H
BARTHES : " Le
pouvoir de jouissance d'une perversion (en l'occurrence celle des deux H
: homosexualité et haschich) est toujours sous-estimé. La Loi, la Doxa, la
Science ne veulent pas comprendre que la perversion, tout simplement, rend
heureux ; ou pour préciser davantage, elle produit un plus. "
Roland Barthes par Roland Barthes, 1975.
Le
n° 1 de la Revue H avait paru en été 1996.
HABITUDE(S), HABITUDES ANORMALES, HABITUDES CONTRE NATURE, HABITUDES HABITUDES DE COLLÈGE, PARTICULIÈRES
Victor HUGO : « Sans parler de ces poésies monstrueuses par lesquelles Anacréon,
Horace, Virgile même, ont immortalisé d'infâmes débauches et de honteuses
habitudes, les chants amoureux des poètes païens anciens et modernes,
de Catulle, de Tibulle, de Bertin, de Bernis, de Parny, ne nous offrent rien de cette délicatesse, de cette modestie, de cette retenue sans lesquelles l'amour n'est plus qu'un instinct animal et qu'un appétit charnel. »
" Idées au hasard ", Juillet 1824, dans Littérature et philosophie mêlées, Paris : Eugène Renduel, 1834.
Vidocq, Les Voleurs..., " Considérations sommaires sur les prisons, les bagnes et la peine de mort. " :
La Tribune :
« Affaire de Germiny », " Interrogatoire ", La Tribune -
Journal républicain socialiste, n° 20, 25 décembre 1876.
« Non-conformisme :
[…] Dans un autre sens, se dit de ceux qui ont des habitudes contre nature,
qui ne se conforment pas aux lois de la nature. »
Littré,
Dictionnaire …
Georges Hérelle (27 août 1848/15 décembre 1935) : « Si tu veux te distinguer par quelque qualité rare, dont tout le monde admirera les effets, sois toujours, en dépit de tous, un caractère honnête et moral ; renonce à toutes les habitudes de collège ; montre que tu sais mépriser les influences du milieu où tu vis. Je n'ai jamais rien vu de plus recommandable et de plus prisé qu'un enfant ou un jeune homme retenu, pur et chaste. » Lettre à Félix Bourget (1856/19 octobre 1895), 3 septembre 1869, dans Correspondances croisées, Paris : Classiques Garnier, 2024.
« Les
missionnaires en disponibilité à Paris se distinguent par ces habitudes
contre nature qu’ils contractent dans les pays d’Orient. Il y a quelques
années, l’un d’eux était dénoncé comme se livrant d’une façon quasi-publique à
la pédérastie ; on l’invita simplement à un peu de prudence : il avait été
signalé par l’inspecteur Charron. Vers la même époque, un curé était également noté comme racolant sur l'Esplanade des Invalides des mineurs et de jeunes soldats ; il ne fut jamais inquiété, malgré les rapports de l'inspecteur Campa, qui reçut même l'ordre de cesser toute surveillance. »
Léon. Fiaux, Rapport..., commission spéciale de la police des mœurs,
avril 1883, dans La Police des mœurs en France..., " Mœurs du clergé ", Paris : E. Dentu, 1888, page 137.
« La
fonction publique, jusque dans ses rouages les plus importants, est gangrénée
par la pénétration communiste. Elle est aussi gangrénée, spécialement dans les plus
hauts postes des diverses polices, par des personnages aux habitudes
particulières. [...] Il s'agit de ces hommes qui appartiennent à la
confrérie actuellement très à la mode des homosexuels. »
Raymond Dronne, Assemblée
Nationale, 2e séance du 3 décembre 1954.
HANNETON
« Il s'allie avec ses mignons
Ainsi que font les hannetons. »
Pierre de L'Estoile, Mémoires-Journaux, décembre 1581.
L'existence d'une homosexualité animale exclusive ou occasionnelle (et les animaux sont plus proches que nous de la nature entendue dans un certain sens) avait été reconnue par : Aristote (perdrix), Athénée (colombes, perdrix), Elien (dauphin), Horapollon (perdrix), Pline l'Ancien (cailles, coqs, perdrix), Plutarque (coqs). Décidément, les perdrix ...
Animaux signalés depuis par de bons observateurs : abeilles, bonobos, castors, chauve-souris, chèvres, chiens, chimpanzés, hannetons, lions, lucioles, pigeons, poulains, poules, singes, tourterelles et vaches.
Article de Marcel Réja dans le Mercure de France du 1er mars 1928 :
...
... « En même temps que paraissait Corydon, on voyait ses petits amis s'enhardir terriblement et se multiplier d'une façon folle. Loin d'être stériles comme on croyait, leurs unions apparaissent merveilleusement prolifiques depuis qu'on leur a permis de montrer le bout de leurs antennes, les hannetons envahissent délibérément la salle et mettent les pattes dans le plat. II n'y en a plus que pour les hannetons ! Vont-ils donc supplanter définitivement les gens normaux ? »
[...]
« Même avant Marcel Proust, l'uranisme.ne condamnait pas toujours son homme au mépris général. Il y a des exceptions. Précisément dans le domaine de l'art et des lettres. Et pas des personnages de dixième ordre... Verlaine, Rimbaud, Shakespeare, Michel-Ange, etc., furent soit convaincus, soit véhémentement soupçonnés. Les bergers de Virgile, qui furent les compagnons de notre enfance studieuse, n'ont seulement jamais cherché à nier leur cas. »
HAUT RITE
« Ceux-là
que sacre le haut rite »
Paul
Verlaine, Parallèlement, " Ces passions … ", 1889. Première
publication du poème dans La Cravache parisienne, 2 février 1889, sous
le titre Parallèlement..
HÉBÉPHILIE
Attirance sexuelle pour les adolescents (au Québec)
HELLÉNIQUE
« M.
Oscar Wilde est maintenant torturé pour avoir été un uraniste, un hellénique,
un homosexuel, comme vous voudrez. »
AlfredDouglas, « Une introduction à mes poèmes, avec quelques considérations sur
l’affaire Oscar Wilde », Revue Blanche, 15 juin 1896.
HÉRÉTIQUE,
HÉRÉTIQUE EN AMOUR
Après
la liaison réelle entre hérésie et déviance sexuelle autour du XIIIème siècle,
un sens figuré d'hérétique est réapparu à la fin du XVIIème. Le musicien et
poète Charles Coypeau d'Assoucy raconta que
" Les femmes galantes
[...] m'appelaient hérétique, non en fait de religion, mais en fait
d'amour. "
Aventures, 1677.
" Hérétique
: se dit aussi figurément et par extension de toux ceux qui ne pensent pas
comme les autres sur quelque chose que ce soit. Ce marquis est un peu hérétique
sur le chapitre des femmes. Il est bas [1771 : familier] en ce sens. "
Dictionnaire universel
français et latin des pères jésuites de Trévoux, 1704, 1771.
« Hélas ! Amour,
que tu fus consterné
Lorsque tu vis ce temple
profané,
Et ton rival, de son culte hérétique,
Établissant l’usage
antiphysique,
Accompagné de ses mignons
fleuris,
Fouler aux pieds les myrtes
de Cypris !
[…]
À l’hérétique il faut
prêcher d’exemple. »
Voltaire eut ensuite l’esprit de retourner cet emploi :
« Je vois que le grand
d’Assoucy
Est aujourd’hui mal réussi,
Car hélas qu’aurait-il pu
faire
Avec son luth et ses chansons
Auprès de vos vilains gitons
Et des déesses de
Cythère ?
Le pauvre homme alors
confondu
Eût quitté le rond pour
l’ovale
Et se fût à la fin rendu
Hérétique en terre papale. »
Lettre à Jacques-François de Sade [oncle du marquis],
29 août 1733.
