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dimanche 21 avril 2024

DFHM : Ultramontain à uraniste en passant par Uranie — et Vaisseau à virer sa cuti en passant par Vice à la mode et Villette




UGOBER

Anagramme de bougre dans l’ouvrage de Beauchamp, 1722 ou 1728.

ULTRAMONTAIN, adj. et subs.

« Le commencement du mois de juin [1682] fut signalé par l’exil d’un grand nombre de personnes considérables accusée de débauches ultramontaines. Tous ces jeunes gens avaient poussé leurs débauches dans des excès horribles, et la Cour était devenue une petite Sodome. »
Louis François marquis de Sourches (1645-1716), Mémoires sur la fin du règne de Louis XIV.

« Au jeu d’amour, une gente donzelle
Voulut induire un cavalier romain ;
L’ultramontain, à son culte fidèle,
La refusait, et même avec dédain,
Quand pour lui plaire, elle tourna soudain
Ce qu’à Jupin, Ganimède réserve ;
Mais dans son goût,  malgré l’offre affermi,
Me fourrer là, dit-il, Dieu m’en préserve !
Je logerais trop près de l’ennemi. »
Jean-Baptiste Rousseau, Épigrammes, XXIII

« En réputation de préférer les plaisirs ultramontains, à ceux qu'il aurait pu prendre avec les Dames. »
Pierre de L'Estoile, Journal du règne de Henri III, 1587.
Édition Pierre Gosse, La Haye, 1744 (tome 2).


« Ultramontain : pédéraste, appelé ainsi à cause des vices hors nature attribués aux habitants de l’autre côté des montagnes alpines, l’Italie. »
Hector France, Dictionnaire de la langue verte, 1907, réédition Nigel Gauvin, 1990.

UNISEXUALITÉ

« L’unisexualité, tel est le dernier mot de cette dégradation de l’amour. Or, comme il ne se peut rien concevoir par l’entendement qui ne tende à se réaliser par le fait, l’unisexualité a pour expression pratique, chez tous les peuples, la PÉDÉRASTIE. »
Pierre Joseph Proudhon, Amour et mariage (1858), XIX.

Proudhon entendait pédérastie au sens de sodomisation, comme la plupart des médecins-légistes de l’époque, dont Tardieu, qu’il venait de lire.

« Les hommes qui ont séduit, corrompu, souillé les âmes et les vies de leurs semblables plus jeunes sont d’habitude des pervertis. Ils n’ont pas toujours été unisexuels. Ils ont plus de prise. Ils sont plus vicieux. L’unisexuel qui s’essaye à la bissexualité devient aussi corrompu que l’homme sexuel normal qui s’essaye à l’unisexualité : ils ont tous les vices, ceux qui leur reviennent et les autres. »
Marc-André Raffalovich, Archives d’Anthropologie Criminelle, mars 1894.

« Les femmes d’aujourd’hui s’intéressent beaucoup à l’unisexualité masculine. »
A. Raffalovich, « Quelques observations sur l’inversion », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 50, 15 mars 1894.

A. Raffalovich publia en 1896 l’ouvrage Uranisme et Unisexualité, puis trois séries de longs articles dans les AAC : « Annales de l’unisexualité » en 1897, « Chronique de l’unisexualité » en 1907 et 1909.

« L’unisexualité se ressemble chez les femmes comme chez les hommes ; l’inversion est une. »
Dr H. Legludic, Attentats aux mœurs, 1896.

UNISEXUEL(LE), adj. et subs.

Unisexuel et unisexué ont d’abord été appliqués aux végétaux et animaux n’ayant qu’un seul sexe. Puis Charles Fourier a parlé d’affection unisexuelle, de couples unisexuels et d’orgies unisexuelles. ; il a aussi utilisé les expressions amour ambigu et amour unisexuel :

« En amour, il y a ultragamie entre deux femmes saphiennes. Ce lien sort des attributions de l’amour qui comprennent les unions bisexuelles. Dans ce cas, les deux ressorts de l’amour engrènent dans la passion d’amitié ou affection unisexuelle. »
Charles Fourier, Œuvres complètes, Anthropos, 1967, t. IV, p. 367.

« De toutes nos relations, il n’en est pas de plus fausse que celle de l’amour ; on y a introduit une dissimulation si générale que nous ne pouvons plus lire les modernes du bon vieux temps ni les ouvrages anciens qui traitent de l’amour franchement, comme ceux de Plutarque, Virgile et autres […] À cette époque on admettait l’ambigu, l’amour unisexuel. Si les grands hommes de la Grèce revivaient aujourd’hui, ils seraient tous brûlés vifs. Solon, Lycurge, Agésilas, Épaminondas, Sappho, Jules César et Sévère seraient tous conduits à l’échafaud pour pédérastie ou saphisme. Ces même anciens méprisaient le trafic et le mensonge qui sont aujourd’hui en honneur, la banqueroute et l’agiotage qui sont devenus des usages aussi innocents qu’autrefois l’amour ambigu. »
Charles Fourier, Œuvres complètes, tome XI, vol. 4, pp. 219-220.

Les audaces de l’utopiste ont été sévèrement jugées par Proudhon :

« Je sais même que Fourier, qu’on n’accuse pourtant pas d’avoir eu des goûts socratiques, a étendu fort au delà des barrières accoutumées les relations amoureuses, et que ses spéculations sur l’analogie l’avaient conduit à sanctifier jusqu’aux conjonctions unisexuelles. »
Pierre-Joseph Proudhon, Avertissement aux propriétaires, 1841.

« Aussi l’amour unisexuel est-il susceptible d’inspirer une jalousie effrenée. »
Proudhon, Carnet n° 7, 1849.

« On me racontait hier que l’abbé de Lamennais pratiquait le culte d’Anacréon pour les petits garçons ; que même le vieux Barbet l’économiste lui avait servi d’amante. Une amante mâle de 60 ans !... Ce goût n’est pas rare aujourd’hui parmi les gens de lettres, les artistes et les grands. – On cite entr’autres, [Jean-Louis-Eugène] Lherminier [professeur au Collège de France], Germain Sarrut, et une foule que j’oublie. Nos mœurs tournent à la pédérastie, terme ordinaire, fatal, du développement érotique dans une nation. Quand la femme, prise d'abord pour organe de luxure, est devenue, par le raffinement de la volupté, un objet d'art, de l'art luxurieux, l'érotisme ne s'en tient pas là, il va jusqu'à l'affection unisexuelle. C'est logique. Qu'est-ce en effet que la volupté ? L'art de la masturbation, soit solitaire, soit à deux, de même ou de différent sexe. C’est bien ainsi que toutes nos notabilités de la politique, de la philosophie, du clergé, etc. entendent l’amour. […] Changarnier, Lamoricière, ont rapporté d’Afrique le goût des amours masculines. On assure que tous nos officiers et soldats qui tombent aux mains des Arabes passent tous par l’étrivière socratique. Courby de Cognord n’y aurait pas échappé. C’est même là une des causes des atrocités commises par nos troupes, notamment par le colonel Pélissier aux grottes de [le nom manque] .»
P. J. Proudhon, Carnet n° 8, année 1850.

Dans un pamphlet, le Dr Agrippa employait les expressions plaisir unisexuel, pratiques unisexuelles et amour unisexuel :

« Dans l’amour unisexuel, il y a une brutalité que ne s’accommode pas des soupirs et du dévouement délicat de l’amour honnête. »
La Première flétrissure, 1873.

Ce vocabulaire se retrouve dans le roman de Paul Bonnetain :

« Une demi-heure après, le crime irrémédiable était accompli ; l’ignorantin avait fait un nouvel élève à qui les monstrueux mystères des pratiques unisexuelles seraient désormais familiers. À jamais, il était détraqué, le petit malheureux qui souriait maintenant, l’œil humide de plaisir. »
Charlot s’amuse, 1883.

