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mardi 29 août 2023

DFHM : Pacs à puériser (sauf termes en PED-) en passant par philopède et planétaire — et Queer à queer theory




Extrait de mon Dictionnaire français de l'homosexualité masculine.


Lettres N et O
Termes en PED-
Lettre R

Table du DFHM 3.0


PACS, PaCS, PACSÉ, PACSIFICATION, PACSISTE, PACTISÉ

"Il est vrai que les pactisés ne s'apportent qu'une aide mutuelle et matérielle alors que les époux se doivent fidélité, secours et assistance."
Christine Boutin, Assemblée Nationale, 3 novembre 1998.

"Ouvrir le droit d'adoption à des pacsistes homosexuels, c'est priver des couples hétérosexuels du droit d'adoption."
Charles de Courson, Assemblée Nationale, 8 novembre 1998.

"Le PACS est en effet une nouvelle forme de vie de couple qui présume au moins la sexualité, même si elle ne l'implique pas nécessairement."
Elisabeth Guigou, Assemblée Nationale, 8 décembre 1998.

" Moins préoccupés par le sida, les étudiants ont pris conscience, avec le vote de la loi sur le PACS, qu'il était tout à la fois nécessaire de militer contre l'homophobie et plus aisé de le faire, dans un contexte de banalisation de la question homosexuelle ."
Le Monde, 23 juin 2000.

« Le PaCS n’a pas rencontré le succès qu’on lui promettait auprès des homos. »
Thomas Doustaly, Édito, Têtu, n° 68, juin 2002.

« Homosexualité, "pacsification" des esprits, légalisation des drogues douces, télé-réalité, néo-pornographie, défense et illustration des "romans de cul" (comme il existait naguère des romans à thèse), peoplisation du monde, dénonciation du harcèlement, ultra-féminisme, anti-fascisme conventionnel : Le Monde est devenu le champion, toutes catégories confondues, de la rébellion de salon. »
Pierre Péan et Philippe Cohen, La Face cachée du Monde, Paris : Mille et une nuits (Fayard), 2003.

PAGE

« Les pages endemoiselés à lui [le seigneur de Guyercharois] entrant près le pont-levis se présentèrent. Il les baisa tous en grande courtoisie et révérences magnifiques. »
Rabelais, Quart Livre (1552), X.

« L'oncle Sourdis a recouvert Chartres et la teste qui lui branlait pour avoir trahi son Gouverneur, mais on ne lui donna pas l'Escurie : car les Pages ne se pouvaient plus tenir à cheval, dont fut écrit :
Pourquoi l'ont-ils cassé aux gages ?
Sourdis faisait-il tant de maux ?
C'est pour ce qu'il piquait les pages
Au lieu de piquer les chevaux.
 »
Agrippa d’Aubigné, Confession catholique du sieur de Sancy, I, 3.

« Pourceau le plus cher d’Épicure,
Qui, contre les lois de nature,
Tournez vos pages à l’envers,
Et qui, pris aux chaînes des vices
Vous plongez dedans leurs délices,
J’ai des limbes entendu vos vers. »
Sieur de Sigognes, Ode, in Cabinet satyrique ou Recueil parfait des vers piquants et gaillards de ce temps, 1618.

« Vous égaleriez la vertu
Des plus doctes personnages
Si vous lisiez autant de pages
Que vous en avez foutus. »
Épigramme adressée au cardinal de Sourdis [François d’Escoubleau, vers 1580-1628], G. Tallemand des Réaux, Historiettes, Paris : Gallimard, 1960-1961, coll. Pléiade, édition Antoine Adam, I, note de la page 1045.

 « Quand il fut à Saint-Quentin
On lui présenta du vin
Grand seigneur prenez courage
Il vous reste encore un page. »
Recueil Maurepas, BnF, mss fr 12616, tome 1, page 457, sur le maréchal de Grammont.

Sur M. de Nogent
« Que j’aime ce page
Fait au badinage.
Bon Dieu, qu’il est intelligent !
Tantôt il est agent
Dans son personnage,
Tantôt patient
Propre à tout usage.
Il est de Nogent. »
Recueil Maurepas, mss BnF 12639 , tome 24, page 196, année 1669.

« Un page sexagénaire et grave. »
La Fontaine, Contes, III, xiii, « Le petit chien ».

« Quelles furent, en réalité, les mœurs du Moyen-Age ? […] quel était le rôle des pages, jeunes compagnons des chevaliers ? Ceux-ci faisaient profession d'amour mystique: on ne parle que de cet amour-là, c'est le seul qu'on mette en avant. Mais comment supposer que tous ces gaillards restassent chastes ? Et vers qui se portaient alors leurs désirs sensuels ? »
Lettre d’André Gide à Georges Hérelle du 14 juillet 1934, transcription de Georges Hérelle,  Bibliothèque Municipale de Troyes, mss 3188, folio 359.

PAIDIKA

Titre, parfois non traduit dans des éditions anciennes, de la 30e idylle de Théocrite.

« Il [Sainte-Beuve] cite de l’Anthologie [grecque], un des paidika, une déclaration d’amour à un petit giton et finit : "C’est charmant" »
Edmond et Jules de Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire de 1851 a 1896, Paris : Fasquelle/Flammarion, 1956, 2 mai 1863.

PAILLARD

Un des ancêtres d’hétérosexuel.

« beaucoup plus bougre que paillard »
Épitaphe de Jean Maillard.

PAILLARDISE MASCULINE

Dans la traduction de 1655 par le Sr Rault de l’ouvrage de J. B. Porta sur La Physionomie humaine, figure un article intitulé L’impudique, celui adonné à la « paillardise masculine ».

PAILLETTES

"Après la gauche austère [allusion à l'ancien Premier ministre Lionel Jospin] qui a échoué et se cache désormais, nous allons subir la gauche paillettes toujours en tête de la marche des fiertés homo, bi et trans."
Alexandre Galdin (RPR) au Conseil de Paris, 8 juillet 2002.

PASSIF/PATIENT

Agent et patient sont des décalques du latin que l’on rencontre d’abord dans un traité de théologie morale :

" Tels sodomites sont comparés aux parricides et meurtriers. Secondement ils sont infâmes selon les lois. Troisièmement ils doivent être punis de mort et brûlés. La loi de Moïse |Lévitique] commande que tant l'agent que le patient soient mis à mort. "
J. Benedicti, La Somme des péchés, 1601.

