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mardi 3 octobre 2023

PHILOSOPHIES - NAISSANCE DU PHILOSOPHE suivi de E / DESCARTES INUTILE ET INCERTAIN

La discipline philosophique attire assez souvent des préjugés anti-intellectuels, préjugés que l'on rencontre formulés dans cette mauvaise vanne : " Un con qui marche va plus loin qu'un intellectuel assis. " Vanne qu'il est facile de contrer en faisant remarquer que le con, étant con par essence, va forcément dans la mauvaise direction, et donc qu'il vaut mieux pour lui rester assis que de s'égarer...

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Si je devais résumer en une phrase : La philosophie, selon mon idéal, sert la connaissance (elle n'est pas l'ancilla de la théologie), la protège des croyances et de la surestimation d'elle-même ; la connaissance sert l'action et en particulier permet le développement des techniques. L'étude des philosophies, pour moi, est passée par quatre sources : 1) Montaigne, lu dès le lycée, le premier des post-Anciens, excellent passeur vers les philosophes latins et grecs, passeur vers Diogène Laërce passeur lui-même. 2) Schopenhauer et son Die Welt als Wille und Vorstellung, ouvrage très pédagogique très ouvert sur les autres philosophes. 3) Nietzsche découvert au département de philosophie de l'Université Paris-X Nanterre et jamais quitté depuis ; cette université m'ayant accordé un peu trop facilement mes deux derniers diplômes, je me sentis obligé de faire un travail personnel complémentaire, dont je choisis les auteurs parmi ceux au programme de l'agreg externe de philo de ces années-là : Gottfried W. Leibniz et David Hume (sur l'entendement humain), George Berkeley, Platon et Aristote évidemment, Descartes et Pascal, Cournot, et quelques alii.

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À l'étymologie " amour de la sagesse ", je préfère le rappel de son lien initial avec la mathématique démonstrative et avec la logique. Ce qui apparut à la même époque en Chine mériterait plutôt le nom de " pensée chinoise ".
SOCRATE : « Moi, si je ne sais pas, je ne croie pas non plus savoir. Il me semble donc que je suis un peu plus sage que lui par le fait même que ce que je ne sais pas, je ne pense pas non plus le savoir. […] J’avais conscience de ne connaître presque rien. »
Platon, Apologie de Socrate, vi, 21d ; viii, 22d. 
Le distinguo entre savoir et croire savoir est fondateur de la philosophie (occidentale). Pour Aristote, la philosophie commençait avec l'étonnement, la prise de conscience d'une ignorance, le désir d'en sortir et d'accéder au savoir (Métaphysique, I, ii 5 ; cité par Arthur Schopenhauer ; mais déjà Platon dans Théétète, 155d). 

Marx (1) : " La philosophie parle des sujets religieux et philosophique autrement que vous [l'auteur de l'éditorial, Karl Heinrich Hermès] n'en avez parlé. Vous parlez sans étude, elle parle avec étude ; vous vous adressez à la passion, elle s'adresse à l'intelligence ; vous injuriez, elle enseigne ; vous promettez le Ciel et la Terre, elle ne promet rien que la vérité ; vous exigez qu'on ait foi en votre foi, elle n'exige pas la foi en ses résultats ; elle exige l'épreuve du doute ; vous épouvantez, elle apaise. Et vraiment, la philosophie est assez avisée sur le monde pour savoir que ses résultats ne flagornent pas la recherche du plaisir et l'égoïsme pas plus dans le Ciel que sur la Terre ; mais le public épris de la vérité, de la connaissance pour elle-même, pourra comparer sans doute son jugement et sa moralité au jugement et à la moralité de plumitifs ignares, serviles, inconséquents et stipendiés. " [Die Philosophie spricht anders über religiöse und philosophische Gegenstände, wie ihr darüber gesprochen habt. Ihr sprecht ohne Studium, sie spricht mit Studium, ihr wendet euch an den Affekt, sie wendet sich an den Verstand, ihr flucht, sie lehrt, ihr versprechet Himmel und Welt, sie verspricht nichts als Wahrheit, ihr fordert den Glauben an euren Glauben, sie fordert nicht den Glauben an ihre Resultate, sie fordert die Prüfung des Zweifels; ihr schreckt, sie beruhigt. Und wahrlich, die Philosophie ist weltklug genug, zu wissen, daß ihre Resultate nicht schmeicheln, weder der Genußsucht und dem Egoismus der himmlischen noch der irdischen Welt; das Publikum, das aber die Wahrheit, die Erkenntnis ihrer selbst wegen liebt, dessen Urteilskraft und Sittlichkeit wird sich wohl mit der Urteilskraft und Sittlichkeit unwissender, serviler, inkonsequenter und besoldeter Skribenten messen können.] (" L'éditorial du n° 179 de la " Gazette de Cologne " " , Gazette Rhénane [Rheinische Zeitung], juillet 1842 [Der leitende Artikel in Nr. 179 der „Kölnischen Zeitung])
1. Texte : MEW-Band-1.
Traduction (revue) : Karl Marx Friedrich Engels, Sur la religion, Paris : Editions sociales, 1972.


Nietzsche : « Platon [République IX, 580d] et Aristote [Métaphysique I, i, 980b] ont raison de considérer les joies de la connaissance comme la valeur la plus désirable, — à supposer qu’ils veuillent exprimer là une expérience personnelle et non générale : car pour la plupart des gens, les joies de la connaissance relèvent des plus faibles et se situent bien au dessous des joies de la table. » 
Frédéric Nietzsche, Fragments posthumes, M II 1 3[9], printemps 1880.
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A / Esquisse d'une définition de la philosophie
B / Premiers programmes philosophiques
C / Philosopher
D / À quoi sert la philosophie ?
E / DESCARTES INUTILE ET INCERTAIN


A / Esquisse d'une définition de la philosophie :
Althusser : " Ce que nous appelons la philosophie n'existait pas avant Platon. " Louis Althusser, " Du côté de la philosophie ", 1967-68, in Écrits philosophiques et politiques, tome II, Paris : Stock/IMEC, 1995-1997 : philosophie surgie à partir de la science mathématique (Alain Badiou est du même avis) ; cependant Euclide (vers -325 / vers -270) est postérieur à Aristote.


Raphaël, " École d'Athènes " (détail), Platon tenant
le Timée et Aristote l'Éthique à Nicomaque

Raphaël, " École d'Athènes " (détail), Hypatie.


// -470/469 SOCRATE -399 // -460 DÉMOCRITE -370 // 
 // -428/427 PLATON -348 // -384 ARISTOTE -322 // -342/341 ÉPICURE -270 //


Esquisse d'une définition de la philosophie (ce qui devrait être le point commun des diverses philosophies)
1. Un principe général de libre examen posant le privilège absolu de la connaissance sur les croyances et impliquant le doute justifié, la prudence, l’ouverture d’esprit. « Est-il chose qu’on vous puisse proposer pour l’avouer ou refuser, laquelle il ne soit pas loisible de considérer comme ambiguë ? […] La vérité ne se juge point par autorité et témoignage d’autrui. […] Il ne faut pas croire à chacun, dit le précepte, parce que chacun peut dire toutes choses. » Montaigne, Essais, II, xii, pages 503, 507, 571 de l'édition Villey/PUF.

Le recours conjoint à des distinctions selon le principe de spécification (lien) et à des généralisations selon le principe d’homogénéité (lien).

La distinction entre le savoir, concept associé à celui, logique, de preuve, et ses formes dégradées : la simple documentation, l'élémentaire information. « Ce qu’on n’a jamais mis en question n’a point été prouvé. Ce qu’on n’a point examiné sans prévention n’a jamais été bien examiné. Le scepticisme est donc le premier pas vers la vérité. Il doit être général, car il en est la pierre de touche. Si, pour s’assurer de l’existence de Dieu, le philosophe commence par en douter, y a-t-il quelque proposition qui puisse se soustraire à cette épreuve ? » Denis Diderot, Pensées philosophiques, 1746, XXXI. 
Mieux et plus loin que Descartes : « L'enseignement de la métaphysique, de l'art de raisonner, des différentes branches des sciences politiques, doit être regardé comme entièrement nouveau. Il faut d'abord le délivrer de toutes les chaînes de l'autorité, de tous les liens religieux ou politiques. Il faut oser tout examiner, tout discuter, tout enseigner même. » Condorcet, Cinq mémoires... , 1791, " Cinquième mémoire, Sur l'instruction relative aux sciences ".

2. Un distinguo (cf l'adage scolastique distinguo - concedo ... nego ..., je distingue - j'accorde - je refuse) et la reconnaissance d’une complémentarité fondamentale entre les vérités de fait et les vérités de raison, entre la vérité-correspondance (l'adæquatio de Thomas d'Aquin) et la vérité-cohérence, entre l’empirique et le rationnel (Thomas Hobbes, Gottfried W. Leibniz), entre la déduction et l'induction (Victor Brochard) ; en conséquence, la réflexion critique doit porter aussi sur la réalité des éléments fournis par l’investigation, sur les données des sens, et requiert la réponse au Quid facti ?
Avant Fontenelle, Montaigne : " Comment est-ce que cela se fait ? – Mais se fait-il ? faudrait-il dire. " (Essais, III, xi)
« Assurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause.  Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait ; mais enfin nous éviterons le ridicule d’avoir trouvé la cause de ce qui n’est point. [...] Je ne suis pas si convaincu de notre ignorance par les choses qui sont, et dont la raison nous est inconnue, que par celles qui ne sont point, et dont nous trouvons la raison. Cela veut dire que, non seulement nous n’avons pas les principes qui mènent au vrai, mais que nous en avons d’autres qui s’accommodent très bien avec le faux. »
Œuvres de Fontenelle, tome 3, Paris : Salmon et Peytieux, 1825.
Fontenelle, Histoire des oracles, Première dissertation, chapitre IV. À propos de la dent d'or, Allemagne, fin du XVIe siècle :

3. La distinction, encore, entre ces vérités et les normes, entre la connaissance, théorique, concrète ou intermédiaire, et la morale. Distinction initiée par Sénèque le Jeune entre ce qui est dans le Ciel (métaphore de l'idéal) et ce qui devrait être sur notre Terre (Questions naturelles). Distinction humienne entre is et ought to, puis plus précisément juridique, kelsenienne, entre sein et sollen, entre ce qui est et ce qui doit (ou devrait) être ; autrement dit, entre la logique (au sens scolaire de connaissance) et l’éthique. Plus simplement dit : ne pas prendre ses désirs pour des réalités.

4. Ce qui se dégage des œuvres d’auteurs qui, sans s’accorder sur tout (loin de là !!), se reconnaissent comme ayant en commun à la fois un niveau de langage, une méthode et des problématiques, ce qui leur permet, en des temps forts de leurs philosophies, de dialoguer : c’est Aristote répliquant brillamment à Platon, Diogène Laërce retraçant les vies et doctrines des philosophes grecs anciens ; c'est Pascal répliquant à Montaigne (« Le sot projet qu'il a eu de se peindre ! »). Leibniz répliquant à Descartes (Remarque sur la partie générale des Principes), à Pascal (Lettres) et à Locke ; Voltaire à Descartes et à Leibniz, Arthur Schopenhauer à Kant, Nietzsche à Platon, Pascal et Schopenhauer ; Jacques Bouveresse à Michel Foucault, et alii. ; le domaine de cette reconnaissance mutuelle, c’est le champ, ou l’ordre, philosophique, même s’il y a souvent contestation quant aux strictes frontières de ce domaine, et s’il est, bien évidemment, historiquement et géographiquement évolutif.

5. Les traits communs des philosophies se précisent enfin par ces formules et interrogations :
« Rien n’existe sans raison » (Cicéron) ; « Vivre c'est penser  » (vivere est cogitare) (Cicéron, Tusculanes, V) ; « Nul ne vient au plaisir sans passion » (Tertullien) ; « Si je suis trompé, je suis (Si fallor, sum.) » (Augustin) ;
« Que sais-je ? » (Montaigne) ; « Se fait-il ? » (Montaigne) ; « Rien de beau ne se fait sans passion » (Montaigne, Diderot) ; « Je pense, donc je suis » (Descartes) ; « La clarté est la bonne foi des philosophes » (Vauvenargues) ; « Que dois-je faire ? » (Kant) ;
« Pourquoi suis-je moi ? » (Stendhal) ; « Où allons-nous renouveler le jardin d'Épicure ? » (Nietzsche) ; « Dieu est mort » (Nietzsche) ; « Qu'est-ce que l'éducation ? » (Nietzsche) ; « Qu’est-ce qui est bien ? Qu’est-ce qui est mal ? Comment devons-nous vivre ? » (question posée à Tolstoï) ;
« Qu’est-ce que l’étant ? » (Martin Heidegger) ; « Qui est l’homme ? » (Heidegger) ;
« Pourquoi des philosophes ? » (Jean-François Revel) ; « Qu’est-ce qu’un civilisé ? » (Pierre Kaufmann) ; « Y a-t-il ou non deux couleurs dans les stylos de P. V. Spade ? » (Alain de Libera) – et par leurs explicitations.


Le Dîner des philosophes (vers 1772-1773) de Jean Huber. À la gauche de Voltaire : le peintre
Jean Huber, Diderot et Marmontel ; à sa droite, d'Alembert, La Harpe, Grimm, le père Adam ;
face à lui, de dos, probablement Condorcet (Voltaire Foundation, Oxford).


Kant caractérisa la philosophie comme la législation de la raison humaine (Critique de la raison pure [CRP], II " Théorie transcendantale de la méthode ", chapitre III "Architectonique de la raison pure ")

Condorcet : " La raison rendue méthodique et précise " (Cinq mémoires sur l'instruction publique, Second mémoire " De l'instruction commune pour les enfants ", II " Études de la première année ")
« Par la même raison l'on doit préférer les parties de la physique qui sont utiles dans l'économie domestique ou publique, et ensuite celles qui agrandissent l'esprit, qui détruisent les préjugés et dissipent les vaines terreurs ; qui, enfin dévoilant à nos yeux le majestueux ensemble du système des lois de la nature, éloignent de nous les pensées étroites et terrestres, élèvent l'âme à des idées immortelles, et sont une école de philosophie plus encore qu'une leçon de science. » Second mémoire, II. 
« L'histoire des pensées des philosophes n'est pas moins que celle des actions des hommes publics une partie de l'histoire du genre humain. [...] Une des principales utilités d'une nouvelle forme d'instruction, une de celles qui peuvent le plus tôt se faire sentir, c'est celle de porter la philosophie dans la politique, ou plutôt de les confondre.  » Troisième mémoire, " Sur l’instruction commune pour les hommes "

Monique Canto-Sperber, directrice de recherche au CNRS et ancienne directrice de l'É.N.S-Ulm., proposa cette caractérisation en quatre points de la discipline :
– attitude réflexive,
– sens de la globalité des questions,
acuité dans la perception des problèmes,
– usage de l’argumentation.
(Cf Le Débat, n° 98, janvier-février 1998, pages 132-133).

Platon pensait que la géométrie, et plus généralement les mathématiques, étaient capables de " tirer l'âme vers la vérité et de modeler la pensée philosophique ".

Alain Badiou (avec Gilles Haéri), Éloge des mathématiques,
Paris : Flammarion, 2015 ; collection Café Voltaire

Nietzsche était venu à la philosophie universitaire par la philologie (ses travaux sur Diogène Laërce) ; pour Condorcet, c'était par les mathématiques ; dans les deux cas, à partir d'une formation scientifique.

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De même qu’il y a une coupure – bachelardienne – entre la connaissance générale et la connaissance scientifique, il y en eut une – platonicienne – entre l’utilisation courante du langage et cette activité philosophique caractérisée, selon l'excellente Monique Dixsaut, par un « usage différent du discours ». Cet autre usage présuppose la maîtrise de la langue, française chez nous, ce qui ne signifie pas qu’un individu tout seul puisse en être le maître. En philosophie, un minimum de  termes techniques
genre, espèce, sujet, objet, réel, imaginaire, symbolique, concept, analyse, synthèse, jugement analytique, jugement synthétique, forme, matière, substance, raison, passion, critique, épistémologie, morale, métaphysique, éthique, liberté, vérité, logique, dialectique, idéalisme, réalisme, matérialisme, spiritualisme, accident, essence, nécessité, contingence etc.
sont les moyens et instruments d’une pensée exempte de confusions dramatiques. Il faut déjà être un peu philosophe pour reconnaître la philosophie là où elle se trouve.


B / Premiers programmes philosophiques :

Connais-toi toi-même (Chilon ou Thalès dans Platon, Protagoras)
" Opposer à la fortune la hardiesse, à la loi la nature, à la passion la raison " (Diogène de Sinope (le Diogène du tonneau, vers -410 / vers -323) , in Diogène Laërce, Vie, doctrine et sentences des philosophes illustres, VI, § 38). Ce qui probablement inspira notre moraliste Chamfort :
" [Opposer] la nature à la loi, la raison à l'usage, sa conscience à l'opinion, et son jugement à l'erreur " (Nicolas de Chamfort, Maximes et pensées, I, Maximes générales). Ce à quoi j'ajouterais : Opposer à la Révélation (le Dei Verbum judéo-chrétien) la rationalité : le Logos (λόγος) grec, le ratio et oratio latin (Cicéron, De Officiis, I, xvi). 

Montaigne semble dresser un programme philosophique lorsqu'il espère une attirance de la licence vers la liberté et de l'immodération vers la raison (Essais, III, v, page 845 de l'édition Villey/Saulnier/PUF ; page 887 de l'édition Balsamo/Magnien/Magnien/Simonin/Pléiade)

Jacques DU ROURE (début XVIIe / vers 1685) : « Parce qu’encore dans la philosophie, on considère les choses et les sociétés purement naturelles, je n’y traite pas des religions. Outre que – la nôtre exceptée, dont les principaux enseignements sont la justice et la charité [la justice avant la charité ; exeunt les deux autres vertus théologales, la foi et l’espérance …], c’est-à-dire le bien que nous faisons à ceux qui nous en ont fait, et aux autres – elles sont toutes fausses et causes des dissensions, des guerres, et généralement de plusieurs malheurs. »
Abrégé de la vraie philosophie, "Morale", § 69, 1665. Remarquable pour l'époque. Je soupçonne ce Du Roure d'avoir dissimulé son athéisme.

Faire attention à la matière et à la forme, avancer lentement, répéter et varier l'opération, recourir à des vérifications et à des preuves, découper les raisonnements étendus, vérifier chaque partie par des preuves particulières (Leibniz)


Frédéric Nietzsche (lien)
(Portrait par E. Munch, vers 1906) Notamment ce fragment posthume :

W I 2, été-automne 1884 : 26[153]
« De la naissance du philosophe.
1. Le profond malaise à être parmi les braves gens – comme parmi les nuages – et le sentiment de devenir paresseux et négligent, vaniteux aussi. Cela corrompt. – Pour voir clairement à quel point le fondement ici est mauvais et faible, on les provoque et on entend alors leurs cris.
2. Dépassement du ressentiment et de la vengeance à partir d’un profond mépris ou de compassion pour leur sottise.
3. Hypocrisie comme mesure de sécurité. Et mieux encore, fuite dans sa solitude. »
[Von der Entstehung des Philosophen.
1. Das tiefe Unbehagen unter den Gutmüthigen — wie unter Wolken — und das Gefühl, bequem und nachlässig zu werden, auch eitel. Es verdirbt. — Will man sich klar machen, wie schlecht und schwach hier das Fundament ist, so reize man sie und höre sie schimpfen.
2. Überwindung der Rachsucht und Vergeltung, aus tiefer Verachtung oder aus Mitleid mit ihrer Dummheit.
3. Verlogenheit als Sicherheits-Maßregel. Und noch besser Flucht in seine Einsamkeit.]


C / Philosopher :

S'exercer à mourir (Platon, Phédon, 67-68 ; Cicéron, Tusculanes, I, xxx, 74 ; Rabelais, Tiers livre, XXXI ; Montaigne, Essais I, 20), soit se passer de la perspective d'une vie éternelle. La mort passe du domaine de la religion à celui de la philosophie. Dépourvu d'âme immortelle, le sujet ne vit jamais sa mort propre, seulement celle des autres.

Vivre conformément à la nature (Épictète, Montaigne) : soit l'écologie avant la lettre.
Rechercher ce qu'ont pensé les philosophes au sujet d'un problème (Sicher de Brabant) ; c'est toute l'histoire de la philosophie.
Douter (les Sceptiques, Montaigne, Descartes, Condorcet) [avant d'examiner et de conclure]
" Philosopher, c’est donner la raison des choses, ou du moins la chercher, car tant qu’on se borne à voir et à rapporter ce qu’on voit, on n’est qu’historien. " (Encyclopédie, entrée "Philosophie", tome 12, 1751). 
« La véritable manière de philosopher, c'eût été et ce serait d'appliquer l'entendement à l'entendement ; l'entendement et l'expérience aux sens ; les sens à la nature ; la nature à l'investigation des instruments ; les instruments à la recherche et à la perfection des arts, qu'on jetterait au peuple pour lui apprendre à respecter la philosophie. » (Denis Diderot, Pensées sur l'interprétation de la nature, § 18). 
Autrement dit, penser sa pensée, et non, comme on l'entend dire aujourd'hui, " vivre sa pensée et penser sa vie ".
Emmanuel Kant : Réfléchir et décider par soi-même. Cf Hésiode. (lien)

Gilles Deleuze : « La philosophie est l'art de former, d'inventer, de fabriquer des concepts. » (Qu'est-ce que la philosophie – Gilles Deleuze et Félix Guattari).
Concepts de Nietzsche : dévaluation [Umwertung] des valeurs, esprit libre, éternel retour, nihilisme, surhomme, volonté de puissance. Mais sa philosophie, comme Vigny le pensait de celle de Voltaire, vaut surtout en tant que critique.
U I 2b, fin 1870 - avril 1871 : 7[17] : « La pensée philosophique ne peut pas construire, seulement détruire [das philosophische Denken kann nicht bauen, sondern nur zerstören.]. » Cf Alfred de Vigny : « La philosophie de Voltaire […] fut très belle, non parce qu’elle révéla ce qui est, mais parce qu’elle montra ce qui n’est pas. » (Journal d’un poète, 1830).

Paul Ricœur : " L'une des tâches de la réflexion philosophique est de clarifier les concepts. Clarifiez d'abord votre langage, ne cessent de nous dire les Anglo-Saxons, distinguez les emplois des mots... " (La Critique et la conviction, " Éducation et laïcité ", Paris : Calmann-Lévy, 1995).

Idéalement, un programme d’introduction de la philosophie dans la Cité aurait dû opposer :
  1. au quotidien, les concepts (les notions les plus abstraites) ;
  2. à la Révélation (le Verbum judéo-chrétien), la rationalité du Logos grec, le ratio et oratio latin ;  Malebranche, Conversations chrétiennes, Entretien 1 : « Si donc vous n'êtes pas convaincu par la raison, qu'il y a un Dieu, comment serez-vous convaincu qu'il a parlé ? ». Et Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l'Éducation, IV " Profession de foi du vicaire savoyard " : « Ils ont beau me crier : Soumets ta raison ; autant m'en peut dire celui qui me trompe : il me faut des raisons pour soumettre ma raison. »
  3. à l’action/agitation collective, la réflexion (individuelle) ; ce qui n'exclut pas des retombées de ces réflexions individuelles sur les actions militantes.
  4. au risque, le courage ;
  5. au règne de l’opinion, enfin, le doute et le questionnement. 
Voir aussi : La philosophie noyée dans le café (mes notes critiques sur les cafés-philo parisiens)
Esprit, n° 239, janvier 1998, pages 200-205.


