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lundi 22 janvier 2024

INDEX NIETZSCHE (7/16) : LES JUIFS ET LE JUDAÏSME suivi de : Index Onfray




A /  Publications et Fragments posthumes jusqu'en 1881. 
B / Le nazisme et Nietzsche
C / Fragments posthumes 1882-1888, relevant de « La Volonté de puissance »
D / Michel Onfray (" Nietzschéen de gauche ")


Voir aussi les (trop ?) brèves (et un peu one sided) entrées " Antisémitisme " et " Judaïsme " dans le Dictionnaire Nietzsche, par Philippe Choulet.


A - Publications et Fragments posthumes jusqu'en 1881.

Fragments posthumes, 1874-1875,

U II 5a : début 1874 - printemps 1874 : 32[39] : Il [Richard Wagner] offensa les Juifs qui possèdent à présent en Allemagne la plus grande partie de l’argent et la presse. [Drittens beleidigte er die Juden, die jetzt in Deutschland das meiste Geld und die Presse besitzen.]

U II 8b, printemps-été 1875 : 5[166] : Sur la religion
IV Pas de religion de la vengeance et de la justice ! les Juifs, le peuple le plus mauvais. [IV Keine Religion der Rache und Gerechtigkeit! die Juden das schlechteste Volk.]

U II 5b, été 1876 : 17[20] : Que les Juifs soient le pire peuple de la Terre s'accorde bien au fait que c'est justement parmi les Juifs qu'est née la doctrine chrétienne de la peccabilité et abjection totale de l'Homme - et qu'ils l'ont ensuite rejetée. [Daß die Juden das schlechteste Volk der Erde sind, stimmt damit gut überein, daß gerade unter Juden die christliche Lehre von der gänzlichen Sündhaftigkeit und Verwerflichkeit des Menschen entstanden ist — und daß sie dieselbe von sich stießen. Cf Voltaire : « C’est à regret que je parle des Juifs: cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la Terre . Mais tout absurde et atroce qu’elle était, la secte des Saducéens fut paisible et honorée, quoiqu’elle ne crût point en l’immortalité de l’âme, pendant que les pharisiens la croyaient. » (Questions sur l’Encyclopédiearticle "Tolérance", section I].


Humain, trop humain I, 1878,

VIII " Coup d'œil sur l'État ", § 475. L'homme européen et la disparition des nations. : tout le problème des Juifs ne se présente qu'à l'intérieur des États nationaux, car c'est là que leur énergie et leur intelligence supérieures, ce capital d'esprit et de volonté longuement amassé de génération en génération, doivent en venir à un niveau de prépondérance qui provoque l'envie et la haine, de telle sorte que se répandent, dans presque toutes les nations actuelles — et d'autant plus qu'elles deviennent plus nationales — ces écrits grossiers qui entendent conduire les Juifs à l'abattoir, en bouc émissaire de toutes les difficultés dans les affaires publiques et intérieures. Dès lors qu'il ne s'agit plus du maintien des nations, mais de la production d'une race européenne mêlée et aussi forte que possible, le Juif en est un élément aussi utilisable et souhaitable que n'importe quel autre vestige national. Toute nation, tout être humain a des traits déplaisants, voire dangereux ; il est barbare d'exiger que le Juif fasse exception. Il se peut même que ces traits soient chez lui tout particulièrement dangereux et repoussants, et le jeune boursicotier juif est peut-être en somme la plus répugnante trouvaille du genre humain. Néanmoins, j'aimerais bien savoir jusqu'où, lors d'une explication générale, il ne faudra pas pousser l'indulgence envers un peuple qui, de tous, a eu l'histoire la plus douloureuse, non sans notre faute à tous [...] Ce furent les Juifs, libres penseurs, savants, médecins, qui, malgré la pire violence faite à leur personne, continuèrent à tenir l'étendard des Lumières et de l'indépendance d'esprit [...] grâce à eux, il n'y a pas eu de rupture dans l'anneau de culture qui nous relie maintenant aux Lumières de l'Antiquité gréco-romaine.


Aurore, 1881, 1887,

I, § 38. Les pulsions transformées par les jugements moraux. : Les Juifs ont ressenti la colère autrement que nous et l'ont déclarée sacrée : aussi l a sombre majesté humaine dont elle s'accompagnait s'est-elle vue placée chez eux à des hauteurs inconcevables pour un Européen : ils ont conçu leur Jéhovah furieux et sacré à l'image de leurs prophètes furieux et sacrés. Mesurés à leur échelle, les grands furieux parmi les Européens ne sont pour ainsi dire que des créatures de seconde main.

III, § 205. Du peuple d'Israël. : Parmi les spectacles auxquels nous convie le siècle prochain, il y a la décision sur le destin des Juifs européens [...] On a voulu les rendre méprisables en les traitant avec mépris pendant deux millénaires, en leur interdisant l'accès à tous les honneurs, à tout ce qu'il y a d'honorable, et en les repoussant au contraire d'autant plus bas dans les métiers les plus sordides - à dire vrai, ces procédés ne les ont pas rendus plus propres. Mais méprisables ? [...] Ils sont si assurés de leur souplesse intellectuelle et de leur astuce qu'ils n'ont jamais besoin, même dans la situation la plus difficile, de gagner leur pain par leur force physique, comme grossiers manœuvres, portefaix, esclaves agricoles. On voit encore à leurs manières que l'on n'a jamais mis de sentiments chevaleresques et aristocratiques dans leur âme, ni de belles armes à leur ceinture : une certaine importunité alterne avec une obséquiosité souvent tendre et presque toujours pénible. [...] Ils savent que l'Europe, comme un fruit bien mûr, devrait leur tomber dans les mains, qu'ils n'auront qu'à tendre.

IV, § 377 : Notre imagination se donne libre cours là où résident nos manques. Le principe fantaisiste " aimez vos ennemis ! " a dû être inventé par des Juifs les meilleurs haïsseurs qui furent jamais, et la plus belle glorification de la chasteté par des gens qui avaient passé leur jeunesse en d’abominables débauches.


Fragments posthumes, 1880-1881,

N V 1, début 1880 : ] : 1[73] : L'Europe a adopté la moralité juive et la tient pour meilleure, plus haute, mieux adaptée aux mœurs polies et aux connaissances de notre époque que les morales arabe, grecque, indoue, chinoise. [Europa hat die jüdische Moralität angenommen und hält diese für bessere, höhere, der gegenwärtigen Gesittung und Erkenntniß angemessenere als die arabische, griechische, indische, chinesische.]

M II 1, printemps 1880 : 3[56] : la manière des Juifs ; cela les rend importuns ; pour cela fort haïs . [109. Es ist die Art der Juden, ihre Chancen im Verhältniß zu Personen auszunützen, indem sie dicht an die Grenze derselben treten und es merken lassen, daß sie sich an der Grenze wissen. Dies macht sie zudringlich; wir alle wollen ja unnahbar sein und unbegrenzt erscheinen; die Juden wirken diesem phantastischen Unfaßbar-sein-wollen bei Einzelnen und bei Nationen entgegen und werden dafür sehr gehaßt.]
3[104] : Ce que les Romains détestaient chez les Juifs, ce n’était pas la race mais un type de superstition qui leur était suspect [169. Was die Römer an den Juden haßten, das war nicht die Rasse, sondern eine von ihnen beargwöhnte Art des Aberglaubens und namentlich die Energie dieses Glaubens.] [...] Crédat Judaeus Apella" (Horace) . [Horace, Satires, I, v, 100-101 : Apella le juif peut le croire, pas moi].

Mp XV 1a, été 1880 : 5[21] : L'homme peut supporter le mépris le plus épouvantable (comme les Juifs) pourvu qu'il éprouve par quelque biais un sentiment de (ainsi pour eux, l'argent). [Der Mensch kann die fürchterlichste Verachtung aushalten (wie die Juden), aber er muß das Gefühl der M<acht> irgendworin haben (so diese das Geld)]


N V 4, automne 1880 : 6[71] : réveil des bassesses de la persécution antijuive - voyez l'entraînement général à la haine.
6[214] : La lutte contre les Juifs a toujours été la marque d'une nature basse, envieuse et lâche ; mentalité passablement populacière. [Junge Mensc]hen, deren Leistungen ihrem Ehrgeize nicht gemäß sind, suchen sich einen Gegenstand zum Zerreißen aus Rache, meistens Personen, Stände, Rassen, welche nicht gut Wiedervergeltung üben können: die besseren Naturen machen direkten Krieg; auch die Sucht zu Duellen ist hierher gehörig. Das Bessere ist, wer einen Gegner wählt, der nicht unter seiner Kraft und der achtenswerth und stark ist. So ist der Kampf gegen die Juden immer ein Zeichen der schlechteren, neidischeren und feigeren Natur gewesen: und wer jetzt daran Theil nimmt, muß ein gutes Stück pöbelhafter Gesinnung in sich tragen.]


N V 5, hiver 1880-1881 : [6] : Tous pensent que les sentiments moraux actuels sont les sentiments moraux par excellence. Mais ce sont les sentiments juifs.

N V 7, automne 1881 : 12[116] : Chez les misojuifs (tel W[agner]) m’a frappé davantage l’affinité avec l’élément juif que la dissemblance — c’est une énorme jalousie. Les Allemands se partageraient à présent en Juifs et misojuifs. [An den eigentlichen Misojuden (wie W<agner>) ist mir eher die Verwandtschaft mit dem Jüdischen als die Unähnlichkeit aufgefallen — es ist eine ungeheure Eifersucht. Die Deutschen zerfielen jetzt in Juden und Misojuden, d.h. — — —]

M III 4a, automne 1881 : 15[66] : Dans l’ensemble la moralité de l’Europe est juive — une profonde étrangeté nous sépare encore maintenant des Grecs. [Jüdisch ist im Ganzen die Moralität Europas — eine tiefe Fremdheit trennt uns immer noch von den Griechen.]


Le Gai savoir, (1882),

III, § 136 : Le peuple élu : Les Juifs qui se sentent le peuple élu parmi les peuples, notamment parce qu'ils représentent le génie moral parmi les peuples (grâce à la capacité qu'ils ont eu de mépriser l'être humain plus profondément que ne le fit jamais aucun peuple) - les Juifs éprouvent, au contact de leur saint et divin monarque, une jouissance semblable à celle de la noblesse française au contact de Louis XIV.

III, § 140 : Trop juif.  Si Dieu voulait devenir un objet de l’amour, il aurait dû se départir d’abord du rôle de juge et de la justice : — un juge et même un juge clément n’est pas objet de l’amour. Le fondateur du christianisme n’avait pas de sens assez subtil pour cela, — en tant que Juif.


V, § 348 : S'il est une chose à laquelle un Juif soit le moins habitué, c'est qu'on le croie - il n'est que de considérer sous ce rapport les savants juifs - eux tous misent extraordinairement sur la logique [...] ils savent qu'ils vaincront par la logique, même là ou la répugnance raciale et sociale fait qu'on ne les croit pas volontiers. De fait, rien n'est plus démocratique que la logique : elle ne connaît pas de considération de personne et tient aussi les nez crochus pour des nez droits. [...] Partout où les Juifs sont parvenus à l'influence, ils ont enseigné à distinguer avec plus de subtilité, à conclure avec plus de rigueur, à écrire plus clairement et plus nettement : leur rôle fut toujours d'amener un peuple "à la raison".

V, § 357 : tous les Juifs deviennent douceâtres quand ils moralisent.

V, § 361 Du problème du comédien. : Les Juifs, ce peuple de l'art de l'adaptation par excellence. [...] Le Juif en tant que littérateur-né, en tant que dominateur de fait de la presse européenne exerce sa puissance en vertu de ses capacités de comédien : car le littérateur est essentiellement comédien.
 


Par-delà Bien et Mal, 1886,

V, " Contribution à l'histoire naturelle de la morale ", § 195 : Les Juifs - peuple "né pour l'esclavage", comme dit Tacite (1) et avec lui toute l'Antiquité, peuple "élu parmi les nations", comme ils le disent et le croient eux-mêmes [...] leurs prophètes ont fondu en une seule notion celles de "riche", "sans Dieu", "méchant", "violent", "sensuel" et pour la première fois ont donné un sens infamant au mot "monde" [...] importance du peuple juif : avec lui commence dans la morale la révolte des esclaves.

1. Tacite [vers 55  /  vers 118], Histoire, V, 5 : les pratiques des Juifs sont ineptes et misérables ; haine hostile à l’égard de tous les autres. V, 8 : les Juifs étaient le peuple le plus méprisé par les Assyriens, les Mèdes et les Perses ; le roi Antioche [Antiochus IV, vers -215/-163] s’efforça de détruire la superstition nationale et d’introduire la civilisation  grecque.
Montesquieu : " Il n'y avait pas de peuple si vil dans l'esprit des Romains que les Juifs. Tous les ouvrages sont pleins de l'ignominie dont ils les couvraient. C'est, cependant, un homme de cette nation_là qu'on leur proposa à adorer ; ce sont des Juifs qui l'annoncent, et des Juifs qui se donnent pour témoins. " (Mes Pensées, X, ii).



Par-delà Bien et Mal, 1886,

VIII " Peuples et patries ", § 250 : Ce que l'Europe doit aux Juifs ? Beaucoup de choses, bonnes et mauvaises [...] le grand style dans la morale, l'horreur et la majesté des exigences infinies, des significations infinies, tout le romantisme sublime des problèmes moraux.

Nous qui assistons en artistes et en philosophes à ce spectacle [le ciel de la civilisation européenne, son ciel vespéral], nous en sommes — reconnaissants aux Juifs.


VIII, § 251 : Je n'ai pas encore rencontré un seul Allemand favorable aux Juifs ; si radicalement que les esprits prudents et les têtes politiques condamnent l'antisémitisme proprement dit, cette prudence et cette politique ne répudient pas cette sorte de sentiment, mais seulement sa dangereuse démesure […] Pas un Juif de plus ! […] tel est le vœu instinctif d’une nation dont le type ethnique est encore faible et indécis et qui craint qu’une race plus forte ne vienne l’effacer ou l’éteindre. Or les Juifs constituent sans aucun doute la race la plus forte, la plus résistante et la plus pure qui existe actuellement en Europe [...] Un penseur qui prend à cœur l'avenir de l'Europe devra tenir compte dans ses plans aussi bien de Juifs que des Russes, qui désormais sont probablement les deux facteurs les plus certains des grands jeu et combat des forces. [...]