« Il [le roi de France Henri III] changea sa fantaisie d’agent en celle de patient. »
Agrippa d’Aubigné, Confession de Sancy, I, 7.

« Bougre agent, bougre patient au temps passé, me feras-tu dire que ton frère te vendit à l’abbé de Tyron ? »
Ibid., II, 1.

Sous la Régence, l’avocat parisien Mathieu Marais raconta les conséquences d’une scène de débauche à la Cour en juillet 1722 :

« Le marquis de Rambure, patient de toutes manières, a été mis [une semaine] à la Bastille ; il est fils de la marquise de Fonteville, grande janséniste, et qui ne sait quel péché mortel son fils a commis. Quand le Roi [Louis XV] a demandé pourquoi tous ces exils contre ces jeunes seigneurs, on lui a dit qu’ils avaient arraché des palissades dans le jardin, et à présent on ne donne d’autre nom à ces non-conformistes qu’arracheurs de palissades »
Mathieu Marais, Journal, août 1722.

« Je ne te parle point du goût de ces monstres qui n’en ont que pour le plaisir antiphysique, soit comme agents, soit comme patients. »
Marquis d’Argens [ ??], Thérèse philosophe, 2e partie, vers 1748.

« Il [un grand-duc de Florence] établit les peines qui sont (je crois) : 25 écus d’amende pour l’agent ; moins, pour le patient. On ne ferait plus une loi pareille. »
Montesquieu, Mes Pensées, XXIII, § 1956.

« Je me souviens d'avoir entendu dire à Fréron, au café de Viseux, rue Mazarine, en présence de quatre ou cinq personnes, après un dîner où il avait beaucoup bu, qu'étant jésuite il avait été l'agent et le patient. »
Voltaire, Anecdotes sur Fréron, 1761.

" Le quartier général de ces messieurs à culotte se tient place du Carrousel, entre les deux guichets du côté de la rivière, de huit à neuf heures du soir. Les beaux, les patients, sont en ligne, dans l'attitude d'un homme qui satisfait un besoin. Les amateurs inspectent. Enveloppé dans mon manteau, j'ai parcouru cette ligne de chiens et de cochons! C'est là le dernier degré de la dépravation humaine. "
Fournier-Verneuil, Paris, Tableau moral et philosophique, 1826.

Bien que patient se trouve encore quelquefois au XIXe siècle, le couple actif/passif avait pris la relève vers 1850. En 1857 le médecin-légiste Tardieu étudiait les signes d'habitudes actives et passives, et parlait d' pédérastie active ou passive. Dans un texte satirique attribué à Albert Glatigny on trouve cet extrait de statuts fictifs d'une société de pédérastes :

" Toute plaisanterie obscène est interdite et peut être punie avec huit jours d'abstinence. - Les rapports infâmes avec des individus du sexe féminin sont également interdits. Il est même recommandé aux membres mariés d'éviter toute complaisance de ce genre. - Les membres formant le conseil de santé doivent visiter au moins une fois par mois la rosette de tous les membres passifs, et avec le plus grand soin. - Le concierge costumier entretiendra toujours deux chèvres et les tiendra à la disposition de MM. les militaires pressés. "
Albert Glatigny, " La société des Émiles ", in La Sultane Rozréa, 1871 ; allusion à un fait divers parisien de 1864.

" Je regarde l'état de comédien comme la honte des hontes. J'ai là-dessus les idées les plus centenaires et les plus absolues. La vocation du théâtre est, à mes yeux, la plus basse des misères de ce monde abject et la sodomie passive est, je crois, un peu moins infâme. Le bardache, même vénal, est du moins, forcé de restreindre, chaque fois, son stupre à la cohabitation d'un seul et peut garder encore, -- au fond de son ignominie effroyable, -- la liberté d'un certain choix. Le comédien s'abandonne sans choix, à la multitude, et son industrie n'est pas moins ignoble, puisque c'est son corps qui est l'instrument. "
Léon Bloy (1846-1917), Le Désespéré (1886), chapitre IV.

" Chez les pédérastes, le mouchoir joue le rôle principal. C'est leur signe caractéristique, et tout de suite ils se reconnaissent ; sur le devant des effets il indique les actifs ; et lorsqu'il ressort des poches placées derrière le vêtement, il désigne les passifs. "
G. Macé, Mes Lundis en prison, 1889.

« Passif : Homme pour homme, celui qui subit.
Habitué des latrines de la berge du Pont-Neuf, des bains de la rue de Penthièvre ou des pissotières des Champs-Élysées.
Dans le peuple on dit :
— Il va ramasser des marrons dans l’allée des Veuves.
L’allusion est claire. »
Charles Virmaître, Dictionnaire d’argot fin-de-siècle, Paris : Flammarion, 1894.

« Lope : péderaste passif (argot parisien). »
Évariste Nougier, Dictionnaire d'argot, 1899-1900 (édition N. Gauvin, 1987)

« Coquine: se dit d'un pédéraste passif ou d'un individu qui simule la pédérastie passive et qui sert la police en donnant des indications sur les pédérastes. »
Évariste Nougier, Dictionnaire d'argot, 1899-1900 (édition N. Gauvin, 1987)

PASSION

Michel Delon : « Rares sont les auteurs qui se servent, pour désigner ce que nous nommons au XXe siècle l'homosexualité, des termes propres que l'époque met à leur disposition, sodomie ou pédérastie, termes beaucoup plus flous alors qu'aujourd'hui. La plupart d'entre eux utilisent des périphrases moralisantes : passion honteuse, passion infâme, le péché qui est contre nature, celui des vices qui est le plus abominable et qui révolte le plus la raison, cette débauche qui choque l'ordre de la nature et pervertit l'instinct animal (5)... On trouve même parfois des formules pittoresques comme « cette faute d'orthographe de la nature humaine (6) ». Autant d'expressions qui indiquent une non-conformité par rapport à trois instances confondues en une seule : la nature, la raison, la morale. Ces circonlocutions indiquent à elles seules que l'interdit porte autant ou presque sur les mots que sur les choses. »
« Du goût antiphysique des Américains », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, tome 84, n° 3, juin 1977. »
" (5) Périphrases relevées chez Lafitau, Mœurs des sauvages comparées aux mœurs des premiers temps, Paris, 1724 ; Hennepin, Nouvelle découverte d'un très grand pays situé dans l'Amérique (...), Utrecht, 1697 ; Charlevoix, Histoire et description générale de la Nouvelle France, Paris, 1744. La dernière formule se trouve sous la plume de De Pauw, t. Ier, p. 68, et elle est à peu près textuellement reprise par Raynal : « cette débauche honteuse qui choque la nature et pervertit l'instinct animal », Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, La Haye, 1774, t. III, p. 24. Sur le vocabulaire de l'homosexualité au XVIIIe siècle, voir Pierre Nouveau ,« Le péché philosophique ou de l'homosexualité au XVIIIe siècle », Arcadie, 254, fév. 1975, p. 77 et sv.
(6) De l'Amérique et des Américains ou observations curieuses du philosophe La Douceur, Berlin, 1772, p. 55. "