« Laissez passer la légion des solitaires, des unisexuels, des benjamites [cf Juges, XX] et des tribades. […] La chronique scandaleuse prétend que jamais ne fut si répandu le goût unisexuel, qu’il se propage singulièrement de par le monde, et que le bataillon de Lesbos, formé de recruteuses et d’entremetteuses, va grossissant chaque jour. »
Frédéric Loliée, Les Immoraux – Études physiologiques, Livre 2, VI-VII, 1891.

Digression sur le mot tribade :
Dictionnaire français... de Pierre Richelet, 1680 et 1706.

« D’autres croient que la similarité est une passion comparable à celle suscitée par la dissimilarité sexuelle. Hommes, ils aiment un homme ; mais ils affirment que s’ils étaient femmes, ils aimeraient une femme. Ce sont les unisexuels par excellence. Ce sont aussi les supérieurs, les plus intéressants. […] C’est une erreur de croire que les unisexuels, les invertis, se reconnaissent entre eux. C’est une de leurs vantardises, et qui a été fort répétée. Mais un de leurs sujets de conversation est justement de se demander si tel ou tel partage leurs goûts, leurs habitudes ou leurs tendances. Les efféminés se reconnaissent naturellement, mais on les reconnaît aussi aisément sans être efféminé soi-même. Mais la prudence, l’amour-propre, l’orgueil, le respect de soi-même, une affection profonde, mille sentiments empêchent un unisexuel de se livrer ainsi s’il n’est pas un débauché, ou très efféminé […] Les femmes d’aujourd’hui s’intéressent beaucoup à l’unisexualité masculine. On en parle beaucoup à présent ; les femmes sont très renseignées à ce sujet ; non seulement les femmes unisexuelles (qui sont toutes complices des hommes unisexuels à tous les degrés, du platonisme à l’abjection) mais aussi les femmes honnêtes. Les femmes n’ont pas peu contribué au sans-gêne de l’unisexualité masculine mondaine. Arrivées à un certain âge, les femmes qui ne s’attirent plus l’hommage des vrais hommes, s’entourent d’hommes unisexuels qui leur font la cour pour la galerie. »
André Raffalovich, « Quelques observations sur l’inversion », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 50, 15 mars 1894.

« Lorsqu’ils font semblant d’ignorer l’amour unisexuel ou de s’en indigner, les "gens honnêtes" mentent à dire d’expert. Cela fourmille au grand jour, sous le regard complaisant des sergots [agents de police] et de la foule. Maquillés, impudiques et frôleurs, vont et viennent les cynèdes en troupeau. Qui les désire n’a qu’un signe à faire pour en être obéi. »
Laurent Tailhade, La Touffe de sauge, édition de La Plume, 1901.

« Il y a un rapport constant entre la conduite et les principes des unisexuels et la conduite et les principes des hétéro-sexuels. Le relâchement des uns est le relâchement des autres. Sexuellement tous les hommes sont solidaires. »
André Raffalovich, « Les groupes uranistes à Paris et à Berlin », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 132, 15 décembre 1904.

« Quant au vice unisexuel masculin, quelques écrivains ont tenté de l’expliquer, sinon de l’excuser, chez les Grecs par la beauté même des hommes de l’Attique. »
B. de Villeneuve [Raoul Vèze], Le Baiser en Grèce, 1908.


« Puisque la législation barbare et injuste de certains États condamne avec sévérité les unisexuels, M. [Stuart] Merrill ne pense-t-il pas qu’il est du dernier intérêt de montrer qu’il a pu y avoir des hommes de génie parmi les  unisexuels ? Le prestige de ces hommes ne peut-il aider à défaire la barbarie et l’injustice des législations citées par M. Merrill ? Par quelle rage singulière MM. Les Humanitaires, chaque fois qu’un grand homme est donné comme unisexuel, s’efforcent-ils de dénier aux autres unisexuels le droit de le considérer comme un des leurs ? Si nous avions l’avantage de donner dans l’unisexualité, M. Merrill ou moi, la question ne nous serait pas indifférente. »
Guillaume Apollinaire, « Revue de la quinzaine », Mercure de France, tome 106, 16 décembre 1913.


Pris dans le livre de John Addington Symonds A Problem in Modern Ethics, 1891.


URANIE, VÉNUS URANIE, VÉNUS URANIENNE

Vénus Uranie est le nom francisé de l’Aphrodite Ourania, amour intellectuel (ou céleste) et pédérastique, en opposition à l’Aphrodite Pandémos, amour vulgaire (ou terrestre), bisexuel ou hétérosexuel ; cette distinction apparaît dans les Symposia [Banquets ou Beuveries] de Platon (180d-181) et deXénophon (viii, 9-10).

« Qui doute qu’il n’y ait deux Vénus ? L’une ancienne, fille du ciel, et qui n’a point de mère : nous la nommons Vénus Uranie ; l’autre plus moderne, fille de Jupiter et de Dioné [compagne de Zeus, forme locale de la Terre-Mère] : nous l’appelons Vénus populaire. Il s’ensuit que de deux Amours, qui sont les ministres de ces deux Vénus, il faut nommer l’un céleste, et l’autre populaire. ».
Jean Racine, traduction du Banquet de Platon, dans Œuvres complètes, tome II, Paris : Gallimard, 1952, collecton " Bibliothèque de la Pléiade "..

L’abbé François-Marie Coger, dans son Dictionnaire anti-philosophique pour servir de commentaire et de correctif au Dictionnaire philosophique (Avignon : Veuve Girard et François Seguin, 1767), écrivait : « Les Anciens ont connu deux sortes d'amour, le premier fils de Vénus Uranie, c’est-à-dire céleste ; le second engendré par Vénus terrestre... 



Aussi Chateaubriand, dans Génie du christianisme : « Ce qu’il y avait de plus sublime et de plus doux dans la fable [antique] possédait la virginité ; on la donnait à Vénus-Uranie et à Minerve, déesses du génie et de la sagesse ; l’Amitié était une adolescente. » Première partie « Dogmes et doctrines », livre I « Mystères et sacrements », chapitre ix, « Sur le sacrement d’ordre ».À leur suite, le Complément du Dictionnaire de l’Académie française (1842) définissait ainsi Uranie : « Nom de Vénus comme déesse de l’amour pur. »

« {…] ces Orientaux dont parle Julius Firmicus [Lib. De Errore prof. Relig] lesquels consacraient, les uns à la déesse de Phrygie, les autres à Vénus Uranie, des prêtres qui s’habillaient en femmes, qui affectaient d’avoir un visage efféminé, qui se fardaient. »
Joseph-François Lafitau (1681-1740), Mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps, tome 1, 1724.

« L’amour des hommes, dit-il, est en lui-même un sentiment pur, noble, divin. C’est l’amour des âmes. C’est un présent de Vénus Uranie. »
Dupin, La Prusse galante ou Voyage d’un jeune homme à Berlin, 12e journée, 1800.

« Carthage où l’on adore Vénus-Uranie [d’après Salvien, Du gouvernement de Dieu, VII]. »
Alfred de Vigny, Journal d’un poète, 16 juin 1837.

« Apollonius. La connais-tu la Vénus uranienne, qui brille sous son arc d' étoiles ? T' a-t-on dit les mystères de l' Aphrodite prévoyante ? As-tu jamais palpé la poitrine sèche de la Vénus barbue, ou médité les colères d' Astarté furieuse ? N' aie souci, j' arracherai leurs voiles, je briserai leurs armures ; avec moi tu marcheras d' un pied robuste sur la crête de leurs temples, et nous atteindrons ensemble jusqu' à la mystérieuse et l' inaltérable, jusqu' à celle des maîtres, des héros et des purs, la Vénus apostrophienne, qui détourne les passions et tue la chair. »
Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine, 1849.

« Socrate veut prouver (dit-il dans le Banquet de Xénophon) que l’amour de l’âme l’emporte de beaucoup sur l’amour du corps. Néanmoins, en établissant la différence entre la Vénus Uranie et la Vénus Pandème, il admet comme un usage établi qu’un garçon ait commerce avec un homme. »
Audé [O.-J. Delepierre], Dissertation sur les idées morales des Grecs et sur le danger de lire Platon, 1879.