D / À quoi sert la philosophie ?

Via la logique, apparition de l'ordre déductif. Kant (qui ignorait la logique propositionnelle des Stoïciens) voyait dans la logique formelle [d'abord logique prédicative, plus tard logique des propositions], cette création d'Aristote injustement décriée et moquée par quelques auteurs de la Renaissance (Rabelais, Montaigne), puis par Molière, le signe principal de l'acquis en philosophie, mais la pensait à tort close et achevée  (Préface de la seconde édition de la CRP, 1787), peu avant que George Boole présente de cette logique une forme algébrisée.
  • Formalisation des raisonnements juridiques.
  • Fourniture de modèles aux sciences humaines.
  • Réfutation logique de la "preuve" ontologique de l'existence de "Dieu" (Gottlob Frege et Bertrand Russell).
- L'étude de l'histoire de la philosophie introduit efficacement et rapidement à l'histoire générale de l'Occident.

- Par son insistance sur l'argumentation et le raisonnement, valeur de formation à l'autocritique rationnelle, au souci de vérification (tout comme dans les mathématiques). Errare humanum est, perseverare diabolum, sed rectificare divinum.
Vérifier notamment les citations qui circulent, soit que leur texte est souvent corrompu, ou la citation mal découpée, soit que l'on attribue à l'un ce que l'autre a écrit. 
John LockeEssai sur l’entendement humain, IV, xvi, § 11 :
« He that has but ever so little examined the citations of writers, cannot doubt how little credit the quotations [citations] deserve [méritent] when the originals are wanting [manquent] ; and consequently how much less quotations of quotations can be relied on [sont fiables]. »
- Le principe de raison suffisante (PRS) , le plus connu des principes logiques, établit un cadre de rationalité qui permettra l'essor des sciences exactes.
" Toutes les sciences ne reposent que sur le fondement général que leur offre le philosophe. " (Frédéric Nietzsche, Fragments posthumesP I 20b, été 1872 - début 1873, 19[136])
[Denn alle Wissenschaften ruhen nur auf dem allgemeinen Fundamente des Philosophen.]
- Contributions aux sciences :
  • Vers l'héliocentrisme : Philolaos de Crotone et Aristarque de Samos.
  • Démocrite d'Abdère : il n'y a que des atomes et du vide.
  • Hicétas de Syracuse : relativité galiléenne.
- Influence de la philosophie sur les conceptions générales de l'histoire (philosophie de l'histoire, Machiavel, Hobbes, Rousseau) ; avec la philosophie de l'éducation (Montaigne, Rousseau, Victor Cousin). Le droit public et la science politique dérivent de la philosophie politique. L'Humanisme et les Lumières aboutirent aux déclarations des droits (Habeas corpus, 1679 ; Bill of Rights, 1689 ; Declaration of Independence, 1776 ;  Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, 1789).

- " La philosophie joua un rôle décisif dans la construction de la laïcité comme idéal d'émancipation. " (Henri Pena-Ruiz, Dictionnaire amoureux de la laïcité, entrée " Philosophie ", Paris : Plon, 2014). Montaigne précurseur de la liberté de conscience (penser par soi-même), elle-même principe clé de la laïcité. Condorcet est à l'origine du modèle français, égalitaire mais non égalitariste, d'instruction publique.
« Tous les individus ne naissent pas avec des facultés égales […] En cherchant à faire apprendre davantage à ceux qui ont moins de facilité et de talent, loin de diminuer les effets de cette inégalité, on ne ferait que les augmenter. » (Nature et objet de l’instruction publique, 1791)
- Satisfaction du désir personnel de mieux comprendre notre situation d'humain existant. Amour, amitié, souffrance, mort. Avec l'application au problème de la fin de vie.
Humain, trop humain I, 1878, II " Sur l'histoire des sentiments moraux ", § 80 Le vieillard et la mort : « Abstraction faite des exigences qu'imposent la religion, on doit bien se demander : pourquoi le fait d'attendre sa lente décrépitude jusqu'à la décomposition serait-il plus glorieux, pour un homme vieilli qui sent ses forces diminuer, que de se fixer lui-même un terme en pleine conscience ? Le suicide est dans ce cas un acte qui se présente tout naturellement et qui, étant une victoire de la raison, devrait en toute équité mériter le respect : et il le suscitait, en effet, en ces temps où les têtes de la philosophie grecque et les patriotes romains les plus braves mouraient d'habitude suicidés. Bien moins estimable est au contraire cette manie de se survivre jour après jour à l'aide de médecins anxieusement consultés et de régimes on ne peut plus pénibles, sans force pour se rapprocher vraiment du terme authentique de la vie. — Les religions sont riches en expédients pour éluder la nécessité du suicide : c'est par là qu'elle s'insinue flatteusement chez ceux qui sont épris de la vie. »
- Le droit public et la science politique dérivent de la philosophie politique. Les Lumières ont abouti  à la Déclaration... de 1789 qui est aujourd'hui un élément de notre bloc constitutionnel.
Condorcet :
" Ni la constitution française, ni même la déclaration des droits, ne seront présentés à aucune classe des citoyens, comme des tables descendues du ciel, qu'il faut adorer et croire. " (Rapport et projet de décret sur l'organisation générale de l'instruction publique, 20-21 avril 1792).
- Influence de la philosophie sur les conceptions politiques générales de l'histoire (philosophie de l'histoire, Machiavel, Hobbes, Rousseau, Burke, Tocqueville, et alii).


Genres, catégories, universaux (cadre général de la pensée) : 

Cinq genres platoniciens :
« L’Être, le Repos, le Mouvement, l’Autre, le Même […] il n’y a pas moins de cinq genres […] la nature des genres comporte la communication [participation] réciproque. » (Platon, Le Sophiste, 254e-257a).
Cette « communication réciproque », et la présence du Mouvement, répond par avance aux reproches que les idéologues marxistes firent à la métaphysique classique (qu’ils ne connaissaient pas) d’ignorer les relations, le contexte, le mouvement.

Dix catégories aristotéliciennes  de l’être : substance, quantité, manière d’être, relation ; endroit, moment, position, équipement, action, passion. » (Aristote, Catégories, IV, 1b)

Quatre catégories stoïciennes : substrat ou substance, qualités stables, manières d’être contingentes et manières d’être relatives (Stoicorum Vetera Fragmenta, II, 369 sqq.)

Cinq universaux (quinque voces) :
Le philosophe néo-platonicien Porphyre de Tyr (vers 234 / vers 305) : le genre, l’espèce, la différence spécifique, le propre, l’accident. (Isagoge, préface aux Catégories d'Aristote).

Sept catégories cartésiennes :
esprit, grandeur, repos, mouvement, relation, figure [forme], matière. 

Douze catégories kantiennes :
Quantité
unité
pluralité
totalité  

Qualité

réalité

négation

limitation

Relation
inhérence et subsistance
causalité et dépendance
communauté [Causalité d’une susbstance dans la détermination des autres]

Modalité

possibilité – impossibilité

existence – non-existence

nécessité [Existence donnée par la possibilité] - contingence

Deux catégories marxistes (matérialisme dialectique) : la matière, le mouvement (oubli notable de l'énergie). 

* * * * *

- Critique et dépassement de la mythologie et des religions. (opposition mythos/logos).
Pour le christianisme, la science doit être abolie (I Corinthiens XIII, 8), la philosophie est un vain leurre (Colossiens, II, 8), cependant récupéré en tant que ancilla théologiae (servante de la théologie) par Pierre Damien, Albert le Grand et Thomas d'Aquin.



La philosophie, comme toute entreprise humaine, n'est pas à l'abri de dévoiements :
« La philosophie peut prendre et même réussir jusqu’à un certain point à faire prendre ce que le véritable esprit critique considérerait comme l’expression la plus typique du dogmatisme et du conformisme idéologique du moment pour la forme la plus impitoyable et la plus sophistiquée de la critique. »
Jacques Bouveresse, Le Philosophe chez les autophages, I, Paris : Minuit, 1984.

E / DESCARTES INUTILE ET INCERTAIN

Ma critique de la pseudo preuve de Dieu par Descartes : voir le § VIII de cette page en lien.

Pour nombre de nos contemporains, le nom de René Descartes reste encore, via l’adjectif "cartésien", synonyme de bonne logique, de bon sens ; il n’est donc pas inutile de revenir sur une polémique datant de quelques années (1997) entre le scientifique Claude Allègre (né en 1937), géologue renommé mais contesté, et le philosophe des sciences Vincent-Pierre Jullien (né en 1953), polémique décalquée des profondes divergences entre Descartes et les alliés actuels ou futurs de Blaise Pascal.
" Descartes [...] n'a pas distingué le certain de l'incertain. " (Leibiz, De la Réforme de la philosophie première et de la notion de substance, 1694). Ce qui est vraiment un comble pour un philosophe. 

E / 1   Claude Allègre, peu avant d’être nommé ministre de l’Éducation dans le gouvernement de Lionel Jospin en juin 1997, révéla la superficialité de son information philosophique lorsqu’il attribua au regretté Jean-François Revel (1924-2006) la belle expression de ... Pascal, " Descartes inutile et incertain " (" Les erreurs de Descartes ", Le Point, n° 1279, 22 mars 1997). Soutenant que l’approche mathématique serait responsable des erreurs dans les sciences, Allègre montre qu’il ignore que la rigueur des mathématiques réside dans l'effectivité de la relation entre définitions et démonstrations, dans les notations et le calcul formel, et non (comme le pensait Descartes) dans le vain recours en l’évidence - la pernicieuse confiance en soi ... - Mais il n’est pas exact que les mathématiques soient complètement détachées de l’expérience ; le calcul (maintenant effectué par des machines électroniques) et le tracé de figures sont des formes à part entière d’expérience. 

   Ceci étant, je ne suis pas sûr que dans cette querelle des erreurs de Descartes, que Claude Allègre est loin d’avoir ouverte puisqu’elle remonte à Pascal et qu’elle fut entretenue publiquement par Huyghens, Leibniz, D’Alembert, Voltaire et alii, Vincent Jullien ait entièrement raison (" Monsieur Allègre et Descartes ", Le Monde, 22-23 juin 1997, page 15). Lorsque Claude Allègre reproche à Descartes de mêler considérations religieuses et considérations scientifiques, le reproche est parfaitement fondé. Que cette approche religieuse soit historiquement datée ne lui enlève pas ce côté irrationnel et non scientifique auquel plusieurs contemporains étaient déjà sensibles puisqu’ils ne faisaient plus intervenir “Dieu” dans l’explication des phénomènes physiques. À lire Vincent Jullien, on pourrait penser que les savants se sont trompés autant les uns que les autres, et les philosophes de même, et autant que les savants, lorsqu’ils ont fait des sciences. Ce qui excuserait G. W. Hegel, entre autres, pour son De Orbitis qui assénait des certitudes contredites peu après par le télescope.


E / 2   Il faut se donner la peine d’examiner de près les cinq petits mais puissants écrits épistémologiques de Blaise Pascal :
Expériences nouvelles touchant le vide (1647)
Lettre au père Noël (29 octobre 1647)
Lettre à M. Le Pailleur (printemps 1648)
Au lecteur 
Traité de la pesanteur de la masse de l’air (1651-53)
On y trouvera une réflexion philosophique, véritablement rationnelle - selon nos critères actuels, mais aussi selon les critères baconiens (ceux de Francis Bacon, auteur, vers 1600, du fameux traité "De l’Avancement du savoir") - dirigée contre la "méthode cartésienne". Contrairement à ce qu’écrivit Vincent Jullien, Blaise Pascal n’admettait aucune interaction entre science et métaphysique, aucun recours à des "qualités occultes" du type de la vertu dormitive de l’opium immortalisée par Molière, aucun recours à des "définitions" circulaires ne définissant rien ; il reconnaissait à la raison expérimentale priorité sur les hypothèses désordonnées telles que l’existence d' un éther ou d’une matière subtile.

   Relativement au mouvement de la Terre, on trouve dans la table des Principes de la Philosophie de Descartes, en III, 28, " on ne peut pas proprement dire que la Terre ou les planètes se meuvent " ; puis, en III, 38-39, " suivant l’hypothèse de Tycho ... " Claude Allègre eut donc tort de parler de façon générale de "l’immobilité de la Terre" soutenue par Descartes. Mais la prudence du penseur du Cogito était telle qu’il est difficile de suivre Vincent Jullien se hasardant à vanter un " héliocentriste puissant et efficace ".

Descartes utile selon Condorcet :
" [Descartes] voulait étendre sa méthode à tous les objets de l’intelligence humaine ; Dieu, l’homme, l’univers étaient tour à tour le sujet de ses méditations. Si dans les sciences physiques, sa marche est moins sûre que celle de Galilée, si sa philosophie est moins sage que celle de Bacon, si on peut lui reprocher de n’avoir pas assez appris par les leçons de l’un, par l’exemple de l’autre, à se défier de son imagination, à n’interroger la nature que par des expériences, à ne croire qu’au calcul, à observer l’univers, au lieu de le construire, à étudier l’homme, au lieu de le deviner ; l’audace même de ses erreurs servit aux progrès de l’espèce humaine. Il agita les esprits, que la sagesse de ses rivaux n’avait pu réveiller. Il dit aux hommes de secouer le joug de l’autorité, de ne plus reconnaître que celle qui serait avouée par leur raison ; et il fut obéi, parce qu’il subjuguait par sa hardiesse, qu’il entraînait par son enthousiasme. " (Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, Huitième époque)
  L’historien des sciences William Whewell nota que Descartes récusait les travaux de Galilée ; on lit avec stupeur : " Pour les expériences que vous me mandez de Galilée, je les nie toutes " dans une lettre à Mersenne d'avril 1634. Descartes faisait, pour Whewell, piètre figure à côté du savant italien :
" Parmi les vérités en mécanique qui étaient facilement saisissables au début du XVIIe siècle, Galilée a réussi à en atteindre autant, et Descartes aussi peu, qu’il était possible à un homme de génie " (" Of the mechanical truths which were easily attainable in the beginning of the 17th century, Galileo took hold of as many, and Descartes of as few, as was well possible for a man of genius ", History of Inductive Sciences, 1847, VI, ii, tome 2, page 52).

   Descartes reconnut le principe d’inertie ; mais, comme pour Georg W. F. Hegel d’ailleurs, la liste de ses erreurs dans le domaine des sciences expérimentales est bien longue ; parmi ces erreurs :

- les tourbillons de matière subtile.
- six règles du mouvement (sur sept).
" Cette première règle cartésienne du mouvement est la seule qui soit parfaitement exacte. " (Leibniz, Remarques sur la partie générale des principes de Descartes, 2e partie)
" Selon Descartes, schéma bizarre "
Leibniz, Remarques sur la partie générale des principes de Descartes, 2e partie, " Sur l'art. 53",
traduction Paul Schrecker in Opuscules philosophiques choisis, Paris : Vrin, 1962.


- la génération spontanée.
- la "matière" calorique.
- le rejet des expériences de Galilée.
- la négation de l’attraction terrestre.
- la propagation plus rapide des sons aigus.
- la propagation des sons aussi rapides dans le sens du vent que contre le vent.
- la vitesse de la lumière plus élevée dans le milieu d’indice plus élevé.


E / 3  Il était donc assez cavalier de renvoyer dos à dos l’imperfection de la science à une époque donnée et les erreurs des philosophes,  ce qu'osa pourtant Jacques D’Hondt (né en 1920 en Indre-et-Loire - décédé le 10 février 2012 à Paris VIIIe) pour excuser Hegel : " Ce qui était vérité scientifique à l’époque de Hegel se trouve maintenant aussi périmé que les erreurs du philosophe" (Hegel et l’hégélianisme, Paris : Puf, 1982, colletion Que-sais-je ?, page 29). Ces erreurs de Hegel étaient relatives à la question dite des matières : éther, phlogistique (1), calorique, matière électrique ; en 1813, il imaginait leur compénétrabilité (Science de la logique, I, 2) ; en 1827, il les rejetait toutes, y compris donc l’électron (Encyclopédie des Sciences philosophiques). On sait que dans sa thèse de doctorat (le fameux De Orbitiis planetarum, août 1801), Hegel croyait avoir prouvé qu’il ne pouvait y avoir plus de sept planètes dans le système solaire ... ; ceci peu après la découverte de Cérès le 1er janvier 1801 par Giuseppe Piazzi.

   Invoquer en regard de ces erreurs la méthode qui permet de penser « librement », c’est tout d’abord jeter des doutes sérieux sur la valeur de la dite méthode ... C’est ensuite oublier qu’il ne s’agit pas seulement de penser librement, dans un fantasme de toute puissance de la pensée (fantasme qui relève très précisément d’une critique de la raison pure ; cf la colombe de Kant, oiseau imaginaire qui pensait son vol contrarié par l’air) ; il s’agit, surtout, de penser juste, donc en rapport permanent avec l’expérience du réel ainsi qu'avec la cohérence des concepts. La pensée scientifique ménage une place à la réalité extérieure qu’elle représente, précisément par le biais de la démarche expérimentale et de la spirale : hypothèse 1 - expérience - théorie - hypothèse 2 .... L’observation kantienne de la pratique déplorable du concept sans intuition, ou pensée vide (Critique de la raison pure, " Logique transcendantale ", I), c’est ce qui poussait déjà Leibniz à énoncer cette magnifique devise : « J’aime mieux un Loeuwenhoek [Antoni van Leeuwenhoek] qui me dit ce qu’il voit qu’un cartésien qui me dit ce qu’il pense. » (Lettre à Huyghens, 2 mars 1691).
   Vincent Jullien semble s’accorder avec Claude Allègre sur l’erreur que constituerait la conservation de la somme des quantités de mouvement (produit de la masse par la vitesse) dans le choc mécanique de deux solides ; elle se conserve effectivement, comme le savent les étudiants, mais vectoriellement seulement ; se conservent également, en mécanique classique (non relativiste), les grandeurs scalaires (numériques) que sont l’énergie cinétique totale et les masses (dans un référentiel donné). Pour Descartes, à qui faisait défaut la notion de vecteur (introduite au XIXe siècle), cette conservation des valeurs numériques (donc fausse) résultait "de ce que Dieu est immuable" ... (Les Principes de la Philosophie, II, 39).

  C’est ce recours à cette argumentation non scientifique, pour ne pas dire pitoyable, pré-aristotélicienne, recours déjà fort choquant au XVIIe siècle pour bon nombre de savants de cette époque, que Claude Allègre eut raison de signaler, le sauvant ainsi de l’oubli. L’esprit de la méthode et de la probité scientifiques résidait alors chez Bacon, Galilée et Newton, davantage que chez leurs critiques mal inspirés. Selon le Néerlandais Christian Huygens (1629-1695),
" M. Descartes avait trouvé la manière de faire prendre ses conjectures et fictions pour des vérités. Et il arrivait à ceux qui lisaient ses Principes de philosophie quelque chose de semblable qu’à ceux qui lisent des romans qui plaisent et font la même impression que des histoires véritables. " « En voulant faire croire qu’il a trouvé la vérité, comme il le fait partout […] il a fait une chose qui est de grand préjudice au progrès de la philosophie. » Remarques de Huygens sur la vie de Descartes par Baillet, éd. de Victor Cousin, Fragments philosophiques pour servir à l’histoire de la philosophie – Philosophie moderne, volume I, Paris, 1866, page 119.
Condorcet nota dans son éloge de Huyghens que celui-ci n'avait pas suivi, dans ses recherches sur les lois des chocs des corps, " cette métaphysique qui avait égaré son maître ". (Éloge de Hyughens, dans Œuvres complètes, tome 1, Mélanges de littérature et de philosophie, " Éloges des académiciens de l'Académie royale des sciences, morts depuis l'an 1666, jusqu'en 1699 ", Brunswick et Paris : An XIII = 1804).

VOLTAIRE : " Il faut avouer qu'il n'y eut pas une seule nouveauté dans la physique de Descartes qui ne fût une erreur. Ce n'est pas qu'il n'eût beaucoup de génie ; au contraire, c'est parce qu'il ne consulta que ce génie, sans consulter l'expérience et les mathématiques : il était un des plus grands géomètres de l'Europe, et il abandonna sa géométrie pour ne croire que son imagination. Il ne substitua donc qu'un chaos au chaos d'Aristote. Par là il retarda de plus de cinquante ans les progrès de l'esprit humain. Ses erreurs étaient d'autant plus condamnables qu'il avait pour se conduire dans le labyrinthe de la physique un fil qu'Aristote ne pouvait avoir, celui des expériences, les découvertes de Galilée, de Toricelli, de Guéricke, etc., et surtout sa propre géométrie. " Questions sur l'Encyclopédie, article "Cartésianisme".


NOTE

1. Matière imaginée par le chimiste allemand Georg Ernst Stahl (1659-1734) pour expliquer les réactions d’oxydo-réduction ; d’autre part Stahl recourait à l’âme comme principe d’explication des phénomènes biologiques. Les chimistes français Antoine Lavoisier (1743-1794) et Pierre Bayen (1725-1798) refusèrent  cette croyance en un "phlogistique".



vendredi 14 avril 2023

ATHÉISME ET LAÏCITÉ

Nietzsche sur l'athéisme


SOMMAIRE


I / Actualités du président Macron

" Radicalisation " de la laïcité, héritage intellectuel et culturel, expliquer le fait religieux. Travail sur la structuration de l'islam. Conseil des (19) sages de la laïcité et des valeurs de la République. " Il est normal de croire ". Face à des journalistes. Au dîner du CRIF. " Réparer " le lien entre l'Église et l'État. La civilité qu'il y a dans notre pays. Visite au Vatican. L'islam au Congrès. "1905, rien que 1905 ". la loi de 1905 est notre pilier ; être beaucoup plus dur à l'égard de toutes les formes de l'islamisme politique (conférence de presse du 25/4/19). Le voile dans l'espace public et lors des sorties scolaires. Réforme de la représentation des musulmans et liberté religieuse (vœux 2020 aux autorités religieuses). La juste définition de la laïcité. 40 fois !! Le séparatisme. Le Comité interministériel de la laïcité. Hanouka à l'Élysée.

I I / L'athéisme des origines à la fin du XVIIIe


Athéisme des anciens Grecs. Persécutions à la Renaissance et à l'époque moderne, prudence de Montaigne et Voltaire, audaces des Libertins. Frédéric Nietzsche. Pseudo-preuves et arguments. Monothéismes tous issus du petit axe asiatique Nazareth-Jérusalem-Bethléem-Hébron-Médine-La Mecque.


III / Athéisme depuis 1789


Naigeon, Condorcet, Schopenhauer, Stendhal, Flaubert, Nietzsche, Roger Martin du Gard, Gide, Sartre, Camus, Conche, Comte-Sponville, Quiniou, Onfray. Formulations.