Guy de Maupassant (sous le pseudonyme de Maufrigneuse) : « L'auteur, sans y prendre garde, dans l'honnêteté de sa conscience, a dépeint l'amour naissant d'un homme pour une femme vêtue en homme et qu'il croit être un homme. De là un trouble étrange, une confusion pénible, puissante comme art, gênante aussi.
En suivant le développement de cette passion légitime on côtoie, semble-t-il, le lac gomorrhéen des passions honteuses.
Je sais que toutes les intentions définitives sont honnêtes ; cela n'empêche que l'amitié particulière de cet homme pour un enfant, bien qu'elle ne puisse blesser la morale tant les moyens sont ménagés, peut du moins éveiller dans l'âme du lecteur des suppositions alarmantes.
J'ai d'ailleurs cette conviction, sans doute fausse, que les livres les plus dangereux pour les âmes et les plus immoraux en somme, sont les livres dits les plus moraux, les plus poétiques, les plus exaltants et les plus décevants, les livres où triomphe éternellement l'amour. » (Gil Blas, 1er mai 1883, page 1, sur le roman de Victor Cherbuliez " Le Comte Kostia ").

PASSION DES FEMMES

« Monsieur [frère du roi Louis XIV] n’eut jamais ce qu’on appelle la passion des femmes, mais il les aimait beaucoup pour la conversation, et les recherchait pour la société. »
Mlle d’Aumale (1683-1756), Souvenirs et Mémoires, Paris : Calmann-Lévy, 1902.

PATHICUS

En russe, патикус a le sens d’homosexuel passif (Le Guévellou, 2002).

PATIENT cf Agent/patient

PD

" PD : C'est ainsi qu'elle [la petite dame, Maria van Rysselberghe] voulait signer un texte dans la NRF. Gide lui a dit : " PD, pédéraste, on va encore penser que c'est moi ! " Finalement, elle signera M. Saint-Clair. " (Communication de Fabrice Picandet, que je remercie).

« En cette période de sexualité industrielle où chaque homme, du P. 1 au PDG, se croit tenu de taquiner le démon de midi à toute heure rien que pour affirmer sa virilité, jamais l’utilité du PD n’a été plus grande – pour les femmes, cela s’entend. »
Rita Kraus, « PD, mon ami », Crapouillot, août-septembre 1970 (n° spécial " Les pédérastes ").

« Don Juan, vite dit. Mais il y en a plusieurs : l'homme qui aime la Femme et l'homme qui aime les femmes. (Il aime la Femme, comme le PD aime l'Homme.) »
Paul Morand, Journal inutile, 22 août 1974.

PÉCHÉ CONTRE NATURE

Dans son Confessionnal, Jean Gerson (1363-1429) faisait de l’homosexualité une des espèces du péché contre nature :

« La quatrième partie [du péché contre nature] : si des hommes ont compagnie les uns des autres au fondement ou ailleurs. Ou les femmes les unes des autres par détestables et horribles façons qui ne se doivent nommer ni écrire ; ou les hommes des femmes, en lieux non naturels. »
Directoire des confesseurs.

« Le péché contre nature est le crime de celui ou de celle qui a un commerce impudique avec quelque personne de son sexe (a), il se commet par un homme avec un autre homme, et par une femme avec une autre femme ; de tous les crimes contre la chasteté(b), celui-ci est un des plus graves et des plus détestables selon les lois divines et humaines ; comme on peut le voir dans la Genèse chap. 19, et dans la loi 31 au Code ad legem Juliam de Adulterii(c), aussi ceux qui sont prévenus de ce crime sont condamnés à être brûlés vifs, ou à être pendus, et ensuite brûlés, suivant les circonstances du fait, comme il en a été jugé par les Arrêts rapportés par [Bernard] Automne, sur la Loi citée, et par [Jean] Papon, en ses Arrêts(d), liv 22, tit 27, arr 2. »
Jean Antoine Soulatges, Traité des crimes, Toulouse, 1762, tome I, page 253.
a Formulation préfigurant la rédaction de l'article introduit par le gouvernement de Vichy en août 1942.
b Ces crimes sont : viol, inceste, péché contre nature, bestialité, adultère, fornication, maquerellage, avortement, recèlement de grossesse.
c Corpus juris civilis, Code, IX, ix, 31. Voir mon recueil Ces Petits Grecs …
d  Papon : 1ère édition 1556.


« Amour socratique : Se dit quelquefois, par l'effet d'une vieille calomnie contre Socrate, d'un vice honteux, le péché contre nature. »
Emile Littré, Dictionnaire de la langue française, 1863-1872.

PÉCHÉ DE SODOME cf SODOME

PÉCHÉ PHILOSOPHIQUE

De Jean-Baptiste Rousseau :
« Par l'un et l'autre débauché,
Le jeune abbé de Bellesogne [Braguelonne],
Petit philosophe ébauché,
Au nez fait en bec de cigogne ;
Quand je dis qu'il est débauché,
J'entends aussi le gros péché,
Le vrai péché philosophique,
Aux jésuites tant reproché,
Dont Edouard [Houdar de La Motte] fait leçon publique. »
Vers de 1710 publiés en 1716 dans François Gacon, Histoire satirique de la vie et des ouvrages de M. Rousseau, 1716. Cité par Jean-Luc Hennig, Espadons..., 2014.

« On me contait ces jours-ci en parlant du maréchal d’Huxelles qu’il avait toujours été fort entiché du péché philosophique, ce vice n’a pas laissé d’avoir de grands hommes pour amis, et qu’un jour ils étaient trois en partie de débauche, et que le troisième, qui n’était pas de ce goût-là, le fronda fort et ne voulait pas croire qu’il y eût des bougres. Pardonnez-moi monsieur lui dit le second, il y en a si bien qu’il y en a même de trois sortes, il y a de riches bougres, comme le maréchal d’Huxelles, il y a de pauvres bougres comme moi, et il y a de sots bougres comme vous. En sorte qu’il eu son paquet pour avoir méprisé le parti des deux autres. Et cette histoire aura ici sa place par récréation, à cause du bon mot. »
E. J. F. Barbier, Journal, octobre 1726, BnF, mss fr. 10286, folio 34, recto.

