Revue scientifique, Paris, 79e année, mars 1941, N° 3, pages 140-146.
Notice refusée par fr.wikipedia.org pour manque de notoriété ... Le Répertoire Wikipédia, chacun peut tenter d'y déposer sa pierre (ou sa crotte) mais la modération est anonyme, vigilante et imprévisible (1). D'où cet article.
Mathématicien français, ancien élève de l’École normale supérieure du 45 rue d’Ulm, promotion 1936. Pierre Paul Momet était né le 12 février 1917 à Joigny (Yonne) et est décédé à Nice le 11 janvier 1980.
Pierre Momet fut mon professeur en classe de mathématiques supérieures au lycée Masséna de Nice, 16 heures par semaine pendant l'année scolaire 1961-62. (Robert Garnier était le professeur de physique-chimie).
Il eut notamment comme élèves le PDG de Saint-Gobain Jean-Louis Beffa (X 1960, Mines), qui me dit l'avoir trouvé " particulièrement éblouissant ", ceci pendant l'année scolaire 1958-1959.
Aussi Henri Skoda (ENS 1964) qui a suivi ses traces mathématiques, Jean-Louis Augier en 1968, Roger Bério (Sup' Élec), Léon Salomon Berner en 1961-1963 (X 1963), Patrick Bollereau (Centrale Paris), Freddy Filippi, Yves Lombardi (ENS 1964), Masséna, Marcillon, Walter Jacques René José Peyer (X 1964, décédé prématurément le 8 juillet 1973 à Chamonix-Mont-Blanc), Pompéi, Jean-Claude Pons, Roger Yves Torti (X 1964, décédé prématurément le 17 octobre 1975 à Nice) et Michel Wernert (X 1963, ingénieur général de l'Armement).
Momet faisait passer des colles aux élèves de la prépa ENSI : parmi eux Michel Klein (HEC), devenu professeur à HEC.
Merci à Henri Giaume (2e en partant de la gauche au 2e rang en partant du bas) pour cette photo
Nous utilisions le Cagnac et Ramis
Henri Skoda, je l'ai bien connu à l'internat
du lycée pendant trois ans.
On avait droit, chaque semaine, à un polycopié absolument parfait, fond comme forme, que nous devions lire avant d'avoir des explications complémentaires en classe. Chaque samedi après-midi, nous avions ce que l'on appelle aujourd'hui un DST, de 14 h à 17 h, avec la correction de 17 h à 18 h.
Cette façon de faire est excellente, car elle permettait aux erreurs éventuelles de ne pas rester dans l'esprit des élèves. Généralement, la correction des DST et examens vient plusieurs jours plus tard. Pire, nombre de profs du secondaire demandent aux élèves de rendre l'énoncé avec leur copie, ce qui ne leur permet pas d'y réfléchir dans les heures et jours qui suivent.
À cette époque, le niveau de langue des étudiants était bien supérieur à ce qu'il est aujourd'hui. Momet s'exprimait toujours parfaitement, mais un jour il eut cette question un peu négligée, "où c'qu'elle est, c'te droite ?", et beaucoup furent choqués, ce qui n'arriverait certainement plus aujourd'hui.
Son surnom était JK, abréviation ancienne de "jaune quant aux chaussures", sans doute aussi en lien avec la convention de notation des indices, i, j, k.
Pierre Momet est décédé accidentellement dans une rue de Nice en janvier 1980, m'a appris l'Association des Anciens élèves du Lycée Masséna, alors qu'il venait juste de prendre sa retraite ; lors d'une explosion due au gaz, il fut mortellement atteint par une plaque d'égout.
Momet fut membre de la section de Mathématiques et Mécanique analytique du CNRS (fondé en 1939) entre 1940 et 1943, en Géométrie.