Robert de Saint Jean : « Lorsque le scandale des mœurs d'Ernst Röhm apparut à tous, après le massacre du 30 juin 1934, l'opinion germanique attendit des explications. La victime était le chef de deux millions de S. A., et le seul Allemand qu'on avait vu debout aux côtés de Hitler sous les vivats, le jour de la prise de pouvoir. Dans son discours, le chancelier se présenta au Reichstag en justicier, inventa la fable d'un complot criminel, se posa en vengeur de la morale outragée. L'homme vertueux prit le ton solennel qui convenait : " Mères allemandes, j'ai voulu protéger la pureté de vos fils ! " Or, l'homosexualité était l'une des composantes de l'idéologie nazie, l'exaltation de la " beauté divine de l'aryen blond " avait suscité des ferveurs lacédémoniennes. Les Allemands, dans leur immense majorité, éprouvant des penchants " orthodoxes ", il fallait de toute urgence flétrir les " hérétiques ".
Nobles accents, sainte farce pour qui se rappelle le développement occulte de la pédérastie pendant les années trente chez tant de S. A. " fraternellement " liés. »
Passé pas mort, IV " Service de presse " Paris : Grasset, 1983.
Comme
dissident et non-conformiste, hérétique souligne le
caractère socialement marginal des hommes qui s'aiment ou couchent entre eux.
Dans le même ordre d’idées, Marcel Proust avait utilisé dans Jean Santeuil l’expression
dissident de l’amour de la femme et l'anarchiste Daniel Guérin avait sous-titré son Autobiographie
de jeunesse « d’une dissidence sexuelle au socialisme ».
HERMAPHRODISME MORAL, HERMAPHRODITE MORAL
Ce
concept est d’origine littéraire ; dans la préface à sa pièce La Mère
coupable, Beaumarchais indiquait :
«
Ouvrage composé dans une intention droite et pure : avec la tête froide
d’un homme, et le cœur brûlant d’une femme, comme on l’a pensé de
[Jean-jacques] Rousseau. J’ai remarqué que cet ensemble, cet hermaphrodisme
moral, est moins rare qu’on ne le croit. » (juin 1762).
« Ici, on peut dire
qu’il y a hermaphrodisme moral, si je puis me servir de ce
terme. »
Dr Victor Trinquier, Système
complet de médecine légale, « Attentats à la pudeur commis sur des
individus du même sexe », tome 1, Paris : Germer-Baillière, 1835
Traduction de Casper
(médecin-légiste), 1862 ; en allemand, geistige Zwitterbildung
[1857].
« M. Chevalier a distingué trois variétés de
l’inversion sexuelle […] 3° une inversion native : ce
sont des héréditaires ou des hermaphrodites moraux. »
Alexandre Lacassagne, art. « Pédérastie », Dictionnaire
Encyclopédique des Sciences Médicales, volume 22, 1886.
HOLEBI ou HoLeBi, adj. et subs.
« Il
est difficile de dire combien d'homosexuels, de lesbiennes et de bisexuels
compte notre pays [La Belgique]. Les holebis n'affichent pas tous
ouvertement leur orientation sexuelle, loin s'en faut. »
Proposition
de résolution relative à la reconnaissance sociale des holebis et à la mise
en œuvre d'une politique d'égalité des chances en leur faveur, 28 juin 2005.
« Le
mot holebi est pour homosexuel , lesbienne et bisexuel. Les holebis
sont des gens avec un caractère non-hétérosexuel . Ce sont des hommes qui
tombent pour des hommes, des femmes qui tombent pour des femmes ou des hommes
et femmes qui tombent autant pour des hommes que pour des femmes. Le point de
vue idéal de la société , homme - femme , fait souffrir les holebis. Des
gens considèrent les holebis, encore en ce jour-ci, comme anormaux.
Pourtant ce sont des gens normaux comme vous et nous. »
Amnesty international
(Belgique), 3 avril 2006.
Le holebi est englobé
dans le concept plus vaste, et antérieur, d’altersexuel.
HOMME-FEMME
Terme
incarnant la conception ancienne de l’homosexualité comme étant une sorte
d’hermaphrodisme somato-psychique.
« Bienheureux les Romains qui avaient les Césars,
Pour tyrans amateurs des armes et des arts :
Mais
mal-heureux celui qui vit esclave infâme
Sous
une femme hommace et sous un homme femme. »
Agrippa
D’Aubigné (1552-1630), Tragiques (1616), II [Princes], 759-760.
« Il
y a des femmes qui sont hommes, et des hommes qui sont femmes ; et j’avoue
que je ne ferai jamais mon ami d’un homme-femme. »
Denis
Diderot, Sur les femmes, 1772.
« Des
êtres d’une nature toute particulière qui constituent le genre Hommes-Femmes ;
il [Heinrich Marx] les a baptisés des Urnings [uranistes]. »
François
Carlier, La Prostitution antiphysique, VI. Dans Les deux prostitutions, Paris, E. Dentu, 1887
« [Octave]
Uzanne avait été ces jours-ci à Bullier [au bal Bullier, aujourd’hui Closerie des Lilas], et il avouait qu’il
avait été étonné d’y avoir vu la pédérastie acceptée par la jeunesse. Ça ne
soulevait plus d’indignation ni même de dégoût. Et causerie et fraternisation
avec la duchesse, avec la baronne, avec ces hommes-femmes
qu’on vous présentait, qu’on invitait à prendre un bock à votre table. »
Edmond
de Goncourt, Journal …, 2 avril 1886.
Marcel Proust : « Un Grec du temps de Socrate, un Romain du temps d'Auguste, pouvaient être ce que l'on sait tout en restant des hommes absolument normaux, et non des hommes-femmes comme on en voit aujourd'hui. »
Sodome et Gomorrhe II, chapitre II, 1922.
« Les
journaux de Londres ont récemment décrit le cas de Catherine Coome, qui vécut
quarante ans déguisée en homme. Elle épousa une servante avec laquelle elle
vécut quatorze ans. Ayant eu affaire avec la police, on découvrit son vrai sexe,
et le public la nomma "l’homme-femme". »
J.
Violet, La Débauche mondiale, 1927.
Pierre Saint-Amand : " Dans un passage de son essai sur le théâtre, Mercier reviendra sur l’affectation du personnage [le petit-maître]. Il mentionnera « le ton apprêté de leur mollesse […] ». C’est ici le terme homophobe qui désigne le plus directement l’effémination du fat, l’adoption des postures du sexe opposé. Dans le Tableau de Paris, ces jeunes fats acquièrent une identité sexuelle nouvelle : ils sont « les hommes-femmes de Paris ». "
Suite libertine. Vies du XVIIIe siècle, chapitre « Le Théâtre des Beaux », Paris : Classiques Garnier, 2021.
HONNEUR
Le More
« Si tu veux me servir deux jours d’enfant d’
honneur.
Et sais-tu quel est cet usage ?
Il te le faut expliquer mieux.
Tu connais l’Echanson du Monarque des Dieux ?
Anselme.
Ganimède ?
Le More.
Celuy-là même.
Prend que je sois Jupin le Monarque suprême,
Et que tu sois le Jouvenceau :
Tu n’es pas tout-à-fait si jeune ni si beau.
Anselme.
Ah Seigneur, vous raillez, c’est chose par trop sûre :
Regardez la vieillesse, et la magistrature.
Le More.
Moi railler ? point du tout.
Anselme.
Seigneur.
Le More.
Ne veux-tu point ?
Anselme.
Seigneur… Anselme ayant examiné ce point
Consent à la fin au mystère.
Maudit amour des dons, que ne fais-tu pas faire !
En Page incontinent son habit est changé :
Toque au lieu de chapeau, haut-de-chausse troussé.
La barbe seulement demeure au personnage.
L’enfant d’
honneur Anselme, avec cet équipage,
Suit le More partout. »
La Fontaine,
Contes, III (1671), xiii, « Le petit chien ».
« Bardache : jeune garçon dont les gens de mœurs levantines abusent. On disait enfant d’honneur. »
Hector France, Dictionnaire de la langue verte, 1907, réédition Nigel Gauvin, 1990.