« Comme on est dans le temps des choses extraordinaires, un homme s’est avisé d’aller à l’Hôtel-Dieu, de parler à un jeune manœuvre qui était dans un lit, malade, de lui dire que les médecins ne connaissaient point son mal et qu’il le guérirait par un prompt remède ; il a fait tourner cet homme dans cet état-là et lui a fait le péché philosophique. Jamais la malice de l’homme n’a été portée à ce point-là, il faut être presque un diable pour être tenté d’un malade dans un lit de l’Hôtel-Dieu. Une religieuse s’est aperçu de quelque chose, a fait du bruit, on a arrêté l’homme, le malade l’a accusé du fait, mais il a nié à l’interrogatoire et les religieuses ont fait éloigner le malade qui n’a pas pu être confronté, ce dont elles ont été bien tancées ; cependant notre brave bougre a été mis à la question mardi dernier 11 février, il a tout nié en sorte qu’il n’y a point de preuve contre lui. »
E. J. F. Barbier, Journal, janvier-février 1727, BnF, mss fr. 10286, folio 41, recto.

PÊCHER LA FIENTE À LA LIGNE,  PÊCHEUR D’ÉTRONS

Ces métaphores ont servi à dénigrer les catholiques.

« Je m'en rapporte au Novus Homo [Sanchez] qui fait mention de ces grands personnages qui savent foutre en croupe, pêcher la fiente à la ligne, courir la lance contre la lie de pain, et ce en dépit des sages-femmes, et du baptême. »
Antoine Fuzy, 1660-1628), jésuite puis pasteur, Le Franc-Archer de la vraie Église, II, viii, 1619.

Bel exemple de redondance synonymique dans les vers qui suivent :

« Que ces empaleurs de Gomorrhe
Ces bougres que mon cœur abhorre
Ces infâmes pêcheurs d’étrons
Ces soldats lâches et poltrons,
Qui dénués de toute audace
N’osent assaillir qu’une place,
Qui sans tour et sans parapet
Ne se défend qu’à coup de pets. »
Marc-Antoine Girard de Saint-Amant, Le Palais de la volupté, 1629.

PHILANDRE, PHILANDRIQUE, PHILANDROS

« Mon éloignement extrême pour le vice philandrique [régnant dans l’école janséniste de Bicêtre]. »
Restif de la Bretonne, Monsieur Nicolas, seconde époque.

Philandros, nom d'un groupe homosexuel parisien créé au début 1974 par Jean-Paul Amouroux, Michel Bouriau et Michel Heim.

" Dans le bulletin numéro deux du groupe Philandros, j'écrivis en toute immodestie, les lignes qui suivent :
" Je remercie chacun des Philandres dont le choix s'est porté sur mon nom. "
Jean-Paul Amouroux, Du rose à l'arc-en-ciel. Souvenirs authentiques d'un vieux con paranoïaque et homosexuel, Lyon : Jacques André éditeur, 2015.
PHILOGYNE, PHILOGYNIE
Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, tome 3, Paris : Hachette, 1874.


PHILOPÈDE, subs., PHILOPÈDIQUE, adj., PHILOPÉDIE, subs.

  Le terme grec φιλόπαιδα, utilisé par Callimaque, Diogène Laërce et Théocrite, notamment, fut tardivement transposé en français, victime de la forte notoriété de son concurrent pédéraste.

  En 1849, le Dr Claude Michéa dressa une liste de « Déviations maladives de l’appétit vénérien », au premier rang desquelles il rangeait l’amour grec, subdivisé en philopédie et tribadisme (Union médicale, 17 juillet 1849). L’antonyme philogynie était alors connu 

Complément du Dictionnaire de l'Académie française, 1842.


en 1862 le Dictionnaire de l’Académie Française (4e édition) le définissait de même " amour des femmes " ; philogyne s’y retrouve aussi.

  « Orphée, d'après les mythographes, ne fut déchiré par les femmes qu'à cause de sa philopédie. […] Tous les auteurs anciens s'accordent à dire que la célèbre cohorte sacrée de Thèbes, formée par Épaminondas, n'était composée que de mignons et de philopèdes. […] Maints auteurs prétendent que l'amour philopédique a été favorable au développement du sentiment du beau […] Un érudit allemand, J. Matthias Gesner, s'est joint aux auteurs anciens pour venger Socrate de l'imputation de philopédie […] C'est dans ce même dialogue [le Banquet] qu'Alcibiade raconte la tentative qu'il fit une nuit pour amener Socrate à sacrifier à l'amour philopédique, mais sans pouvoir y réussir. »
Audé [O. Delepierre], Dissertation sur les idées morales des Grecs et sur le danger de lire Platon, Lomonnoyer, 1879.

  « La stupéfiante et honteuse pédérastie, philopédie, amour grec, passion socratique ou amour (!) entre hommes. »
Alphonse Gallais, Tableau de l’amour charnel, 1905.



  Guillaume Apollinaire avait parlé, au sujet du poète américain Walt Whitman, de « goût pour la philopédie », donnant donc au mot le sens général d’homosexualité masculine, comme Claude Michéa, et non celui, étymologique, d’amoureux des jeunes garçons.

  « Par pédérastie, j’entends l’amour des moins de seize ans de l’un et l’autre sexe. J’emploie aussi, à l’occasion, le mot pédophilie, mais son côté pharmaceutique me déplaît : c’est un mot qui sent le camphre, voire le bromure. Il est en outre fautif : philopédie serait plus correct. »
Gabriel Matzneff, Les Passions schismatiques, Paris : Stock, 1977.

PHILOSOPHIQUE (AMOUR, PÉCHÉ)

Selon la traduction par Filbert Bretin du dialogue grec de Lucien Amours, en 1582, l’Athénien proclame que « le seul amour masculin est comme quelque ordonnance d’un esprit philosophique ». Par ailleurs le calviniste Agrippa d’Aubigné attribua au roi de France Henri III ces paroles : « Je vois que vous n’êtes pas ignorant de l’amour philosophique et sacré » (Confession de Sancy, I, 7).