« M. André Gide est pédéraste. Ce n'est pas le diffamer que de le dire, il s'en fait gloire. Il a écrit un petit livre (Corydon) pour s'en flatter et défendre l'uranie, et un gros bouquin (Si le grain ne meurt...) pour s'en confesser.
Je ne le lui reproche pas. Je m'en moque éperdument. Chacun prend son plaisir où il le trouve. Il me semble seulement aussi puéril d'avouer et de proclamer le goût qu'on a pour les jeunes gens qu'il me parait déplacé d'ouïr les confidences d'un érotomane déclarant n'aimer que les dames à gros derrière ou les jeunes filles aux seins inexistants.
Ce n'est pas du non-conformisme. C'est de l'exhibitionnisme... Une triste manie, sans plus.
Cependant, voici un article du réquisitoire d'André Gide contre l'U.R.S.S. (note au bas de la page 63) qu'il vient de publier et par lequel il accède pour la première fois, à soixante et un ans, aux gros tirages : " Que penser, au point de vue marxiste (sic) de celle (la loi) plus ancienne contre les homosexuels qui, les assimilant à des contre-révolutionnaires (car le non-conformisme est poursuivi jusque dans les questions sexuelles) les condamne à la déportation pour cinq ans, avec renouvellement de peine s'ils ne se trouvent pas amendés par l'exil ? "
On a le droit et peut-être le devoir de penser que ces dispositions sont bien rigoureuses. Mais on ne peut pas sous-estimer le poids dont elles ont pesé, au trébuchet de M. Gide, et la mesure dans laquelle elles ont aidé à sa déception.
Passons. Au sens propre du mot, M. André Gide est un pauvre bougre. »
" Un pauvre bougre : André Gide " Le Merle blanc siffle et persifle le samedi, N° 140, 5 décembre 1936, page 1.

URANIEN, adj. et subs., URNIEN, adj.

« Apollonius. La connais-tu la Vénus uranienne, qui brille sous son arc d' étoiles ? T' a-t-on dit les mystères de l' Aphrodite prévoyante ? As-tu jamais palpé la poitrine sèche de la Vénus barbue, ou médité les colères d' Astarté furieuse ? N' aie souci, j' arracherai leurs voiles, je briserai leurs armures ; avec moi tu marcheras d' un pied robuste sur la crête de leurs temples, et nous atteindrons ensemble jusqu' à la mystérieuse et l' inaltérable, jusqu' à celle des maîtres, des héros et des purs, la Vénus apostrophienne, qui détourne les passions et tue la chair. »
Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine, 1849.

« C’est toute une révolution sociale que M. Marx [Heinrich Marx] propose. Il veut que la loi, après avoir créé le genre Urnien, garantisse à l’Urning un état social équivalent à celui de la jeune fille et de la femme […] il fonde une société pour la défense des intérêts Urniens. »
François Carlier, La Prostitution antiphysique, 1887.

Edward Carpenter, " L'amour homogénique et sa place dans une société libre ",
La société nouvelle, 1896



« L’auteur [Magnus Hirschfeld] connaît les milieux spéciaux d’uraniens qu’il décrit et consacre de nombreux passages aux réunions d’homosexuels, notamment au Club Lohengren, à la Société des monistes et à la société des Platoniques qui ont un caractère plus littéraire et aux cabarets fréquentés spécialement par des uraniens. […] Le conseiller, Dr Necke, évalue à plus de vingt le nombre des tavernes uraniennes à Berlin. […] C’est par certains propriétaires de locaux fréquentés par les uraniens, mais pas exclusivement par eux, que sont organisés, surtout durant le semestre d’hiver, ces grands bals d’uraniens qui tant par leur cachet spécial que par leur extension, constituent une spécialité de Berlin. »
« Les Homosexuels de Berlin – Le troisième sexe, par le Dr Magnus Hirschfeld », Revue de Droit pénal et de criminologie, 1908

Dans Corydon, IV, André Gide évoque les « périodes uraniennes » de l’histoire : « nullement des périodes de décadence »

Pierre Lièvre a parlé du « caractère uranien » de L’Immoraliste, et proclamé que lui était étrangère une « œuvre à tendance uranienne »
« André Gide », Le Divan, n° 131, juillet-août 1927.


URANISME

De l’allemand Uranismus, néologisme dû au magistrat K. H. Ulrichs, par référence à l’Aphrodite Ourania de Platon (Banquet, 180-181). Ulrichs fut suivi par Heinrich Marx, auteur en 1875 d’une brochure intitulée Urningsliebe [L’Amour de l’uraniste]. Les termes de cette famille sont associés à une réévaluation positive de l’homosexualité.

Marc Raffalovich a entendu par uranisme l’inversion sexuelle congénitale masculine (Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 55, 15  janvier 1895) ; il publia en 1896 l’ouvrage Uranisme et unisexualité.

"Le mot Adelphisme serait plus juste et moins médical d'aspect qu'Uranisme, malgré son exacte étymologie sidérale."
Alfred Jarry, Les Jours et les nuits, II, 1, 1897.

« Pour pouvoir juger l’uranisme il faut l’examiner – tout comme l’hétérosexualité – neutralement ; le considérer comme une expression de la sexualité. On oublie et on a toujours oublié que pour juger de la situation sociale de l’uraniste, une morale sexuelle préfixée doit fatalement induire en erreur.
La période d’indifférence sexuelle, aussi bien que le fait qu’un individu qui a toujours été hétérosexuel acquiert parfois, sous l’influence du milieu, des penchants homosexuels qui disparaissent aussitôt que les circonstances sont favorables à la manifestation hétérosexuelle, prouvent que l’uranisme n’est pas une anomalie. »
Dr A. Alétrino, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901.

Selon le principal contradicteur d’Alétrino, J. Crocq,

« L’uranisme n’existe pas sans désir charnel, mais il se complique fréquemment d’amour cérébral ; l’amour cérébral est même très souvent le point de départ de l’uranisme. Mais l’uranisme ne naît que le jour où le désir sexuel paraît. »
Dr J. Crocq, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901. Article reproduit dans le Journal de Neurologie, 1901, pp. 591-596, et dans le Bulletin de la Société de Médecine d’Anvers, août 1901, pp. 116-122.

Pour un autre participant, M. Ferri,

« L’uranisme est encore un symptôme de la crise sociale qui marque toujours la transition d’une époque à une autre et qui maintenant se manifeste par exemple dans la répulsion psychologique que plusieurs gens ont pour le mariage, lequel du reste pour certaines classes sociales ne peut s’effectuer pour des raisons économiques que longtemps après la puberté. L’uranisme n’est qu’un autre reflet de cette crise morale et sociale que nous traversons et dont il faut aider la société à sortir. »

Ce à quoi M. Steinmetz avait répondu en anthropologue :

À notre époque on parle beaucoup d’uranisme, de suite M. Ferri fait la généralisation : aux époques de crise l’uranisme fait des progrès. C’est une induction un peu rapide ! Certainement le savant italien n’avait pas présente à l’esprit la statistique ethnographique assez riche de M. R. Burton dans les notes de sa belle traduction des Mille et une Nuits [The Book of the Thousand Nights, 1886], que je pourrais enrichir beaucoup moi-même. L’uranisme se trouve chez des peuples primitifs d’Amérique, d’Asie et d’Afrique, chez les anciens Perses et chez les Afgans modernes. Rien n’indique que ces peuples se trouvent dans des crises sociales. »

Remy de Gourmont fit un grand usage de ce terme dans son article de 1907 :


Léon Bocquet, appréciation sur Georges Eekhoud :
« Georges Eekhoud est le poète épique de la paysannerie pail­larde et de la gouaperie des faubourgs, des plèbes attirées de corps et d'âme vers la terre et la boue. Il est le défenseur et l'admirateur des réfractaires et des révoltés. Son anarchisme éro­tique n'est point d'ailleurs complaisance délibérée aux perversités, ni dévergondage d'esprit calculé, mais bien plutôt un sensualisme impérieux et instinctif, analogue à celui des hétérodoxes et éroto­manes dont il a conté l'histoire dans ce livre admirable d'érudition folkloriste : Les Libertins d' Anvers. L'uranisme, sous sa plume, devient art et mysticisme. Il lui sera beaucoup pardonné parce qu'une large sincérité dicte ses audaces.  »
La Société nouvelle —  Revue internationale — Sociologie, arts, sciences, lettres, 19e année, janvier 1914.