« Pour le moment, ce qu'ils veulent et souhaitent, et même avec une certaine insistance, c'est d'être absorbés par l'Europe, ils brûlent de se fixer enfin quelque part, d'y être acceptés et considérés, de mettre un terme à leur nomadisme de "Juifs errants" — ; on ferait bien de prendre conscience et de tenir compte d'une telle aspiration (où s'exprime peut-être déjà une certaine atténuation des instincts judaïques) ; c'est pourquoi il serait peut-être utile et juste d'expulser du pays les braillards antisémites. Bien accueillir avec précaution, en opérant un choix, un peu comme procède la noblesse anglaise. [...] ce qui me tient à cœur, le "problème européen" tel que je l'entends, la sélection d'une caste nouvelle dominatrice de l' Europe. —  » [Einstweilen wollen und wünschen sie vielmehr, sogar mit einiger Zudringlichkeit, in Europa, von Europa ein- und aufgesaugt zu werden, sie dürsten darnach, endlich irgendwo fest, erlaubt, geachtet zu sein und dem Nomadenleben, dem „ewigen Juden“ ein Ziel zu setzen — ; und man sollte diesen Zug und Drang (der vielleicht selbst schon eine Milderung der jüdischen Instinkte ausdrückt) wohl beachten und ihm entgegenkommen: wozu es vielleicht nützlich und billig wäre, die antisemitischen Schreihälse des Landes zu verweisen. Mit aller Vorsicht entgegenkommen, mit Auswahl; ungefähr so wie der englische Adel es thut. [...] denn ich rühre bereits an meinen Ernst, an das „europäische Problem“, wie ich es verstehe, an die Züchtung einer neuen über Europa regierenden Kaste. —]

Lettre à sa sœur Elisabeth du 7 février 1886, Nietzsche s'y présente comme « un incorrigible Européen et anti-antisémite [den unverbesserlichen Europäer und Anti-Antisemiten] ».


Lettre à Theodor Fritsch, 23 mars 1887 :
Die Juden sind mir, objektiv geredet, interessanter als die Deutschen ".


Généalogie de la morale, 1887, [Zur Genealogie der Moral]
I "« Bon et méchant », « Bon et mauvais »
§ 7 : Tout ce qui a été entrepris sur Terre contre les « nobles », les « puissants », les « maîtres », les « détenteurs du pouvoir » n’est rien en comparaison de ce que les Juifs ont fait contre eux : les Juifs, ce peuple sacerdotal qui ne put en définitive avoir raison de ses ennemis et de ses vainqueurs que par une radicale invalidation de leurs valeurs, donc par un acte d'une vengeance la plus spirituelle.

Ce sont les Juifs qui, avec une effrayante logique, osèrent retourner l’équation des valeurs aristocratiques.

Avec les Juifs avait commencé la révolte des esclaves dans la morale

I, § 9 : tout s’enjuive ou se christianise ou s’encanaille à vue d’œil (qu’importe les mots).

I, § 16 : Le symbole de cette lutte [entre les deux valeurs opposées « Bon et méchant », « Bon et mauvais »], écrit d'une écriture qui est restée lisible tout le long de l'histoire de l'humanité, c'est « Rome contre la Judée, la Judée contre Rome » : — jusqu'à nos jours, il n'y a pas eu d'événement plus grandiose que cette lutte, ce point d'interrogation, cette opposition à mort. Rome sentait dans le Juif quelque chose comme la contre-nature elle-même, en quelque sorte le monstre qui lui était diamétralement opposé ; à Rome on considérait le Juif comme " convaincu de haine contre tout le genre humain " [cf Tacite, Annales, XV, 44) : à bon droit, dans la mesure où on a le droit de lier le salut et l'avenir du genre humain à la suprématie absolue des valeurs aristocratiques, des valeurs romaines. Quels étaient en retour les sentiments des Juifs vis-à-vis de Rome ? On le devine à mille signes ; mais il suffit de se remettre en mémoire l'Apocalypse de saint Jean, c'est-à-dire le témoignage écrit de la plus sauvage explosion que l'esprit vindicatif ait sur la conscience. [...] Les Romains étaient les forts et les nobles, au point qu'il n'y eu jamais, qu'on a même jamais pu rêver plus fort et plus noble au monde jusqu'ici ; tout vestige qui nous vient d'eux, toute inscription ravit, pourvu que l'on devine ce que c'est qui est écrit là. Les Juifs étaient au contraire ce peuple sacerdotal du ressentiment par excellence, doué d’un génie sans pareil pour la morale populaire : il suffit de comparer avec les Juifs des peuples aux dons analogues, par exemple les Chinois ou les Allemands, pour discerner ce qui est de premier et ce qui est de cinquième ordre. Qui a provisoirement vaincu, Rome ou la Judée ? Il n'y a pas l'ombre d'un doute : considérez seulement devant qui l'on se prosterne aujourd'hui, à Rome même, comme devant la quintessence de toutes les valeurs suprêmes — et pas seulement à Rome, mais presque sur la moitié de la Terre, partout où l'homme est devenu docile ou veut devenir docile — [Die Juden umgekehrt waren jenes priesterliche Volk des Ressentiment par excellence, dem eine volksthümlich-moralische Genialität sonder Gleichen innewohnte: man vergleiche nur die verwandt-begabten Völker, etwa die Chinesen oder die Deutschen, mit den Juden, um nachzufühlen, was ersten und was fünften Ranges ist. Wer von ihnen einstweilen gesiegt hat, Rom oder Judäa? Aber es ist ja gar kein Zweifel: man erwäge doch, vor wem man sich heute in Rom selber als vor dem Inbegriff aller höchsten Werthe beugt — und nicht nur in Rom, sondern fast auf der halben Erde, überall wo nur der Mensch zahm geworden ist oder zahm werden will, — vor drei Juden, wie man weiss, und Einer Jüdin (vor Jesus von Nazareth, dem Fischer Petrus, dem Teppichwirker Paulus und der Mutter des anfangs genannten Jesus, genannt Maria). Dies ist sehr merkwürdig: Rom ist ohne allen Zweifel unterlegen.]

La Judée triomphe une fois de plus de l'idéal classique avec la Révolution française : la dernière noblesse politique de l'Europe, celle du XVIIe et du XVIIIe siècle français, s'écroule sous la poussée des instincts populaires du ressentiment. [In einem sogar entscheidenderen und tieferen Sinne als damals kam Judäa noch einmal mit der französischen Revolution zum Siege über das klassische Ideal: die letzte politische Vornehmheit, die es in Europa gab, die des siebzehnten und achtzehnten französischen Jahrhunderts brach unter den volksthümlichen Ressentiments-Instinkten zusammen].

II " La " faute ", la " mauvaise conscience " "
§ 11 : " C'est aujourd'hui chez les anarchistes et les antisémites que cette plante [le ressentiment] fleurit le mieux, ainsi qu'elle a toujours fleuri d'ailleurs, dans l'ombre, comme la violette, mais son odeur est différente. "

III " Que signifient les idéaux ascétiques ? "
§ 14 : " Dühring, le plus grand braillard de la morale qui existe aujourd'hui, même parmi ses pareils, les antisémites). Ce sont tous des hommes du ressentiment, ces hommes physiologiquement disgraciés et tarés "

Le Crépuscule des Idoles, 1889 [1888]

Le problème de Socrate, § 6 : La dialectique [...] ne peut être qu'une défense de fortune aux mains de ceux qui n'ont pas d'autres armes. A moins d'avoir à conquérir son droit de haute lutte, on n'y a pas recours. C'est pour cela que les Juifs furent dialecticiens.



L'Antéchrist, 1894,

§ 24 : Les Juifs sont le peuple le plus étonnant de l'Histoire mondiale parce que, placés devant la question de l'être et du non-être, en pleine et inquiétante conscience, ils ont choisi l'être à tout prix : ce prix fut la falsification radicale de toute nature, de tout naturel, de toute réalité, tant dans le monde intérieur que dans le monde extérieur.

Les Juifs sont le peuple le plus fatal de l'humanité : à travers les séquelles de leur influence, ils ont rendu l'homme si faux qu'aujourd'hui, un chrétien peut éprouver des sentiments antijuifs sans comprendre qu'il n'est que l'ultime conséquence du judaïsme.

Le peuple juif est un peuple d’une force vitale prodigieusement résistante, qui, placé dans des conditions impossibles, volontairement et par une profonde habileté à survivre, prend le parti des instincts de décadence – non parce qu’il est dominé par ces instincts, mais parce qu’il a deviné en eux une puissance grâce à laquelle on peut s’imposer contre "le monde".

Pour l’espèce d’hommes qui, dans le judaïsme et le christianisme, vise au pouvoir [Macht], et qui est l’espèce sacerdotale, la décadence n’est qu’un moyen.

§ 25 : L'histoire d'Israël est inestimable en tant qu'histoire de la dénaturation des valeurs naturelles.

§ 26 : L'idée de Dieu faussée ; l'idée morale faussée - le clergé juif ne s'en tint pas là [...] avec un mépris sans bornes pour toute tradition, pour toute réalité historique, ils ont réinterprété dans un sens religieux tout leur propre passé national, c'est-à-dire qu'ils en on fait une stupide mécanique de salut.

§ 44 : Dans le christianisme, conçu comme l'art de mentir pieusement, c'est tout le judaïsme, toute une préparation rigoureuse, toute une pratique juive plusieurs fois séculaire, qui atteint à l'ultime maîtrise. Le chrétien, cette ultima ratio du mensonge, c'est encore une fois le Juif, encore trois fois le Juif.

Des petits super-Juifs ont retourné les valeurs en fonction d’eux-mêmes.

§ 46 : Comme fréquentations [zum Umgang], nous choisirions les " Premiers chrétiens " tout aussi peu que des juifs polonais : sans même qu'il soit besoin de leur faire le moindre reproche ... Ni les uns ni les autres ne sentent bons. [...] Ai-je encore à dire que dans tout le Nouveau Testament apparaît une unique Figure digne d'être honorée? C'est Pilate, le procurateur romain. Prendre au sérieux une querelle de Juifs - il ne s'y résoudra pas. Un Juif de plus ou de moins - quelle importance ?

§ 47 : Nommer "Dieu" sa propre volonté, thora, voilà qui est typiquement juif.


Nietzsche contre Wagner Dossier d'un psychologue

Comment je me suis affranchi de Wagner, § 1 : « Depuis que Wagner était en Allemagne, il s’abaissait peu à peu à tout ce que je méprise – et même à l’antisémitisme. »


B / Le nazisme et Nietzsche

Pour des hommes de la génération de Me Maurice Brun, avocat honoraire, ancien député (1973-1978) et adhérent fidèle du Cercle Condorcet de Montluçon, le nom de Nietzsche est associé au nazisme. Ce serait plus justifié avec Fichte, antisémite et nationaliste, - et Hegel, précurseur de Marx pour un aspect de son œuvre.

Le livre La Volonté de puissance fut concocté par sa sœur Élisabeth (publication :1901-1906-1911).

Nietzsche était hostile aux nationalistes allemands et aux antisémites (se disait choqué par les " écrits qui entendent mener les Juifs à l'abattoir ").

Pour la science, pour l'instruction. Hitler au contraire : " L'instruction scientifique viendra en dernier lieu. "

Pas anti-homosexuel. Ses passages sur ce sujet.

Parle de guerre - mais c'est une guerre de l'esprit.

Anti-religieux, donc anti-judaïsme, notamment sur les questions morales.

Rêve d'eugénisme : élimination ou extinction des " ratés ".

Le nom de Nietzsche n'apparaît pas dans Mein Kampf. Celui de Schopenhauer deux fois ; il y a un buste de Schopenhauer dans la bibliothèque du Berghof (résidence secondaire d'Hitler dans les Alpes bavaroises).
« L'œuvre de Nietzsche est brutalement interrompue par la démence au début de 1889. Sa sœur Elisabeth se fit gardienne autoritaire de l'œuvre et de la mémoire. Elle fit publier un certain nombre de notes posthumes. Les critiques lui reprochent moins peut-être des falsifications (les seules qui soient manifestes concernent les lettres) que des déformations : elle a cautionné l'image d'un Nietzsche antisémite et précurseur du nazisme — l'anti-Nietzsche par excellence. » (Gilles Deleuze, Michel Foucault, " Introduction générale ", in Le Gai Savoir, Paris : Gallimard, 1967).

Je tombe sur ces lignes ahurissantes de Roger Laporte (1925-2001) : " [...] dans la mesure où tout penseur est responsable de ce qu'il écrit et publie, il [Nietzsche] ne peut être tenu pour quitte d'une complicité involontaire avec le nazisme, complicité, à tout prendre, peut-être plus grave que celle de Heidegger. " (dans Les Philosophes 2 De Hume à Sartre, Paris: Hachette, 1985 ; collection Le Livre de poche - biblio essais 4236).

Timothy W. RybackHitler's Private Library [La bibliothèque privée d'Hitler],  2008 : chapitre 4, " Le philosophe égaré ". (photo Herman Seidl).
J'y trouve :
Hitler à la cinéaste Leni Riefenstahl : " Je ne peux pas tirer grand chose de Nietzsche. C'est un artiste plus qu'un philosophe, il n'a pas la compréhension limpide de Schopenhauer. Naturellement, j'apprécie le génie de Nietzsche. Il écrit sans doute le plus beau langage que la littérature puisse offrir aujourd'hui, mais ce n'est pas mon guide. " (Memoiren 1902-1945, 1990).


 

Enfin, la valorisation des " esprits libres " s'accorde mal avec les totalitarismes.

Pierre-André Taguieff : « La position anti-antisémite de Nietzsche est tout le contraire d’un héritage intellectuel et moral. Elle a suscité une double rupture dont le philosophe a payé le prix : avec les milieux wagnériens et avec son milieu familial, en particulier avec sa sœur Elisabeth. Cette prise de position publique contre l’antisémitisme a été le produit d’une réflexion exigeante sur la « question juive », telle qu’elle était posée en son temps, ainsi que d’un travail sur soi témoignant d’un rare courage et d’une probité intellectuelle peu commune. L’évolution de Nietzsche vaut pour preuve que nul n’est voué à ressasser les préjugés de son enfance, ni à rester fidèle à des convictions devenues intolérables. C’est à cela qu’on reconnaît les libres esprits. »
Nietzsche contre l’antisémitisme (2019).


C / Fragments posthumes 1882-1888 relevant de
« La Volonté de puissance »
(les éditions et traductions sous ce titre sont
incomplètes et de très mauvaise qualité)


« L'œuvre de Nietzsche est brutalement interrompue par la démence au début de 1889. Sa sœur Elisabeth se fit gardienne autoritaire de l'œuvre et de la mémoire. Elle fit publier un certain nombre de notes posthumes. Les critiques lui reprochent moins peut-être des falsifications (les seules qui soient manifestes concernent les lettres) que des déformations : elle a cautionné l'image d'un Nietzsche antisémite et précurseur du nazisme — l'anti-Nietzsche par excellence. » (Gilles Deleuze, Michel Foucault, Introduction générale, in Le Gai Savoir, Paris : Gallimard, 1967).

Voir dans le Dictionnaire Nietzsche l'entrée " Nazisme ", cc. 633b-639b, par Fabrice de Salies.

N. B. Le nom de Friedrich Nietzsche ne paraît pas dans les deux tomes du Mein Kampf d'Adolf Hitler. Celui d’Arthur Schopenhauer deux fois (Volume I, chapitres x et xi).


1882
N V 9a, juillet-août 1882 : [23] : sur le fait que la race sémite appartienne à la race indo-européenne, je suis d'accord avec G.I. Ascoli et E. Renan.


M III 4b, printemps-été 1883 : [12] : les juifs, pervertis par leur captivité en Égypte.


W I 1, printemps 1884 : 25[218] : Valeur de l'antisémitisme [Néologisme allemand forgé en 1879 par le journaliste socialiste Wilhem Marr], pour pousser les Juifs à se donner de plus hauts buts et à trouver trop bas d'être absorbés dans des États nationaux.

25[221] : Lorsque le Christianisme sera détruit, alors seulement on sera plus équitable envers les Juifs.

