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dimanche 19 mai 2024

INDEX AMOUREUX ET PHILOSOPHIQUE DES ESSAIS DE MONTAIGNE



A / PENSER AVEC MONTAIGNE
B / Sur la Raison et les raisons
C / Sur Autrui
D / Sur son évolution probable vers l'athéisme
E / Sur l'amour grec
F / Fréquences absolues de termes significatifs
G / Index amoureux et philosophique
        notamment les Je, les Nous, les Quand, les Qui et les Si


Je renvoie aux pages de l’édition de référence de Paris : PUF-Villey/Saulnier, 1965 ; même pagination pour l'édition en ligne du Montaigne project (University of Chicago), ainsi que pour l'édition  en collection de poche Quadrige/PUF/2004. La référence à la pagination Pléiade 2007, en cours, est entre (). Les orthographes lexicale et grammaticale sont modernisées ainsi que la ponctuation, l'emploi des majuscules et celui des trait d'union


Liens :
Exemplaire de Bordeaux (1588) Paris : L'Angelier, avec corrections et ajouts de Montaigne
Fac-simile de l'édition de 1595 des Essais Paris : Abel L'Angelier (édition Gournay-L'Angelier)

Essais en ligne, édition Pierre Villey / Verdun Louis Saulnier : comporte l'indication des trois couches :
A (Texte de 1580) - B (Additions 1580-88) - C (Additions manuscrites sur l’Exemplaire de Bordeaux).

Marcel Conche (1922-2022) : « Pour aborder la connaissance et l’étude de la pensée de Montaigne, il convient, en premier lieu, de bien choisir l’édition des Essais sur laquelle on prendra appui. Je conseille l’édition de référence Villey-Saulnier [...] un seul volume dans « Quadrige », 2004 [avec une préface de Marcel Conche]). Ce choix se justifie par les cinq raisons suivantes .

    Sur la page d'accueil de ces Essais en ligne (University of Chicago), on peut, par la fonction search,  localiser tout mot ou expression des Essais dans son orthographe ancienne ou approximative. L'index qui suit reflète une lecture assez personnelle de ce post-Anciens qu'est Montaigne. Il s'adresse à des lecteurs ayant déjà eu un contact avec le texte des Essais ; la recherche sur un terme par la fonction rechercher du navigateur s'y fait cette fois avec son orthographe modernisée. Les entrées sont parfois annotées, soit par le résultat d'une recherche personnelle, soit le plus souvent avec l'aide des appareils critiques des éditions suivantes :
- édition Jacques-André Naigeon, 1802, Paris, Pierre et Firmin Didot, 1802.
- édition Motheau et Jouaust en 2 volumes, Paris : Librairie des bibliophiles, 1873-1875 (réédition de 1886-1889).
- édition Jean Plattard aux Belles Lettres, 1932.
- édition Maurice Rat aux Classiques Garnier, 1962.
- édition Villey/Saulnier en 2 volumes, Paris : PUF, 1965.
- édition Pierre Michel au Livre de poche, 1972.
- édition Maurice Rat aux Classiques jaunes Garnier, 1979, 2018.
- édition Jean Céard à la Pochothèque, Livre de poche, 2002.
- édition Balsamo/Magnien/Magnien-Simonin en Bibliothèque de la Pléiade, Paris : Gallimard, 2007.


A / PENSER AVEC MONTAIGNE

Montaigne : " Nouvelle figure : un philosophe imprémédité et fortuit. "
II, xii, 546 (578)

Montaigne offre une synthèse raisonnable d'épicurisme, de rationalisme, de stoïcisme et de scepticisme.

Nicolas de Malebranche (1638-1715), De la recherche de la vérité ..., livre II " De l'imagination ", troisième partie 
" De la communication contagieuse des imaginations fortes ", chapitre V " Du livre de Monta[i]gne "
Paris : Michel David, 1712 ; pages 518 à 537.


Huet

« V I.
Essais de Montagne
Les Essais de Montagne sont de véritables Montaniana, c'est-à-dire un Recueil des pensées de Montagne, sans [page 15] ordre et sans liaison. Ce n'est pas peut-être ce qui a le moins contribué à le rendre si agréable à notre Nation, ennemie de l'assujétissement que demandent les longues dissertations ; et à notre siècle, ennemi de l'application que demandent les Traités suivis et méthodiques. Son esprit libre, son style varié, et ses expressions métaphoriques, lui ont principalement mérité cette grande vogue, dans laquelle il a été pendant plus d'un siècle, et où il est encore aujourd'hui : car c'est, pour ainsi dire, le Bréviaire des honnêtes paresseux, et des ignorants studieux, qui veulent s'enfariner de quelque connaissance du monde, et de quelque teinture des Lettres. À peine trouverez-vous un Gentilhomme de campagne qui veuille se distinguer des preneurs de lièvres, sans un Montagne sur sa cheminée. Mais cette liberté, qui a son utilité, quand elle a ses bornes, devient dangereuse, quand elle dégénère en licence. Telle est celle de Montagne, qui s'est cru permis de se mettre au dessus des lois, de la modestie, et de la pudeur. Il faut respecter le public, quand on se mêle de lui parler, comme on fait quand on s'érige en Auteur. La source de ce défaut dans [page 16] Montagne, a été sa vanité et son amour propre. Il a cru que son mérite l'affranchissait des règles ; qu'il devait donner l'exemple, et non pas le suivre. Ses partisans ont beau excuser cette vanité, qu'on lui a tant reprochée. Tous ces tours et cet air de franchise qu'il prend, n'empêchent pas qu'on entrevois une affectation secrète de se faire honneur de ses emplois, du nombre de ses domestiques, et de la réputation qu'il s'était acquise. Qu'on ramasse tout cela, qu'il a semé par-ci par-là dans ses écrits, on trouvera qu'il s'est rendu son propre Panégyriste. Scaliger avait grande raison de dire, J'ai bien affaire de savoir si Montagne aime le vin blanc, ou le vin clairet. En effet, n'est-ce pas de l'audience de son Lecteur, que de l'entretenir de ses goûts, et de toutes ses autres fadaises domestiques ? Scaliger pourtant ne parlait pas ainsi sans intérêt de son compatriote. Montagne avait donné dans ses écrits à Juste-Lipse la première place dans l'empire des Lettres : quoiqu'en cela d'un mauvais goût, comme en bien d'autres choses. Quand il avance quelque sentiment hardi, et sujet à contradiction, Je ne le donne pas pour bon, [page 17] dit-il, mais pour mien : et c'est de quoi le Lecteur n'a que faire ; car il lui importe peu de ce qu'a pensé Michel de Montagne, mais de ce qu'il fallait penser pour bien penser. Il déclare dans tout son ouvrage, qu'il a voulu s'y peindre au naturel, et se représenter aux yeux du Public. Pour se proposer un tel dessein, ne faut-il pas être persuadé que cet original mérite d'être regardé, étudié; et imité de tout le monde ? Et cette idée a-t-elle pu naître ailleurs que dans un grand fond d'amour propre ?
Pour son style, il est d'un tour véritablement singulier, et d'un caractère original. Son imagination vive lui fournit sur toutes sortes de sujets une grande variété d'images, dont il compose cette abondance d'agréables métaphores, dans lesquelles aucun écrivain ne l'a jamais égalé. C'est sa figure favorite, figure qui selon Aristote est la marque d'un bon esprit,  εὔψυχος ; parce qu'elle vient de la fécondité du fonds qui produit ces images, de la vivacité qui les découvre facilement et à propos, et du discernement qui sait choisir les plus convenables. »
Pierre Daniel HUET, ancien évêque d'Avranches, 1630-1721.
Il faut lire MDCCXXII (1722).

Huetiana, ou pensées diverses de M. Huet, publié par l'abbé Pierre-Joseph d'Olivet (1682-1768).
Paris : Jacques Estienne [1668-1731], 1722.

Voltaire : " Montaigne, le moins méthodique des philosophes, mais le plus sage et le plus aimable. "  (Nouveaux doutes sur le testament politique du cardinal de Richelieu, " Lettre ", 1764.

Montesquieu : " Dans la plupart des auteurs, je vois l'homme qui écrit ; dans Montaigne, l'homme qui pense. " (Mes pensées, VII). On peut en dire autant de Nietzsche.

Condorcet « Il n’est pas rare de montrer de l’humeur contre ceux qui nous forcent à examiner ce que nous avons admis sans réflexion. Les esprits qui, comme Montaigne, s’endorment tranquillement sur l’oreiller du doute, ne sont pas communs ; ceux qui sont tourmentés du désir d’atteindre à la vérité sont plus rares encore. Le vulgaire aime à croire, même sans preuve, et chérit sa sécurité dans son aveugle croyance, comme une partie de son repos. » (Vie de Voltaire).

Naigeon : « Montaigne qu'on rencontre si souvent dans la route du vrai ; Montaigne qu'il faut lire et étudier sans cesse, parce qu'il voit presque toujours bien, et qu'au mérite de penser avec profondeur, il joint celui d'exprimer avec énergie et précision ce qu'il a conçu fortement. » Encyclopédie méthodique, Philosophie ancienne et moderne par Jacques-André Naigeon, tome 1, 1791, article " Académiciens ", page 88.

Flaubert : « Je lis toujours Rabelais et j'y ai adjoint Montaigne. Je me propose même de faire plus tard sur ces deux hommes une étude spéciale de philosophie et de littérature. C'est, selon moi, un point d'où est parti la littérature et l'esprit français. » Lettre à Ernest Chevalier, 13 septembre 1838.

Lamartine, Les Confidences (1849), livre XI :
" il étudiait " : il s'agit d'Edmond de Virieu, ami de jeunesse de Lamartine.


Nietzsche : « Il [Schopenhauer] est honnête, même comme écrivain. Et si peu d'écrivains le sont qu'à vrai dire on devrait se méfier de tous les hommes qui écrivent. Je ne connais qu'un seul écrivain que, sous le rapport de l'honnêteté, je place aussi haut, sinon plus, que Schopenhauer : c'est Montaigne. Qu'un tel homme ait écrit accroît le plaisir de vivre sur cette Terre. [...] Outre l'honnêteté, Schopenhauer a encore une autre qualité en commun avec Montaigne : une sérénité qui rend réellement serein.  » Considérations inactuelles III, 1874," Schopenhauer éducateur ", § 2.

Ralph Waldo Emerson :




Revue des Études rabelaisiennes, tome X, 1912, " Chronique ", pages 168-170. Extrait du
discours prononcé le 21 mars 1912 au café Voltaire par Anatole France.


André Comte-Sponville : « Montaigne est le plus libre des esprits libres : parce qu'il est un philosophe sans système, sans doctrine, voire sans philosophie. Sans idées ? Au contraire ! Mais toutes forgées ou examinées « à l'essai », c'est le cas de le dire, pour voir ce qu'elles valent et sans hésiter à en changer si une autre, plus tard, semble plus vraie, plus juste ou plus éclairante. La cohérence ? Ce n'est qu'une prison de plus, si on la met plus haut que la vérité. Mieux vaut se contredire qu'être prêt à tout pour se donner raison. C'est la façon de Montaigne de se soumettre au vrai, ou au peu qu'il en perçoit à chaque instant : « Je me contredis bien à l'aventure [peut-être] ; mais la vérité, je ne la contredis point » (Essais, III, 2). » (Le Point).

Penser avec Montaigne sur France Culture (aux Répliques d'Alain Finkielkraut, avec Frédéric Brahami et Pierre Manent). « Ce Discours de la méthode avant la lettre qu'est l'art de conférer [III, viii]. » (Frédéric Brahami, 5 avril 2014) ; ce qui est assez gentil pour Descartes, car question méthode, je préfère de beaucoup Montaigne en philosophie et Pascal en physique. Cf ma page Descartes inutile et incertain.

Aide-mémoire chronologique :
1515 François Ier 1547 Henri II 1559 François II 1560
1560 Charles IX 1574 Henri III 1589 Henri IV 1610

« Il invente une nouvelle morale. Il le fait dans un esprit d'ouverture qui prétend qu'aucune civilisation n'est supérieure à une autre. C'est pour cette raison qu'il a passionné Michel Foucault ou Claude Lévi-Strauss. La nouveauté, aujourd'hui, c'est le changement de statut de Montaigne. Il est passé de la catégorie des écrivains à celle des philosophes. » Olivier Guerrier, professeur de littérature française de la Renaissance à l'université de Toulouse, ancien président de la Société Internationale des Amis de Montaigne.

Naissance le 28 février 1533 (il y a 491 ans) au château de Montaigne.

Amitié avec La Boétie (1530-1563) : de 1557 à 1563

1571-1572 années charnières :
Juin 1571 : début probable des Essais. Le style comporte une alternance de thèses, d'exemples et de citations. Juxtaposition (parataxe) et intertextualité.
Traduction des Œuvres morales de Plutarque par Jacques Amyot.
Montaigne publie à Paris chez  Frédéric Morel un livret comprenant : La Ménagerie de Xénophon. Les Règles de mariage de Plutarque. Lettre de consolation de Plutarque à sa femme. Le tout traduit du grec en français par feu M. Estienne de la Boétie, Conseiller du roi en sa cour de Parlement à Bordeaux. Ensemble quelques vers latins et français, de son invention. Item un Discours sur la mort dudit seigneur de la Boétie, par M. de Montaigne.
24 août 1572 : massacre de la Saint Barthélémy.
Octobre 1572 : début de la quatrième guerre civile.


B / Sur la Raison et les raisons
Au lecteur, 3 (27) : « Ce n'est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain » ; cf la présentation des Essais au roi Henri III en 1580 : « Il ne contient autre chose qu'un Discours de ma vie et de mes actions » (cf note Pléiade page 1328)..
Livre I
iv, 24 (ranger Dieu à raison, à coups de flèches) ;
xiv, 52 (pour toute raison de sa croyance), 55 (avantage de la raison mis en nous pour notre tourment ?) ;
xvi, 70 (c'est raison qu'on fasse grande différence entre les fautes qui viennent de notre faiblesse, et celles qui viennent de notre malice [...] les règles de la raison) ;
xx, 91 (le discours de la raison nous appelle au mépris de la vie)
xxi, 105 (la preuve de la raison, non de l’expérience) ;
xxiii, 111 (la grossière imposture des religions est hors de nos raisons humaines), 112 (la raison humaine est une teinture infuse environ de pareil poids à toutes nos opinions et mœurs), 116 (Ce qui est hors des gonds de coutume, on le croit hors des gonds de raison), 117 (Les premières et universelles raisons [...] rapportant les choses à la vérité et à la raison [...] mettre en trafic la raison même), 118 (ceux-là la raison, ceux-ci la force [...] vraie raison) ;
xxvi, 152 (la vérité et la raison sont communes à un chacun, et ne sont non plus à qui les a dites premièrement qu'à qui les dit après), 153 (pas raison de nourrir un enfant au giron de ses parents), 154 (choix et triage de ses raisons), 155 (que la raison pour guide), 161 (raisons naturelles et palpables) ;
xxvii, 178 (pas à l'aventure sans raison que nous attribuons à simplicité et ignorance la facilité de croire et de se laisser persuader), 179 (ce où notre raison ne peut aller) ;
xxx, 198 (hors les barrières de la raison) ;
xxxi, 202 (Il se faut garder de s'attacher aux opinions vulgaires, et les faut juger par la voie de la raison, non par la voix commune [cf Pascal, " pensée de derrière "]), 205 (nous n’avons d’autre mire de la vérité et de la raison que l’exemple et idée des opinions et usages du pays où nous sommes), 210 (eu égard aux règles de la raison) ;
xxxiv, 220 (au train de la raison) ;
xliv, 271 (nous ordonne d’aller toujours même chemin) ;
li, (peser et connaître la vérité des choses par la force de la raison).

Raison, Livre II
x, 419 (la voie de la raison [...] contourner le jugement des événements, souvent contre raison, à notre avantage)
xi, 428 (ma concupiscence moins débauchée que ma raison) ;
xii, 439 (prévoyant bien, par discours de raison, que ce commencement de maladie déclinerait aisément en un exécrable athéisme), 440 ([Raymond Sebond] entreprend, par raisons humaines et naturelles, établir et vérifier contre les athéistes tous les articles de la religion chrétienne), 440 (les chrétiens se font tort de vouloir appuyer leur créance par des raisons humaines, qui ne se conçoit que par foi et par une inspiration particulière de la grâce divine), 441 (accompagner notre foi de toute la raison qui est en nous), 445 (par la raison de leur jugement), 448 (les chétives armes de leur raison), 449 (que notre raison faut à établir), 452 (l’usage d’une âme raisonnable), 476 (voyons ce que l'humaine raison nous a appris de soi et de l'âme; non de l'âme en général, de la quelle quasi toute la philosophie rend les corps célestes et les premiers corps participants; ni de celle que Thalès attribuait aux choses mêmes qu'on tient inanimées, convié par la considération de l'aimant, mais de celle qui nous appartient, que nous devons mieux connaitre.), 485 (la raison, la science et l’honneur), 488 (l’obéir est le principal office d’une âme raisonnable), 492 (appréhension de la raison), 499 (selon raison), 505 (homme vivant, discourant et raisonnant, jouissant de tous plaisirs et commodités naturelles), 516 (notre raison), 518 (il faudrait lui dire de la part de la raison humaine), 520 (grande apparence de l'humaine raison), 523 (j’appelle raison nos rêveries et nos songes, avec la dispense de la philosophie, qui dit le fol même et le méchant forcené par raison, mais que c'est une raison de particulière forme), 524 (l’apparence de la raison humaine), 531 (vie, raison et liberté), 532 (la vertu ne peut être sans raison), 539 (outil souple, contournable et accommodable à toute figure), 540 (cette belle raison humaine), 540-541 (toute présupposition humaine et toute énonciation a autant d'autorité que l'autre, si la raison n'en fait la différence), 541 (ne recevoir ni approuver rien que par la voie de la raison [...] la vraie raison et essentielle, de qui nous dérobons le nom à fausses enseignes, elle loge dans le sein de Dieu), 542 (voyons ce que l’humaine raison nous a appris de soi et de l’âme), 545 (ce qui est capable de raison), 545 (Ce qui est capable de raison, dit Zénon [de Cittium], est meilleur que ce qui n'en est point capable [...] l’homme, son sens et sa raison),  565 (la raison va toujours, et torte, et boiteuse, et déhanchée, et avec le mensonge comme avec la vérité [...] cette apparence de discours que chacun forge en soi – un instrument de plomb et de cire, allongeable, ployable et accommodable à tous biais et à toutes mesures), 570 (avant que les principes qu'Aristote a introduits, fussent en crédit, d'autres principes contentaient la raison humaine), 571 (j’aimais mieux suivre les effets que la raison), 578 (ce que notre raison nous conseille de plus vraisemblable, c'est généralement à chacun d'obéir aux lois de son pays), 580 (belle raison humaine s'ingérant par tout de maîtriser et commander, brouillant et confondant le visage des choses selon sa vanité et inconstance), 581 (un pot à deux anses), 583 (gens ici qui pèsent tout et le ramènent à la raison), 591 (ratio, Lucrèce, De rerum natura, IV, 499-510), 592 (raison déraisonnable, folle et forcenée), 596 (notre raison et notre âme), 601 (aucune raison ne s’établira sans une autre raison [...] raison déçue, ne pouvant rien appréhender de subsistant et permanent) ;
xvii, 654 (un glaive double et dangereux) ;
xix, 668 ( il s'en voit plusieurs que la passion pousse hors les bornes de la raison) ;
xxx, 713 (raison universelle et naturelle) ;
xxxiii, 733 (c'est beaucoup de pouvoir brider nos appétits par le discours de la raison) ;
xxxvii, 783 (que trois témoins et trois docteurs régentent l'humain genre, ce n'est pas là raison)

Raison, Livre III
i, 794 (esclave, je ne le dois être que de la raison) ;
ii, 806 (vices condamnés par la raison et la nature chacun selon sa mesure), 815 (ma raison est celle même que j’avais en l’âge plus licencieux) ; 816 (renforcement de notre raison) ;
v, 845 (Dieu veuille que cet excès de ma licence attire nos hommes jusques à la liberté [...] qu'aux dépens de mon immodération je les attire jusqu'au point de la raison) ;
viii, 933,  934 (ma raison a des impulsions et agitations journalières et casuelles:), 935 (Ce que j'adore moi-même aux Rois, c'est la foule de leurs adorateurs. Toute inclination et soumission leur est due, sauf celle de l'entendement. Ma raison n'est pas duite [habituée] à se courber et fléchir, ce sont mes genoux) ;
ix, 946 (ce serait contre raison de poursuivre les menus inconvénients, quand les grands nous infestent), 947 (suivant le précepte de Xénophon [Cyropédie, I, vi, 3], si non suivant sa raison), 967 (offices apparents de la raison publique), 985 (chaque usage a sa raison), 990 (Diogène [de Sinope]  disait opposer aux perturbations [la passion] la raison, à fortune la confidence [la hardiesse], aux lois nature [ d'après Diogène Laërce, abrégé ci-dessous en DL, VI, § 38), 996 (raison trouble-fête), 991 (ce serait sans raison si je me plaignais qu'il [le monde] fut dégoûté de moi plus que je le suis de lui) ;
xi, 1026 (1072) (Je rêvassais présentement, comme je fais souvent, sur ce combien l'humaine raison est un instrument libre et vague. Je vois ordinairement que les hommes, aux faits qu'on leur propose, s'amusent plus volontiers à en chercher la raison qu'à en chercher la vérité : Ils passent par dessus les
Exemplaire de Bordeaux, 1588, f° 462 r°.
présuppositions, mais ils examinent curieusement les conséquences. Ils laissent là les choses, et s'amusent à traiter les causes), 1031 (1077) (Qui établit son discours par braverie et commandement, montre que la raison y est faible) ;
xii, 1045 (avertir à coups de fouet les mauvais disciples quand la raison n’y peut assez, comme par le feu et violence des coins nous ramenons un bois tordu à sa droiture), 1049 (cette raison qui se manie à notre poste) ;
xiii, 1065 (quand la raison nous faut [fait défaut], nous y employons l’expérience [...] La raison a tant de formes, que nous ne savons à laquelle nous prendre ; l'expérience n'en a pas moins).


