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mercredi 28 septembre 2022

DFHM : Damoiseau à droits du cul en passant par défaut, délicat, délices, délit d'espine et délit d'homosexualité



" Il n'est pas du tout à la mode, c'est un vrai damoiseau. "
Madame [princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV], lettre du 13 décembre 1718, parlant de son fils le Régent.
Connotation hétérosexuelle, par opposition au " vice à la mode ".

DAUFER

« DAUFER  : satisfaire une passion pédéraste. »
Évariste Nouguier, Dictionnaire d'argot, 1899-1900.

DAUPHIN

« de sout’neur dev’nir dauphin »
Émile Chautard, Goualantes de la Villette et d’ailleurs, 1929.



DÉBAUCHE NATURELLE

« L'aventure de MM. de La Ferté, Biran, Colbert, Argenson est bien infâme; ils ne sont que les malheureux d'une nombreuse confrérie. Nos pères n'étaient pas plus chastes que nous, mais ils se contentaient d'une débauche naturelle. On brode à présent sur les vices, on les raffine. »
Lettre de La Rivière à Bussy-Rabutin, 5 février 1680.

DÉCULER, DÉSENCULER

« Je suis en état de foutre dix coups sans désenculer. »
Le Bordel apostolique institué par Pie VI pape en faveur du clergé de France, « Réponse », 1790 [BnF, Enfer 602].

« L'Italien, déculant son homme, nous offre un vit sec et mutin, maintenant propre à toutes sortes d'attaques. »
Marquis de Sade, Histoire de Juliette, VIe partie, Paris : Gallimard, 1998, édition Michel Delon.

« Ces pieuses dissertations terminées, le moine décula son giton. »
Marquis de Sade, La nouvelle Justine, VIIe partie, Paris : Gallimard, 1995, édition Michel Delon.

DÉFAUT

Pierre Daniel Huet (sur l'humaniste italien Ange Politien) : « Je ne dis rien de ses mœurs, et de sa religion. Il a eu sur cela une réputation fort équivoque, et ce défaut qui est capital, a obscurci toutes ses autres vertus ; d'autant plus que son caractère de Prêtre, et son emploi de Chanoine, requéraient une vie réglée, et des mœurs exemplaires. »
Huetiana, ou pensées diverses de M. Huet, VII, publié par l'abbé Pierre-Joseph d'Olivet (1682-1768).
Paris : J. Estienne, 1722.

Antoine Aubriet signale, dans sa Vie de Cambacérès (1824), que les contemporains lui reprochaient un " petit défaut ".

DÉLICAT

Du latin delicatus (dérivé de deliciae) désirable, voluptueux, fin, avec déjà une connotation homosexuelle chez Jérôme (lettre XIV)  et Sénèque (Lettres à Lucilius, CXIV)

« Pour souligner l’ « ordre et venuste elegance » de la dame Méridienne, l’auteur du deuxième conte fait allusion non seulement aux apparitions de Vénus à Mars, d’Adonis à Vénus, et de Psyché à Cupidon, mais aussi à celle de « l’enfant delicat Ganimedes au souverain Juppiter lorsqu’il le ravit ». 
Les Contes amoureux par Madame Jeanne Flore, vers 1542, édition critique par Régine Reynolds-Cornell, Textes et Contre-Textes no 5, Saint-Étienne, Publications de l’Université
de Saint-Étienne, 2005, page 92.  »
Cité par Gary Ferguson dans son texte « Jeanne Flore pédéraste », in DEBROSSE (Anne), SAINT MARTIN (Marie) (dir.), Horizons du masculin. Pour un imaginaire du genre, Paris : Classiques Garnier, 2020, page 474.

Cette épître « À celle qui se reconnaîtra » est attribuée au marquis de Villette ou au comédien Jacques M. (de) Monvel :

« Tout le monde a des ridicules,
Mais n’a pas des vices qui veut.
Du tien ne va pas te défaire,
Dans la Grèce on en faisait cas
Et sur le vice, on sait, ma chère,
Que les Grecs étaient délicats. »
Mémoires secrets, tome 14, 16 octobre 1779.

« Un jeune homme très délicat [...] la délicatesse en personne »
Joseph Méry, Monsieur Auguste, Paris : A. Bourdillat, 1859, cité par Michael Rosenfeld, " Écrire et escamoter l'amour entre hommes sous le Second Empire : Monsieur Auguste et Le Comte Kostia ", dans " Écrire les homosexualités au XIXe siècle ", Littératures, n° 81, 2019.

« Délicat et blond, adj. Se dit, ironiquement, d’un gandin, d’un homme douillet, quelles que soient la couleur de ses cheveux et la vigueur de son corps. »
Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte, 2e édition, 1883.

« Les philosophes grecs aimaient les belles formes. Leur cœur s’attachait de préférence aux nobles lignes que les beaux éphèbes déployaient dans les exercices du gymnase […] quelques esprits délicats de nos jours, heurtés par le côté bassement matériel de l’amour, par le prosaïsme des rapports journaliers, frappés de l’incomplet des formes féminines, du manque d’esthétique de leur amitié toujours peu sûre, ont jugé que la passion ordinaire ne pouvait jamais atteindre à ce haut point de désintéressement où se joue l’amitié entre hommes. L’amitié-passion, voilà le remède que vous cherchez. »
Paul Verlaine, La Vie parisienne, 26 septembre 1891.