L’expression se rattache à la famille lexicale de : bras d’honneur, doigt d’honneur, honneur (sexe de l’homme), lieu d’honneur, trou d’honneur (glory hole).
HONTEUSE, HONTEUX
Selon le policier Félix Carlier, les honteuses
constituaient vers le milieu du XIXe siècle une catégorie de tantes :
« On les appelle ainsi parce que les individus
qui la composent cachent avec le plus grand soin à tous les yeux le vice qui
les domine. Autant les persilleuses cherchent à se faire remarquer,
autant les honteuses évitent les regards ; ceux ou celles-là
en font un métier ; ceux ou celles-ci n’en font qu’une affaire de
goût. »
Bruant signala honteux parmi les argots pour pédéraste.
« J’écris ce livre en partie à cause des mots,
pour remplacer les vieux mots, qui nous stigmatisaient, par de nouveaux qui
nous rendront justice. De "honteuse", je suis devenu
"pédé". De "pédés", nous avons accédés, ceux d’entre nous à
qui le sentiment de leur dignité n’est pas indifférent, au rang d’
"homosexuels".
Dominique Fernandez, L’Étoile rose,
Paris : Grasset, 1978.
En 1981 encore, le T.L.F. donnait un exemple relevant
de notre champ :
« HONTEUX […] qui a honte ou qui se cache
d’être tel qu’il est. Inverti honteux. »
Éric Naulleau : « Les honteuses allaient autrefois discrètement satisfaire leurs pulsions dans les pissotières et les bosquets des Tuileries, ils s'agenouillent aujourd'hui en public pour tailler des pipes métaphoriques à tous les virils porteurs de barbe, de la réincarnation du révolutionnaire de 1789 à l'imam radical. »
La République c'était lui ! Grandeur et décadence du camarade Mélenchon, Paris : Éditions Léo Scheer, 2024.
HORMO, HORMOSESSUALITÉ, HORMOSESSUEL
Raymond Queneau, Zazie dans le métro,
HORS GHETTO,
HORS MILIEU, HM
Petites annonces dans GPH 1983-1988, Têtu,
2001.
HORS-NATURE
Rachilde (Marguerite Eymery, 1860-1953) Les Hors nature, mœurs contemporaines, Paris : Mercure de France, 1897.
« Écrire sur l’homosexualité n’implique pas du
tout que l’on soit homosexuel. Des personnes fort honorables ont écrit sur ce
vice. Rachilde, Gautier, Mendès, Baudelaire ont écrit sur les hors-nature.
Ce vice appartient à la littérature en même temps que les autres vices. Il peut
donc être étudié, mis dans le roman ou dans le poème sans que son auteur en
souffre dans sa réputation. »
André
Ibels, réponse à l’enquête de La Plume, n° 387, 15 mai 1912.
Léon Bocquet, appréciation sur Georges Eekhoud :
« Une grande commisération pour toute l'humanité pitoyable et déchue inspire l'œuvre de Georges Eekhoud. Il est le peintre ému et pathétique de tous les hors-la-loi et des hors-nature, rustres de Campine violents, farouches, lubriques, voyous des grandes villes, êtres d'exception en marge de la société mauvaise et hypocrite.
La psychologie de ses romans, hauts en relief et en couleur, intéresse les cas pathologiques les plus osés et les plus en abomination aux vertus bourgeoises. »
La Société nouvelle — Revue internationale — Sociologie, arts, sciences, lettres, 19e année, janvier 1914.
HUMEUR ITALIENNE
Cette
expression dont l’équivalent allemand se rencontre sous la plume de la
Princesse a probablement circulé à la Cour de Louis XIV.
"Je crois bien que le prince Max n'a pas l'humeur
italienne, car ordinairement ce n'est pas le vice des bons et honnêtes
allemands."
Madame [Princesse Palatine],
Correspondance, 27 septembre 1690.
HYPERSEXUEL
« Le
mot de chimère caractérise improprement l’hypothèse très valable et viable que
nous proposons et d’après laquelle l’évolution poursuivrait, sans être parvenue
à la fixer encore, la conception d’un type affranchi des limites du sexe, élevé
à une notion de l’amour mieux qu’utilitaire et procréatrice, c’est-à-dire
enrichie de possibilités multipliées, aussi différence de l’instinct primitif
que la musique l’est du bruit. En ce type d’hypersexuel (nous pouvons
risquer le mot) le sens de l’amour aura parcouru le même cycle que par exemple
chez l’animal. »
HYPERVIRIL
« Les
homosexuels "efféminés", les "hypervirils", les
pédérastes, les travestis, etc (pour ne parler que des comportements des
homosexuels du sexe masculin), doivent pouvoir faire entendre leurs
revendications propres, par et avec les moyens du groupe.
Cependant, les revendications
communes seront toujours placées au premier plan. »
Manifeste programme pour
la libération des homosexuels, Paris,
1975.
Voir plus loin supraviril.
I
ICOGLAN
Du turc icoglany, ancien nom de l’officier de
palais dans l’empire ottoman ; c’était le ganymède oriental.
« Il n’y avait pas huit jours que j’étais entré
en fonction, quand je [le baron] trouvai sur le soir un jeune icoglan très
bien fait. […] Je [Pangloss] prétendais, moi, qu’il était beaucoup plus permis
de remettre un bouquet sur la gorge d’une femme que d’être tout nu avec un icoglan. »
Voltaire, Candide ou l’Optimisme, chapitre
XXVIII.
Au chapitre XI de La Nouvelle Justine, une note
de Sade définissait icoglan par Nom des ganymèdes des sérails d’Asie.
« au milieu du harem d’icoglans ou de
sultanes »
Marquis de Sade, La Philosophie dans le boudoir,
5e dialogue, Paris : Gallimard, 1998, édition Jean Deprun.
Balzac : « Vous m’appartenez comme la créature est au créateur, comme, dans les contes de fées, l’Afrite est au génie, comme l’icoglan est au Sultan, comme le corps est à l’âme ! » Les Illusions perdues, III " Ève et David ", 1843.
Alexandre Dumas Père : « Henri III, l’hermaphrodite antique, était destiné à voir le jour dans quelque ville d’Orient, au milieu d’un monde de muets, d’esclaves, d’eunuques, d’icoglans, de philosophes et de sophistes, et son règne devait marquer une ère particulière de molles débauches et de folies inconnues, entre Néron et Héliogabale. »
La Dame de Monsoreau, chapitre V, 1846.
« En veston gris, en chapeaux mous, par les
quinconces,
Avec des mouvements calins et paresseux,
Rodent les icoglans parisiaques, ceux,
O Prudhomme, qu’au feu céleste tu dénonces. »
Laurent Tailhade, Poèmes aristophanesques,
"Troisième sexe", 1904.
« Il s’est trouvé un membre de la Chambre de Pairs, le comte de Huntingdon, pour demander que l’âge du "consentement" auquel ces pratiques pourraient être autorisées soit abaissé de 21 à 18 ans. Demain, peut-être, un noble lord poussera la mansuétude jusqu’à réclamer qu’on réduise à quinze ans l’âge auquel les icoglans de la nouvelle Sodome pourront impunément s’adonner à leurs récréations. »
Raymond Lacoste, « Crise morale en Angleterre », Carrefour, n° 1083, 16 juin 1965.
Carrefour, revue littéraire hebdomadaire de 1944 à 1977 : créée en 1944 par Robert Buron, Émilien Amaury, F. Garas et Yves Helleu, la revue avait Gérard Boutelleau pour rédacteur en chef.
IDENTITÉ DE GENRE
« La ministre des droits des femmes, porte-parole
du Gouvernement [Najat Vallaud-Belkacem], a présenté les principes du programme d'actions contre les
violences et les discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle ou
de l'identité de genre que le Premier ministre l'a chargée d'élaborer début
septembre.