C / Sur Autrui :

Livre I
v, 27 (je me fie aisément à la foi d'autrui] ;
viii, 33 (il se donne cent fois plus d'affaire à soi-même, qu'il n'en prenait pour autrui) ;
ix, 35 (allanguissant mon esprit et mon jugement sur les traces d'autrui) ;
xiv, 59 (pour l'intérêt d'autrui supporta le travail de l'enfantement de deux jumeaux), 61 (garantir la religion d'autrui), 66 (fiance de la bonté d’autrui), 67 (persuadé à autrui) ;
xvii, 72 (communication d’autrui) ;
xix, 80 (jugement de la vie d’autrui) ;
xxi, 97 (la vue des angoisses d'autrui m'angoisse matériellement) ;
xxii, 107 (il ne se fait aucun profit qu'au dommage d'autrui [...] que chacun se sonde au dedans, il trouvera que nos souhaits intérieurs pour la plus part naissent et se nourrissent aux dépens d'autrui) ;
xxv, 138 (savants du savoir d'autrui) ;
xxvi, 147 (reprendre en autrui mes propres fautes), 148 (trop mal instruit pour instruire autrui), 151 (l'appétit des fantaisies d'autrui), 152 (pièces empruntées d’autrui), 154 (prendre connaissance d’autrui), 164 (gâter ses mœurs généreuses par l'incivilité et barbarie  d'autrui) ;
xxx, 198 (incapable de secourir autrui) ;
xxxvii, 229 (Je n’ai point cette erreur commune de juger d’un autre selon que je suis. J’en croie aisément des choses diverses à moi)
xxxix, 242 (assez vécu pour autrui), 247 (approbation d’autrui) ;
xlii, 260 (riche du sien ou de l’autrui), 263 (régler autrui) ;
liii, 309 (le temps que nous mettons à contrôler autrui;
lvi, 321 (ignorance remise en autrui) ;

Autrui, livre II
i, 337 (se trouve autant de différence de nous à nous-mêmes que de nous à autrui [Sénèque le Jeune : " Magna rem puta unum hominem agire ", Lettres à Lucilius, CXXI]) ;
iii, 351 (la vie dépend de la volonté d’autrui), 352 (Dieu nous a envoyés ici pour sa gloire et service d'autrui), 356 (faire l’affaire d’autrui que de conserver sa vie pour la remettre entre les mains de ceux qui la viendraient chercher) ;
vi, 377 (ce n’est pas ici ma doctrine, c’est mon étude ; et n’est pas la leçon d’autrui, c’est la mienne) ;
x, 419 (peut être advenu qu'il ait estimé d'autrui selon soi. [...] exempte de vanité parlant de soi, et d'affection et d'envie parlant d’autrui) ;
x, 407 (C'est ici purement l'essai de mes facultés naturelles, et nullement des acquises; et qui me surprendra d'ignorance, il ne fera rien contre moi, car à peine répondrai-je à autrui de mes discours, qui ne m'en réponds point à moi; ni n'en suis satisfait. )
xi, 430 (je me compassionne fort tendrement des afflictions d’autrui) ;
xii, 448 (on couche volontiers le sens des écrits d'autrui à la faveur des opinions qu'on a préjugées en soi), 456 (la dépouille d'autrui), 461 (la plupart des personnes libres abandonnent pour bien légères commodités leur vie et leur être à la puissance d'autrui), 464 (discours à instruire autrui), 491 (n'ayant autre règle de ma santé que celle des exemples d'autrui), 507 (vérité ne se juge point par autorité et témoignage d’autrui), 569 (le choix d’autrui), 585 (conservation de la liberté d’autrui), 587 (non par la contrainte d’autrui) ;
xiii, 605 (de juger de la mort d’autrui) ;
xvi, 619 (approbation d’autrui), 622 (contrôler autrui), 626 (avoir sa vie et sa durée en la garde d'autrui) ;
xvii, 633 (n’estimer pas assez autrui), 635 (ouvrages d’autrui), 643 (inutile au service d’autrui), 647 (volonté d’autrui), 649 (il peut se mêler quelque pointe de fierté et d’opiniâtreté à se tenir ainsi entier et découvert sans considération d’autrui), 651 (chose que je ne reconnais plus être d'autrui), 656 (simple discours naturel en autrui), 658 (n’estimer point assez autrui) ;
xviii, 664 (je juge volontiers des actions d’autrui), 666 (ce qui se persuade à autrui) ;
xxxvii, 785 (discordance de mes jugements à ceux d’autrui) ;


Autrui, livre III
ii, 807 (je restreins bien selon autrui mes actions), 814 (je me sers rarement des avis d’autrui) ;
iii, 820 (ni de nos propres affaires ni de ceux d'autrui), 826 (n'a que faire d'y embesogner autrui à tout des apprêts si curieux), 827 (fortuits et dépendants d'autrui);
iv, 838 (émouvoir quelque passion en autrui) ;
v, 845 (Ceux qui le cèlent à autrui, le cèlent ordinairement à eux-mêmes), 850 (mariage conduit plutôt par le sens d'autrui que par le sien), 876 (j'accepte plus envis [à contrecœur] les arguments battus, de peur que je les traite aux dépens d'autrui), 891 (l'amour, chose si émue et violente, qui nous esclave à autrui et nous rende contemptibles à nous) ;
vi, 904 (entremise d’autrui) ;
viii, 930 (C'est office de charité que qui ne peut ôter un vice en soi cherche à l'ôter ce néanmoins en autrui), 939 (on faut autant à juger de sa propre besogne que de celle d'autrui) ;
ix, 954 (serf de mes négoces ? ou encore pis de ceux d'autrui), 955 (Qui que ce soit, ou art ou nature, qui nous imprime cette condition de vivre par la relation à autrui, nous fait beaucoup plus de mal que de bien) ; 965, 966 (Comme les choses sont, je vis plus qu'à demi de la faveur d'autrui, qui est une rude obligation), 967 (le donner à la science d'autrui c'est le préordonner à soi), 969 (jamais vu de moins chargeant sur autrui [...] j'ai pris à haine mortelle d'être tenu ni à autre ni par autre que moi), 972 (1017) (les maux d'autrui ne nous doivent pas poindre comme les nôtres), 977, 979, 986, 991 (Celui qui va en la presse, il faut qu'il gauchisse, qu'il serre ses coudes, qu'il recule ou qu'il avance, voire qu'il quitte le droit chemin, selon ce qu'il rencontre ; qu'il vive non tant selon soi que selon autrui, non selon ce qu'il se propose mais selon ce qu'on lui propose, selon le temps, selon les hommes, selon les affaires) ;
x, 1003 (Il se faut prêter à autrui et ne se donner qu'à soi-même), 1006 (ce que je loue en autrui), 1007 (Qui ne vit aucunement à autrui, ne vit guère à soi. [...] J'ai pu me mêler des charges publiques [maire de Bordeaux] sans me départir de moi de la largeur d'une ongle, et me donner à autrui sans m’ôter à moi), 1017 (Les faveurs mêmes que la fortune pouvait m'avoir donné, parentés et accointances envers ceux qui ont souveraine autorité en ces choses là [les procès], j'ai beaucoup fait selon ma conscience de fuir instamment de les employer au préjudice d'autrui et à ne monter par dessus leur droite valeur mes droits.)
xi ;
xii, 1038 (nous servir plus de l’autrui que du nôtre), 1045 (injure d’autrui), 1048 (la peine d’autrui), 1055 (enhortements [conseils] d’autrui) ;
xiii, 1065-66 (notre esprit ne trouve pas le champ moins spacieux à contrôler le contrôler le sens d’autrui qu'à représenter le sien), 1076 (mirer ma vie dans celle d’autrui), 1074, 1077 (m'excuse volontiers de ne savoir faire chose qui m'esclave à autrui)


D / Sur son évolution fort probable vers l'athéisme :
1. Dès le chapitre xx du livre I, il glisse, après Épicure, Lucrèce et Cicéron, cette insinuation de la mortalité de "l'âme" : " vif, vous êtes ; mort, vous n'êtes plus ". La mort ne fait donc, pour Montaigne, pas partie de l'existence humaine proprement personnelle.

2. D'autre part, à la toute fin des Essais, il recommande non son âme, mais sa vieillesse, non au Dieu chrétien, mais à Apollon. 
Pascal parlera des " sentiments tout païens sur la mort " de Montaigne (Pensées, L. 680) ; on a vu plus haut la critique dogmatique et obscurantiste que faisait Malebranche du " livre de Montagne ".

Denis Bertrand (né en 1949) : " Jusqu'aux toutes dernières lignes de l'essai [III, xiii], et des Essais, la figure de Dieu fait encore de multiples apparitions. Mais le divin réapparaît sous des formes si diverses et si peu chrétiennes qu'il ne peut plus en aucun cas être compris comme source unique de toute vie. " (De l'expérience - Lecture accompagnée, Paris : Gallimard, 2002). Cf l'article de Georges Tronquart " Variation sur la dernière citation des Essais ", Bulletin de la Société des Amis de Montaigne, série IV, 1969, n° 17, pages 29-31.

Marcel Conche, qui ne relève que le premier des deux motifs : « Je n'affirmerais pas que Montaigne était totalement athée, mais qu'il philosophait en pur païen, comme si la religion chrétienne n'existait pas. Dans les Essais, il ne se réfère presque jamais à Jésus-Christ. » (Épicure en Corrèze, 11, Paris : Stock, 2014).

Sur Jésus-Christ [ou Sauveur ], toutes les occurrences, soit six, des seuls deux premiers livres :

I, xi, 41 : " Quant aux oracles, il est certain que bonne pièce avant la venue de Jésus-Christ, ils avaient commencé à perdre leur crédit " ;
xx, 85 : " Il est plein de raison et de piété de prendre exemple de l'humanité même de Jésus-Christ " [exit sa divinité] ;
lxvi, 277 : " Un jeune homme débauché, logé en cet endroit, ayant recouvré une garce et lui ayant d'arrivée demandé son nom, qui était Marie, se sentit si vivement épris de religion et de respect, de ce nom sacrosaint de la Vierge mère de notre Sauveur, que non seulement il la chassa soudain, mais en amenda tout le reste de sa vie " ;
II, iii, 360 : " Je désire, dit saint Paul, être dissout pour être avec Jésus-Christ " [Épitre aux Philippiens, I, xxiii] ;
xii, 445 : " Je veux être dissout, dirions-nous, et être avec Jésus-Christ " ;
xix, 669 : " Maris, évêque du lieu [la ville de Chalcédoine, Turquie actuelle], osa bien l'appeler [Julien l'Apostat] méchant traître à Christ, et qu'il n'en fit autre chose, sauf lui répondre : Va, misérable, pleure la perte de tes yeux. À quoi l'évêque encore répliqua : Je rends grâce à Jésus-Christ de m'avoir ôté la vue, pour ne voir ton visage impudent.

Sur l'islam,
« Le grand Seigneur [le Grand Turc, Soliman le magnifique, 1494-1566] ne permet aujourd'hui ni à Chrétien ni à Juif d'avoir cheval à soi, à ceux qui sont sous son empire. » (I, xlviii, 289) 
« Les Mahométans en défendent l'instruction [de la rhétorique] à leurs enfants, pour son inutilité. » (I, li, 305)
Les Juifs, les Mahométans, et quasi tous autres, ont épousé et révèrent le langage auquel originellement leurs mystères avaient été conçus; et en est défendue l'altération et changement: non sans apparence. (I, lvi, 321)
« Comparez nos mœurs à un Mahométan, à un Païen; vous demeurez toujours au dessous : là où, au regard de l'avantage de notre religion, nous devrions luire en excellence, d'une extrême et incomparable distance ; et devrait-on dire. » (II, xii, 442)
« Mahomet, qui, comme j'ai entendu, interdit la science à ses hommes » (II, xii, 497)
« [...] quand Mahomet promet aux siens un paradis tapissé, paré d'or et de pierreries, peuplé de garces d'excellente beauté, de vins et de vivres singuliers, je vois bien que ce sont des moqueurs qui se plient à notre bêtise pour nous emmiéler et attirer par ces opinons et espérances, convenables à notre mortel appétit. » (II, xii, 518) 
« À quel usage les déchirements et démembrements des Corybantes, des Ménades, et, en nos temps, des Mahométans qui se balafrent les visages, l'estomac, les membres, pour gratifier leur prophète, vu que l'offense consiste en la volonté, non en la poitrine, aux yeux, aux génitoires, en l'embonpoint, aux épaules et au gosier. (II, xii, 522)
« En la religion de Mahomet, il se trouve, par la croyance de ce peuple, assez de Merlins : assavoir enfants sans père, spirituels, nés divinement au ventre des pucelles; et portent un nom qui le signifie en leur langue. » (II, xii, 532)
« Je ne m'étonne plus de ceux que les singeries d'Apollonius [de Tyane] et de Mahomet embufflarent. Leur sens et entendement est entièrement étouffé en leur passion. » (III, x, 1013).
Gilles Ménage, Dictionnaire étymologique..., 1750 [1694].

E / Sur l'amour grec (lien)


F / Fréquences absolues de termes significatifs

3 848 Nous
3 692 Je
2961 Si
1 935 Ils
1266 Tout
893 Faire
737 Homme
625 Vie
591 Choses
567 Âme(s)
541 Temps
532 Mort(s)
500 Hommes
474 Raison (Rayson)
447 Dire
387 Monde(s)
377 Nature
371 Force(s)
350 Fortune
340 Femmes(s)
340 Usage; usance(s)
334 Dieu
320 Roy(s), rois
314 Jamais
303 Action(s)
302 Opinion(s)
295 Exemple(s)
291 Science(s)

289 Vertu(s)
266 Forme(s)
264 Vérité(s)
260 Jugement(s)
257 Condition(s)
251 Esprit(s)
244 Guerre(s)
239 Plaisir(s)
237 Chacun
236 Cause(s)
200 Autrui (autruy)
199 Esprit
196 Ami(s) (Amy)
194 Platon
192 Visage(s)
172 Livre(s)
172 Parol(l)e(s)
163 Liberté(s)
162 Maladie(s)
156 Sage(s)
151 Santé
147 Imagination(s)
144 Humeur(s)
142 Prince(s)
136 Office(s)
134 Public, publique
133 Beauté
133 Vivre
128 Ancien(s)
128 Philosophe(s)
127 Meurs, Mœurs
126 Conscience(s)
124 Gloire
122 Juger
121 Amour(s)
118 Religion(s)
117 César, Caesar
117 Fanta(i)sie(s)
117 Philosophie
116 Dieux
116 Socrate
115 Coutume(s)
111 Estranger(e)(s)
107 Règle(s)
104 Eau(x)
102 Faiblesse [Foiblesse]
94 Amitié(s)
94 Rebours
92 Aut(h)eur(s)
91 Ignorance
90 Étude(s)
90 Foi (foy)
88 Plutarque
84 Aristote(s)
84 Entendement
79 Croyance (créance)
76 Combat(s)
75 Sagesse(s)
75 Mouvement(s)
75 Vin(s)
72 Croire
70 Libre(s)
69 Prudence

68 Vent(s)
65 Avenir [Advenir]
65 Enfance
65 Honnête(s)
64 Raisons
62 Vanité(s) (vanitez)
61 Mariage(s)
59 Espérance
59 Saison(s)
58
57 Histoire
57 Montaigne (occurrences dans les écrits de Nietzsche)
57 Profit
56 Valeur(s)
55 Caton (l'Ancien, consul)
52 Esprits
50 Savant(s)
49 Intelligence
48 Folie(s)
47 Institution(s)
47 Lumière 46 Diversité
43 Exécution(s)
43 Licence(s)
40 Jouir (jouyr)
39 Violence(s)
38 Subtilité(s)
37 Doute, douter
37 Mutation(s)
36 Chrétien(ne)(s)

36 Penser
35 Chasse
35 Conduite
35 Interprétation(s)
34 Bêtise(s)
34 Branle
33 Vénus
30 Haine
29 Mensonge(s)
29 Pline
28 Inepte(s)
27 Entremise(s)
27 Guide
27 Rêverie(s)
25 Informe(s)
25 Pape(s)
25 Registre(s)
24 Masque
23 Diogène [de Sinope]
23 Pythagore
22 Robe(s)
21 Apprentissage(s)
21 Mentir
21 Nu(s) [nud(s)]
20 Historien(s)
19 Beautés
19 Montagnes (montaignes)
19 Piper
19
18 Bonheur [ou bon-heur]

18 Opiniâtre, opiniâtreté
18 Présomption(s)
17 Conjecture(s)
16 Aristippe [de Cyrène]
16 Gaillard(e)(s)
16 Garse(s), garce(s)
16 Vierge(s)
15 Contradiction(s)
14 Conférence(s) [conference(s)]
13 " Honnête homme "
13 Lecteur(s)
12 Saint Augustin
12 Essais
12 Imposture(s)
11 Carnéade(s)
11 Jargon
11 Montaigne
10 Allure(s) [alleure(s)]
10 Architecte(s)
10 Paillardise
9 Atomes
9 Contre nature
9 Gentilhomme
9 Hérodote
9 Ineptie [= inaptitude]
9 Lopin(s)
9 Logique

9 Moi
9 Périclès [Pericles]
9 Pyrrho [Pyrrhon]
9 Salubre(s)
8 Cicéron
8 Dion
8 Inhumain(e)(s)
8 Inquisition(s)
8 Jupiter
7 Adolescence
7 Bacchus
7 Cadence(s)
7 Choux (choulx, chous)
7 Emprunt(s)
7 Gascon
7 Inhumanité
7 Lucrèce [Lucrece]
7 Lycurgus
7 Patrie 6 Académie(s)
6 Arcésilas (Arcesilaus)
6 Athéisme (s), athéiste(s)
6 Caquet(s)
6 Charité
6 Commentaire(s)
6 Difformité
6 [Estienne de] La Boétie [1530-1563]
6 Fard
6 Inquisition
6 Item
6 Jésus-Christ (ou Sauveur)
5 Caquet

5 Gaillardise
5 Jambon
5 Juif(s)
5 Ovide
5 Putain
5 Révolution
5 Université
4 Bible
4 Chevet
4 Cousinage
4 Disconvenance
4 Heraclides Ponticus
4 Oubliance
4 Parlerie
4 Polémon
4 Raison publique
4 Rois
4 Rouet [Mettre au rouet = pousser à bout]
4 Virgile
3 Affadir
3 Amiot, Jacques
3 Cannibales
3 Catholique(s)
3 Contournable
3 Gloser
3 Heliogabalus (Héliogabale)
3 Hésiode (Hesiodus)
3 Ondoyant
3 Pa(c)quet
3 Pudeur
3 Recordation
3 Sextus Pompeius
3 Soldatesque (dont une rature)
2 : (Quasi hapax) censure(s), Chine, Clinias, compatriote, cornardise, Diagoras [de Mélos], disconvenable(s), élévations, entrelass[e]ure(s), eschauguette, Gueux, imprémédité(s), Jacques Peletier, Lipsius [Juste Lipse], Luther, magistral, mécréance (mescreance], [Marc Antoine] Muret, naturaliste(s), nihilité, nourrissement, oblique, obliquement, pédantisme, socratique, soldatesque, tendron(s), transplanter, truquement [Truchement]

1 Hapax (ἅπαξ λεγόμενον) : allongeail, Anacréon, arrièreboutique, artialisent, branloire, brède, caveau, chatte, Chrysostome, classes moyennes, compassionne, consubstantiel, contrefinesse, contre-poil, Copernicus, criaillerie, culilingis, descroire [décroire], dénéantise, démoneries, discordamment, discrépance [discordance], entregloser, Eros, escrivailleurs, exile [mince], fantastiquer, farcesques, fraternité, fricassée, gardoires, harde, humanistes, infrasquer [embrouiller], inobedient, judicatoire, Laertius, limer, masturbation, méthode, nazarde, oreiller, passif, pénultime, pérégrin, philodoxes, Rabelays [Rabelais], rejance [régence], somelerie [sommellerie], théologalement.