IV/ a) Ancien régime.  Laïcité Avant la non-reconnaissance de 1905
(Illustration : Charlie Hebdo)

L'État civil, première séparation (depuis le décret du 20 septembre 1792.).
Article " Cléricalisme " dans le Dictionnaire de Block.
Premières lois laïques.

IV / b) Laïcité Concept de laïcité française depuis 1905

La laïcité française n'est ni la seule séparation, ni la seule coexistence des religionsLa laïcité n'est pas un athéisme d'État, mais pas non plus le silence de l'athéisme dans l'espace public. Principes : loi du 8 décembre 1905 et décret du 6 février 1911. Loi jugée " gravement injurieuse envers Dieu " (Vatican, 1906), " une très pernicieuse erreur " (Vatican, 1907). Exceptions territoriales. Le Conseil constitutionnel et l'article 2. La question des crèches. Dérives de la Ligue de l'enseignement, d'Amnesty International et de la FCPE.


V / Ce n'est pas au christianisme que l'on doit la laïcité
 C'est bien à tort que l'on invoque " Rendez à César... ". Religion d'État à Rome. Édits de Saint-Germain, de Nantes, de Fontainebleau (révoquant celui de Nantes), de Versailles. Syllabus de 1864. Loi dite " de séparation " jugée par le Vatican " gravement injurieuse pour Dieu " (1906) et " très pernicieuse erreur " (1907). Sur une réunion du Cercle Condorcet de Montluçon en février 2018.


VI / Appendices

* * * * *

ATHÉISME ET LAÏCITÉ

NB. Tous les passages mis en gras sur cette page le sont par moi Cl. C.

I / Actualités du président Macron

a)
Le président Emmanuel Macron reçut le 21 décembre 2017 à l'Élysée les responsables des six principales religions (catholique, protestante, orthodoxe, musulmane, juive et bouddhiste) pendant " près de deux heures " (AFP).

" Il [Macron] a dit : " C'est bien la République qui est laïque et non la société, les cultes peuvent s'exprimer dans l'espace public", s'est réjoui ce pasteur réformé, qui assure la présidence tournante de la Conférence des responsables de culte en France (CRCF). Selon le grand rabbin de France, Haïm Korsia, Emmanuel Macron " ne comprend pas certaines situations qui relèvent d'une obsession. Il a parlé de "radicalisation de la laïcité". C'est une très belle formule, d'ailleurs "." Il s'est interrogé de manière critique sur la radicalisation de la laïcité au détour d'une phrase, en se disant vigilant là-dessus ", a abondé le pasteur Clavairoly. " (Le Figaro).

Réaction de Manuel Valls : " Je ne comprends pas l'idée d'une laïcité radicalisée. D'une manière générale je n'aime pas l'idée des adjectifs attachés à la laïcité: la laïcité 'ouverte' contre la laïcité 'radicalisée', a assuré ce mardi 9 janvier Manuel Valls sur Europe 1. Je ne l'accepte pas, c'est une manière d'ailleurs de disqualifier les avocats, les défenseurs de la République et de la laïcité. ". " Le vrai danger dans la société française, c'est l'islam radical, c'est l'islamisme radical, ce n'est pas la laïcité radicalisée. Faire un parallèle à travers cet adjectif 'radicalisé' entre les deux me paraît une faute. " " Je ne suis pas d'accord. Je pense que notre société est profondément laïque et qu'il faut la défendre. "

Manuel Valls avait raison ; en déplorant une " radicalisation de la laïcité ", le Président Macron cautionnait une fausse symétrie avec les islamistes dits " radicalisés ", assassins surtout. Ce qui est éminemment regrettable.


Rappel (une bonne loi à l'intitulé malheureux) :



Selon le Guide de légistique, l'intitulé n'a aucune valeur normative ; en cas d’erreur matérielle à la publication, il ne sera donc pas procédé à un rectificatif, sauf cas exceptionnel.
Le contenu de l'article 2 de cette loi correspond clairement à une séparation des cultes et de la République. La description fautive (Églises, État) figure encore, hélas, dans la Charte de la laïcité (de 2013).
b)
Président Macron, 4 janvier 2018 : « Ce sécularisme à la française, qui parfois surprend nos voisins, est un ciment puissant dans notre pays qu’ont déchiré tant de guerres de religions où la religion est inscrite dans l’héritage intellectuel, culturel, social. Cela donne à l’État une position de surplomb et d’arbitre qui lui permet de ne pas sans cesse rejouer sa légitimité politique à l’aune des débats spirituels. Mais cette neutralité ne va pas sans quelque pédagogie et nous avons commencé à en discuter en décembre dernier, car on a trop vite fait d’inférer de cette neutralité de l’État une absence. La laïcité organiserait ainsi une sorte de vide métaphysique à l’intersection de toutes les croyances. Consciente que l’individu nourrit toujours une interrogation existentielle que le vide inquiète, insécurise, la laïcité se ferait alors forte de venir elle-même peupler cette zone neutre et d’incarner une sorte de foi républicaine forgée par des valeurs, des traditions érigées à leur tour en croyance universelle sur le modèle lointain du culte de l’être suprême des Jacobins. D’aucuns y rêvent encore mais ce culte-là a fait long feu.
[...]
Ce que Hannah ARENDT appelait la sanction transcendante dans le domaine politique tenté par le culte de l'Être suprême n'est en rien le sens de notre laïcité française. Et je ne souhaite pas qu'une religion d'État soit substituée de cette manière aux religions. Mais pas davantage la religion ne saurait colorer la vie politique de la nation. Je serais aussi, toujours vigilant à cet égard face aux tentatives de faire revenir par la fenêtre politique ce qui est sorti par la porte du religieux. Et je sais, comme vous, que certains tentent d'instaurer avec les pouvoirs publics, une forme de rapport de force autour de la mise en œuvre de telle ou telle croyance, oubliant là aussi, le fil de notre histoire et voulant la faire bégayer.
[...] Je récuse les stratégies d'entrisme comme les coups de force militants. Notre force, votre force, c'est que vous ne participez pas de la puissance publique et par conséquent que vous ne la légitimez pas. Et cette distinction fondamentale des Ordres est un acquis précieux pour vous comme pour la République car ce sont fondamentalement les principes de liberté d'association et de conscience qui régissent vos organisations respectives. Et de cette distinction ne saurait pour autant découler une quelconque ignorance, qui ne serait que méconnaissance par exclusion.
[...]
Nous avons commencé à mettre en place ce sur quoi nous sommes engagés en terme d'enseignement, de formation des enseignants, indispensable pour que le bon exercice de la laïcité se fasse, qu’il permette à des enseignants placés dans des situations d'extrême difficulté d'être armés, en quelque sorte, pour expliquer l'histoire de notre pays, mais aussi le fait religieux dans sa plénitude.
[...]
Nous devons avoir un travail sur la structuration de l'islam en France qui est la condition même pour que vous ne tombiez pas dans les rets des divisions de votre propre religion et de la crise qu'elle est en train de vivre sur le plan international. » (Discours des vœux du Président de la République aux autorités religieuses).

La laïcité ne doit pas se réduire à la seule coexistence des religions, au seul pluralisme des archaïques croyances religieuses, c'est-à-dire à une laïcité multi-confessionnelle. une laïcité-tolérance à la Locke, dont l'incroyance serait exclue.

c)
Conseil des 19 Sages :
Le ministère de l'Éducation nationale se dote d'un Conseil des sages de la laïcité, composé d'experts issus de tous les horizons, pour préciser la position de l'institution scolaire en matière de laïcité.
[1] La sociologue Dominique Schnapper, fille de Raymond Aron, sociologue et politologue, directrice à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), membre honoraire du Conseil constitutionnel, présidente.
[2] Le formateur d'enseignants Jean-Louis Auduc, agrégé d'histoire, directeur honoraire des études à l’INSPE - Université Paris Est de Créteil.
[3] Le producteur et animateur de radio Ghaleb Bencheikh (France Culture), président de la Fondation de l'Islam de France, président de la Conférence mondiale des religions pour la paix.
[4] L'inspectrice générale de l'Éducation nationale (Groupe permanent et spécialisé - histoire et géographie) Catherine Biaggi.
[5] Abdennour Bidar, normalien de l'ENS de Fontenay-Saint-Cloud, professeur agrégé de philosophie, inspecteur général Établissements et vie scolaire, auteur de Un islam pour notre temps (2004), ancien "M. laïcité" de la rue de Grenelle, membre de l'Observatoire de la laïcité d'avril 2013 à juin 2021 ; membre du Comité Consultatif National d’Éthique (" désigné par le Président de la République et appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles " ) ; membre du Conseil scientifique auprès de la  Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH). Il se définit comme " un philosophe de l'islam ". Il écrivit ces lignes assez surprenantes :
« Il faut aller voir ailleurs, réfléchir du dehors, sortir du cadre de la pensée et de la culture occidentales modernes. C'est ce que j'ai entrepris d'un point de vue islamique. En 2008, dans /L'Islam sans soumission/, j'ai essayé de montrer comment l'islam peut être relu à partir du présent comme " religion de la sortie de la religion " [...] Grâce à une exégèse renouvelée des versets du Coran — fondement de l'anthropologie islamique — j'ai montré que l'être humain y est désigné comme le "successeur" (khalîf) de Dieu, le destinataire historique de sa puissance créatrice. » Comment sortir de la religion, I, 3, Paris : La Découverte, 2012. (Sortir de la pensée occidentale ?... Que l'islam y entre, plutôt !!)
« Les textes sacrés recèlent les paroles les plus prodigieuses que l'humanité ait prononcées sur elle-même. Rien ne les égale. Rien n'a été dit de plus profond sur le plus profond de l'homme. Ce qui a été dit et pensé par l'intelligence humaine en dehors d'eux depuis des millénaires n'est que leur écho. » Comment sortir de la religion, II, 5. (Quid de la philosophie, de la science et du théâtre grecs ??)
[6] Gwenaële CALVÈS, Professeure de droit public à l’université de Cergy-Pontoise
[7] Christophe Capuano, professeur d'histoire contemporaine à l’université de Grenoble-Alpes, chercheur au Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes et président du jury du Prix Samuel-Paty.
[8] Médéric Chapitaux, formateur, docteur en sociologie du sport, chercheur en sciences sociales du sport.
[9] Monique Dagnaud, sociologue, directrice de recherche émérite au CNRS, spécialiste des réseaux sociaux.
[10] Christine DARNAULT, directrice de cabinet adjointe du recteur, en charge de la pédagogie et des politiques éducatives et référente déontologue pour l’académie de Créteil.
[11] Jacques FREDJ, historien et directeur du mémorial de la Shoah.
[12] Olivier Galland, sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS, membre du comité de rédaction de la Revue française de sociologie et directeur du GEMASS, le Groupe d'Étude des Méthodes de l'Analyse Sociologique de la Sorbonne, spécialiste des problèmes de la jeunesse.
[13] Delphine GIRARD, professeure de lettres classiques au collège de Sucy-en-Brie (académie de Créteil).
[14] Thomas HOCHMANN, Professeur de droit public à l’Université Paris Nanterre.
[15] Le journaliste et essayiste Patrick Kessel, ancien grand maître du Grand Orient de France (GOdF).
[16] La philosophe Catherine Kintzlerprofesseur honoraire de philosophie à l'université de Lille, signataire de la tribune " Non au séparatisme islamiste ".
[17] La juriste Frédérique de La Morena, docteure en droit public, maître de conférences à l'université de Toulouse 1 Capitole, membre du Conseil « Toulouse Fraternité-Conseil de la Laïcité » de la municipalité de Toulouse.
[18] Vincent PLOQUIN, associé aux travaux du Conseil en sa qualité d’adjoint à la directrice des libertés publiques et des affaires juridiques, chargé des fonctions de sous-directeur de la laïcité au ministère de l’Intérieur.
[19] Alain POLICAR, agrégé de sciences sociales, docteur en sciences politiques, chercheur associé au Cevipof (Sciences Po).
(Liste exacte à la date du 21 avril 2023).


d)
Le président Macron, 13 février 2018 : « Je crois en une forme de transcendance, oui. C’est d’ailleurs pour cela que je respecte éminemment la place que les religions occupent dans notre société. Je considère que d’un point de vue presque anthropologique, il est normal que nos concitoyens croient dans des religions, des formes métaphysiques, cela fait partie de la vie en société. De ce qui peut être nécessaire pour l’homme. On ne doit pas gommer cette part irréductible ». (Macron face aux journalistes, sans caméras).

e)

" [...] L'école est le cadre républicain dans lequel se construit ce rapport à l'autre. Et je dois vous le dire ici, j'ai constamment cherché à avoir cette vision, certains ont parfois pensé qu'elle n'était pas assez dure ou assez ferme de la laïcité, je crois qu'elle est conforme à l'esprit de 1905. La laïcité, c'est la possibilité, et au premier chef à l'école de croire ou de ne pas croire. Et la laïcité elle échoue à chaque fois, qu'on laisse à l'école des messages ou des comportements se faire à l'encontre de quelqu'un parce qu'il est ou parce que sa religion est celle-ci ou celle-là, mais nous sommes aussi en échec à chaque fois que nous ne savons pas donner sa place à chacun en le laissant croire et en ayant sa part privée de religion. Et aujourd'hui nous devions bien regarder en face les choses et elles contribuent d'ailleurs de cette espèce de République qui se compartimente, que vous avez évoquée. Je me battrai de toutes mes forces contre des endroits de la République ou des jeunes enfants parce qu'ils sont juifs doivent partir. J'ai vu comme vous des écoles dans des quartiers où on me disait qu'un jeune enfant avait dû rejoindre une école privée sous contrat ou une école privée parce qu'il ne pouvait plus rester dans l'école de la République, c'est une honte et cela, je veux qu'ensemble nous puissions réduire au sens quasi militaire du terme, par ce combat éducatif, par cette restauration de la laïcité, mais nous devons aussi et cette tendance existe depuis des années, tout faire pour que les jeunes enfants juifs puissent rester dans l'école de la République. Et j'ai, je dois vous le dire, une tristesse aussi réel quand je vois parce que la situation, la tension est ainsi à son paroxysme dans notre pays, des parents qui décident que leurs enfants vont quitter l'école de la République, parce qu'on n'a pas réussi à faire que les examens les plus importants, n’étaient plus organisés le samedi matin et que ce qui s'est toujours fait, ce qui s'est toujours fait dans le cadre de la laïcité dans l'école de la République, de manière dépassionnée, il ne faut pas parler d'accommodement puisque maintenant, ça a été repris par nos Canadiens, qui ont une vision multi culturaliste que nous n'avons pas, mais la laïcité, pardon mais c'est la réalité, je crois à la laïcité de 1905, mais la laïcité de 1905, elle a toujours été la sœur du bon sens républicain. Et le bon sens républicain, c'est que chacun soit là et c'est qu'un petit enfant de la République qu'il soit juif, qu’il soit musulman, qu’il soit protestant, qu’il soit catholique, il doit être dans l'école de la République au maximum parce que c'est là qu'il recevra l'enseignement la République et parce que c'est là qu'il apprendra à vivre avec l'autre. Et c'est parce que c'est ça le cœur de la laïcité. [...] "

" 726 mots ", L'ÉDITO par Riss, Charlie-Hebdo N° 1338, 14 mars 2018, page 3.

Président Macron : « Nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer. [...] Les liens les plus indestructibles entre la nation française et le catholicisme se sont forgés dans ces moments où est vérifiée la valeur réelle des hommes et des femmes. Il n’est pas besoin de remonter aux bâtisseurs de cathédrales et à Jeanne d’Arc : l’histoire récente nous offre mille exemples, depuis l’Union Sacrée de 1914 jusqu’aux résistants de 40, des Justes aux refondateurs de la République, des Pères de l’Europe aux inventeurs du syndicalisme moderne, de la gravité éminemment digne qui suivit l’assassinat du Père HAMEL à la mort du colonel BELTRAME, oui, la France a été fortifiée par l’engagement des catholiques.
[...]
M’aveugler volontairement sur la dimension spirituelle que les catholiques investissent dans leur vie morale, intellectuelle, familiale, professionnelle, sociale, ce serait me condamner à n’avoir de la France qu’une vue partielle ; ce serait méconnaître le pays, son histoire, ses citoyens ; et affectant l’indifférence, je dérogerais à ma mission. Et cette même indifférence, je ne l’ai pas davantage à l’égard de toutes les confessions qui aujourd’hui habitent notre pays.
Et c’est bien parce que je ne suis pas indifférent, que je perçois combien le chemin que l'État et l'Église partagent depuis si longtemps, est aujourd'hui semé de malentendus et de défiance réciproques.
[...]
Je suis convaincu que la sève catholique doit contribuer encore et toujours à faire vivre notre nation.  »


g) 15 avril 2018

AFP/Le Point : " En appelant à une « bataille pour l'émancipation » sur le voile, jugé « pas conforme à la civilité », Emmanuel Macron semble avoir raidi son discours sur l'islam tout en affichant sa volonté de nouer des relations « pacifiées » avec les cultes. Dimanche [15/4] soir, lors du long entretien accordé à BFM TV-RMC et Mediapart, le chef de l'État a dit vouloir « être sûr [...] qu'aucune femme ne soit obligée » de porter le foulard islamique. "

Interrogé sur le rejet supposé du voile dans une partie de la population française, le Président avait dit :
« Pourquoi cela nous insécurise ce voile ? C'est que  ça n'est pas conforme à la civilité qu'il y a dans notre pays, c'est-à-dire au rapport qu'il y a entre les hommes et les femmes dans notre pays ; nous sommes attachés et ça c'est très républicain, c'est même révolutionnaire  à cette égalité entre l'homme et la femme, citoyens citoyennes et donc nous ne comprenons pas qu'il y ait cette différence, cette distance, cette séparation ; c'est ça un peu le voile et donc c'est ça qui vient bousculer notre philosophie profonde, notre vie ensemble. »

h) Visite au Vatican, 26 juin 2018


Notamment : " La laïcité, ce ne serait pas une pudibonderie contemporaine qui consisterait à dire « ne me parlez pas de religion » ! « Cachez cette religion », ou « cette croyance que je ne saurais voir » ! Elle est partout dans la société ! Et nous en avons anthropologiquement, ontologiquement, métaphysiquement besoin. Certains comblent ce besoin dans des convictions philosophiques, d’autres, dans un agnosticisme revendiqué. Mais cela est là. Et donc la présence, ma présence ici avec l’ensemble des membres de la délégation, et le fait d’être présent à cette cérémonie et dans ce lieu multiséculaire avec vous témoigne de ce « en même temps revendiqué ». "

i) Discours du Congrès, 9 juillet 2018 (lien vers texte sur elysee.fr)

Ma transcription d'après la vidéo : " [...] L’ordre républicain, c'est aussi cette nécessité de ramener dans le giron de la République des pans de la société qui s'en sont éloignés. La République n'a aucune raison d'être en difficulté avec l'islam, pas davantage qu'avec aucune autre religion. La laïcité du reste commande qu'elle n'ait pas à en connaître et veut simplement que soit garantie à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire.

Mais il y a une lecture radicale, agressive, de l'islam, qui se fixe pour but de mettre en cause nos règles et nos lois de pays libres, de sociétés libres, dont les principes n'obéissent pas à des mots d'ordre religieux. Il faut que tout le monde sache qu'en France, la liberté individuelle, la liberté de penser, la liberté de critiquer, l'égalité des femmes et des hommes, le respect des choix individuels, tant qu'ils n'attentent pas aux droits des citoyens, sont des principes intangibles.

Il faut que tout le monde sache que nulle mise en cause de ces principes ne peut être acceptée sur le fondement d’un dogme religieux.

La laïcité, c’est le respect réciproque, respect de la société et de l’État à l’égard des croyants ; respect des croyants à l’égard de la société et des principes d’un État qui appartient à tous.

Et je sais que l’immense majorité de nos concitoyens musulmans le savent, le partagent, l’approuvent, et sont prêts à participer à cette affirmation de notre République. C’est pourquoi, dès l’automne, nous clarifierons cette situation en donnant à l’islam un cadre et des règles garantissant qu'il s’exercera partout de manière conforme aux lois de la République.

Nous le ferons avec les Français dont c’est la confession et avec leurs représentants. L’ordre public, la civilité ordinaire, l’indépendance des esprits et des individus à l’égard de la religion, ne sont pas de vaines paroles en France, et cela impose un cadre rénové, une concorde retrouvée. [...] "


j) 2018
MARDI4SEPTEMBRE

AGENDA DU PRÉSIDENT


19 h 30 Participation aux cérémonies de Roch Hachana (Grande Synagogue de Paris) "

Le président Macron ne tenait donc aucun compte des critiques des milieux laïques sur ses précédentes atteintes à la laïcité (atteinte à la non reconnaissance et à la séparation des cultes et de la République).


k)
Paris, le 7 septembre 2018
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Réception des principales obédiences maçonniques françaises par le Président de la République.
" Le Président de la République a reçu le mercredi 5 septembre 2018 les principales obédiences maçonniques françaises pour un dîner de travail, en présence du ministre d’État, ministre de l’Intérieur.
Aucun ordre du jour n’avait été établi, de façon à laisser les obédiences interpeller le Président sur les sujets de leur choix. [Ce dîner de travail ne figurait pas à l'agenda du Président].
Sur la laïcité, qui a fait l’objet d’échanges nourris, le Président a tenu à nous rassurer, affirmant que le texte de la loi du 9 décembre 1905 restait la référence, et qu’il n’était pas question d’étendre le Concordat d’Alsace-Moselle, même si celui-ci a vocation à perdurer.
[...]
Concernant les rapports avec les religions et l’allusion au « lien entre l’Église et l’État » évoqué dans son discours des Bernardins, le Président de la République a indiqué que pour lui il doit bien y avoir un lien de l’État avec chacune des religions et avec chacune des conceptions philosophiques, se référant à l’esprit de Briand plutôt qu’à celui de Combes. Il ne veut pas que les Français deviennent « des puritains », et il veut tenir ferme sur les valeurs de la République. "
[...]
Signé par :
Grand Orient de France
Droit Humain
Grande Loge de France
Grande Loge Féminine de France
Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra
Grande Loge Mixte Universelle
Grande Loge Mixte de France
Grande Loge des Cultures et de la Spiritualité


l)
Propos liminaire, conférence de presse, 25 avril 2019 :
" La laïcité, c’est la possibilité de croire en Dieu ou de ne pas y croire, de pouvoir vivre ensemble dans la concorde et le respect, et de respecter absolument les règles de la République, de n’être jamais ennuyé par ce que l’on croit, mais de ne jamais imposer dans le champ de la société sa religion, déroger aux règles de la République pour ce faire. À ce titre, la loi de 1905 est notre pilier. Elle est pertinente, elle est le fruit de batailles, elle doit être réaffirmée et pleinement appliquée ; et je le dis ici avec force. Et d’ailleurs, nous avons renforcé son application ces derniers temps. Nous l’avons renforcé en fermant des écoles lorsqu’elles ne respectaient pas les lois de la République, en fermant davantage d'associations ou d'établissements cultuels ou culturels lorsqu'ils ne respectaient pas les règles de la République, au titre même de ce principe ou de l'ordre public ou de la lutte contre le terrorisme. Mais aujourd'hui, nous ne devons pas nous masquer : quand on parle de laïcité, on ne parle pas vraiment de laïcité. On parle du communautarisme qui s'est installé dans certains quartiers de la République. On parle d'une sécession qui s'est parfois sournoisement installée parce que la République avait déserté ou n'avait pas tenu ses promesses. On parle de gens qui au nom d'une religion poursuivent un projet politique, celui d'un islam politique qui veut faire sécession avec notre République. Et là-dessus, j'ai demandé au gouvernement d'être intraitable. Nous avons commencé à le faire, avec une politique ambitieuse de reconquête républicaine dans plusieurs quartiers, je souhaite que nous allions plus loin, en renforçant le contrôle sur les financements venant de l'étranger, en étant beaucoup plus durs à l'égard de toutes les formes de cet islamisme politique, de ce communautarisme, de cette sécession au sein de notre République, parce que c'est une menace sur la capacité à tenir la nation ensemble. " (Ma transcription d'après la vidéo, seul le prononcé faisant foi).