25[234] : En Europe les Juifs sont la race la plus ancienne et la plus pure. C'est pourquoi la beauté de la Juive est la plus haute.

25[282] : Imitation – comme talent du Juif.

25[441] : servilité chez les Juifs d’aujourd’hui, aussi chez les ALLEMANDS.

25[462] : L'Européen comme une super-race. De même le Juif : c'est finalement une espèce dominatrice, bien que très différente des simples anciennes races dominantes qui n'avaient pas modifié leur environnement.

W I 2, été-automne 1884 : [335] : " Compénétration des deux races, allemande et slave - nous avons besoin aussi des hommes d'argent les plus habiles, les Juifs, absolument, pour avoir domination sur la Terre. " [Ein In-einander-wachsen der deutschen und der slavischen Rasse, — auch bedürfen wir der geschicktesten Geldmenschen, der Juden, unbedingt, um die Herrschaft auf der Erde zu haben.]

Z II 5b, automne 1884 : [2] : tous les Chrétiens se livrent à des trafics de Juifs.


N VII 1, avril-juin 1885 : [90] la désensualisation dérivee des juifs

[111] : Les Allemands devraient élever une caste dominante : j'admets que les Juifs possèdent des capacités qui sont indispensables comme ingrédients chez une race qui doit faire une politique mondiale. Le sens de l'argent exige d'être appris, hérité et mille fois hérité : à présent encore les Juifs en bénéficient au même titre que les Américains.

W I 3a, mai-juillet 1885 : [76] : " Aristocratie de l'esprit " est un mot de passe pour les Juifs.

W I 4, juin-juillet 1885 : [42] : Si l'on ne tenait compte que de leur intelligence, de leur zèle et de leur habileté, les Juifs prussiens seraient déjà en possession des plus hautes situations dans l'État, particulièrement dans le domaine administratif : bref, ils auraient "le pouvoir" entre les mains (comme ils l'ont déjà - au dire de divers témoignages - "dans la poche"). Ce qui les en exclut, c'est leur incapacité à être les représentants du pouvoir. [...] les Juifs n’ont jamais été une race de chevaliers. […] Cet étiolement du Juif tient à un climat inapproprié et au voisinage de Slaves, de Hongrois et d'Allemands laids et soumis : parmi des Portugais et des Arabes, la race supérieure des Juifs est préservée.
[43] : Les dangers de l'âme juive sont : 1) elle cherche volontiers à s'implanter partout en parasite 2 ) elle sait "s'adapter" [...] l'habitude de dépenser beaucoup d'intelligence et d'entêtement pour de très petits profits a marqué son caractère d'une trace profonde : au point que même les grands commerçants les plus estimables sur le marché de la finance juive ne peuvent s'empêcher, lorsque les circonstances le permettent, de tendre la main, de sang-froid, pour de mesquins et petits profits supplémentaires qu'un financier prussien ne réaliserait qu'en rougissant de honte.
[45] : C. Problème d'une fusion de l'aristocratie européenne ou plus encore de la noblesse prussienne avec des Juives.
[47] : Les dangers de l'âme juive : parasitisme et théâtralité.

Le Juif ne « représente » pas.

W I 5, août-septembre 1885 : [13] : impératif qui commande l'instinct allemand et qui ordonne : "plus de nouveaux Juifs ! Et que la porte de l'Est soit soit tenue fermée!" [...] laideur effrayante et méprisable de Juifs nouvellement émigrés de Pologne, de Russie, de Hongrie et de Galicie.

N VII 3, été 1886 - automne 1887 : 5[5] : le type d’homme qui, dans l’Europe actuelle, reçoit bien avant les autres l’intellectualité en don héréditaire.

W II 1, automne 1887 : [50] : Rien de moins innocent que le Nouveau Testament. On sait sur quel sol il a crû. […] Ce peuple-là manipule la pia fraus [pieux mensonge] à la perfection.

Dès que des Juifs se produisent en tant que l’innocence même, il y a grave danger : l’on doit toujours tenir en réserve son petit fond de raison, de méfiance, de malice quand on lit le Nouveau Testament.

[53] : les Juifs ont frôlé le génie dans la sphère de l'art avec H. Heine et avec Offenbach

[88] : Pilate, l’unique personnage honnête, son dédain pour ce bavardage judaïque sur la « vérité », comme si semblable peuple avait le droit de prendre part à la discussion quand il s’agit de vérité.

[109] : NB. Donner aux Juifs le courage de qualités nouvelles, alors qu'ils sont passés dans de nouvelles conditions d'existence.


W II 2, automne 1887 : [62] : cacher son envie à l'égard de l'intelligence mercantile des Juifs sous des formules de moralité, voilà qui est antisémite, vulgaire, lourdement canaille.

[72] : astuce juive des premiers chrétiens

[199] : l' "instinct d'élu" juif : ils revendiquent sans autre forme de procès toutes les vertus pour eux-mêmes, et comptent pour leur contraire le reste du monde : signe profond de la vulgarité d'âme.

[200] : Morale du désintéressement [...] le Juif s'y trahit en ce sens qu'en fin de compte elle est représentée comme profitable ...

toujours le saint égoïsme juif à l’arrière-plan du sacrifice et de l’abnégation de soi.

[201] : Platon contaminé de bigoterie juive.


W II 3, novembre 1887 - mars 1888 : 11[384] : le christianisme est infiltré pa la judaïne [Die erste Entartung des Christenthums ist der Einschlag des Judain, — eine Rückbildung in überwundene Formen…]


W II 5, printemps 1888 : [182] : Esprit : le propre des races tardives (Juifs, Français, Chinois). Les antisémites ne pardonnent pas aux Juifs le fait que les Juifs ont de l'"esprit" - et de l'argent : l'antisémitisme, une appellation pour les "mal partagés".

L’instinct du grand financier va contre tout extrême – et c’est pourquoi les Juifs sont pour l’instant la puissance la plus conservatrice.

S’ils ont besoin et envie d’exercer un pouvoir par et sur le parti révolutionnaire également, ce n’est qu’une conséquence de ce qui précède.

Ils savent devenir puissants partout où il y a puissance.

[223] : Les Juifs font la tentative de s'imposer après avoir perdu deux castes, celle des guerriers et celle des agriculteurs.

Mp XVII 5, juillet-août 1888 : [3] : Les tchandala ont pris le dessus : à commencer par les Juifs. Les Juifs sont, dans une Europe incertaine, la race la plus forte ; car, par la durée de leur évolution, ils sont supérieurs au reste. Leur organisation suppose un devenir plus riche, une carrière plus périlleuse, un nombre plus élevé de degrés gravis, que n'en peuvent revendiquer tous les autres peuples. Mais c'est presque la formule de la supériorité. — Une race, comme tout autre formation organique, ne peut que croître, ou bien périr ; l'état stationnaire n'existe pas. Une race qui n'a pas dépéri est une race qui n'a cessé de croître. [...] — Les Juifs sont intelligents au sens le plus absolu : rencontrer un Juif peut être une bénédiction. Par ailleurs, on n'est pas impunément intelligent : par cela même on a facilement les autres contre soi. Mais l'avantage reste quand même aux intelligents. — Leur intelligence empêche les Juifs d'être absurdes à notre manière : par exemple nationalistes. [...] Ils sont même maintenant un antidote contre cette dernière maladie de la raison européenne. — Les Juifs seuls ont dans l'Europe moderne touché à la forme suprême de l'intellectualité : c'est la bouffonnerie géniale. Avec Offenbach, avec Heinrich Heine, la culture européenne devient culture au carré ; il n'est point encore à la portée des autres races d'avoir de l'esprit à ce point. Cela touche à Aristophane, à Pétrone, à Hafiz. — C'est sans doute Paris qui représente aujourd'hui la culture la plus ancienne et la plus tardive de l'Europe ; l'esprit de Paris est sa quintessence.

N VII 4, automne 1888 : 21[6] : Ah, quelle bénédiction est un Juif parmi du bétail allemand !... C'est ce qu'ont sous-estimé messieurs les antisémites. Qu'est-ce qui distingue au fond un Juif d'un antisémite? Le Juif sait qu'il ment quand il ment : l'antisémite ne sait pas qu'il ment toujours —

21[7] Les antisémites ont un but qui est manifeste jusqu'à l'indécence : — l'argent juif. [...]
Définition de l'antisémite : envie, ressentiment, rage, impuissante comme leitmotiv de l'instinct, la prétention de l'élu : la plus parfaite manière moralisante de se mentir à soi-même — celle qui n'a à la bouche que la vertu et tous les grands mots. Et ce trait typique : ils ne remarquent même pas à qui ils ressemblent à s'y méprendre ? Un antisémite est un Juif envieux — c'est-à-dire le plus stupide de tous...

W II 9c, octobre-novembre 1888 : [1] : 3 : entre 1876 et 1886, j'ai dû à des Juifs ou à des Juives presque tous mes moments agréables dans les hasards des rencontres. Les Allemands sous-estiment quel bienfait représente la rencontre d'un Juif, - on n'a plus de raison d'avoir honte, on peut même être intelligent.
6 : Même en faveur des antisémites, envers qui, comme on sait, je suis aussi mal disposé que possible, je saurais faire valoir bien des traits positifs, d'après une expérience non négligeable : cela n'empêche pas, cela détermine plutôt, que je mène une guerre impitoyable à l'antisémitisme - il est une des aberrations les plus maladives de l'autocontemplation hébétée et bien peu justifiée du Reich allemand ...



D - MICHEL ONFRAY SUR LES JUIFS



Traité d'athéologie - Physique de la métaphysique, Paris : Grasset, 2005. Réédité dans la collection Le Livre de Poche, n° 30637, en octobre 2006.

« (II) Monothéismes, i, 3 La kyrielle des interdits. […] Les Évangiles n'interdisent ni le vin ni le porc, ni aucun aliments, pas plus qu'ils n'obligent à porter des vêtements particuliers. L'appartenance à la communauté chrétienne suppose l'adhésion au message évangélique, pas aux détails de prescription maniaque. […] Juifs et musulmans obligent à penser Dieu dans chaque seconde de la vie quotidienne. »

(IV) Théocratie, I, 3 : "Le mythe du peuple élu fonde l'essence et l'existence d'une Nation désormais dotée d'un destin."

I, 4.: "L'État d'Israël s'appuie sur la Torah pour justifier la colonisation de la Palestine [...] Les juifs sont le peuple élu (Deut. VII, 6), choisi par Dieu, contre tous les autres, malgré tous les autres [...] Yahvé justifie le massacre de tout ce qui vit, hommes et bêtes, femmes et enfants, les vieillards, les ânes, les bœufs, le menu bétail dit le texte, tout doit être passé au fil de l'épée (Jos. VI, 21 [Et interfecerunt omnia, quae erant in ea, a viro usque ad mulierem, ab infante usque ad senem; boves quoque et oves et asinos in ore gladii percusserunt.]). La conquête du pays de Canaan, la prise de Jéricho se paient du prix de toute vie. La ville est incendiée. L'or et l'argent échappent à la vindicte et sont consacrés à Yahvé, pour sa grandeur, ses largesse et sa complicité dans ce qu'il convient bien de nommer le premier génocide : l'extermination d'un peuple. [...] Yahvé parle à son peuple élu et n'a aucune considération pour les autres. La Torah invente l'inégalité éthique, ontologique et métaphysique des races.".

II, 2 : "L'invention juive de la guerre sainte. [...] Peu importe ces Cananéens, Dieu a décidé de leur extermination : « je les exterminerai » dit-il (Ex. XXIII, 23 [Praecedet enim te angelus meus et introducet te ad Amorraeum et Hetthaeum et Pherezaeum Chananaeumque et Hevaeum et Iebusaeum, quos ego conteram.]) [...] Aux Palestiniens, il promet la destruction totale - la guerre sainte selon l'expression terrifiante et hypermoderne [1] du livre de Josué (VI, 21)."
1. Expression qui n'est pas dans le texte...

II, 10 : Amour du prochain, suite ... [...] Le Lévitique, par exemple, prend soin de préciser qu'un Juif évitera d'utiliser l'un des siens comme esclave (XXV, 39-55). Un contrat de louage, oui, qui se termine au bout de six années et permet au juif domestique de recouvrer sa liberté. En revanche, un non-juif peut demeurer dans l'état serf jusqu'à sa mort." 


 

mardi 26 décembre 2023

"DIEU", LA FOI, L'ATHÉISME — SUR « FIDES ET RATIO »


Voir aussi mes pages : LES RELIGIONS suivi de NOTES SUR L'OBSCURANTISME RELIGIEUX ; j'ai préféré séparer l'approche philosophique de la critique de la foi de l'approche historique et politique des religions ; Michel Onfray eut tort de ne pas pratiquer ainsi dans son Traité... de 2005 car cela l'affaiblit considérablement.

DIALOGUE DE LA FOI ET DE L'INCROYANCE (SADE et alii)

et
"DIEU", LA RELIGION, DANS L'ŒUVRE DE FRÉDÉRIC NIETZSCHE


* * * * *
Le pécheur arrogant, l'insensé (insipiens) qui dit " Non est Deus " est noté dans l'Ancien Testament (Psaumes X, 4 et XIV, 1) :

Dixit insipiens in corde suo : “ Non est Deus ”.
Corrupti sunt et abominationes operati sunt ;
Psaumes, I, 14, 1 (vers -VIe siècle ?)

§ I / Les premiers pas de l'athéisme
§ II / « La raison offense tous les fanatismes. »
§ III / A / "DÉFINITIONS" DE "DIEU"
§ III / B / La toute-puissance n’existe pas selon Aristote, Horace et Sénèque le Jeune.
§ III C / Qualifications et métaphorisations de "Dieu"
§ IV / DÉFINITIONS DE LA FOI :
§ V / Philosophie et/ou foi
§ VI / "DIEU" … HYPOTHÈSE OU INVENTION ?
§ VII / UNE HYPOTHÈSE EXTRÊME
§ VIII / SUR L’IDÉE DE DIEU CHEZ DESCARTES
§ IX / HUMAIN, TROP HUMAIN
§ XI / MAIS DIEU SAUVÉ EN TANT QUE FILS DE L’HOMME ?
§ XII / SUR FIDES ET RATIO
§ XIII - Sur "totalitarisme et athéisme"

§ I / Les premiers pas de l'athéisme :

Xénophane de Colophon [Ionie (Turquie actuelle)], (vers -570 / vers -475 ) : « Si les bœufs savaient dessiner, ils donneraient aux dieux forme bovine. » (rapporté par Clément d’Alexandrie, Stromates, V, 110) . C'est quasiment dire que l'homme a créé les dieux à son image, contrairement au mythe de Genèse, I, 27 " Et creavit Deus hominem ad imaginem suam ; ad imaginem Dei creavit illum ".