G / INDEX AMOUREUX ET PHILOSOPHIQUE

Abstinence de faire est souvent aussi généreuse que le faire, mais elle est moins au jour III, x, 1023 

Accoutumance est une seconde nature, et non moins puissante (cf Aristote, Éthique à Nicomaque, VII,  1152a  : " L'habitude est difficile à changer car elle ressemble à la nature ") III, x, 1010 (1055)

Action (le tuer) plus de crainte que de braverie, de précaution que de courage, de défense que d'entreprise II, xxvii, 694-695 

À demain les affaires II, iv, 363 

À Dieu donc, de Montaigne, ce premier de mars mille cinq cens quatre vingts I, Au lecteur, 3

Admiration (étonnement) est fondement de toute philosophie, l’inquisition [recherche, zététique] le progrès, l’ignorance le bout III, xi, 1030 

Affadi après la liberté III, xiii, 1072 

Affection des pères aux enfants II, viii, 385 

Affirmation et opiniâtreté sont signes exprès de bêtise III, xiii, 1075 

Âge de choix et de connaissance III, xiii, 1087 

Air plus amoureux que l'amour même III, v, 849

Allons béant après les choses à venir et inconnues I, liii, 309 [Ce qui donne « Toujours "béants après l’avenir", comme dit Montaigne » dans : André Comte-Sponville, L’Esprit de l’athéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu, I, Paris : Albin Michel, 2007.]

À Madame de Duras Madame, vous me trouvâtes sur ce pas dernièrement que vous me vîntes voir. Par ce qu'il pourra être que ces inepties se rencontreront quelque fois entre vos mains, je veux aussi qu'elles portent témoignage que l'auteur se sent bien fort honoré de la faveur que vous leur ferez. Vous y reconnaîtrez ce même port et ce même air que vous avez vu en sa conversation. Quand j'eusse peu prendre quelque autre façon que la mienne ordinaire et quelque autre forme plus honorable et meilleure, je ne l'eusse pas fait; car je ne veux tirer de ces écrits sinon qu'ils me représentent à votre mémoire au naturel. Ces mêmes conditions et facultés, que vous avez pratiquées et recueillies, Madame, avec beaucoup plus d'honneur et de courtoisie qu'elles ne méritent, je les veux loger (mais sans altération et changement) en un corps solide qui puisse durer quelques années ou quelques jours après moi, où vous les retrouverez, quand il vous plaira vous en rafraîchir la mémoire, sans prendre autrement la peine de vous en souvenir: aussi ne le valent elles pas. Je désire que vous continuez en moi la faveur de votre amitié, par ces mêmes qualités par le moyen desquelles elle a été produite II, xxxvii, 783

Amas de fleurs étrangères [les citations] III, xii, 1055 

Âme bien née et exercée à la pratique des hommes III, ii, 824 

Âmes communes et populaires ne voient pas la grâce et le poids d'un discours hautain et délié II, xvii, 657

L'âme qui loge la philosophie, doit par sa santé rendre sain encore le corps [Cf Juvénal, Satires, X, 356, mens sana in corpore sano] I, xxvi, 161 

Âmes vénérables, élevées par ardeur de dévotion et religion à une constante et consciencieuse méditation des choses divines, lesquelles, préoccupant par l'effort d'une vive et véhémente espérance l'usage de la nourriture éternelle, but final et dernier arrêt des Chrétiens désirs, seul plaisir constant, incorruptible III, xiii, 1114

(L') Amour d'un muletier se rend souvent plus acceptable que celle d'un galant homme II, xii, 491

(L’) Amour ne me semble proprement et naturellement en sa saison qu’en l’âge voisin de l’enfance III, v, 895

Amour n’est autre chose III, v, 877
l'amour n'est autre chose que la soif de cette jouissance en un sujet désiré, ni Venus autre chose que le plaisir à décharger ses vases, qui devient vicieux ou par immodération ou indiscrétion. Pour Socrate l'amour est appétit de génération par l'entremise de la beauté. Et, considérant maintes fois la ridicule titillation de ce plaisir, les absurdes mouvements écervelés et étourdis de quoi il agite Zénon et Cratippe, cette rage indiscrète, ce visage enflammé de fureur et de cruauté au plus doux effet de l'amour, et puis cette morgue grave, sévère et extatique en une action si folle, et qu'on ait logé pêle-mêle nos délices et nos ordures ensemble, et que la suprême volupté aie du transi et du plaintif comme la douleur, je crois qu'il est vrai ce que dit Platon que l'homme est le jouet des Dieux
quaenam ista jocandi
Saevitia! [Claudien, Contre Europe, I, 25-26 : " Cruelle manière de se jouer "]
et que c'est par moquerie que nature nous a laissé la plus trouble de nos actions, la plus commune, pour nous égaler par là, et apparier les fols et les sages, et nous et les bêtes. 
Animal glouton et avide [Platon, Timée, 91b] III, v, 859

Antre de Platon en sa République [allégorie de la caverne, livre VII] I, xxiii, 109

Appeler erreur chose à quoi nature même nous achemine I, iii, 15

(l')Appétit me vient en mangeant [cf Jérôme de Hangest, évêque du Mans, De causis, 1515. Rabelais, " L'appétit vient en mangeant ; la soif s'en va en buvant ", Gargantua, V] III, ix, 974

Appétits charnels entretenus I, xxxix, 245 

Apollonius [de Tyane] disait que c'était aux serfs de mentir, et aux libres de dire vérité. C'est la première et fondamentale partie de la vertu. Il la faut aimer pour elle même. [cf Nietzsche, esprits asservis et esprits libres] II, xvii, 647

Après tout, c’est mettre ses conjectures à bien haut prix que d’en faire cuire un homme tout vif III, xi, 1032 [Phrase par laquelle Montaigne condamne la combustion des sorcières et qui s'applique également à la combustion des sodomites]

À quoi faire ces pointes élevées de la philosophie sur lesquelles aucun être humain ne se peut rasseoir, et ces règles qui excèdent notre usage et notre force ? III, ix, 989


Aristippe [de Cyrène, vers -435/-356]

Livre I :
xiv, 55 (la douleur, que Aristippe, Hieronymus et la plupart des sages ont estimé le dernier mal ;
xxvi (xxv), 154 (160) (Si quid Socrates et Aristippus contra morem et consuetudinem fecerint [Cicéron, Des Devoirs, I, xli, 148], 171 (Qu'il emprunte d'Aristippe cette plaisante contrefinesse [cf DL, Vie ..., II, § 70]) ;
xxviii, 185 (quand on le pressait de l'affection qu'il devait à ses enfants pour être sortis de lui, il se mit à cracher, disant que cela en était aussi bien sorti) ;

Livre II :
xi, 425, 428 (établit des opinions si hardies en faveur de la volupté et des richesses, qu'il mit en rumeur toute la philosophie à l'encontre de lui) ;
xii, 581 (robe de femme ; mais Aristippe l'accepta, avec cette réponse que nul accoutrement ne pouvait corrompre un chaste courage [cf DL, II, § 78]), 581 (Diogène [de Sinope] lavait ses choux, et le voyant passer : Si tu savais vivre de choux, tu ne ferais pas la cour à un tyran. À quoi Aristippe : Si tu savais vivre entre les hommes, tu ne laverais pas des choux [cf DL, II, § 68]) ;
xvi, 622 (tranquille non selon Métrodore, ou Arcésilas, ou Aristippe, mais selon moi) ;
xvii, 649 (Aristippe disait le principal fruit qu'il eut tiré de la philosophie, être qu'il parlait librement et ouvertement à chacun) ;
xx, 673 (volupté Cyrénaïque et Aristippique) ;

Livre III :
v, 858 (De quoi Aristippe au sien [en son livre] des anciennes délices ?), 884 (comme dit le conte d'Aristippe parlant à des jeunes gens qui rougissaient de le voir entrer chez une courtisane: Le vice est de n'en pas sortir, non pas d'y entrer [cf DL, II, § 69] ;
ix, 987 (il vaut mieux encore être seul qu'en compagnie ennuyeuse et inepte. Aristippe s'aimait à vivre étranger partout), 989 (Xénophon, au giron de Clinias, écrivit contre la volupté Aristippique) ;
xiii, 1107 (Aristippe ne défendait que le corps, comme si nous n'avions pas d'âme ; Zénon n'embrassait que l'âme, comme si nous n'avions pas de corps. Tous deux vicieusement).


Aristote, monarque de la doctrine moderne I, xxvi, 146

Assez de peu, assez d’un, assez de pas un [Sénèque, Lettres à Lucilius, VII, 11 : Satis sunt mihi pauci, satis est unus, satis est nullus.] I, xxxix (xxxviii) " De la solitude ", 247 (252)

Avertir [Thalès] qu’il serait temps d’amuser son pensement aux choses qui étaient dans les nuées, quand il aurait prévu à celles qui étaient à ses pieds [cf DL, I, § 34] II, xii, 538


Athéisme (s), athéiste(s) [les 6 occurrences]

II, xii, 439 (ce commencement de maladie déclinerait aisément en un exécrable athéisme),
440 (établir et vérifier contre les athéistes tous les articles de la religion Chrétienne),
445 (peu d'hommes si fermes en l'athéisme),
446 (Bion [de Borysthène] infect des athéismes de Théodore [DL, IV, § 54] ; proposition comme dénaturée et monstrueuse),
448 (On couche volontiers le sens des écrits d'autrui à la faveur des opinions qu'on a préjugées en soi : et un athéiste se flatte à ramener tous auteurs à l'athéisme).


Au bout, la nihilité de l’humaine condition II, vi, 380 

Aucune âme excellente n’est exempte de mélange de folie [Aristote, Problèmes, XXX,1, 953a] II, ii, 347 

Aucune constante existence, ni de notre être, ni de celui des objets II, xii, 601

Aucuns nous songent deux âmes II, i, 335 

Au-dedans […] au dehors I, xxiii, 118 

Au Gibelin j’étais Guelphe, au Guelphe Gibelin [Érasme] III, xii, 1044 

Au lieu de se transformer en anges, ils se transforment en bêtes ; Au lieu de se hausser, ils s'abattent III, xiii, 1115 

Au plus élevé trône du monde si ne sommes assis que sur notre cul III, xiii, 1115

Autant peut faire le sot celui qui dit vrai, que celui qui dit faux : car nous sommes sur la manière, non sur la matière du dire III, viii, 928

Autre conseil que la philosophie donne, de maintenir en la mémoire seulement le bonheur passé, et d'en effacer les déplaisirs que nous avons soufferts II, xii, 494

Autres forment l’homme, je le récite III, ii, 804 

Avantages principiesques sont quasi avantages imaginaires I, xlii, 265


Barroco et Baralipton I, xxvi, 161

Beauté de la taille est la seule beauté des hommes I, xvii, 641

Beauté du corps qui n'est plus en eux [les vieillards] III, v, 842

Beauté naïve, active, généreuse, non hommasse mais virile I, xxvi, 162

(Je suis) Bien marri que nous n'ayons une douzaine de Laertius [Diogène Laërce], ou qu'il ne soit ou plus étendu ou plus entendu. Car je ne considère pas moins curieusement la fortune et la vie de ces grands précepteurs du monde, que la diversité de leurs dogmes et fantaisies. [selon Pierre Villey, plus de 130 citations dans les Essais sont faites à partir de Diogène Laërce] II, x, 416

(le) Bien public requiert qu'on trahisse et qu'on mente et qu'on massacre ; résignons cette commission à gens plus obéissants et plus souples III, i, 791

Bonheur de notre vie, qui dépend de la tranquillité et contentement d'un esprit bien né, et de la résolution et assurance d'une âme réglée I, xix, 79


Bon(s) auteur(s) [autheur(s)]

I, xxvi, 146 : Rencontrer de fortune dans les bons auteurs ces mêmes lieux que j'ai entrepris de traiter ;
II, i, 332 :  les bons auteurs mêmes ont tort de s'opiniâtrer à former de nous une constante et solide contexture ;
II, xxxii, 722 : Jean Bodin est un bon auteur de notre temps
III, v, 874 : Quand j'écris, je me passe bien de la compagnie et souvenance des livres, de peur qu'ils n'interrompent ma forme. Aussi que, à la vérité, les bons auteurs m'abattent par trop et rompent le courage


Branle me plait III, ix, 977

Branloire pérenne III, ii, 804

Braverie et constance, moyens tous contraires I, i, 7

Braverie et dédain à battre son ennemi II, xxvii, 694

Brède, efféminé, faiseur d’enfants II, viii, 390

Brièveté des gens d’entendement I, xxvi, 157

(le) But de nôtre carrière, c'est la mort, c'est l'objet nécessaire de notre visée: si elle nous effraye, comme est il possible d'aller un pas en avant, sans fièvre? Le remède du vulgaire c'est de n'y penser pas. Mais de quelle brutale stupidité lui peut venir un si grossier aveuglement ? I, xx, 84


Cache ta vie [Épicure, DL, X, § 119] II, xvi, 619

Caché à soi-même III, v, 845

Capacité de trier le vrai II, xvii, 658

Ce fut lors que les nouveautés de Luther commençaient d'entrer en crédit et ébranler en beaucoup de lieux nôtre ancienne créance. En quoi il avait un très bon avis, prévoyant bien, par discours de raison, que ce commencement de maladie déclinerait aisément en un exécrable athéisme : car le vulgaire, n'ayant pas la faculté de juger des choses par elles-mêmes, se laissant emporter à la fortune et aux apparences, après qu'on lui a mis en main la hardiesse de mépriser et contrôler les opinions qu'il avait eues en extrême révérence, comme sont celles où il va de son salut, et qu'on a mis aucuns articles de sa religion en doute et à la balance, il jette tantôt après aisément en pareille incertitude toutes les autres pièces de sa créance, qui n'avaient pas chez lui plus d'autorité ni de fondement que celles qu'on lui a ébranlées ; et secoue comme un joug tyrannique toutes les impressions qu'il avait reçues par l'autorité des lois ou révérence de l'ancien usage
Nam cupide concultatur nimis ante metutum [Lucrèce, De rerum natura, V, 1139 : On piétine passionnément ce qu'on avait redouté] entreprenant dès lors en avant de ne recevoir rien à quoi il n'ait interposé son décret et prêté particulier consentement II, xii, 439

Ce grand précepte est souvent allégué en Platon [Timée, 72] : Fais ton fait et te connais I, iii, 15 (38)

Celui-là ne connait pas Vénus en sa parfaite douceur qui n'a couché avec la boiteuse [...] le boiteux le fait le mieux III, xi, 1033

Celui qui dit tout, il nous saoule et nous dégoûte ; celui qui craint à s'exprimer nous achemine à en penser plus qu'il n'en y a III, v, 880B

Celui qui en fait son étude, son ouvrage et son métier, qui s'engage à un registre de durée, de toute sa foi II, xviii, 665

Celui qui n'estime pas tant sa femme ou un sien ami que d'en allonger sa vie, et qui s'opiniâtre à mourir, il est trop délicat et trop mou II, xxxv, 750

Ce ne sont mes gestes que j’écris, c’est moi, c’est mon essence. Je tiens qu'il faut être prudent à estimer de soi, et pareillement consciencieux à en témoigner, soit bas, soit haut, indifféremment. Si je me semblais bon et sage ou près de là, je l'entonnerais à pleine teste. De dire moins de soi qu'il n'y en a, c'est sottise, non modestie [Schopenhauer soutiendra le même point de vue.]. Se payer de moins qu'on ne vaut, c'est lâcheté et pusillanimité, selon Aristote. Nulle vertu ne s'aide de la fausseté; et la vérité n'est jamais matière d'erreur. De dire de soi plus qu'il n'en y a, ce n'est pas toujours présomption, c'est encore souvent sottise. Se complaire outre mesure de ce qu'on est, en tomber en amour de soi indiscrète, est, à mon avis, la substance de ce vice. Le suprême remède à le guérir, c'est faire tout le rebours de ce que ceux-ci ordonnent, qui, en défendant le parler de soi, défendent par conséquent encore plus de penser à soi. L'orgueil gît en la pensée. La langue n'y peut avoir qu'une bien légère part II, vi, 379

Ce n'est non plus selon Platon que selon moi, puisque lui et moi l'entendons et voyons de même I, xxvi, 152

Ce qui était inconnu à un siècle, le siècle suivant l’a éclairci II, xii, 560

Ce qui fait qu'on ne doute de guère de choses, c'est que les communes impressions, on ne les essaye jamais ; on n'en sonde point le pied, où gît la faute et la faiblesse; on ne débat que sur les branches ; on ne demande pas si cela est vrai, mais s'il a été ainsi ou ainsi entendu [Cf « Nous devons plutôt juger du fond même des choses qu’attacher grande valeur à savoir ce qu’on a pensé des hommes. » Augustin, Cité de Dieu, XIX, iii, 2.
« Il m’est semblé plus pertinent de suivre la vérité effective des choses que l’idée qu’on s’en est fait. » Machiavel, Le Prince, 15]. II, xii, 539

Ce qu’on hait, on le prend à cœur I, l [50], 304

César jouissant des plaisirs naturels III, xiii, 1108

C'est chose tendre que la vie et aisée à troubler. Depuis que j'ai le visage tourné vers le chagrin (nemo enim resistit sibi cum coeperit impelli [Sénèque, Lettres, XIII]), pour sotte cause qui m'y ait porté, j'irrite l'humeur de ce côté-là, qui se nourrit après et s'exaspère de son propre branle ; attirant et amoncelant une matière sur autre, de quoi se paître. III, ix, 950

C’est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit dès l'entrée Au lecteur, 3

C'est sans doute une belle harmonie quand le faire et le dire vont ensemble, et je ne veux pas nier que le dire, lors que les actions suivent, ne soit de plus d'autorité et efficace [déformé par Alain Juppé en : " l'harmonie c'est quand le dire et le faire vont ensemble "] II, xxxi, 716

C'est toujours plaisir de voir les choses écrites par ceux qui ont essayé comme il les faut conduire II, x, 419 [Cité par Tocqueville dans ses Souvenirs]

Ce têtu indocile pense-t-il pas reprendre un nouvel esprit pour reprendre une nouvelle dispute ? III, xiii, 1075

Cet αριστν μετρον [excellente médiocrité ; DL, I, § 93] du temps passé III, xiii, 1102

Cette canaille de vulgaire s'aguerrit et se gendarme à s'ensanglanter jusques aux coudes et à déchiqueter un corps à ses pieds, n'ayant ressentiment d'autre vaillance II, xxvii, 693-694

Cette nation [l'Italie] se peut dire régente du reste du monde en cela. Ils ont plus communément des belles femmes et moins de laides que nous III, v, 883

Cette seule fin d'une autre vie heureusement immortelle, mérite loyalement que nous abandonnons les commodité et douceurs de cette vie nôtre I, xxxix, 245

Ceux qui donnent le branle à un État sont volontiers les premiers absorbés en sa ruine I, xxiii, 119.

