die nicht für diese Operationen tauglich sind, zum Beispiel von der Religion.]

C’est la raison à l’école qui a fait de l’Europe l’Europe : au Moyen-Âge elle était sur le chemin de redevenir une province et une annexe de l’Asie, – et donc de perdre le sens de la science dont elle était redevable aux Grecs. [— Die Vernunft in der Schule hat Europa zu Europa gemacht: im Mittelalter war es auf dem Wege, wieder zu einem Stück und Anhängsel Asiens zu werden, — also den wissenschaftlichen Sinn, welchen es den Griechen verdankte, einzubüssen.]

V, § 266 Que l'on sous-estime les résultats de l'enseignement du lycée. : la valeur que l’on méconnaît ordinairement : les professeurs parlent la langue abstraite de la grande culture [Cultur].

VI " L'homme en société ", § 372 Ironie.: Ironie comme moyen pédagogique [Ironie. — Die Ironie ist nur als pädagogisches Mittel am Platze, von seiten eines Lehrers im Verkehr mit Schülern irgend welcher Art: ihr Zweck ist Demüthigung, Beschämung, aber von jener heilsamen Art, welche gute Vorsätze erwachen lässt und Dem, welcher uns so behandelte, Verehrung, Dankbarkeit als einem Arzte entgegenbringen heisst.]

VII " Femme et enfant ", § 395 Enseigner et commander : " Il faut que l'éducation enseigne le commandement aux enfants de familles modestes aussi bien que l'obéissance à d'autres enfants. "
§ 409 : la formation des lycées fait des adolescents des copies de leurs professeurs

VIII, § 467 : enseignement médiocre dans les grands États.
§ 479 : la richesse permet de payer les meilleurs précepteurs.


Fragments posthumes, 1878,
N II 4, été 1878 : mentir sur ce que l’on sait en feignant de l’ignorer, dans l’intérêt d’autrui.


Opinions et sentences mêlées, 1879,

§ 181 : Éducation contorsion. Précarité de toutes les formes d’enseignement.
§ 268 : le récalcitrant fait plaisir.
§ 320 : école comme moyen de maintenir le peuple sous la dépendance des gouvernements des grands États
l’enseignement individuel on ne peut plus mal vu.


Le Voyageur et son ombre, 1879,

§ 70 : l’éducateur le plus maladroit : le fanatique de la morale.
§ 180 : Les professeurs au siècle des livres. Du fait que l’instruction que l’on se donne seul ou en association fraternelle se généralise, on doit presque pouvoir se passer du professeur sous sa forme aujourd’hui habituelle. Des amis férus de savoir, qui veulent s’assimiler ensemble une connaissance, trouvent à notre siècle de livres une voie plus courte et plus naturelle que ne le sont « école » et « professeur ». [Die Lehrer im Zeitalter der Bücher. — Dadurch dass die Selbst-Erziehung und Verbrüderungs-Erziehung allgemeiner wird, muss der Lehrer in seiner jetzt gewöhnlichen Form fast entbehrlich werden. Lernbegierige Freunde, die sich zusammen ein Wissen aneignen wollen, finden in unserer Zeit der Bücher einen kürzeren und natürlicheren Weg, als „Schule“ und „Lehrer“ sind.]

§ 266 : Les impatients.
L'homme en cours de formation est justement celui qui n'admet pas le devenir : il est trop impatient pour cela. L’adolescent ne veut pas attendre que son tableau des êtres et des choses se remplisse après un long temps d’études, de souffrances et de privations ; il en accepte donc en toute bonne foi un autre, qui existe déjà, achevé, et qu'on lui offfre, comme s'il devait lui fournir par anticipation les lignes et les couleurs de son tableau à lui ; il se jette dans les bras d’un philosophe, d’un poète, et le voilà obligé de travailler un certain temps à la corvée et de se renier lui-même. Il y apprend beaucoup ; mais un jeune homme en oublie souvent ce qu'il vaut surtout d'apprendre et de connaître, soi-même ; il restera sa vie durant un disciple.