André Gide avait noté quelque part que sa mère le trouvait délicat.

Émile Zola : " L’incertitude peut commencer au simple aspect physique, aux grandes lignes du caractère : l’homme efféminé, délicat, lâche ; la femme masculine, violente, sans tendresse. Et elle va  jusqu’à la monstruosité constatée, l’hermaphrodisme des organes, les sentiments et les passions contre nature. Certes, la morale et la justice ont raison d’intervenir, puisqu’elles ont la garde de la paix publique. Mais de quel droit pourtant, si la volonté en est en partie abolie ? On ne condamne pas un bossu de naissance parce qu’il est bossu. Pourquoi mépriser un homme d’agir en femme s’il est né femme à demi ? "
Lettre au Dr Laupts (G. Saint-Paul), 25 juin 1895.
Anonyme : " Il me semblait être trop faible, trop joli, trop délicat pour dormir avec une femme à laquelle je ressemblais trop, et d’ailleurs je n’aurais jamais eu ce courage. " Roman d'un inverti-né, II, 1889 (lettres à Zola).

« Royaume-Uni Le "stray" nouveau est arrivé (Société), par Béatrice Colbrant :
Selon une étude britannique, une nouvelle race d’hommes vient de faire son apparition : le "stray", intermédiaire entre l’homme gay traditionnel et le "straight", terme réservé à l’hétéro de base. Le stray serait ainsi un straight déguisé en gay et cela en vue de séduire le plus grand nombre de femmes possible. Des femmes, dit-on, de plus en plus attirées par le look délicat, voire inoffensif, du copain gay toujours prêt à écouter et à rendre service. Référence oblige : on se souvient de Warren Beatty dans "Shampoo", prototype du stray s’attirant les succès féminins sous les dehors les plus détachés. Tout homme outre-Manche est désormais qualifié de "GUPO": "Gay until proven otherwise" (Gay jusqu’à preuve du contraire). »
Têtu quotidien, 2 avril 2003.

DÉLICES

Du latin classique deliciae, voluptés, objet d'amour.

La connotation homosexuelle du terme provient probablement de ces célèbres vers de Virgile :

Formosum pastor Corydon ardebat Alexim,
Delicias domini, nec, quid speraret, habebat.

« Pour le bel Alexis, délices de son maître,
Le pâtre Corydon se consumait en vain » (traduction Paul Valéry).

La Renaissance le ranime :

« Des filles n’avons nul besoin
Car avons-nous pas nos novices
Avec lesquels prenons soin
De trouver toutes nos délices
Et ce faisant n’avons point peur
D’en avoir aucun déshonneur. »
Recueil Maurepas, BnF, mss fr 12616, année 1566, tome 1, page 160, « Chanson d’un cordelier sorbonniste ».

Ainsi mon favori gay m'entretiendra,
Je ne désire pas que l'on cueille mon fruit,
Comme un peuple ignorant dedans l'ombreuse nuit,
Ni comme un courtisan tout à la dérobée."
Oeuvres poétiques du capitaine Laphrise, " Stances de la délice d'amour ", 1597.

« Pourceau le plus cher d’Épicure,
Qui, contre les lois de nature,
Tournez vos pages à l’envers,
Et qui, pris aux chaînes des vices
Vous plongez dedans leurs délices,
J’ai des limbes entendu vos vers. »
Sieur de Sigognes, Ode, in Cabinet satyrique ou Recueil parfait des vers piquants et gaillards de ce temps, 1618.

Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706 : délices



Sade : « Ce singulier Dolmancé […] sodomite par principe, […] les délices de Sodome lui sont aussi chers comme agent que comme patient. »
Marquis de Sade, La Philosophie dans le boudoir (1795), I, Paris, Gallimard, 1998, édition Michel Delon.

Paul Bourget : « C'était le collège qui continuait à les lier l'un à l'autre, et les souvenirs d'enfance. Leur enfance ?... Armand, qui tournait la rue Royale et gagnait les Champs-Élysées, se rappela soudain le défilé de la pension Vanaboste, le jeudi, et la promenade trois par trois, sous la surveillance d'un pauvre diable de maître d'étude qui cherchait à se dissimuler parmi les groupes pour avoir l'air d'un passant comme les autres et non pas d'un chien de cour chargé de garder un troupeau d'élèves. Et quel troupeau ! La plupart avait le teint pali, les yeux creusés, un appauvrissement énervé de tout l'être qui disait de secrètes débauches. Que d'ignominies et de bassesses dans ce monde où les plus âgés avaient dix-neuf ans, où les plus jeunes en avaient huit ! Entre les murs de la prison, comme entre les murs du grand lycée où ils se rendaient deux fois par jour, il n'était question que d'infâmes amours entre ces grands et ces petits. Parmi ces amours contre nature, les unes étaient franchement sensuelles et avaient pour théâtres tous les coins déserts de la maison, depuis les dortoirs jusqu'à l'infirmerie. Et parmi les jeunes Français internés dans des collèges semblables, combien participaient à cette luxure, et les autres se salissaient l'imagination en la repoussant ! Il y avait aussi entre ces collégiens des liaisons exaltées et chastes. La lecture d'une certaine égloque de Virgile, d'un dialogue de Platon, de quelques sonnets de Shakespeare montaient la tête aux plus littéraires, et Alfred Chazel avait un jour reçu, étant en troisième, une pièce de vers écrite par un rhétoricien de Henri IV, qui commençait par ce vers prodigieux dont ils avaient ri comme des fous :
Alfred, mon pâle Alfred, mon Aimé, mes Délices... »
Un Crime d'amour, Paris : Alphonse Lemerre, 1886.