Ceux qui écrivent les vies, d'autant qu'ils s'amusent plus aux conseils qu'aux événements, plus à ce qui part du dedans qu'à ce qui arrive au dehors, ceux là me sont plus propres II, x, 416

Ceux qui ont la matière exile [mince], l'enflent de paroles I, xxvi, 157

Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage I, xxxi, 205

Chacun regarde devant soi ; moi, je regarde dedans moi II, xvii, 657

Chacun sait par expérience qu’il y a des parties qui se branlent, dressent et couchent souvent sans son congé II, vi, 376

Choisir une douzaine d’hommes qui aient dressé leur vie à un certain et assuré train, qui est le principal but de la sagesse II, i, 332

(Les) Choses les plus ignorées sont plus propres à être déifiées II, xii, 516

Choses qui se tiennent par les deux bouts extrêmes I, liv, 311 ; cf Extrêmes qui se tiennent III, xi, 1035

Cicéron, ce me semble, avait accoutumé de rincer le nez, qui signifie un naturel moqueur II, xvii, 633

Cicéron dit que Philosopher ce n'est autre chose que s'apprêter à la mort [Tusculanes, I, xxx, 74 : Tota enim philosophorum vita, ut ait idem, commentatio mortis est, La vie d'un philosophe, dit Socrate (Platon, Phédon, 67D-68B ; Rabelais, Tiers Livre, XXXI), est une méditation continuelle de la mort.]. I, xx (xix), 81 (82). [Après Platon et Cicéron, Montaigne retire donc la question de la mort à la religion pour la confier à la philosophie ; apprendre à se passer de la perspective d'une vie éternelle].

(le) Ciel et les étoiles ont branlé trois mille ans ; tout le monde l'avait ainsi cru, jusques à ce que Cléanthes le Samien [Cléanthes le Stoïcien réfutant Aristarque de Samos, -IVe / -IIIe siècles] ou, selon Théophraste, Hicétas Syracusien [IVe siècle] s'avisa de maintenir que c'était la Terre qui se mouvait par le cercle oblique du Zodiaque tournant à l'entour de son axe ; et, de notre temps, [Nicolas] Copernic a si bien fondé cette doctrine qu'il s'en sert très régulièrement à toutes les conséquences astronomiques II, xii, 570 (604)

Combien de belles actions actions particulières s'ensevelissent dans la foule d'une bataille ? II, xvi, 622 [Cf Corneille,
" Combien d'actions, combien d'exploits célèbres
Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres ! "
Le Cid, I, 4]

Combien diversement jugeons nous des choses ? combien de fois changeons nous nos fantaisies ? Ce que je tiens aujourd'hui et ce que je crois, je le tiens et le crois de toute ma croyance ; tous mes outils et tous mes ressorts empoignent cette opinion et m'en répondent sur tout ce qu'ils peuvent. Je ne saurais embrasser aucune vérité ni conserver avec plus de force que je fais cette ci. J'y suis tout entier, j'y suis voirement [vraiment] ; mais ne m'est il pas advenu, non une fois, mais cent, mais mille, et tous les jours, d'avoir embrassé quelque autre chose à tout ces mêmes instruments, en cette même condition, que depuis j'ai jugée fausse ? II, xii, 563

Comme dit ce vers grec,
[" Le savoir n'est rien que l'esprit n'assiste "; cité par Stobée, SentenciaeSermo, III]
à quoi faire la science, si l'entendement n'y est ? Plût à Dieu que pour le bien de notre justice ces compagnies-là se trouvassent aussi bien fournies d'entendement et de conscience comme elles sont encore de science ! Non vitae sed scholae discimus [Sénèque, Lettres, CV : " Nous apprenons non pour la vie mais pour l'école. "]
I, xxv, 140 (145)

Comme le donner est qualité ambitieuse et de prérogative, aussi est l'accepter qualité de soumission III, ix, 969

Comment pouvait ce Dieu ancien [le démon de Socrate] plus clairement accuser en l'humaine connaissance l'ignorance de l'être divin, et apprendre aux hommes que la religion n'était qu'une pièce de leur invention, propre à lier leur société, qu'en déclarant, comme il fit, à ceux qui en recherchaient l'instruction de son trépied, que le vrai culte à chacun était celui qu'il trouvait observé par l'usage du lieu où il était ? II, xii, 579

Condamnations plus criminelles que le crime III, xiii, 1071

Condition de l'homme merveilleusement corporelle III, viii, 930

Confusion de l'ordre et mesure des péchés II, ii, 340

Considérer et juger le danger est aucunement le rebours de s’en étonner III, vi, 900

Continuelle variation des choses humaines I, xlix, 297

(Les) Contradictions donc des jugements ne m'offensent ni m'altèrent; elles m'éveillent seulement et m'exercent. Nous fuyons à la correction; il s'y faudrait présenter et produire, notamment quand elle vient par forme de conférence, non de régence. A chaque opposition, on ne regarde pas si elle est juste, mais, à tort ou à droit, comment on s'en deffera. Au lieu d'y tendre les bras, nous y tendons les griffes. Je souffrirais être rudement heurté par mes amis: Tu es un sot, tu rêves. J'aime, entre les galants hommes, qu'on s'exprime courageusement, que les mots aillent où va la pensée. Il nous faut fortifier l'ouïe et la durcir contre cette tendreur du son cérémonieux des paroles. J'aime une société et familiarité forte et virile, une amitié qui se flatte en l'âpreté et vigueur de son commerce, comme l'amour, és morsures et égratignures sanglantes. Elle n'est pas assez vigoureuse et généreuse, si elle n'est querelleuse, si elle est civilisée et artiste, si elle craint le heurt et a ses allures contraintes. Neque enim disputari sine reprehensione potest. Quand on me contrarie, on éveille mon attention, non pas ma colère ; je m'avance vers celui qui me contredit, qui m'instruit. La cause de la vérité devrait être la cause commune à l'un et à l'autre. Que répondra-il ? la passion du courroux lui a déjà frappé le jugement. Le trouble s'en est saisi avant la raison. Il serait utile qu'on passât par gageure la décision de nos disputes, qu'il y eut une marque matérielle de nos pertes, afin  que nous en tinssions état, et que mon valet me peut dire: Il vous coûta, l'année passée, cent écus, à vingt fois, d'avoir été ignorant et opiniâtre. Je festoie et caresse la vérité en quelque main que je la trouve, et m'y rends allègrement, et lui tends mes armes vaincues, de loin que je la vois approcher. Et, pourvu qu'on n'y procède d'une trogne trop impérieuse et magistrale, je prête l'épaule aux répréhensions que l'on fait en mes écrits; et les ai souvent changés plus par raison de civilité que par raison d'amendement : aimant à gratifier et nourrir la liberté de m'avertir par la facilité de céder ; oui, à mes dépens. Toutefois il est certes malaisé d'y attirer les hommes de mon temps: ils n'ont pas le courage de corriger, par ce qu'ils n'ont pas le courage de souffrir à l'être, et parlent toujours avec dissimulation en présence les uns des autres. Je prends si grand plaisir d'être jugé et connu, qu'il m'est comme indifférent en quelle des deux formes je le sois. III, viii, 924 

Contre nature (concept accepté) II, ii iii ; xii, 516 ; xxx ; III, ii xiii

Contre nature (concept critiqué) I, xxiii xxvii ; II, xii, 526 ; xxx

Convention [le mariage] à laquelle se rapporte bien à point ce qu'on dit, homo homini ou Deus ou lupus [cf Plaute, Asinaria, vers 495 : Lupus est homo homini, non homo, quom, qualis sit, non gnovit, L’homme qu’on ne connaît pas n’est pas un homme, c’est un loup (traduction E. Sommer) ;  Érasme, Adages, I, i, 69-70 : Homo homini Deus/Homo homini lupus ; Rabelais, Tiers livre, III : " Les hommes seront loups es hommes "; repris partiellement par Francis Bacon puis par Agrippa d'Aubigné (" L'homme est en proie à l'homme, un loup à son pareil ", Tragiques, I, 1616) ; enfin par Thomas Hobbes]. Il faut la rencontre de beaucoup de qualités à le bâtir III, v, 852

Corruptions plus dommageables et dénaturées que n'est la lascivité III, v, 861

Couler en eau trouble sans y vouloir pêcher III, i, 794

La coutume a fait le parler de soi vicieux, et le prohibe obstinément en haine de la vantardise qui semble toujours être attachée aux propres témoignages II, vi, 378

Crainte et défiance attirent l'offense et la convient I, xxiv, 129

Crème de la philosophie II, x, 413

Cul entre deux selles I, liv, 313 [Cf Rabelais, Cinquième livre, XLIV, " lui commanda s'asseoir entre deux selles " ; on dit aujourd'hui "cul entre deux chaises" ; les Allemands disent ; " cul entre toutes les chaises "]

(Les) Cupidités sont ou naturelles et nécessaires, comme le boire et le manger; ou naturelles et non nécessaires, comme l'accointance des femelles; ou elles ne sont ni naturelles ni nécessaires : de cette dernière sorte sont quasi toutes celles des hommes; elles sont toutes superflues et artificielles. Car c'est merveille combien peu il faut à nature pour se contenter, combien peu elle nous a laissé à désirer. Les apprêts à nos cuisines ne touchent pas son ordonnance. Les Stoïciens disent qu'un homme aurait de quoi se substanter d'une olive par jour. La délicatesse de nos vins n'est pas de sa leçon, ni la recharge que nous adoustons aux appétits amoureux,
neque illa
Magno prognatum deposcit consule cunnum [Horace, Satires, I, ii, 69-70 : " Elle n'a pas besoin du con de la fille d'un grand consul "]
 [cf Épicure, in DL, Lettre à Ménécée, X, § 127 : « Parmi les désirs, certains sont naturels, d'autres vides [comme celui d'être immortel], et parmi les désirs naturels, certains sont nécessaires, d'autres seulement naturels ; et parmi les désirs nécessaires, certains sont nécessaires au bonheur, d'autres à l'absence de perturbations du corps, d'autres à la vie même ("Ἀναλογιστέον δὲ ὡς τῶν ἐπιθυμιῶν αἱ μέν εἰσι φυσικαί, αἱ δὲ κεναί. καὶ τῶν φυσικῶν αἱ μὲν ἀναγκαῖαι, αἱ δὲ φυσικαὶ μόνον: τῶν δ᾽ ἀναγκαίων αἱ μὲν πρὸς εὐδαιμονίαν εἰσὶν ἀναγκαῖαι, αἱ δὲ πρὸς τὴν τοῦ σώματος ἀοχλησίαν, αἱ δὲ πρὸς αὐτὸ τὸ ζῆν.") ». Cicéron, Tusculanes, V, xxxiii :
« Épicure distingue les désirs en trois classes, peut-être avec peu de profondeur, cependant d'une manière utile. Les uns, naturels et nécessaires ; les autres, encore naturels, mais non plus nécessaires ; d'autres enfin qui ne sont ni naturels ni nécessaires. »] II, xii, 471-472 (495)


Dames si circonspectes à nous refuser l'entrée de leurs cabinets, avant qu'elles soient peintes et parées pour la montre publique II, xii, 485

D'autant es-tu Dieu comme Tu te reconnais homme III, xiii, 1115
 
Débat de l’interprétation des lois II, xii, 527

Démétrius [général macédonien puis roi d’Asie] disait plaisamment de la voix du peuple, qu'il ne faisait non plus de recette de celle qui lui sortait par en haut, que de celle qui lui sortait par en bas [pets] . Celui-là dit encore plus :
Ego hoc judico, siquando turpe non sit, tamen non esse non turpe, quum id a multitudine laudetur [" Moi j'estime qu'une chose, lors même qu'elle ne serait pas honteuse, semble l'être quand elle est louée par la foule. ", Cicéron, Sur les vrais biens, II, xv (De finibus ...)] II, xvi, 624

Démocrite et Héraclite ont été deux philosophes, desquels le premier, trouvant vaine et ridicule l'humaine condition, ne sortait en public qu'avec un visage moqueur et riant ; Héraclite, ayant pitié et compassion de cette même condition notre, en portait le visage continuellement attristé, et les yeux chargés de larmes, I, l, 303

Depuis d'un long trait de temps je suis envieilli, mais assagi je ne le suis certes pas d'un pouce. Moi à cette heure et moi tantôt sommes bien deux ; mais quand meilleur, je n'en puis rien dire. Il ferait beau être vieil si nous ne marchions que vers l'amendement. C'est un mouvement d'ivrogne titubant, vertigineux, informe, ou des joncs que l'air manie casuellement selon soi. III, ix, 964

Désir de connaissance naturel [« Tous les êtres humains désirent naturellement la connaissance. » Aristote, Métaphysique [Après la physique] , I, i, 980b]

Diagoras [de Mélos] qui fut surnommé l'Athée, étant en la Samothrace, à celui qui en lui montrant au temple force vœux et tableaux de ceux qui avaient échappé le naufrage, lui dit : Eh bien, vous qui pensez que les dieux mettent à nonchaloir les choses humaines, que dites-vous de tant d'hommes sauvez par leur grâce ? Il se fait ainsi, répondit-il : ceux-là ne sont pas peints qui sont demeurez noyés, en bien plus grand nombre [Cicéron, De natura deorum, I, xxiii] I, xi, 44

Diagoras et Théodore [de Cyrène] niaient tout sec qu’il y eût des Dieux [Cicéron, De natura deorum, I, xlii] II, xii, 516

Dieu de science et de lumière [Apollon à Delphes] III, xiii, 1075

Dieu seul est, non point selon aucune mesure du temps, mais selon une éternité immuable et immobile, non mesurée par temps, ni sujette à aucune déclinaison; [Plutarque, Que signifie le mot εἶ  gravé sur la porte du temple de Delphes, 393a] II, xii, 603

Dieu seul nous l'a dit, et la foi II, xii, 554

(Dieux inventés) " L'homme est bien insensé. Il ne saurait forger un ciron, et forge des Dieux à douzaines. "
Addition après 1588.

[cf Pascal : « L'homme est bien insensé. Il ne peut faire un ciron. » ; les Pensées sont en grande partie des notes de lecture non référencées] II, xii, 530C

Difficulté de l’institution des enfants I, xxvi, 149

(La) Difficulté des assignations, le danger des surprises, la honte du lendemain,
et languor, et silentium,
Et latere petitus imo spiritus [cf Horace, Épodes, XI, 9-10],
c'est ce qui donne pointe à la sauce [cité par Victor Hugo]. Combien de jeux très lascivement plaisants naissent de l'honnête et vergogneuse manière de parler des ouvrages de l'amour. La volupté même cherche à s'irriter par la douleur. Elle est bien plus sucrée quand elle cuit et quand elle écorche. II, xv, 613 (650)

Difficulté est une monnaie que les savants emploient, comme les joueurs de passe-passe, pour ne découvrir la vanité de leur art II, xii, 508

Dignité de la philosophie corrompue par les faibles [Platon, République, VI, 494-496] III, viii, 932

Disconvenance naturelle qu'il y a entre le vulgaire et les personnes rares et excellentes en jugement et en savoir I, xxv (xxiiii), 133 (138)

Disproportion inique de tirer une récompense éternelle en conséquence d'une si courte vie II, xii, 549

" nos Disputes devaient être défendues et punies comme d'autres crimes verbaux. Quel vice n'éveillent elles et n'amoncellent, toujours régies et commandées par la colère! Nous entrons en inimitié, premièrement contre les raisons, et puis contre les hommes. Nous n'apprenons à disputer que pour contredire, et, chacun contredisant et étant contredit, il en advient que le fruit du disputer c'est perdre et anéantir la vérité. Ainsi Platon, en sa République [VII, 539d], prohibe cet exercice aux esprits ineptes et mal nés. " III, viii, 926 (970)

Distingo est le plus universel membre de ma Logique II, i, 335


Doctrine de l'ignorance [Socrate ) II, xii, 498

(Le) Dogme d'Hégésias, qu'il ne faut ni haïr ni accuser, mais instruire [DL, II, § 95 "Cyrénaïques" : « Ils disaient qu'il ne faut pas éprouver de haine, mais bien plutôt convertir en enseignant. » ; cf Spinoza, Traité politique, I, § 4 : " Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre. "], a de la raison ailleurs ; mais ici c'est injustice et inhumanité de secourir et redresser celui qui n'en a que faire, et qui en vaut moins. J'aime à les laisser embourber et empêtrer encore plus qu'ils ne sont, et si avant, s'il est possible, qu'en fin ils se reconnaissent. La sottise et dérèglement de sens [l'esprit faux] n'est pas chose guérissable par un trait d'avertissement. III, viii, 937BC (983)






Douce liberté des premières lois de nature I, Au lecteur

Doux et mol chevet, et sain, que l'ignorance et l'incuriosité, à reposer une tête bien faite [Commentaire de Diderot : " Pour le trouver tel, il faut avoir la tête aussi bien faite que Montaigne " (Pensées philosophiques, XXVII ; Diderot utilise une transcription due à Pascal)] III, xiii, 1073

Du masque et de l'apparence il n'en faut pas faire une essence réelle, ni de l'étranger le propre III, x, 1011


École du commerce des hommes I, xxvi, 154

Écoles de la parlerie III, viii, 927

Écrivaillerie symptôme d’un siècle débordé III, ix, 946

Égalité avec les valets III, iii, 821

Encore faut-il quelque degré d'intelligence à pouvoir remarquer qu'on ignore, et faut pousser à une porte pour savoir qu'elle nous est close III, xiii, 1075

Ennemi juré de toute falsification I, xl, 252

Entre les livres simplement plaisants, je trouve, des modernes, le Décameron de Boccace, Rabelais et les Baisers de Jean Second, s'il les faut loger sous ce titre, dignes qu'on s'y amuse II, x, 410

Entreprenant de parler indifféremment de tout ce qui se présente à ma fantaisie et n'y employant que mes propres et naturels moyens I, xxvi, 146

En un temps ordinaire et tranquille, on se prepare à des accidents modérés et communs ; mais en cette confusion où nous sommes dépuis trente ans, tout homme français, soit en particulier soit en général, se voit à chaque heure sur le point de l'entier renversement de sa fortune II, xii, 1046

En vérité, le mentir est un maudit vice. Nous ne sommes hommes et ne nous tenons les uns aux autres que par la parole I, ix, 36

(Cette) Erreur de recourir à Dieu en tous nos desseins et entreprises I, lvi, 318

L'erreur particulière fait premièrement l'erreur publique, et à son tour après, l'erreur publique fait l'erreur particulière III, xi, 1027-1028
" Les premiers qui sont abreuvés de ce commencement d'étrangeté, venant à semer leur histoire, sentent par les oppositions qu'on leur fait où loge la difficulté de la persuasion, et vont calfeutrant cet endroit de quelque pièce fausse. Outre ce, que, insita hominibus libidine alendi de industria rumores (1), nous faisons naturellement conscience de rendre ce qu'on nous a prêté sans quelque usure et accession de notre cru. L'erreur particulière fait premièrement l'erreur publique, et à son tour après, l'erreur publique fait l'erreur particulière. Ainsi va tout ce bâtiment, s'étoffant et formant de main en main: de manière que le plus éloigné témoin en est mieux instruit que le plus voisin, et le dernier informé mieux persuadé que le premier. C'est un progrès naturel. Car quiconque croit quelque chose, estime que c'est ouvrage de charité de la persuader à un autre; et pour ce faire, ne craint point d'ajouter de son invention, autant qu'il voit être nécessaire en son compte, pour suppléer à la résistance et au défaut qu'il pense être en la conception d'autrui. " (Passage cité par Voltaire dans Les Mensonges imprimés..., avec ce commentaire : " Qui veut apprendre à douter, doit lire ce chapitre entier de Montaigne, le moins méthodique des philosophes, mais le plus sage et le plus aimable. "
1. " Par la tendance innée aux hommes de donner cours à des rumeurs. " (Tite-Live, Histoire, XXVIII, xxiv, 1 [insita hominibus libidine alendi de industria rumores adiceret])
Erreurs contestées et débattables I, xxiii, 120

Erreurs de la mécréance II, xii, 447

Erreurs innocentes I, ix, 36

Esprits hauts ne sont de guère moins aptes aux choses basses que les bas esprits aux hautes III, ix, 992

Est-il chose qu’on vous propose pour l’avouer ou refuser, laquelle il ne soit pas loisible de considérer comme ambiguë ? II, xii, 503

Et d'où vient, ce qu'on voit par expérience, que les plus grossiers et plus lourds sont plus fermes et plus désirables aux exécutions amoureuses, et que l'amour d'un muletier se rend souvent plus acceptable que celle d'un galant homme, sinon que en celui-ci l'agitation de l'âme trouble [...] II, xii, 491 [cf Nietzsche, " les esprits supérieurs ne sont pas assez zélés dans les choses érotiques ", fragment posthume 1881].