Cette expression manifeste la force du lien établi par la langue française entre l’amour des garçons et la philosophie grecque dès le XVIe siècle. La première traduction du Banquet de Platon date de 1541. Cette association, qui faisait l'étonnement de Montaigne, fut renforcée par l’introduction fin XVIIe siècle de l’expression péché philosophique. En 1686, la thèse de théologie d’un père jésuite introduisait une subtile distinction entre péché philosophique et péché théologique, le premier étant celui commis par un pécheur n’ayant pas pensé à Dieu et n’ayant donc pas eu l’intention de l’offenser. La réputation qu’avait les pédagogues jésuites, et une contagion de sens à partir d’amour philosophique, expliquent assez l’évolution sémantique de cette expression.

L’avocat Mathieu Marais avait cité ce quatrain fait quelques jours après un incendie au collège des Jésuites :

« Lorsque Deschauffours on brûla
Pour le péché philosophique,
Le feu, par vertu sympathique,
Passa jusque chez Loyola. » 
Lettre au président Bouhier, 2 juin 1726 ; voir aussi Voltaire, lettre à D’Argental, 20 mars 1776.

« On me contait ces jours-ci en parlant du maréchal d’Huxelles qu’il avait toujours été fort entiché du péché philosophique, ce vice n’a pas laissé d’avoir de grands hommes pour amis, et qu’un jour ils étaient trois en partie de débauche, et que le troisième, qui n’était pas de ce goût-là, le fronda fort et ne voulut pas croire qu’il y eût des bougres. »
Barbier, Journal, octobre 1726.

« Comme on est dans le temps des choses extraordinaires, un homme s’est avisé d’aller à l’Hôtel-Dieu, de parler à un jeune manœuvre qui était dans un lit, malade, de lui dire que les médecins ne connaissaient point son mal et qu’il le guérirait par un prompt remède ; il a fait tourner cet homme dans cet état-là et lui a fait le péché philosophique. Jamais la malice de l’homme n’a été portée à ce point-là, il faut être presque un diable pour être tenté d’un malade dans un lit de l’Hôtel-Dieu. »
Barbier, Journal, janvier-février 1727.

Citons encore le baron de Montesquieu :

« À Rome les femmes ne montent pas sur le théâtre ; ce sont des castrati habillés en femmes. Cela fait un très mauvais effet pour les mœurs : car rien — que je sache — n’inspire plus l’amour philosophique aux Romains. »
Voyages, Rome. [Cité par Gide dans Corydon, IIIe dialogue, iv).

Dans le même sens, on peut retenir ces deux vers :

« Et de galants marquis, Philosophes parfaits,
En petite Gomorre érigeant leur palais. »
N. J. L. Gilbert, Le Dix-Huitième siècle, Satire à M. Fréron, 1775.

Le vicomte François René de Chateaubriand avait commenté le dialogue de Lucien cité plus haut :

« Licinius juge le procès : il laisse les femmes aux hommes vulgaires, et les petits garçons aux philosophes. Théomneste rit de la prétendue pureté de l’amour philosophique, et finit par la peinture d’une seduction dont les nudités sont à peine supportables sous le voile de la langue grecque ou latine. »
Étude sur la chute de l’Empire romain.

Bien qu’amour platonique ait initialement désigné l’amour masculin (traduction de Nicolo Franco, 1579), un amour chaste est généralement dit être un amour platonique. Mais la chasteté est sous-jacente dans amour philosophique ; Montaigne parlait d’amour viril et mental (Essais, II, xii, page 509). Voir aussi amour  socratique.

PHOQUE (PÉDÉ COMME UN)

« C'est qu'même si j'dev'nais pédé comme un phoque
Moi j's'rais jamais en cloque. »
Renaud/Séchan, En cloque, 1980.

PINERIE NATURELLE

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864, Supplément.
Les Aphrodites (1793), œuvre du romancier Andréa de Nerciat (1739-1800).

PIQUER, PIQUOTER

« Pourquoi l'ont-ils cassé aux gages ?
Sourdis faisait-il tant de maux ?
C'est pour ce qu'il piquait les pages
Au lieu de piquer les chevaux. »
Agrippa d’Aubigné, Confession catholique du sieur de Sancy, I, 3.

« Il [Anselme] m'a demandé si je m'étais manuélisé avec lui [un autre particulier], et s'il m'avait piquoté, en voulant me faire entendre s'il avait fait l'action infâme avec moi [...] Il m'a dit qu'il y avait quinze jours qu'il était allé boire avec un mousquetaire, qu'il l'avait manuélisé, que ce mousquetaire avait un gros membre qui était bon pour commettre l'action infâme parce qu'il était pointu par le bout. »
Archives de la Bastille, 10258, 20 juin 1738.

PISSOTIÈRE, PISTIÈRE

« Passif : Homme pour homme, celui qui subit. Habitué des latrines de la berge du Pont-Neuf, des bains de la rue de Penthièvre ou des pissotières des Champs-Élysées. Dans le peuple on dit : " Il va ramasser des marrons dans l’allée des Veuves. " L’allusion est claire. »
Charles Virmaître, Dictionnaire d’argot fin-de-siècle, 1894.

Agnès Giard : « Dans l'argot populaire on les renomme Tasse, Théière ou Parloir par allusion ironique aux salons de thé : des lieux où l'on cause. On les appelle aussi Ginette, Baie, Gogue ou Pagode. Celles à trois places sont des Chapelles. Celles à deux places des Causeuses. Dans la Recherche, Marcel Proust les nomme Pistière. En 1910, au cours d'un long séjour à Paris, Eugène Wilhelm (1856-1951), qui recopie les graffitis homosexuels dans les pissotières, s'étonne de leur abondance : " Je ne connais aucune ville dans laquelle il y ait autant de pissotières que Paris. Sur les boulevards et les rue principales se dresse un pissoir à 3 stalles toutes les dizaines de mètres. On en compte plusieurs milliers à Paris tandis qu'à Berlin on peut marcher plusieurs kilomètres, notamment dans la Friedrichstraße, sans croiser un seul pissoir. " »

Julien Green : « Ce n'est sûrement pas la timidité qui m'enferme dans ma chambre, moi qui ait fait toutes les pissotières du quartier. »
Journal intégral 1919-1940, 20 septembre 1928, Paris : Robert Laffont, 2019.
« Pourquoi Gide n'est-il pas grand ? me dit-il [Ernst Robert Curtius] plus tard. C'est ce que plusieurs se demandent. Quant à moi, je pense que c'est parce que sa vie entière gravite autour de la petite aventure de rue. D'autres ont l'horizon bouché par le dôme de l'Institut, lui par une simple pissotière, et au fond c'est peut-être plus honorable. »
Journal intégral 1919-1940, 29 octobre 1929, Paris : Robert Laffont, 2019.
« En longeant les jardins de l'avenue Gabriel, vu beaucoup de tapettes dont deux assez jolies, qui rôdaient. J'ai été tenté de les aborder. D.P. [Robert de Saint-Jean] m'a dit plus tard qu'il y avait à la préfecture de police deux dossiers, l'un sur la pissotière du Champ-de-Mars, l'autre sur celle des Champs-Élysées et que beaucoup des tapettes qu'on y voyait servaient d'indicateurs à la police. »
Toute ma vie Journal intégral *** 1946-1950, 5 décembre 1948, Paris : Bouquins éditions, 2021.