[…]
3. agir contre les discriminations au quotidien :
l'Etat se mobilisera contre les discriminations dans l'emploi, dans le secteur
public et le secteur privé. La charte de l'égalité dans la fonction publique
fera l'objet d'une révision dans le cadre de l'agenda social, mettant en avant
les valeurs du service public et de la fonction publique. Dans ce cadre,
l'égalité des droits et la lutte contre les discriminations commises à raison
de l'orientation sexuelle et de l'identité
de genre seront réaffirmées. »
(Communiqué du Conseil des ministres du 31 octobre 2012)
IMPUDIQUE, adj. et subst. ; IMPUDICITÉ,
subst.
Ces termes se rencontrent dans de nombreuses
traductions de textes latins ou italiens. Voir mon opuscule Les Petits Grecs…
«
Or avait-il [Origène] attiré près de lui un vilain et impudique paillard
du pays d'Éthiopie, duquel il le menaçait, s'il ne voulait accorder à faire
sacrifices à leurs dieux ; car il lui dit que ce putier détestable le
connaîtrait charnellement, et souillerait son corps par paillardise autant
abominable et exécrable par-dessus toutes malédictions, comme elle est contre
nature [...] Origène donc, faisant élection de la chose qui était pire, aima
mieux renoncer à la foi qu'auparavant il avait eu en Jésus Christ et souiller
par ce moyen son âme sans aucun profit, que de souffrir son corps être
aucunement contaminé. » [cité par Montaigne et par Voltaire].
Nicéphore
Calliste Xanthopoulos, Histoire ecclésiastique, V, 32, traduction XVIe siècle :
« Je n’ose dire que le fard
Leur est plus commun qu’à la femme ;
J’aurais peur d’en recevoir blâme,
Et qu’entre eux ils pratiquent l’art
De l’impudique Ganymède. »
Les Vertus et propriétés des Mignons, 1576 [Journal de de L’Estoile]. Repris dans Le Cabinet du roi de France, 1581, page 299, sous le titre " Les indignités de la Cour ".
« Le principal auteur du parnasse satyrique [Théophile de Viau], qui s'en prend
aux destins et à la nature avec des paroles infâmes et avec des imprécations de
sodomite, comme si Dieu était jaloux et envieux de ses impudicités. »
Garassus,
La doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, ou prétendus tels :
contenant plusieurs maximes pernicieuses à la religion, à l'Estat et aux bonnes
mœurs, combattue et renversée, 1623.
Adamantius, médecin juif de langue grecque converti au christianisme (fin IVe siècle), " Quelque inceste, ou quelque impudicité encore plus détestable ", La Physionomie, ou des indices que la nature a mis au corps humain..., Paris : Toussaint du Bray, 1635, chapitre I " Des Yeux [leur mouvement] ".
" Aux visages gays un pronostic de luxure et d'impudicité ", chapitre XX.
Pierre
Jarrige : Les Jésuites mis sur l'échafaud pour plusieurs crimes capitaux par
eux commis dans la province de Guyenne. Avec la réponse aux calomnies de
Jacques Beaufés, jésuite, Leide 1649.
Chapitre
V " Les impudicités des jésuites dans leurs classes ":
pages 42-45.
Dans la traduction de 1655 par le sieur Rault de l’ouvrage de Jean Baptiste Porta
sur la physionomie humaine, figurait un article intitulé L’impudique,
celui qui est adonné à la « paillardise masculine ».
« En réfutant la faute de Mr. Saldenus j'aurais pu censurer encore avec plus de fondement l'Auteur du Turco-Papismus ; car il cite Agrippa comme ayant narré que ce Pape établit des lieux de prostitution tant pour l'impudicité sodomitique que pour l'impudicité ordinaire, et accorda la permission du péché contre nature à un Cardinal. »
Pierre Bayle (1647-1706), " Sixte IV ", Dictionnaire historique et critique, Basle : Jean Louis Brandmuller, 1738 [réédition de l'édition de 1730 qui contient des inédits indatables, mais antérieurs à 1706, des éditions précédentes].
L'Académie évite toute stigmatisation autour de ce terme :
Dictionnaire de l'Académie française, 4e édition 1762.
Alors qu'un juriste se doit d'être dans la précision :
« Le péché contre nature est le crime de celui ou
de celle qui a un commerce impudique avec quelque personne de son sexe,
il se commet par un homme avec un autre homme, et par une femme avec une autre
femme. »
Jean Antoine Soulatges, Traité des
crimes, 1762, tome 1, page 253.
Il faudra la Collaboration pour ressusciter le terme :
« Sera puni d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans
et d’une amende de … 1° Quiconque aura soit pour satisfaire les passions
d’autrui, excité, favorisé ou facilité habituellement la débauche ou la
corruption de la jeunesse de l’un ou de l’autre sexe au dessous de vingt et un
ans, soit pour satisfaire ses propres passions, commis un ou plusieurs actes impudiques
ou contre nature avec un mineur de son sexe âgé de moins de vingt et un
ans. »
Philippe Pétain, Pierre Laval, Loi n° 744 du 6 août
1942 [Journal officiel du 27 août 1942, page 2923].
INCOGNITO
Incognito Guide.
Paris : ASL, 1965. Rééditions annuelles jusqu’en ???.
INCUBE
« Ho,
bougre, bredache de tous les diables incubes, succubes et tout quand il
y a. »
Rabelais,
Quart Livre, 1e édition, 1548.
Moreau-Christophe
avait opposé rivette à riveur ou incube.
INDIFFÉRENCE SEXUELLE, INDIFFÉRENT
« On
naît uraniste plus ou moins ; on peut devenir inverti soit pendant cette
période d’indifférence sexuelle (si finement observée par Max Dessoir)
qui dure quelquefois jusqu’après la puberté – soit longtemps après. »
Marc-André
Raffalovich, Uranisme et unisexualité : étude sur différentes manifestations de l'instinct sexuel, Lyon :
A. Storck ; Paris : Masson, 1896.
« À
signaler encore l’indifférent, aimant tantôt une personne de son sexe,
tantôt une du sexe opposé. »
Dr
Laupts, Archives d’Anthropologie Criminelle, 1896.
INFÂME, INFÄMETÉ, INFAMIE
D’après l’historien Henri Quentin, auteur, sous le
pseudonyme de Paul d’Estrée, d’une étude intitulée « Les infâmes sous
l’Ancien Régime », c’était de cet épithète qu’on désignait alors les êtres
« adonnés aux plaisirs antiphysiques ». En règle générale, le mot ne
notait pas seulement l’amour d’homme à homme, mais englobait tout ce que nous
appelons aujourd’hui perversions. Toutefois, sur une période assez courte, infâme
et infamie se sont appliqués de façon privilégiée à l’homosexualité
masculine, et figurent parmi les plus péjoratifs de notre corpus.
Étymologiquement, l’infâme est celui qui a
mauvaise réputation ; selon le dictionnaire d'Antoine Furetière, « On
appelle aussi infâme tout ce qui n’est pas dans l’approbation générale des
hommes. On le dit particulièrement de quelques vices. »
Dans Les Funérailles de Sodome et de ses filles (1600),
le prédicateur R. Le Maçon parlait d’un « infâme appétit », de
« concupiscences infâmes », d’une « infâmeté dénaturée »,
s’adressant à ceux qui formulaient une « demande abominable de l’action
plus que brutale [animale] qui par l’usage commun est appelé sodomie, sans
remords ou douleur de conscience » et qui, « ou en ténèbres, ou
chacun en particulier, commettaient des choses infâmes. »
Sonnet de François Ogier à propos de Vauquelin des Yveteaux (1567-1649) : « Un sérail qui comprend l’une et l’autre Vénus [...] des valets, mais infâmes. » (Réponse au sonnet XIII).
« C’est dommage que dans Paris
Ces messieurs de l’Académie,
Tous ces Messieurs les beaux esprits
Soient sujets à telle infamie. »
Voyage curieux, historique et galant de Messieurs
Bachaumont et La Chapelle, 1680.
D’Assoucy était poète, mais il ne fit
jamais partie de l’Académie.