Plusieurs textes avaient mis en œuvre une argumentation dont on retrouve une bonne part dans les quatre dialogues de Corydon. Dans ces dialogues, uranisme et uraniste sont fréquents ; la traduction américaine de Hugh Gibb les avait rendus par homosexual et homosexuality, modernisant ainsi considérablement le texte de Gide.

« Remarquez je vous prie que Schopenhauer et Platon ont compris qu'ils devaient, dans leurs théories, tenir compte de l'uranisme ; ils ne pouvaient faire autrement. Platon lui fait, même, la part si belle que je comprends que vous en soyez alarmé. » (Corydon, Deuxième dialogue, II)

« Je reconnais avec vous que, après tout, la question de l'uranisme n'a pas, en elle-même, une grande importance ; mais je crois qu'après lecture de mes Mémoires vous reconnaîtrez que, pour moi, elle put en avoir une capitale, et que, du même coup, vous vous expliquerez mieux ce besoin de justification qui vous gêne dans mes écrits. Car ce n'est pas le fait d'être uraniste qui importe, mais bien d'avoir établi sa vie, d'abord, comme si on ne l'était pas. C'est là ce qui contraint à la dissimulation, à la ruse, et... à l'art. » (André Gide, lettre à André Rouveyre, 22 novembre 1924).

« Il ne se faisait pas sur la pédérastie une idée bien précise, avait besoin d’explications. L’entretien fut atrocement pénible. Ce n'est pas seulement à l'uranisme que Charlie [Du Bos] ne comprenait rien ; c'est à la vie. »
André Gide, Ainsi soit-il, 1951.

Le Manuel alphabétique de psychiatrie contenait dans sa 5e édition (PUF, 1975) un article intitulé « INVERSION SEXUELLE (URANISME, SAPHISME » ; par « uranisme classique », le Dr Bardenat semblait entendre l’homosexualité masculine associée à l’efféminement. Pour d’autres médecins, uranisme désigne plutôt l’homosexualité masculine en général :

« Quant à l’homosexualité, qu’elle soit lesbianisme ou uranisme, source possible de liens affectifs respectables, elle n’obéit pas cependant aux règles biologiques les plus élémentaires. »
M. Nicoli & B. Cviklinski, « La sexologie traverse aujourd’hui une crise conceptuelle », Quotidien du médecin, 7 novembre 1978.

Le Grand Robert de 1985 définissait uranisme par « homosexualité masculine ; les éléments de congénitalité, d’hermaphrodisme somato-psychique selon Ulrichs et de revendication militante néo-platonicienne sont oubliés, dans une progression assez fréquente du sens particulier au sens général.

« Signalons que le terme d' "uranisme" désigne l'homosexualité masculine et que Gide semble l'utiliser comme synonyme d' "homosexualité masculine", alors qu'il est généralement employé pour des hommes refusant tout comportement et toute occupation virils et se conduisant comme des femmes. » (Alain Goulet, Les Corydon d'André Gide, Paris : Orizons, 2014, II, 2., page 100).


URANISTE

De l’allemand Urning, néologisme dû au magistrat K. H. Ulrichs, par référence à l’Aphrodite Ourania de Platon (Banquet, 180-181). Ulrichs fut suivi par Heinrich Marx, auteur en 1875 d’une brochure intitulée UrningsliebeL’Amour de l’uraniste. La transposition en français se fit avec la traduction de Moll :

« Il est probable qu’une modification des dispositions pénales aurait pour effet d’améliorer la situation sociale des uranistes. »
Les perversions de l’instinct génital, 1893.

« L’éducation de l’uraniste est un devoir ; ce sera bientôt une nécessité. Si nous nous appliquons à découvrir l’uraniste enfant et à le perfectionner et à l’améliorer, si nous lui facilitons la continence, la chasteté, le sérieux, les devoirs, nous nous trouverons en face d’une classe nouvelle, apte au célibat, au travail, à la religion – puisque la réalisation de leurs désirs n’est pas de ce monde. »
Raffalovich, « L’uranisme (inversion sexuelle congénitale) », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 55, 15  janvier 1895.

Pour le Dr Saint-Paul, uraniste était synonyme d’inverti congénital, conformément à la théorie du troisième sexe d’Ulrichs. Le mot a rapidement diffusé hors des milieux médicaux :

« M. Oscar Wilde est maintenant torturé pour avoir été un uraniste, un hellénique, un homosexuel, comme vous voudrez. »
Alfred Douglas, « Une introduction à mes poèmes, avec quelques considérations sur l’affaire Oscar Wilde », Revue Blanche, 15 juin 1896.

" Ce n'est pas le fait d'être uraniste qui importe, mais bien d'avoir établi sa vie, d'abord, comme si on ne l'était pas. C'est là ce qui contraint à la dissimulation, à la ruse, et... à l'art. " (André Gide, lettre à André Rouveyre, 22 novembre 1924).

Dans les milieux médicaux, le sens s’est dilué :

« Uraniste. Syn. Homosexuel. Nom sous lequel on désigne, en médecine légale, les individus qui présentent une inversion de l’instinct sexuel, bien que leurs organes génitaux soient normalement conformés. »
Garnier & Delamare, Dictionnaire des termes techniques de médecine, 1900.

Le mot a occupé une large place dans la grande polémique de 1901, lors du Congrès international d’anthropologie criminelle :

« Malgré les autres noms qu’on a essayé de faire adopter, celui de « Urning », gracieusement transformé par les Français en « Uraniste », s’est maintenu, et sert encore à désigner une classe déterminée d’hommes chez lesquels existe cette particularité que le sexe propre a plus d’attraction sur eux que le sexe opposé. En classant les hommes d’après leur manifestation sexuelle, les Uranistes forment une classe distincte. Il ne faut donc pas les confondre avec les sadistes, les masochistes, les nécrophiles, les fétichistes, les flagellants et les efféminés, qui tous sont des personnes présentant des anomalies sexuelles. […] En parlant ici d’Uranistes, j’ai avant tout en vue les hommes qui, comme hommes, se sentent attirés vers d’autres hommes, sans me demander si ces derniers se sentent plus, autant, ou un peu moins virils qu’eux. Par conséquent j’écarte tous les efféminés, aussi bien les efféminés proprement dits que que ceux qui le sont devenus par perversion, par l’influence de l’exemple ou par dépravation. »
Dr A. Alétrino, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901. André Gide lui aussi écartera les efféminés.

« Il y a entre l’attraction homosexuelle de l’homme normal et l’attraction homosexuelle de l’uraniste la différence qu’il y a entre la communion d’idées, l’amitié, l’affection même et le désir, la différence qu’il y a entre l’amour fraternel et l’amour conjugal. »
Dr J. Crocq, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901. Article reproduit dans le Journal de Neurologie, 1901, pp. 591-596, et dans le Bulletin de la Société de Médecine d’Anvers, août 1901, pages 116-122.

« Pour un médecin, un … uraniste est un malade. Pour un poète aussi délicat que le créateur de Michel, c’est un … convalescent. »
Rachilde, « L’Immoraliste, par André Gide », Mercure de France, n° 151, juillet 1902.

Dans les années 1904-1905, l’écrivain Raffalovich décrivit les « groupes uranistes à Paris et à Berlin », et même un « syndicat des uranistes ».

Archives d'anthropologie criminelle, 15 décembre 1904.



« L'uraniste est une variété normale de l'homo sapiens»
A. Alétrino, "Uranisme et dégénérescence", Archives d’Anthropologie Criminelle, 1908.