Être sans enfant III, ix, 998

Et me suis jeune,
Quem circumcursans huc atque huc saepe Cupido
Fulgebat, crocina splendidus in tunica, [Catulle, LXVIII : autour d'elle, souvent, voltigeait çà et là Cupidon, resplendissant dans sa tunique couleur de safran]
prêté autant licencieusement et inconsidérément qu'autre au désir qui me tenait saisi III, xiii, 1086

Étude des sciences et effémination I, xxv, 143

Excellente et meilleure police est à chacune nation celle sous laquelle elle s'est maintenue III, ix, 957

Extrême espèce d’injustice (Platon) III, xii, 1043


Fables d’aujourd’hui I, xxvii, 182

Façon de répondre, enquêteuse, non résolutive : Qu'est-ce à dire? Je ne l'entends pas, Il pourrait être, Est-il vrai ? III, xi, 1030

Fausse image des choses III, vi, 908

Faux sujet et fantastique I, iv, 22


Femmes II, viii, 390 (Les anciens Gaulois estimaient à extrême reproche d'avoir eu accointance de femme avant l'âge de vingt ans [César, Guerre des Gaules, VI, xxi), et recommandaient singulièrement aux hommes qui se voulaient dresser pour la guerre, de conserver bien avant en l'âge leur pucelage, d'autant que les courages s'amollissent et divertissent par l'accouplement des femmes) ;

II, xii, 485 Ce n'est pas tant pudeur (1) qu'art et prudence, qui rend nos dames si circonspectes à nous refuser l'entrée de leurs cabinets, avant qu'elles soient peintes et parées pour la montre publique, 537 les femmes emploient des dents d'ivoire où les leurs naturelles leur manquent, et, au lieu de leur vrai teint, en forgent un de quelque matière étrangère; comme elles font des cuisses de drap et de feutre, et de l'embonpoint de coton, et, au vu et su d'un chacun, s'embellissent d'une beauté fausse et empruntée ;
1. Victor Hugo se trompait en écrivant : " Plusieurs ont créé des mots dans la langue. Vaugelas a fait pudeur. " (Journal..., 1834.)

Les femmes n'ont pas tort du tout quand elles refusent les règles de vie qui sont introduites au monde, d'autant que ce sont les hommes qui les ont faites sans elles III, v, 854

Femmes I, li, 305 Ceux qui masquent et fardent les femmes, font moins de mal; car c'est chose de peu de perte de ne les voir pas en leur naturel ; là où ceux-ci font état de tromper, non pas nos yeux, mais notre jugement, et d'abâtardir et corrompre l'essence des choses ;
II, viii ; xii, 537 ;
III, iii ; v, 856, 857 (garçons débauchés autrefois [Platon, Timée, xlii]), 882, 897 (mâles et femelles sont jetés en même moule : sauf l'institution et l'usage, la différence n'y est pas grande) ;
III, xii

" La plus utile et honorable science et occupation à une femme, c'est la science du ménage. J'en vois quelqu'une avare, de ménagère fort peu. C'est sa maîtresse qualité, et qu'on doit chercher avant tout autre, comme le seul devoir qui sert à ruiner ou sauver nos maisons. Qu'on ne m'en parle pas, selon que l'experience m'en a appris, je requiers d'une femme mariée, au dessus de toute autre vertu, la vertu économique. Je l'en mets au propre, lui laissant par mon absence tout le gouvernement en main. Je vois avec dépit en plusieurs ménages monsieur revenir maussade et tout marmiteux du tracas des affaires, environ midi, que madame est encore après à se coiffer et attifer en son cabinet. " III, ix, 975

Femmes opiniâtres II, xxxii, 725

Feu
« Feu mon père [Pierre Eyquem, 1495-1568], homme, pour n'être aidé que de l'expérience et du naturel, d'un jugement bien net, m'a dit autrefois qu'il avait désiré mettre en train qu'il y eût en villes certain lieu désigné, auquel ceux qui auraient besoin de quelque chose, se pussent rendre et faire enregistrer leur affaire à un officier établi pour cet effet, comme : Je cherche à vendre des perles, je cherche des perles à vendre. Tel veut compagnie pour aller à Paris ; tel s'enquiert d'un serviteur de telle qualité ; tel d'un maître : tel demande un ouvrier ; qui ceci, qui cela, chacun selon son besoin. Et semble que ce moyen de nous entr'advertir apporterait non légère commodité au commerce public : car à tous coups il y a des conditions qui s'entrecherchent, et, pour ne s'entr'entendre, laissent les hommes en extrême nécessité. » Essais, I, xxxv (xxxiv), 223 (229).

La fin et le commencement de science se tiennent en pareille bêtise II, xii, 544

Fourgon se moque de la pelle III, v, 897

Français semblent des guenons qui vont grimpant contremont [en remontant] un arbre, de branche en branche, et ne cessent d'aller jusques à ce qu'elles sont arrivées à la plus haute branche, et y montrent le cul, quand elles y sont II, xvii, 646

Froideur de ma conversation III, iii, 820

Fuir l’air puant et pesant I, lv, 316


Gain de notre étude, c'est en être devenu meilleur et plus sage I, xxvi, 152

Gâter ses mœurs généreuses par l'incivilité et barbarie  d'autrui I, xxvi, 164

Gauchir sa parole [le fait du Prince] III, i, 799

Génération est la principale des actions naturelles II, xii, 470

Geôle de jeunesse captive I, xxvi, 165


Guerre loyale et juste I, v, 25

Guerre étrangère est un mal bien plus doux que la civile II, xxiii, 683

Guerres civiles agitant à présent la France II, xvi, 628 ; xix, 668
[Huit ou neuf guerres de religion :
1562, 1er mars : massacre de Vassy
1567, 28 septembre : 
1568, 23 mars : paix de Longjumeau
1568-1570 : nouvelle trêve, l'édit de Saint-Germain, le 8 août 1570.
1572, 23-24 août : massacre de la Saint Barthémély
1574-1576 : Complot des Malcontents
1576 (2) Paix de Monsieur. La Ligue
1577
1580]

Guerres civiles de César II, xiii, 608

Guerres civiles de son temps [Thucydide] I, xxiii, 120

(les) Guerres civiles ont cela de pire que les autres guerres, de nous mettre chacun en eschauguette [à l'affût] en sa propre maison III, ix, 971

Guerres civiles produisent souvent ces vilains exemples, que nous punissons les privés [les particuliers] de ce qu'ils nous ont cru quand nous étions autres III, i, 800

Guerres civiles que nous sentons II, xxxiii, 732


(Habitude) seconde nature (Aristote) III, x, 1010

Héraclides Ponticus : " Je ne sais, dit-il, ni art ni science; mais je suis philosophe " I, xxvi, 168

Héraclides Ponticus ne fait que vaguer entre les avis, et enfin prive Dieu de sentiment et le fait remuant de forme à autre, et puis dit que c'est le Ciel et la Terre II, xii, 516

Héraclides Ponticus attribuait la lumière à l'âme II, xii, 542

Héraclides Ponticus : son Amoureux forcé [DL, V, § 87 : " L'Érotique et (et ?) Clinias] III, v, 858


Hésiode corrige le dire de Platon, que la peine suit de bien près le péché: car il dit qu'elle naît en l'instant et quant et quant le péché. II, v, 367

Hiéron et les voluptés [Xénophon, Hiéron, I, viii] I, xlii, 264

l'Histoire a connu trois Socrates, cinq Platons, huit Aristotes, sept Xénophons, vingt Démétrius, vingt Théodores : et devinez combien elle n'en a pas connu. I, xlvi, 280

Historiens sont ma droite balle II, x, 416

Homicide à la mode de Platon I, xxx, 199

Homme à craindre pour l’homme II, xix, 671

(l') Homme en général, de qui je cherche la connaissance II, x, 416

(L') Homme est bien insensé. Il ne saurait forger un ciron, et forge des Dieux à douzaines [cf Pascal, Pensées,  L 956, B 925 : « L'homme est bien insensé. Il ne peut faire un ciron. »] II, xii, 530

Homme nu et vide, reconnaissant sa faiblesse naturelle, propre à recevoir d'en haut quelque force étrangère, dégarni d'humaine science, et d'autant plus apte à loger en soi la divine, anéantissant son jugement pour faire plus de place à la foi [...] C'est une carte blanche [tabula rasa] préparée à prendre du doigt de Dieu telles formes qu'il lui plaira y graver. [cf Kant, Critique de la raison pure, 2e préface : " Je devais donc supprimer le savoir, pour trouver une place pour la foi "] II, xii, 506

L'homme s'ordonne à soi même d'être nécessairement en faute. Il n'est guère fin de tailler son obligation à la raison d'un autre être que le sien III, ix, 990-991

Honnêtes gens les philosophes I, liv, 313

Hostilité excellente comme la chrétienne II, xii, 444

Humeurs débauchées, comme est la mienne III, v, 852

(ces) Humeurs transcendantes m'effrayent, comme les lieux hautains et inaccessibles III, xiii, 1115


Ignorance abécédaire, qui va devant la science I, liv, 312

Ignorance doctorale, qui vient après la science : ignorance que la science fait et engendre, tout ainsi comme elle défait et détruit la première  I, liv, 312

Ignorance qui se sait II, xii, 502

Il échappe souvent des fautes à nos yeux, mais la maladie du jugement consiste à ne les pouvoir apercevoir lorsqu’un autre nous les découvre [c'est l'esprit faux, le troisième type hésiodien ; cf Hésiode, Machiavel et Nietzsche] II, x, 409

Il est bien sans effroi à la mort, mais si on le bat, il crie et se tourmente I, xiv, 55

Il est connu que la plupart des belles actions de l'âme procèdent et ont besoin de cette impulsion des passions, II, xii, 567 [Cf Helvétius, « Rien de grand ne se fait sans passion. », De l'Homme]

Il est fort peu d'exemples de vie pleins et purs, et fait-on tort à notre instruction, de nous en proposer tous les jours d'imbéciles et manqués, à peine bons à un seul pli, qui nous tirent arrière plutôt, corrupteurs plutôt que correcteurs III, xiii, 1110

Il est ordinaire de voir les bonnes intentions, si elles sont conduites sans modération, pousser les hommes à des effets très vicieux II, xix, 668

Il est vraisemblable que le principal crédit des miracles, des visions, des enchantements et de tels effets extraordinaires, vienne de la puissance de l'imagination agissant principalement contre les âmes du vulgaire, plus molles. On leur a si fort saisi la créance [croyance], qu'ils pensent voir ce qu'ils ne voient pas I, xxi, 99A

Il faut jouer dûment notre rôle, mais comme rôle d'un personnage emprunté. Du masque et de l'apparence il n'en faut pas faire une essence réelle, ni de l'étranger le propre. Nous ne savons pas distinguer la peau de la chemise. C'est assez de s'enfariner le visage, sans s'enfariner la poitrine. J'en vois qui se transforment et se transsubstantient en autant de nouvelles figures et de nouveaux êtres qu'ils entreprennent de charges, et qui se prélassent jusques au foie et aux intestins, et entraînent leur office jusques en leur garde-robe. III, x, 1011-1012

Il faut que j'aille de la plume comme des pieds. III, ix, 991

Il faut retenir à tout nos dents et nos griffes l'usage des plaisirs de la vie, que nos ans nous arrachent des poings, les uns après les autres I, xxxix, 246

Il le fallait faire ; mais s'il [le Prince] le fit sans regret, s'il ne lui greva de le faire, c'est signe que sa conscience est en mauvais termes [Commentaire de Zemmour : " Quand je cite Montaigne – qui n'est pas le chef de la ligue des catholiques ! – expliquant qu'il fallait faire la Saint-Barthélemy, cela ne vous questionne pas ? "] III, i, 799

Il ne faut pas tant regarder ce qu'on mange qu'avec qui on mange III, xiii, 1103

Il n'est rien si dissociable et sociable que l'homme, I, xxxix, 238

Il n’y a que les fous certains et résolus I, xxvi, 151

Ils commencent ordinairement ainsi : comment est-ce que cela se fait-il ? – Mais se fait-il ? faudrait-il dire III, xi, 1026-1027.

Ils croient les âmes éternelles, et celles qui ont bien mérité des dieux, être logées à l'endroit du ciel où le soleil se lève; les maudites, du côté de l'Occident I, xxxi, 208

Il se faut réserver une arrière boutique toute nôtre, toute franche, en laquelle nous établissons notre vraie liberté et principale retraite et solitude. En celle-ci faut-il prendre notre ordinaire entretien de nous à nous mêmes, et si privé que nulle accointance ou communication étrangère y trouve place ; discourir et y rire comme sans femme, sans enfants et sans biens, sans train et sans valets, afin que, quand l'occasion adviendra de leur perte, il ne nous soit pas nouveau de nous en passer. Nous avons une âme contournable en soi-même ; elle se peut faire compagnie ; elle a de quoi assaillir et de quoi défendre, de quoi recevoir et de quoi donner : ne craignons pas en cette solitude nous croupir d'oisiveté ennuyeuse,
in solis sis tibi turba locis. » I, xxxix (xxxviii), 241 (245).
[Tibulle ? Incerti Auctoris, Élégies, III, xix, 12 : Seul, sois une foule pour toi-même. Contexte : Tu mihi curarum requies, tu nocte uel atra lumen, et in solis tu mihi turba locis.].

Il se trouve plus de différence de tel homme à tel homme que de tel animal à tel homme II, xii, 466
« Je reviens à ma description, de façon plus équitable et plus équable. 
Omnino amicitiae, corroboratis jam confirmatisque ingeniis et aetatibus, judicandae sunt.  [Cicéron, De amiticia, XX : " Il faut juger de l'amitié seulement quand l'âge a formé et affermi les caractères. "]
Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu'accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s'entretiennent. En l'amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l'une en l'autre, d'un mélange si universel, qu'elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en répondant : Par ce que c'était lui ; par ce que c'était moi. Il y a, au delà de tout mon discours, et de ce que j'en puis dire particulièrement, ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous ouïmes [entendions dire] l'un de l'autre, qui faisaient en notre affection plus d'effort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel: nous nous embrassions par nos noms. Et à notre première rencontre, qui fut par hasard en une grande fête et compagnie de ville, nous nous trouvâmes si pris, si connus, si obligés entre nous, que rien des lors ne nous fut si proche que l'un à l'autre. Il écrivit une Satire Latine excellente, qui est publiée, par laquelle il excuse et explique la précipitation de notre intelligence, si promptement parvenue à sa perfection. » I, xxviii, 188 (I, xxvii, 194-195)

Il se voit plus souvent cette faute que les Théologiens écrivent trop humainement, que cette autre que les humanistes écrivent trop peu théologalement I, lvi, 323

Ils laissent là les choses, et s’amusent à traiter des causes III, xi, 1026

Ils n’entendent ni ce qui se dit ni pourquoi, et répondent de même III, viii, 928

Ils veulent se mettre hors d'eux et échapper à l'homme III, xiii, 1115

Il y a du malheur d'en être là que la meilleure touche de la vérité ce soit la multitude des croyants, en une presse où les fous surpassent de tant les sages en nombre III, xi, 1028 (1074)

Il y a plus affaire à interpréter les interprétations qu'à interpréter les choses, et plus de livres sur les livres que sur autre sujet : nous ne faisons que nous entregloser. Tout fourmille de commentaires ; d'auteurs, il en est grand cherté.
Folio 480 v°.
Le principal et plus fameux savoir de nos siècles, est-ce pas savoir entendre les savants ? Est-ce pas la fin commune et dernière de tous études? Nos opinions s'entent les unes sur les autres. La première sert de tige à la seconde, la seconde à la tierce. Nous échelons ainsi de degré en degré. Et advient de là que le plus haut monté a souvent plus d'honneur que de mérite; car il n'est monté que d'un grain sur les épaules du pénultime. [...] Notre contestation est verbale. Je demande que c'est que nature, volupté, cercle, et substitution. La question est de paroles, et se paye de même.III, xiii, 1069

Il y a tant de sortes de défauts en la vieillesse, tant d'impuissance II, viii, 393

Imagination fausse, plus jalouse de notre action que de notre science I, iii, 15

Impressions reçues par l'autorité des lois ou révérence de l'ancien usage II, xii, 439

Inanité, vanité et dénéantise de l'homme II, xii, 448

Inclination que j'ai à la modestie, à l'obéissance des croyances qui me sont prescrites, à une constante froideur et modération d'opinions, et la haine à cette arrogance importune et querelleuse, se croyant et fiant toute à soi, ennemie capitale de discipline et de vérité III, xiii, 1075

Incliner l’Histoire à leur fantaisie II, x, 417

Indiscrète et prodigieuse facilité des peuples à se laisser mener et manier la croyance et l'espérance III, x, 1013

Indifférence à plusieurs choses II, xiv, 611 ; xxxvii, 760

Indocile liberté de ce membre I, xxi, 102

(l')Institution a gagné cela sur moi, il est vrai que ce n'a point été sans quelque soin, que, sauf la bière, mon appétit est accommodable indifféremment à toutes choses de quoi on se paît I, xxvi, 166
  
Institution de ses enfants I, xx, 88

Institution née du roi Cyrus I, xlviii, 289  

Institution que Xénophon prête aux Perses I, xxv, 141

Intellectuellement sensibles, sensiblement intellectuels III, xiii, 1107

Jacques Peletier me disait chez moi qu'il avait trouvé deux lignes s'acheminant l'une vers l'autre pour se joindre, qu'il vérifiait toutefois ne pouvoir jamais, jusques à l'infinité, arriver à se toucher [asymptotisme ; cf II, xiv, 611 : " deux lignes s'approchant sans cesse l'une de l'autre et ne se pouvant jamais joindre "] II, xii, 571

Jamais deux hommes ne jugèrent pareillement de même chose III, xiii, 1067

Jamais homme n'eût ses approches plus impertinemment génitales III, v, 890


Les Je

J'accuse mon impatience, et tiens premièrement qu'elle est également vicieuse en celui qui a droit comme en celui qui a tort: car c'est toujours une aigreur tyrannique de ne pouvoir souffrir une forme diverse à la sienne; et puis, qu'il n'est, à la vérité, point de plus grande fadaise, et plus constante, que de s'émouvoir et piquer des fadaises du monde, ni plus hétéroclite. III, viii, 928-929

J'accuse tout violence en l’éducation d’une âme tendre, qu'on dresse pour l'honneur et la liberté. Il y a je ne sais quoi de servile en la rigueur et en la contrainte; et tiens que ce qui ne se peut faire par la raison, et par prudence et adresse, ne se fait jamais par la force. II, viii, 389

J'ai lu en Tite-Live cent choses que tel n'y a pas lu. Plutarque en y a lu cent, outre ce que j'y ai su lire, et, à l'aventure, outre ce que l'auteur y avait mis. À d'aucuns c'est une pure étude grammairienne ; à d'autres, l'anatomie de la philosophie, en laquelle les plus abstruses parties de notre nature se pénètrent I, xxvi,156

J'aime des natures tempérées et moyennes. L'immodération vers le bien même, si elle ne m'offense, elle m'étonne et me met en peine de la baptiser. I, xxx, 197

J'aime l'allure poétique, à sauts et à gambades III, ix , 994

J'aime mieux forger mon âme que la meubler III, iii, 819

J'aimerais mieux m'entendre bien en moi qu'en Cicéron III, xiii, 1073

J'ai pris plaisir à publier en plusieurs lieux l'espérance que j'ai de Marie de Gournay le Jars, ma fille d'alliance : et certes aimée de moi beaucoup plus que paternellement, et enveloppée en ma retraite et solitude, comme l'une des meilleures parties de mon propre être. Je ne regarde plus qu'elle au monde II, xvii, 661

J'ai pris plaisir de voir en quelque lieu des hommes, par dévotion, faire vœu d'ignorance, comme de chasteté, de pauvreté, de pénitence. C'est aussi châtrer nos appétits désordonnés, d'émousser cette cupidité qui nous aiguillonne à l'étude des livres, et priver l'âme de cette complaisance voluptueuse qui nous chatouille par l'opinion de science. Et est richement accomplir le vœu de pauvreté, d'y joindre encore celle de l'esprit. Il ne nous faut guère de doctrine pour vivre à notre aise. III, xii, 1039

J'ai pu me mêler des charges publiques [maire de Bordeaux] sans me départir de moi de la largeur d'une ongle, et me donner à autrui sans m'ôter à moi II, x, 1007

J'ai un dictionnaire tout à part moi : je passe le temps, quand il est mauvais et incommode; quand il est bon, je ne le veux pas passer, je le retâte, je m'y tiens. Il faut courir le mauvais et se reassoir au bon. III, xiii, 1111

J’ai une façon rêveuse qui me retire à moi III, iii, 820

J'ai vu tel grand [Henri III ?] blesser la réputation de sa religion pour se montrer religieux outre tout exemple des hommes de sa sorte. J'aime des natures tempérées et moyennes. L'immodération vers le bien même, si elle ne m'offense, elle m'étonne et me met en peine de la baptiser II, xxx (xxix), 197 (203)