DÉLIT D’ÉPINE

« ESPINE, c'est-à-dire le dos, à cause de l'épine du dos ; & le délit d'espine, c'est-à-dire, la Sodomie. C’est pourquoi Monstrelet [vers 1390-vers 1453] dit que quelques uns furent brûlés à la Grève pour avoir commis le délit d’espine. »
Pierre Borel (vers 1620-1671), Dictionnaire des termes du vieux françois ou Trésor des recherches et antiquités gauloises et françoises, Paris : Briasson, 1750 [Paris : A. Courbé, 1655], à l’article ESPINE.

Gilles Ménage, Dictionnaire étymologique..., 1750 [1694].

DÉLIT D'HOMOSEXUALITÉ

« Ce n’est pas seulement l’article 331 du Code pénal concernant le délit d’homosexualité qui aurait besoin d’être revu et assoupli. »
Daniel Guérin, " La Répression de l’homosexualité en France ", La Nef [Nouvelle équipe française], janvier 1958.

Les mentions « homosexualité » et « homosexualité avec mineurs » dans les tableaux des deux séries statistiques du Ministère de la Justice (adultes, mineurs) ont amené certains à parler, après Daniel Guérin, de délit d’homosexualité.

On peut mentionner une troisième série de données, celle de la Direction de l’Éducation surveillée (publiée par l’INSEE). En 1966, 36 garçons de moins de 15 ans avaient été amenés devant les juges pour enfants au titre de l’infraction « homosexualité » (sic). Jusqu’en 1974, 60 à 80 mineurs de moins de 21 ans étaient mis en cause chaque année.

Dans l’Encyclopédie Dalloz – PÉNAL, la rubrique « Attentats aux mœurs » date de 1967 ; l’article 2 de la section 2 (attentat à la pudeur sans violence) comporte un § 3 intitulé « Délit d’homosexualité », expression reprise plusieurs fois, dans les sous-titres, « A. Éléments constitutifs du délit d’homosexualité » et « B. Répression du délit d’homosexualité », et dans le corps du texte : « L’ordonnance du 8 février 1945 […] a judicieusement placé le délit d’homosexualité à l’article 331 du Code pénal qui vise essentiellement la satisfaction de passions personnelles. »

" Quant au délit d'homosexualité, il n'apparaît dans l'arsenal des lois françaises qu'avec la loi de Vichy du 6 août 1942. "
Appel pour la révision du Code pénal, Le Monde, 22-23 mai 1977.

« Le vote de la loi du 23 décembre 1980 et les tentatives d’abrogation du délit d’homosexualité. »
Gisèle Halimi, Rapport N° 602, 1981-1982, AN, séance du 10 décembre 1981.

« En deuxième lecture votre Haute Assemblée, insensible tant aux changements d’option de l’exécutif qu’à l’opinion de l’Assemblée nationale, a maintenu fermement sa position initiale : le délit d’homosexualité devait disparaître de nos lois. »
Robert Badinter, Garde des Sceaux, Sénat, séance du 5 mai 1982.

« La suppression du délit d’homosexualité ne figure ni dans le projet socialiste de 1980, ni dans les 110 propositions du candidat Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981. »
Étienne Dailly, Rapport N° 457, 1981-1982, Sénat, séance du 7 juillet 1982.

Mme Élisabeth Guigou était revenu sur cet aspect de la première alternance :
« C’est […] le 29 avril 1981 […] que le candidat François Mitterrand déclarait que l’homosexualité devait cesser d’être un délit. À cette époque elle figurait encore dans le Code pénal, et c’est Robert Badinter qui la fit disparaître. »
Assemblée nationale, séance du 30 mars 1999.

  S’il est évidemment faux que l’homosexualité ait été illégale en France après 1942, il est tout aussi faux qu’elle ait été légale. Même avant 1942, en 1924, la revue L’Inversion/L’Amitié fut poursuivie et condamnée (en 1926) pour outrage aux bonnes mœurs. On sait que de 1960 à 1980 l’homosexualité a été une circonstance aggravante de l’outrage public à la pudeur, que la législation faisait, jusqu'à la loi Taubira du 4 août 2014 (dont l'article 26 supprime dix occurrences de cette expression bonnes mœurs dans le Code civil et quatre autres codes) notamment obligation d’user de la chose louée « en bon père de famille » (Code civil, article 1728, 1°) et que la Préfecture de Police de Paris a longtemps comporté un « Groupe de contrôle des homosexuels ».

  La conduite automobile sur la voie publique est autorisée à partir de 18 ans. La liberté des relations sexuelles entre majeurs, de 1974 à 1982, n’était pas du même ordre. Il y avait autour de l’homosexualité, des actes dits en termes moyen-âgeux « impudiques ou contre nature », un contexte, un climat, une histoire, un encadrement juridique et administratif, qui donnaient une certaine pertinence à l’expression délit d’homosexualité, et à celle de dépénalisation qui suivit.