Dans Corydon, écrit entre 1909 et 1918, uranisme et uraniste sont employés fréquemment ; mais on ne les trouve pas chez Proust.

« Je ne prétends pas que tous les uranistes le soient [bien portants et virils] ; l'homosexualité, tout de même que l'hétérosexualité, a ses dégénérés, ses viciés et ses malades [...] mon livre traitera de l'uranisme bien portant ou, comme vous disiez tout à l'heure : de la pédérastie normale. » (Corydon, Premier dialogue, III)

« Calmez-vous ! calmez-vous ! votre uraniste est un grand inventeur. » (Corydon, Deuxième dialogue, I)

Robert de Saint Jean : « Dans ses romans [ceux de François Mauriac] aucun personnage important n'est uraniste ; à peine quelques silhouettes à peine esquissées çà et là. »
Passé pas mort, III " En revenant de la revue ", Paris : Grasset, 1983.

USAGE DES GARÇONS

« Un jeune abbé dissolu qui, pour s’égayer, avait parlé dans sa diatribe des filles de joie de Babylone, de l’usage des garçons, de l’inceste, et de la bestialité. »
Voltaire, La Défense de mon oncle [1767], Avertissement.

* * * * *

VAGIN MASCULIN
Alfred Delvau, Dictionnaire érotique moderne..., 1864.
Plaute, L'Imposteur, acte IV, scène 7 : " BALLION à HARPAX : La nuit, quand le militaire était de service, allais-tu avec lui ? son épée entrait-elle bien dans ton fourreau ? "

VAISSEAU

« La pédérastie est dans les habitudes des forçats. Au bagne, on appelle vaisseau le pédéraste et frégate son complice. »
Revue pénitenciaire et des institutions préventives, octobre-décembre 1846, page 493.

VARIANTE, VARIATION

Naecke, 1904, 1909 ; Sigmund Freud, vers 1924.

VAUTRIN

D’après le nom du personnage des romans d’Honoré de Balzac.

« Bichon : Petit jeune homme qui joue le rôle de Téhodore Calvi auprès de n’importe quels Vautrins. »
Alfred Delvau, 1866.

VÉNUS

« L’une et l’autre Vénus »
Lettre de Guez de Balzac sur Nicolas Vauquelin des Yveteaux (1567-1649) qui pratiquait « L’une et l’autre Vénus »
Sonnet de François Ogier à propos de Vauquelin des Yveteaux : « Un sérail qui comprend l’une et l’autre Vénus [...] des valets, mais infâmes. » (Réponse au sonnet XIII).

VÉNUS URANIE cf URANIE

VEUVES

« Allée des Veuves : guinguettes inféodées à la secte dominatrice des sodomites.
Veuve était, dans la langue imagée des sodomites, le synonyme de patient, avec le sens du mot latin patiens. »
Paul Lacroix (1808-1884), cité par Pisanus Fraxi [Henry Spencer Ashbee], Centuria librorum absconditorum, London, privately printed, 1879.

« Allée des Veuves, s ; f. : Avenue qui se trouve dans les Champs-Elysées. Ancien lieu de rendez-vous [parisien] de Messieurs et Mesdames les pédérastes. Aujourd’hui, ils et elles se rencontrent partout. »
J. Ch.x, Le Petit Citateur, 1881..

VICE À LA MODE

« L’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. »
Molière, Dom Juan, V, 2, Dom Juan à Sganarelle.

De Madame, princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV : « Quand on a raconté à Mme Cornuel la vie dévergondée des dames du faubourg (car on les appellent ainsi pace qu’elles habitent toutes au faubourg St Germain), elle a dit : "Mon Dieu, ne les blâmez pas, vous verrez que c’est une mission qu’on aura envoyée là, pour ramener les jeunes hommes du vice à la mode". Cette dame a maintenant 87 ans. »
Lettre à Sophie de Hanovre, 1er février 1693.

« Ce vice, qui s’appelait autrefois le beau vice, parce qu’il n’était affecté qu’aux grands seigneurs, aux gens d’esprit ou aux Adonis, est devenu si à la mode qu’il n’est pas aujourd’hui d’ordre de l’État depuis les ducs jusqu’aux laquais et au peuple qui n’en soit infecté. Le commissaire Foucault, mort depuis peu, était chargé de cette partie et montrait à ses amis un gros livre où étaient inscrits tous les noms de pédérastes notés à la police ; il prétendait qu’il y en avait à Paris presque autant que de filles, c’est-à-dire environ 40 000. »
Mémoires secrets …, 13 octobre 1783.

VICE DE NON-CONFORMITÉ

« […] un certain vice de non-conformité dont on l’accusait [Cambacérès]. Vice qui, du reste, est fort ancien en France. »
Aubriet, Vie de Cambacérès, 1824.

VICE GREC

« Pendant deux siècles [VIIe-VIe] nous avons vu les deux institutions qui forment le corps humain, l'orchestrique et la gymnastique, naître, se développer, se propager autour de leurs points de départ, se répandre dans tout le monde grec, fournir l'instrument de la guerre, la décoration du culte, l'ère de la chronologie, offrir la perfection corporelle comme principal but à la vie humaine, et pousser jusqu'au vice (1) l'admiration de la forme accomplie.
(1) Le vice grec, inconnu au temps d'Homère, commence, selon toutes les vraisemblances, avec l'institution des gymnases. Cf Becker, Chariclès (Excursus).
Hippolyte Taine, Philosophie de l'art en Grèce, Paris : Germer Baillière, 1869, III " Les institutions ", ii " La gymnastique ".  »

VICE ITALIEN

« À l’exemple de la plupart des jeunes Français, il [le comte de Guiche] avait compromis sa santé par la pratique du vice italien et particulièrement au service des plaisirs de Monsieur. Mais il m’a été assuré, d’autre part, que le duc de Nevers [neveu de Mazarin] avait été le premier à corrompre Monsieur [frère de Louis XIV], lequel était un prince d’une grande beauté. Aussi la reine-mère avait-elle éloigné Monsieur du duc de Nevers, que l’on accusait d’avoir importé en France la mode du vice italien
Primi Visconti, Mémoires sur la Cour de Louis XIV, 1908 [1673].

VICE PHILANDRIQUE

« mon éloignement extrême pour le vice philandrique [régnant dans l’école janséniste de Bicêtre]. »
Restif de la Bretonne, Monsieur Nicolas, seconde époque.

VICE SOCRATIQUE

" Les Anglais pratiquent, en grand, le vice socratique. "
Carrefour, 16 juin 1965.

VILLETTE

À cause de l’homosexualité supposée du marquis Charles Michel de Villette.(1736-1793).

« Mad. Durut : si j'étais un aussi joli garçon que vous, je ne me contenterais pas de tourner la tête aux femmes, je voudrais m'amuser encore à me faire lancer par tous les Villettes du Royaume. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 1ère partie, quatrième fragment, Lampsaque : 1793.
« […] jour de solennité le Jeudi, en l'honneur de Jupiter, le Villette de l’Olympe, comme tout le monde le sait. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 2e partie, premier fragment "L'Œil du maître", Lampsaque : 1793.

VIRER SA CUTI

Changer d’opinions en général, et spécialement « devenir homosexuel » (Grand Robert 1985), ou hétérosexuel.

Anciennement, on disait : changer de religion ou changer de côté. Noter la connotation homosexuelle de côté, repérée pendant la Révolution française ; connotation qui implique l'opposition droite/gauche.

VIRIL

En 1909, Guy Debrouze se proposait d’étudier

« les types infiniment variés de l’homosexuel, depuis l’ordinaire à caractères féminins prédominants, jusqu’au type supra-viril en qui s’essaye une formule supérieure du sexe . Entre ces deux extrêmes, qu’elle le veuille ou non, est comprise toute l’humanité. »
« Le préjugé contre les mœurs », Akadémos, n° 7, 15 juillet 1909.

" [...] le vieux Monsieur n'est pas du tout l'amant de Mme Swann, mais un pédéraste. C'est un caractère que je crois assez neuf, le pédéraste viril, épris de virilité, détestant les jeunes gens efféminés [...]."
Marcel Proust, Lettre à Gaston Gallimard, novembre 1912, Lettres à la NRF, Gallimard, 1932 (Cahiers Marcel Proust, n° 6).