" Gabriel Attal contre l'interdiction du voile lors des sorties scolaires
Le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation s'oppose à un amendement proposé par les sénateurs LR dans le cadre de la future loi sur l'école. " (Le Point/AFP, 21 mai 2019).
Article L. 141-5-1 du Code de l'éducation tel qu'amendé par le Sénat le 15 mai 2019 :
" Dans les écoles, les collèges et les lycées publics « et lors des sorties scolaires organisées par ces établissements », le port de signes ou tenues par lesquels les élèves « ou les personnes concourant au service public de l'éducation » manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. "

* * * * *
m) Le président Macron a bien semblé contredire la séparation constitutionnelle des cultes et de la République. En s'adressant de façon régulière in situ à des responsables religieux, en valorisant " d’un point de vue presque anthropologique " le fait de croire, en en faisant quelque chose " qui peut être nécessaire ", à " ne pas gommer ", en disant vouloir réparer le lien " abîmé " entre l’Église et l’État, en insistant sur l'idée qu' " il doit bien y avoir un lien de l’État avec chacune des religions ", il considère les incroyants comme des minus habens et rompt la neutralité de l'exécutif de l'État en ce domaine, comme l'avait fait peu après son élection le président Nicolas Sarkozy en comparant les rôles respectifs de l'instituteur et du curé :
Bien sûr, ceux qui ne croient pas doivent être protégés de toute forme d'intolérance et de prosélytisme. Mais un homme qui croit, c'est un homme qui espère. Et l'intérêt de la République, c'est qu'il y ait beaucoup d'hommes et de femmes qui espèrent. La désaffection progressive des paroisses rurales, le désert spirituel des banlieues, la disparition des patronages, la pénurie de prêtres, n'ont pas rendu les Français plus heureux. C'est une évidence. [...] Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. " (Discours au Palais du Latran, 20 décembre 2007).


 

Notons que l'un et l'autre n'ont jamais envisagé le moindre projet de loi relatif à une modification des principes du titre Ier de la loi du 9 décembre 1905. En notant que le tchador n'est  " pas conforme à la civilité qu'il y a dans notre pays " (15 avril 2018), le président Macron fit toutefois savoir que le droit de manifester sa religion en public n'est ni absolu ni illimité ; ceci en conformité avec l'esprit de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation complète du visage dans l'espace public. " La loi de 1905 est notre pilier. Elle est pertinente " a-t-il déclaré le 25 avril 2019La prochaine révision constitutionnelle offrira l'occasion d'inscrire dans la Constitution les trois principes de la loi de décembre 1905 (liberté de conscience, libre exercice des cultes, séparation des cultes et de la République).


" Loi de 1905 : les choix de Macron " par Ivanne Trippenbach, L'Opinion, 5 novembre 2018

Les faits -- Ce dossier est l’un des plus sensibles du quinquennat. Le pouvoir ne peut qu’encourager l’organisation de l’islam de France qui revient aux seuls musulmans. Mais il ne peut pour autant rester inactif face aux dérives intégristes. Après un an et demi de cogitation au sommet de l’État, la répartition des rôles se dessine. Pendant que les fidèles imaginent des schémas de financement du culte, le gouvernement veut sévir sur l’ordre public. Comment ? En réformant la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat.

L’idée trottait depuis des mois dans la tête du chef de l’État. Ecartée, dans un premier temps. Puis verbalisée comme une conviction intime : il faut amender la loi de 1905. Un acte politiquement explosif. «Cette loi est un faux totem, elle a déjà été réformée une quinzaine de fois», désamorce-t-on dans l’entourage du Président. En janvier, une disposition glissée dans le projet dit « droit à l’erreur » prévoyait de retoucher légèrement la loi de 1905, pour élargir les ressources propres des associations cultuelles en les autorisant à louer des immeubles… Innovation peu défendue par Gérald Darmanin, supprimée par les députés. Mais la même loi a ouvert la possibilité de dons par SMS aux cultes, modernisant l’article 21 de la loi de 1905 !

Cette fois, un projet de texte dans les tuyaux va bien plus loin. Il s’agit ni plus ni moins d’adapter la loi du siècle dernier à la poussée de l’intégrisme islamiste. Sans toucher au sacro-saint article premier, en vertu duquel «la République assure la liberté de conscience» et «garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public». Ni à l’article 2, fondement de la neutralité de l’Etat : «La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte». Ce que le gouvernement veut ripoliner s’étale entre les articles 18 et 36, soit un tiers de la loi : le régime des cultes.

Tampon administratif. « Les objectifs sont de responsabiliser les gérants des lieux de culte, de prévenir les dérives et de réduire l’influence étrangère», énumère une source élyséenne. Dans l’avant-projet à l’étude, un article 19 crée une «qualité cultuelle» des associations – sorte de label reconnu par l’Etat — pour mieux les identifier. Aujourd’hui, les quelque 4 000 associations cultuelles ont le statut d’association loi 1901 classique, assorti de certaines caractéristiques pour être régies par la loi de 1905. Mais, chose courante dans le culte musulman, certaines structures préfèrent rester sous le régime général loi 1901. Le ministère de l’Intérieur souhaite inciter toutes les associations cultuelles à se déclarer comme telles. Pour bénéficier du régime de la loi 1905 et des avantages fiscaux associés, une association devra alors passer par une « démarche obligatoire et préalable de reconnaissance» de sa qualité cultuelle auprès du préfet, pour une «durée renouvelable de cinq ans ». Ce tampon administratif pourra lui être retiré si elle manque à ses obligations. Et elles sont nombreuses.

Les associations cultuelles «sont exclusivement formées pour l’exercice public d’un culte ou pour le soutien à cet exercice. Elles ne peuvent avoir d’autre objet», clarifie un nouvel article 18. En outre, elles «ne doivent pas porter atteinte à l’ordre public» ni «mener ou prôner des activités contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution», rappelle cet article. Une évidence que l’exécutif entend inscrire dans la loi de référence sur la laïcité.

Ce n’est pas tout. À l’article 19, une disposition « antiputsch » doterait les associations d’un bouclier juridique contre les « prises de contrôle inamicales », selon la note préparatoire : pas de recrutement d’un ministre du culte, de modification des statuts ou de cession d’un bien immobilier sans délibération collégiale de l’association. L’idée est de « lutter contre la captation de l’enceinte cultuelle par des prédicateurs radicaux », indique l’annexe du projet. À Épinay-sur-Seine, un imam salafiste a tenté entre 2011 et 2012 de prendre le contrôle de la mosquée contre la volonté de l’association gérante. De même à Lyon, dans le quartier de la Duchère, jusqu’en 2016.

Transparence des financements. Mais le nerf de la guerre, identifié de longue date, reste l’argent.
« Il nous faut avoir la transparence des financements», a déclaré Christophe Castaner au micro de RTL lundi dernier. Voilà pourquoi un pan entier de la réforme de la loi de 1905 vise les ressources des cultes. En plus des cotisations, du produit des quêtes et collectes, et des rétributions pour les services religieux, les associations cultuelles «peuvent posséder et administrer tout immeuble » pour en tirer des revenus locatifs, affectés au culte, prévoit l’avant-projet. Cette disposition doit favoriser leur autonomie financière. Avortée en janvier du fait des réticences dans la majorité parlementaire, elle devrait susciter de vifs débats au Parlement.

Autre bouffée d’oxygène : alors que les associations cultuelles ne reçoivent aucune subvention publique, la future réforme prévoit une exception « pour réparations et rénovation énergétique » des édifices religieux. Actuellement, seuls les édifices bâtis avant 1905 – qui appartiennent à l’Etat et aux communes – ainsi que le patrimoine religieux classé monument historique bénéficient de ces deniers publics. La contrepartie ? Une comptabilité transparente. L’avant-projet oblige les associations cultuelles à établir des comptes annuels, avec un état séparé des lieux de culte. Cette comptabilité serait soumise au contrôle financier de la Cour des comptes, compétence nouvelle pour les magistrats de la rue Cambon. L’association contrevenante encourrait une amende de 9 000 euros (comme les sociétés anonymes). De quoi «rassurer de nombreux donateurs potentiels qui s’inquiètent de l’usage fait des dons», précise le document gouvernemental.

Influence étrangère. Diversifier les ressources privées doit limiter, à terme, l’influence étrangère sur le sol français. Le financement public des cultes étant interdit en France, les musulmans se tournent vers l’Algérie, le Maroc, la Turquie ou les pays du Golfe pour trouver des fonds. En 2016, une enveloppe marocaine de 6 millions d’euros a bénéficié aux mosquées françaises, dont celle d’Évry. L’Arabie Saoudite a transféré 800 000 euros pour construire la Grande mosquée de Saint-Denis et 900 000 pour celle de Strasbourg. Et, comme L’Opinion le révélait dans une enquête sur les liens entre Gérard Collomb et la Grande mosquée de Lyon, les autorités françaises ne disent pas non à ces coups de pouce de l’étranger…

L’exécutif envisage de virer de bord. « Sont soumis à déclaration à l’autorité administrative les dons manuels, apports en nature et contributions volontaires » consentis par un Etat étranger, une personne morale étrangère ou un particulier non-résident en France, dès lors qu’ils dépassent 10 000 euros. Idem si le total des financements émanant d’un même Etat étranger dépasse 10 000 euros sur un an. L’administration pourra s’y opposer « aux fins d’assurer le respect de l’ordre public et de la sécurité publique».

Mais pas pour n’importe quel motif. Par exemple, lorsque l’association, ou son dirigeant, a commis un crime ou un délit passible d’au moins 3 ans de prison. Ou quand il existe des «raisons sérieuses de penser» que le donateur est « susceptible de commettre des infractions pénales » comme du trafic de stupéfiants. Ou lorsque, dans le lieu de culte, « les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination, à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes ». Un don de l’étranger non déclaré expose l’association à une amende égale au quart de la somme, assortie d’une possible confiscation. Le tout pour « réduire les capacités d’influence et de mainmise d’acteurs étrangers étatiques, para-étatiques et privés », précise la note préparatoire. Au printemps, Emmanuel Macron s’en est ouvert au roi du Maroc, Mohammed VI. «Nos partenaires étrangers comprennent nos impératifs», assure-t-on dorénavant à l’Elysée.

Police des cultes. Pour finir, l’exécutif veut étoffer le titre V sur la police des cultes. Mieux réprimer les infractions des prédicateurs, tel est le but des articles 25-1, 29, 31, 34, 35, 35-1 et 36 du projet. Une entrave à l’exercice du culte par des « menaces » ? Passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Avec « coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations » ? Trois ans et 45 000 euros. « Inciter directement autrui à ne pas respecter les lois ou les ordres de l’autorité publique », que ce soit par « des discours » ou par « des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image » ? 12 000 euros. L’interdiction de tenir des réunions politiques dans les lieux religieux serait quant à elle renforcée.

« Cette réforme du régime des cultes va être très, très, très dure, souligne un spécialiste du dossier dans la sphère gouvernementale. La méconnaissance sur le sujet entraîne des fantasmes et des approximations immenses »... Dans ce débat, le gouvernement devra réaliser des miracles de pédagogie. Un discours du président de la République devrait poser le premier jalon d’ici janvier. Le projet de loi, s’il tient, sera déposé au Parlement début 2019. [PjL non déposé fin octobre 2019].


En 2019, pas de Discours des vœux du Président de la République aux autorités religieuses ; mais 
Lundi 7 janvier 9 h
Entretien avec les membres du Conseil français du culte musulman (CFCM) en présence du Premier ministre et de M. Christophe CASTANER, ministre de l’Intérieur.
Jeudi 10 janvier 9 h
Réunion avec les représentants des cultes en présence du Premier ministre et de M. Christophe CASTANER, ministre de l’Intérieur.

" 1905, rien que 1905 ", répond le président lors du débat avec les intellectuels sur France Culture, le 18 mars 2019.


De Paul Ricœur, qui rééduqua notre président sur le plan philosophique :
« Notre laïcité ne peut être perçue par les musulmans que comme une idée folle issue d'une religion fausse ; lorsqu'un imam entend dire que les lois de la République sont supérieures à celles de la religion, il entend quelque chose qui est tout simplement inconcevable pour lui. » (La Critique et la conviction, " Éducation et laïcité ", Paris : Calmann-Lévy, 1995, page 203).
" Alors que 8 français sur 10 se disent "inquiets" pour la laïcité, Emmanuel Macron explique : " il y a la question de l'islam, d'une religion ". " Je m’apprête à voir les représentants français du culte musulman (lundi 28 octobre, NDLR), je vais continuer ce travail mais il doit d'abord se faire à bas bruit parce qu'on a souvent échoué. Et je prendrai des mesures et je ferai des annonces ensuite dans les semaines qui suivent ", annonce le chef de l'État. " (RTL, 27 octobre 2019).


Agenda présidentiel 2019
Représentants déjà rencontré le 21 décembre 2017,
le 4 janvier 2018 (pour les vœux) et le 7 janvier 2019.

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Extrait du discours du président Macron au congrès des maires de France, 19 novembre 2019 :
«  Je veux nous appeler collectivement à ne pas tout confondre. Dans les débats qui, souvent, se nouent sur ces sujets compliqués, on confond tout. On confond bien souvent la laïcité, la civilité et l'ordre public. La laïcité a un cadre, la loi de 1905. Il a été complété par des lois plus récentes, importantes, qui ont été le fruit d'ailleurs de longues concertations. C'est un cadre, un cadre de liberté et de respect, la liberté de croire et de ne pas croire, c'est un cadre de neutralité, ça n'est en aucun cas un cadre de combat ou d'exclusion. Ça n'est pas la notion qui doit nous conduire à mettre dos à dos, front à front, une part de la société française contre une autre. Ce serait une profonde erreur historique et une faute lourde politique. La laïcité a ce cadre, faisons-le appliquer. Respectons-le partout. C'est à cela que j'appelle le Gouvernement. »

Le remplacement de la séparation par la neutralité n'est pas anodin.

" Le président de la République a reçu jeudi 9 janvier au palais de l'Élysée une vingtaine de représentants des principales religions pour leur présenter ses vœux. Dans son discours, explique le Père Thierry Magnin, secrétaire général de la Conférence des évêques de France (CEF), il a appelé à une réforme de la représentation des musulmans. " (La Croix).
Père Thierry Magnin : " Dans une atmosphère à la fois conviviale et sérieuse, le président a commencé en nous remerciant de contribuer à la liberté de conscience en France. Ce n’est qu’ensuite qu’il a parlé de liberté religieuse, en abordant la loi de 1905 selon trois axes : neutralité de l’État, liberté de croire ou de ne pas croire et enfin respect de la pluralité des religions. " (La Croix).

Déclaration du président Macron le 22 janvier 2020 en Israël :

« J'ai souhaité aussi rendre un hommage à chaque religion du Livre et ce matin le passage au Saint-Sépulchre, à l'Esplanade des Mosquées et là au Mur des Lamentations, c'était aussi cette volonté, et ce rôle qu’a la France, et je crois ce qui est la juste définition de la laïcité, de reconnaître la part de chaque religion, d'ailleurs de reconnaître sa part ici à Jérusalem, et ô combien elles cohabitent, et ô combien elles ont su cohabiter en paix, et en se respectant, et de ne pas en quelque sorte se voiler la face ou détourner du regard dès qu'il y a de l'histoire ou du religieux. »
(ma transcription à partir de la vidéo Figaro Live).

Revue de presse, Macron : « On m’a 20 fois demandé un discours sur la laïcité...
Mais je l’ai fait 40 fois ! » (lefigaro.fr , 24 jan. 19) Comité Laïcité République.
40 fois, c'était 39 de trop !!




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Charlie Hebdo

Le discours sur le séparatisme du 2 octobre 2020 semble tenir lieu de grand discours sur la laïcité.



Comité interministériel de la laïcité, 17 décisions. 15 juillet 2021 :
La sous-direction des cultes et de la laïcité (ministère de l'Intérieur) assure le secrétariat du Comité interministériel de la laïcité.

MACRON : « Dieu et la science ne s'opposent pas parce que la croyance en l'un est souvent allée historiquement avec le développement de l'autre. Les travaux sont anciens qui ont montré combien l'islam avait nourri une tradition d'algèbre, d'astronomie et de médecine puissante. [...]
Je crois profondément qu'il peut exister des continuités entre Dieu et la science, religion et raison. Regardons notre Europe ! L'égalité des droits de l'homme en dignité et en droits n'a-t-elle pas été préparée par l'égalité des hommes devant Dieu pensée par le christianisme ? [...]
Oui, la science et Dieu, la raison et la religion peuvent donc vivre côte à côte, parfois même se nourrir. Cela est même souhaitable tant l'aspiration à la raison et besoin de transcendance cohabitent en chacun de nous. [...]
Nation de citoyens libres de critiquer et libres de croire.
Nation capable d'un réenchantement du monde. »
L'EXPRESS, semaines du 23 décembre 2021 au 5 janvier 2022, page 37.


II / Histoire de l'athéisme, des origines à 1789


Libertins, sans doute pas tous athées : La Mothe Le Vayer (1588-1672), Théophile de Viau (1590-1626)Denis Sanguin de Saint-Pavin (1595-1670), Jean-Louis Guez de Balzac (1597-1654), Claude de Chouvigny de Blot, baron de Blot l'Église (vers 1608 - 1655), Tallemant des Réaux (1619-1692), Jean de La Fontaine (1621-1695), Molière (1622-1673), Alexis Piron (1689-1773), Jean-Baptiste Rousseau (1669-1741), Alexis Piron (1689-1773), Julien Jean Offray de La Mettrie, (1709-1751) et alii.

Dénonciation des premiers libertins.
" Le Diable s’appercevant de la foiblesse et incapacité d’un petit esprit, tasche de luy soustraire doucement toutes les occupations qui le pourroient tenir en halene, il le mene premierement à la feneantise, de la feneantise à la gourmandise et yvrognerie, de celle-cy à la luxure, de la luxure à l’insensibilité, de l’insensibilité à la curiosité, de la curiosité, à la Magie et sortilege, de celuy-cy à l’Atheisme, et voyla le voyage que se font ordinairement tous nos beaux esprits pretendus. " François Garasse, La Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, ou pretenduz tels, contenant plusieurs maximes pernicieuses à l’Estat, à la Religion et aux bonnes Mœurs, combattue et renversee par le P. François Garassus de la Compagnie de Jésus, Sébastion Chappelet, Paris, 1623, republiée par Gregg international publishers limited, Westmead, Farnborough, Hants., England, 1971.
1659 : Texte anonyme Theophrastus redivivus.
" Tractatus primus qui est „de Diis“
Tractatus secundus qui est „de Mundo“
Tractatus tertius qui est „de religione“
Tractatus quartus qui est „de anima et de inferis“
Tractatus quintus qui est „de contemnenda morte“
Tractatus sextus qui est „de vita secundum natura“ "
Naples : Morano, 1979


Molière, Don Juan, acte III, scène 2, 1665. Scène du pauvre :
" LE PAUVRE.- Je suis un pauvre homme, Monsieur, retiré tout seul dans ce bois depuis dix ans, et je ne manquerai pas de prier le Ciel qu'il vous donne toute sorte de biens.
DOM JUAN.- Eh, prie-le qu'il te donne un habit, sans te mettre en peine des affaires des autres.
SGANARELLE.- Vous ne connaissez pas Monsieur, bon homme, il ne croit qu'en deux et deux sont quatre, et en quatre et quatre sont huit.
DOM JUAN.- Quelle est ton occupation parmi ces arbres ?
LE PAUVRE.- De prier le Ciel tout le jour pour la prospérité des gens de bien qui me donnent quelque chose.
DOM JUAN.- Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise.
LE PAUVRE.- Hélas, Monsieur, je suis dans la plus grande nécessité du monde.
DOM JUAN.- Tu te moques; un homme qui prie le Ciel tout le jour, ne peut pas manquer d'être bien dans ses affaires.
LE PAUVRE.- Je vous assure, Monsieur, que le plus souvent je n'ai pas un morceau de pain à mettre sous les dents. "

De la même année :

La question de l'athéisme du philosophe Baruch Spinoza (1632-1677) est discutée :

" Dans ses affirmations concernant la nature de Dieu, Spinoza se prête également à une certaine identification avec l'athéisme. En effet, la croyance ordinaire en Dieu veut que par sa transcendance, celui-ci ne soit qu'esprit, absolument séparé de toute réalité corporelle dont il est créateur. Or Spinoza affirme que Dieu est étendu (Ethique II, proposition 2). " (" Le spinozisme est-il un athéisme ? ")

Spinoza était-il athée ?

L'Allemand Matthias Knutzen, né en 1646, était lui ouvertement athée ; cf ses trois écrits de 1674, qu'il distribua à Rome et à Jena (Thuringia). La ville et l'université de Jena menèrent une enquête. Pour éviter l'arrestation, Knutzen alla d'abord à Coburg puis à Altdorf près de Nuremberg.

Dans sa lettre en latin Amicus Amicis Amica! Knutzen résume sa pensée ainsi :
Insuper Deum negamus, Magistratum ex alto despicimus, Templa quoque cum omnibus Sacerdotibus rejicientes.
De plus nous nions Dieu, nous méprisons les autorités d'en haut, nous rejetons les temples et tous leurs ministres.

Pierre Bayle (1647-1706), auteur du Dictionnaire historique et critique ; qualifiait Spinoza d'athée vertueux ; élargit la tolérance selon Locke à l'athéisme :

Pensées diverses sur la comète, 1683. (La moralité ne provient pas de la religion).

Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ " Contrains-les d'entrer ", 1686. Critique notamment de l'approbation donnée par Augustin à ces paroles rapportées dans l'Évangile de Luc (XIV, 23).



Première édition 1696.

« Le Dictionnaire historique et critique du protestant Pierre Bayle, publié à la fin du XVIIe mais si souvent réédité tout au long du siècle suivant [...] a contribué au premier chef à donner une nouvelle configuration à la rupture entre la raison et la foi, peu nouvelle en elle-même mais effectuée cette fois-ci au profit de la première. »
Stéphane Rials, La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, chapitre II, Paris : Hachette, 1988 (collection Pluriel).






Philosophe après avoir été jésuite, le Polonais Kazimierz Łyszczyński, né en 1634, est connu pour avoir écrit un traité bien joliment intitulé De non existentia Dei. Il écrivit aussi " ergo non est Deus " (donc Dieu n'est pas) dans la marge de la Theologia Naturalis d'Henry Aldsted. Accusé à juste titre d'athéisme, il fut décapité et brûlé le matin du 30 mars 1689 sur la place du marché de Varsovie.