La thèse athée de l’invention des dieux est ancienne : le sophiste Critias (-Ve siècle) apparaissait à Sextus Empiricus appartenir au groupe des athées,
« Un homme à la pensée astucieuse et sage
Inventa la crainte des dieux pour les mortels,
Afin que les méchants ne cessassent de craindre
D’avoir à rendre compte de ce qu’ils auraient fait,
Dit, ou encore pensé, même dans le secret :
Aussi introduisit-il la pensée du divin. »
(Critias d'Athènes, cité par le sceptique Sextus Empiricus, IIe siècle, Contre les professeurs, IX, 54).
Platon distingue athéisme relatif et athéisme absolu ; accusation d'athéisme absolu portée par Mélétos contre Socrate. (Apologie de Socrate, 26 c-e)
" Dès qu’un homme croit, comme les lois le lui enseignent, qu’il y a des dieux, jamais il ne se portera volontairement à commettre aucune action impie, ni à tenir aucun discours contraire aux lois. Ce désordre ne peut venir que d’une de ces trois causes, ou de ce qu’on ne croit pas, comme je viens de le dire, que les dieux existent, ou s’ils existent, qu’ils ne se mêlent pas des affaires humaines, ou enfin qu’il est aisé de les apaiser et de les gagner par des sacrifices et des prières. " (Lois, X, 885c)

Lucrèce (-99 / -55) :
« Les Dieux, de leur nature, entière par soi-même,
Sont immortels, heureux dans une paix suprême,
Loin des choses de l’homme et bien plus haut que nous ;
Nos périls, nos douleurs ne leur sont pas communes ;
Sans nul besoin de nous, maîtres de leurs fortunes,
Ils sont indifférents, sans grâce ni courroux.
|...]
Tant est grand le pouvoir qu’a la religion d’inciter au mal. ». Lucrèce (Titus Lucretius Carus, vers -99 / vers -55), De la nature des choses [De rerum natura, I, 79, 101 : " tantum religio potuit suadere malorum "]


Élien (vers 175 / vers 235), Histoires variées, livre II,
" § 31. Qu'il n'y a point d'athées chez les barbares.
Qui pourrait ne pas louer la sagesse des peuples qu'on nomme barbares ? On n'en vit jamais aucun nier l'existence de la divinité : jamais ils n'ont mis en question s'il y a des dieux, ou s'il n'y en a pas ; si les dieux s'occupent, ou non, de ce qui concerne les hommes. Nul Indien, nul Celte, nul Égyptien n'imagina de système pareil à ceux d'Évhémère de Messine [vers -340 / vers -260], de Diogène de Phrygie [Diogène d'Apollonie, élève d'Anaximène, milieu -Ve siècle], d'Hippon [de Métaponte, -Ve siècle], de Diagoras [de Mélos], de Sosias, d'Épicure. Toutes les nations que je viens de nommer, reconnaissent qu'il y a des dieux, et que ces dieux veillent sur nous, et nous annoncent ce qui doit nous arriver, par certains signes dont leur providence bienveillante nous donne l'intelligence ; comme le vol des oiseaux, les entrailles des animaux, et quelques autres indices, qui sont autant d'avertissements et d'instructions. Ils disent que les songes, que les astres même nous découvrent souvent l'avenir. Dans la ferme croyance de toutes ces choses, ils offrent d'innocents sacrifices, auxquels ils se préparent par de saintes purifications ; ils célèbrent les mystères ; ils observent la loi des Orgies ; enfin, ils n'omettent aucune des autres pratiques religieuses. Pourrait-on après cela ne pas avouer que les barbares révèrent les dieux, et leur rendent un véritable culte ? "
Traduction du grec par Bon-Joseph Dacier, 1827.

  Sextus Empiricus« Que Dieu n'existe pas, c'est l'avis de ceux qu'on appelle athées, comme Évhémère [« Évhémère, surnommé l’Athée, dit ceci : lorsque les hommes n’étaient pas encore civilisés, ceux qui l’emportaient assez sur les autres en force et en intelligence pour contraindre tout le monde à faire ce qu’ils ordonnaient, désirant jouir d’une plus grande admiration et obtenir plus de respect, s’attribuèrent faussement une puissance surhumaine et divine, ce qui les fit considérer par la foule comme des dieux. »] Diagoras de Mélos, Prodicos de Céos, Théodore [de Cyrène] » (Contre les professeurs, IX, 52).


Philodème (vers -110 / vers -40) de Gadara (Jordanie actuelle, sous le nom de Umm Qeis)

Dans De Pietate (Sur la piété), il distinguait trois sortes d'athées :
Ceux qui affirment qu'il est impossible de savoir s'il existe des dieux
Ceux qui nient leur existence
Ceux dont le discours implique leur inexistence.





   L'écrivain latin Marcus Tullius Cicero fit le point :


« La plupart [des philosophes] ont dit que les dieux existaient, mais Protagoras [d'Abdère] était dans le doute (1), Diagoras de Mélos et Théodore de Cyrène pensaient qu’il n’y en avait aucun. [Velut in hac quaestione plerique, quod maxime veri simile est et quo omnes +sese duce natura venimus, deos esse dixerunt, dubitare se Protagoras, nullos esse omnino Diagoras Melius et Theodorus Cyrenaicus putaverunt.] […] Diagoras [de Mélos], appelé άθεος [athée] et plus tard Théodore [de Cyrène] ont ouvertement nié l’existence des dieux. [Quid Diagoras, Atheos qui dictus est, posteaque Theodorus nonne aperte deorum naturam sustulerunt? Nam Abderites quidem Protagoras, cuius a te modo mentio facta est, sophistes temporibus illis vel maximus, cum in principio libri sic posuisset "De divis neque, ut sint neque ut non sint, habeo dicere".] » Cicéron (-106 / -43), De la nature des dieux, I, i, 2 et I, xxiii, 63.

1. Cf Les Présocratiques (traduction Jean-Louis Poirier, collection Bibliothèque de la Pléiade), pages 986, 995, 1000 et la note de Poirier pages 1527-1528.

Diogène Laërce (1ère moitié du IIIe siècle) : « Bion (1), qu'a fait naître la terre scythe de Borysthène, disait que les dieux ne sont rien en vérité [θεοὺς ὡς οὐδέν εἰσιν ὄντως]» Vies et doctrines des philosophes illustres, IV, § 55.
1. Philosophe cynique, vers -325 / vers -250.


Marcus Minucius Félix (IIe/IIIe siècles), Octavius, VIII : « Puisque tous les peuples s’accordent à reconnaître des dieux immortels, bien que l’origine et la nature de ces dieux soient incertaines, je ne puis supporter l’audace impie, la sagesse orgueilleuse de ces hommes qui s’efforcent de renverser ou d’affaiblir une religion ancienne, utile, salutaire. Qu’un Théodore de Cyrène, qu’un Diagoras, son devancier, dès longtemps flétri du surnom d’athée [atheon cognomen], aient essayé, en professant qu’il n’y a pas de dieux, de détruire dans les cœurs toute crainte de la divinité, tout respect pour elle, c’est-à-dire de saper les uniques fondements de la société ; jamais, quelque couleur qu’ils aient prêté à ce système impie, en le décorant du beau nom de philosophie, jamais ils ne feront autorité ; l’Abdéritain Protagoras, pour avoir traité cette question d’un ton léger plutôt qu’impie, fut chassé de toute l’Attique, et les Athéniens brûlèrent publiquement ses ouvrages. » (traduction de Genoude, 1839).


The Greek word "αθεοι" as it appears in the Epistle to 
he Ephesians II, 12 (early 3rd-century Papyrus 46).



   « C’est d’abord la crainte qui a créé les Dieux ("Primus in orbe deos fecit timor") », écrivit l’athée et romancier latin du 1er siècle Pétrone (Poésies, V). Cité par La Mothe Le Vayer dans Cinq autres dialogues...

Ammien Marcellin (vers 330 / vers 395) : " Il y a des gens pour qui le ciel est vide de sens " (Res gestae, XXVIII, iv, 6) ; cité par Alain de Benoist.


Dans sa lettre à Érasme du 30 novembre 1532, Rabelais, écrivant en grec, disait du grammairien et polémiste Jules César Scaliger qu'il était " totalement athée ", " πάντῃ πάντως ἄθεος " :

" Nam Scaliger ipse Veronensis est ex illa 
Scaligerorum familia exulum familia exul et ipse. 
Nunc uero medicum agit apud Agennates, Vir mihi 
bene notus, οὐ μὰ τὸν Δί’ εὐδοκιμασθεὶς. ἔστι μὲν οὖν τοίνυν
διάβολος ἐκεῖνος, ὡς συνελόντι φάναι, τὰ μὲν ἰατρικὰ
οὐκ ἀνεπιστήμων, τἆλλὰ δὲ πάντῃ πάντως ἄθεος, ὡς
οὐκ ἄλλος πώποτ’ οὐδεὶς.
 Eius librum nondum uidere 
contigit. nec huc tot iam mensibus delatum est exemplar 
ullum, atque adeo suppressum puto ab iis qui Lutetiae 
bene tibi uolunt. "
cité par Henri Busson, Les Noms des incrédules au XVIs. I Athées dans Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, tome 16, page 274.


Montaigne (lien) et l'autonomie de la pensée (avant Descartes).


Tout sec ...

Michel de Montaigne : « Perseus [-307/6  -243], auditeur de Zénon [de Citium], a tenu qu'on a surnommé Dieux ceux qui avaient apporté quelque notable utilité à l'humaine vie, et les choses mêmes profitables [Cicéron, De Natura Deorum, I, xv]. Chrysippe [de Soles, vers -280 / -206] faisait un amas confus de toutes les précédentes sentences, et comptait, entre mille formes de Dieux qu'il fait, les hommes aussi, qui sont immortalisés. Diagoras [de Mélos, fin  -Ve siècle] et Théodore [de Cyrène, fin -Ve siècle] niaient tout sec qu’il y eût des Dieux. » (Essais, II, xii, page 544 de l'édition Magnien/Pléiade, pages 515-516 de l'édition Villey/PUF/Quadrige).

Montaigne semble là anticiper sur le point de vue de Nietzsche :
Aurore, I, § 95. La réfutation historique en tant que réfutation définitive. :
« Autrefois, on cherchait à prouver qu’il n’y avait pas de dieu, — aujourd’hui on montre comment la croyance qu’il y a un dieu put s’établir et à quoi cette croyance doit son poids et son importance. »
Les athées connus dans l'Antiquité grecque :
* Démocrite, philosophe matérialiste, (vers -460 / -370) : « Lorsque les Anciens virent les événements dont le ciel est le théâtre, comme le tonnerre, les éclairs, la foudre, les conjonctions d'astres ou les éclipses de Soleil et de Lune, leur terreur leur fit penser que des dieux en étaient les auteurs. » Cité par Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, IX, 24.
Bion de Borysthène, philosophe cynique, (vers -325 / vers -250) : niait l'efficacité de la prière.
Critias d'Athènes, homme politique, (vers -455 / -403)
Diagoras de Mélos, philosophe disciple de Démocrite, (vers - 475 / vers -405) : " the Greek lyric poet Diagoras of Melos was sentenced to death in Athens under the charge of being a "godless person" (ἄθεος) after he made fun of the Eleusinian Mysteries, but he fled the city to escape punishment. Later writers have cited Diagoras as the " first atheist ", "
Évhémère de Messsine, romancier grec, (-316 / - 260) : explique les mythes par les actions d'anciens personnages réels. 
Hippon de Métaponte (- VIe siècle) : 
* Phérécyde de Syros : Diogène Laërce : « Phérécyde de Syros [...] fut le premier, dit Théopompe, à écrire Sur la nature et la genèse des dieux pour les Grecs. » Vies et doctrines... I, § 116. Cité par La Mothe Le Vayer, Cinq autres dialogues..., " De la divinité " : « Et pour montrer que les hommes se sont eux-mêmes fabriqué ces Dieux tout puissants, et qu'ils en sont vraiment les auteurs , Phérécyde est nommé par Diogène Laërce pour le premier qui ait jamais parlé d'eux en ses écrits ».
Prodicos de Céos : philosophe grec, (vers - 465 / vers -395) : Cicéron : " Quoi ? Prodicos de Céos, qui a dit que ce qui était utile aux hommes devait être tenu pour divin, quelle religion finalement conserve-t-il ? " (De la Nature des dieux, I, xlii, 118).
* Théodore de Cyrène (-465/-398) : Cicéron : « La plupart [des philosophes] ont dit que les dieux existaient, mais Protagoras [d'Abdère] était dans le doute, Diagoras de Mélos et Théodore de Cyrène pensaient qu’il n’y en avait aucun. » (De la nature des dieux, I, i, 2).

Montaigne nie implicitement l'immortalité de l'âme lorsqu'il écrit, suivant Épicure [Diogène Laërce, Vies..., X, § 128]: « La mort est moins à craindre que rien, s'il y avait quelque chose de moins. Elle ne vous concerne ni mort, ni vif : vif, parce que vous êtes : mort, par ce que vous n'êtes plus. » Essais, I, xx (" Que philosopher C'est apprendre à mourir "). Surtout, à la toute fin des Essais, Montaigne recommande hardiment non son âme, mais la vieillesse, cet ante mortem, non au dieu des chrétiens, mais au divin Apollon. Certainement deux des raisons pour lesquelles l'ouvrage de Montaigne fut (bien que tardivement) inscrit à l'Index Librorum Prohibitorum. Ceci joint au peu de cas qu'il faisait de Jésus (6 occurrences), dont il ne parle d'ailleurs plus dans le livre III.


Persécutés notamment pour athéisme ou blasphèmes :

Emprisonné en 1542 sous l’accusation d’athéisme. Bénéficie alors de la protection de François Ier.
Trois mots qu'il ajoute à la traduction d'un dialogue faussement attribué à Platon. Socrate, s'adressant à son ami Axiochus, y prononce la phrase suivante, inspirée d'Épicure : "... Et si tu mourrais, elle [la mort] ne serait pas davantage pour toi, puisque tu ne serais plus." Dolet rajoute "rien du tout" à la fin de la phrase : " Et si tu mourrais, elle ne serait pas davantage pour toi, puisque tu ne serais plus rien du tout. "
À nouveau arrêté et jugé athée évadé par la faculté de théologie de la Sorbonne ; il implore le pardon de Dieu, ce qui lui vaut de ne pas avoir la langue coupée avant la mise à feu du bûcher.
Le 3 août 1546, il est brûlé vif avec ses livres et manuscrits sur la place Maubert [Paris, 5e arrondissement).
Motif sculpté du piédestal de la staue de Guilbert (côté droit). Cliché J. L.
d'après le dossier Dolet au Bureau des Monuments de la Ville de Paris.

Christopher MARLOWE (1564- 30 mai 1593) : Accusé d'hérésie, réputation d'athée. his death was faked to save him from trial and execution for subversive atheism. Honan (2005), page 355. " Useful research has been stimulated by the infinitesimally thin possibility that Marlowe did not die when we think he did. ... History holds its doors open. "

Giordano BRUNO (1548 près de Naples - 17 février 1600 à Rome) : Ancien frère dominicain, disciple de Copernic. Auteur de La Cause, le principe et l’un et De l’Infini, de l'univers et des mondes (1583).
. Accusé d'athéisme et d'hérésie (particulièrement pour sa théorie de la réincarnation des âmes) par l'Inquisition, d'après des écrits jugés blasphématoires (où il proclame en outre que Jésus-Christ n'est pas Dieu mais un simple « mage habile », que le Saint-Esprit est l'âme de ce monde, que Satan sera finalement sauvé), il est condamné à être brûlé vif après huit années de procès.
Le 21 décembre il dit à ses bourreaux : « Je ne me repentirai pas ! ».
Le 20 janvier, le pape Clément VIII décide de l’envoyer au bûcher.
Sa thèse sur l'infinité du monde.