DÉSHOMOÉROTISATION

« Au moment où Narcisse contemple son image reflétée dans l’eau de la fontaine, la description de sa beauté – celle de l’éphèbe longuement détaillée par Ovide39 – est omise par Jeanne Flore. Ce souci de ce que l’on pourrait appeler la « déshomoérotisation » du récit va même pousser l’auteur renaissant à changer le sexe de l’image dont le jeune homme tombe amoureux. Dans les Métamorphoses, Narcisse est attiré tout naturellement par ce qu’il croit être un jeune homme qu’il désire embrasser. Le Narcisse des Comptes amoureux « va contemplant avec ung subtil et amoureux regard l’excellente beaulté qui luy faict à croyre que quelque Déesse soit du hault ciel descenduë. Dont la saluë il, et reverentement s’encline devant elle ». Cette déshomoérotisation nécessite, en revanche, une certaine effémination du sujet masculin. Pour que le garçon tombe amoureux non pas d’un garçon mais d’une fille, le garçon doit ressembler à une fille. »
Gary Ferguson, « Jeanne Flore pédéraste », in DEBROSSE (Anne), SAINT MARTIN (Marie) (dir.), Horizons du masculin. Pour un imaginaire du genre, Paris : Classiques Garnier, 2020, pages 481-482.

DÉSORDRE

La connotation homosexuelle de ce terme est faible, mais amusante rapportée à plusieurs remarques de Flaubert relative à l’ironie de l’ordre que constituerait l’émergence de l’homosexualité dans une situation officielle :

« SODOMIE, s. f. (Gram. & Jurisprud.) est le crime de ceux qui commettent des impuretés contraires même à l'ordre de la nature (i) ; ce crime a pris son nom de la ville de Sodome, qui périt par le feu du ciel à cause de ce désordre abominable qui y était familier. »
Encyclopédie, tome XV, 1765, colonne 266, par Antoine-Gaspard Boucher d'Argis (1708-1791). [texte complet de l’article au mot sodomie]

« Comme les jeunes gens, qui se prostituaient à ce désordre n'étaient, comme ils ne sont encore en général, que des coiffeurs, des perruquiers, des jockeys, des domestiques sans condition, on les envoyait assez communément à Bicêtre, pour un, deux, trois ou six mois, suivant que le lieutenant de police en prononçait sur le rapport de l'inspecteur ou du commissaire. Quant à ceux avec qui on les trouvait, on en prenait le nom, et quelquefois on les rançonnait. »
Jacques Peuchet, Article « Pédérastie », Encyclopédie méthodique, tome 112 (Police et Municipalité), Panckouke, 1791 [BnF Z 8556].

« Les femmes vont devenir inutiles ; les jeunes garçons prennent leur place. Ce crime abominable se commet avec toute sorte de liberté ; et il est presque passé en coutume, on n’en rougit plus. Ceux qui le commettent s’en font honneur, croient être à la mode et passent pour galants hommes. Ceux qui ne s’abandonnent pas à ce désordre en ont la réputation ; premièrement, parce que le nombre en est fort petit et qu’ils sont confondus dans la foule des criminels. »
Journal d’un poète, juin 1837.

DEVANT/DERRIÈRE

Cette polarité topologique a été durablement associée à la classification des goûts sexuels masculins. Elle contient en germe la notion d’inversion, de même que l’expression à rebours. Une autre polarité topologique, haut/bas, fut invoquée par le philosophe italien Campanelle dans sa Cité du soleil [Civitas Solis, 1623] : il était prévu, dans cette utopie communiste, de stigmatiser les sodomites en leur faisant porter un soulier attaché à la nuque, pour signifier la perversion de l’ordre.

Pierre de L’Estoile rendit compte d’un combat perdu par un mignon d’Henri III en citant le quatrain composé pour l’occasion :

« Quélus n’entend pas la manière
De prendre les gens par devant ;
S’il eût pris Bussy par derrière,
Il lui eut fourré bien avant. »
Journal, année 1578.

Même association dans ces vers qui visaient les pères Jésuites :

« Au collège de Louis le Grand
On n’y connaît point le devant ;
Car ses traîtres de Paris
  Hé bien !
Attaquent le derrière
Vous m’entendez bien. »
Chansonnier Maurepas, année 1685.

Allusion à un certain usage du derrière dans ces vers faits sur Louis-Joseph, duc de Vendôme (1654-1712) par son secrétaire, pour mettre sous son portrait :

« Le héros que tu vois ainsi représenté,
Favori de Vénus ainsi que de Bellone [déesse italique de la guerre]
Prit la vérole et Barcelone
Toutes deux du mauvais côté. »
Charles Collé, Journal et Mémoires, mai 1750.

« Si le général des jésuites avait deux otages à envoyer à Paris aussi beaux que les anges de Loth, et plus, complaisants, il est sûr de rentrer en France par cette porte, qui serait très bonne, quoique ce soit une porte de derrière. »
Thévenau de Morande, Le Philosophe cynique, 1771.