Pendant son procès (1689), Łyszczyński prétendit pour sa défense que le sujet de son écrit était un débat entre un catholique et un athée, et que le catholique devait finalement l'emporter. Il dit à la Diète que le titre final aurait été différent de De non existentia Dei. Il prétendit n'avoir écrit que la première moitié, les arguments de l'athée, puis s'être arrêté d'écrire sur le conseil d'un prêtre.

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Philippe Basse et Bernard Mocmanesse, brûlés vifs pour blasphèmes et homosexualité à Paris en mars 1720.


Le chevalier François-Jean Lefebvre de La Barre, né le au château de Férolles-en-Brie et mort le à Abbeville, est un jeune noble français condamné, pour blasphème et sacrilège, par le tribunal d'Abbeville, puis par la Grand-Chambre du Parlement de Paris, à faire amende honorable, à être décapité et ensuite brûlé, après avoir été soumis à la question ordinaire et extraordinaire : une sentence qui sera exécutée.

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b) Arguments philosophiques


Lettre de Pascal au père Noël, 29 octobre 1647 ; argument hélas appliqué à la seule question de la matière subtile de Descartes :
« Nous trouvons plus de sujet de nier son existence, parce qu'on ne peut pas la prouver, que de la croire, par la seule raison qu'on ne peut montrer qu'elle n'est pas. »
 HENRY OLDENBURG (v. 1618 - 1677) (secrétaire de la Royal Society de Londres), dont le nom mérite (bien qu'ignoré par Onfray...) de rester dans les Annales de l’Athéologie :
« Pour moi, quand je réfléchis, il me paraît que des définitions ne peuvent contenir autre chose que des concepts formés par notre esprit ; or notre esprit conçoit beaucoup d’objets qui n’existent pas et sa fécondité est grande à multiplier et à augmenter les objets qu’il a conçus. Je ne vois donc pas comment de ce concept que j’ai de Dieu, je puis inférer l’existence de Dieu. » (Lettre à Baruch Spinoza, 27 septembre 1661).

Diderot ; " [Saunderson] : Un phénomène est-il, à notre avis, au-dessus de l'homme ? nous disons aussitôt : c'est l'ouvrage d'un Dieu ; notre vanité ne se contente pas à moins. Ne pourrions-nous pas mettre dans nos discours un peu moins d'orgueil, et un peu plus de philosophie ? Si la nature nous offre un nœud difficile à délier laissons le pour ce qu'il est et n'employons pas à le couper la main d'un être qui devient ensuite pour nous un nouveau nœud plus indissoluble que le premier. " (Lettre sur les aveugles, juin 1749). Le 24 juillet, Diderot est arrêté et emprisonné au donjon de Vincennes.

Encyclopédie, article " Athéisme " (1751 ; article tiré des papiers de M. Formey, secrétaire de l’Académie royale de Prusse) :


ATHÉISME, s. m. (Métaphysique) C’est l’opinion de ceux qui nient l’existence d’un Dieu auteur du monde. Ainsi la simple ignorance de Dieu ne ferait pas l’athéisme. Pour être chargé du titre odieux d’athéisme, il faut avoir la notion de Dieu, et la rejeter. L’état de doute n’est pas non plus l’athéisme formel : mais il s’en approche ou s’en éloigne, à proportion du nombre des doutes, ou de la manière de les envisager. [...] On ne peut regarder comme véritable athée que celui qui rejette l’idée d’une intelligence qui gouverne avec un certain dessein. Quelque idée qu’il se fasse de cette intelligence ; la supposât-il matérielle, limitée à certains égards, etc. tout cela n’est point encore l’athéisme. L’athéisme ne se borne pas à défigurer l’idée de Dieu, mais il la détruit entièrement.
J’ai ajouté ces mots, auteur du monde, parce qu’il ne suffit pas d’adopter dans son système le mot de Dieu, pour n’être pas athée. Les Épicuriens parlaient des dieux, ils en reconnaissaient un grand nombre ; et cependant ils étaient vraiment athées, parce qu’ils ne donnaient à ces dieux aucune part à l’origine et à la conservation du monde, et qu’ils les reléguaient dans une mollesse de vie oisive et indolente. Il en est de même du Spinosisme, dans lequel l’usage du mot de Dieu n’empêche point que ce système n’en exclue la notion.
L’athéisme est fort ancien ; selon les apparences, il y a eu des athées avant Démocrite et Leucippe, puisque Platon (de Legibus pag. 888. edit. Serr.) dit en parlant aux athées de son temps. « Ce n’est pas vous seul mon fils, ni vos amis (Démocrite, Leucippe et Protagoras) qui avez eu les premiers ces sentiments touchant les dieux : mais il y a toujours eu plus ou moins de gens attaqués de cette maladie ». Aristote dans sa Métaphysique assure que plusieurs de ceux qui ont été les premiers philosophes, n’ont reconnu que la matière pour la première cause de l’univers, sans aucune cause efficiente et intelligente. La raison qu’ils en avaient, comme ce philosophe le remarque, (liber I. c. iij.) c’est qu’ils assuraient qu’il n’y a aucune substance que la matière, et que tout le reste n’en est que des accidents, qui sont engendrés et corruptibles ; au lieu que la matière qui est toujours la même, n’est ni engendrée, ni sujette à être détruite, mais éternelle. [...] Nous nous bornons ici aux remarques générales suivantes.
1°. C’est à l’athée à prouver que la notion de Dieu est contradictoire, et qu’il est impossible qu’un tel être existe ; quand même nous ne pourrions pas démontrer la possibilité de l’être souverainement parfait, nous serions en droit de demander à l’athée les preuves du contraire ; car étant persuadés avec raison que cette idée ne renferme point de contradiction, c’est à lui à nous montrer le contraire ; c’est le devoir de celui qui nie d’alléguer ses raisons. Ainsi tout le poids du travail retombe sur l’athée ; et celui qui admet un Dieu, peut tranquillement y acquiescer, laissant à son antagoniste le soin d’en démontrer la contradiction. Or, ajoutons-nous, c’est ce dont il ne viendra jamais à bout. En effet, l’assemblage de toutes les réalités, de toutes les perfections dans un seul être, ne renferme point de contradiction, il est donc possible ; et dès-là qu’il est possible, cet être doit nécessairement exister, l’existence étant comprise parmi ces réalités : mais il faut renvoyer à l’article Dieu le détail des preuves de son existence.
2°. Bien loin d’éviter les difficultés, en rejetant la notion d’un Dieu, l’athée s’engage dans des hypothèses mille fois plus difficiles à recevoir. Voici en peu de mots ce que l’athée est obligé d’admettre. Suivant son hypothèse, le monde existe par lui-même, il est indépendant de tout autre être ; et il n’y a rien dans ce monde visible qui ait sa raison hors du monde. Les parties de ce tout et le tout lui-même renferment la raison de leur existence dans leur essence, ce sont des êtres absolument nécessaires, et il impliquerait contradiction qu’ils n’existassent pas. Le monde n’a point eu de commencement, il n’aura point de fin ; il est éternel, et suffisant à lui-même pour sa conservation. Les miracles sont impossibles, et l’ordre de la nature est inaltérable. Les lois du mouvement, les événements naturels, l’enchaînement des choses, sont autant d’effets d’une nécessité absolue ; l’âme n’a point de liberté. L’univers est sans bornes ; une fatalité absolue tient lieu de Providence. (Voyez Wolf, Théologie naturelle, tome II. sect. II. chap. j.) C’est-là, et non dans le système des théistes, qu’il faut chercher les contradictions ; tout en fourmille. [...]
3°. L’athée ne saurait éviter les absurdités du progrès à l’infini. Il y a un progrès qu’on appelle rectiligne, et un progrès qu’on appelle circulaire. Suivant le premier, en remontant de l’effet à la cause, et de cette cause à une autre, comme de l’œuf à la poule, et de la poule à l’œuf, on ne trouve jamais le bout ; et cette chaîne d’êtres visiblement contingents, forme un tout nécessaire, éternel, infini. L’impossibilité d’une telle supposition est si manifeste, que les philosophes païens l’avaient abandonnée, pour se retrancher dans le progrès circulaire. Celui-ci consiste dans certaines révolutions périodiques extrêmement longues, au bout desquelles les mêmes choses se retrouvent à la même place ; et l’état de l’univers est précisément tel qu’il était au même moment de la période précédente. J’ai déjà écrit une infinité de fois ce que j’écris à présent, et je l’écrirai encore une infinité de fois dans la suite des révolutions éternelles de l’univers. Mais la même absurdité qui détruit le progrès rectiligne, revient ici contre le progrès circulaire. Comme dans le premier cas on cherche inutilement, tantôt dans l’œuf, tantôt dans la poule, sans jamais s’arrêter, la raison suffisante de cette chaîne d’êtres ; de même dans celui-ci une révolution est liée à l’autre : mais on ne voit point comment une révolution produit l’autre, et quel est le principe de cette succession infinie. Que l’on mette des millions d’années pour les révolutions universelles, ou des jours, des heures, des minutes, pour l’existence de petits insectes éphémères, dont l’un produit l’autre sans fin, c’est la même chose ; ce sont toujours des effets enchaînés les uns aux autres, sans qu’on puisse assigner une cause, un principe, une raison suffisante qui les explique.
4°. On peut aussi attaquer l’athéisme par ses conséquences, qui, en sappant la religion, renversent du même coup les fondemens de la morale et de la politique. En effet l’athéisme avilit et dégrade la nature humaine, en niant qu’il y ait en elle les moindres principes de morale, de politique, d’équité et d’humanité : toute la charité des hommes, suivant cet absurde système, toute leur bienveillance, ne viennent que de leur crainte, de leur faiblesse, et du besoin qu’ils ont les uns des autres. L’utilité et le désir de parvenir, l’envie des plaisirs, des honneurs, des richesses, sont les uniques règles de ce qui est bon. [...]
Je conviens que les idées de l’honnête et du déshonnête subsistent avec l’athéisme. Ces idées étant dans le fonds et dans l’essence de la nature humaine, l’athée ne saurait les rejeter. Il ne peut méconnaître la différence morale des actions ; parce que quand même il n’y aurait point de divinité, les actions qui tendent à détériorer notre corps et notre âme seraient toujours également contraires aux obligations naturelles. La vertu purement philosophique, qu’on ne saurait lui refuser, en tant qu’il peut se conformer aux obligations naturelles, dont il trouve l’empreinte dans sa nature ; cette vertu, dis-je, a très-peu de force, ne saurait guère tenir contre les motifs de la crainte, de l’intérêt et des passions. [...]
Il résulte de-là que l’athéisme publiquement professé est punissable suivant le droit naturel. On ne peut que désapprouver hautement quantité de procédures barbares et d’exécutions inhumaines, que le simple soupçon ou le prétexte d’athéisme ont occasionnées. Mais d’un autre côté l’homme le plus tolérant ne disconviendra pas, que le magistrat n’ait droit de réprimer ceux qui osent professer l’athéisme, et de les faire périr même, s’il ne peut autrement en délivrer la société. [...] Cet article est tiré des papiers de M.Formey, secrétaire de l’Académie royale de Prusse. (X)

À noter les mésaventures et rétractations du comte Georges-Louis de Buffon, le Galilée français :
« J’abandonne ce qui dans mon livre [Histoire de la Terre] regarde la formation de la Terre, et en général tout ce qui pourrait être contraire à la narration de Moïse [la Genèse], n’ayant présenté mon hypothèse sur la formation des planètes que comme une pure supposition philosophique. » Réponse du comte Georges-Louis de Buffon à MM. Les Députés et Syndic de la Faculté de Théologie, 12 mars 1751.

Voltaire, articles " Athée ", section première : " L’athéisme et le fanatisme sont deux monstres qui peuvent dévorer et déchirer la société ; mais l’athée dans son erreur conserve sa raison, qui lui coupe les griffes, et le fanatique est atteint d’une folie continuelle qui aiguise les siennes. " [Voyez Religion. (Note de Voltaire)]

et "Athéisme" : " Bayle devait plutôt examiner quel est le plus dangereux, du fanatisme ou de l’athéisme. Le fanatisme est certainement mille fois plus funeste, car l’athéisme n’inspire point de passion sanguinaire, mais le fanatisme en inspire ; l’athéisme ne s’oppose pas aux crimes, mais le fanatisme les fait commettre. Supposons, avec l’auteur du Commentarium rerum gallicarum [de François de Beaucaire-Péguillon , évêque de Metz], que le chancelier de L’Hospital fût athée : il n’a fait que de sages lois, et n’a conseillé que la modération et la concorde ; les fanatiques commirent les massacres de la Saint-Barthélemy. [Thomas] Hobbes passa pour un athée : il mena une vie tranquille et innocente ; les fanatiques de son temps inondèrent de sang l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande. Spinoza était non-seulement athée, mais il enseigna l’athéisme : ce ne fut pas lui assurément qui eut part à l’assassinat juridique de Barneveldt ; ce ne fut pas lui qui déchira les deux frères de Wit en morceaux, et qui les mangea sur le gril. " (section IV)

« Qu’est-ce, en effet, qu’un athée ? C’est un homme qui détruit des chimères nuisibles au genre humain pour ramener les hommes à la nature, à l’expérience, à la raison. C’est un penseur, qui ayant médité la matière, son énergie, ses propriétés et ses façons d’agir, n’a pas besoin pour expliquer les phénomènes de l’univers et les opérations de la nature, d’imaginer des puissances idéales, des intelligences imaginaires, des êtres de raison, qui, loin de faire mieux connaître cette nature, ne font que la rendre capricieuse, inexplicable, méconnaissable, inutile au bonheur des humains. »
Système de la nature ou Des lois du monde physique et du monde moral ", 1770, Seconde partie " De la divinité ; des preuves de son existence, de ses attributs ; de la manière dont elle influe sur le bonheur des hommes ", chapitre xi " Apologie des sentiments contenus dans cet ouvrage. De l’impiété. Existe-t-il des athées ? "

Diderot : « Vous mêlez la théologie avec la philosophie ; c’est gâter tout, c’est mêler le mensonge avec la vérité ; il faut sabrer la théologie. »
Reproche fait à des Anglais, rapporté par Samuel de Romilly en 1781.


Sade (lien) : " À te prouver que tout peut être ce qu'il est et ce que tu vois, sans qu'aucune cause sage et raisonnable le conduise, et que des effets naturels doivent avoir des causes naturelles, sans qu'il soit besoin de leur en supposer d'antinaturelles, telle que le serait ton dieu qui lui-même, ainsi que je te l'ai déjà dit, aurait besoin d'explication, sans en fournir aucune; et que, par conséquent dès que ton dieu n'est bon à rien, il est parfaitement inutile; qu'il y a grande apparence que ce qui est inutile est nul et que tout ce qui est nul est néant; ainsi, pour me convaincre que ton dieu est une chimère, je n'ai besoin d'aucun autre raisonnement que celui qui me fournit la certitude de son inutilité. "

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III / Athéisme depuis 1789

Jacques-André Naigeon : Dans l’Encyclopédie méthodique, Naigeon prône le fatalisme, le matérialisme, l’athéisme, notamment dans les articles consacrés à Collins, à Campanella, à Vanini et au curé Meslier.

Condorcet : " Le mépris des sciences humaines était un des premiers caractères du christianisme. Il avait à se venger des outrages de la philosophie ; il craignait cet esprit d’examen et de doute, cette confiance en sa propre raison, fléau de toutes les croyances religieuses. La lumière des sciences naturelles lui était même odieuse et suspecte ; car elles sont très dangereuses pour le succès des miracles ; et il n’y a point  de religion qui ne force ses sectateurs à dévorer quelques absurdités physiques. Ainsi le triomphe du christianisme fut le signal de l’entière décadence, et des sciences, et de la philosophie. " (Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, Cinquième époque). Condorcet s'accorde avec Nietzsche sur la décadence commençant avec le christianisme ; pour Onfray, au contraire, la décadence suit la fin du christianisme.

" VINGT sectes égyptiennes, judaïques, s’accordant pour attaquer la religion de l’empire, mais se combattant entre elles avec une égale fureur, finirent par se perdre dans la religion de Jésus. On parvint à composer de leurs débris une histoire, une croyance, des cérémonies, et une morale, auxquelles se réunit peu-à-peu la masse de ces illuminés.
TOUS croyaient à un Christ, à un Messie envoyé de dieu, pour réparer le genre humain. C’est le dogme fondamental de toute secte qui veut s’élever sur les débris des sectes anciennes. On se disputait sur le temps, sur le lieu de son apparition, sur son nom mortel : mais celui d’un prophète, qui avait, dit-on, paru en Palestine, sous Tibère, éclipsa tous les autres ; et les nouveaux fanatiques se rallièrent sous l’étendard du fils de Marie. " (Esquisse... 6e époque)

Ludwig Feuerbach : L'Essence du christianisme (Das Wesen des Christentums) publié en 1841.

Stendhal :
Vu par Nietzsche :
Ecce Homo, § 3 : " Stendhal, une des plus belles rencontres fortuites de ma vie  [...] athée sincère, une espèce rare, rare et presque introuvable en France, soit dit sans offenser Prosper Mérimée... Peut-être même suis-je jaloux de Stendhal ? Il m'a devancé en faisant le meilleur mot d'athée, un mot qui pourrait être de moi : " La seule excuse de Dieu, c'est qu'il n'existe pas... [rapporté par Mérimée] " Moi-même, j'ai dit quelque part : "Quelle fut, jusqu'à présent, la principale objection à l'existence ? Dieu... "


Discours de Léon Gambetta devant la Chambre des députés le 4 mai 1877 : " Le cléricalisme, voilà l'ennemi ! " (Repris de Alphonse Peyrat, 1863).


Bakounine : " N'en déplaise donc aux métaphysiciens et aux idéalistes religieux, philosophes, politiciens ou poètes, l'idée de Dieu implique l'abdication de la raison et de la justice humaines ; elle est la négation la plus décisive de la liberté humaine et aboutit nécessairement à l'esclavage des hommes, tant en théorie qu'en pratique. A moins de vouloir l'esclavage et l'avilissement des hommes, comme le veulent les jésuites, comme le veulent les mômiers, les piétistes et les méthodistes protestants, nous ne pouvons, nous ne devons faire la moindre concession, ni au Dieu de la théologie, ni à celui de la métaphysique. " (Dieu et l'État, 1882).

André Gide : Il contribua à faire connaître Arthur Schopenhauer, et surtout Frédéric Nietzsche, en France.

« L’admirable révolution du christianisme est d’avoir dit : le royaume de Dieu est au dedans de vous. » (Journal28 février 1912 ; cf « Regnum Dei intra vos estLe règne de Dieu est au dedans de vous » (Évangile selon Luc, XVII, 21).

« Je crois plus facilement aux dieux grecs qu'au bon Dieu. Mais ce polythéisme, je suis bien forcé de le reconnaître tout poétique. Il équivaut à un athéisme foncier. C'est pour son athéisme que l'on condamnait Spinoza. Pourtant, il s'inclinait devant le Christ avec plus d'amour, de respect, de piété même que ne font bien souvent les catholiques, et je parle des plus soumis ; mais un Christ sans divinité. » Les Nouvelles nourritures, 1935.

« N’a jamais rien prouvé le sang des martyrs. Il n’est pas religion si folle qui n’ait eu les siens et qui n’ait suscité des convictions ardentes. C’est au nom de la foi que l’on meurt ; et c’est au nom de la foi que l’on tue. L’appétit de savoir naît du doute. Cesse de croire et instruis-toi. » Ce passage des Nouvelles nourritures rappelle le § 53 de L’Antichrist :
« Il est si peu vrai que des martyrs prouvent quoi que ce soit quant à la vérité d’une cause, que je suis tenté de nier qu’aucun martyr n’ait jamais rien eu à voir avec la vérité. Le ton sur lequel un martyr jette à la face du monde ce qu’il « tient pour vrai » exprime déjà un niveau si bas de probité intellectuelle, une telle indifférence bornée pour le problème de la vérité, qu’il n’est jamais nécessaire de réfuter un martyr. »
Comment ne pas en venir, en cette année 2018, à penser que « l’athéisme seul peut pacifier le monde aujourd’hui » (Journal, 13 juin 1932) ?
" Ce jeune musulman, élève de [Louis] Massignon, qui vint un matin me parler et que j'envoyai à Marcel de Coppet : avec des larmes, des sanglots dans la voix, il racontait sa conviction profonde : l'Islam seul était en possession de la vérité qui pouvait apporter la paix au monde, résoudre les problèmes sociaux, concilier les plus irréductibles antagonismes des nations... Berdiaeff réserve ce rôle à l'orthodoxie grecque. De même le catholique ou le juif, chacun à sa religion propre. C'est au nom de Dieu qu'on se battra. Et comment en serait-il autrement, du moment que chaque religion prétend au monopole de la vérité révélée ? Car il ne s'agit plus ici de morale ; mais bien de révélation. C'est ainsi que les religions, chacune prétendant unir tous les hommes, les divisent. " (Journal, 14 avril 1933)
« La Foi soulève des montagnes ; oui : des montagnes d’absurdité. », Feuillets d’automne, 1947. (Dans le Journal). En écho à :
« Si habueritis fidem sicut granum sinapis, dicetis monti huic: “Transi hinc illuc!”, et transibit. Si vous aviez de la foi gros comme une graine de sanve, vous diriez à cette montagne: Va de là à là, et elle irait. ». (Évangile selon Matthieu, XVII, 20).
« La foi ne déplace pas les montagnes, mais place les montagnes là où il n’y en a pas. ». Frédéric Nietzsche, L’Antéchrist, § 51. [voir aussi Opinions et sentences mêlées, § 225)
Sartre : « Ce que Gide nous offre de plus précieux, c'est sa décision de vivre jusqu'au bout l'agonie et la mort de Dieu. Il eût pu, comme tant d'autres, parier sur des concepts, décider à vingt ans de sa foi ou de son athéisme et s'y tenir toute sa vie. Au lieu de cela, il a voulu éprouver son rapport à la religion et la dialectique vivante qui l'a conduit à son athéisme final est un cheminement qui peut se refaire après lui, mais non pas se fixer par des concepts et par des notions. Ses interminables discussions avec les catholiques, ses effusions, ses retours d'ironie, ses coquetteries, ses ruptures brusques, ses progrès, ses piétinements, ses rechutes, l'ambiguïté du mot Dieu dans son œuvre, son refus de l'abandonner alors même qu'il ne croit plus qu'à l'Homme, toute cette expérience rigoureuse, enfin, ont fait plus pour nous éclairer que cent démonstrations. Il a vécu pour nous une vie que nous n'avons qu'à revivre en le lisant; il nous permet d'éviter les pièges où il est tombé ou d'en sortir comme il en est sorti; les adversaires qu'il a déconsidérés à nos yeux, ne fût-ce qu'en publiant leur correspondance, ne peuvent plus nous séduire. Toute vérité, dit Hegel, est devenue. On l'oublie trop souvent, on voit l'aboutissement, non l'itinéraire, on prend l'idée comme un produit fini sans s'apercevoir qu'elle n'est rien d'autre que sa lente maturation, qu'une succession d'erreurs nécessaires qui se corrigent, de vue, partielles qui se complètent et s'élargissent. Gide est un exemple irremplaçable parce qu'il a choisi. au contraire de devenir sa vérité. Décidé abstraitement à vingt ans, son athéisme eût été faux ; lentement conquis, couronnement d'une quête d'un demi-siècle, cet athéisme devient sa vérité concrète et la nôtre. À partir de là les hommes d'aujourd'hui peuvent devenir des vérités nouvelles. » (Les Temps Modernes, n° 66, mars 1951, repris dans Situations, IV, Paris : Gallimard, 1964, et sur e-gide).