§ 267 : Il n’y a pas d’éducateur
En tant que penseur, on ne devrait parler que de l’auto-éducation

§ 282 « Le professeur, mal nécessaire » : « Le moins possible de personnes entre les esprits productifs et les esprits affamés et réceptifs ! Car les intermédiaires adultèrent presque automatiquement la nourriture qu’ils transmettent ; et puis, en récompense de leurs bons offices, ils réclament pour eux-mêmes trop de choses, ainsi retirées aux esprits productifs, oriinaux, à savoir intérêt, admiration, temps, arent et le reste. – Donc, on regardera quoi qu’il en soit le professeur comme un mal nécessaire, à l’instar du commerçant, comme un mal qu’il faut rendre le plus petit possible.   […] on peut voir une raison capitale de notre misère intellectuelle dans la quantité excessive des professeurs : elle est cause que l’on apprend si peu et si mal. »


Fragments posthumes, 1879-1880,

N IV 2, juin-juillet 1879 : [19] : il faut, en répandant les moyens de s’instruire seul, élever le professeur au plus haut degré de qualification, le supprimer dans ses formes médiocres. Remplacer l’école par des associations d’amis férus de savoir.

N V I, début 1880 :
[8] : l’éducation courante est brutale
[26] : Le christianisme étant déraciné, notre jeunesse grandit sans éducation

N V 3, été 1880 : [302] : les philosophes satisfont l’orgueil des jeunes gens, comme les poètes – ils les détournent de la science.

N V 4, automne 1880 : le moins d’État possible ! Je n’ai pas besoin de l’État, je me serais donné sans cette contrainte traditionnelle une meilleure éducation


Aurore (1881),

I, § 13 : Pour l’éducation nouvelle du genre humain.
III, § 194 : le siècle dernier est supérieur au nôtre en ceci qu’il compta tant d’hommes éduqués isolément
§ 195 : la prétendue éducation classique
IV, § 297 : estimer celui qui pense différemment
§ 397 : amélioration de la procréation
V, § 443 : « Le défaut le plus répandu de notre type de formation et d’éducation : personne n'apprend, personne n'aspire, personne n'enseigne... à supporter la solitude. » ;
V, § 447 : Meister und Schüler. — Zur Humanität eines Meisters gehört, seine Schüler vor sich zu warnen.
§ 455 : une seconde nature
§ 540 : il faut pouvoir apprendre


Fragments posthumes, 1881-1882,

M III 1, printemps-automne 1881 : [41] : maximes de l’éducation du penseur indépendant
[105] : l’éducation, c’est apprendre à rebaptiser ou à sentir différemment.
[145] : La nouvelle éducation ; il faut que les premiers éducateurs s’éduquent eux-mêmes !
[297] : le fait d’Apprendre est originairement plus amer que le travail, et donc détesté

N V 7, automne 1881 : [10] : le nouveau problème : savoir si une partie des hommes ne devrait pas être éduquée aux dépens de l’autre en vue d’une race supérieure. Sélection ...

M III 6a, déc. 1881 - janv. 1882 : avoir une postérité : c’est la meilleure éducation ; parents éduqués par les enfants.


Gai Savoir (1882),

I, § 21 : si l’éducation réussit, alors chaque vertu de l’individu constituera une utilité collective et un désavantage personnel


Fragments posthumes, 1882-1885,

N V 9a. N VI 1a, juillet-août 1882 : Plus abstraite la vérité qu’on veut enseigner et plus ce sont d’abord les sens qu’il faut y attirer.

ZI 1, automne 1882 : [1], 150 : Qui est professeur dans l’âme ne prend au sérieux les choses qu’eu égard à ses élèves – jusqu’à lui-même.

Z I 4, été 1883 : [1] : ne s’instruit que celui qui agit.

W I 1, printemps 1884 : remplacer le professeur
Le spectacle des masses et de ceux qui enseignent aux masses rend sombre.

Z II 8, hiver 1884-1885 : pédagogue dans l’âme : ne prend toute chose au sérieux que par rapport à son élève.