« L'aventure de MM. de La Ferté, Biran, Colbert,
Argenson est bien infâme; ils ne sont que les malheureux d'une nombreuse
confrérie. Nos pères n'étaient pas plus chastes que nous, mais ils se
contentaient d'une débauche naturelle. On brode à présent sur les vices, on les
raffine. »
Lettre de La Rivière à Bussy-Rabutin, 5 février 1680.
«
Il y avait à Paris un ecclésiastique du Château du Loir [Sarthe], qui se fait
appeler l'abbé de Rochefort, si enclin au vice infâme de sodomie, que sa
fureur a été de persécuter par tous les moyens possibles un cocher nommé
Bertrand, auprès duquel il jouait de toutes sortes de ressorts pour l'attirer
avec lui. Il s'est, à ce qu'on dit, retiré depuis peu au Château du Loir, et
bien lui en a pris ; car on l'aurait fait enfermer à l'hôpital général. Le Roi
m'ordonne de vous écrire de l'avertir de rester chez lui et d'avoir attention
sur sa conduite, en lui faisant entendre que s'il ne se corrige, il s'attirera
le traitement qu'un infâme comme lui mérite. »(G. B. Depping, Correspondance
administrative sous le règne de Louis XIV, Imprimerie Nationale, 1851-1855,
volume IV, page 298).
Pierre Bayle (1646-1706) : « On ne saurait assez déplorer, ou la malice, ou l'ignorance de l'homme, quand on songe que Théodore de Bèze a été accusé d'une infamie abominable, sur un fondement aussi frivole que l'est son épigramme, de suâ in Candidam et Audebertum benevolentiâ. Mr. [Louis] Maimbourg renouvela cette accusation dans son Histoire du Calvinisme [1682]. On le réfuta très solidement par l'examen de la pièce même, et on n'oublia point de fortifier l'apologie par le grand mérite d'Audebert. » Dictionnaire historique et critique, article " Audebert ".
« Ces
efféminés ne se marient point, et s’abandonnent aux plus infâmes
passions ; aussi sont-ils souverainement méprisés. »
F.-X.
de Charlevoix (1882-1761, jésuite), Journal de voyage dans l’Amérique
septentrionale, tome 6, juillet 1721 [éd. 1644, pp.4-5].
En février 1727, l’avocat parisien Mathieu Marais
reprit les vers sur D’Assoucy en évoquant un groupe d’amis, dont Damien
Mitton et le chevalier de Méré ; selon Marais, c’était « comme une
académie » et il ajoutait :
« C’est dommage que :
Tous ces beaux esprits
Soient sujets à telle infamie. »
Le sens du mot est confirmé dans une lettre du
président Bouhier à Mathieu Marais, le 24 janvier 1729 :
« Il [l’abbé Claude-François Fraguier] y justifie
fort bien ce philosophe [Socrate] du soupçon de pédérastie, et il n’a pas
oublié la plainte que faisait Alcibiade de n’avoir pu le faire succomber à son
désir. Mais ce qu’il y a de plaisant, c’est qu’en traitant cette matière, le
bon abbé ait paru ignorer la différence que faisaient les lois pour l’infamie
entre l’agent et le patient, et ne se soit pas souvenu de
notre Horace, qui se croyait fort pudique parce qu’il avait évité dans sa jeunesse
le dernier de ces écueils. ». (Voir Horace, Satires, I, vi).
En 1727, un indicateur de police racontait dans son
rapport comment on avait essayé de l’aborder :
« Étant sur le quai de Conti à neuf heures du
soir, j’y ai trouvé ce Fautray, qui aussitôt qu’il m’a vu m’a donné le signal
ordinaire des infâmes, et étant passé du côté du Collège des Quatre
Nations [aujourd’hui Institut de France], il a fait semblant de pisser et m’a
montré son vit. »Archives de la Bastille, 10256.
« C'est un endroit où les infâmes se
mettent pour faire leurs infamies. »
Rapport de police (Paris), 26 mars 1747.
En 1748, un artisan déclarait à l'inspecteur de
police :
« il y a environ 14 ans qu’il a été débauché
dans le goût de l’infamie à Reims où il était pour lors […] Depuis
environ un an, il a fait des infamies avec le sacristain des Anglaises
qui sont rue de Charenton, et cela deux fois […] Il a pareillement fait des infamies avec le nommé Charpentier,
officier sur les grains, demeurant derrière le petit St Antoine, et ce lors des
danses de la place Royale l’été dernier. Dimanche dernier, il a rencontré sur
le boulevard une personne à lui inconnue avec qui il a fait encore des
infamies. »Archives de la Bastille, 10259.
Pour la même année, autre rapport :
« Passant sur le quai vi-à-vis du Collège des
Quatre Nations [aujourd’hui Institut de France] sur les onze heures du soir, j’ai vu Veglay en veste blanche
qui était avec un autre infâme comme lui qui portait épée. Ces deux infâmes
m’ayant vu passer m’ont suivi pendant une demi-heure ; j’ai été contre les
maisons du Collège, ils m’y ont suivi et se sont arrêtés dans un renfoncement
en manière de porte où ils se montraient sans rien dire, habitude que
présentement une partie des infâmes a prise. »
Cette habitude nouvelle était une réaction aux
provocations policières. La police ayant remplacé les provocations par
des convocations, ce Veglay semble avoir essayé d’organiser une sorte de
résistance :
« Veglay
a dit qu'il avait été convoqué à la police et qu'il avait comparu devant un
monsieur Chaban ; que ce monsieur avait voulu l'intimider en le menaçant de la
prison pour lui faire dire les personnes avec lesquelles il était en commerce infâme,
mais que Veglay ayant répondu sur un autre ton, il l'avait renvoyé, et que le
vrai moyen de bien se tirer de là était de ne jamais déclarer ses amis. » Archives de la Bastille,
10259, juin 1748.
Cette
période de répression culmine en 1750 avec l’exécution de deux hommes pris en
flagrant délit rue Montorgueil ; voici la déposition de l’un d’eux :
« Jean Diot est venu l’accoster et lui a proposé l’infamie, qu’il l’a même prié
de le lui mettre par derrière, que pour cet effet Jean Diot a défait sa culotte
et que lui déclarant [Bruno Lenoir] le lui a mis par derrière, sans cependant
finir l’affaire, attendu qu’ils ont été surpris par le guet. »
Bibliothèque
de l’Arsenal (Paris), mss 11717.
Pierre Bayle (1647-1706) : « On ne saurait assez déplorer, ou la malice, ou l'ignorance de l'homme, quand on songe que Théodore de Bèze a été accusé d'une infamie abominable, sur un fondement aussi frivole que l'est son épigramme, de suâ in Candidam et Audebertum benevolentiâ. Mr. Maimbourg renouvela cette accusation dans son Histoire du Calvinisme. On le réfuta très solidement par l'examen de la pièce même, et on n'oublia point de fortifier l'apologie par le grand mérite d'Audebert. » Dictionnaire historique et critique, 1738, entrée " Audebert (Germain) ", tome 1, page 381.
« L’Empereur adonné à des plaisirs infâmes ne
se mariait point. »
Montesquieu, De l’Esprit des lois, 1748, VI, xiii
(Impuissance des lois japonaises).
« Du temps de Plutarque, les parcs où l’on
combattait à nu, et les jeux de la lutte, rendaient les jeunes gens lâches, les
portaient à un amour infâme, et n’en faisaient que des baladins. »
Montesquieu, De l’Esprit des lois (1748), VIII, xi.