Roger Martin du Gard, Jean Barois.

Jeanne Delhomme [1911-1983, une de mes profs de philo à Parix-X - Nanterre] : « Dieu n’est donc pas un concept problématique, ce n’est pas un concept du tout, c’est pourquoi on peut le dire sans pouvoir le penser. » (L’Impossible interrogation, Paris/Tournai, Desclée , 1971 ; III, iii, " Médiations ").

Michel Onfray : Traité d'athéologie Paris : Grasset, 2005. Réédité en 2006



André Comte Sponville : L'Esprit de l'athéisme - Introduction à une spiritualité sans Dieu, Paris : Albin Michel, 2006.




Marcel Conche : " La notion de Dieu a totalement disparu de mon paysage intellectuel. Je suis certain qu'aucune réalité ne correspond au mot "dieu". Que les croyants en Dieu et moi fassions partie de la même humanité est, pour moi, difficile à penser." (Paris : Stock, 2014 ; Gallimard, 2016)


Yvon Quiniou : "  Là où l’on s’abstenait d’affirmer une  présence, on  affirme ici une absence, comme pourrait dire Comte-Sponville. Athéisme affirmatif donc ou encore dogmatique (au sens strict du terme, qui n’est pas péjoratif). Ses motifs rejoignent ceux du précédent athéisme : l’absence de preuves pour la thèse inverse, l’absence de foi tout court en particulier. Cependant, il est plus combatif dans son argumentation : il dénonce plus fortement le caractère irrationnel ou incompréhensible du concept de Dieu, celui aussi des croyances que la religion, aidée de la théologie, lui associe comme le dogme du péché originel et, surtout, il accentue la critique morale de Dieu. C’est le cas tout particulièrement de l’athéisme axiologique de Conche, tout à fait remarquable : ce n’est pas tant la condition humaine, avec la mort pour horizon, qu’il reproche à un hypothétique Dieu, mais, j’y insiste, le sort fait aux hommes, le mal qu’ils subissent sans l’avoir voulu. Tout spécialement, il ne supporte pas la souffrance des enfants qui, eux non plus, n’ont rien fait pour la mériter et qui pourrait justifier l’idée d’un Dieu méchant ou sadique. Or, pour lui, cela est incompatible avec l’idée d’un Dieu (parfait) et suffit à l’exclure définitivement. On comprendra que cet athéisme s’accompagne d’une critique militante des religions (sauf chez Conche) tant elles justifient et donc renforcent le malheur humain par leurs croyances absurdes. " (Petite leçon philosophique sur l'athéisme.)


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Formulations de la pensée athée (qui n'est pas une croyance).
Je crois qu'il n'existe pas de Dieu
Je ne crois pas qu'il existe un Dieu
Je pense qu'il n'existe pas de Dieu
Je pense qu'il n'existe rien qui...


Reprise par les Athées Humanistes de Belgique de
ma formulation de la position philosophique athée,

Selon les dernières enquêtes, l'incroyance est la deuxième conviction en France, loin devant l'islam.



Henri Peña-Ruiz : « Ne pas croire en Dieu, ce n'est pas forcément croire en rien ni être privé de convictions. » (Dictionnaire amoureux de la laïcité, Paris : Plon 2014, entrée "Athéisme")

Ce n'est pas forcément non plus croire en quelque chose... Mieux vaut douter, penser et savoir que "croire", et quant aux convictions,
« Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges. » [Feinde der Wahrheit. — Ueberzeugungen sind gefährlichere Feinde der Wahrheit, als Lügen.] Nietzsche, Humain, trop humain, IX " L'homme seul avec lui-même ", § 483 Ennemis de la vérité.

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Quelques définitions de la foi :
La substance de ce qu’on espère, la preuve de ce qu’on ne voit pas (Paul)
Croire les choses parce qu’elles sont impossibles (Pic de La Mirandole)
Argument des choses de nulle apparence (Rabelais)
Ne pas voir, et croire ce qu’on ne voit pas (Bourdaloue)
Croyance en ce qui semble faux à notre entendement (Voltaire)
An illogic belief [croyance] in the occurrence of the improbable (Mencken)
" Notre Sainte Mère l’Église, de par sa foi apostolique, juge sacrés et canoniques tous les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque [sic : belle "logique" circulaire], rédigés sous l’inspiration de l’Esprit Saint, ils ont Dieu pour auteur et qu’ils ont été transmis comme tels à l’Église elle-même " (Dei Verbum 11, Paul VI, 1965 ; repris dans le Catéchisme de 1992).

Qui peut encore croire à ça ? Il entre beaucoup de paresse intellectuelle, de vanité, dans le maintien de ces croyances. Les causes de la foi sont le manque de logique, de rigueur et d'honnêteté intellectuelles, , la fausseté de l'esprit. La mentalité religieuse est un résidu de mentalité primitive, pré-logique.

« Celui qui osera prononcer dans une question qui excède la capacité de son talent naturel, aura l’esprit faux. Rien n’est si rare que la logique : une infinité d’hommes en manquent. » (Réfutation de l’ouvrage d’Helvétius intitulé L’Homme, IV).
Remarque sur l'axe asiatique Nazareth-Jérusalem-Bethléem-Hébron-Médine-La Mecque. Si un dieu avait existé, en choisissant de se manifester il y a quelques millénaires sur le petit axe asiatique Nazareth-Jérusalem-Bethléem-Hébron-Médine-La Mecque, il aurait commis une sacrée erreur manifeste d'appréciation (comme disent les juristes) sur le niveau d'évolution de l'espèce humaine dans cette région !! Ignorait-il donc ce qui se passait alors en Grèce et à Rome (sans parler de la Chine), pour faire des obscurs Hébreux un peuple élu, pour en faire le corps mystique de lui-même ??

Le principe même d'une Révélation istic et tunc est un signe d'arbitraire (pourquoi là-bas, et à cette époque-là plutôt qu'à une autre ?) qui s'accorde bien mal, quand on ose y réfléchir, avec la notion d'un dieu parfait, tout-puissant et omniscient.
La remarque qu précède ne signifie pas que je considère que l'hypothèse d'un dieu puisse être intellectuellement légitime. Je pense, comme Nietzsche, que c'est une hypothèse " bien trop extrême ". Simplement je m'abaisse au niveau de la croyance pour présenter un argument.


Ce qui précède n'empêche pas de reconnaître des aspects positifs au christianisme :
Le christianisme échappa bien mieux que les autres religions monothéistes à l'obscurantisme. L'injonction de Cyprien (IIIe siècle) , « Nous ne devons même pas être curieux de ce qu’il enseigne, puisqu’il enseigne hors de l’Église du Christ » (Lettres, xxiv, 1 ; traduction ancienne et approximative), ne fut guère suivie. Augustin, dans sa Cité de Dieu, recommandait de juger des choses mêmes (XIX, iii, 2). Le droit canon, inspiré du droit romain, a influencé notre droit constitutionnel ; on connaît l'adage Quod omnes tangit ..., ce qui touche tous doit être approuvé par tous. Voir Brian Tierney, Religion, Law and the Growth of Constitutional Thought, 1150-1650, Cambridge University Press, 1982.
Ce que l'on doit à la chrétienté est entremêlé avec tout ce que l'on doit aux Romains et aux Grecs. Notre langue et notre littérature en témoignent, notamment le théâtre de Racine. La seule pièce d'inspiration chrétienne de Corneille (Polyeucte) était ratée. Il y a certes de grands auteurs français chrétiens, Pascal, Bossuet, Malebranche, Chateaubriand, Bernanos, Mauriac, mais de plus grands encore auteurs non chrétiens, Rabelais, Montaigne, Molière, La Fontaine, Voltaire, Diderot, Hugo, Flaubert, Rimbaud, Gide, Sartre, Camus et alii.
La France est certes caractérisée par sa dimension chrétienne (largement imprégnée de la culture gréco-latine, imprégnation dont les deux autres monothéisme n'ont pas bénéficié), mais au moins autant par sa réaction au catholicisme majoritaire : Humanisme (Rabelais, Montaigne), Libertins érudits (Montaigne, Théophile de Viau, La Mothe Le Vayer, La Fontaine), Lumières (Vauvenargues, Montesquieu, D'Alembert, Diderot, Voltaire), Positivisme (Condorcet, Comte, Larousse, Littré, Renan).
La France est également caractérisée, depuis Viète, Descartes et Pascal, par sa contribution importante aux progrès des mathématiques et des sciences exactes : Cédric Villani (médaillé Fields en 2010) fit remarquer que la France a raflé un quart des Médailles Fields. L'esprit scientifique français ne relève pas ontologiquement du christianisme.
Il y a une dose certaine de rationalisme dans le christianisme, puisque c'est la seule religion qui avait ressenti "en interne" le besoin d'une preuve de l'existence du dieu, et avait longtemps (mais vainement) cherché une telle preuve.
Les deux autres religions monothéistes sont très obscurantistes, cela se manifeste par l'archaïsme figé de leurs rites (dont l'abattage rituel des animaux) et interdits alimentaires et sexuels (sans parler du dogme juif de la Terre promise, qui produit les effets désastreux que l'on sait au Moyen-Orient).
L'importance accordée à l'enseignement, notamment avec la création des Universités (Bologne, 1088-1158 ; Parme, 1117 ; Oxford, 1116-1167 ; Paris, 1120-1200 ; Modène, 1175 ; Cambridge, 1209 ; Montpellier, 1289, etc. ; puis avec les Frères des écoles chrétiennes (Lasalliens), les Jésuites et les Oratoriens, à un enseignement qui ne se réduise pas à la lecture et mémorisation des textes sacrés (comme dans les sinistres écoles coraniques), et assez souvent de haut niveau scientifique, achève de faire du christianisme une religion relativement ouverte sur la culture et qui a su non seulement créer, mais aussi entretenir ces Universités (supprimées par la Révolution (Convention 15 septembre 1793 au profit des grandes écoles ; rétablies progressivement au cours du XIXe siècle).

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Assimilations de l'athéisme au totalitarisme par deux papes :

Lettre encyclique de Jean-Paul II du 15 octobre 1998, publiée en traduction française par la Documentation catholique, n° 2191, 1er novembre 1998, pages 901-942 :
§ 46 : " Diverses formes d'humanisme athée, philosophiquement structurées [...] ont présenté la foi comme nocive et aliénante pour le développement de la pleine rationalité. Elles n'ont pas eu peur de se faire passer pour de nouvelles religions, constituant le fondement de projets qui, sur le plan politique et social, ont abouti à des systèmes totalitaires traumatisants pour l'humanité. "

Nonobstant cet écusson parlant :

" La Grande-Bretagne et ses dirigeants ont combattu la tyrannie nazie qui cherchait à éliminer Dieu de la société, et qui niait notre commune humanité avec beaucoup jugés indignes de vivre, en particulier les Juifs. [...] En réfléchissant sur les leçons dramatiques de l’extrémisme athée du XXème siècle, n’oublions jamais combien exclure Dieu, la religion et la vertu de la vie publique, conduit en fin de compte à une vision tronquée de l’homme et de la société, et ainsi à « une vision réductrice de la personne et de sa destinée » " (Caritas in Veritate [juillet 2009], n. 29). "

Jean Meslier (1664-1729), avec ses idées politiques communistes, donna hélas quelques arguments à cette confusion.

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IV a) / Laïcité Avant la non-reconnaissance de 1905 :

1555, septembre : Paix d'Ausbourg : entre catholiques et protestants (luthériens).

1648 : Traités de Westphalie (ou Paix de Westphalie) : reconnaissance des trois religions catholique, luthérienne et (nouveauté) calviniste dans le Saint-Empire romain germanique ; mais les princes conservent le droit d'imposer leur religion à leurs sujets.

Tolérance (toleration) avant la laïcité. John Locke écrivit sa fameuse Letter pendant l'hiver 1685-86, soit juste après la révocation de l'Édit de Nantes le 18 octobre 1685.

1689 (année du Bill of Rights) : La Toleration de John Locke rejetait l'athéisme :
Those are not at all to be tolerated who deny the being of a God. Promises, covenants, and oaths, which are the bonds of human society, can have no hold upon an atheist. The taking away of God, though but even in thought, dissolves all ; besides also, those that by their atheism undermine and destroy all religion, can have no pretence of religion whereupon to challenge the privilege of a toleration. As for other practical opinions, though not absolutely free from all error, if they do not tend to establish domination over others, or civil impunity to the Church in which they are taught, there can be no reason why they should not be tolerated.
Rials : " L'amorce d'une radicale distinction effectuée par Locke dans sa Lettre sur la tolérance [1689] entre le péché et le délit civil et son plaidoyer en faveur de la séparation des églises et de l'État ont été systématisés et amplifiés par la Philosophie du XVIIIe siècle. "
Stéphane Rials, La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, chapitre II, Paris : Hachette, 1988 (collection Pluriel).


1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, article 10, proposé par Boniface Louis de Castellane (1758-1837, emprisonné sous la Terreur) et l'évêque Jean-Baptiste Gobel (1er septembre 1727 - mort guillotiné le 13 avril 1794).

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Déclaration ..., article 11, proposé par le duc Louis-Alexandre de La Rochefoucauld d’Enville (1743 - tué le 4 septembre 1792 par des volontaires qui faisaient la chasse aux aristocrates).

Condorcet : Il n'est pas nécessaire de supposer un lien à modèle religieux pour former le lien politique. Cinq mémoires sur l’instruction publique :
I : Il faut que la puissance publique se borne à régler l’instruction, en abandonnant aux familles le reste de l’éducation. La puissance publique n’a pas le droit de lier l’enseignement de la morale à celui de la religion. II : Il ne faut pas lier l’instruction de la morale aux idées générales de religion. Quel homme éclairé oserait dire aujourd’hui, ou que les principes qui règlent nos devoirs n’ont pas une vérité indépendante de ces idées, ou que l’homme ne trouve pas dans son cœur des motifs de les remplir, et soutenir en même temps qu’il existe une seule opinion religieuse contre laquelle un esprit juste ne puisse trouver des objections insolubles pour lui ? Pourquoi appuyer sur des croyances incertaines des devoirs qui reposent sur des vérités éternelles et incontestées ?
IV : Tout homme devant être libre dans le choix de sa religion, il serait absurde de le faire contribuer à l'enseignement d'une autre, de lui faire payer les arguments par lesquels on veut le combattre. Dans toutes les autres sciences, la doctrine enseignée n'est pas arbitraire ; la puissance publique n'a rien à choisir ; elle fait enseigner ce que les gens éclairés regardent comme vrai, comme utile. Mais, d'après qui décidera-t-elle que telle théologie est vraie ? Et quel droit aurait-elle d'en faire enseigner une qui peut être fausse ? On peut, jusqu'à un certain point, faire payer un impôt pour les frais d'un culte ; la tranquillité publique peut l'exiger, du moins pour un temps très borné. Mais qui osera dire que l'enseignement de la théologie puisse être jamais un moyen de conserver la paix ?
V : Ce serait trahir le peuple que de ne pas lui donner une instruction morale, indépendante de toute religion particulière.

1791 : Abolition des crimes de blasphème et de sortilège.

Constitution des 3-4 septembre 1791 :

" La loi ne reconnaît plus ni vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution. "

Titre Ier, 3° : " La liberté à tout homme de parler, d'écrire, d'imprimer et publier ses pensées, sans que les écrits puissent être soumis à aucune censure ni inspection avant leur publication, et d'exercer le culte religieux auquel il est attaché ; "

1792 : Création de l'état-civil (c'est une forte séparation).


1793 : Le chevalier de La Barre est réhabilité par la Convention le 25 brumaire an II (

Décret de la Convention nationale du 18 floréal an II, 7 mai 1794. " Article premier. Le Peuple français reconnaît l'existence de l'Être suprême et l'immortalité de l'âme. "

Décret du 18 septembre 1794 : suppression du budget du culte.

1795 (Convention) : décret du 3 Ventôse an III, 21 février 1795 : libre exercice des cultes et séparation financière.

Le 3 Ventôse an III (21 février 1795), décret sur la liberté des cultes, précisant, à son article II, que « la République ne salarie aucun culte ».
La Convention Nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public, de sûreté générale et de législation, réunis, décrète :
Art. Ier Conformément à l’article VII de la déclaration des droits de l’homme, et à l’art. CXXII de la constitution, l’exercice d’aucun culte ne peut être troublé.
II. La République n’en salarie aucun.
III. Elle ne fournit aucun local, ni pour l’exercice du culte, ni pour le logement des ministres.
IV. Les cérémonies de tout culte sont interdites hors de l’enceinte choisie pour leur exercice.
V. La loi ne reconnaît aucun ministre de culte : nul ne peut paraître en public avec les habits, ornements ou costumes affectés à des cérémonies religieuses.
VI. Tout rassemblement de citoyens pour l’exercice d’un culte quelconque, est soumis à la surveillance des autorités constituées. Cette surveillance se renferme dans des mesures de police et de sûreté publique.
VII. Aucun signe particulier à un culte ne peut être placé dans un lieu public, ni extérieurement, de quelque manière que ce soit. Aucune inscription ne peut désigner le lieu qui lui est affecté. Aucune proclamation ni convocation publique ne peut être faite pour y inviter les citoyens.
VIII. Les communes ou sections de commune, en nom collectif, ne pourront acquérir ni louer de local pour l’exercice des cultes.
IX. Il ne peut être formé aucune dotation perpétuelle ou viagère, ni établi aucune taxe pour en acquitter les dépenses.
X. Quiconque troublerait par violence les cérémonies d’un culte quelconque, ou en outragerait les objets, sera puni suivant la loi du 22 juillet 1791 sur la police correctionnelle.
XI. Il n’est point dérogé à la loi du 2 des sans-culotides, deuxième année, sur les pensions ecclésiastiques, et les dispositions en seront exécutées suivant leur forme et teneur.
XII. Tout décret dont les dispositions seraient contraires à la présente loi, est rapporté ; et tout arrêté opposé à la présente loi, pris par les représentants du peuple dans les départements, est annulé.
" Article 354. - Nul ne peut être empêché d'exercer, en se conformant aux lois, le culte qu'il a choisi. - Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d'un culte. La République n'en salarie aucun. "
On reconnaît là une ébauche assez précise de la loi de 1905. Cette première séparation prendra fin avec la signature du Concordat du 15 juillet 1801 qui confirme la liberté de culte :
" Le Gouvernement de la République reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande majorité des citoyens français. " Les autres cultes sont reconnus.
" 14. Le Gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés dont les diocèses et les cures seront compris dans la circonscription nouvelle. "

Concordat de Fontainebleau, 13 février 1813 : 

Bulletin des lois.

Décret du 25 mars 1813 :


Louis XVIII : " Article 5. - Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection.
Article 6. - Cependant la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l'État. " (Charte constitutionnelle de 1814).

20 avril 1825 : la loi sur le sacrilège, abolie en 1830, criminalisait les offenses aux hosties consacrées et autres objets sacrés.
« Les résultats de la dénonciation de l'athéisme d'État sont tout à fait clairs : cette dénonciation conduisit une grande partie de l'opinion catholique, toujours accompagnée ou dépassée par [Félicité de] Lamennais, à passer de la mesquinerie à l'intransigeance et de l'intransigeance à l'extravagance. C'est ce que devait montrer la tristement célèbre loi sur le sacrilège. » (Philippe Raynaud, La Laïcité, Histoire d'une singularité française, 3 " Les Métamorphoses du Concordat ", Paris : Gallimard, 2019).
Article 6 de la Charte de 1830 : " La religion catholique, apostolique et romaine, professée par la majorité des Français ". (La " grande majorité " dans le Concordat de 1801).

" Préambule
En présence de Dieu et au nom du Peuple français, l'Assemblée nationale proclame :
[...]
VIII. - La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l'instruction indispensable à tous les hommes ;
[...]
Constitution
Chapitre II - Droits des citoyens garantis par la Constitution
Article 7. - Chacun professe librement sa religion, et reçoit de l'État, pour l'exercice de son culte, une égale protection. - Les ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui seraient reconnus à l'avenir, ont le droit de recevoir un traitement de l'État.
[...]
Article 48. - Avant d'entrer en fonctions, le président de la République prête au sein de l'Assemblée nationale le serment dont la teneur suit : - En présence de Dieu et devant le Peuple français, représenté par l'Assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la République démocratique, une et indivisible, et de remplir tous les devoirs que m'impose la Constitution. "

Victor Hugo : « Je veux l'enseignement religieux de l'Église, et non l'enseignement religieux d'un parti. Je le veux sincère et non hypocrite. (Bravo ! bravo !) Je le veux ayant pour but le Ciel et non la Terre. (Mouvement.) Je ne veux pas qu'une chaire envahisse l'autre ; je ne veux pas mêler le prêtre au professeur. Ou si je consens à ce mélange, moi législateur, je le surveille, j'ouvre sur les séminaires et sur les congrégations enseignantes l'œil de l'État, et, j'insiste, de l'État laïque, jaloux uniquement de sa grandeur et de son unité.
Jusqu'au jour, que j'appelle de tous mes vœux, où la liberté complète d'enseignement pourra être proclamée, et en commençant je vous ai dit à quelles conditions, jusqu'à ce jour-là, je veux l'enseignement de l'Église en dedans de l'Église et non dehors. Surtout je considère comme une dérision de faire surveiller, au nom de l'État, par le clergé l'enseignement du clergé. En un mot, je veux, je le répète, ce que voulaient nos pères, l'Église chez elle et l'État chez lui. » (Assemblée nationale législative, 14 janvier 1850).

Loi Falloux du 15 mars 1850 : accorde une place aux représentants du culte catholique dans le Conseil supérieur de l'instruction publique et les conseils d'académie. Abrogée par la loi Combes du 7 juillet 1904.

Article 26. - Le Sénat s'oppose à la promulgation. - 1° Des lois qui seraient contraires ou qui porteraient atteinte à la Constitution, à la religion, à la morale, à la liberté des cultes, à la liberté individuelle, à l'égalité des citoyens devant la loi, à l'inviolabilité de la propriété et au principe de l'inamovibilité de la magistrature ; 2° De celles qui pourraient compromettre la défense du territoire.