« On aime, on plaît à sa manière :
Le plus sage tourne à tout vent,
L’un attrape l’amour par devant,
L’autre l’attrape par derrière (a),
Le caprice est ce qui nous meut ;
Le diable emporte les scrupules.
Enfin on fait du pis qu’on peut :
Tour le monde a des ridicules,
Mais n’a pas des vices qui veut. »
Mémoires secrets …, 16 octobre 1779 [tome 14].
a. Dans une autre version de cette épître « À celle qui se reconnaîtra », Mayeur de Saint Paul ajouta cette note : « Et Monvel était de ceux-là. »


« En s’éveillant un beau matin,
Le Tout-Puissant lorgna Sodome,
Et fit serment, son foudre en main,
D’en griller jusqu’au dernier homme.
Car en ce lieu chaque vilain
S’amusait tout comme à Berlin ;
Et les coquins s’y prenaient tous,
Sens [c'en] devant derrière.
Et les coquins s’y prenaient tous,
Sens [c'en] devant derrière, sens [c'en] dessus dessous (*). »
Le Pot pourri de Loth, 1784.
*. Cf Rabelais, Gargantua, XI.

« N’ayant plus les moyens d’avoir des femmes, nous nous trouvons réduits à la malheureuse nécessité de nous amuser entre nous et de tirer par derrière, n’ayant point l’argent nécessaire pour tirer par devant, c’est-à-dire pour bourrer, pour enfiler des cons. »
Le Bordel apostolique institué par Pie VI pape en faveur du clergé de France, « Supplique », 1790 [BnF Enf 602].

Au début de la Révolution, le ci-devant marquis de Villette fut plaisamment appelé « ci-derrière marquis ».

« L’Univers sait que l’équivoque marquis de Villette est le président perpétuel du formidable district des citoyens rétroactifs, partant zélé partisan de la Constitution où tout est sens devant derrière. »
Andrea de Nerciat, Les Aphrodites, 1793, 1ère partie, « À bon chat : bon rat ».

« Grâce à notre commissaire
On dit qu’sous peu nous allons voir
Un changement salutaire.
Ami du devant
Ce joyeux vivant
Harcèle et poursuit
Le jour et la nuit
Les amis du derrière. »
Albert Glatigny, La Sultane Rozréa, 1871, « Lamentation des filles ».

« La Plume : - Doit-on consentir à croiser le fer avec un individu convaincu d'homosexualité ? [...]
Jacques Fersen : - Oui, on doit se battre. D'abord, il suffit de déplaire aux concierges pour être accusé d'horreurs. Et le concierge, c'est la réputation.
Ensuite, un homo – je ne sais plus quoi – peut être aussi chic, aussi honorable, aussi respecté que Pierre ou Paul.
Pourquoi mêler l'honneur au derrière ? »
La Plume, n° 387, 15 mai 1912, page 230. 

Citons encore les très curieuses Considérations objectives sur la pédérastie de Gabriel Pomerand, publiées en 1949 :

« Mesdames ! Les petits garçons vous obligent à être belles lorsque vous n’êtes que potables. Et vous craignez par trop la concurrence des petits derrières qui prennent le devant de vos devants. »

DISCIPLE DE CORYDON

« Si le milieu homosexuel a changé, c’est en mieux. La plupart des stupides spectacles plus ou moins travestis ou démesurément pimentés ont disparu. On peut circuler à Saint-Germain-des-Prés, le samedi soir, sans être choqué, alors qu’il y a quinze ou vingt ans, à Pigalle, que d’homosexuels s’affichaient, que de petits jeunes gens ostensiblement maquillés déambulaient ! Les différents cercles ou endroits fréquentés par les disciples de Corydon sont en général bien préférables, au point de vue tenue, à ceux qui existaient avant guerre. »
« Qu’on se le dise ! », FUTUR (Organe de combat et d’information pour l’égalité et la liberté sexuelles et pour le respect absolu de la personne humaine), juillet 1954.

DISSIDENT, DISSIDENCE

"dissident de l'amour de la femme"
Marcel Proust, Jean Santeuil.

"D'une dissidence sexuelle au socialisme."
Daniel Guérin, Autobiographie de jeunesse.


DROIT, adj.

Équivalent peu usité de l'anglais straight, c’est-à-dire non-gay.

" Depuis des mois l'efféminé Chargnieu épie la tristesse de Caradec. Il devine sa langueur et ses fringales. Il rôde, calin, autour de l'isolé. Mais celui-ci semble se méfier. Son instinct droit repousse les gestes caresseurs. "
Georges Lecomte, Les Cartons verts, Mardi gras, Paris : Charpentier, 1901.

Expression « il est resté droit » (années 1970).

DROITS DU CUL

Expression employée, en français dans le texte, par Friedrich Engels (1820-1895) dans cette lettre de 1869 à Karl Marx, au sujet du mouvement homosexuel allemand qui faisait alors son apparition :