PISTOLET

Jules Renard, Poil de Carotte, Les joues rouges, III.

PLACARD, PLACARDISÈ

De l'américain closet.

« - Un gay, c'est ce que nous appelons une tante, un pédé, alors ?
Il éclata de rire, à ma grande mortification.
- Tante, pédé, tapette, ce sont les mots du placard.
- Nous avons aussi : homosexuel, dis-je, aussi dignement que j'ai pu.
- Le placard, encore le placard. »
Dominique Fernandez, L'Étoile rose, IV, Paris : Grasset, 1978.

« "Placard" est une précieuse trouvaille dont l’efficace est attestée tant pas sa diffusion translinguistique (il traduit le closet anglo-saxon ou l’armario hispanique) que par sa fécondité lexicale (il s’adjective en "placardisé"). On l’emploie pour désigner le lieu social et psychologique dans lequel sont enfermés les gais et les lesbiennes qui dissimulent leur homosexualité. »
Philippe Mangeot, " Discrétion/Placard ", Dictionnaire de l’homophobie, Paris : Presses Universitaires de France, 2003.



PLANÈTE, PLANÉTAIRE

Julien GREEN : « Anne [Green] [...] me dit que nos amis planétaires reluquent les soldats allemands, déjà. »
Toute ma vie - Journal intégral 1940-1945, 31 octobre 1940, Paris : Robert Laffont, 2019.
« En France, les planétaires sont envoyés au camp de Sisteron. Voilà où en est la civilisation européenne en 1941. »
Journal..., 10 mars 1941.

ROBERT DE SAINT JEAN (né à Paris VIIe en 1901 - décédé le 16 janvier 1987 à Paris Xe) : « Le sentiment de faire partie sexuellement d'une minorité alors sévèrement condamnée par la foule aiguillonnait son esprit. Il [Lucien Daudet] côtoyait dans la société beaucoup d'hommes qui éprouvaient les même inclinations que lui tout en les cachant soigneusement, et l'hypocrisie le révoltait. Il n'employait pas les mots  " hétérosexuel", ou " homosexuel ", termes un peu bien savantasses à son gré, et avait inventé une autre classification : les " terriens " pour désigner ceux, innombrables, qui sont attirés par les femmes et pour les autres il disait les " planétaires ". Des " terriens " devenus par la curiosité d'un moment " planétaires " en catimini, il affirmait : " Ce sont ceux-là qui condamnent en public l'amour des garçons avec le plus de violence... [...] — Pourquoi, demandait-il, cette soudaine irruption de l'homosexualité — de la " planète ", disait-il — dans les livres de nombreux écrivains après 1918 ? Pourquoi cette nappe souterraine affleurait-elle en mille sources ? Cette inclination a existé pendant tous les siècles non seulement chez les Grecs, dont on parle toujours à tort et à travers, mais dans les mœurs, au XIIe siècle par exemple. Toutefois l'expression en a été presque totalement interdite par une morale régnante tyrannique. Pourquoi après l'armistice (et déjà un peu avant 1914) a-t-on vu cette avalanche de confession, les unes voilées, les autres franches. [...] Lucien acheva lui-même un roman, lPlanète, qu'il me fit lire en manuscrit et dont le personnage principal était un étudiant en médecine. L'œuvre fut annoncée " À paraître " dans son dernier livre imprimé. Qu'est devenu ce texte ? Détruit par souci de respectabilité — c'est une supposition — de la blanche main des héritiers ? » Passé pas mort, III " En revenant de la revue [Revue hebdomadaire] ", Paris : Grasset, 1983, pages 228-229.

POINT DE CÔTÉ

« Ennemi des pédérastes », disait Vidocq (Les Voleurs, tome 2, page 27, 1837)..

Francisque Michel fournira l’explication de l’expression : « Ennemi des pédérastes, qui les gêne dans leurs honteux ébats, comme un point de côté qui paralyse tout mouvement. ». Cité par Delvau (1964).

 « Ennemi des non-conformistes, – dans l’argot des voleurs, qui savent combien un point-de-côté est gênant » pour Alfred Delvau (Dictionnaire de la langue verte, 2e édition, 1883).

En 1878, Rigaud signalait un sens nouveau :
« Agent des mœurs, – dans le jargon des voleurs et des Éphestions d’égout. Ces derniers désignent encore,, sous ce nom le passant, qui par sa présence gêne leur honteux commerce. »
Lucien Rigaud, Dictionnaire du jargon parisien – L'argot ancien et l’argot moderne,
Paris : Paul Ollendorff, 1878.


POMPEUR DE DARD
Alfred Delvau, Dictionnaire érotique moderne..., 1864.

POURCEAU DE SODOME

« Au milieu de cela s’offrait, sans qu’on eût la peine d’écarter, un orifice immense dont le diamètre énorme, l’odeur et la couleur le faisaient plutôt ressembler à une lunette de commodités qu’au trou d’un cul ; et pour comble d’appas, il entrait dans les petites habitudes de ce pourceau de Sodome de laisser toujours cette partie-là dans un tel état de malpropreté qu’on y voyait sans cesse autour un bourrelet de deux pouces d’épaisseur. »
Marquis de Sade, Les Cent vingt journées de Sodome, [1785], Introduction, Paris : Gallimard, 1990, édition Michel Delon.

PRATIQUES SPÉCIALES

"Mais en Chine, où, à ce qu'on assure, les pratiques spéciales seraient en vogue, ne pourrait-on discerner dans cette tolérance un corollaire de l'effroyable excès de population qui y sévit?"
Raphaël Cor, Mercure de France, 1930.