VOILE ET VAPEUR

« Voile et vapeur : navigation entre les deux sexes. »
Delpal, Paris bleu tendre, 1972.

VOYAGE EN TERRE JAUNE

France-Inter, 29 avril 1999.


Lettre T

CHRONOLEXICOGRAPHIE

mardi 3 janvier 2023

DFHM : Race d'ep à rouspan en passant par race maudite, regayifier, rivancher en prose, rivette et rocambole


Extrait de mon Dictionnaire français de l'homosexualité masculine.

Guy Hocquenghem en 1978. © Getty - Laurent MAOUS.


RACE D'EP, RASDEP

Verlan pour pédéraste, rapporté ou inventé par l’écrivain Guy Hocquenghem (1946-1988).

RACE MAUDITE, MALÉDICTION

MARCEL PROUST : « Race maudite puisque ce qui est pour elle l'idéal de la beauté et l'aliment du désir est aussi l'objet de la honte et la peur du châtiment, et qu'elle est obligée de vivre jusque sur les bancs du tribunal où elle vient comme accusée et devant le Christ, dans le mensonge et dans le parjure, puisque son désir serait en quelque sorte, si elle savait le comprendre, inadmissible, puisque n'aimant que l'homme qui n'a rien d'une femme, l'homme qui n'est pas "homosexuel", ce n'est que de celui-là qu'elle peut assouvir un désir qu'elle ne devrait pas pouvoir éprouver pour lui, qu'il ne devrait pas pouvoir éprouver pour elle, si le besoin d'amour n'était pas un grand trompeur et ne lui faisait pas de la plus infâme "tante" l'apparence d'un homme, d'un vrai homme comme les autres, qui par miracle se serait pris d'amour ou de condescendance pour lui, puisque comme les criminels elle est obligée de cacher son secret à ceux qu'elle aime le plus, craignant la douleur de sa famille, le mépris de ses amis, le châtiment de son pays ; race maudite, persécutée comme Israël et comme lui ayant fini, dans l'opprobre commun d'une abjection imméritée, par prendre des caractères communs, l'air d'une race, ayant tous certains traits caractéristiques, des traits physiques qui souvent répugnent, qui quelquefois sont beaux, des cœurs de femme aimants et délicats, mais aussi une nature de femme soupçonneuse et perverse, coquette et rapporteuse, des facilités de femme à briller à tout, une incapacité de femme à exceller en rien ; exclus de la famille, avec qui ils ne peuvent être en entière confidence, de la patrie, aux yeux de qui ils sont des criminels non découverts, de leurs semblables eux-mêmes, à qui ils inspirent le dégoût de retrouver en eux-mêmes l'avertissement que ce qu'ils croient un amour naturel est une folie maladive, et aussi cette féminité qui leur déplaît, mais pourtant cœurs aimants, exclus de l'amitié parce que leurs amis pourraient soupçonner autre chose que de l'amitié quand ils n'éprouvent que de la pure amitié pour eux, et ne les comprendraient pas s'ils leur avouaient quand ils éprouvent autre chose, objet tantôt d'un dégoût qui les incrimine dans ce qu'ils ont de plus pur, tantôt d'une curiosité qui cherche à les expliquer et les comprend tout de travers, élaborant à leur endroit une psychologie de fantassin qui, même en se croyant impartiale est encore tendancieuse et admet a priori, comme ces juges pour qui un Juif était naturellement un traître, qu'un homosexuel est facilement un assassin ; comme Israël encore recherchant ce qui n'est pas eux, ce qui ne serait pas d'eux, mais éprouvant pourtant les uns pour les autres, sous l'apparence des médisances, des rivalités, des mépris du moins homosexuel pour le plus homosexuel comme du plus déjudaïsé pour le petit Juif, une solidarité profonde, dans une sorte de franc-maçonnerie qui est plus vaste que celle des Juifs parce que ce qu'on en connaît n'est rien et qu'elle s'étend à l'infini et qui est autrement puissante que la franc-maçonnerie véritable parce qu'elle repose sur une conformité de nature, sur une identité de goût, de besoins, pour ainsi dire de savoir et de commerce, en voiture dans le voyou qui lui ouvre la portière, ou plus douloureusement parfois dans le fiancé de sa fille et quelquefois avec une ironie amère dans le médecin par qui il veut faire soigner son vice, dans l'homme du monde qui lui met une boule noire au cercle, dans le prêtre à qui il se confesse, dans le magistrat civil ou militaire chargé de l'interroger, dans le souverain qui le fait poursuivre, radotant sans cesse avec une satisfaction constante (ou irritante) que Caton était homosexuel, comme les Juifs que Jésus-Christ était Juif, sans comprendre qu'il n'y avait pas d'homosexuels à l'époque où l'usage et le bon ton étaient de vivre avec un jeune homme comme aujourd'hui d'entretenir une danseuse, où Socrate, l'homme le plus moral qui fût jamais, fit sur deux jeunes garçons assis l'un près de l'autre des plaisanteries toutes naturelles comme on fait sur un cousin et sa cousine qui ont l'air amoureux l'un de l'autre et qui sont plus révélatrices d'un état social que des théories qui pourraient ne lui être que personnelles, de même qu'il n'y avait pas de Juifs avant la crucifixion de Jésus-Christ, si bien que pour originel qu'il soit, le péché a son origine historique dans la non-conformité survivant à la réputation ; mais prouvant alors par sa résistance à la prédication, à l'exemple, au mépris, aux châtiments de la loi, une disposition que le reste des hommes sait si forte et si innée qu'elle leur répugne davantage que des crimes qui nécessitent une lésion de la moralité, car ces crimes peuvent être momentanés et chacun peut comprendre l'acte d'un voleur, d'un assassin mais non d'un homosexuel ; partie donc réprouvée de l'humanité mais membre pourtant essentiel, invisible, innombrable de la famille humaine, soupçonné là où il n'est pas, étalé, insolent, impuni là où on ne le sait pas, partout, dans le peuple, dans l'armée, dans le temple ; au théâtre, au bagne, sur le trône, se déchirant et se soutenant, ne voulant pas se connaître mais se reconnaissant, et devinant un semblable dont surtout il ne veut pas s'avouer de lui-même - encore moins être su des autres - qu'il est le semblable, vivant dans l'intimité de ceux que la vue de son crime, si un scandale se produisait, rendrait, comme la vue du sang, féroce comme des fauves, mais habitué comme le dompteur en les voyant pacifiques avec lui dans le monde à jouer avec eux, à parler homosexualité, à provoquer leurs grognements si bien qu'on ne parle jamais tant homosexualité que devant l'homosexuel, jusqu'au jour infaillible où tôt ou tard il sera dévoré, comme le poète reçu dans tous les salons de Londres, poursuivi lui et ses œuvres, lui ne pouvant trouver un lit où reposer, elles une salle où être jouées, et après l'expiation et la mort, voyant s'élever sa statue au-dessus de sa tombe, obligé de travestir ses sentiments, de changer tous ses mots, de mettre au féminin ses phrases, de donner à ses propres yeux des excuses à ses amitiés, à ses colères, plus gêné par la nécessité intérieure et l'ordre impérieux de son vice de ne pas se croire en proie à un vice que par la nécessité sociale de ne pas laisser voir ses goûts ; race qui met son orgueil à ne pas être une race, à ne pas différer du reste de l'humanité, pour que son désir ne lui apparaisse pas comme une maladie, leur réalisation même comme une impossibilité, ses plaisirs comme une illusion, ses caractéristiques comme une tare, de sorte que les pages les premières, je peux le dire, depuis qu'il y a des hommes et qui écrivent, qu'on lui ait consacrées dans un esprit de justice pour ses mérites moraux et intellectuels, qui ne sont pas comme on dit enlaidis en elle, de pitié pour son infortune innée et pour ses malheurs injustes, seront celles qu'elle écoutera avec le plus de colère et qu'elle lira avec le sentiment le plus pénible, car si au fond de presque tous les Juifs il y a un antisémite qu'on flatte plus en lui trouvant tous les défauts mais en le considérant comme un chrétien, au fond de tout homosexuel, il y a un anti-homosexuel à qui on ne peut pas faire de plus grande insulte que de lui reconnaître les talents, les vertus, l'intelligence, le cœur, et en somme comme à tout caractère humain, le droit à l'amour sous la forme où la nature nous a permis de le concevoir, si cependant pour rester dans la vérité on est obligé de confesser que cette forme est étrange, que ces hommes ne sont pas pareils aux autres.
Marcel Proust, Contre Sainte-Beuve suivi de Nouveaux mélanges , Paris : Gallimard, 1954 (1908-1909).