Articles :
" Sur le théorème fondamental de la géométrie projective", Revue scientifique, Paris, 79e année, mars 1941, N° 3, pages 140-146 :
« La construction de la géométrie projective indépendamment de la notion de mesure, qui s'impose depuis l'introduction, dans la science, de l'idée de groupe, avait été entreprise dès 1847 par Ch. von Staudt (1), qui posait ainsi les assises de la géométrie synthétique moderne. Des axiomes d'appartenance qui régissent les conditions de déterminations mutuelles des éléments de l'espace, points, droites et plans, découle l'existence des formes de première espèce, ponctuelle, faisceau de rayons, faisceau de plans, forme entre lesquelles on peut établir, par voie de projection et de section, des relations élément à élément. La répétition d'un nombre fini de telles opérations détermine, entre la forme initiale et la forme finale, une correspondance biunivoque qui est une projectivité au sens de Cremond. Autre conséquence des mêmes axiomes, le théorème de Desargues, concernant les triangles homologiques et sa généralisation aux quadrangles homologiques (voir § 1). »
« La construction de la géométrie projective indépendamment de la notion de mesure, qui s'impose depuis l'introduction, dans la science, de l'idée de groupe, avait été entreprise dès 1847 par Ch. von Staudt (1), qui posait ainsi les assises de la géométrie synthétique moderne. Des axiomes d'appartenance qui régissent les conditions de déterminations mutuelles des éléments de l'espace, points, droites et plans, découle l'existence des formes de première espèce, ponctuelle, faisceau de rayons, faisceau de plans, forme entre lesquelles on peut établir, par voie de projection et de section, des relations élément à élément. La répétition d'un nombre fini de telles opérations détermine, entre la forme initiale et la forme finale, une correspondance biunivoque qui est une projectivité au sens de Cremond. Autre conséquence des mêmes axiomes, le théorème de Desargues, concernant les triangles homologiques et sa généralisation aux quadrangles homologiques (voir § 1). »
" Sur les transformations anallagmatiques". Revue Scientifique, 80e année, 1942, pages 200-208.
Sa thèse de doctorat d'État, 1943 (l'année de ma naissance) : Essai de synthèse de la géométrie anallagmatique réelle. Cette géométrie serait née avec Joseph Liouville. Voir le traité de géométrie de Jacques Hadamard ; Elie Cartan a écrit une dizaine d'articles sur la question.
Momet m'avait fait part dans une correspondance personnelle de son engagement politique aux côtés des bolchéviks. Il serait intéressant de savoir si cet engagement remonte à sa présence rue d'Ulm, nombre de normaliens y ayant été, pendant cette période 1939-1945, endoctrinés en communisme. Voir les travaux de Jean-François Sirinelli, notamment :
Génération intellectuelle. Khâgneux et normaliens dans l’entre-deux-guerres, Paris : Fayard, 1988, réédition Presses universitaires de France, collection « Quadrige », nº 160, Paris, 1995.
Références mathématiques :
Génération intellectuelle. Khâgneux et normaliens dans l’entre-deux-guerres, Paris : Fayard, 1988, réédition Presses universitaires de France, collection « Quadrige », nº 160, Paris, 1995.
Références mathématiques :
Juliette Leloup, L’entre-deux-guerres mathématique à travers les thèses soutenues en France, thèse, Paris VI, 2009.
Académie des sciences, Archives du fonds Élie Cartan (1.36 et 3.02).
J'ai malheureusement perdu d'autres références, sur les quaternions je crois, que j'avais trouvées à la bibliothèque de Paris VI quand je vivais à Paris.
Autres références :
Annuaire ENS-UlmNotice rédigée par Irène Guessarian pour le Bulletin de l'ENS sur Pierre MOMET, né à Joigny (Yonne) le 12 février 1917, décédé à Nice (Alpes- Maritimes) le 11 janvier 1980. – Promotion de 1936 s.
« Le 11 janvier 1980, à 13 h 30, Pierre Momet trouva une mort instantanée dans un accident extraordinaire : une plaque de gaz de France explosait sous ses pas, avenue de la Voie-Romaine à Nice, à côté de son domicile. Il venait de prendre sa retraite quelques mois plus tôt.
J’ai eu la chance d’avoir Pierre Momet comme « prof de maths » en 1965 : c’était un grand Monsieur, humainement, scientifiquement et moralement, malgré sa minceur et sa petite taille d’adolescent.
Pierre Momet normalien, était, d’après sa brillante camarade Jacqueline Ferrand (ENS 1936 s), un jeune homme discret, modeste et sans doute timide, et l’un des meilleurs géomètres de la promotion 1936. Monsieur Momet, le professeur, que j’ai eu en math sup., était l’un des enseignants les plus respectés et les plus appréciés, aussi bien par ses élèves que par ses collègues du lycée Masséna de Nice. Ce fut probablement le meilleur « prof de maths » que j’aie jamais eu. Il savait être à la fois très exigeant sur la qualité de notre travail et très respectueux de la sensibilité de chacun de nous. Il était un remarquable pédagogue : en sortant de classe, nous avions compris et acquis les notions essentielles. Il nous distribuait néanmoins un cours qu’à défaut de photocopieur il reproduisait lui-même avec un duplicateur à encre : nous disposions ainsi d’un magnifique « polycopié », soigneusement calligraphié d’une belle couleur violette. Trente ans après, il m’est arrivé d’utiliser des exemples tirés de ce polycopié pour faire comprendre des notions de logique à mes étudiants.