« Il est certain, autant que la science de
l’Antiquité peut l’être, que l’amour socratique n’était point un amour infâme. »
« On demandera comment dans un désert aussi inhabitable qu’il l’est aujourd’hui, et où l’on ne trouve que quelques hordes de voleurs arabes, il pouvait y avoir cinq villes [Sodome, Gomorrhe, Séboin, Adama et Segor] assez opulentes pour être plongées dans les délices, et même dans des plaisirs infâmes qui sont le dernier effet du raffinement de la débauche attachée à la richesse : on peut répondre que le pays alors était bien meilleur. »
« On n’y trouve [au café d’Alexandre] que des
raccrocheuses, des bougres et des bardaches. Il se passe dans ce café des infamies,
des horreurs qu’il est inutile de nommer ; les titres de ceux qui
l’habitent les font assez deviner. »
Mayeur de Saint-Paul, Le Désœuvré, ou L’Espion du
Boulevard du Temple, 1781, chapitre VI.
« Ce crime horrible qui outrage également et la
nature et les lois, ce forfait épouvantable sur lequel la main de Dieu s'est
appesantie tant de fois, cette infamie en un mot si nouvelle pour moi que
je la concevais à peine, je la vis consommer sous mes yeux, avec toutes les
recherches impures, avec toutes les épisodes affreuses que pouvait y mettre la
dépravation la plus réfléchie. L’un de ces hommes, celui qui dominait l’autre
[…] » Marquis de Sade, Les Infortunes de la vertu,
Paris, Gallimard, 1995 [1787], édition Michel Delon.
Victor HUGO : « Sans parler de ces poésies monstrueuses par lesquelles Anacréon, Horace, Virgile même, ont immortalisé d'infâmes débauches et de honteuses habitudes, les chants amoureux des poètes païens anciens et modernes, de Catulle, de Tibulle, de Bertin, de Bernis, de Parny, ne nous offrent rien de cette délicatesse, de cette modestie, de cette retenue sans lesquelles l'amour n'est plus qu'un instinct animal et qu'un appétit charnel. » " Idées au hasard ", Juillet 1824, dans Littérature et philosophie mêlées, Paris : Eugène Renduel, 1834.
« Sur le tombeau de Dioclès [législateur du –Ve
siècle], de jeunes garçons célébraient chaque année la fête des baisers :
le plus lascif obtenait la couronne : Dioclès avait été un infâme. »
Chateaubriand, Études historiques, V, 3e
partie, 1831.
A.J.B. Beau, traducteur du
poète latin Martial, dans ses annotations :
« Loevis
amicus : un ami à la peau douce. Martial [IX, 9-10] entend Patrocle. encore
une infamie ! ce Patrocle dont Achille, dans Racine [Iphigénie,
I, 2], nous fait un héros,
Patrocle et moi, seigneur, nous
irons nous venger,
c’était
un loevis amicus, ô antiquité !
Épigrammes de Martial, 1843, tome 3.
« Les Césars, à l’exception peut-être de
l’imbécile Claude, furent tous, au rapport de Suétone, des infâmes. »
Pierre Joseph Proudhon, Amour et mariage,
chapitre XXVII, 1858.
« Chaque jour je deviens moins dur et moins
moqueur
Pour tous ceux que le monde appelle des infâmes. »
Amédée Pigeon, Les Deux amours, Paris : A.
Lemerre, 1876.
Paul Bourget : « C'était le collège qui continuait à les lier l'un à l'autre, et les souvenirs d'enfance. Leur enfance ?... Armand, qui tournait la rue Royale et gagnait les Champs-Élysées, se rappela soudain le défilé de la pension Vanaboste, le jeudi, et la promenade trois par trois, sous la surveillance d'un pauvre diable de maître d'étude qui cherchait à se dissimuler parmi les groupes pour avoir l'air d'un passant comme les autres et non pas d'un chien de cour chargé de garder un troupeau d'élèves. Et quel troupeau ! La plupart avait le teint pali, les yeux creusés, un appauvrissement énervé de tout l'être qui disait de secrètes débauches. Que d'ignominies et de bassesses dans ce monde où les plus âgés avaient dix-neuf ans, où les plus jeunes en avaient huit ! Entre les murs de la prison, comme entre les murs du grand lycée où ils se rendaient deux fois par jour, il n'était question que d'infâmes amours entre ces grands et ces petits. Parmi ces amours contre nature, les unes étaient franchement sensuelles et avaient pour théâtres tous les coins déserts de la maison, depuis les dortoirs jusqu'à l'infirmerie. Et parmi les jeunes Français internés dans des collèges semblables, combien participaient à cette luxure, et les autres se salissaient l'imagination en la repoussant ! Il y avait aussi entre ces collégiens des liaisons exaltées et chastes. La lecture d'une certaine églogue de Virgile, d'un dialogue de Platon, de quelques sonnets de Shakespeare montaient la tête aux plus littéraires, et Alfred Chazel avait un jour reçu, étant en troisième, une pièce de vers écrite par un rhétoricien de Henri IV, qui commençait par ce vers prodigieux dont ils avaient ri comme des fous :
Alfred, mon pâle Alfred, mon Aimé, mes Délices... »
Un Crime d'amour, Paris : Alphonse Lemerre, 1886.
« Le
monde dit que c’est infâme ;
Mais
que me fait, ô mon vainqueur ! »
Paul Verlaine, Hombres [1887], V.
Le sens homosexuel de ces mots a donc culminé pendant
le deuxième quart du XVIIIe siècle. C’est cette période que l’on
retrouve dans le polar historique d’Alice Yvernat :
« La
différence entre vous et moi, c’est que moi je suis perdu, définitivement perdu
pour la société. Je suis un infâme d’inclination. J’aime le mâle, le
viril, fût-il rude, celui qui me domine, qui se joue de moi, même si je dois
d’aventure y laisser quelques plumes. Je suis une sœur, un inverti, en un mot
un foutu bougre ! Mes propos vous choquent, n’est-ce pas mon mignon ?
Vous voyez bien que nous ne sommes pas faits du même bois. Je n’aime pas les
femmes … »
INSENSIBLE
"Il entre à peine dans cet âge charmant que les insensibles
appellent l'âge ingrat, et qui selon les Grecs est l'âge même de l'amour."
André Gide, Journal, juin 1921.
INTERSEXUALITÉ, INTERSEXUEL
« On peut être plus homosexuel dans certaines
relations "intersexuelles" sur un mode anormal, que dans
certaines relations effectivement "homosexuelles". »
Dr Hesnard, « Homosexualité et
endocrines », Évolution psychiatrique, 1933, n° 1.
INVERSION, INTERVERSION
En 1790, un texte satirique d’inspiration
contre-révolutionnaire, Les Petits bougres au manège, caricaturait ce
qu’il appelait la « société sodomique », soit le milieu homosexuel
parisien, et stigmatisait en même temps « l’inversion de l’ordre civil et
politique ». Mais sans doute le lien n’était pas encore bien clair entre
ce mot inversion et les amours masculines. Ce lien, c’est la psychiatrie
de la fin du XIXe siècle qui l’a établi, sous l’influence de l’expression
italienne « inversione dell’ istinto sessuale » (A. Tamassia, 1878)
et par souci de traduire l’expression allemande de C. Westphal « conträre
Sexualempfindung » (1869), littéralement sensation sexuelle contraire.
A. Ritti proposa en 1878 l’expression
« attraction des sexes semblables », par analogie avec
l’électromagnétisme :
« Westphal considère cet état pathologique comme
une perversion (une sorte d’interversion) congénitale de l’instinct
sexuel, en ce sens qu’une femme est physiquement femme, mais psychiquement
homme, et un homme physiquement homme et psychiquement femme. »
« De l’attraction des sexes semblables », Gazette
hebdomadaire de Médecine et de Chirurgie, n° 1, 4 janvier 1878.
On reconnaît ici la théorie de l’hermaphrodisme
somato-psychique du magistrat allemand Ulrichs (une âme de femme prisonnière
d’un corps d’homme). Charcot et Magnan ont rendu compte des écrits d’Ulrichs et
de Westphal, ils ont aussi traduit par « inversion de l’instinct
sexuel » l’expression de Tamassia.
« L’inversion de l’instinct sexuel peut se
montrer dans les deux sexes : pour l’homme, c’est la pédérastie ;
pour la femme, le tribadisme. Dans les deux cas, c’est un individu qui
recherche la satisfaction de son instinct sexuel avec un individu du même sexe.