Giulio VANINI
Étienne de Malenfant (??-1647), greffier du Parlement de Toulouse, aurait noté dans ses Mémoires (Collection et Remarques du Palais, 1617-1619) :
« Il estoit par trop notoire que le dict estoit enclin, voire entièrement empunaysi du vilain péché de Gomorrhe ; et fut arresté deux fois diverses le commettant, l’une sur le rempart de Saint-Estienne, près la porte, avec un jeune escolier angevin, et une autre, en une certaine maison de la rue des Blanchers, avec un beau fils de Lectoure en Gascogne ; et conduit devant les magistrats, répondit en riant qu’il étoit philosophe, et par suite enclin à commettre le péché de philosophie. » Source ; autre source possible : Marlène Delfau, Le parlement de Toulouse vu par ses membres. Étienne de Malenfant, 1602-1647, mémoire de maîtrise, histoire, université de Toulouse-Le Mirail, 1994.
Lucilio Vanini, dit Giulio Cesare Vanini, né en 1585 à Taurisano dans la Terre d'Otrante (Italie, région des Pouilles), licencié en droit en 1606, précepteur, arrêté en novembre 1618 par l'Inquisition et exécuté à Toulouse le 9 février 1619, est un philosophe et naturaliste italien précurseur de Spinoza, , proche du courant libertin.

De admirandis Naturæ, dans Opere di Giulio Cesare Vanini, Milan, 1934, t. II, p. 276. " In unica Naturæ Lege, quæ ipsa Natura (quæ Deus est enim principium motus), in omnium gentium animis inscripsit."
Sa vie errante, sa mort tragique, ainsi que son parti-pris antichrétien, rappellent les souvenirs d'Étienne Dolet et de Giordano Bruno.

Après un long délibéré, Lucilio Vanini, dit Pomponio Uciglio, fut convaincu de blasphème, impiété, athéisme, sorcellerie et corruption de mœurs. Il fut condamné à avoir la langue coupée, à être étranglé puis brûlé le 9 février 1619 sur la place du Salin. Gabriel Barthélemy de Gramond, Historiarum Galliœ ab excessu Henrici IV, Toulouse, 1643, livre XVIII :
« Avant de mettre le feu au bûcher, on lui ordonna de livrer sa langue sacrilège au couteau : il refusa ; il fallut employer des tenailles pour la lui tirer, et quand le fer du bourreau la saisit et la coupa, jamais on n’entendit un cri plus horrible ; on aurait cru entendre le mugissement d’un bœuf qu’on tue. Le feu dévora le reste, et les cendres furent livrées au vent. »
Heinz Thoma dans Michel Delon, directeur, Dictionnaire européen des Lumières, Paris : PUF, 1997, article Athéisme, page 117 : « L'un des représentants les plus extrémistes de la pensée athéiste est Giulio Cesare Vanini qui, dans De admirandis (1616) affirme que la matière est éternelle et doute que Dieu soit à l'origine de la création, thèses qui lui valent de périr sur le bûcher en 1619. [...] En dernier lieu, les découvertes scientifiques dues aux voyages entrepris, par exemple, par Bouguainville [1729-1811], [James] Cook [1728-1779] et [George] Forster [vers 1750-1791], en rendant possible la comparaison entre des degrés différents de l'évolution de l'histoire naturelle et sociale, ôtent non seulement toute crédibilité à l'histoire de la Genèse et à une chronologie chrétienne, mais ruinent également la conception théologique de l'histoire. »

Théophile de Viau (1590- 25 septembre 1626) est décrit comme un auteur libertin. Cf René Pintard, Le Libertinage érudit dans la première moitié du xviie siècle, Paris, 1943. Rééd. : Genève et Paris : Slatkine, 1983.

" Quand un homme s'entoure d'amis qui tous sont athées, comment douter qu'il le soit aussi ?Théophile, dès 1615, est un athée. Les faits ont été déjà signalés. A Castelnau-Barbarens, en octobre 1615, le poète a tenu plusieurs « discours d'impiétez » contre Dieu, la Vierge et les Saints. Il s'est moqué de la Bible. À Saint-Affrique, un peu plus tard, il a renouvelé le scandale, il s'est permis sur la Vierge et les saints d'ordurières plaisanteries. "

De Viau est mort à Paris des suites de ses séjours en prison, à l'âge de 36 ans.

Claude Le Petit (1638 - 1er septembre 1662), athée et libertin :

« Ce jourd’hui premier jour de septembre fust bruslé en place de Grève, à Paris, après avoir eu le poing coupé, fait amende honorable devant Nostre-Dame de Paris esté étranglé Claude Petit, advocat en Parlement, auteur de L’Heure du Berger, et de L’Escole de l’Interest pour avoir fait un livre intitulé : Le Bordel des Muses, escrit l’Apologie de Chausson, le Moyne renié et autres compositions de vers et de prose pleine d’impiétés et de blasphèmes, contre l’honneur de Dieu, de la Vierge et de l’Estat. Il estoit âgé de vingt et trois ans et fut fort regretté des honnestes gens à cause de son bel esprit qu’il eust peu employer à des choses plus dignes de lecture. » (François Colletet).

" The first known explicit atheist was the German critic of religion Matthias Knutzen in his three writings of 1674. In the February 1674 he went to Rome and in the September 1674 to Jena (Thuringia). There, Knutzen distributed handwritten pamphlets with atheistic contents. The town and the university of Jena carried out an investigation. In order not to be arrested, Knutzen went first to Coburg and then to Altdorf near Nuremberg.

The Polish ex-Jesuit philosopher Kazimierz Łyszczyński who wrote a treatise entitled On the non-existence of God (De non existentia Dei)and was later executed on charges of atheism. he was accused of having denied the existence of God and having blasphemed against the Virgin Mary and the saints. He was condemned to death for atheism. The sentence was carried out le 30 mars 1689 before noon in the Old Town Market in Warsaw, where his tongue was pulled out followed by a beheading. His trial has been criticized and is seen as a case of legalized religious murder in Poland. "ergo non est Deus" dans la marge de la Theologia Naturalis d'Henry Aldsted. "


Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706.


Paul Henri Thiry, baron d’HOLBACH (1723- 21 janvier 1789) :
« Qu’est-ce, en effet, qu’un athée ? C’est un homme qui détruit des chimères nuisibles au genre humain pour ramener les hommes à la nature, à l’expérience, à la raison. C’est un penseur, qui ayant médité la matière, son énergie, ses propriétés et ses façons d’agir, n’a pas besoin pour expliquer les phénomènes de l’univers et les opérations de la nature, d’imaginer des puissances idéales, des intelligences imaginaires, des êtres de raison, qui, loin de faire mieux connaître cette nature, ne font que la rendre capricieuse, inexplicable, méconnaissable, inutile au bonheur des humains. »
" Système de la nature ou Des lois du monde physique et du monde moral ", 1770, Seconde partie " De la divinité ; des preuves de son existence, de ses attributs ; de la manière dont elle influe sur le bonheur des hommes ", chapitre xi " Apologie des sentiments contenus dans cet ouvrage. De l’impiété. Existe-t-il des athées ? "
NIETZSCHE : Le Gai Savoir, V, § 357 :
« [Arthur] Schopenhauer fut en tant que philosophe le premier athée avoué et inflexible qui se soit trouvé parmi nous autres Allemands : c’était là le vrai motif de son hostilité envers Hegel. […] discipline doublement millénaire de l’esprit de vérité qui finit par s’interdire le mensonge de la croyance en Dieu. …»
Aurore, I, § 96 " In hoc signo vinces. " : " Aussi avancée que soit l'Europe dans d'autres domaines : sur le plan religieux elle n'a pas encore atteint la naïveté libérale des anciens brahmanes. [...] Il y a bien aujourd'hui dix à vingt millions d'hommes parmi les différents peuples d'Europe qui " ne croient plus en Dieu ", — est-ce trop demander qu'ils se fassent signe ? "

§ / II - « La raison offense tous les fanatismes. »
Alfred de Vigny, Le Journal d’un poète, hiver-printemps 1829.

Magnifique et subtil commentaire anticipé de l'affaire des caricatures danoises de Mahomet (septembre 2005), caricatures qui faisaient suite à l'assassinat du réalisateur néerlandais Theo Van Gogh le 2 novembre 2004 par un islamiste marocain.


Complément du Traité d'athéologie
d'Onfray, et réciproquement.

Michel ONFRAY : « L’inverse [de la thèse de Dostoïevski] me semble plutôt vrai : " Parce que Dieu existe, alors tout est permis …" Je m’explique. Trois millénaires témoignent, des premiers textes de l’Ancien Testament à aujourd’hui : l’affirmation d’un Dieu unique, violent, jaloux, querelleur, intolérant, belliqueux a généré plus de haine, de sang, de morts, de brutalité que de paix …. Le fantasme juif du peuple élu qui légitime le colonialisme, l'expropriation, la haine, l'animosité entre les peuples, puis la théocratie autoritaire et armée ; la référence chrétienne des marchands du Temple ou d'un Jésus paulinien prétendant venir pour apporter le glaive, qui justifie les croisades, l'Inquisition, les guerres de Religion, la Saint-Barthélémy, les bûchers, l'Index [Librorum Prohibitorum], mais aussi le colonialisme planétaire, les ethnocides nord-américains, le soutien aux fascismes du XXe siècle, et la toute-puissance temporelle du Vatican depuis des siècles dans le moindre détail de la vie quotidienne ; [je souligne] la revendication claire à presque toutes les pages du Coran d'un appel à détruire les infidèles, leur religion, leur culture, leur civilisation, mais aussi les juifs et les chrétiens — au nom d'un Dieu miséricordieux ! »
Michel Onfray, Traité d’athéologie-Physique de la métaphysique, Paris: Grasset, 2005, 1ère partie "Athéologie", III " Vers une athéologie ", § 1 " Spectrographie du nihilisme ".

Inversion salutaire, que l'actualité parisienne du 13 novembre 2015 et l'actualité niçoise du 14 juillet 2016 (après celle du 7 janvier) viennent encore de renforcer, mais dans un opuscule malheureusement plus politique que philosophique, très insuffisant sur l'histoire de l'athéisme, et qui ressemble bien davantage à un Abrégé qu'à un Traité. (Ceci dit pour les juristes qui connaissent le distinguo entre un "traité", un "manuel", et un "précis" ou "abrégé"). Ce pauvre Onfray, qui n'est plus à une volte-face près, dénonce récemment (15 novembre 2015) une " politique islamophobe " de la France...


§ III / A / " DÉFINITIONS " DE "DIEU" :

Elles ne proviennent pas seulement de l'Ancien Testament, mais aussi de la philosophie gréco-romaine anté-chrétienne. Cependant il serait très surprenant, s'il y avait un dieu, qu'il ait choisi de se manifester dans ces contrées alors obscures et arriérées d'Asie mineure, l'axe asiatique Nazareth-Jérusalem-Bethléem-Hébron-Médine-La Mecque, — et pas un peu plus tard en Grèce ou à Rome ; erreur manifeste d'appréciation. Sans doute ne prévoyait-il pas l'avenir ...
Julien Green : 
« Alors que Dieu avait le choix de tant de nations où s'incarner, il a choisi les Juifs. Peut-être aurions-nous agi autrement, si nous avions eu cette question à régler. Au lieu de Bethléem, notre sagesse eût désigné, par exemple, Athènes. Un rédempteur grec nous eût agréé, qui se fût promené sous les ombrages de l'Académie en enseignant avec dignité des disciples à l'esprit étroit. Mais un Juif, Seigneur ! À quoi songiez-vous ? »
Toute ma vie Journal intégral *** 1946-1950, début avril 1949, Paris : Bouquins éditions, 2021.

« Celui qui est (ou Je suis celui que je suis ?)» (14 Dixit Deus ad Moysen : “ Ego sum qui sumExode, III, 14) ;
« L’Intellect qui façonne toutes choses à partir de l’eau » (Thalès de Milet, cité par Montaigne, Essais, II, 12);
« le moteur immobile » (Aristote) ;
« un esprit libre et sans entraves, détaché de toute matière périssable, conscient de tout et source de tout mouvement, doué lui-même d’un mouvement sempiternel » (Cicéron, -106 / -43, Tusculanes, I, xxvii, 66-67) ;

Attribué à Jean, « I, 1 In principio erat Verbum, et Verbum erat apud Deum, et Deus erat Verbum.» « Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. » 
« l'être tel qu'on ne peut rien penser qui le surpasse »  (Anselme de Cantorbéry) ;
« Une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante, toute puissante et par laquelle moi-même et toutes les choses qui sont ont été créées et produites » (Descartes);
« l’être absolument infini » (Spinoza);
« une substance nécessaire » (Leibniz);
« être nécessaire, unique, simple, immuable et éternel » (Kant) ;
l'Absolu, l'Idée éternelle (Hegel).

« Principe et fin de toutes choses » (Dei Verbum, 1965)
Les éléments récurrents, et « extrêmes » de ces tentatives farfelues de définitions ab nihilo sont:
L’être
Le créateur
L’éternité
L’infinité
L’unicité
L’immuabilité
La toute-puissance


§ III / B / La toute-puissance n’existe pas selon Aristote, Horace et Sénèque le Jeune.

En effet, « la seule chose que Dieu n’a pas, le pouvoir de défaire ce qui s’est fait » (Éthique à Nicomaque, VI, ii, 6) ;

« Dieu [Jupiter] ne peut pas faire que ce qui a eu lieu ne se soit pas produit » ( " non tamen inritum quodcumque retro est efficiet neque
diffinget infectumque reddet
quod fugiens semel hora vexit
." ; Odes, III, xxix, 45-48) ;

« le souverain créateur du monde a pu dicter les destinées, il y est soumis, il obéit incessamment, il a commandé une seule fois » (De la Providence, V, 8).

Cette impossibilité de la toute-puissance de Dieu, qui nuisait gravement au concept, fut niée, mais sans arguments convaincants, par Jérôme (vers 347 / 420) puis par Pierre Damien (vers 1007 / 1072).

« Dieu ne possède rien […] Dieu est nu […] personne ne connaît Dieu […] Dieu est le plus grand [maximus] et le plus puissant. »
« Dieu est près de toi, il est avec toi, il est en toi. » (Sénèque le Jeune, 1er siècle, Lettres à Lucilius, XXXI, 10 et XLI, 1). C'était presque déjà suggérer, avec sagesse, que "Dieu" est une invention toute humaine.