« C'est un bien curieux Urning [le petit livre Argonauticus d'Ulrich] que tu m'as envoyé. Ce sont là des révélations tout à fait contre nature. Les pédérastes se mettent à se compter et ils trouvent qu'ils constituent une puissance [Macht] dans l'État. Il ne manque plus que l'organisation, mais il apparaît d'après ceci qu'elle existe déjà en secret. Et comme ils comptent déjà des hommes importants dans tous les vieux, et même les nouveaux partis, de Rösing à Schweitzer, la victoire ne peut leur échapper. " Guerre aux cons, paix aux trous-de-cul " [en français dans le texte], dira-t-on dorénavant (1). C'est encore une chance que nous soyons personnellement trop vieux pour avoir à craindre de payer un tribut de notre corps à la victoire de ce parti. Mais la jeune génération ! Soit dit en passant, il n'y a qu'en Allemagne qu'un type pareil peut se manifester, transformer la cochonnerie en théorie, et inviter : introite [entrez, en latin] etc. Malheureusement il n'a pas encore le courage d'avouer ouvertement qu'il est comme ça, et doit toujours opérer coram publico [devant le public] en tant que "du devant", sinon "de l'intérieur du devant", comme il l'a dit une fois dans un lapsus. Mais attends seulement que le nouveau Code pénal de l'Allemagne du Nord reconnaisse les droits du cul [en français dans le texte], et il en sera tout autrement. Nous autres pauvres gens du devant, au goût infantile pour les femmes, nous trouverons alors dans une assez mauvaise situation. Si le Schweitzer devait avoir besoin de quelque chose, ce serait de se faire révéler, par cet étrange honnête homme, les données particulières sur les pédérastes hauts placés ; en tant que confrère cela ne devrait pas lui être difficile. »
Lettre à Karl Marx, Manchester [Angleterre], 22 juin 1869, in Marx Engels Werke, Berlin, 1965, tome 32, pages 324-325 [traduction Éditions sociales revue par Cl. C. ; la même année 1869 apparaissait le mot allemand Homosexualität].
1. Allusion à la formule de Nicolas de Chamfort : « Guerre aux châteaux ! Paix aux chaumières ! »


mercredi 21 avril 2021

L'AMOUR GREC DANS LE LIVRE III DES ESSAIS DE MONTAIGNE

Deux passages relèvent de l'ethnographie, les 24 autres concernent tous l'Antiquité gréco-latine. Le chapitre V a fait l'objet d'une édition séparée, commentée et annotée par Jean Terrel aux Classiques Garnier en 2019.



1* iii " De Trois Commerces ", 827 (868) : (Beauté masculine) quoi qu'elle désire des traits un peu autres, n'est en son point que confuse avec la leur [celle des femmes] puérile et imberbe. On dit que chez le grand Seigneur ceux qui le servent sous titre de beauté, qui sont en nombre infini, ont leur congé, au plus loin, à vingt-deux ans. [Cf Guillaume Postel, Histoire des Turcs, II].

2* v " Sur des Vers de Virgile ", 841 (883) : " Me vais amusant en la recordation des jeunesses passées,
animus quod perdidit optat,
Atque in praeterita se totus imagine versat. "
 [esprit obsédé du regret de l'illusion perdue ; voir le contexte de cette citation de Pétrone, Satiricon, 128 : J'allai au lit sans Giton [...] Je redoutais de perdre le souffle au contact de mon frater]

3* v, 845 (886) : Ayant pour suspecte toute mine rébarbative
[...]
Et habet tristis quoque turba cynaedos (Cf Martial, Épigrammes, VII, lviii, 9)

4* v, 846 (888) : " Rude choix, comme on fit Origène: ou qu'il idolâtrât, ou qu'il se souffrit jouir charnellement à un grand vilain Éthiopien qu'on lui présenta " [d'après Nicéphore Calliste, Histoire ecclésiastique, livre V, 32, traduction de 1578]

5* v, 853 (895) : la beauté, l'opportunité, la destinée ; citation de Juvénal, IX, 32-34 : fatum est in partibus illis
Quas sinus abscondit: nam, si tibi sidera cessent,
Nil faciet longi mensura incognita nervi,
[À Névolus qui vend ses charmes à l'un et l'autre sexe : " il y a un destin même pour les organes qu'on cache ; si on n'a pas le Ciel avec soi, une longue mesure ne sert à rien "]

6* v, 855 (898) : Vigueur du mari répandue ailleurs [avec de jeunes blondins : cf Martial XII, xcvii, 6-9].

7* v, 856 (898) : " Polémon [d'Athènes] allait semant en champ stérile le fruit dû au champ génital "
Note sur l'exemplaire de Bordeaux (postérieure à 1588)

 [DL, IV, §§ 17 et 21Pour Polémon ; sur l'expression " semer en champ stérile " voir mon Dictionnaire..., sv].

8* v, 857-858 (900) : De quoi traitait Théophraste en ceux [les livres] qu'il intitula, l'un l'Amoureux, l'autre de l'Amour ? [DL, V, § 43 ; DL rapporte au § 39 (selon Aristippe, Sur la sensibilité des Anciens, IV) que Théophraste fut amoureux du fils d'Aristote NicomaqueDe quoi Aristippe au sien des anciennes délices ? [DL, II, § 84] Que veulent prétendre les descriptions si étendues et vives en Platon, des amours plus hardies du temps de Platon  [...] Clinias ou l'amoureux forcé de Héraclide Ponticus [DL, V, § 87 : " L'Érotique et (et ?) Clinias] [...] On tenait aux églises des garces, et des
garçons à jouir [EB88 pour et des garçons].