PRÉ-HOMOSEXUEL

Pierre Saint-Amand : " Halperin a raffiné son analyse de la mollitia [...]. Il s’agirait pour lui d’un des modèles du pré-homosexuel (1). Il étudie cette catégorie intéressante de l’inversion de l’identité sexuelle (masculine). Voir How to Do the History of Homosexuality, Chicago, University of Chicago Press, 2002, pp. 121-130.
Suite libertine. Vies du XVIIIe siècle, chapitre « Le Théâtre des Beaux », note 68, Paris : Classiques Garnier, 2021.
1. " The four pre-homosexual categories of male sex and gender deviance (Halperin) :
1 effeminacy
2 paederasty or "active" sodomy
3 friendship or male love
4 passivity or inversion "

PRÉJUGÉ

Charles Collé.

« Le préjugé est un animal qu'il faut envoyer paître. Il en est d'un garçon comme d'un mets pour lequel on avait du dégoût : le hasard en fait tâter, on le trouve délicieux. »
Gervaise de Latouche, Histoire de Dom Bougre, portier des Chartreux, 1741.

« ce qu'il appelait le préjugé »
 Anonyme, Vie privée et publique du ci-derrière marquis de Villette.

« Tous, la jeunesse, l'amitié,
Et nos cœurs ah! que dégagés
Des femmes prises en pitié
Et du dernier des préjugés.
Laissant la crainte de l'orgie
Et le scrupule au bon ermite,
Puisque lorsque la borne est franchie
Ponsard (a) ne veut plus de limite. »
a. François Ponsard (1814-1867) avait écrit dans L'Honneur et l'argent, III, 5 : " Quand la règle est franchie, il n'est plus de limite. " (note de Cl. C.)
Paul Verlaine, " Laeti et errabundi " [Gais et vagabonds], Parallèlement.

Daniel Guérin, « Le mot [homosexualité] devrait tomber en désuétude au fur et à mesure que disparaîtraient les homophobes, les préjugés à l’égard de la chose, et enfin les foudres d’une Église.  »
Homosexualité et révolution, Paris : Le vent du ch'min, 1983. (Cité dans l'article d'Alexandre Marchant, " Daniel Guérin et le discours militant sur l'homosexualité masculine en France (années 1950-années 1980) ", Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2006/4).

Avant et bien mieux qu’homophobie, ce mot soulignait l’élément irrationnel de certaines hostilités à l’égard des homosexuels. Pour autant, comme disait Robert Badinter, « Chacun de nous est libre de critiquer ou d'approuver l'homosexualité » (Sénat, séance du 5 mai 1982, Journal Officiel [Débats Sénat], page 1634) et la liberté sexuelle ne devrait pas porter atteinte à la liberté de conscience.

PRENDRE, SE FAIRE PRENDRE, PRENDRE AU COLLET, PRENDRE LE LIÈVRE AU COLLET

Prendre et se faire prendre sont synonymes d’être actif et d’être passif dans le langage homosexuel contemporain.

« Ce pauvre garçon [Rochepot] avait en horreur cette vilenie, et fut forcé la premiere fois, le roi [Henri III] lui faisant prendre un livre dans un coffre, duquel le grand Prieur et Camille lui resserrèrent le couvercle sur les reins, et cela s'appelait parmi eux, prendre le lièvre au collet. […] Si je découvrais encore la porte que le Connétable fit faire à Folembray [Aisne actuelle] pour aller coucher avec Le Grand, en contant ces choses qui sont encore quelque peu secrètes, on blâmerait mon humeur satirique ; si je découvrais ce que m'a conté Le Pont, comment il fut pris au collet, par impatience [du Connétable] d'attendre Monsieur Le Grand »
Agrippa D’Aubigné, Confession catholique du sieur de Sancy, I, 7. Écrit vers 1599, publié posthumement en 1660.

« En s’éveillant un beau matin,
Le tout-Puissant lorgna Sodome,
Et fit serment, son foudre en main,
D’en griller jusqu’au dernier homme.
Car en ce lieu chaque vilain
S’amusait tout comme à Berlin (a) ;
Et les coquins s’y prenaient tous,
Sens devant derrière,
Et les coquins s’y prenaient tous,
Sens devant derrière, sens dessus dessous (b). »
Anonyme, Le Pot pourri de Loth, 1784.
a. C’est, semble-t-il, la première apparition d’une réputation homosexuelle des Allemands ; l’idée d’un « vice allemand » a été soutenue à la fin du XIXe siècle.
b. Le dernier vers est pris de Rabelais, Gargantua, chapitre XI.

PROFANE

« Dans toutes les grandes villes, ce vice est un mystère pour le profane, mais il n’y a pas de terre habitée ou il ne se rencontre. Je dis pour le profane, car déjà dans l’Antiquité il y avait des confréries ayant leurs signes de ralliement. »
J. L. Casper, Traité pratique de médecine légale, 1862 [1857-58], traduit de l’allemand par G. Germer-Baillère.

« Le monde de la pédérastie constitue au milieu de la société un monde à part, – ajoutons et à l’envers, – fermé, inaccessible au profane, qui a son histoire, son organisation, sa langue, son personnel, sa hiérarchie, son recrutement, son enseignement, ses traditions, ses modes, sa tenue, ses procédés, sa criminalité, sa solidarité et sa psychologie ; par où il est démontré que ce monde-là ne se refuse rien. »
Dr J. Chevalier, "De l’inversion sexuelle aux points de vue clinique, anthropologique et médico-légal", Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 31, 15 janvier 1891.

PROUT

Onomatopée relative à une (ou plusieurs) flatulence(s).

« Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout !
Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout !
Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout !
Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout ! »
Refrain de la chanson de Fernandel « On dit qu’il en est. » (1968)

PSEUDO-HOMOSEXUALITÉ, PSEUDO-HOMOSEXUEL

« Seuls les pseudo-homosexuels, mais non les vrais invertis, devront être punis. »
H. Routhier, « Homosexualité de naissance et pseudo-homosexualité d’après le professeur P. Näcke », Gazette des Hôpitaux civils et militaires, n° 119, 19 octobre 1909.

PUÉRISER

« Ganymédiser ; puériser ; métamorphoser des garçons en filles ; faire emploi d'un sexe pour l'autre dans ses plaisirs. »
Nicolas Blondeau, Dictionnaire érotique latin-français, 1885, page 89.