« Crois d’abord, et tu comprendras [...] Comprends ma parole pour arriver à croire, et crois à la parole de Dieu pour arriver à la comprendre. » (Augustin d'Hippone, Il faut croire pour comprendre, Sermon XLIII, 4 et 9). Déjà l’éloge de la pseudo-logique circulaire commune au christianisme (voir le § XI)  et au marxisme …


§ III C / Qualifications et métaphorisations de "Dieu" :

« Le Dieu, éternel et un, semblable et sphérique, ni illimité ni limité, ni au repos ni en mouvement » (Xénophane de Colophon, cité par Pseudo-Aristote) ;
« Dieu est éternel, un, partout semblable, limité, sphérique et doué de sensation dans toutes ses parties »  (Xénophane de Colophon, cité par Hippolyte)
L'être le plus excellent (Aristote) ;

Son centre est partout, sa circonférence nulle part (Livre des XXIV philosophes ; Rabelais, Tiers livre, XIII, et Cinquième livre, XLVII) ;
Asile de l’ignorance (Spinoza) ;
Tout ensemble Père, Fils, et Saint-Esprit (Bossuet ; c'est le dieu Un et Trine) ;
Une grosse ou petite araignée dont les fils s'étendent à tout (Diderot) ; un père qui fait grand cas de ses pommes, et fort peu de ses enfants (Diderot) ;
Un fantôme inventé par la méchanceté des hommes (marquis de Sade) ;
Une idée sans objet [cf Kant], une idée sans prototype, une chimère (Sade) ;
Un mot rêvé pour expliquer le monde (Alphonse de Lamartine) ;
« Le seul être qui, pour régner, n’ait même pas besoin d’exister. » (Charles Baudelaire, Fusées) :
« la raison de ceux qui n'en ont pas » (Ernest Renan, Dialogues philosophiques) ;
Notre mensonge de plus grande durée (Frédéric Nietzsche) ;
« Où qu’est Dieu ? le Dieu nouveau ? le Dieu qui danse ?... Le Dieu en nous !... qui s’en fout ! qu’a tout de la vache ! Le Dieu qui ronfle ! » (L.-F. Céline, Les beaux draps) ;
" Unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre " (Paul VI, 1965)
Un élément organisateur de l’univers discursif de la philosophie (G. Almeras et Sylvain Auroux) ;
soleil des intelligences, force des volontés et boussole de notre cœur (pape Benoît XVI).


§ IV / DÉFINITIONS DE LA FOI :

La substance de ce qu’on espère, la preuve de ce qu’on ne voit pas (Paul)
Croire les choses parce qu’elles sont impossibles (Pic de La Mirandole)
Argument des choses de nulle apparence (Rabelais)
Ne pas voir, et croire ce qu’on ne voit pas (Bourdaloue)
Croyance en ce qui semble faux à notre entendement (Voltaire)
An illogic belief [croyance] in the occurrence of the improbable (Henry Louis Mencken)


Frédéric Nietzsche : « Qui ne sait mettre sa volonté dans les choses, y met au moins un sens : cela s’appelle croire qu’une volonté s’y trouve déjà (principe de la "foi"). » (Crépuscule des Idoles, "Maximes et traits", § 18).

Pierre-Thomas Dehau : « La foi est la croix sur laquelle l'intelligence est crucifiée. » En prière avec Marie, Lyon : Éditions de l'Abeille, 1944 ; cité par Julien Green, Journal intégral *** 1946-1950, 9 décembre 1946, Paris : Bouquins éditions, 2021.


Six allégories de la montagne :

« Si vous aviez de la foi gros comme une graine de sanve, vous diriez à cette montagne : Va de là à là, et elle irait. ». (Évangile selon Matthieu, XVII, 20).

« Foi céleste ! foi consolatrice ! tu fais plus que de transporter des montagnes; tu soulèves les poids accablants qui pèsent sur le cœur de l'homme ! ». (Chateaubriand, Génie du christianisme, Ière partie, livre II, chapitre ii).

« La foi ne déplace pas les montagnes, mais place les montagnes là où il n’y en a pas. ». Frédéric Nietzsche, L’Antéchrist, § 51. [voir aussi Opinions et sentences mêlées, § 225)

« La Foi soulève des montagnes ; oui : des montagnes d’absurdité. » André GideFeuillets d’automne, 1947. (Dans le Journal).

« Les convictions des athées et des laïcs peuvent déplacer encore plus de montagnes que la foi des croyants. »
Riss, " Crève, Charlie ! Vis, Charlie ! ", Charlie Hebdo, 6 janvier 2016.

« La foi déplace des montagnes, mais parfois seulement des corbillards. »
Riss, " On nous cache tout, on nous dit rien ", Charlie Hebdo, 19 août 2020.


§ V  / Philosophie et/ou foi :

Thomas Browne, 1605-1682 : « To believe [croire] only possibilities is not faith [foi] but mere [simple] philosophy. » (Religio Medici).
« Vous mêlez la théologie avec la philosophie ; c’est gâter tout, c’est mêler le mensonge avec la vérité ; il faut sabrer la théologie. »
Denis Diderot, reproche fait à des Anglais, rapporté par Samuel de Romilly en 1781.
Arthur Schopenhauer: « Soit croire, soit philosopher. [Entweder glauben, oder philosophiren!] » (Paralipomena et parerga, "Sur la religion", § 181).
Martin Heidegger: « L’inconditionnalité de la foi et la problématisation de la pensée sont deux domaines dont un abîme fait la différence. [Die Unbedingtheit des Glaubens und die Fragwürdigkeit des Denkens sind zwei abgründig verschiedene Bereiche.] » (Qu’appelle-t-on penser ?, II, vi).
Le « miracle » intellectuel de l'Occident est d’avoir, seul, et dès l’Antiquité, problématisé la foi.


Qualifications et métaphorisations de la foi :

Un acte, non de l’intelligence, mais de la volonté (Descartes)
Un don de Dieu (Pascal)
La consolation des misérables, et la terreur des heureux (Luc de Vauvenargues)

Croyance suffisante subjectivement et insuffisante objectivement (I. Kant, Critique de la raison pure, II, "Théorie transcendantale de la méthode", 2, 3e section)

Une espérance fervente (Alfred de Vigny)

Frédéric Nietzsche : La véritable ruse chrétienne, Un veto contre la science, le mensonge à tout prix, Une forme de maladie mentale (cf Sigmund Freud)

La démission de l’intelligence (Henri de Montherlant)


§ VI / "DIEU" … HYPOTHÈSE OU INVENTION ?

Commentant Ludwig Feuerbach (1804-1872), Michel Onfray nota : « les hommes créent Dieu à leur image inversée ». Mais il passe inaperçu que cette inversion fut révélée dans ces belles lignes d’un auteur grec du IIe siècle, Lucien de Samosate [Syrie actuelle] :
« Le marchand : Que sont les êtres humains ? 
Héraclite : Des dieux mortels. 
Le marchand : Que sont les dieux ? 
Héraclite: Des êtres humains immortels. » 
Philosophes à vendre, 14.
Pour la petite histoire : ces vers de Lucien de Samosate ont un temps figuré comme message d'accueil sur le répondeur téléphonique de Marc Sautet, fondateur des cafés-philo parisiens.


« Dieu » fut un objet de la foi judéo-islamique : Jacques Derrida, juif lui-même, faisait ce rapprochement qui semble pertinent aussi à Michel Onfray. En Occident l'objet de la foi chrétienne qui étoffe son édifice avec la médiatisation par les personnes de Jésus de Nazareth et de Marie (la mère), et par le Saint-Esprit ; la pratique de la confession auriculaire réalisa ce contrôle des pensées imaginé par Critias d’Athènes et qu’Ernest Renan appelait « tyrannie spirituelle ». Enfin, « Dieu » accéda au statut de droit commun de simple hypothèse philosophique :



On connaît la réponse du physicien le marquis de Laplace à Bonaparte : « Je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse. » (rapportée par Victor Hugo qui la tenait du physicien français François Arago) ; ceci au moment de la publication de L'Exposition du système du monde, en 1796. Hypothèse bien trop extrême, selon Nietzsche.


S’il y a des dieux …

Protagoras d'Abdère (sophiste, -Ve siècle) : « Les dieux, je ne saurais dire ni s’ils existent, ni s’ils n’existent pas. » (cité par Cicéron, De la nature des dieux, I, xxiv, 63). Protagoras serait donc le patron des agnostiques.

Frédéric Nietzsche : « " S’il y a des dieux, ils ne se soucient pas de nous " – voilà la seule proposition vraie de toute philosophie de la religion. [Wenn es Götter giebt, so kümmern sie sich nicht um uns“ — dies ist der einzige wahre Satz aller Religions-Philosophie] […] Les plus anciennes hypothèses doivent être les plus bêtes ». (Fragments posthumes, M III 6a, décembre 1881 – janvier 1882 ; N VI 2, mai-juin 1883).

Blaise Pascal, bien plus audacieux que Descartes, s'aventurait à envisager la non existence divine :
« Nous sommes incapables de connaître s'il y a un Dieu. Cependant il est certain que Dieu est, ou qu'il n'est pas : il n'y a point de milieu. » Et : « S’il y a un Dieu, il est infiniment incompréhensible, puisque, n’ayant ni parties ni bornes, il n’a nul rapport à nous. Nous sommes donc incapables de connaître ni ce qu’il est, ni s’il est. » (Pensées, Br 233, L 418).
Pour Pascal,  l’hypothèse tournait au fameux pari, faute de possibilité de preuve.

« Il [Descartes] se perd dans l’hypothèse de la véracité de Dieu », remarquait Alfred de Vigny (Journal d’un poète, hiver 1834).

Denis Diderot : « Pascal a dit : " Si votre religion est fausse, vous ne risquez rien à la croire vraie ; si elle est vraie, vous risquez tout à la croire fausse ". Un imam peut en dire tout autant. » Addition aux Pensées philosophiques, 1770, LIX. D'actualité ...

Diderot à Voltaire :
« Je me suis aperçu que les charmes de l’ordre les captivaient [les athées] malgré qu’ils en eussent ; qu’ils étaient enthousiastes du beau et du bon, et qu’ils ne pouvaient, quand ils avaient du goût, ni supporter un mauvais livre, ni entendre patiemment un mauvais concert, ni souffrir dans leur cabinet un mauvais tableau, ni faire une mauvaise action : en voilà tout autant qu’il m’en faut ! Ils disent que tout est nécessité. Selon eux, un homme qui les offense ne les offense pas plus librement que ne les blesse la tuile qui se détache et qui leur tombe sur la tête : mais ils ne confondent point ces causes, et jamais ils ne s’indignent contre la tuile, autre conséquence qui me rassure. Il est donc très-important de ne pas prendre de la ciguë pour du persil, mais nullement de croire ou de ne pas croire en Dieu.  » (Lettre du 11 juin 1749).
« Si les cieux, dépouillés de son empreinte auguste,
Pouvaient cesser jamais de le manifester,
Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer. »
Voltaire, Épître 104, À l’auteur du livre des Trois imposteurs, vers 20-22, 1769.
« Pourquoi existe-t-il tant de mal, tout étant formé par un Dieu que tous les théistes se sont accordés à nommer bon ? »
Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie, " Les Pourquoi ". Cet argument peut se contourner de la façon suivante : ce qui semble "mal" à l'homme n'est pas nécessairement "mal" dans l'absolu. Mais difficile à avaler quand même.


§ VII / UNE HYPOTHÈSE EXTRÊME :

« Un seul Dieu, le plus grand chez les dieux et les hommes,
Et qui en aucun cas n'est semblable aux mortels
Autant par sa démarche, autant par ce qu'il pense. » (Xénophane de Colophon, -VIe/-Ve siècles, cité par Clément d'Alexandrie, Stromates, V, 109).

Plus tard, on dira, restant dans le pensable : « grandeur telle que rien de plus grand ne peut être pensé » : Sénèque le Jeune (-4 / 65), puis Anselme de Cantorbéry (1033-1109) ; voire même, entrant dans l'impensable, « plus grand que ce qui peut être pensé » (repris par Thomas d'Aquin). Ce qui correspond au concept courant (mais non au concept mathématique) d’infini. Cf l’actuel, moins élaboré et plus modeste, « Allahou Akbar » (" Allah est plus grand ") des islamistes.

Selon Aristote, Dieu était « le moteur immobile », c’est-à-dire la « première cause », la cause en soi [causa sui des scolastiques, cause incausée] qui aurait lancé l’Univers à la fois en existence et en mouvement. « Créateur du monde » est l’attribut principal de « Dieu », d’où la toute-puissance, mais avec une restriction de taille : Dieu ne peut pas faire que ce qui s’est produit ne se soit pas produit (concession au principe de réalité). C’est l’artifex (maître d’œuvre) de Sénèque le Jeune, créateur d’un monde « optimal » (Lettres à Lucilius, LXV, 10, 19). Ou encore le fameux horloger de Voltaire.

La création du monde est complétée par la création de l'homme, et de l'homme paradoxalement créé moralement LIBRE, libre de choisir entre le bien et le mal vus selon le créateur ; "Dieu" se trouve ainsi exempté de toute responsabilité du mal. Pour filer la métaphore de Voltaire, l'horloger a donc fabriqué une horloge "libre" d'indiquer n'importe quelle heure ... Création suivie de celle de la femme, pour certains mauvais esprits autre argument de poids contre la bonté infinie du dieu ...


§ VIII / SUR L’IDÉE DE DIEU CHEZ DESCARTES :

Cartésianisme est souvent perçu comme synonyme de pensée logique. Pour se défaire de ce préjugé, il suffit d’examiner sommairement la façon dont Descartes traita l’idée de Dieu.

Dans le Discours de la méthode, première apparition de la notion de Dieu dans le passage suivant : « Il est bien certain que l’état de la vraie religion, dont Dieu seul a fait les ordonnances, [2e partie] ». Ici, aucun doute n’est exprimé, ni sur la religion, ni sur l’existence d’un dieu ; dans la 4e partie de ce Discours …, Descartes essayera bien, après d’autres, de prouver l’existence de son Dieu, mais on sait que cette "preuve" a été définitivement ruinée par David Hume et Kant.