Maurice BLOCK, Dictionnaire général de la politique, Paris : O Lorenz, 1873 :

« CLÉRICALISME. L'introduction de ce néologisme, encore absent de nos dictionnaires, dans le langage de la politique et des polémiques religieuses, a été faite, dit-on, par des journalistes belges, vers l'année 1855.
Clerc, clérical, cléricature donnent l'idée de l'usage des fonctions ecclésiastiques, mais cléricalisme et cléricaux en supposent l'abus.
Les abus de pouvoir du sacerdoce se font sentir, soit par des tendances à une domination excessive sur les consciences des fidèles, soit par des empiétements sur le domaine des autorités politiques et civiles. Ces usurpations du clergé ne sont possibles que dans les Églises qui reconnaissent un pouvoir sacerdotal, et elles ne sont à craindre que dans celles qui, étant unies à l'État, forment de véritables établissements politiques ne songeant, en cette qualité, qu'à étendre leurs attributions et visant par conséquent à transformer le gouvernement de l'État en une véritable théocratie.
Les laïques qui se déclarent partisans de ce mysticisme religieux, sont qualifiés de cléricaux et entachés de cléricalisme.
Mais la religion doit être soigneusement distinguée du cléricalisme.
Si, en effet, nous voulions opposer la politique du cléricalisme à celle du christianisme, nous dirions que l'influence salutaire de celui-ci sur la civilisation moderne se fait sentir d'une manière bien plus efficace, lorsqu'elle s'opère en dehors de toute Église qui, à l'exemple de Rome,. se met en contradiction avec le libéralisme des doctrines évangéliques et avec leur respect de la souveraineté des consciences. Cette politique du christianisme est largement humanitaire et tolérante elle nous fait assister au magnifique spectacle de ses combats incessants contre l'esprit d'ignorance et de superstition, de ses efforts pour réintégrer la conscience individuelle dans la pleine possession d'elle-même par l'assimilation de vérités religieuses faisant seules leur chemin dans le monde. Et c'est seulement par la libre persuasion que ces vérités chrétiennes influent sur les mœurs, les réforment et réussissent ainsi à prévaloir contre ceux-là même qui s'étaient arrogé le droit d'en conserver le monopole et de les propager parmi les nations.
La politique du cléricalisme est au contraire exclusivement sectaire et intolérante. Malgré l'évidence des faits, le pouvoir sacerdotal persiste à soutenir qu'étant de droit divin, il s'identifie à la religion et qu'il reste l'Église même, dans toute sa pureté et son intégrité originaires. C'est au moyen de cette confusion entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, entre les temps de l'Église primitive et ceux de la décadence de ses institutions ecclésiastiques, que le cléricalisme trouble et démoralise les esprits, produit l'affaissement des caractères, et séduit les faibles en leur évitant jusqu'à l'effort de discerner le vrai du faux, le bien du mal, – l'autorité du prêtre se dressant continuellement devant la conscience des fidèles, et se substituant artificiellement à celle-ci, comme un critérium infaillible de la vérité religieuse. »
C. Humann.

" Article 1. - Le Sénat et la Chambre des députés se réunissent chaque année le second mardi de janvier, à moins d'une convocation antérieure faite par le Président de la République.
- Les deux chambres doivent être réunies en session cinq mois au moins chaque année. La session de l'une commence et finit en même temps que celle de l'autre.
- Le dimanche qui suivra la rentrée, des prières publiques seront adressées à Dieu dans les églises et dans les temples pour appeler son secours sur les travaux des assemblées. " Alinéa abrogé par l'article 4 la loi Ferry/Martin-Feuillée du 14 août 1884 portant révision partielle des lois constitutionnelles. (JO N° 223 du 15 août 1884, ).

RENAN SUR LE CLÉRICALISME



1880 : Deux décrets du 29 mars contre les congrégations. Eviction des Jésuites de tous leurs établissements le 30 juin 1880. Expulsion des autres congrégations en octobre-novembre 1880.


Lois Jules Ferry (ministre de l'Instruction publique et des Beaux-arts) et René Goblet (ministre de l'Instruction publique, des Beaux-arts et des Cultes) sur l'enseignement : 28/3/1882 (la religion - catéchisme - n'est plus enseignée) et 30/10/1886 (laïcisation du personnel enseignant). Cf Vehementer Nos sur les lois laïques dont la loi de 1905 :
" Vous avez vu violer la sainteté et l'inviolabilité du mariage chrétien par des dispositions législatives en contradiction formelle avec elles, laïciser les écoles et les hôpitaux, arracher les clercs à leurs études et à la discipline ecclésiastique pour les astreindre au service militaire, disperser et dépouiller les congrégations religieuses et réduire la plupart du temps leurs membres au dernier dénuement. D'autres mesures légales ont suivi, que vous connaissez tous. On a abrogé la loi qui ordonnait des prières publiques au début de chaque session parlementaire et à la rentrée des tribunaux, supprimé les signes traditionnels à bord des navires le Vendredi Saint, effacé du serment judiciaire ce qui en faisait le caractère religieux, banni des tribunaux, des écoles, de l'armée, de la marine, de tous les établissements publics enfin, tout acte ou tout emblème qui pouvait, d'une façon quelconque, rappeler la religion.
Ces mesures et d'autres encore qui peu à peu séparaient de fait l'Église de l'État n'étaient rien autre chose que des jalons placés dans le but d'arriver à la séparation complète et officielle." (Les attentats passés).
1884 : restauration du divorce par la loi Naquet du 27 juillet.

Lavisse : 
Suite à la loi Loubet/Waldeck-Rousseau du 1er juillet 1901 (titre III) sur les associations, les congrégations non autorisées sont expulsées à partir d'avril 1903. Ainsi les moines de la Grande Chartreuse sont expulsés manu militari le 29 avril 1903. Manifestations à Nantes en juin 1903.

 Mai 1904, rupture des relations diplomatiques avec le Saint-Siège (après la visite du président Loubet à Rome).


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IV / b) Laïcité

Laïcité à la française selon le titre Ier, " Principes (1) ", de la loi du 9 décembre 1905 (2) :
Article 1 : liberté (de conscience, d'exercice des cultes)
Art. 2 : séparation (financière, non-reconnaissance) des cultes et de la République (3) : la République : État, départements, communes ; depuis, aussi régions, départements et collectivités territoriales d'outre-mer.

L'exercice du culte c'est dans les lieux de cultes, sauf l'exception de l'art. 27.
" les locaux servant habituellement à l'exercice d'un culte. " (art. 26)
" les lieux où s'exerce ce culte " (art. 34) ; présent d'habitude.
" les lieux où s'exerce le culte " (art. 35), encore le présent d'habitude.
Les manifestations extérieures d'un culte (telles les processions) sont donc l'exception (art. 27), une exception qui n'est d'ailleurs pas régie par la " police des cultes " (titre V de la loi) mais aujourd'hui par le 3° de l'article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales (4). La laïcité exclut donc les prières musulmanes dans les rues ou sur les lieux d'étude ou de travail, le port permanent de signes religieux dans l'espace public, la présence de crèches catholiques dans les hôtels de ville ou de région, hanouka à l'Élysée. 
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1. Principes repris dans le décret du 6 février 1911 signé par le Président du conseil, ministre de l’intérieur et des cultes, Aristide Briand. Cette laïcité devient un principe constitutionnel avec la Constitution de 1946 (art. 1). La Constitution de 1958 y ajoutera le respect des croyances (article premier), ce qui a été contesté : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances »
2. Le rapporteur en était le député socialiste Aristide Briand : loi signée par le Président Émile Loubet et le ministre de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes Bienvenu Martin.
3. Ce n'est pas simplement une séparation des Églises et de l'État. Cet intitulé n'a aucune valeur normative ; cf Guide de légistique, Paris : La Documentation française, 2017, § 3.1.3, page 268. Le mot " Église " est absent du texte de cette loi, celui de " culte " y figurant 31 fois.
4. Et dès 1905 par l'article 97 du Code de l'administration communale issu d'une loi de 1884.

Claude Courouve, 9 décembre 2023.

Catherine Kintzler analyse la laïcité de 1905 comme un régime d'articulation entre un principe de liberté d'affichage (pluralisme des expressions) de la part des individus et un principe d'abstention (le philosophe Paul Ricœur parlait en 1995 de laïcité négative ou d'abstention) de la part de la République.

Paru en 2014


Le libre exercice des cultes et la libre expression des opinions religieuses (deux principes constitutionnels) ont comme contrepartie la libre expression de l'incroyance (autre principe constitutionnel), fusse sous forme de moqueries et de dérision (ancien crime de blasphème, aboli en 1791) visant les monothéismes. L'anti-judaïsme philosophique (Voltaire, Schopenhauer, Nietzsche) doit donc être distingué de l'antisémitisme raciste.

Article 19, dernier alinéa, dans le texte de 1905


modifié par l'article 2 de la loi du 25 décembre 1942 (J. O. du 2 janvier 1943 ; extension des financements publics pour réparations aux monuments non classés). Conservé en 1945 et figure encore au III de l'article 19-2 nouveau dans la version en vigueur au 14/10/2022 :
" III.-Elles [les associations cultuelles] ne peuvent, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'État ni des collectivités territoriales ou de leurs groupements. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations ainsi que pour travaux d'accessibilité aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques. "
Deux modifications de cette loi de 1905 me paraissent donc nécessaires :

1 / À l'article 2, " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. "
il faut : " des départements, des communes, des régions et des collectivités territoriales d'outre-mer ",

2 / À l'article 19-2, dernier alinéa, " Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations ainsi que pour travaux d'accessibilité aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques. "
mettre :  Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations ainsi que pour travaux d'accessibilité aux édifices affectés au culte public et classés monuments historiques. "

Enfin, la loi Savary du 26 janvier 1984, article 3, alinéa 1 (devenu l'article L. 141-6 du Code de l'Éducation), énonce un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) :
" Le service public de l’enseignement supérieur est laïc et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l’objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique. "

EXCEPTIONS TERRITORIALES

Alsace-Moselle
" Le Conseil d’État [6 avril 2001) « valide » la législation spéciale relative à l’enseignement religieux obligatoire dans les lycées et collèges publics des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Ce régime dérogatoire n’a pas été abrogé implicitement par le principe constitutionnel de laïcité, érigé par le juge administratif en principe fondamental reconnu par les lois de la République [PFRLR].
Il n’est pas non plus incompatible avec les exigences de la Convention européenne des droits de l’homme [CEDH] en matière de protection de la liberté de conscience des élèves, dès lors que la faculté d'être dispensé d’enseignement religieux leur reste ouverte. " (Le principe de laïcité comme PFRLR)

Guyane
De mars 2015 : " « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Pourtant, la Guyane, alors définie comme « colonie » au moment du vote de cette loi n'est pas, aujourd'hui, soumise au principe de laïcité. De même, le décret du 6 février 1911 (1) portant séparation des Églises et de l'État en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, ne s'applique pas au territoire de la Guyane. Devenu département et région, ce territoire n'est toujours pas entré dans le droit commun quant à ces dispositions.
Conformément au principe constitutionnel défini à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel la loi « doit être la même pour tous » la loi de 1905 doit s'appliquer à l'ensemble du territoire de la République. Il convient ainsi de retirer du budget des collectivités le financement des cultes en Guyane " (proposition de loi du sénateur Antoine Karam et alii).
1. Ce décret Morel/Briand reprenait les principes de 1905 :
TITRE Ier PRINCIPES
Art. 1er. - La République assure la liberté de conscience. Elle garantit la libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Art. 2. - La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er juillet qui suivra la publication du présent décret, seront supprimés des budgets des colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion et des communes de ces colonies, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. [...]
Les décrets-lois Mandel des 16 janvier 1939 et 6 décembre 1939 dérogaient au principe de la laïcité en France dans certains territoires ultramarins : Guyane, Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les TAAF (Terres australes et antarctiques françaises), en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.
En juillet 2015, un amendement à la loi de modernisation du droit de l'Outre-mer, présenté par des deputés GDR, visait à " étendre à l’ensemble des territoires d’Outre-mer le principe de séparation des Églises et de l’État garanti par la loi du 9 décembre 1905 ". Amendement retiré dans l'attente de l'examen d'une proposition de loi.
Assemblée nationale, 3e séance du 16 juillet 2015 :

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement n112 rectifié.

M. Gabriel Serville. Madame la ministre, cet amendement vise à étendre à l’ensemble des territoires d’outre-mer le principe de séparation des Églises et de l’État, garanti par la loi du 9 décembre 1905. À cette fin, il abroge l’ordonnance royale du 27 août 1828, fondement juridique qui régit encore aujourd’hui les relations entre l’Église catholique et les pouvoirs publics, notamment en Guyane. Il vise donc à retirer du budget du conseil départemental et, consécutivement, de la future collectivité de Guyane, le financement des prêtres du culte catholique, afin d’assurer ainsi la promotion de l’égalité entre tous les citoyens, d’une part, sans exception, et entre tous les cultes d’autre part. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Paola Zanettirapporteure. Il me semble que ce sujet mériterait d’être abordé en concertation avec les Églises des territoires concernés. Remettre en cause par un amendement parlementaire les régimes spécifiques des cultes, en outre-mer comme ailleurs – originaire de la Moselle, je connais cette problématique ! – me semble en tout état de cause inadapté. Aussi j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevinministre. Nous sommes tous d’accord sur le fait que notre République est laïque. Aussi peut-il apparaître assez singulier que le conseil départemental puisse payer les salaires des prêtres. Il y a manifestement là quelque chose à faire évoluer. Nous sommes d’accord sur ce point.

Cela étant, le texte de référence remontant à 1828, il semble raisonnable, avant de supprimer le système existant aujourd’hui en Guyane, de mener une concertation avec les personnes concernées, à savoir les prêtres catholiques. Il n’en demeure pas moins vrai que le système actuel ne peut prospérer en l’état. Je crois savoir que le sénateur Karam a déposé une proposition de loi et que vous en préparez une vous-même, monsieur le député. Je peux vous assurer que, si ces propositions de loi ont fait l’objet des concertations nécessaires, le Gouvernement vous suivra pleinement pour mener à bien l’évolution nécessaire de ce régime.

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Madame la ministre, je veux vous rassurer : avant de faire cette proposition, le sénateur Antoine Karam et moi-même avons pris le soin de consulter les curés, les prêtres, l’évêque de Cayenne, qui comprennent tout à fait cette évolution. On peut considérer en effet qu’il n’est pas sain que seul le culte catholique continue à bénéficier des deniers publics.

Ce qui a sans doute gêné, dans mon amendement, est le fait qu’il ne concerne pas que la Guyane mais également les autres collectivités d’outre-mer. Peut-être aurait-il fallu qu’il ne vise que l’ordonnance royale de 1828 et mette de côté les décrets Mandel qui, eux, concernent l’ensemble des collectivités d’outre-mer.

Cela étant, je considère que c’est un bon moyen, pour notre gouvernement, d’aller gratter quelques sous qui nous font cruellement défaut par moments. Le conseil départemental de Guyane, vous le savez aussi bien que moi, a des finances exsangues ; il ne parvient pas toujours à répondre aux aspirations des politiques comme à celles de la population.

J’ai déjà déposé la proposition de loi. Elle n’est pas rédigée dans les mêmes formes que cet amendement. Nous prendrons donc le temps, avec vos services, de voir comment l’améliorer, afin qu’elle puisse aboutir dans des conditions acceptables et dans des délais assez courts. En effet, la future collectivité va se mettre en place très rapidement, et nous savons d’ores et déjà les difficultés qu’elle va rencontrer pour se procurer les recettes fiscales, les financements lui permettant de faire face à ses obligations. Je prends acte de votre réponse, des perspectives qui nous attendent, et je retire l’amendement.

(L’amendement n112 rectifié est retiré.)

* * * * *

Mosquée de Paris : le journaliste Alain Gresh : " Ce qui était possible en 1921 [le financement public de la construction de la grande mosquée de Paris] ne le serait pas en 2015 ? "

Exactement. À l’époque, la laïcité n’était qu’une loi ordinaire à laquelle on a pu déroger par une autre loi (du 19 août 1920 ; J. O. du 21 août 1920) ; c’est depuis la Constitution de 1946 (Préambule alinéa 13 et Constitution article 1) un principe à valeur constitutionnelle (PVC) pour les législateurs, et un PFRLR (principe fondamental reconnu par le lois de la République) pour l'administration.

Convention européenne des Droits de l'Homme, Conseil de l'Europe, 1950 :
ARTICLE 9
Liberté de pensée, de conscience et de religion
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
Cette formulation, directement inspirée de l'art. 19 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, ONU, 1948, sans valeur contraignante, — est repris, avec valeur contraignante cette fois, dans le  Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (entré en vigueur en 1976, ratifié par la France en juin 1980), précisément dans son article 18 :
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement.
Charles Arambourou fit remarquer que ce Pacte... ne mentionne pas le droit de changer de religion, et encore moins le droit de n'avoir aucune religion.

On a là une conception extensive, envahissante, pénible, de la liberté religieuse (prières sur les lieux de travail, voire dans les rues, exigence de menus halal, port de signes religieux, voiles et/ou abayas). Conception contraire à note loi de décembre 1905 mais hélas reprise par l'Union européenne :
" Article 10
Liberté de pensée, de conscience et de religion
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. " (CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION EUROPÉENNE, 2000).

Conseil constitutionnel, décision 2012-297 QPC :
" 5. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » ; qu'aux termes des trois premières phrases du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances » ; que le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il en résulte la neutralité de l'État ; qu'il en résulte également que la République ne reconnaît aucun culte ; que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; qu'il implique que celle-ci ne salarie aucun culte ; "

* * * * *

Les tenants des crèches dans les bâtiments publics des collectivités locales voudraient bien rétablir, sinon " la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l'État. " (Charte constitutionnelle de 1814), du moins cet article 6 de la Charte de 1830 : " la religion catholique, apostolique et romaine, professée par la majorité des Français ". Mais la place naturelle et spirituelle des crèches (comme celle des statues de Saint Michel) est, depuis la loi de 1905 (article 28)  dans les nombreuses cathédrales, abbatiales, basiliques, chapelles, collégiales, églises, maisons canoniales et sacristies ; les nombreux couvents, monastères, palais épiscopaux, presbytères, oratoires, prieurés, sanctuaires, grands et petits séminaires. De même, le lieu de prières des musulmans, c'est dans les mosquées ou chez eux, pas dans nos rues ni sur les lieux d'étude ou de travail. Et pas d'hanouka à l'Élysée...

En conclusion : la laïcité n'est pas un athéisme d'État, mais l'athéisme n'est pas non plus hors laïcité ; il était hors tolérance à l'époque du philosophe anglais John Locke, mais cette époque est fort heureusement révolue.
* * *  * *
Une opposition se fait jour entre les tenants de la laïcité tout court et ceux partisans d'une laïcité apaisée, ouverte ou plurielle. Ainsi cette tribune de Charles Arambourou, militant laïque, professeur puis haut-fonctionnaire, magistrat financier, responsable de la commission Laïcité de l’UFAL (Union des FAmilles Laïques) déplorant les évolutions de la Ligue de l'Enseignement :
  • Invention de la laïcité « ouverte » après 1984, concept soutenu par l’épiscopat, puis par Jean Baubérot (« pacte laïque » avec la Fédération protestante, 1989) ; divers autres adjectifs ont été adjoints depuis, dont « plurielle » (1990), qui ont tous pour effet de dévitaliser le principe ;
  • Silence sur le dualisme scolaire (enseignement confessionnel financé par l’État) issu de la loi Debré, aggravé par les lois Guermeur, Carle… ; oubli du « serment de Vincennes » de 1960 ?
  • Invitation de Tariq Ramadan (Même si ce personnage était un jour déclaré innocent des viols dont on l’accuse, il resterait toujours aussi dangereux, en tant qu’ennemi des principes de la République et partisan propre sur soi du califat.) dans une commission « laïcité et islam » créée à cet effet par la Ligue (fin des années 90) ;
  • Participation, aux côtés de La Ligue des Droits de l’Homme et de la Fédération Nationale de la Libre Pensée, au courant « islamophile », pour qui « les musulmans » seraient les nouveaux « damnés de la Terre », et la prétendue « islamophobie » le premier péril pour la République.
  • Aux côtés des mêmes organisations, participation en 2013 à la campagne contre Baby-Loup, crèche laïque à laquelle la Cour de cassation a pourtant donné finalement raison en 2014.
  • Toujours avec les mêmes, soutien en 2015 à l’Observatoire de la Laïcité et à son rapporteur général contre Élisabeth Badinter, qui rejetait l’accusation « d’islamophobie », destinée à faire taire les laïques ;
  • Réécriture de la Charte de la laïcité à l’école : la « simplification » pédagogique justifie-t-elle la suppression 12 fois du mot « laïcité », et l’ajout 7 fois des termes « religion » ou « religieux » dans la version éditée par La Ligue sous le même titre ?
  • Soutien indirect à la contestation permanente de la loi du 15 mars 2004 (réglementant le port des signes religieux par les élèves de l’école publique).

Autres dérives à signaler, celles d'Amnesty International et de la FCPE.

Amnesty International (AI) bien mal inspirée soutint une Requête contre notre loi anti-burka du 11 octobre 2010 ; la CEDH, par arrêt du 1er juillet 2014 reconnut le droit de la France à préserver les conditions du vivre ensemble (interactions entre les individus) et, ainsi, son choix de société.

La Cour conclut que cette loi française ne viole aucun article de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.AI prône l'ouverture des frontières sans restriction (opération I welcome), tout en tentant de refuser à la France les moyens juridiques de sa protection contre le terrorisme et le totalitarisme islamiques ; ceci au nom de prétendus " droits humains " extensibles à l'infini, tel le " droit de porter des habits à connotation religieuse ".

Cette ONG qui en 1977 reçut le prix Nobel de la paix pour son action contre la torture s'est donc vue en 2014 retoquée par la Cour européenne des droits de l'homme pour avoir tenté de dénier à la France son choix de société ; triste dérive...