Son épouse Édith était institutrice. Comme ils n’avaient pas d’enfants, nous, ses élèves, étions un peu ses enfants adoptifs : il avait un tel souci de notre santé mentale et physique qu’on disait « Monsieur Momet, c’est une mère-poule » ! Plein de bienveillance et d’attention pour ses élèves, il n’en savait pas moins se mettre en colère : un jour nous le vîmes arriver, outré, brandissant Nice-Matin (le journal local) : Jean Dieudonné (ENS 1924 S), le doyen de la jeune faculté des sciences de Nice, affirmait dans ce journal « les taupes ne sont bonnes qu’à former des arpenteurs » ; le lycée retentit des imprécations de Pierre Momet pendant quelques jours. Mais l’honneur de la taupe fut sauf : presque toute la classe alla passer les épreuves de MP (le L1 de l’époque) au château de Valrose, siège de la nouvelle faculté des sciences de Nice, et nous raflâmes les premières places.
Pierre Momet aimait les chiens : il avait recueilli et adopté plusieurs chiens, et voulait consacrer du temps pour monter un refuge. L’extraordinaire accident qui l’emporta presqu’aussitôt après sa retraite l’en empêcha.
Pierre Momet avait une connaissance profonde de chacun de ses élèves et continuait à nous aider bien après que nous ayons quitté le lycée : c’est à ses (excellents) conseils que je dois d’avoir choisi la recherche en informatique plutôt qu’en mathématiques pures. Ce fut un privilège de l’avoir comme professeur. Il fait partie de ceux qui m’ont montré la voie à suivre, et je pense toujours à lui comme à un maître parti trop tôt avec un pincement de nostalgie.
Irène GUESSARIAN (1967 S) »
Félix Faure, devenu Masséna.
Autres références :
Annuaire X
Note
1. J'ai pu sans difficulté créer une entrée wp sur mon grand-oncle Don Sauveur Paganelli, préfet du Gard pendant un an et demi juste après la Libération.
Motif du refus : " il faudrait des sources marquant clairement ce que ce monsieur avait d'"exceptionnel " : des prix, des grandes responsabilités, des notions portant son nom, des hommages etc. Utilisateur : Roll-Morton. "
Motif du refus : " il faudrait des sources marquant clairement ce que ce monsieur avait d'"exceptionnel " : des prix, des grandes responsabilités, des notions portant son nom, des hommages etc. Utilisateur : Roll-Morton. "
9 commentaires:
Bonjour à toutes et à tous,
Pierre Momet était mon prof l'année 1969-70 ... Je ne suis pas moi-même un vrai "matheux", mais je l'avais trouvé très brillant. A l'époque, nous l'appelions souvent "Mahomet", son cours polycopié étant le "Coran".
Il nous avait expliqué lui-même un jour qu'il s'estimait un piètre chercheur en maths ... Mais ce souvenir n'engage que moi. Il y avait dans cette Math Sup deux élèves devenus profs de "Spé" : Martine PELLISSIER-PAGES (prof au Lycée Masséna ces dernières années, et Jean-Pierre BARANI, prof au Lycée du Parc de Lyon ces dernières années ...
Amitiés,
Jean GUERIN (Jean GUERIN 2 sur Wikipédia) ...
Bonjour à tous et toutes,
Je fus l'élève de Pierre Momet en Math'Sup en 1963-1964.
Au mariage de la fille du Dr Pons Marie-Christine à Mandelieu-la-Napoule le 1er août 2015, j'ai eu l'immense plaisir de rencontrer Roger Rainero qui fut aussi élève des Professeurs Momet en math et Garnier en physique, mais dix années plus tard d'après ce que Roger m'a communiqué lors du mariage de Aurélia. Il vient de me transmettre par mail l'adresse de ce site que je découvre avec un très grand plaisir.
Et je me permets de laisser un petit commentaire.
Yves Dao-Léna
Merci beaucoup !!
Un grand Merci pour cet article
peut etre pourrions nous unir nos efforts pour essayer de faire paraitre un article Pierre Momet sur Wikipedia. Monsieur Momet est le meilleur Prof (de Maths et toutes disciplines confondues que j'aie jamais eu)
I Guessarian (Sup 65-66)
Merci, Irène Guessarian, pour votre commentaire.