[…] M. Chevalier a distingué trois variétés de l’inversion sexuelle :
1° une inversion acquise, par exemple, dans la prostitution pédérastique
et saphique ; 2° une inversion des agglomérations exclusives :
ainsi les pensions, les internats, les armées, les prisons ; 3° une inversion
native : ce sont des héréditaires ou des hermaphrodites moraux. »
Alexandre Lacassagne, article « Pédérastie », Dictionnaire
Encyclopédique des Sciences Médicales, volume 22, 1886.
« Les Allemands qui comptent, paraît-il, parmi
eux de nombreux cas d’inversion sexuelle, ont imaginé une ingénieuse
théorie pour expliquer la déviation mentale instinctive, mais obscène, de ces
détraqués. L’âme, disent-ils, pénètre dans le corps au 40e jour de
la vie intra-utérine (Numantius) ; mais parfois Dieu se méprend et envoie
une âme de femme dans un corps d’homme […] Quant à enfermer les urningen (c’est
le nom que [Heinrich] Marx donne à ces invertis), ce serait reculer
" jusqu’à l’époque où la loi condamnait les sorciers et les
hérétiques " ! »
Dr E. Monin, Misères nerveuses, 1890.
Le quaificatif disparaît dans le titre de l’article du
psychologue d’origine russe « Quelques observations sur l’inversion »
(Archives d’Anthropologie Criminelle, mars 1894). Il s’agissait d’une
réponse à une « Enquête sur l’inversion sexuelle » lancée par
le Dr Saint-Paul dans la même revue en janvier 1894.
« L’unisexualité
se ressemble chez les femmes comme chez les hommes ; l’inversion
est une. »
Dr
H. Legludic, Attentats aux mœurs, 1896.
« INVERSION : Psychologie. Anomalie
consistant en ce qu’un homme a des instincts sexuels féminins, ou une femme des
instincts masculins. »
André Lalande, Vocabulaire technique et critique de
la philosophie, 1902-1923, Bulletin de la Société Française de Philosophie.
« Moi l’inversion c’était pas mon
genre. »
Louis-Ferdinant Céline, Voyage au bout de la nuit, Paris : Denoël & Steele, 1932.
« Il arrive que la pédérastie et l’homosexualité
conduisent à l’inversion sexuelle [pénétré au lieu de pénétrant]. L’inverti l’est le plus souvent
congénitalement. Mâle, il prend dans l’amour une attitude passive, en
détournant un organe, qu’il me semble inutile de nommer, de sa fonction propre,
pour le faire servir à un usage second, qu’il serait téméraire de dire imprévu,
attendu que le phallus est bien utilisé à deux fins par la Nature, ce qui a pu
paraître une invitation, un exemple à suivre dans le besoin. »
Marcel Jouhandeau, "Corydon résumé et
augmenté", Ces Messieurs, 1951.
INVERTI
En 1885, Magnan présenta l’expresion « sexuel inverti » ;
certains ont par la suite proposé « interverti », mais inverti domina assez rapidement. Comme les métaphores spatiales (devant/derrière), inverti
suggère une altérité radicale et encourage les réactions de rejet.
« Les invertis du sens génital, avant
toute procédure, doivent être soumis à l’examen du médecin. Le médecin seul a
compétence pour décider si le prévenu est un aliéné irresponsable, à colloquer
dans un hospice où l’on peut essayer de le guérir, ou un vicieux et un criminel,
à envoyer devant des juges. Pour le vicieux ou le vicié, je demande la
sévérité : l’inverti doit être mis hors la société et placé au rang
de la bête, dont il a pris le caractère, parce qu’il déshonore l’espèce et
qu’il est devenu dangereux. Il ne peut, en effet, arriver à ses fins sans
corrompre ou pervertir les autres. »
Eugène Hubert, « L’inversion génitale et la
législation », Bruxelles, 1892.
L’écrivain naturaliste et socialiste
Émile Zola avait lui aussi considéré l’inverti comme un ennemi
public :
« Tout ce qui touche au sexe touche à la vie
sociale elle-même. Un inverti est un désorganisateur de la famille, de
la nation, de l’humanité. L’homme et la femme ne sont certainement ici-bas que
pour faire des enfants, et ils tuent la vie le jour où ils ne font plus ce
qu’il faut pour en faire. »
Lettre au Dr Laupts, 25 juin 1895.
L’auteur de « J’accuse » avait peut-être
nuancé son opinion lorsqu’en 1896 il proposa à ce médecin de publier un texte
(une longue confession) qu’il avait reçu d’un correspondant anonyme,
« Roman d’un inverti », en fait plutôt un trans qu'un homo.
Le psychologue d’origine russe Raffalovich opposa invertis
efféminés et non efféminés.
« Il y a des invertis qui
sont plutôt un mâle et demi qu'un mâle à demi. »
A. Raffalovich, "L'Uranisme
(inversion sexuelle congénitale)", Archives d’Anthropologie Criminelle,
janvier 1895.
À la fin du XIXe siècle, inversion et
inverti sont très utilisés, tout en commençant à être concurrencés par
les dérivés de Urning (uranisme, uraniste) et par la série en homo-.
Il
semble qu’inverti ait été bien accepté par la majorité du milieu
homosexuel parisien. En 1924, il y aura la revue Inversions ; dans
les années 1960, un collaborateur d’Arcadie citait volontiers cette
devise : « Un homme inverti en vaut deux ». Avant 1910, déjà, le
Dr Saint-Paul avait reçu cette lettre d’un « inverti français » :
« Je
désirerais former un groupement d'invertis sérieux. – Ce groupement
aurait pour but de rechercher tout ce qui serait capable d'améliorer la
situation morale de l'inverti, situation qui est toujours si critique à
cause de l'isolement forcé, situation qui souvent est la cause de catastrophes
intimes. Il est bien entendu que le groupement ne comprendrait que ceux dont la
bonne moralité est certaine, bien que son action humanitaire pourrait, par la
suite, s'étendre à tous ceux qui ont le désir de rentrer dans la bonne voie.
L'oeuvre de ce groupement, en plus des avantages intellectuels et moraux
qu'elle offrirait à chacun, faciliterait nécessairement l'étude de cette
question si importante et d'actualité qu'est la question sexuelle et pourrait
contribuer à la découverte et à la pratique de règles d'hygiène physique et
morale qui adouciraient le sort cruel légué aux invertis. »
L’Homosexualité
et les types homosexuels, 1910.
Marcel Proust commenta l'évolution linguistique dans cette note du cahier 49 (vers 1901-1911) :
« Ce terme [tante] conviendrait particulièrement, dans tout mon ouvrage, où les personnages auxquels il s'appliquerait, étant presque tous vieux, et presque tous mondains, ils seraient dans les réunions mondaines où ils papotent, magnifiquement habillés et ridicules. Les tantes ! on voit leur solennité et toute leur toilette rien que dans ce mot qui porte jupe, on voit dans une réunion mondaine leur aigrette et leur ramage de volatiles d'un genre différent. « Mais le lecteur français veut être respecté » et n'étant pas Balzac je suis obligé de me contenter d'inverti. Homosexuel est trop germanique et pédant, n'ayant guère paru en France — sauf erreur — et traduit sans doute des journaux berlinois, qu'après le procès Eurlenbourg.» (cité par Antoine Compagnon, Préface à Sodome et Gomorrhe, Gallimard, collection folio classique).
André
Gide donna à inversion un sens strict, l’associant à l’efféminement et
n’en faisant qu’une des annexes de l’homosexualité ; il faisait dire au
Visiteur :
« Mes
yeux cherchaient en vain, dans la pièce où il m’introduisit, ces marques
d’efféminement que les spécialistes retrouvent à tout ce qui touche les invertis,
et à quoi ils prétendent ne s’être jamais trompés. »
C.