Pour réhabiliter le cartésianisme, il a été dit que le Discours … ne représentait pas le sommet de la pensée cartésienne, et qu’il fallait aller voir les Méditations métaphysiques. Soit. Ce texte s’ouvre sur une adresse à Messieurs les Doyen et Docteurs de la sacrée Faculté de Théologie de Paris dans laquelle on peut lire : « Bien qu’il nous suffise, à nous autres qui sommes fidèles, de croire par la foi qu’il y a un Dieu, et que l’âme humaine ne meurt point avec le corps[…] »
En contradiction avec cette ouverture, Descartes annonce, dès la première Méditation « Je m’appliquerai sérieusement et avec liberté à détruire généralement toutes mes anciennes opinions. »
Bon programme, mais peu suivi ; quelques pages plus loin, Descartes se contredit une nouvelle fois en écrivant : « Toutefois il y a longtemps que j’ai dans mon esprit une certaine opinion, qu’il y a un Dieu qui peut tout, et par qui j’ai été créé et produit tel que je suis. »
Toutefois n’a pas pour fonction d’amener le doute sur Dieu, mais de mettre en doute les vérités mathématiques envisagées à la fin de l’alinéa précédent.
« Or qui me peut avoir assuré que ce Dieu n’ait point fait qu’il n’y ait aucune Terre, aucun ciel, aucun corps étendu, aucune figure, aucune grandeur, aucun lieu, et que néanmoins j’aie les sentiments de toutes ces choses, et que tout cela ne me semble point exister autrement que je le vois ? »
Ce Dieu est ici évoqué sans aucune mise en doute, alors que l’existence de l’Univers est, elle, suspectée !
« Et même, comme je juge quelquefois que les autres se méprennent, même dans les choses qu’ils pensent savoir avec le plus de certitude, il peut se faire qu’il [Dieu] ait voulu que je me trompe toutes les fois où je fais l’addition de deux et de trois, ou que je nombre [compte] les côtés d’un carré, ou que je juge de quelque chose encore plus facile, si l’on se peut imaginer rien de plus facile que cela. »
Dans cette mise en doute des vérités mathématiques, Descartes a recours à l’idée de Dieu dont il admet implicitement l’existence ; il examine si grâce à elle le doute sur les vérités mathématiques peut ou non être levé.
« Mais peut-être que Dieu n’a pas voulu que je fusse déçu de la sorte, car il est dit souverainement bon. Toutefois, si cela répugnait à sa bonté, de m’avoir fait tel que je me trompasse toujours, cela semblerait aussi lui être aucunement contraire, de permettre que je me trompe quelquefois, et néanmoins je ne puis douter qu’il ne le permettre. »
Un peu plus loin, toujours dans la première Méditation, Descartes vient à envisager l’objection que pourraient lui faire des athées, et envisage enfin qu’il puisse n’y avoir ni Dieu, ni univers, et ceci dans un même mouvement :
« Il y aura peut-être ici des personnes qui aimeraient mieux nier l’existence d’un Dieu si puissant, que de croire que toutes les autres choses sont incertaines. Mais ne leur résistons pas pour le présent, et supposons en leur faveur que tout ce qui est dit ici d’un Dieu soit une fable. » (Méditations métaphysiques, 1641 en latin, Ière).
Mais Descartes n’envisage donc toujours pas la seule non existence de son dieu...
Force est donc de constater que dans son exposé, Descartes faisait une exception, une entorse à la logique, pour l’opinion particulière que constitue la foi en le Dieu chrétien. « Il [Descartes] se perd dans l’hypothèse de la véracité de Dieu », remarquait Alfred de Vigny (Journal d’un poète, hiver 1834). La perfection est mise en avant par Descartes : Dieu est parfait, il ne lui manque rien, donc il existe ; preuve dite « ontologique » (ou définitionnelle), mieux nommée "preuve" circulaire, réfutée par Henry Oldenburg, David Hume et Kant : on tombe en effet dans une contradiction lorsque en pensant d’abord une chose, on y introduit la notion de son existence ou celle de sa possibilité. Cf le sophisme du « gouvernement parfait », utopie qui « doit » être possible, car sinon elle ne serait pas parfaite. Selon Descartes :
« On peut démontrer qu’il y a un Dieu de cela seul que la nécessité d’être ou d’exister est comprise en la notion que nous avons de lui. » (Les Principes de la philosophie, I, 14).
C'est considérer qu’à chacune de nos notions correspond une réalité extérieure, c’est la théorie idéaliste du reflet, inversée plus tard en matérialisme absolu par les marxistes. Or « Nul homme ne saurait devenir plus riche en connaissances avec de simples idées. » (Kant, Critique de la raison pure, DT, II, iii, 4). Déjà Aristote de Stagire : « Ceux qui définissent ne prouvent pas ce faisant l’existence du défini. » (Seconds analytiques, II, vii, 92b).

Et Leibniz : « D'une définition on ne peut rien inférer de certain au sujet de la chose définie, tant qu'il n'est pas établi que cette définition exprime une chose possible. » (Remarques sur la partie générale des principes de Descartes, traduit du latin par Paul Schrecker).

Ils n’en prouvent pas davantage la possibilité que l’existence ; par exemple : " le plus grand nombre entier ", " le plus petit réel strictement positif ", et, je l'ai dit, " le gouvernement parfait ".
* * * * *
HENRY OLDENBURG (v. 1618 - 5 septembre 1677) (secrétaire de la Royal Society de Londres), dont le nom (bien qu'ignoré par Onfray...) mérite de rester dans les annales de l’athéologie :
« Des définitions ne peuvent contenir autre chose que des concepts formés par notre esprit ; or notre esprit conçoit beaucoup d’objets qui n’existent pas et sa fécondité est grande à multiplier et à augmenter les objets qu’il a conçus. Je ne vois donc pas comment de ce concept que j’ai de Dieu, je puis inférer l’existence de Dieu. » (Lettre à Baruch Spinoza, 27 septembre 1661).
Leibniz : " La démonstration de l'existence de Dieu, tirée de la notion de Dieu, paraît avoir été pour la première fois inventée et proposée par Anselme de Cantorbéry dans son livre Contre l'insensé, qui nous a été conservé. Cet argument a été plusieurs fois examiné par les théologiens scolastiques et par l'Aquinate [Thomas d'Aquin] lui-même, à qui Descartes semble l'avoir emprunté, car il n'ignorait pas ce philosophe. Ce raisonnement n'est pas sans beauté, cependant il est imparfait. " (Remarques sur la partie générale des principes de Descartes, traduit par Paul Schrecker).
David Hume : « There is a great difference betwixt [entre] the simple conception of the existence of an object and the belief [la croyance] of it. » (A Treatise of Human Nature, I, ii, section 7)
DIDEROT« J’avoue qu’un Être qui existe quelque part et qui ne correspond à aucun point de l’espace ; un Être qui est inétendu et qui occupe de l’étendue ; qui est tout entier sous chaque partie de cette étendue ; qui diffère essentiellement de la matière et qui lui est uni ; qui la suit et qui la meut sans se mouvoir ; qui agit sur elle et qui en subit toutes les vicissitudes ; un Être dont je n’ai pas la moindre idée ; un Être d’une nature aussi contradictoire est difficile à admettre. » Le Rêve de D’Alembert, publié en 1830 [1769], " Entretien entre D’Alembert et Diderot ".
Frédéric Nietzsche :
« Nous n’avons pas le droit de supposer une création, car ce "concept" ne permet pas de comprendre quoi que ce soit. Créer du néant une force qui ne soit pas déjà là : ce n'est pas une hypothèse ! » (Fragments posthumes, Mp XVII 1b, hiver 1883-1884, 24[36]).
Clément d’Alexandrie eut fort à faire pour tirer dans le sens d’une création divine cette pensée du présocratique Héraclite d'Éphèse :
« Ce monde-ci, le même pour tous nul des dieux ni des hommes ne l’a fait. Mais il était toujours, est et sera. » (Fragment XXX)
« Le concept de "création" est aujourd'hui absolument indéfinissable, inapplicable : ce n'est qu'un mot qui subsiste à l'état rudimentaire, depuis les temps de la superstition ; avec un mot, on n'éclaircit rien. » (Fragments posthumes, W II 5, printemps 1888, [188]) ; Frédéric Nietzsche retrouvait ainsi le principe de Lucrèce (-1er siècle) :
« Nullam rem e nilo gigni divinitus umquam. Rien n’est produit de rien par une force divine. » (De rerum natura, I, 150). Le duo Dieu-Univers n’est pas assimilable au couple voltairien horloger-horloge.

§ IX / HUMAIN, TROP HUMAIN

« Les dieux ne sont pas tels que la multitude se les représente. » (Épicure, Lettre à Ménécée, § 123)

« L’homme de bien diffère de Dieu seulement par la durée. » (Sénèque, De la providence, I, 5)

« If God were not a necessary being of himself, he might [pourrait] almost seem to be made on purpose [exprès] for the use and benefit of mankind [l’humanité]. » (John Tillotson, 1630-1694, Sermons, 93)

« On a dit fort bien que si les triangles faisaient un Dieu, ils lui donneraient trois côtés. » (Montesquieu, Lettres persanes, LIX)

« Si Dieu nous a fait à son image, nous le lui avons bien rendu. » (Voltaire, Carnets)


UNE HYPOTHÈSE BIEN TROP EXTRÊME


Valeur de la croyance grecque à leurs dieux : elle se laissait délicatement mettre de côté et n’inhibait pas les activités philosophique et scientifique.

Michel de Montaigne : « l’homme nu et vide […] anéantissant son jugement pour faire plus de place à la foi. » (Essais, II, xii, page 506). Cela annonce Kant.
Pascal : « S’il y a un Dieu, il est infiniment incompréhensible, puisque, n’ayant ni parties ni bornes, il n’a nul rapport à nous. Nous sommes donc incapables de connaître ni ce qu’il est, ni s’il est. » (Pensées, Br 233, L 418).
J'apprécie ces "Si" pascaliens. Oser mettre en doute deux fois l'existence du dieu !!

* * * * *

   Le principe d’économie des concepts, ou « rasoir d’Ockham » (admis par Pascal mais seulement dans les sciences) enjoint de ne pas multiplier les êtres sans nécessité (Traité des principes de la théologie). On trouve donc plus de raison de nier l’existence de Dieu parce qu'on ne peut pas la prouver, que de la croire par la seule raison qu'on ne peut démontrer qu'elle n'est pas ; cf la lettre de Pascal au père Noël, 29 octobre 1647 :
« Nous trouvons plus de sujet de nier son existence, parce qu'on ne peut pas la prouver, que de la croire, par la seule raison qu'on ne peut montrer qu'elle n'est pas. »
Argument hélas appliqué à la seule question de la matière subtile de Descartes. L’inexistence des êtres de fictions (dieux païens ou dieu monothéiste, anges et archanges, démons et chimères, esprits) est en effet indémontrable et inépprouvable, faute de tout point de contact entre ces êtres éventuels et notre réalité, comme l’avait bien vu Blaise Pascal. Les vérités dites de fait (par exemple la vérité géographique : « la Corse est une île ») ne se démontrent pas, elles se constatent (si le niveau de la mer baissait suffisamment, la Corse pourrait un jour se trouver rattachée au Continent) ; seules les vérités de raison (e. g. : si x est impair, (x + 1)² est multiple de 4) sont susceptibles d’une démonstration (1) en bonne et due forme.
1. Il existe trois types de démonstrations : la déduction, la réduction à l’absurde (Parménide et Zénon d'Elée) et l’induction complète (raisonnement par récurrence).


Jacques DU ROURE (début XVIIe / vers 1685) : « Parce qu’encore dans la philosophie, on considère les choses et les sociétés purement naturelles, je n’y traite pas des religions. Outre que – la nôtre exceptée, dont les principaux enseignements sont la justice et la charité [la justice avant la charité ; exeunt la foi et l’espérance …], c’est-à-dire le bien que nous faisons à ceux qui nous en ont fait, et aux autres – elles sont toutes fausses et causes des dissensions, des guerres, et généralement de plusieurs malheurs. »
Abrégé de la vraie philosophie, "Morale", § 69, 1665. Je soupçonne ce Du Roure de dissimuler son athéisme.



Nicolas Malebranche (1638-1715) :


« – Aristarque : J'en suis convaincu par la foi, mais je vous avoue que je n'en suis pas pleinement convaincu par la raison.
– Théodore : Si vous dites les choses comme vous les pensez, vous n'en êtes convaincu ni par la raison, ni par la foi. Car ne voyez-vous pas que la certitude de la foi vient de l'autorité d'un Dieu qui parle, et qui ne peut jamais tromper. Si donc vous n'êtes pas convaincu par la raison, qu'il y a un Dieu, comment serez-vous convaincu qu'il a parlé ? Pouvez-vous savoir qu'il a parlé, sans savoir qu'il est ? Et pouvez-vous savoir que les choses qu'il a révélées sont vraies, sans savoir qu'il est infaillible, et qu'il ne nous trompe jamais ?
– Aristarque : Je n'examine pas si fort les choses ; et la raison pour laquelle je le crois, c'est parce que je le veux croire, et qu'on me l'a dit ainsi toute ma vie. Mais voyons vos preuves.
– Théodore : Votre foi est bien humaine, et vos réponses bien cavalières ; je voulais vous apporter les preuves de l'existence de Dieu les plus simples et les plus naturelles, mais je reconnais par la disposition de votre esprit qu'elles ne seraient pas les plus convaincantes. Il vous faut des preuves sensibles. »
 (Conversations chrétiennes dans lesquelles on justifie la vérité de la religion et de la morale de Jésus-ChristEntretien I, Mons : Gaspard Migeot, 1677).

Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l'Education, 1762, livre IV, " Profession de foi du vicaire savoyard " : « Ne donnons rien au droit de la naissance et à l'autorité des pères et des pasteurs, mais rappelons à l'examen de la conscience et de la raison tout ce qu'ils nous ont appris dès notre enfance. Ils ont beau me crier : Soumets ta raison; autant m'en peut dire celui qui me trompe : il me faut des raisons pour soumettre ma raison. »


ARTHUR SCHOPENHAUER : « Je n’y vois [dans la causa sui], quant à moi, qu’une contradictio in adjecto, un conséquent pris pour un antécédent, une décision autoritaire et impertinente de rompre la chaîne infinie de la causalité. […] Une première cause est tout aussi impensable que l’endroit où l’espace finit ou que l’instant où le temps a commencé. » (De la quadruple racine du principe de raison suffisante (1847), Paris : J. Vrin, 1991, chapitre II, § 8 et chapitre IV, § 20).


§ X / FRÉDÉRIC NIETZSCHE :

Gai Savoir, V, § 357 : « [Arthur] Schopenhauer fut en tant que philosophe le premier athée avoué et inflexible qui se soit trouvé parmi nous autres Allemands: c’était là le vrai motif de son hostilité envers Hegel. […] discipline doublement millénaire de l’esprit de vérité qui finit par s’interdire le mensonge de la croyance en Dieu. »

Une des dernières ruses des croyants est d'insinuer que l'athéisme serait une croyance à l'instar de la leur ; une croyance, sans dogme, sans rites, sans tabous, sans interdits, mais une croyance... Ces croyants ne veulent pas reconnaître que, contrairement à leur croyance, l'athéisme est une pensée. La pensée de la question, c'est ce qui leur manque. " Mal nommer les choses... " (Albert Camus).

« Que le monde ne soit pas la quintessence d’une rationalité éternelle, on peut le démontrer définitivement par ceci que ce morceau de monde que nous connaissons, – j’entends notre raison humaine – n’est pas trop raisonnable. » (Le Voyageur et son ombre, § 2). À rapprocher de David Hume: « Quel privilège particulier possède cette petite agitation du cerveau que nous appelons pensée pour que nous devions en faire ainsi le modèle de tout l’Univers ? » (Dialogues, II).

Fragments posthumes, N VII 3, été 1886 – automne 1887: [71] 3 : « Nous n’avons plus tellement besoin d’un remède contre le premier nihilisme(*) : la vie n’est plus à ce point incertaine, hasardeuse, absurde dans notre Europe. Une si monstrueuse surestimation de la valeur de l’homme, de la valeur du mal etc. n’est plus tellement nécessaire aujourd’hui […] "Dieu" est une hypothèse bien trop extrême [„Gott“ ist eine viel zu extreme Hypothese]. »
* Cf « la morale empêchait que l’homme ne se méprisât en tant qu’homme […] la morale était le grand remède contre le nihilisme pratique et théorique. » (Fragments posthumes, N VII 3, été 1886 - automne 1887: [71]: Le nihilisme européen.).