9* v, 860 (903) : Attirer les hommes à elles et les retirer des mâles à quoi cette nation est du tout abandonnée [Gasparo Balbi, Viaggio..., 1590]
 
10* v, 864 (906-907) : Braves hommes furent cocus, et le surent sans en exciter tumulte. Il n'y eut, en ce temps là, qu'un sot de Lepidus qui en mourut d'angoisse.
Ah'tum te miserum malique fati,
Quem attractis pedibus, patente porta,
Percurrent mugilésque raphanique. [CatullePoésies, XV, 17-19 : chaste adolescent que rien n'a défloré ; préserve la pudeur de mon puer (Juventius), toi et ton pénis fatal aux bons et mauvais garçons ; qu'on te punisse comme on fait des adultères]

11* v, 868-869 (911) : Phédon le philosophe prostitua sa beauté [DL, II, § 105]

12* v, 877 (920) : Appétit de génération par l’entremise de la beauté (Platon, Banquet, 206d-e)

13* v, 878 (921-922) : Ils disent que Zénon [de Cittum] n'eut affaire à femme qu'une fois en sa vie: et que ce fut par civilité, pour ne sembler dédaigner trop obstinément le sexe (DL, VII, § 13

14* v, 881 (925) : Culilingis [déformation facétieuse de Martial, VII, xcv, 14cunnilinguis] [...] grâce des baisers, lesquels Socrate dit être si puissants et dangereux à voler nos cœurs [Xénophon, Mémorables, I, iii, 8-15]

15* v, 884 (928) : Platon montre qu'en toute espèce d'amour, la facilité et promptitude est interdite aux tenants. Ratures successives sur EB88 : " Platon dit qu'en contrées de la Grèce où à quelque condition estimée utile l'amour des garçons était licite et où les poursuites, les flatteries les veillées, les services et les passions étaient vus en public d'un bon œil et favorable si la hâte de complaire et de se rendre était ce néanmoins très réprouvée aux tenants et condamnée; "

16* v, 892 (935-936) : sage Anacréon [...]  Socrate et son objet amoureux [cf Xénophon, Banquet, IV, 27-28]

17* v, 894 (938) : ce philosophe ancien [Bion de Borysthène] et son tendron [DL, IV, § 47]

18* v, 895-896 (938-939) : Xénophon emploie pour objection et accusation, à l'encontre de Ménon, qu'en son amour il embesogna des objets passant fleur [XénophonAnabase, II, vi, 28,] [...] Appétit fantastique de l'empereur Galba [Cf Suétone, Galba, XXII] Emonez, jeune gars de Chio, pensant par des beaux atours acquérir la beauté que nature lui ôtait, se présenta au philosophe Arcésilas, et lui demanda si un sage se pourrait voir amoureux: Oui da, répondit l'autre, pourvu que ce ne soit pas d'une beauté parée et sophistiquée comme la tienne [DL, IV, § 34] [...]

(Ambiguïté sexuelle de l’adolescent) [HoraceOdes, II, v, 21-24] :
Exemplaire de Bordeaux, folio 400 verso


Exemplaire de Bordeaux, folio 400 verso ;
même faute dans l'édition de 1595, page 76.
Le sophiste Bion [de Borysthène ; pertinente correction de Dion, signalée dès l'édition Tardieu-Denesle des Essais (Paris, 1828, tome cinquième), selon la source Plutarque : " σοφιστὴς Βίων "] appelait les poils follets de l’adolescence Aristogitons et Harmodiens [PlutarqueDialogue sur l'amour, 770bc] [...] Que ne prend-il envie à quelqu'une de cette noble harde Socratique du corps à l'esprit, achetant au pris de ses cuisses une intelligence et génération philosophique et spirituelle, le plus haut pris où elle les puisse monter ? Platon ordonne en ses lois [République, V, 468b-c] que celui qui aura fait quelque signalé et utile exploit en la guerre ne puisse être refusé durant l'expédition d'icelle, sans respect de sa laideur ou de son âge, du baiser ou autre faveur amoureuse de qui il la veuille.

19* vii " De l'incommodité de la grandeur ", 919-920 (965) : la paillardise s'en est vue en crédit, et toute dissolution ; comme aussi la déloyauté, les blasphèmes, la cruauté ; comme l'hérésie; comme la superstition, l'irreligion, la mollesse; et pis, si pis il y a.

20* ix " De la Vanité ", 989 (1035) : En toutes les chambrées de la philosophie ancienne ceci se trouvera, qu'un même ouvrier y publie des règles de tempérance et publie ensemble des écrits d'amour et débauche. Et Xénophon, au giron de Clinias, écrivit contre la volupté Aristippique [DL, II, § 49]

21* ix, 990 (1036) : Antisthène permet au sage d'aimer, et faire à sa mode [DL, VI, § 11 : ἐρασθήσεσθαι]. [...] Il n’est si homme de bien [...] qu'il serait très grand dommage et très injuste de punir et de perdre.
Olle, quid ad te
De cute quid faciat ille, vel illa sua ?
[Martial, VII, x, 2 : " qu'importe l'usage que chacun fait de sa peau " ; allusion probable à Anthony Bacon et/ou à Marc-Antoine Muret]

22* x " De Ménager sa Volonté ", 1015 (1061) : Zénon [de Citium] amoureux de Chrémonides [DL, VII, § 17]

23* xii " De la Physionomie ", 1057 (1104) : Socrate, " si amoureux et si affolé de la beauté. Nature lui fit injustice. ".

24* xii, 1058 (1105) : Socrate appelait la beauté une courte tyrannie [DL, V, § 19] [...] Aristote dit aux beaux [DL, V, § 20appartenir le droit de commander, et quand il en est de qui la beauté approche celle des images des Dieux, que la vénération leur est pareillement due. À celui qui lui demandait pourquoi plus longtemps et plus souvent on hantait les beaux : Cette demande, dit-il, n'appartient à être faite que par un aveugle [DL, V, § 20. La plupart et les plus grands philosophes payèrent leur instruction [escholage] et acquirent la sagesse par l'entremise et faveur de leur beauté.