R. D. N., 1911, Premier dialogue.
Dans
le texte intermédiaire de 1920, Gide prétendait laisser de côté « les invertis,
dont la tare est trop évidente » (quatrième dialogue) ; ces six
derniers mots, très durs, furent supprimés dans l’édition définitive dont la
préface évoquait seulement :
« certains
cas d’homosexualité, ceux dont précisément je ne m’occupe pas dans ce livre –
les cas d’inversion, d’efféminement, de sodomie. »
Gide
réagissait ainsi à la théorie de l’homme-femme, acceptée par Marcel
Proust ; inverti est employé une vingtaine de fois dans La
Recherche, et y est le terme le plus fréquent :
« L'inverti
se croit seul de sa sorte dans l'univers ; plus tard seulement, il se figure –
autre exagération – que l'exception unique, c'est l'homme normal. »
Sodome
et Gomorrhe, II, 1, 1922.
« Les homosexuels mettent leur point d’honneur à n’être pas des invertis. D’après la théorie, toute fragmentaire du reste, que j’ébauche ici, il n’y aurait pas en réalité d’homosexuels. Si masculine que puisse être l’apparence de la tante, son goût de virilité proviendrait d’une féminité foncière, fût-elle dissimulée. Un homosexuel ce serait ce que prétend être, ce que de bonne foi imagine être, un inverti. »
Marcel Proust, " Esquisses IV ", À la recherche du temps perdu, tome III, Paris : Gallimard, 1988.
François Mauriac fit cette critique de Corydon :
« J’entends mal votre distinction entre
homosexuels et invertis … Quand je songe à tous ceux que je connais, je
ne vois que des malheureux, des diminués, des êtres déchus, dans la mesure où
ils ne luttent pas. Mais c’est vrai qu’il y a là un grand mystère et que
l’hypocrisie du monde a trop vite fait de ne pas méditer. »
Lettre à André Gide, 28 juin 1924.
Le mot ne pouvait échapper au lexique célinien :
" Il [Léon Blum] nous met les points sur les i. Dans un style d'ailleurs très sémite, tout ramifié, tout enveloppé, tout nègre, c'est-à-dire précieux, réticent, sucé, onctueux, surhuhamélisé, sirupeux, enculeux, un vrai lambeau d'Harachloucoum, ce que les Français du lycée invertis, négrifiés de même, appellent le Beau Style. " (Bagatelles pour un massacre)
La traduction en 1923 des Trois essais sur la
théorie de la sexualité portait généralement inversion (conformément
au texte allemand) et une fois seulement homosexualité (III, 5) ;
ainsi Marcel Proust et la psychanalyse se rencontrèrent-ils pour contribuer à
diffuser ce terme, repris par les critiques de Proust, tel Jean-Paul
Sartre :
« Nous refusons de croire que l’amour d’un
inverti présente les mêmes caractères que celui d’un hétérosexuel. Le
caractère secret, interdit du premier, son aspect de messe noire, l’existence
d’une franc-maçonnerie homosexuelle, et cette damnation où l’inverti a
conscience d’entraîner avec lui son partenaire : autant de faits qui nous
paraissent influencer le sentiment tout entier et jusque dans les détails de
son évolution. »
Jean-Paul Sartre, " Présentation ", Les
Temps Modernes, 1er
octobre 1945.
« Un garçon entre, le type le plus marqué que
j’aie vu de l’inverti : démarche dansante, jeux de mains affectés,
cheveux décolorés, le visage pâli, déshonoré, flétri par de récentes
débauches. »
Marcel Jouhandeau, Journaliers 1957 – 1959, I.
« Les dieux de l’Olympe étaient, presque tous,
d’intrépides pédérastes, voire même des invertis : les textes grecs
nous en sont garants. »
Éric Zemmour : « L’inverti honni d’hier est devenu le gay admiré d’aujourd’hui, celui qui légitime le désir du pauvre « hétérosexuel » – « hétéro de base », minable beauf – pour la femme. »
Le Premier sexe, Paris : Denoël, 2006.
IRONIE DE L'ORDRE
« Que
dis-tu de ceci : des brigands grecs ont un jour une riotte avec la
gendarmerie. Ils s’emparent de l’officier et de trois gendarmes, les enculent à
outrance et les renvoient ensuite sans leur avoir fait autre chose. Quelle ironie
de l’ordre ! »
Gustave
Flaubert, Lettre à Louis Bouilhet, 10 février 1851, Correspondance,
Paris : Gallimard, 1973, édition Jean Bruneau.
IRRUMATEUR, IRRUMATION, IRRUMER
Ces termes désignaient le comportement de celui qui se
fait sucer ... le vit (comme on disait au XVIII
e siècle). "
L’irrumation est un type de fellation où le mouvement de va-et-vient du pénis est fait par le bénéficiaire de la fellation plutôt que par la personne qui la pratique. " (fr.wikipedia.org)
« Le Général de la Ligue n'ayant plus que deux
places de son parti échappé, ne se pouvait reconcilier avec ce Prince, comme
il fit avec l'autre pour se le faire irrumer. On gagne plus à celui-ci
qu'à se faire enrhumer aux tranchées. »
Agrippa d’Aubigné, Confession
catholique du Sieur de Sancy, I, 3.
« Je ne touche point ici aux masturbateurs, irrumateurs,
fellateurs, encore que cela soit spécifique et journalier à ceux de delà les
monts [les Italiens], et à ceux de par deçà qui ont étudié autour d'eux,
abomination qui semble bourgeonner par la France à leur imitation. »
Antoine Fusi, Le Franc-Archer de la vraie Église,
1619.
« Depuis quelques années en ça, le général [des
galères de Toulon] a défendu l’entrée aux femmes. De sorte qu’il ne se pèche
plus maintenant là-dedans qu’en sodomie, mollesse, irrumation et autres
pareilles tendresses. »
Jean-Jacques Bouchard, Les
Confessions, Paris : Liseux, 1881 [vers 1630].
ITALIEN, adj. et subs.
Henri Estienne, 1566-1592 :
Apologie pour Hérodote, livre I, chapitre 13.
« À l’exemple de la plupart des jeunes Français,
il [le comte de Guiche] avait compromis sa santé par la pratique du vice italien
et particulièrement au service des plaisirs de Monsieur. Mais il m’a
été assuré, d’autre part, que le duc de Nevers [neveu de Mazarin] avait été le
premier à corrompre Monsieur [frère de Louis XIV], lequel était un prince d’une
grande beauté. Aussi la reine-mère avait-elle éloigné Monsieur du duc de
Nevers, que l’on accusait d’avoir importé en France la mode du vice italien.»
Primi Visconti, Mémoires sur la Cour
de Louis XIV, 1908 [1673].
« Je crois bien que le prince Max
n'a pas l'humeur italienne. »
Princesse Palatine, Correspondance,
septembre 1690.
« Ce
ménage ne fut jamais uni : le goût de M. de Brissac était trop italien. »
Saint-Simon,
Mémoires, 1693.
« Pour
ses mœurs [celles du maréchal d’Huxelles], elles étaient italiennes. »
Saint-Simon, Mémoires, 1703.
4 commentaires:
Quel travail, bravo !
Avec mes meilleurs voeux pour 2021, la liberté et la prospérité dans la crise actuelle.
Louis MALLET
Merci, Louis, et de même à toi. Retrouve moi sur facebook si tu y es.
Cher Claude Courouve, je constate avec bonheur une fois de plus que votre Dictionnaire ré-actualisé est d'une grande utilité pour l'analyse littéraire car c'est grâce à lui que j'ai pu argumenter l'idée que dans les Illuminations de Rimbaud le poème intitulé H référait notamment à la masturbation emblématisée par la figure littéraire de l'Habitude qui servit également à désigner la masturbation non seulement dans le poème de l'Album zutique commençant par "L'enfant" et dû à Paul Verlaine, mais aussi dans le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert qui mentionne à l'article Habitude : "Les habitudes de collège sont de mauvaises habitudes". Amitiés de Patrick Négrier
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