J’ajoute, mais je ne corrige pas III, ix, 963

J'apprends à craindre mon allure par tout, et m'attends à la régler III, xiii, 1074

J'aurai élancé quelque subtilité en écrivant I, x, 40

Je dis, comme ce même Épicure [cf Sénèque le Jeune, Lettres à Lucilius, xviii], qu'il ne faut pas tant regarder ce qu'on mange qu'avec qui on mange III, xiii, 1103

Je fais dire aux autres ce que je ne puis si bien dire, tantôt par faiblesse de mon langage, tantôt par faiblesse de mon sens II, x, 408

Je fus pelaudé [maltraité] à toutes mains III, xii, 1044

Je hais cet accidentel repentir que l’âge apporte III, ii, 815 

Je hais toute sorte de tyrannie, et la parlière [Pierre Gassendi de " tyrannie des esprits " [tyrannis ingeniorum]. Voltaire évoquait une forme de tyrannie dans ces lignes :« On n'a jamais fait croire des sottises aux hommes que pour les soumettre. La fureur de dominer est de toutes les maladies de l'esprit humain la plus terrible. [...] Nous devons être jaloux des droits de notre raison comme de ceux de notre liberté. Car plus nous serons des êtres raisonnables, plus nous serons des êtres libres. [...] Le droit de dire et d'imprimer ce que nous pensons, est le droit de tout homme libre dont on ne saurait les priver sans exercer la tyrannie la plus odieuse. » (" Lettre XIII à l'occasion des miracles. Adressée par Mr. Covelle à ses chers Concitoyens ", in Collection des Lettres sur les Miracles écrites à Genève et à Neufchatel, 1767). Ernest Renan dénonçait la " tyrannie spirituelle " créée par le christianisme (cf L'Avenir religieux des sociétés modernes).], et l'effective III, viii, 931 (976)

Je laisse à part la grossière imposture des religions, de quoi tant de grandes nations et tant de suffisants personnages se sont vus enivrés: car cette partie étant hors de nos raisons humaines, il est plus excusable de s'y perdre, à qui n'y est extraordinairement éclairé par faveur divine II, xxiii, 111

Je m’étale entier II, vi, 379

Je m’étudie plus qu’autre sujet III, xiii, 1072

Je me désavoue sans cesse II, xvii, 635

Je me fais plus d’injure en mentant, que je n’en fais à celui de qui je mens II, xvii, 659

Je me regarde diversement II, i, 335

Je n’aime point à guérir le mal par le mal ; je hais les remèdes qui importunent plus que la maladie III, xiii, 1086

Je n'ai pas plus fait mon livre que mon livre m'a fait, livre consubstantiel à son auteur, d'une occupation propre, membre de ma vie; non d'une occupation et fin tierce et étrangère comme tous autres livres II, xviii; 665

Je n’ai point autre passion qui me tienne en haleine III, v, 893

J'enchérirais volontiers sur Plutarque ; et dirais qu'il y a plus de distance de tel à tel homme qu'il n'y a de tel homme à telle bête :  hem vir viro quid praestat [Térence, Eunuque, II, iii, 1 : " Ah, que l'homme peut être supérieur à l'homme ! "]. Et qu'il y a autant de degrés d’esprits qu'il y a d'ici au ciel de brasses, et autant innombrables I, xlii, 258-259 [Cf " Ce que je maintiens ordinairement, qu'il se trouve plus de différence de tel homme à tel homme que de tel animal à tel homme " II, xii, 466].

Je ne compte pas mes emprunts, je les pèse. Et si je les eusse voulu faire valoir par nombre, je m'en fusse chargé deux fois autant. Ils sont tous, ou fort peu s'en faut, de noms si fameux et anciens qu'ils me semblent se nommer assez sans moi. En raisons et inventions que je transplante en mon solage et confonds aux miennes, j'ai à escient omis parfois d'en marquer l'auteur, pour tenir en bride la témérité de ces sentences hâtives qui se jettent sur toute sorte d'écrits, notamment jeunes écrits d'hommes encore vivants, et en vulgaire, qui reçoit tout le monde à en parler et qui semble convaincre la conception et le dessein, vulgaire de même. Je veux qu'ils donnent une nazarde à Plutarque sur mon nez, et qu'ils s'échaudent à injurier Sénèque en mo1 II, x, 408

Je ne crois les miracles qu'en foi III, v, 855

Je ne dis les autres, sinon pour d'autant plus me dire I, xxvi, 148

Je ne dis pas que c'est bien dire, je dis que c'est bien penser. C'est la gaillardise de l'imagination qui élève et enfle les paroles III, v, 873

Je ne me persuade pas aisément qu'Épicure, Platon et Pythagore nous aient donné pour argent comptant leurs atomes, leurs idées et leurs nombres II, xii, 511

Je ne me trouve pas où je me cherche ; et me trouve plus par rencontre que par l'inquisition de mon jugement I, x, 40

Je ne suis pas philosophe III, ix, 950

Je ne suis plus en termes d'un grand changement, et de me jeter à un nouveau train et inusité. Non pas même vers l'augmentation. Il n'est plus temps de devenir autre. Et, comme je plaindrais quelque grande aventure, qui me tombât à cette heure entre mains, de ce qu'elle ne serait venue en temps que j'en pusse jouir,
Quo mihi fortuna[m], si non conceditur uti ? [Horace, Épîtres, I, v, 12 : à quoi bon la fortune s'il ne m'est pas accordé d'en jouir ?]je me plaindrais de même de quelque acquêt interne. Il vaut quasi mieux jamais que si tard devenir honnête homme, et bien entendu à vivre lorsqu'on n'a plus de vie. Moi qui m'en vais, résignerais facilement à quelqu'un qui vint, ce que j'apprends de prudence pour le commerce du monde. Moutarde après dîner. Je n'ai que faire du bien duquel je ne puis rien faire. À quoi la science à qui n'a plus de teste ? III, x, 1010 (1055)

Je ne veux pas priver la tromperie de son rang, ce serait mal entendre le monde ; je sais qu'elle a servi souvent profitablement, et qu'elle maintient et nourrit la plupart des vacations des hommes III, i, 795-796.

Je peins le passage III, ii, 805

Je pense sentir II, xii, 541

Je porte en moi mes préservatifs, qui sont résolution et souffrance III, xii, 1048

Je propose une vie basse et sans lustre, c'est tout un. On attache aussi bien toute la philosophie morale à une vie populaire et privée que à une vie de plus riche étoffe : chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition III, ii, 805

Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages ; que je sais bien ce que je fuis, mais non pas ce que je cherche III, ix, 972 (1017)

Je sais bon gré à Jacques Amiot d'avoir laissé, dans le cours d'une oraison française, les noms latins tous entiers, sans les bigarrer et changer pour leur donner une cadence française I, xlvi, 177

Je sais qu'il y a une Médecine, une Jurisprudence, quatre parties en la Mathématique [c'est le quadrivium : arithmétique, musique, géométrie, astronomie], et grossièrement ce à quoi elles visent. Et à l'aventure encore sais-je la prétention des sciences en général au service de notre vie. Mais, d'y enfoncer plus avant, de m'être rongé les ongles à l'étude d'Aristote, monarque de la doctrine moderne, ou opiniâtré après quelque science, je ne l'ai jamais fait ; ni n'est art de quoi je susse peindre seulement les premiers linéaments. Et n'est enfant des classes moyennes, qui ne se puisse dire plus savant que moi, qui n'ai seulement pas de quoi l'examiner sur sa première leçon : au moins selon icelle. Et, si l'on m'y force, je suis contraint, assez ineptement, d'en tirer quelque matière de propos universel, sur quoi j'examine son jugement naturel : leçon qui leur est autant inconnue, comme à moi la leur. Je n'ai dressé commerce avec aucun livre solide, sinon Plutarque et Sénèque, où je puise comme les Danaïdes, remplissant et versant sans cesse. J'en attache quelque chose à ce papier; à moi, si peu que rien. L'Histoire, c'est plus mon gibier, ou la poésie, que j'aime d'une particulière inclination I, xxvi, 146

Je suis bien marri que nous n'ayons une douzaine de Laertius [Diogène Laërce], ou qu'il ne soit ou plus étendu ou plus entendu. Car je ne considère pas moins curieusement la fortune et la vie de ces grands précepteurs du monde, que la diversité de leurs dogmes et fantasies. [selon Pierre Villey, plus de 130 citations dans les Essais sont faites à partir de ce Diogène Laërce ; la note de Pléiade 2007 parle d'environ 140 emprunts] II, x, 416AB (437)

(Je) suis l'avis de saint Augustin, qu'il vaut mieux pencher vers le doute que vers l'assurance en choses de difficile preuve et dangereuse croyance. [Cité de Dieu, XIX, xviii : " Nous pouvons douter sans crainte de certaines choses qui ne nous sont connues ni par les sens ni par la raison, et sur lesquelles l'Écriture ne s'explique point. " (qua salua atque certa de quibusdam rebus, quas neque sensu neque ratione percepimus neque nobis per scripturam canonicam claruerunt nec per testes, quibus non credere absurdum est, in nostram notitiam peruenerunt, sine iusta reprehensione dubitamus.)] III, xi, 1032

Je suis lourd, et me tiens un peu au massif et au vraisemblable, évitant les reproches anciens : Majorem fidem homines adhibent iis quae non intelligunt. Cupidine humani ingenii libentius obscura creduntur. Je vois bien qu'on se courrouce, et me défend on d'en doubter, sur peine d'injures exeérables. Nouvelle façon de persuader. Pour Dieu merci, ma croyance ne se manie pas à coups de poing. Qu'ils gourmandent ceux qui accusent de fausseté leur opinion ; je ne l'accuse que de difficulté et de hardiesse, et condamne l'affirmation opposite, également avec eux sinon si impérieusement. Videantur sanè, ne affirmentur modo. Qui établit son discours par braverie et commandement montre que la raison y est faible. Pour une altercation verbale et scolastique, qu'ils aient autant d'apparence que leurs contradicteurs ; mais en la conséquence effective qu'ils en tirent, ceux-ci ont bien de l'avantage. À tuer les gens, il faut une clarté lumineuse et nette; et est notre vie trop réelle et essentielle pour garantir ces accidents surnaturels et fantastiques. Quant aux drogues et poisons, je les mets hors de mon compte: ce sont homicides, et de la pire espèce. Toutefois, en cela même on dit qu'il ne faut pas toujours s'arrêter à la propre confession de ces gens ici, car on leur a vu par fois s'accuser d'avoir tué des personnes qu'on trouvait saines et vivantes. En ces autres accusations extravagantes, je dirais volontiers que c'est bien assez qu'un homme, quelque recommandation qu'il ait, soit cru de ce qui est humain ; de ce qui est hors de sa conception et d'un effet surnaturel, il en doit être cru lors seulement qu'une approbation surnaturelle l'a autorisé. III, xi, 1031

Je suis moi-même la matière de mon livre Au lecteur, 3 [JJ Rousseau avait donc tort écrivant : " Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature, et cet homme, ce sera moi. " (Confessions, I)] 

Je suivrai le bon parti jusques au feu, mais exclusivement si je puis III, i, 792 [Cf Nietzsche : « Nous ne nous laisserions pas brûler pour nos opinions : nous ne sommes pas si sûrs d'elles. Mais peut-être pour le droit d'avoir et de changer nos opinions. » Le Voyageur et son ombre (1879), § 333.

Je trouve plus de volupté à seulement voir le juste et doux mélange de deux jeunes beautés ou à le seulement considérer par fantaisie, qu'à faire moi-même le second d'un mélange triste et informe III, v, 895

J’étudiais, jeune, pour l’ostentation ; depuis, un peu, pour m’assagir III, iii, 829

Je veux être maître de moi, à tout sens III, v, 841

Je veux qu'on agisse, et qu'on allonge les offices de la vie tant qu'on peut, et que la mort me trouve plantant mes choux, mais nonchalant d'elle, et encore plus de mon jardin imparfait I, xx, 89

Je veux qu’on agisse I, xx, 89

Je voudrais aussi qu'on fut soigneux de lui choisir un conducteur qui eût plutôt la tête bien faite que bien pleine, et qu'on y requit tous les deux, mais plus les mœurs et l'entendement que la science; et qu'il se conduisit en sa charge d'une nouvelle manière. On ne cesse de criailler à nos oreilles, comme qui verserait dans un entonnoir, et notre charge ce n'est que redire ce qu'on nous a dit. Je voudrais qu'il corrigeât cette partie, et que, de belle arrivée, selon la portée de l'âme qu'il a en main, il commençât à la mettre sur la montre, lui faisant goûter les choses, les choisir et discerner d'elle-même : quelquefois lui ouvrant chemin, quelquefois le lui laissant ouvrir. I, xxvi (xxv), 150 (155)


Jeux des enfants ne sont pas jeux I, xxiii, 110

Jointure universelle de membres gâtés III, xii, 1047

Jouer dûment notre rôle III, x, 1011

J'ouïe journellement dire à des sots des mots non sots. Ils disent une bonne chose ; sachons jusques où ils la connaissent, voyons par où ils la tiennent. Nous les aidons à employer ce beau mot et cette belle raison qu'ils ne possèdent pas ; ils ne l'ont qu'en garde [Cela évoque la distinction entre le premier et le deuxième type hésiodien] III, viii, 937

Jouir, non posséder I, xlii, 262

(Le) Jugement tient chez moi un siège magistral, au moins il s'en efforce soigneusement III, xiii, 1074


La fortune m'a fait grand déplaisir d'interrompre la belle structure du Pont neuf de notre grand'ville et m'ôter l'espoir avant de mourir d'en voir en train l'usage. [travaux suspendus de 1588 à 1598] III, vi, 902

Laissons-là le peuple, qui ne se sent point, qui ne se juge point, qui laisse la plus grande part de ses facultés naturelles oisives II, xii, 501

Laissons l'entendement et la conscience vides I, xxv, 136

La majesté divine s'est ainsi pour nous aucunement [dans une certaine mesure] laissé circonscrire aux limites corporelles : ses sacrements surnaturels et célestes ont des signes de notre terrestre condition ; son adoration s'exprime par offices et paroles sensibles : car c'est l'homme, qui croit et qui prie II, xii, 514-515

Langage commun obscur en contrat III, xiii, 1066

La plupart de nos vacations sont farcesques .Mundus universus exercet histrionam [Pétrone, fragment, cité par Juste Lipse, De la constance, I, 8] III, x, 1011

La plupart des choses du monde se font par elles-mêmes III, viii, 933

La sagesse de ma leçon est en vérité, en liberté, en essence toute III, v, 887

La vieillesse a un peu besoin d'être traitée plus tendrement. Recommandons la à ce Dieu [Apollon ; cf Horace, Odes, I, xxxi, pour la citation qui suit, et clôt les Essais], protecteur de santé et de sagesse, mais gaie et sociale III, xiii, 1116

Lecture me sert spécialement à éveiller par divers objets mon discours, à embesogner mon jugement, non ma mémoire III, iii, 819

Lequel des deux on fasse, dit-il [Socrate sur " se marier ou non "], on s’en repentira [DL, II, § 33] III, v, 852

Le sage doit au-dedans retirer son âme de la presse, et la tenir en liberté et puissance de juger librement des choses I, xxiii, 118

Les sages ont plus à apprendre des fous que les fous des sages [Cf Plutarque, Vie de Caton le censeur, IV] III, viii, 922

Lésion énormissime. Chacune de mes pièces me fait également moi que tout autre. Et nulle autre ne me fait plus proprement homme que cette-ci III, v, 887

Les lois se maintiennent en crédit, non par ce qu'elles sont justes, mais par ce qu'elles sont lois. C'est le fondement mystique de leur autorité ; elles n'en ont point d'autre !. Qui bien leur sert. Elles sont souvent faites par des sots, plus souvent par des gens qui, en haine d'égalité, ont faute d'équité, mais toujours par des hommes, auteurs vains et irrésolus. Il n'est rien si lourdement et largement fautif que les lois, ni si ordinairement. Quiconque leur obéit parce qu'elles sont justes, ne leur obéit pas justement par où il doit III, xiii, 1072

Les plus belles âmes sont celles qui ont plus de variété et de souplesse III, iii, 818

Les plus grossiers et plus lourds sont plus fermes et plus désirables aux exécutions amoureuses II, xii, 491

L’homme en tout et partout, n’est que rapiècement et bigarrure II, xx, 675

Liberté de conscience II, xix, 668

La liberté donc et gaillardise de ces esprits anciens produisait en la philosophie et sciences humaines plusieurs sectes d'opinions différentes, chacun entreprenant de juger et de choisir pour prendre parti II, xii, 560

Lieux étrangers (citations) III, xii, 1056

Limites de la vérité III, xiii, 1078

L’immodérée largesse est un moyen faible à leur acquérir bienveillance III, vi, 904

Logique, Physique, Géométrie, Rhétorique I, xxvi, 160

(Les) lois de la conscience, que nous disons naître de nature, naissent de la coutume : chacun ayant en vénération interne les opinions et mœurs approuvées et reçues autour de lui, ne s'en peut déprendre sans remords, ni s'y appliquer sans applaudissement. Quand ceux de Crète voulaient au temps passé maudire quelqu'un, ils priaient les dieux de l'engager en quelque mauvaise coutume. Mais le principal effet de sa puissance, c'est de nous saisir et empiéter de telle sorte, qu'à peine soit-il en nous de nous r'avoir de sa prise et de r'entrer en nous, pour discourir et raisonner de ses ordonnances I, xxiii, 115

Lois naturelles perdues II, xii, 580

(Les) Lois se maintiennent en crédit, non par ce qu'elles sont justes, mais par ce qu'elles sont lois. C'est le fondement mystique de leur autorité ; elles n'en ont point d'autre !. Qui bien leur sert. Elles sont souvent faites par des sots, plus souvent par des gens qui, en haine d'égalité, ont faute d'équité, mais toujours par des hommes, auteurs vains et irrésolus. Il n'est rien si lourdement et largement fautif que les lois, ni si ordinairement. Quiconque leur obéit parce qu'elles sont justes, ne leur obéit pas justement par où il doit III, xiii, 1072

Lois trop nombreuses III, xiii, 1066

Lourde ignorance et puérile de plusieurs choses communes III, iii, 820


Ma façon simple, naturelle et ordinaire Au lecteur

Maire et Montaigne ont toujours été deux III, x, 102

Maladie naturelle de l’esprit humain III, xiii, 1068

Ma maîtresse forme, l’ignorance I, l, 302

Maniement réglé de notre âme (la sagesse) II, ii, 348

Manière de vivre des thons, on y remarque une singulière science de trois parties de la Mathématique. Quant à l'Astrologie, ils l'enseignent à l'homme; car ils s'arrêtent au lieu où le solstice d'hiver les surprend, et n'en bougent jusques à l'équinoxe ensuivant : voilà pourquoi Aristote même leur concède volontiers cette science. Quant à la Géométrie et Arithmétique, ils font toujours leur bande de figure cubique, carrée en tout sens, et en dressent un corps de bataillon solide, clos et environné tout à l'entour, à six faces toutes égales; puis nagent en cette ordonnance carrée, autant large derrière que devant, de façon que, qui en voit et conte un rang, il peut aisément nombrer toute la troupe, d'autant que le nombre de la profondeur est égal à la largeur, et la largeur à la longueur II, xii, 479-480

Ma philosophie est en action, en usage naturel et présent : peu en fantaisie III, v, 842

Mauvais moyens employés à bonne fin II, xxiii, 682

Mauvais prêcheur de commune II, xvii, 637

Me faire aimer II, viii, 393

Médiocrité II, xvii, 640

Méditer est un puissant étude et plein, à qui sait se tâter et employer vigoureusement III, iii, 819

Meilleure munition (la lecture) que j'aie trouvé à cet humain voyage III, iii, 828

Mélange triste III, v, 873

Membre inobédient et tyrannique (Platon, Timée, 91b) III, v, 859

Même nature qui roule son cours II, xii, 445

Mémoire des livres I, xxvi, 156

Mensonge historique II, x, 417

Mentir pire que la paillardise III, v, 846

(la) Mère nourrice des plus fausses opinions et publiques et particulières, c'est la trop bonne opinion que l’homme a de soi II, xvii, 634

Mer flottante des opinions d'un peuple ou d'un Prince (les lois de notre pays) II, xii, 579

Merveilleuse clarté, pour le jugement humain, (tirée) de la fréquentation du monde I, xvi, 157