25* xiii " De l'Expérience ", 1087 (1134-1135) : Ce fut long temps avant l'âge de choix et de connaissance. Il ne me souvient point de moi de si loin. Inde tragus... [cf Martial, XI, xxii, 7-8]. William J Beck : « De toutes les citations de Martial, celle-ci semble la plus personnelle pour Montaigne. » (Article cité, page 47). Michel Magnien note que Montaigne associe l'évocation de sa sexualité à des épigrammes qui mettent en scène des homosexuels ; cf " Montaigne à l'école de Martial ? ", Montaigne Studies, XVII, 1-2, (Montaigne et les Anciens), 2005, page 109.]

26* xiii, 1113 (1164) : Socrate, notre précepteur, prise, comme il doit, la volupté corporelle : mais il préfère celle de l'esprit [...] Pour lui la tempérance est modératrice, non adversaire des voluptés. Nature est un doux guide.

* * * * *

 « Un jour qu’on lui demandait si la pédérastie n’était pas un crime : " À Dieu ne plaise", répondit-elle, " que je condamne ce que Socrate a pratiqué. " À son sens, la pédérastie est louable ; mais cela est assez gaillard pour une pucelle. »
Tallemant des Réaux, Historiettes, « Mademoiselle de Gournay ». [Marie Le Jars, dite de Gournay, 1565-1645, était une grande amie de Michel de Montaigne, et s’en disait la " fille d’alliance "].

Edward Carpenter :
« Parmi les prosateurs de cette période [la Renaissance], il ne fut pas oublier Montaigne, qui traite le sujet d'une façon enthousiaste et non équivoque  (Voir Montaigne, par [William Carew] Hazlitt, ch. XXVII.) »
" L'Amour homogénique et sa place dans une société libre ", La Société nouvelle - Revue internationale - Sociologie, Arts, Sciences, Lettres, septembre, octobre 1896, tome 2, pages 297-308 et 433-447).

* * * * *

Voir le chapitre 4 " Montaigne's Itchy Ears " dans Gary FergusonQueer (Re)Readings in the French Renaissance: Homosexuality, Gender, Culture, Farnham (UK) : Ashgate, 2008, Routledge 2016, pages 191-243 (extraits sur Google)


Dans le Journal d'Italie :
Vitry-le-François : « Depuis peu de jours il avait été pendu à un lieu nommé Montirandet, voisin de là, pour telle occasion : Sept ou huit filles d’autour de Chaumont en Bassigni complotèrent, il y a quelques années, de se vêtir en mâles, et continuer ainsi leur vie par le monde. Entre les autres, l’une vint en ce lieu de Vitry sous le nom de Mary, gagnant sa vie à être tisserand ; jeune homme bien conditionné et qui se rendait à un chacun ami. Il fiança audit Vitry une femme, qui est encore vivante ; mais pour quelque désaccord qui survint entre eux, leur marché ne passa plus outre. Depuis étant allé audit Montirandet gagnant toujours sa vie audit métier, il devint amoureux d’une femme laquelle il avait épousée, et vécut quatre ou cinq mois avec elle avec son contentement, à ce qu’on dit ; mais ayant été reconnu par quelque un dudit Chaumont, et la chose mise en avant à la justice, elle avait été condamnée à être pendue : ce quelle disait aimer mieux souffrir que de se remettre en état de fille, et fut pendue pour des inventions illicites à suppléer au défaut de son sexe. »

« […] Je rencontrai au retour de Saint Pierre un homme qui m’avisa plaisamment de deux choses […] que ce même jour la station était à Saint Jean Porta Latina, en laquelle église certains Portugais, quelques années y a [en 1578], étaient entrés en une étrange confrérie. Ils s’épousaient mâle à mâle à la messe, avec mêmes cérémonies que nous faisons nos mariages, faisant leurs pâques ensemble, lisaient ce même évangile des noces, et puis couchaient et habitaient ensemble. Les esprits romains disaient que, parce qu’en l’autre conjonction, de mâle et femelle, cette seule circonstance la rend légitime, que ce soit en mariage, il avait semblé à ces fines gens que cette autre action deviendrait parfaitement juste, qui l’aurait autorisée de cérémonies et mystères de l’Église. Il fut brûlé huit ou neuf Portugais de cette belle secte. »
18 mars 1581.

On pourra comparer le récit de Montaigne avec celui dû à Antonio Tiepolo, le 2 août 1578 :
" Sono stati presi undeci fera Portughesi e Spagnuoli, i quali adunatisi in une chiesa, ch'e vicina san Giovanni Laterano, facevano alcune lor cerimonie, e con horrenda sceleraggine bruttando il sacrosante nome di matrimonio, se maritavano l'un con l'altro, congiongendosi insieme, come morito con moglio. Vintisette si trovano, et piu, insieme il piu delle volte, ma questa volta non ne hanno potuto coglier piu che questi undeci, i quali anderamo al fuoco, e come meritano. " Cf F. Mutinelli, Storia arcana e aneddotica d'Italia, Venise : P. Naratovich, 1856.

Sur ce genre de mariages, on pourra se reporter à : Gary FergusonSame-Sex Marriage in Renaissance Rome: Sexuality, Identity, and Community in Early Modern Europe, Ithaca (NY) : Cornell University Press, 2016.