Le répertoire Wikipédia (car ce n'est pas vraiment une encyclopédié) ne veut pas d'un article sur Momet (manque de notoriété).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Pierre_Momet/Suppression
Bonjour chers camarades de la classe de M. Momet à Masséna. J'étais élève en 1966. Les maths mènent à tout! Je suis André PEYREGNE, devenu par la suite directeur du conservatoire de NIce (ayant également fait des études au conservatoire de Paris) et chroniqueur musique à NIce-Matin.
Je suis actuellement président dela Fédération Française d'Enseignement ARtistique (qui regroupe les conservatoires de France) et chroniqueur des rubriques Musique et Histoire de NIce-Matin.
Salut à tous!
André
Loved reading tthis thank you
Edmond Bonan
Mon père, ouvrier menuisier voulait me retirer du Lycée afin de m 'embaucher.
Pierre Momet n'ayant pu l'en dissuader : Etant avec Bernard Ballet, le meilleur de sa classe, il convaiquit le proviseur Taillefer de me faire entrer comme pensionnaire.
Je me permets d'ajouter la notice que j'ai rédigée pour le Bulletin de l'ENS sur Pierre MOMET, né à Joigny (Yonne) le 12 février 1917, décédé à Nice (Alpes- Maritimes) le 11 janvier 1980. – Promotion de 1936 s.
Le 11 janvier 1980, à 13 h 30, Pierre Momet trouva une mort instantanée dans un accident extraordinaire : une plaque de gaz de France explosait sous ses pas, avenue de la Voie-Romaine à Nice, à côté de son domicile. Il venait de prendre sa retraite quelques mois plus tôt.
J’ai eu la chance d’avoir Pierre Momet comme « prof de maths » en 1965 : c’était un grand Monsieur, humainement, scientifiquement et moralement, malgré sa minceur et sa petite taille d’adolescent.
Pierre Momet normalien, était, d’après sa brillante camarade Jacqueline Ferrand (1936 s), un jeune homme discret, modeste et sans doute timide, et l’un des meilleurs géomètres de la promotion 1936. Monsieur Momet, le professeur, que j’ai eu en math sup., était l’un des enseignants les plus respectés et les plus appréciés, aussi bien par ses élèves que par ses collègues du lycée Masséna de Nice. Ce fut probablement le meilleur « prof de maths » que j’aie jamais eu. Il savait être à la fois très exigeant sur la qualité de notre travail et très respectueux de la sensibilité de chacun de nous. Il était un remarquable pédagogue : en sortant de classe, nous avions compris et acquis les notions essentielles. Il nous distribuait néanmoins un cours qu’à défaut de photocopieur il reproduisait lui-même avec un duplicateur à encre : nous disposions ainsi d’un magnifique « polycopié », soigneusement calligraphié d’une belle couleur violette. Trente ans après, il m’est arrivé d’utiliser des exemples tirés de ce polycopié pour faire comprendre des notions de logique à mes étudiants.
Son épouse Édith était institutrice. Comme ils n’avaient pas d’enfants, nous, ses élèves, étions un peu ses enfants adoptifs : il avait un tel souci de notre santé mentale et physique qu’on disait « Monsieur Momet, c’est une mère-poule » ! Plein de bienveillance et d’attention pour ses élèves, il n’en savait pas moins se mettre en colère : un jour nous le vîmes arriver, outré, brandissant Nice-Matin (le journal local) : Jean Dieudonné (1924 s), le doyen de la jeune faculté des sciences de Nice, affirmait dans ce journal « les taupes ne sont bonnes qu’à former des arpenteurs » ; le lycée retentit des imprécations de Pierre Momet pendant quelques jours. Mais l’honneur de la taupe fut sauf : presque toute la classe alla passer les épreuves de MP (le L1 de l’époque) au château de Valrose, siège de la nouvelle faculté des sciences de Nice, et nous raflâmes les premières places.
Pierre Momet aimait les chiens : il avait recueilli et adopté plusieurs chiens, et voulait consacrer du temps pour monter un refuge. L’extraordinaire accident qui l’emporta presqu’aussitôt après sa retraite l’en empêcha.
Pierre Momet avait une connaissance profonde de chacun de ses élèves et continuait à nous aider bien après que nous ayons quitté le lycée : c’est à ses (excellents) conseils que je dois d’avoir choisi la recherche en informatique plutôt qu’en mathématiques pures. Ce fut un privilège de l’avoir comme professeur. Il fait partie de ceux qui m’ont montré la voie à suivre, et je pense toujours à lui comme à un maître parti trop tôt avec un pincement de nostalgie.
Irène GUESSARIAN (1967 S)
iguessarian@gmail.com
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