Merveilleuse nature d'Alcibiade I, xxvi, 167

Mes mœurs sont naturelles; je n'ai point appelé à les bâtir le secours d'aucune discipline. Mais, toutes imbéciles qu'elles sont, quand l'envie m'a pris de les réciter, et que, pour les faire sortir en public un peu plus décemment, je me suis mis en devoir de les assister et de discours et d'exemples, ce a été merveille à moi même de les rencontrer, par cas d'aventure, conformes à tant d'exemples et discours philosophiques. De quel régiment était ma vie, je ne l'ai appris qu'après qu'elle est exploitée et employée. Nouvelle figure : un philosophe imprémédité et fortuit. Pour revenir à notre âme, ce que Platon a mis la raison au cerveau, l'ire au cœur et la cupidité au foie, il est vraisemblable que ç'a été plutôt une interprétation des mouvements de l'âme, qu'une division et séparation qu'il en ait voulu faire, comme d'un corps en plusieurs membres. Et la plus vraisemblable de leurs opinions est, que c'est toujours une âme qui, par sa faculté, ratiocine, se souvient, comprend, juge, désire et exerce toutes ses autres opérations, par divers instruments du corps (comme le nocher gouverne son navire selon l'expérience qu'il en a, ores tendant ou lâchant une corde, ores haussant l'antenne ou remuant l'aviron, par une seule puissance conduisant divers effets) ; et qu'elle loge au cerveau: ce qui appert de ce que les blessures et accidents qui touchent cette partie, offensent incontinent les facultés de l'âme II, xii, 546

Mesure de notre puissance II, xii, 502

Métier le plus difficile du monde, celui de roi III, vii

M'être rongé les ongles à l'étude d'Aristote I, xxvi, 146

Meubler la tête de science ; du jugement et de la vertu, peu de nouvelles I, xxv, 136

Me voici devenu Grammairien I, xlviii, 287

(comme) Michel  de Montaigne, non comme grammairien ou poète ou jurisconsulte III, ii, 805

(notre fait et) Michel, qui nous touche encore de plus près que l'homme III ; ix, 952

Mine rébarbative (Buchanan, Martial) III, v, 844-5

Miroir de nos discours I, xxvi, 168

Misérable et chétive créature II, xii, 450

Moi le premier par mon être universel III, ii, 805

Moi qui ait tant adoré, et si universellement, cet αριστν μετρον [excellente médiocrité ; DL, I, § 93] du temps passé et ai pris pour la plus parfaite la moyenne mesure, prétendrais-je une démesurée et monstrueuse vieillesse ? III, xiii, 1102

Moi qui suis Roi de la matière que je traite, et qui n'en dois conte à personne III, viii, 943

Mon ami, tu rêves III, v, 890

Monde n’est formé qu’à l’ostentation III, xii, 1037

Monde n’est que babil I, xxvi, 168

Monde n’est qu’une école d’inquisition III, viii

Mon métier et mon art, c’est vivre. II, vi, 379

Mon monde est failli, ma forme est vidée ; je suis tout du passé, et suis tenu de l'autoriser et d'y conformer mon issue III, x, 1010

Monstres ne le sont pas à Dieu II, xx, 713

Montre que nous faisons à cette heure de nos pièces en forme III, v, 859

Mort est effroyable à Cicéron, désirable à Caton, indifférente à Socrate I, l, 302

(La) Mort est moins à craindre que rien, s'il y avait quelque chose de moins,
multo mortem minus ad nos esse putandum
Si minus esse potest quam quod nihil esse videmus [Lucrèce, III, 926-927].
Elle ne vous concerne ni mort ni vif : vif, parce que vous êtes : mort, par ce que vous n'êtes plus [cf DL, X, Épicure, Lettre à Ménécée, § 125 ; Cicéron, Tusculanes, I, xxxviii, 91-92 : Natura vero sic se sic habet, ut, quo modo initium nobis rerum omnium ortus noster adferat, sic exitum mors, ut nihil pertinuit ad nos ante ortum, sic nihil post mortem pertinebit. In quo quid potest esse mali, cum mors nec ad vivos pertineat nec ad mortuos ?, Tel est, en effet, l'ordre de la nature, que la mort nous amène la fin de tout, comme la naissance nous amène le commencement de tout. Comme rien ne nous regarde avant notre origine, rien ne nous regarde après notre mort. Dans cela, quel mal y a-t-il à craindre ? la mort n'ayant rien de commun avec les vivants.]. Nul ne meurt avant son heure. Ce que vous laissez de temps n'était non plus vôtre que celui qui s'est passé avant vôtre naissance : et ne vous touche non plus,
Respice enim quam nil ad nos ante acta vetustas
Temporis aeterni fuerit [Lucrèce, III].
Où que vôtre vie finisse, elle y est toute. L'utilité du vivre n'est pas en l'espace, elle est en l'usage: tel a vécu longtemps, qui a peu vécu: attendez vous y pendant que vous y êtes. Il gît en vôtre volonté, non au nombre des ans, que vous ayez assez vécu. I, xxi (xx), 95 (96)

Mots, qui amollissent et modèrent la témérité de nos propositions III, xi, 1030

Mourir, la plus grande besogne que nous ayons à faire II, vi, 371

(Mourir pour son opinion) I, xiv, 53 ; III, i, 792

Moutarde après dîner III, x, 1010

Mouvement d’ivrogne III, ix, 964

Mouvement d’un instant (la mort) I, xiv, 56

Mouvement inégal, irrégulier et multiforme (la vie) III, iii, 819

Mouvement qui ne parle II, xii, 454


Naissance, nourrissement et augmentation de chaque chose est l'altération  et corruption d'une autre (Lucrèce, De rerum natura, II, 753, et III, 517) I, xxii, 107


Nature a maternellement observé cela, que les actions qu'elle nous a enjointes pour notre besoin, nous fussent aussi voluptueuses III, xiii, 1107-1108

Nature nous a mis au monde libres et déliés ; nous nous emprisonnons en certains détroits III, ix, 973

Nature peut tout et fait tout. Les boiteux sont mal propres aux exercices du corps ; et aux exercices de l'esprit les âmes boiteuses ; les bâtardes et vulgaires sont indignes de la philosophie I, xxv, 141 [cf Pascal, l'esprit boiteux]

Nature s’est obligée à ne rien faire autre, qui ne fût dissemblable III, xiii, 1065

Ne m'est il pas advenu, non une fois, mais cent, mais mille, et tous les jours, d'avoir embrassé quelque autre chose à tous ces mêmes instruments, en cette même condition, que depuis j'ai jugée fausse ? II, xii, 563

Ne pouvant régler les événements, je me règle moi-même [repris par Descartes : " Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l’ordre du monde… " Sartre : " À partir du moment où les possibilités que je considère ne sont pas rigoureusement engagées par mon action, je dois m'en désintéresser, parce qu'aucun Dieu, aucun dessein ne peut adapter le monde et ses possibles à ma volonté. Au fond, quand Descartes disait : " Se vaincre plutôt soi-même que le monde " il voulait dire la même chose : agir sans espoir. " (L'Existentialisme est un humanisme). Sartre pas foutu de citer exactement le Discours de la méthode !] II, xvii, 644

N'est enfant des classes moyennes, qui ne se puisse dire plus savant que moi I, xxvi, 146


(Nom étranger à la chose) II, xvi, 618

Noms si fameux et anciens qu'ils me semblent se nommer assez sans moi II, x, 408

Non plus que je ne regrette que ma durée ne soit aussi longue et entière que celle d'un chêne. Je n'ai point à me plaindre de mon imagination : j'ai eu peu de pensées en ma vie qui m'aient seulement interrompu le cours de mon sommeil, si elles n'ont été du désir, qui m'éveillât sans m'affliger. Je songe peu souvent ; et lors c'est des choses fantastiques et des chimères produites communément de pensées plaisantes, plutôt ridicules que tristes. III, xiii, 1098

Nos discours ont grande participation au hasard [Platon, Timée] I, xlvii, 286

Nos plus grands vices prennent leur pli de notre plus tendre enfance, et notre principal gouvernement est entre les mains des nourrices I, xxiii, 110

Notre contestation est verbale III, xiii, 1069

Notre devoir n’a d’autre règle que fortuite II, xii, 578

Notre fait et Michel III, ix, 952

Notre foi n’est pas notre acquêt, c’est un pur présent de la libéralité d’autrui II, xii, 500

Notre grand et glorieux chef d’œuvre c’est vivre à propos III, xiii, 1108

Notre intelligence se conduisant par la seule voie de la parole, celui qui la fausse trahit la société publique II, xviii, 666-667

Notre monde n’est formé qu’à l’ostentation III, xii, 1037

Notre monde vient d’en trouver un autre III, vi, 908

Notre parler a ses faiblesses II, xii, 527

Notre religion est faite pour extirper les vices ; elle les couvre, les nourrit, les incite II, xii, 444

Notre vérité de maintenant, ce n'est pas ce qui est, mais ce qui se persuade à autrui : comme nous appelons monnaie non celle qui est loyale seulement, mais la fausse aussi qui a mise. II, xviii, 666

Notre vie est partie en folie, partie en prudence III, v, 888

Notre vie n’est que mouvement [Aristote] III, xiii, 1095

Notre zèle fait merveilles, quand il va secondant notre pente vers la haine, la cruauté, l'ambition, l'avarice, la détraction, la rébellion. À contrepoil, vers la bonté, la bénignité, la tempérance, si, comme par miracle, quelque rare complexion ne l'y porte, il ne va ni de pied ni d'aile II, xii, 444


Les nous 

Nous appelons agrandir notre nom, l'étendre et semer en plusieurs bouches ; nous voulons qu'il y soit reçu en bonne part et que cette sienne accroissance lui vienne à profit: voilà ce qu'il y peut avoir de plus excusable en ce dessein II, xvi, 626

Nous appelons contre nature ce qui advient contre la coutume : rien n'est que selon elle, quel qu'il soit. Que cette raison universelle et naturelle chasse de nous l'erreur et l'étonnement que la nouvelleté nous apporte. II, xxx, 713

Nous appelons sagesse la difficulté de nos humeurs, le dégoût des choses présentes. Mais, à la vérité, nous ne quittons pas tant les vices, comme nous les changeons, et, à mon opinion, en pis. Outre une sotte et caduque fierté, un babil ennuyeux, ces humeurs épineuses et inassociables, et la superstition, et un soin ridicule des richesses lors que l'usage en est perdu, j'y trouve plus d'envie, d'injustice et de malignité. Elle nous attache plus de rides en l'esprit qu'au visage; et ne se voit point d'âmes, ou fort rares, qui en vieillissant ne sentent à l'aigre et au moisi. L'homme marche entier vers son croît et vers son décroît. III, ii, 817

Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble, et plus qu'il n'en faudrait à régler tous les mondes d'Épicure III, xiii, 1066

Nous devons la justice aux hommes, et la grâce et la bénignité aux autres créatures qui en peuvent être capables. Il y a quelque commerce entre elles et nous, et quelque obligation mutuelle II, xi, 435.

Nous faudra-il chier en courant ? III, xiii, 1115

Nous […] laissons en arrière notre fait et Michel, qui nous touche encore de plus près que l’homme III, ix, 952

Nous n’allons pas, on nous emporte II, i, 333

Nous n’allons point, nous rodons plutôt, et tournoyons ça et là. Nous nous promenons sur nos pas III, vi, 907

Nous n’avons aucune communication à l’être II, xii, 601

Nous n'avons que du vent et de la fumée en partage. Les dieux ont la santé en essence, dit la philosophie, et la maladie en intelligence; l'homme, au rebours, possède ses biens par fantaisie, les maux en essence II, xii, 489

Nous ne goûtons rien de pur II, xx, 673

Nous ne saurions faillir à suivre nature III, xii, 1059

Nous ne sommes pas seulement lâches à nous défendre de la piperie, mais [que] nous cherchons et convions à nous y enferrer. Nous aimons à nous embrouiller en la vanité, comme conforme à notre être. III, xi, 1027

Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà. La crainte, le désir, l'espérance nous élancent vers l'avenir, et nous dérobent le sentiment et la considération de ce qui est, pour amuser à ce qui sera, voire quand nous ne serons plus. I, iii, 15

Nous pensons toujours ailleurs ; l’espérance d’une vie meilleure nous arrête et appuie, ou l’espérance de la valeur de nos enfants, ou la gloire future de nôtre nom III, iv, 834

Nous qui cherchons ici, au rebours, de former non un grammairien ou logicien, mais un gentilhomme I, xxvi, 169

Nous savons dire : Cicéron dit ainsi : voilà les mœurs de Platon ; ce sont les mots mêmes d'Aristote. Mais nous, que disons-nous nous-mêmes ? que jugeons-nous ? que faisons-nous ? I, xxv, 137

Nous sommes chrétiens à même titre que nous sommes ou périgourdins ou allemands II, xii, 445

Nous sommes, je ne sais comment, doubles en nous-mêmes, qui fait que ce que nous croyons, nous ne le croyons pas, et ne nous pouvons défaire de ce que nous condamnons. II, xvi, 619

Nous sommes partout vent III, xiii, 1107

Nous troublons la vie par le soin de la mort, et la mort par le soin de la vie III, xii, 1051

Nous veillons dormant, et veillant dormons. Je ne vois pas si clair dans le sommeil; mais, quand au veiller, je ne le trouve jamais assez pur et sans nuage. II, xii, 596

Pour juger des apparences que nous recevons des sujets, il nous faudrait un instrument judicatoire ; pour vérifier cet instrument, il nous y faut de la démonstration; pour vérifier la démonstration, un instrument : nous voilà au rouet II, xii, 601 (638)


Nulle connaissance de lettres ; nulle science de nombres ; nul nom de magistrat, ni de supériorité politique ; nul usage de service, de richesse ou de pauvreté ; nuls contrats ; nulles successions ; nuls partages ; nulles occupations qu'oisives ; nul respect I, xxxi, 206

Comme notre esprit se fortifie par la communication des esprits vigoureux et réglés, il ne se peut dire combien il perd et s'abâtardit par le continuel commerce et fréquentation que nous avons avec les esprits bas et maladifs. Il n'est contagion qui s'épande comme celle-là. Je sais par assez d'expérience combien en vaut l'aune. J'aime à contester et à discourir, mais c'est avec peu d'hommes et pour moi. Car de servir de spectacle aux grands et faire à l'envi parade de son esprit et de son caquet, je trouve que c'est un mestier très messéant, à un homme d'honneur. La sottise est une mauvaise qualité; mais de ne la pouvoir supporter, et s'en dépiter et ronger, comme il m'advient, c'est une autre sorte de maladie qui ne doit guère à la sottise en importunité ; et est ce qu'à présent je veux accuser du mien. J'entre en conférence et en dispute avec grande liberté et facilité, d'autant que l'opinion trouve en moi le terrain mal propre à y pénétrer et y pousser de hautes racines. Nulles propositions m'étonnent, nulle créance me blesse, quelque contrariété qu'elle ait à la mienne III, viii, 923

Nul vent fait pour celui qui n’a point de port destiné [Sénèque le Jeune, Lettres à Lucilius, LXXI] II, i, 337 (357)


Observations sur les moyens de faire la guerre de Jules César II, xxxiv, 736

Office de piété de tuer son père en certain âge I, xxiii, 114

O le furieux avantage que l'opportunité. Qui me demanderait la première partie en l'amour, je répondrais que c'est savoir prendre le temps ; la seconde de même, et encore la tierce : c'est un point qui peut tout III, v, 866 (908)

On dit communément que le plus juste partage que nature nous ait fait de ses grâces, c'est celui du sens : car il n'est aucun qui ne se contente de ce qu'elle lui en a distribué. N'est-ce pas raison ? Qui verrait au delà, il verrait au delà de sa vue. Je pense avoir les opinions bonnes et saines ; mais qui n'en croit autant des siennes ? [Cf Descartes, " Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. " Discours de la méthode, I] II, xvii, 657

On dit bien vrai qu'un honnête homme c'est un homme mêlé III, ix, 986B

On me fait haïr les choses vraisemblables quand on me les plante pour infaillibles [Robert de Bonnières : " Saint-Évremond suivit en tout cas la pente naturelle de son esprit qui, comme Montaigne, le portait à « haïr les choses vraisemblables quand on les lui plantait pour infaillibles. » Il eut vers cette même époque la curiosité de voir Gassendi, le plus éclairé des philosophes et le moins présomptueux. Celui-ci se plaignit que la nature eût donné tant d'étendue à la Curiosité et des bornes si étroites à la Connaissance. Saint-Évremond commença d'admirer comment il était possible à homme sage de passer sa vie à des recherches inutiles. ". Préface à Saint-Évremond, Les Académiciens, édition Paris : Charavay Frères, 1879.] III, xi, 1030

On nous apprend à vivre quand la vie est passée I, xxvi, 163

Notre esprit est un outil vagabond, dangereux et téméraire ; il est malaisé d'y joindre l'ordre et la mesure II, xii, 559

Oser dire tout ce que j’ose faire, et me déplais des pensées mêmes impubliables III, v, 845

Ôter le masque aussi bien des choses, que des personnes I, xx, 96

Ô un ami ! III, ix, 981

Oyez dire métonymie I, li, 307


(le) Pape Boniface huitième entra, dit-on, en sa charge comme un renard, s'y porta comme un lion, et mourut comme un chien II, i, 332

(le) Pape Léon dixième, ayant été averti de la prise de Milan, qu'il avait extrêmement souhaitée, entra en tel excès de joie, que la fièvre l'en prit et en mourut I, ii, 14

Par divers moyens on arrive à pareille fin I, i, 7

Parler indifféremment de tout ce qui se présente à ma fantaisie I, xxvi, 146

Parler par tout, et pour et contre I, xlvii, 281.

(la) Parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui l'écoute III, xiii, 1088

Par raison, c’est au faible plutôt d’accepter de bon gré les oppositions qui le redressent et rhabillent III, viii, 925

Passage du gosier ou du nez empêché II, xii, 595

Passion pas simplement corporelle [l'amour] III, v, 885

Pastissages de lieux communs III, xii, 1056

Pastissages des premières lois II, xxxxvii, 766

(Peine du feu pour crime d’opinion) III, xi, 1028

Peintes et parées pour la montre publique II, xii, 485

Perpétuelle confession d’ignorance II, xii, 505

Personne n’est exempt de dire des fadaises. Le malheur est de les dire curieusement [avec componction]
Nae iste magno conatu magnas nugas dixerit [Térence, Héautontimoroumenos, 621 : Sûr, ce drôle s'efforcera de dire de grosses bêtises] III, i, 790 (829)

Péter à l’envi II, xii, 583

Péter d'une haleine et d'une obligation constante et irrémittente I, xxi, 103

Peu d'hommes ont été admirés par leurs domestiques III, ii, 808


Philosophes nuisaient aux auditeurs (Ariston) I, xxv, 141

Philosophes ridicules I, xxv, 134 Et, quant aux philosophes retirés de toute occupation publique, ils ont eté aussi quelque fois, à la vérité, méprisés par la liberté Comique de leur temps, leurs opinions et façons les rendant ridicules.