Ecce Homo« Pourquoi je suis un destin », § 8 : " Le concept [Begriff] "Dieu", inventé comme concept opposé à la vie – et, en elle, tout ce qui est nuisible, empoisonné, négateur, toute la haine mortelle contre la vie, tout cela ramené à une scandaleuse unité! Le concept "au-delà", "monde vrai", inventé pour déprécier l’unique monde qui existe, pour ne plus conserver pour notre réalité terrestre aucun but, aucune raison, aucune tâche! Le concept "âme", "esprit", et, pour finir, "âme immortelle", inventée afin de mépriser le corps, de le rendre malade – "saint"! – d’opposer une effrayante insouciance à tout ce qui, dans la vie, mérite le sérieux: les questions d’alimentation, de logement, de régime intellectuel, de traitement des malades, d’hygiène, de climat! Au lieu de la santé, le "salut de l’âme" – je veux dire une folie circulaire [en français dans le texte] qui oscille entre les convulsions de la pénitence et l’hystérie de la rédemption! Le concept de "péché" inventé, en même temps que l’instrument de torture qui la complète, la notion de "libre arbitre", à seule fin d’égarer les instincts, de faire de la méfiance envers les instincts une seconde nature! "

« "Dieu" aujourd'hui rien qu'un mot pâli, pas même un concept !" (Fragments posthumes, W II 1, automne 1887, 9[18]). « Dieu […] formule unique pour dénigrer l’en-deçà et répandre le mensonge de l’au-delà. » (L’Antéchrist, 18). À rapprocher de ce qu'écrivit l'excellente et regrettée Jeanne Delhomme [une de mes profs de philo à Parix-X - Nanterre] : « Dieu n’est donc pas un concept problématique, ce n’est pas un concept du tout, c’est pourquoi on peut le dire sans pouvoir le penser. » (L’Impossible interrogation, 1971, III, iii, Médiations).

 L'Antéchrist (Der Antichrist), traduction Jean-Claude Hémery/Gallimard 1974.


Gustave Belot :

" L'idée de Dieu et l'Athéisme au point de vue critique et au point de vue social ",
Revue de métaphysique et de morale, mars 1913, pages 151-176.

André GIDE, 1935 : «  N’a jamais rien prouvé le sang des martyrs. Il n’est pas religion si folle qui n’ait eu les siens et qui n’ait suscité des convictions ardentes. C’est au nom de la foi que l’on meurt  ; et c’est au nom de la foi que l’on tue. L’appétit de savoir naît du doute. Cesse de croire et instruis-toi.  » Ce passage des Nouvelles nourritures (IV) rappelle le § 53 de L’Antichrist  : «  Il est si peu vrai que des martyrs prouvent quoi que ce soit quant à la vérité d’une cause, que je suis tenté de nier qu’aucun martyr n’ait jamais rien eu à voir avec la vérité. Le ton sur lequel un martyr jette à la face du monde ce qu’il «  tient pour vrai  » exprime déjà un niveau si bas de probité intellectuelle, une telle indifférence bornée pour le problème de la vérité, qu’il n’est jamais nécessaire de réfuter un martyr.  » Commentant Pascal ([Histoire de la Chine] : « Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger. »), Julien Green écrit : « Se faire égorger pour une histoire ne prouve point qu'elle soit véritable, elle prouve tout au plus que le témoin y croit. L'erreur a eu ses martyrs. » (Journal intégral, 3 février 1939, Paris : Robert Laffont, 2019).


Comment ne pas en venir, en cette fin d'année 2022, à penser avec Gide que «  l’athéisme seul peut pacifier le monde aujourd’hui  » (Journal, 13 juin 1932)  ?

Ma formulation de la position philosophique athée :
« Je pense qu'il n'existe rien dans l'Univers qui ressemble de près ou de loin à ce que les croyants appellent "dieu". » Formulation reprise par les Athées de Belgique.

Car l'athéisme est bien une pensée, et non une croyance.
Excellente chronique de Laurent Gerra sur RTL le 9 février 2009 :
« Benoît XVI : - [Richard] Williamson demande des preuves de l’existence des chambres à gaz. Arrête, Richard, bitte, de dire des bêtises pareilles ; après, tu vas demander des preuves de l’existence de Dieu, peut-être ? Quand on est prêt à croire sans preuves qu’on peut marcher sur l’eau, qu’on peut multiplier les pains ou ressusciter au bout de trois jours, alors on peut tout croire, hein ? »
Selon Martin Heidegger : « L’inconditionnalité de la foi et la problématicité de la pensée sont deux domaines dont un abîme fait la différence. [Die Unbedingtheit des Glaubens und die Fragwürdigkeit des Denkens sind zwei abgründig verschiedene Bereiche.] » (Qu’appelle-t-on penser ?, II, vi). Distinction qui en rappelle d’autres :

Déjà Thomas Browne(1605-1682) : « To believe only possibilities is not faith but philosophy. » (Religio Medici).

Et Baruch Spinoza : « Entre la foi, ou [sive] la Théologie, et la Philosophie il n’y a nul commerce, nulle affinité ; et c’est un point que personne ne peut ignorer s’il connaît le but et le fondement de ces deux puissances, qui certainement sont d’une nature absolument opposée. Le but de la philosophie n’est rien d’autre que la vérité, celui de la Foi rien d’autre que l’obéissance et la piété. »
Traité théologico-politique, XIV.


§ XI / MAIS DIEU SAUVÉ EN TANT QUE FILS DE L’HOMME ?

« Le règne de Dieu est au dedans de vous » (Évangile selon Luc, XVII, 21) ; interprété par Ernest Renan, cela donne : « Dieu sera plutôt qu’il n’est […] il est le lieu de l’idéal, le principe vivant du bien. » (Lettre à M. Marcellin Berthelot, 1863). « Il faut créer le royaume de Dieu, c’est-à-dire de l’idéal, au dedans de nous. » (Souvenirs d’enfance et de jeunesse, II, vii).

Puis André GIDE :

« L’admirable révolution du christianisme est d’avoir dit : le royaume de Dieu est au dedans de vous. » (Journal, 28 février 1912).

« Je crois plus facilement aux dieux grecs qu'au bon Dieu. Mais ce polythéisme, je suis bien forcé de le reconnaître tout poétique. Il équivaut à un athéisme foncier. C'est pour son athéisme que l'on condamnait Spinoza. Pourtant, il s'inclinait devant le Christ avec plus d'amour, de respect, de piété même que ne font bien souvent les catholiques, et je parle des plus soumis ; mais un Christ sans divinité. » Les Nouvelles nourritures.

Jacques Prévert :

" J'ai toujours été intact de 
Dieu et c'est en pure perte que ses émissaires, ses commissaires, ses prêtres, ses directeurs de conscience, ses ingénieurs des âmes, ses maîtres à penser se sont évertués à me sauver.

Même tout petit, j'étais déjà assez grand pour me sauver moi-même dès que je les voyais arriver.

Je savais où m'enfuir: les rues, et quand parfois ils parvenaient à me rejoindre, je n'avais même pas besoin de secouer la tête, il me suffisait de les regarder pour dire non.

Parfois, pourtant, je leur répondais :
« C'est pas vrai ! »

Et je m'en allais, là où ça me plaisait, là où il faisait beau même quand il pleuvait, et quand de temps à autre ils revenaient avec leurs trousseaux de mots-clés, leurs cadenas d'idées, les explicateurs de l'inexplicable, les réfutateurs de l'irréfutable, les négateurs de l'indéniable, je souriais et répétais :
« C'est pas vrai ! » et
« C'est vrai que c'est pas vrai ! »

Et comme ils me foutaient zéro pour leurs menteries millénaires, je leur donnais en mille mes vérités premières. "
(Bifur, 1930, Paroles, 1946)


Couverture de Charlie-Hebdo

Déjà Sénèque le Jeune (avec ironie?) : « Dieu […] est en toi. » Lettres à Lucilius, XLI, 1.


§ XII / SUR FIDES ET RATIO


   Un des mérites de l’encyclique Fides et Ratio (a) publiée en octobre 1998 fut de réussir à présenter un exposé concis de la doctrine catholique (Tradition, Écriture, Magistère) et de sa distinction entre l’ordre de la foi et celui de la connaissance philosophique (I, § 9). Ces pages présentent des aspects variés ; certains intéressants, d'autres faibles, voire consternants.


Six idées intéressantes :

Il est exact, mais trivial, que « derrière un mot unique se cachent des sens différents » (Introduction, § 4).

La priorité de la pensée philosophique sur les systèmes philosophiques (Introduction, § 4). Soit dit en passant, c'est l'existence chez Socrate de cette forme philosophique de la pensée qui permet aujourd'hui aux philosophes analytiques de se réclamer de lui.

Le nécessaire (et difficile) équilibre à tenir entre la confiance accordée à autrui et l'esprit critique (III, § 32).

Le caractère universel de la vérité, dont le consensus (la vox populi) n'est cependant pas le critère (III, § 27 ; V, § 56 ; VII, § 95).

Le rappel, après Montaigne (a), de l'unité de la vérité (III, §§ 27 et 34), selon le principe de non-contradiction.

L'affirmation selon laquelle la vérité dépasse l'histoire (VII, § 95).


Huit faiblesses :

La « capacité de connaître Dieu » (Introduction, § 4) n’est pas une constante philosophique.

La connaissance propre à la foi serait « fondée sur le fait même que Dieu se révèle, et c'est une vérité très certaine car Dieu ne trompe pas et ne veut pas tromper » (I, § 8) ; ce raisonnement est entaché du vice de circularité que l'on décèle déjà dans ce texte biblique : " Le Seigneur [...] se révèle à ceux qui ont foi en Lui [se autem manifestat eis, qui fidem habent in illum.] " (Sagesse, I, 2).

La reprise du préjugé égalitariste de la correction politique selon lequel "tout homme est philosophe" (III, § 30 ; VI, § 64).

Le postulat d'une valeur absolue de la vérité (III, § 27) ; la raison ouverte à l'absolu devient alors capable d'accueillir la Révélation (IV, § 41).

L'exigence d'une "façon correcte de faire de la théologie" (IV, § 43).

La justification de la foi par la Révélation (I, §§ 8, 9 et 15 ; IV, § 43), cercle vicieux que Malebranche relevait déjà (voir plus haut, § VII), à l'époque où la foi cherchait sérieusement un fondement rationnel, ce qui n'est visiblement plus le cas aujourd'hui. Le catholicisme a régressé sur ce point.

Le postulat du surplomb de la démarche philosophique par la posture de la foi (IV, § 42; V, § 50; VI, § 76); postulat auquel Malebranche, on l'a vu, mais aussi Jean-Jacques Rousseau avait, comme bien d'autres, répondu par avance (b).

Le fondement de la foi sur ... le témoignage de Dieu (I, § 9), encore un cercle ; mais on sait qu'aux yeux des croyants et selon leur "logique", la circularité est davantage une perfection qu'une objection.

L'affirmation, là encore entachée de circularité, selon laquelle la lumière de la raison et celle de la foi ne peuvent se contredire, car "elles viennent toutes deux de Dieu" (IV, § 43). « La raison et la foi sont de nature contraire » écrivait le grand Voltaire (Lettres philosophiques, XIII, appendice 1).


Cinq ridicules :

La définition de la philosophie par son étymologie "amour de la sagesse" (Introduction, § 3) ; confusion entre signification et étymologie que l'on n'admettrait pas venant d'un élève de classe terminale.

L'attribution à Platon de Traités philosophiques, alors qu'il n'a écrit que des Dialogues et des Lettres (Introduction, § 1).

Compétence circulaire qui viendrait à l’Église « du fait qu'elle est dépositaire de la Révélation de Jésus Christ » (Introduction, § 6).

L'association athéisme-totalitarisme (IV, § 46), alors que, comme l'avait bien vu Ernest Renan (c), l'Inquisition chrétienne a été la matrice forte des totalitarismes modernes (Ce qui n'empêcha pas Benoît XVI de reprendre cette association en 2010, lors de son voyage en Grande-Bretagne).

Faire de la Vierge Marie une nouvelle Minerve (d), en " harmonie profonde"  avec la philosophie authentique, et " image cohérente de la vraie philosophie " (Conclusion, § 108).

Paradoxale est donc cette coexistence, dans cette prétention de prosélyte de l’ancien maître du Vatican, d'aperçus justes et d'aveuglements face à l'absurdité (des montagnes d'absurdités, écrivait André Gide).

Faiblesses et mystères du cerveau humain ...


§ XIII - Sur " totalitarisme et athéisme " :
L'athéisme est une pensée philosophique qui n'implique l'adhésion à aucune idéologie totalitaire, qu'elle soit de classes, de races ou de religions. L'assimilation faite par plusieurs papes est donc sans fondement. Dans une homélie prononcée le 8 février 1976 à Notre-Dame de Paris, le cardinal François Marty déclara que l'athéisme était une " maladie sociale ", non " un progrès de l'homme " (Le Monde, 10 février 1976). 
Lettre encyclique de Jean-Paul II du 15 octobre 1998, publiée en traduction française par la Documentation catholique, n° 2191, 1er novembre 1998, pages 901-942. On y lit :

§ 46 : " Certains représentants de l'idéalisme ont cherché de diverses manières à transformer la foi et son contenu, y compris le mystère de la mort et de la résurrection de Jésus Christ, en structures dialectiques rationnellement concevables. À cette pensée se sont opposées diverses formes d'humanisme athée, philosophiquement structurées, qui ont présenté la foi comme nocive et aliénante pour le développement de la pleine rationalité. Elles n'ont pas eu peur de se faire passer pour de nouvelles religions, constituant le fondement de projets qui, sur le plan politique et social, ont abouti à des systèmes totalitaires traumatisants pour l'humanité. "



" Même dans notre propre vie, nous pouvons nous rappeler combien la Grande-Bretagne et ses dirigeants ont combattu la tyrannie nazie qui cherchait à éliminer Dieu de la société, et qui niait notre commune humanité avec beaucoup jugés indignes de vivre, en particulier les Juifs. J’évoque aussi l’attitude du régime envers des pasteurs et des religieux chrétiens qui ont défendu la vérité dans l’amour en s’opposant aux Nazis et qui l’ont payé de leurs vies. En réfléchissant sur les leçons dramatiques de l’extrémisme athée du XXème siècle, n’oublions jamais combien exclure Dieu, la religion et la vertu de la vie publique, conduit en fin de compte à une vision tronquée de l’homme et de la société, et ainsi à « une vision réductrice de la personne et de sa destinée » (Caritas in Veritate [juillet 2009], n. 29). "

Benoît XVI n'avait donc jamais vu ça :




NOTES DU § XII

a. Michel de Montaigne, Essais, I, ix : " Si, comme la vérité, le mensonge n'avait qu'un visage [...] "

b. Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l'Éducation, IV, Profession de foi du vicaire savoyard : « Ils ont beau me crier : Soumets ta raison ; autant m'en peut dire celui qui me trompe : il me faut des raisons pour soumettre ma raison. » Soumettre sa raison est une formule oxymorale ; la raison ne se soumet pas, ou alors elle n'est plus raison.

c. Ernest Renan, L'Avenir religieux des sociétés modernes, 1860, III : " Le christianisme, avec sa tendresse infinie pour les âmes, a créé le type fatal d'une tyrannie spirituelle, et inauguré dans le monde cette idée redoutable, que l'homme a droit sur l'opinion de ses semblables. "

d. Minerve, déesse italique identifiée en Grèce à Athéna, ou encore Pallas Athéna, et qui personnifiait notamment la sagesse et la raison ; voir Chateaubriand, Essai sur les révolutions, II, xxxi : " le voluptueux sacrifia à Vénus, le philosophe à Minerve, le tyran aux déités infernales. "

Une première version de cette note sur Fides et ratio fut publiée dans la Tribune des Athées, n° 101, décembre 1999.




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