Julien GREEN : « Nous [avec le père Marie-Alain Couturier] avons étendu cette discussion [sur les fautes charnelles] à l'homosexualité que j'avais appelé une sorte de malédiction, car on ne voyait pas, disais-je, comment un homme possédé par cet instinct peut légitimement se libérer, puisque le mariage ne lui est pas possible. Le père Couturier a protesté contre ce terme de malédiction. " S'ils souffrent plus que d'autres, soyez sûrs que Dieu les aime davantage " (c'est-à-dire que leur souffrance les rend plus chers à Dieu). " Mais pourquoi la chose existe-t-elle ? " demandai-je. Il n'a pas pu me répondre. »
Toute ma vie Journal intégral ** 1940-1945, 25 octobre 1943, Paris : Bouquins éditions, 2021.

RAFFINÉ, RAFFINEMENT

Adrien Juvigny : « Je compose en ce moment  une galerie de sonnets consacrés à ces raffinements, — mor profondément absurde, mais qu'y faire ? — Je veux y rassembler toutes les têtes d'enfants et d'adolescents dont ma mémoir a gard" l'amoureux souvenir.  [...] À quoi bon nous jeter à la tête ces mots de raffinements monstrueux ? Homère, Platon, Virgile, étaient donc des raffinés ? »
Lettre à Paul Bourget, 25 septembre 1870.
Michael Rosenfeld et Clive Thomson eds., Correspondance croisée 1869-1873, Paris : Classiques Garnier, 2024.

RAGOÛT D'Italie / RAGOÛT DE DELÀ LES MONTS

" Ce jeune monsieur n'aimait pas les femmes : M. de Vendôme a toujours depuis été accusé du ragoût d'Italie. On en a fait une chanson autrefois :
« Monsieur de Vendôme
Va prendre Sodome. » "
Tallemant des Réaux, Historiettes, " Mademoiselle Paulet ", tome I (Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade), page 474.



« On a un peu accusé M. de Schomberg [maréchal de France] d’aimer les ragoûts de delà les monts »
Tallemant des Réaux, Historiettes, " Le Page, ses deux femmes et sa fille ".


RAILLER, RAILLERIE

"Nicolas de Clémanges à Gerson : je passe sous silence les paillardises et les adultères, desquels ceux qui s'abstiennent ont accoutumé d'être l'objet des railleries et de la moquerie des autres ; on les appelle châtrés, ou l'on dit qu'ils sont sodomites."
Pierre Jurieu (1637-1713), Préjugés légitimes contre le papisme, Amsterdam, 1685 ; tome 1, chapitre XXVII, page 332.


« Je crois bien que le prince Max n'a pas l'humeur italienne, car ordinairement ce n'est pas le vice des bons et honnêtes allemands ; mais ici à la Cour je ne pense pas qu'on puisse trouver une demie douzaine de personnes qui n'en soient pas entachés. Quand Mr de Turenne sera donc de nouveau ici, il trouvera beaucoup d'amis aussi facilement qu'en Morée ; peut-être qu'il a consolé son oncle, le cardinal, de cette manière, dans son exil, car monsieur le cardinal ne déteste pas du tout la vie et avait toujours de bien beaux pages ; aussi il entendait bien raillerie sur ce sujet : j'ai vu une fois le duc de Villeroy lui amener un de ses pages, pour le lui montrer. C'était un garçon parfaitement beau, et ils riaient beaucoup là-dessus. »
Madame, princesse Palatine, lettre à Sophie de Hanovre, 27 septembre 1690.

"Les Français sont encore les inventeurs d'une autre manière d'exercer leur raillerie, en laquelle ils excellent sur toutes les autres nations, c'est en ces chansons plaisantes et malignes qui courent fréquemment, et dont les auteurs sont d'ordinaire inconnus ; elles ne sont jamais produites par les poètes de profession, ce sont des gens de la Cour, de la ville, ou des troupes qui, étant en débauche et plus échauffées par le vin que par l'amour du prochain, les font d'ordinaire à table et le verre à la main ; ce sont aussi quelquefois des dames peu charitables qui font contre d'autres dames, ou contre des hommes qui leur auront déplu, de ces chansons ingénieuses et plaisantes, dont le venin est d'autant plus dangereux, qu'étant animé par l'harmonie du chant et de la poésie, il s'insinue agréablement en flattant l'oreille des auditeurs et la malignité qui règne parmi les hommes, et que ces sortes de chansons s'apprennent avec beaucoup de facilité, et ne s'oublient pas si facilement. On y voit quelquefois des contre-vérités finement trouvées sur les défauts, et sur les bruits médisants qui ont couru des personnes dont elles parlent, quelquefois on y caractérise malicieusement ceux qu'on y fait parler, en leur faisant dire des choses qui conviennent à leurs faiblesses et à leur ignorance, ou à leurs autres défauts."
François de Callières (1645-1717), diplomate et académicien, Des bons mots et des bons contes …, 1692, discours sixième, " De la raillerie et des railleurs de notre temps ".

« Le prince de Ligne est bien heureux de ne pas vivre en Hollande, où il paraît qu’on n’entend pas raillerie aussi bien qu’ici. »
Jean Bouhier, lettre à Mathieu Marais, 7 août 1730.

Bouhier dit par là qu’en Hollande, où il venait d’y avoir plusieurs exécutions d’homosexuels, on était bien moins tolérant qu’en France.

Dans Spicilège, Montesquieu parle d’un passage d’Aristophane [Assemblée des femmes, 109-114] comme d’une « raillerie sur Alcibiade ».

 « Vraiment, cela devient insupportable, surtout avec ce sérieux et cette fade sentimentalité. De ce biais, c’est ridicule. Qu’on ne parle pas des Anciens ! Les mœurs ont changé. Le progrès se fait par la différenciation, comme l’a dit [Herbert] Spencer. D’ailleurs, Aristophane et les autres comiques ou satiriques ne se privaient point de railler, ni nos pères non plus, avec leur verdeur gauloise. Et puis, en voilà assez, et la mesure est comble ["elle commence seulement à se remplir craintivement", commentera André Gide]. »
Paul Souday, Le Temps, 4 février 1926.

Le concept d’homophobie a aujourd’hui partiellement remplacé et complètement dénaturé celui de raillerie.


RAMASSER DES ÉPINGLES, RAMASSER DES MARRONS/RAMASSEUR DE MARRONS

« Ramasser des épingles : Se livrer à la pédérastie passive. »
Hector France

Au XVIIIe siècle, il y avait des marronniers dans le jardin des Tuileries à Paris.

« Je suis ramasseur de marrons »
Décret en faveur des putains …, vers 1790.

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.


« Dans le peuple on dit : – Il va ramasser des marrons dans l’allée des Veuves [aujourd’hui avenue Montaigne]. L’allusion est claire. (Argot du peuple). »
Charles Virmaître, Dictionnaire d’argot fin-de-siècle,
Paris : A. Charles, 1894, dans la définition de passif.