QUEER

À l'origine, correspondait à peu de choses près au français « spécial ».

Roger (André Paul) Stéphane (né Worms en 1919 à Paris XVIIe - décédé le 4 décembre 1994 à Paris VIIe) : « J'ai traduit par étrange l'adjectif queer qu'emploie l'auteur. Mais ce mot appelle quelques commentaires. Certes, il ne signifie littéralement que : bizarre, étrange. Mais, dans un vocabulaire plus ésotérique, il a pris une acception homosexuelle très nette. Il peut être comparé à l'adjectif français spécial (b). (Un queer bar est ce que nous appelons un bar de tantes.) Il est remarquable que, racontant sur Lawrence des souvenirs postérieurs de plus de dix ans à l'amitié Lawrence Sheik Ahmed, E. M. Forster écrive : " Tous ses amis seront d'accord avec moi pour admettre qu'il fréquentait des gens bizarres (some queer friends) (1). " Je ne sais si l'emploi de queer par M. [Leonard] Wooley tendait à suggérer une certaine interprétation à des initiés, ou à signaler un comportement. »
b. En 1986, l'on dirait gay.
1. A. W. Lawrence, T. E. Lawrence by his friends, page 285.
" Lawrence et son corps ", Les Temps modernes, 1er février 1950, n° 52. Repris dans Portrait de l'aventurier : T. E. Lawrence, Malraux, Von Salomon (précédé d'une étude de Jean-Paul Sartre), Paris : Sagittaire, 1950 ; rééditions : Paris : Grasset, 1965, Paris : Union générale d'éditions, 1972 (collection 10x18), Paris : Grasset, 1995 (collection Les cahiers rouges), Paris : Points, 2014 (collection Points aventure).

Julien Green : « Il y a une erreur curieuse à propos du mot queer employé par Leonard Woolley à propos d'une " étrange silhouette accroupie qu'il sculpta dans le tendre calcaire du pays " d'après Dahoum, ce garçon " pas spécialement intelligent mais splendidement bâti et remarquablement beau (Woolley) pour qui [T. E.] Lawrence se prit d'une " affection ambiguë " (Stéphane). La phrase de Woolley, écrite après la guerre de 1914, établirait, d'après Stéphane, que Wolley croyait à l'homosexualité de Lawrence, à cause de l'emploi de ce mot queer, qui en effet désigne l'homosexuel en Amérique (plus maintenant : il y a un autre terme que j'ai oublié [homophile]. »
Toute ma vie Journal intégral *** 1946-1950, 1er mai 1950, Paris : Bouquins éditions, 2021.

« Le projet queer – un terme intraduisible en français qui signifie littéralement bizarre, hors normes – consiste à créer un espace théorique pour des discours variés et polyphoniques qui questionnent l’hétéronormativité, un espace dans lequel il serait possible d’explorer les intersections entre les fragments multiples des subjectivités (sexualité, genre, ethnie, classe, géographie, etc.) »
Line Chamberland, « Du fléau social au fait social », Sociologie et sociétés (Presses de l’Université de Montréal), volume XXIX, n° 1, printemps 1997.

« Les limites de la queer theory
Au total, si ce mouvement peut apparaître sympathique, anarchistes, nous nous contentons pas d’être queer. On ne fait pas sauter les catégories homme-femme par le simple fait d’adopter de nouveaux modes de vie, de se construire soi-même de nouvelles identités (gouin ou pédette par exemple). »
Guillaume. — groupe Durruti (Lyon), « Les anarchistes seraient-ils queer sans le savoir ? » Le Monde Libertaire, n° 1210, juin 2000.

« Promouvoir les cultures et les créations LGBT et queer auprès des homo et hétérosexuels.
Engager une réflexion sur la création LGBT en tant que telle comme dans ses rapports à la culture hétéronormative et dans ce qu'elle participe ou non à l'élaboration d'une culture identitaire. »
Queer factory, octobre 2001 ; http://queerfactory.free.fr

« Partant du principe que l'information sur la culture gay, lesbienne, bi, trans et queer (GLBTQ) est difficile à trouver sur la toile, un groupe d'universitaires et de chercheurs anglo-saxons a décidé de créer une encyclopédie recensant faits et informations sur ce qui fait la culture GLBTQ. »
Têtu quotidien, 5 mars 2003.

« Un discours queer prend forme aux Etats-Unis au début des années 1990, à partir dune critique acerbe de certains effets du communautarisme gay des années 1980 : production dune identité gay parfois essentialiste et souvent normalisante (blanche et bourgeoise). »
Robert Harvey & Pascal Le Brun-Cordier, « Qu’ouïr au queer ? », Rue Descartes, 2003, n° 40 (« Queer : repenser les identités »)

« C’est à l’automne 2004 que les Français ont pu se familiariser avec ce terme grâce à la diffusion d’une émission de télé-réalité programmée sur TF1. Queer, cinq experts dans le vent, version française de Queer Eye for the Straight Guy, mettait en scène cinq jeunes homosexuels qui avaient pour tâche de relooker un hétérosexuel qui manquait de style. »

En russe, queer a été transcrit en КВИР ; c’est aussi le titre d’un mensuel publié à Moscou : www.kvir.ru

« Marie-Hélène Bourcier est sociologue, activiste queer et maître de conférences à l'université de Lille III. Elle a écrit de nombreux ouvrages et articles sur la théorie queer, les minorités sexuelles et les politiques sexuelles et de genre. Elle travaille actuellement sur la pornographie moderne et les modifications salutaires que lui infligent les pratiques et réalisations post-pornographiques actuelles, issues des subcultures sexuelles minoritaires. »

QUEER FACTORY

« Engager une réflexion sur la création LGBT en tant que telle comme dans ses rapports à la culture hétéronormative et dans ce qu'elle participe ou non à l'élaboration d'une culture identitaire. »
Queer factory, octobre 2001 ; http://queerfactory.free.fr

QUEER SAVOIR, QUEER THEORY

Zoo, 1999

« Les limites de la queer theory
Au total, si ce mouvement peut apparaître sympathique, anarchiste, nous ne nous contentons pas d’être queer. On ne fait pas sauter les catégories homme-femme par le simple fait d’adopter de nouveaux modes de vie, de se construire soi-même de nouvelles identités (gouin ou pédette par exemple). »
Guillaume. — groupe Durruti (Lyon), « Les anarchistes seraient-ils queer sans le savoir ? » Le Monde Libertaire, n° 1210, juin 2000.