Affiche de la FCPE et réactions :



Lettre à la FCPE qui fait la promotion des mamans voilées en sortie scolaire

Circulaire Chatel n° 2012-056 du 27 mars 2012 : " Il est recommandé de rappeler dans le règlement intérieur que les principes de laïcité de l'enseignement et de neutralité du service public sont pleinement applicables au sein des établissements scolaires publics. Ces principes permettent notamment d'empêcher que les parents d'élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu'ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires. "

Octobre 2017 : échange vif avec le proviseur adjoint du lycée polyvalent Paul Constans de Montluçon : cet agrégé de physique me dit que la laïcité, c'est " respecter toutes les religions "... Même conception chez le député LREM Sacha Houlié :


* * * * *

AUREL


Henri Peña-Ruiz : Chronique intempestive : la laïcité réexpliquée aux responsables religieux, Marianne, 5 mai 2020 :
[...  ]

Si la laïcité ne se résume pas au seul texte de loi de 1905, elle ne peut pas ne pas partir du " Titre 1er : Principes " de la loi de 1905 (Principes repris dans le décret de 1911).
La laïcité n'est ni de droite ni de gauche, elle est républicaine. Elle est encore moins communiste, comme le voudrait Peña-Ruiz qui la tord dans ce sens avec son " universalité fraternelle de l’intérêt général qui fonde le bien commun ". Il la tord aussi en faisant de la laïcité la seule garantie de l' " égalité de traitement de toutes les options spirituelles ", variante de la conception de la laïcité comme coexistence des religions (tolérance à la Locke), ce qui revient à nier l'incroyance.
* * * * *



V / Ce n'est pas au christianisme (Rendez à César...) que l'on doit la laïcité
Henri Peña-Ruiz : « Tenant pour peu de choses les apports de la civilisation grecque, préchrétienne, certains dignitaires catholiques prétendent aujourd'hui que le christianisme est à l'origine des droits de l'homme. Une généalogie très discutable, à mettre en débat. Les Grecs ont inventé l'idée de liberté, celle d'égalité, la philosophie, comme pensée libre, l'universalisme qui faisait dire à Socrate qu'il n'était ni d'Athènes ni de Corinthe mais du monde, et à Marc Aurèle qu'en tant qu'Antonin il était citoyen de Rome, mais qu'en tant qu'homme il était citoyen du monde. Le christianisme a bien pensé l'égalité en quelque sorte métaphysique des hommes, tous fils du Dieu des chrétiens, et tous égaux par leur finitude. Mais a-t-il transposé cette matrice dans le champ juridico-politique ? Rien n'est moins sûr.  ». (Entrée " Égalité ", Dictionnaire amoureux de la Laïcité, Paris : Plon, 2014).
Philippe Raynaud : « Quelle qu'ait été l'importance de la distinction des deux " cités " ou des deux " pouvoirs ", temporel et spirituel, dans la genèse de la modernité politique ou de l'État occidental, il est parfaitement anachronique d'y voir une anticipation de la " laïcité " moderne, comme se plaisent à le dire aujourd'hui quelques catholiques iréniques. » (La Laïcité, Histoire d'une singularité française, I " Naissances de la laïcité ", Paris : Gallimard, 2019).
V / a) Sur la séparation
V / b) Sur la liberté de conscience : ce principe fondamental de la laïcité n'a jamais été accordé par le christianisme.
V / c) Sur la liberté d'exercice des autres cultes

V / a) Sur la séparation

Contrairement à ce qu'on raconte sur Internet et même sur France Culture (notamment dans l'émission Répliques du 24/2/17) et aussi dans Le Figaro (Rémi Brague encore), et contrairement à ce que croit Bernard-Henri Lévy, ou racontent Éric Zemmour, Luc Ferry, Jean-Luc Marion et Gabrielle Cluzel, le christianisme n'a pas inventé la laïcité, ni même la seule séparation  des cultes et de la République ; en juin 2021, Jacques Julliard soutenait encore cette thèse (forme insidieuse de cléricalisme) en lisant dans les Évangiles un « principe de séparation entre le temporel et le spirituel » formulé par Jésus « que nous appelons en France laïcité », (« La bombe islamiste contre le compromis laïque », Le Figaro, 7 juin 2021).

Le fameux " Rendez à César...,  Reddite ergo, quae sunt Caesaris, Caesari et, quae sunt Dei, Deo ”. (Matthieu, XXII, 21) est bien davantage une distinction et une subordination qu'une séparation ; si la simple existence d'un État distinct des institutions religieuses constituait un régime de laïcité, alors nous aurions connu la laïcité bien avant 1905, et les pays du Maghreb où l'islam est religion d'État la connaîtraient.

L'évangélique Rendez à César... est complété par
Paul : " Il n'y a point d'autorité qui ne provienne de Dieu, Non est enim potestas nisi a Deo; quae autem sunt ". (Aux Romains, XIII, 1).
et
" Obéissez à Dieu plutôt qu'aux hommes, Oboedire oportet Deo magis quam hominibus. " (Actes des apôtres, V, 29).
(saint) Augustin : « Attribuons le pouvoir de donner royaumes et empires au seul vrai Dieu. » La Cité de Dieu, V, xxi. Théorie du pouvoir de droit divin.
Pour notre DDHC, article 3, c'est au contraire la Nation qui est au principe de la souveraineté ; exit le pouvoir de droit divin, et le divin....

Du pape Pie IX, 1864 : Syllabus Résumé renfermant les principales erreurs de notre temps (accompagne l'encyclique Quanta Cura ; traduction française),
§ VI. " Erreurs relatives à la société civile, considérée soit en elle-même, soit dans ses rapports avec l’Église. " :
LV. L'Église doit être séparée de l'État, et l'État de l'Église. Ecclesia a Statu, Statusque ab Ecclesia seiungendus est. (Allocutio Acerbissimum, 27 septembre 1852 (Prop 31, 51, 53, 55, 67, 73, 74, 78).
Du pape Léon XIII, 1885 : " Les sociétés humaines ne peuvent pas, sans devenir criminelles, se conduire comme si Dieu n'existait pas ou refuser de se préoccuper de la religion comme si elle leur était chose étrangère ou qui ne pût leur servir de rien. " "Civitates non possunt, citra seclus, genere se, tanquam si Deus omnino non esset, aut curam religionis velut alienam nihil que profituram ablicere. " (Lettre encyclique Immortale Dei, 1er novembre 1885.)

Du pape Pie XI, mars 1937 : " Il ne saurait y avoir d'autorité sur la Terre, si l'autorité de la Majesté divine est méconnue. " (Mit brennender Sorge  Avec une brûlante inquiétude).
Pie X : voir plus loin.

Charles de Gaulle : " La France [...] ne saurait méconnaître une histoire qui a fait d'elle la fille aînée de l'Église. " (Vatican, 31 mai 1967 ; cité par René Rémond, " La fille aînée de l'Église", in Pierre Nora, directeur, Les Lieux de mémoire, III, 3, Paris : Gallimard, 1992).
Du pape Jean-Paul II au Bourget le 1er juin 1980 : " France, Fille aînée de l'Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? " (la loi de décembre 1905 fut violemment critiquée par le pape Pie X : Vehementer Nos du 11 février 1906).
Du pape François : « Que la Vierge Marie, Mère de miséricorde, suscite dans les cœurs de tous des pensées de sagesse et des intentions de paix. Nous lui demandons de protéger et de veiller sur la chère nation française, la fille aînée de l’Église, sur l’Europe et sur le monde entier. » (Prière de l’Angélus, dimanche 15 novembre 2015).

NB. La France est qualifiée de « fille aînée de l'Église de Jésus » pour la première fois dans un discours du bienheureux Frédéric Ozanam le 4 décembre 1836 ; l'expression « France, fille aînée de l'Église » est attestée pour la première fois lors du « Discours sur la vocation de la nation française » prononcé le 14 février 1841 par le père Henri-Dominique Lacordaire en la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Du pape Benoît XVI, 2009  : " La Grande-Bretagne et ses dirigeants ont combattu la tyrannie nazie qui cherchait à éliminer Dieu de la société, et qui niait notre commune humanité avec beaucoup jugés indignes de vivre, en particulier les Juifs. [...] En réfléchissant sur les leçons dramatiques de l’extrémisme athée du XXème siècle, n’oublions jamais combien exclure Dieu, la religion et la vertu de la vie publique, conduit en fin de compte à une vision tronquée de l’homme et de la société, et ainsi à « une vision réductrice de la personne et de sa destinée » " (Caritas in Veritate [juillet 2009], n. 29). "

Christianisme religion d'État avec Théodose Ier en 380.

L'édit de Thessalonique, décrété par les empereurs romains Théodose Ier, Gratien et Valentinien II le 27 février 380, fit du christianisme l'unique religion licite de l'Empire romain, interdisant l'ensemble des cultes dits « païens ». En plus des adeptes des religions dites « païennes », les philosophes stoïciens, épicuriens, néoplatoniciens et sceptiques perçus comme une menace pour la christianisation sont également persécutés. Fin du libre exercice des cultes, un des trois principes de cette laïcité soi-disant inventée par le christianisme...

Bulle Unam Sanctam du pape Boniface VIII, 18 novembre 1302 : " Uterque ergo est in potestate ecclesiae, spiritualis scilicet gladius et materialis. Sed is quidem pro ecclesia, ille vero ab ecclesia exercendus, ille sacerdotis, is manu regum et militum, sed ad nutum et patientiam sacerdotis. Oportet autem gladium esse sub gladio, et temporalem auctoritatem spirituali subjici potestati. Tous deux sont au pouvoir de l'Église, le glaive spirituel et le glaive temporel. Mais celui-ci doit être manié pour l'Église, celui-là par l'Église. [...] Le glaive doit donc être subordonné au glaive, et l'autorité temporelle à l'autorité spirituelle. " Commentaire de Caroline Fourest :
" L'Église n'a jamais voulu séparer d'elle-même le temporel du spirituel. [...] Non seulement l'Église pratique l'ingérence politique mais elle use de son statut pour persécuter ceux qui ne pensent pas comme elle. " Génie de la laïcité, Paris : Grasset, 2016.
Louis de Bonald (1802) : " Plusieurs ont, de nos jours, fait naufrage sur les côtes arides et désertes de l'athéisme, d'où, comme les sirènes, ils attirent, par la facilité de leur doctrine licencieuse, les malheureux navigateurs qui parcourent les mers orageuses de la science. " (Législation primitive...)

La loi de 1905 fut tout d'abord refusée par le Vatican, dans on contexte de rupture des relations diplomatiques. Encycliques Vehementer Nos et Pascendi Dominici Gregis de Pie X, 11 février 1906 et 8 septembre 1907. Ensuite seulement, encyclique Maximam Gravissimamque de Pie XI, 18 janvier 1924. Accords de 1923-24 (associations diocésaines présidées par les évêques) et de 1945.

Giuseppe Melchiorre Sarto, dit Pie X, 1906 : " Qu'il faille séparer l'État de l'Église, c'est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l'État ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d'abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le créateur de l'homme est aussi le fondateur des sociétés humaines et il les conserve dans l'existence comme il nous soutient.
Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l'honorer.
[...] La notion du vrai en sera troublée, et les âmes remplies d'une grande anxiété. " (Vehementer Nos, 11 février 1906).
Pie X encore, en 1907 : " 2. Nous parlons, Vénérables Frères, d'un grand nombre de catholiques laïques, et, ce qui est encore plus à déplorer, de prêtres, qui, sous couleur d'amour de l'Église, absolument courts de philosophie et de théologie sérieuses, imprégnés au contraire jusqu'aux moelles d'un venin d'erreur puisé chez les adversaires de la foi catholique, se posent, au mépris de toute modestie, comme rénovateurs de l'Eglise ; qui, en phalanges serrées, donnent audacieusement l'assaut à tout ce qu'il y a de plus sacré dans l'œuvre de Jésus-Christ, sans respecter sa propre personne, qu'ils abaissent, par une témérité sacrilège, jusqu'à la simple et pure humanité.

3. Ces hommes-là peuvent s'étonner que Nous les rangions parmi les ennemis de l'Eglise. 
28. [...]Autrefois, on a pu subordonner le temporel au spirituel ; on a pu parler de questions mixtes, où l'Eglise apparaissait comme reine, maîtresse. La raison en est que l'on tenait alors l'Eglise comme instituée directement de Dieu, en tant qu'il est auteur de l'ordre surnaturel. Mais cette doctrine, aujourd'hui, philosophie et histoire s'accordent à la répudier. Donc séparation de l'Église et de l'Etat, du catholique et du citoyen. Tout catholique, car il est en même temps citoyen, a le droit et le devoir, sans se préoccuper de l'autorité de l'Église, sans tenir compte de ses désirs, de ses conseils, de ses commandements, au mépris même de ses réprimandes, de poursuivre le bien public en la manière qu'il estime la meilleure. Tracer et prescrire au citoyen une ligne de conduite, sous un prétexte quelconque, est un abus de la puissance ecclésiastique, contre lequel c'est un devoir de réagir de toutes ses forces.
29. Les principes dont toutes ces doctrines dérivent ont été solennellement condamnés par Pie VI, Notre prédécesseur, dans sa Constitution Auctorem Fidei [1794].
30. Il ne suffit pas à l'écoute moderniste que l'État soit séparé de l'Église. De même que la foi doit se subordonner à la science, quant aux éléments phénoménaux, ainsi faut-il que dans les affaires temporelles l'Église s'assujettisse à l'État. Cela, ils ne le disent peut-être pas encore ouvertement, ils le diront quand sur ce point ils seront logiques. Posé, en effet, que dans les choses temporelles l'État est maître, s'il arrive que le croyant, aux actes intérieurs de religion, dont il ne se contente pas d'aventure, en veuille ajouter d'extérieurs, comme serait l'administration des sacrements, la conséquence nécessaire, c'est qu'ils tombent sous la domination de l'État.
Et que dire alors de l'autorité ecclésiastique, dont justement il n'est pas un seul acte qui ne se traduise à l'extérieur? Il faudra donc qu'elle lui soit totalement assujettie. C'est l'évidence de ces conclusions qui a amené bon nombre de protestants libéraux à rejeter tout culte extérieur, même toute société religieuse extérieure, et à essayer de faire prévaloir une religion purement individuelle. Si les modernistes n'en sont point encore arrivés là, ce qu'ils demandent, en attendant, c'est que l'Église veuille, sans trop se faire prier, suivre leurs directions, et qu'elle en vienne enfin à s'harmoniser avec les formes civiles.
31. Telles sont leurs idées sur l'autorité disciplinaire.
72. Nous avons déjà parlé des Congrès et assemblées publiques comme d'un champ propice aux modernistes pour y semer et y faire prévaloir leurs idées. Que désormais les évêques ne permettent plus, ou que très rarement, de Congrès sacerdotaux. Que s'il leur arrive d'en permettre, que ce soit toujours sous cette loi qu'on n'y traitera point de question relevant du Saint-Siège ou des évêques, que l'on n'y émettra aucune proposition ni aucun vœu usurpant sur l'autorité ecclésiastique, que l'on n'y proférera aucune parole qui sente le modernisme, ou le presbytérianisme, ou le laïcisme" (Pascendi Dominici Gregis)

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V / b) Sur la liberté de conscience : ce principe fondamental de la laïcité n'a jamais été accordé par le christianisme.

« Quant à mes ennemis , ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux , amenez-les ici , et égorgez-les tous devant moi ! » (Luc, XIX, 27).
Luc, XIV, 23 : Et ait dominus servo: “Exi in vias et saepes, et compelle intrare, ut impleatur domus mea. " Va dans les chemins et contrains les gens d'entrer afin que ma maison soit remplie ". Passage commenté par Pierre Bayle en 1686 dans Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ " Contrains-les d'entrer ".

La liberté de conscience (libération de la conscience) trouve sa source intellectuelle non dans les Testaments, mais dans l'injonction philosophique " Penser par soi-même " : Grecs anciens : Hésiode, Parménide et Socrate (Enjeu d'autonomie de la pensée qui parcourt les Dialogues de Platon) ; Humanisme (Montaigne), Libertinage érudit, Lumières (Bayle, D'Alembert, Voltaire, Kant, Condorcet). D'où les dénominations esprits libres (Montaigne, Nietzsche) et  libres penseurs.

L'Index Librorum Prohibitorum fut clos en juin 1966, aucun ouvrage paru depuis n'y figure, mais selon le Vatican il garde sa valeur morale. Il se trouve que j'ai connu à Paris l'abbé Marc Oraison, un des derniers auteurs, avec André Gide, à figurer dans cet Index (décrets du 24 mai 1952 et du 18 mars 1953).


V / c) Sur la liberté d'exercice des autres cultes

Édits de Galère (311) et de Milan (313) : liberté de culte pour les chrétiens.

Les quatre grands Édits :
Édit de Saint-Germain : janvier 1562, autorise les protestants à s'assembler pour leur culte dans les faubourgs des villes et à la campagne.
Édit de Nantes : avril 1598, autorise les protestants à pratiquer leur culte du 30 avril 1598 au 22 octobre 1685.
Édit de Fontainebleau, 18 octobre 1685, révocation du précédent ; suivi de dragonnades et de conversions forcées. 
Édit de Versailles : novembre 1787, donne aux non-catholiques le droit de pratiquer leurs religions, mais conserve le catholicisme comme religion d’État du royaume de France.) et de 


 


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V / d) En conclusion

La loi de 1905 fut d'abord refusée par le Vatican comme " très gravement injurieuse pour Dieu ",  dans le contexte de la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Vatican. Encyclique Vehementer Nos de Pie X, 11 février 1906. Ensuite seulement accords de 1923 (associations diocésaines) et 1945.

Ce qui est exact, c'est que le droit canon, inspiré du droit romain, a influencé le droit constitutionnel ; on connaît l'adage Quod omnes tangit ..., ce qui touche tous doit être approuvé par tous, soit le principe du suffrage universel. Voir Brian Tierney, Religion, Law and the Growth of Constitutional Thought, 1150-1650, Cambridge University Press, 1982.

Pape François : « Votre laïcité est incomplète. La France doit devenir un pays plus laïc. Il faut une laïcité saine. Une laïcité saine comprend une ouverture à toutes les formes de transcendance, selon les
différentes traditions religieuses et philosophiques. D’ailleurs même un athée peut avoir une intériorité. (...) Une critique que j’ai envers la France est que la laïcité résulte parfois trop de la philosophie des Lumières, pour laquelle les religions étaient une sous-culture. La France n’a pas encore réussi à dépasser cet héritage. » Mardi 1er mars 2016, entretien à Sainte-Marthe (Rome) avec un groupe de catholiques français dont Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de La Vie.










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Cette page (largement complétée depuis) servit de base à un exposé que je fis le 8 février 2018 au Cercle Condorcet de Montluçon (CCM). Par la suite, il me fut reproché par le président de cette association, Philippe Foltier, d'avoir critiqué la religion catholique : " Je regrette de n'avoir pas recadrer le débat lorsque celui-ci s'est orienté vers une opposition à la religion catholique. En effet, le thème initial était bien celui de présenter un distinguo entre la laïcité et l'athéisme ... et je n'avais pas imaginé que la religion catholique puisse être "la cible " ... ou " la résultante " de ce distinguo ... "
Le catholicisme s'était fortement opposé aux trois éléments de la laïcité à la française (liberté de conscience, libre exercice des autres cultes, séparation des cultes et de la République), ceci avant et après 1905, il était difficile de ne pas le cibler en traitant mes sujets : l'athéisme (qu'il a persécuté) et la laïcité (qu'il a refusée). Le reproche de Foltier étonne dans une association qui invoque le patronage de Condorcet et dont par ailleurs il me rappelle que
" L’ambition des cercles Condorcet est de :
* veiller au respect des valeurs de la République, de la démocratie, de la laïcité, de la citoyenneté, de l’instruction pour tous ; * apporter un éclairage sur des débats de société tels que travail, justice, racisme… ; des questions d’actualité comme la violence, le sport, les mouvements sociaux….
Et pour cela, ils ont le projet de
* promouvoir l’esprit critique ;
* combattre la désinformation ;
* affirmer des positions basées sur l’exercice de la raison critique et sur les valeurs de la République ; "
Autre chose : J'avais accepté sans problème que ce curé de Commentry, invité par Foltier suite à une rencontre fortuite, participe à ce débat à égalité avec les autres intervenants. Ce qui m'a surpris et fortement choqué, c'est qu'il ait été privilégié, intronisé co-animateur (sinon co-président de séance), assis à la gauche de Foltier, en quelque sorte pour contrer mon travail, ce qui n'était pas dans les usages de ce Cercle. Selon l'invitation que nous avions reçue et le fonctionnement habituel de ce Cercle, ce qui permet d'ouvrir le débat avec les membres, c'est l'introduction faite par un membre du Cercle, et non l'avis d'un invité surprise. Foltier m'écrivit : " Je ne regrette pas la présence du curé de Commentry, présence qui avait été validée par les membres du cercle lors de notre réunion de janvier. Sa présence a été appréciée, je crois même si, l'essentiel de ses propos a été " de défendre sa chapelle ".
Ce curé (photo à droite) commença son intervention, juste après la fin de mon exposé, par le reproche d'avoir " instrumentalisé " une citation de Luc ; il mentit disant que l'Index... avait été aboli alors que, selon le site du Vatican, il garde " sa valeur morale " :
Le Cardinal Alfredo Ottaviani, Pro-préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, prit soin de publier, le 14 juin 1966, une Notification spéciale destinée à protéger la foi et la morale dans les imprimés. Bien que ni l’Index ni les sanctions prévues par lui n’ait plus la valeur juridique d’une loi ecclésiastique, sa valeur morale, déclarait-il, gardait toute sa force, au sens où, au nom du droit naturel lui-même, il rappelait à toute conscience chrétienne le devoir de s’abstenir de la lecture des livres dangereux pour la foi et les mœurs. " (POUR FAIRE CONNAÎTRE ET GARDER LA FOI)
Simplement, depuis 1962, plus aucun ouvrage nouveau  n'y figure. Par ailleurs ce curé s'est permis de présenter très longuement son itinéraire d'ancien trotskiste, puis ses activités diverses, temps pris sur celui prévu pour notre débat. Ce curé, dont Foltier, décidément bien incohérent, me dira plus tard que " l'essentiel de ses propos avait été " de défendre sa chapelle " !!! "

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VI / Appendices :

VI / a)
Joël Andriantsimbazovina, Hélène Gaudin, Jean-Pierre Marguénaud, Stéphane Rials, Frédéric Sudre, directeurs, Dictionnaire des Droits de l'Homme, Paris : PUF, 2008.
Articles :
Athéisme : inexistant (pas davantage dans l'Index rerum pages 989-1005).
Christianisme, pp. 141-145.
Incroyance : inexistant (pas davantage dans l'Index rerum).
Islam, pp. 543-549.
Judaïsme, pp. 557-560.
Laïcité, pp. 597-601 : article complet et exact, sauf l'appellation " séparation des Églises et de l'État " pour " séparation des cultes et de la République ".
Liberté de pensée, de conscience et de religion, pp. 636-639 : " c'est la liberté de croire ce que l'on veut, de s'attacher éventuellement à la religion de son choix incarnée dans un groupement religieux organisé et de manifester ce choix et cette croyance en paroles et (ou) en actes. ". Oubliée, la liberté de ne pas croire... " Le constat peut être dressé de l'emprise réelle de liberté de religion, dévoreuse ou protectrice, sur celle de pensée et de conscience. [...] Il n'existe pas dans la jurisprudence de la Cour européenne de décision significative rendue sur le fondement de la disposition visée (l'article 9 de la Convention) au profit d'un athée ou d'un agnostique. " 
Libre pensée : inexistant (pas davantage dans l'Index rerum).

VI / b)
" Rassemblement pour la Laïcité Dimanche 25 janvier [2015], 10h30, parvis mairie de Montluçon (Allier), au pied de l'arbre de la Laïcité ...
" Suite aux attentats perpétrés la semaine dernière à Paris et aux discours sur les valeurs de la République des plus hautes autorités de l’État prononcés ces deux derniers jours, plusieurs associations laïques de Montluçon vous invitent à un rassemblement citoyen pour rappeler à toutes et à tous, que la Laïcité est et demeure le fondement de notre République et du Vivre ensemble, le DIMANCHE 25 JANVIER [2015] à 10h30, autour de l'Arbre de la Laïcité, esplanade de la Mairie, place Jean Jaurès. A cette occasion, l'intégralité de notre communiqué, paru partiellement, sera lu et les responsables des associations laïques présents pourront répondre aux journalistes présents. "
En quoi l'invocation de la seule  laïcité pouvait-elle être une riposte adéquate aux attentats islamistes de Charlie-Hebdo et l'Hyper Cacher ?? Même remarque pour les communiqués à venir après la décapitation de Samuel Paty près de Conflans-Sainte-Honorine.


VI / c)


Livret laïcité, Paris : Ministère de
l'Éducation nationale, 2015, page 17.