RAPPROCHEMENT DE SEXES SEMBLABLES

"Ce militaire [...] nous fit voir un coq qui, après avoir terrassé son adversaire, cherchait à le sodomiser, et insistant quelquefois jusqu'à l'éjaculation, quand l'ennemi battu était acculé de manière à ne pouvoir fuir. L'observateur prétendait avoir vu assez souvent les chiens se livrer au rapprochement de sexes semblables, et cela jusqu'à intromission ; il pensait que les mêmes influences climatologiques produisaient et ces accouplements chez les animaux et la sodomie chez l'homme."
Dr F. Jacquot, médecin de l'armée d'Afrique, " Des aberrations de l'appétit génésique ", Gazette Médicale de Paris, 28 juillet 1849.


REGAYIFIER

« On murmure que le Red Light souhaiterait « regayifier » son after du dimanche matin (ah, ah, je rigole), et que Laurent Garnier voudrait à nouveau jouer régulièrement pour les gays, comme à ses débuts. »
Yannick Barbe, Tétu, février 2004.

RÉGULIER

Robert de Saint Jean : « Il [l'écrivain François Mauriac] choisit définitivement vers la trentaine la voie régulière. »
Passé pas mort, III " En revenant de la revue " Paris : Grasset, 1983.

RENCULER

« 15. Il encule le prêtre tout en disant sa messe, et quand celui-ci a consacré, le fouteur se retire un moment ; le prêtre se fourre l’hostie dans le cul, et on le rencule quand par là-dessus. »
Marquis de Sade, Les Cent vingt journées de Sodome, 3e partie [1785], Paris : Gallimard, 1990, édition Michel Delon.

RETOURNER (SE)

« C’est à ce maître si connu [de Villette], si zélé pour les sectateurs de Gomorrhe, que je dois mes notions sur la fouterie à visage retourné, c’est un de mes passe-temps délicieux. »
Compère Mathieu, Suite des Pantins des Boulevards, 1791.

« Dans un autre coin, ce sont des blagues sur Oscar Wilde, au milieu desquelles j’entends Léon Daudet jeter dans un rire :"oh ! celui-là, sa mère, quand elle le regardait dans son berceau, a dû penser : ‘en voilà un qui saura se retourner !’ ". »
Edmond de Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire de 1851 à 1896, Paris : Fasquelle/Flammarion, 1956, 25 avril 1895.

RÉTROACTIF

« L’Univers sait que l’équivoque marquis de Villette est le Président perpétuel du formidable district des citoyens rétroactifs, partant zélé partisan de la Constitution, où tout est sens devant derrière. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 1793, 1ère partie, troisième fragment, « À bon chat : bon rat ». Voir DEVANT/DERRIÈRE.



Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864, Supplément.

RITE

« Ceux-là que sacre le haut rite »
Paul Verlaine, Parallèlement, "Ces passions …", 1889. Première publication du poème dans La Cravache parisienne, 2 février 1889, sous le titre Parallèlement.

RIVANCHER EN PROSE

« rivancher en prose : sodomiser, dans l’argot des voleurs. »
Pierre Leclair, Histoire des brigands, chauffeurs et assassins d’Orgères, Chartres, an VIII (1799).

L’explication est dans le sens de cul qu’avaient prose et proye ; cf emproseur. Selon Alfred Delvau, rivancher vient du verbe italien rivangare, retourner la terre avec une bêche.

RIVETTE

À la fin du XVIIIe siècle, ce mot est apparu avec un sens voisin de bardache ; on le rencontre dans l’écrit anonyme Vie privée et publique du ci-derrière marquis de Villette (1792) :

« Bougre en même temps et rivette
Le ci-devant marquis Villette
Pour les femmes et pour le con
Sent la plus vive aversion.
Sans être natif de Sodome,
À la femme il préfère l’homme,
Quand il est jeune, et neuf surtout,
Pourquoi pas ? Chacun a son goût. »

L’origine de ce sens est à chercher du côté de river, ou rivancher (action du coït selon Vidocq, 1837) ; cf rivancher en prose. L’équivalent anglais de river, soit to screw, a conservé son sens sexuel.

Vidocq a mis pour rivette : « Jeune sodomite. Les voleurs de province donne ce nom aux filles publiques. » (Les Voleurs, tome 2, page 65, 1837).

Chez Francisque Michel, il n’y a que le sens provincial « fille de joie, jeune débauchée. »

Selon le policier très kantien Canler, les rivettes formaient une des catégories de tantes :

« La quatrième catégorie se compose des rivettes. ceux-ci n’ont rien qui puisse les faire distinguer des autres hommes, et il faut à l’observateur, pour les deviner, la plus grande attention jointe à la plus grande habitude. On en rencontre à tous les degrés de l’échelle sociale. Pour satisfaire leur penchant, ces individus s’adressent de préférence à la jeunesse. Aussi les chanteurs s’attachent-ils plus particulièrement aux rivettes, qu’ils exploitent presque toujours avec succès. »
Louis Canler, Mémoires de Canler, ancien chef du service de sûreté, 1862.

Pour Moreau-Christophe, au contraire, les chanteurs se servaient de « l’appeau trompeur d’un succube, ou jeune rivette, rendu à leurs intérêts – un Jésus, comme ils l’appellent blasphématoirement. » (Variétés de coquins, 1865). Cet auteur opposait rivette à riveur ou incube.

« Rivette : De la famille des enculés. Homme qui vous déboutonne, vous prend de force et vous suce la pine. »
J. Ch[ou]x, Le Petit Citateur, 1881.

"Ceux qui ne recherchent qu'une satisfaction personnelle pour leur passion antiphysique, et qui payent les services qu'on leur rend, forment la première catégorie [de pédérastes]. Ce sont, à proprement parler, les vrais pédérastes ; on les désignent ordinairement sous le nom d'amateurs. On leur donne aussi le nom de rivettes."
François Carlier, Les Deux prostitutions. 1860-70, Paris : E. Dentu, 1887.

Virmaitre, Dictionnaire..., 1894.


RIVEUR

Moreau-Christophe a opposé rivette à riveur ou incube (Variétés de coquins, 1865).

ROCAMBOLE

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864, Supplément.
Les Aphrodites (1793), œuvre du romancier Andréa de Nerciat (1739-1800).

ROND

« Je vois que le grand d’Assoucy
Est aujourd’hui mal réussi,

Car hélas qu’aurait-il pu faire
Avec son luth et ses chansons
Auprès de vos vilains gitons
Et des déesses de Cythère ?

Le pauvre homme alors confondu
Eût quitté le rond pour l’ovale
Et se fût à la fin rendu
Hérétique en terre papale. »
Voltaire, lettre à  Jacques-François de Sade [oncle du marquis], 29 août 1733.

« Accourez, bougres, bardaches, bardachins et bardachinets, comtemplez et voyez si la mobilité de mon rond ne met pas en défaut la mobilité du vôtre. »
Les Enfants de Sodome à l’Assemblée natinale, 1790, discours de la Tabouret.

ROUSPAN(T), ROUSPANTEUR

Rouspan(t) viendrait de l’italien ruspanti, nom donné aux gitons du dernier grand-duc de Toscane.

« ROUSPANT. — Ils font chanter les pédérastes qu’ils soutiennent. Ce sont les "macs" de ces monstres. »
François Vidocq, Les Voleurs, tome 2, page 72, 1837.

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.

« Rouspant. Proxénète pour le troisième sexe et ses admirateurs. »
Lucien Rigaud, Dictionnaire du jargon parisien - L'argot ancien et l'argot moderne, Paris : Paul Ollendorff, 1878.

« ROUSPANT : Homme qui fournit des sujets aux tantes. C'est le procureur des pédérastes (Argot des souteneurs). »
Charles Virmaître, Dictionnaire d'argot fin-de-siècle, Paris : A. Charles, 1894. Noter là encore
la surdétermination, deux termes du lexique en renfort pour en définir un troisième.

« Rouspan : complice de pédéraste qui arrive au moment psychologique et se fait passer pour agent des mœurs, pour faire chanter le client. »
Hector France. Dictionnaire de la langue verte : archaïsmes, néologismes, locutions étrangères, patois, Paris : Librairie du Progrès, 1907. Réédition par Nigel Gauvin en 1990.



Lettre S