N VII 1, avril-juin 1885 : [68] : à toutes les époques les conditions pour l’éducation d’un esprit puissant, astucieux, inexorable, étaient plus favorables qu’aujourd’hui.

W I 6a : juin-juillet 1885 : [7] : un éducateur ne dit jamais ce qu’il pense lui-même ; se situe par-delà bien et mal.


Par-delà bien et mal, 1886,

IV " Maximes et interludes ", § 128 : incliner les sens en faveur d’une vérité abstraite
V " Contribution à l'histoire naturelle de la morale ", § 194 : aucun parent ne se conteste le droit de soumettre l’enfant à ses idées et à ses principes
VI " Nous les savants ", § 203 : une grandiose entreprise d’éducation et de sélection
IX " Qu'est-ce qui est aristocratique ", § 264 : " Il suffit de connaître quelques traits du caractère des parents pour avoir le droit d'en déduire celui de l'enfant. "


Fragments posthumes, 1887-1888,

W II 1, automne 1887 : éducation en tant que dressage
Éducation : essentiellement le moyen de ruiner l’exception en faveur de la règle.

W II 2, automne 1887 : Culture [Kultur] signifie en effet apprendre à calculer, apprendre à penser causalement, apprendre à prévenir, apprendre à croire à la nécessité.

W II 5, printemps 1888 : impuissante, inconsistante jusqu’ici

W II 6a, printemps 1888 : instruction obligatoire : épuise les réserves d’une race

W II 7a : printemps-été 1888 : instruction : au profit des médiocres

W II 9c, octobre-novembre 1888 : je fais partie de ces éducateurs involontaires qui n’ont pas besoin de principes pédagogiques


Crépuscule des Idoles, 1889,

[8] Ce qui manque aux Allemands,
§ 3 : des natures plus pleines, plus riches, plus profondes, ne trouvent plus d’éducation, ni d’éducateurs à leur mesure. Ce dont notre culture souffre le plus, c’est d’une pléthore de tâcherons arrogants, d’humanités fragmentées.
§ 5 : « L'enseignement supérieur allemand, dans son ensemble, a perdu ce qui est l'essentiel : un but, et également le moyen de parvenir à ce but. Que l’éducation, que la culture générale soit une fin en soi – et non « le Reich » – et qu’à cette fin un éducateur soit nécessaire (et pas le professeur de lycée ou l’érudit universitaire), voilà ce qu’on a oublié … Ce qui manque, ce sont des éducateurs eux-mêmes éduqués, des esprits supérieurs et distingués, qui fassent leurs preuves en toute circonstances, par leurs parole et leur silence, qui soient de vraies cultures vivantes, muries et délectables – et non pas les rustres savants que le Lycée et l'Université offrent à la jeunesse comme " nourrices supérieures ".
[...]
" Éducation supérieure " et multitude innombrable, voilà bien une contradiction de principe. Toute éducation supérieure n’est destinée qu’aux exceptions.
[...]
Le fait que l'éducation supérieur ne soit plus un privilège – le démocratisme de la culture "générale" devenue "commune" et vulgaire...
[...]
Plus personne, dans l’Allemagne d’aujourd’hui, n’est libre de donner à ses enfants une culture raffinée : toutes nos " écoles supérieures " sont, sans exception, réglées sur la plus douteuse médiocrité, dans leur corps enseignant, leurs programmes, leur idéal pédagogique.
[…]
Nos lycées surpeuplés, nos professeurs de lycée accablés et abêtis, sont un vrai scandale ; pour défendre cet état de choses, ainsi que l'ont fait récemment les professeurs de Heidelberg, on peut avoir des motifs [Ursachen]... on ne saurait avoir de raisons [Gründe]. »
§ 6 : Il faut apprendre à voir, il faut apprendre à penser, il faut apprendre à parler et à écrire ;
[...] pouvoir suspendre sa décision.

[9] Divagations d’un "inactuel", § 40 : si l’on veut des esclaves, il faut être fou pour leur donner une éducation de maîtres.