Philosophie n'est qu'une poésie sophistiquée II, xii, 537

Philosophie ostentatrice et parlière I, xxxix, 248

la Philosophie ; elle a tant de visages et de variété, et a tant dit, que tous nos songes et rêveries s'y trouvent. L'humaine fantaisie ne peut rien concevoir en bien et en mal qui n'y soit. Nihil tam absurde dici potest quod non dicatur ab aliquo philosophorum [Cicéron, De divinatione, II, 119 ; repris par Pascal] II, xii, 546

Plaisir de connaître II, xii, 491

(Le) Plaisir est des principales espèces du profit, III, xiii, 1088

Platon, en ses lois [cf Lois, VII, 797b-c], n'estime peste du monde plus dommageable à sa cité, que de laisser prendre liberté à la jeunesse de changer en accoutrements, en gestes, en danses, en exercices et en chansons, d'une forme à autre: remuant son jugement tantôt en cette assiette, tantôt en cette là, courant après les nouveautés, honorant leurs inventeurs; par où les mœurs se corrompent, et toutes anciennes institutions viennent à dédain et à mépris. En toutes choses, sauf simplement aux mauvaises, la mutation est à craindre : la mutation des saisons, des vents, des vivres, des humeurs ; et nulles lois ne sont en leur vrai crédit, que celles auxquelles Dieu a donné quelque ancienne durée : de mode que personne ne sache leur naissance, ni qu'elles aient jamais été autres.
I, xliii (xliiii), 270 (292)

Platon est bien plus Socratique que Pythagorique III, xiii, 1107

Platon me semble avoir aimé cette forme de philosopher par dialogues, à escient, pour loger plus décemment en diverses bouches la diversité et variation de ses propres fantaisies II, xii, 509

Pli de notre plus tendre enfance I, xxiii, 110

Pluralité des mondes II, xii, 524

Plus d’arrêt et de règle en mes mœurs qu’en mon opinion II, xi, 428

Plusieurs choses nous semblent plus grandes par imagination que par effet II, vi, 372

Plus je me hante et me connais, plus ma difformité m'étonne III, xi, 1029

Points élevés de la philosophie III, ix, 989

Portion du glaneur III, ix, 953

Pour dire un mot de moi-même II, xi, 427

Pour dresser un bois courbe on le recourbe au rebours (Plutarque, Comment distinguer le flatteur de l'ami) III, x, 1006
[Il existe une discussion marxiste sur ce sujet : ‎" Le bâton courbé " par François RICCI, mon prof de philo en terminale au lycée Masséna de Nice. Résumé : " Quand un bâton est courbé dans un sens, il faut le courber dans l'autre sens ", cette idée que Althusser avait présentée dans sa Soutenance d'Amiens comme caractérisant le marxisme est déjà dans l'expérience cartésienne du doute et de la pensée. Si, pour forcer les idées à changer, il faut, selon Althusser, leur imposer une contre-force qui annule la première, ne va-t-on pas alors de courbure en contre-courbures et contre-contre-courbures, c'est-à-dire en déviations ? " Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Nice, Nice 1977, n° 32, pages 117-129.]
Pour frotter et limer notre cervelle contre celle d’autrui I, xxvi, 153

Pour moi donc, j’aime la vie et la cultive telle qu'il a plu à Dieu nous l'octroyer III, xiii, 1113

Pour moi, je sais bien dire : il fait méchamment cela, et vertueusement ceci III, x, 1003

Pourquoi ne mettons nous en doute si notre penser, notre agir, n'est pas un autre songer, et notre veiller quelque espèce de dormir ? II, xii, 596 [Cf Descartes, Méditations métaphysiques, Première méditation.]

Pourquoi plus longtemps et plus souvent on hantait les beaux : cette demande, dit-il [Aristote], n'appartient à être faite que par un aveugle III, xii, 1058

" Pourquoi, sans nous émouvoir, rencontrons-nous quelqu'un qui ait le corps tordu et mal bâti, et ne pouvons souffrir la rencontre d'un esprit mal rangé sans nous mettre en colère ? " [Cf Pascal, Pensées : " D’où vient qu’un boiteux ne nous irrite pas et un esprit boiteux nous irrite ? À cause qu’un boiteux reconnaît que nous allons droit et qu’un esprit boiteux dit que c’est nous qui boitons. Sans cela nous en aurions pitié, et non colère. ". Et Julien Green : « La bêtise a quelque chose d'aussi déplaisant que la laideur physique. Elle est tout aussi apparente. Il y a des hommes qui parlent comme des malades montreraient leurs plaies, et cela correspond à la même chose sur le plan de l'intelligence. » Journal intégral, 26 avril 1926.] III, viii, 929

Pouvons-nous pas dire qu'il n'y a rien en nous, pendant cette prison terrestre, purement ni corporel ni spirituel III, v, 892

Précepte de Platon qu'il faut colloquer les enfants non selon les facultés de leur père, mais selon les facultés de leur âme. Puisque la philosophie est celle qui nous instruit à vivre, et que l'enfance y a sa leçon, comme les autres âges, pourquoi ne la lui communique l'on ? I, xxvi, 163

Prêcher le premier passant III, viii, 958

Préméditation de la liberté I, xx, 87

Premiers discours de quoi on lui doit abreuver l'entendement I, xxvi, 159

Présomption est notre maladie naturelle et originelle. La plus calamiteuse et frêle de toutes les créatures, c'est l'homme, et quant et quant la plus orgueilleuse. Elle se sent et se voit logée ici, parmi la bourbe et le fient du monde, attachée et clouée à la pire, plus morte et croupie partie de l'univers, au dernier étage du logis et le plus éloigné de la voûte céleste, avec les animaux de la pire condition des trois; et se va plantant par imagination au dessus du cercle de la Lune et ramenant le ciel sous ses pieds. C'est par la vanité de cette même imagination qu'il s'égale à Dieu, qu'il s'attribue les conditions divines, qu'il se trie soi même et sépare de la presse des autres créatures, taille les parts aux animaux ses confrères et compagnons, et leur distribue telle portion de facultés et de forces que bon lui semble. II, xii, 452

Profession des Pyrrhoniens est de branler, douter et enquérir, ne s'assurer de rien, de rien ne se répondre II, xii, 502

Publication de mes mœurs III, ix, 980

Pudicité est une belle vertu I, xxiii, 117

Puisque nous ne la pouvons aveindre (agripper, la grandeur), vengeons nous à en médire III, vii, 916

« Puis qu’on a franchi les barrières de l’impudence, il n’y a plus de bride » [cf Épictète, Manuel, XXXIX : τοῦ γὰρ ἅπαξ ὑπὲρ τὸ μέτρον ὅρος οὐθείς ἐστινUne fois au delà de la mesure [πὲρ τὸ μέτρον], il n'y a plus de limite [ὅρος]. " ; et le dicton :
" Quand les bornes sont franchies, il n'y a plus de limite. ", François Ponsard (L'Honneur et l'argent (1853), acte III, scène 5) ;
ensuite Verlaine :
" Laissant la crainte de l'orgie
Et le scrupule au bon ermite,
Puisque quand la borne est franchie
Ponsard ne veut plus de limite. " Læti et Errabundi, Parallèlement, 1889 ; et enfin Pierre Dac...] Essais, II, x, page 413 de l'édition de référence de Paris : PUF-Villey/Saulnier, 1965 ; même pagination pour l'édition en ligne du Montaigne project (University of Chicago), ainsi que pour l'édition en collection de poche Quadrige/PUF ; page 434 de l'édition Balsamo/Magnien en Pléiade.

Qu'a fait l'action génitale aux hommes, si naturelle, si nécessaire et si juste, pour n'en oser parler sans vergogne et pour l'exclure des propos sérieux et réglés ? Nous prononçons hardiment : tuer, dérober, trahir ; et cela, nous n'oserions qu'entre les dents ?
III, v, 847

Qualité inséparable des erreurs populaires III, x, 1013


Les quand

Quand il se présente à nous quelque doctrine nouvelle, nous avons grande occasion de nous en défier, et de considérer qu'avant qu'elle fut produite sa contraire était en vogue II, xii, 570

Quand je considère l'impression que ma rivière de Dordogne fait de mon temps vers la rive droite de sa descente, et qu'en vingt ans elle a tant gagné, et dérobé le fondement à plusieurs bâtiments, je vois bien que c'est une agitation extraordinaire : car, si elle fût toujours allée ce train, ou dût aller à l'avenir, la figure du monde serait renversée I, xxxi (xxx), 204 (209-210)

Quand je danse, je danse : quand je dors, je dors III, xiii, 1107

Quand je me joue à ma chatte, qui sait si elle passe son temps de moi plus que je ne fais d'elle II, xii, 452

Quand je pourrais me faire craindre, j’aimerais encore mieux me faire aimer II, viii, 393


Quant aux fonctions de l’âme, elles naissaient avec même progrès que celles du corps II, vi, 374

Quart d’heure de passion sans conséquence (la mort) III, xii, 1051

Quartilla, qui n’avait point mémoire de son fillage III, xiii, 1087

Que c’est que savoir II, xii, 449

Que l’enfance regarde devant elle, la vieillesse derrière III, v, 841

Quelle vérité que ces montagnes bornent, qui est mensonge au monde qui se tient au delà ? [cf Pascal : "Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. "II, xii, 579

Quelque diversité d’herbes qu’il y ait, tout s’enveloppe sous le nom de salade [c'est le principe d’homogénéité, de rassemblement ou de généralisation], I, xlvi, 276

Quelque pointe de fierté et d’opiniâtreté à se tenir ainsi entier et découvert sans considération d’autrui II, xvii, 649

Que sais-je ? II, xii, 527 [Annonce la question kantienne " Que puis-je savoir ? " (Kant, Leçons de métaphysique)
- " C'est plus tard que la formule du pyrrhonisme primitif fut : que sais-je ? Le dernier mot du pyrrhonisme primitif était : tout m'est égal. " Victor Brochard, Les Sceptiques grecs, I, iii, Paris : Imprimerie nationale, 1887.]

Qu'est-ce à dire? Je ne l'entends pas, Il pourrait être, Est-il vrai ? III, xi, 1030

Qu'est-il plus vain que de vouloir deviner Dieu par nos analogies et conjectures, le régler et le monde à notre capacité et à nos lois, et nous servir aux dépens de la divinité de ce petit échantillon de suffisance qu'il lui a plu départir à notre naturelle condition ? II, xii, 512-513

Questions douteuses, à débattre aux écoles I, lvi, 317

Qu’il lui fasse tout passer par l’étamine et ne loge rien en sa teste par simple autorité et à crédit I, xxvi, 151

Qu’il sache qu’il sait, au moins I, xxvi, 151

Qu’irions-nous présenter notre misère parmi cette allégresse ? III, v, 894


Les Qui
Qui a jamais cuidé [envisagé] avoir faute de sens ? Ce serait une proposition qui impliquerait en soi de la contradiction: c'est une maladie qui n'est jamais où elle se voit ; elle est bien tenace et forte, mais laquelle pourtant le premier rayon de la vue du patient perce et dissipe, comme le regard du soleil un brouillas opaque ; s'accuser serait s'excuser en ce sujet-là ; et se condamner, ce serait s'absoudre. Il ne fut jamais crocheteur ni femmelette qui ne pensât avoir assez de sens pour sa provision II, xvii, 656

Qui apprendrait les hommes à mourir, leur apprendrait à vivre I, xx, 90

Qui a pris de l'entendement en la logique ? où sont ses belles promesses ? III, viii, 926

Qui aura été une fois bien fol, ne sera nulle autre fois bien sage III, vi, 900 [commentaire de Nietzsche : " C’est à se gratter derrière l'oreille. "]


Quiconque cherche quelque chose, il en vient à ce point: ou qu'il dit qu'il l'a trouvée, ou qu'elle ne se peut trouver, ou qu'il en est encore en quête. Toute la philosophie est départie en ces trois genres II, xii, 502

Quiconque est cru de ses présuppositions, il est notre maître et notre Dieu II, xii, 540

Qui craint de souffrir, il souffre déjà de ce qu’il craint III, xiii, 1095

Qui fagoterait suffisamment un amas des âneries de l'humaine prudence, il dirait merveilles II, xii, 545

Qui n'arrête le partir n'a garde d'arrêter la course. Qui ne sait leur fermer la porte ne les chassera pas entrées. Qui ne peut venir à bout du commencement ne viendra pas à bout de la fin III, x, 1017

Qui ne sait combien est imperceptible le voisinage d'entre la folie avec les gaillardes [vigoureuses] élévations d’un esprit libre et les effets d'une vertu suprême et extraordinaire ?
II, xii, 492 (518)

Qui sait qu'une tierce opinion, d'ici à mille ans, ne renverse les deux précédentes?
Sic volvenda aetas commutat tempora rerum:
Quod fuit in pretio, fit nullo denique honore;
Porro aliud succedit, et è contemptibus exit,
Inque dies magis appetitur, florétque repertum

Laudibus, et miro est mortales inter honore. [Lucrèce, De rerum natura, livre V, 1276-1280] I, xii, 570

Qui suit un autre, il ne suit rien. Il ne trouve rien, voire il ne cherche rien. [cf Kant, " Ose te servir de ton propre entendement "] I, xxvi, 151

Quoi, si elle mange votre pain à la sauce d'une plus agréable imagination ? III, v, 883


Raisonner leur dire, et par ce moyen ils aiguisaient ensemble leur entendement et apprenaient le droit I, xxv, 142

(la) Reconnaissance de l’ignorance est l'un des plus beaux et plus sûrs témoignages de jugement que je trouve. II, x, 409

Règle des règles, et générale loi des lois, que chacun observe celles du lieu où il est I, xxiii, 118

Règle fortuite du devoir II, xii, 578

Remourir encore un coup, mais d’une mort plus vive II, vi, 377

(Renversement des reproches et arguments) III, viii

Ressemblance des enfants aux pères II, xxxvii, 758

Retenir à tout nos dents et nos griffes l'usage des plaisirs de la vie I, xxxix, 246

Rêveries d'homme qui n'a goûté des sciences que la croûte première, en son enfance, et n'en a retenu qu'un général et informe visage I, xxvi, 146

Rien si beau et légitime que de faire bien l'homme et dûment III, xiii, 1110

Rien ne m'est à digérer fâcheux en la vie de Socrate que ses extases et ses démonneries III, xiii, 1115

Rois et philosophes fientent, et les dames aussi III, xiii, 1085


Sages ne pouvons-nous être que de notre propre sagesse I, xxv, 138

Sagesse de ma leçon III, v, 887

Sagesse gaie et civile III, v, 844

Saint Augustin allègue avoir vu quelqu'un qui commandait à son derrière autant de pets qu'il en voulait [Cité de Dieu, XIV, 24] I, xxi, 103

Saint Augustin, Origène et Hippocrate ont publié les erreurs de leurs opinions ; moi, encore, de mes mœurs. Je suis affamé de me faire connaître ; et ne me chaut à combien, pourvu que ce soit véritablement III, v, 847

Saint Augustin témoigne avoir vu, sur les reliques Saint Gervais et Protaise, à Milan, un enfant aveugle recouvrer la vue I, xxvii, 181


Sa leçon se fera tantôt par devis, tantôt par livres I, xxvi, 160

Sapere aude, incipe [Horace, Épîtres, I, ii, 40 ; caractérisé par Kant (Qu'est-ce que les Lumières ?) comme la devise des Lumières ; c'était aussi la devise de Pierre Gassendi] I, xxvi (xxv), 159 (165)

Savants ne connaissent autre prix que de la doctrine II, xvii, 657

Savants que de la science présente, non de la passée, aussi peu que de la future I, xxv, 136

Savoir être à soi I, xxxix, 242

Savoir jouir loyalement de son être III, xiii, 1115

Savoir par cœur n’est pas savoir : c'est tenir ce qu'on a donné en garde à sa mémoire. Ce qu'on sait droitement, on en dispose, sans regarder au patron, sans tourner les yeux vers son livre. Fâcheuse suffisance, qu'une suffisance purement livresque! I, xxvi, 152

Sceptre et marotte III, viii, 927

Science de gueule I, li, 306

Science de l’inscience III, xii, 1057

Se connaître et savoir bien mourir et bien vivre I, xxvi (xxv), 159 (165) 

Secousses diverses du doute et de la consultation II, xvii, 644

Se tenir ainsi entier et découvert sans considération d’autrui II, xvii, 649

S'étudier à soi III, iii, 819

Seul livre au monde de son espèce II, viii, 385


Les Si
Si, comme la vérité, le mensonge n’avait qu’un visage, nous serions en meilleurs termes. Car nous prendrions pour certain l'opposé de ce que dirait le menteur. Mais le revers de la vérité a cent mille figures et un champ indéfini I, ix, 37

Si j’avais à revivre, je revivrais comme j’ai vécu III, ii, 816

Si j’avais des enfants mâles, je leur désirasse volontiers ma fortune. Le bon père que Dieu me donna (qui n'a de moi que la reconnaissance de sa bonté, mais certes bien gaillarde) m'envoya dès le berceau nourrir à un pauvre village des siens, et m'y tint autant que je fus en nourrice, et encores au delà, me dressant à la plus basse et commune façon de vivre III, xiii, 1100

Si je durais à vivre long temps, je ne crois pas que je n'oubliasse mon nom propre, comme ont fait d'autres II, xvii, 651

Si j’étais du métier, je naturaliserais l'art autant comme ils artialisent la nature. III, v, 874

S'il y a plusieurs mondes, comme Démocrite, Épicure [DL, IX, § 45 et X, § 85] et presque toute la philosophie a pensé, que savons nous si les principes et les règles de celui-ci touchent pareillement les autres ? Ils ont à l'aventure autre visage et autre police. Épicure les imagine ou semblables ou dissemblables. II, xii, 525

Si nous tenions à Dieu par lui, non par nous II, xii, 441

Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en répondant : Parce que c'était lui ; parce que c'était moi. Il y a, au delà de tout mon discours, et de ce que j'en puis dire particulièrement, ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous entendions l'un de l'autre, qui faisaient en notre affection plus d'effort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel : nous nous embrassions par nos noms. I, xxviii (xxvii) " De l'amitié ", 188 (195)

Si philosopher c'est douter, comme ils disent, à plus forte raison niaiser et fantastiquer, comme je fais, doit être douter. II, iii, 350

Si son compagnon a la colique, il semble qu'il l'ait aussi III, v, 844 [Cf la lettre de Mme de Sévigné à sa fille " J'ai mal à votre poitrine "]

Si vous êtes couard et qu'on vous honore pour un vaillant homme, est-ce de vous qu'on parle ? III, v, 847


Société publique n’a que faire de nos pensées ; mais le demeurant, comme nos actions, notre travail, nos fortunes et notre vie propre, il la faut prêter et abandonner à son service et aux opinions communes I, xxiii, 118

Socrate, d'où il était : pas d'Athènes mais du monde [Cicéron, Tusculanes, V, 37 ; Plutarque, De l'exil, IV] I, xxvi, 157

Socrate était homme ; et ne voulait ni être ni sembler autre chose III, v, 892

Socrate (propension au vice) II, xi

Socrates répondait à Alcibiade, s'étonnant comme il pouvait porter le continuel tintamarre de la tête de sa femme [DL, Vie..., II, § 36] III, xiii, 1082

Socrate ses extases et ses démoneries III, xiii, 1115

Socrate, va toujours demandant et émouvant la dispute, jamais l'arrêtant, jamais satisfaisant, et dit n'avoir autre science que la science de s'opposer. Homère, leur auteur, a planté également les fondements à toutes les sectes de philosophie, pour montrer combien il était indifférent par où nous allassions. II, xii, 509

(La) Solitude locale, à dire vérité, m'étend plutôt et m'élargit au dehors: je me jette aux affaires d'État et à l'univers plus volontiers quand je suis seul. III, iii, 823

Sollicitations mentales et manuelles I, xxi

Sonder jusqu’au-dedans II, i, 338

Songes valent mieux que discours II, xii, 568

Souvenance pleine, jugement creux I, xxv, 139

Souverain bonheur et félicité en laquelle le sage est logé par sa vertu II, xii, 593

Spectacle de la jeunesse pour les vieillards (Platon) III, v

(Style et expression de Montaigne) II, xvii

Subtilité sophistique de quelque syllogisme: le jambon fait boire, le boire désaltère, par quoi le jambon désaltère I, xxvi, 171

Subtilités aigües, insubstancielles II, xi

Subtilités épineuses de la Dialectique I, xxvi, 163

Suffisant lecteur I, xxiv

Suffisant théâtre l’un à l’autre I, xxxix, 247

Suivant l'institution de Socrate [DL, II, § 21] borner le cours de notre étude I, xxvi, 159

Suivre entièrement les façons et formes reçues I, xxiii, 118

Suivre le bon parti jusques au feu, mais exclusivement si je puis III, i, 792

Sujet merveilleusement vain, divers, et ondoyant I, i, 9

Les sujets ont divers lustres et diverses considérations : c'est de là que s'engendre principalement la diversité d'opinions. Une nation regarde un sujet par un visage, et s'arrête à celui-là ; l'autre, par un autre [Cité par Boudon, 2013] II, xii, 581 (616).

Superstition verbale III, v, 888

Supplice de l’adultère (Catulle) III, v, 864

Sur quel fondement de leur justice peuvent les dieux reconnaître et récompenser à l'homme, après sa mort, ses actions bonnes et vertueuses, puis que ce sont eux mêmes qui les ont acheminées et produites en lui ? II, xii, 520

Symptôme d’un siècle débordé III, ix, 946


Tel a été miraculeux au monde, auquel sa femme et son valet n'ont rien vu seulement de remarquable. Peu d'hommes ont été admirés par leurs domestiques III, ii, 808

Tel de ma connaissance s’est perdu III, v, 860

Telle ou telle sentence de Cicéron I, xxvi, 152

Tel se conduit bien qui ne conduit pas bien les autres et fait des Essais qui ne saurait faire des effets III, ix, 992

Témérité de nos propositions III, xi, 1030

Témoignage véritable I, xxxi, 205

Temps chose mobile II, xii, 603

Temps et argent (Sénèque) III, x

Temps médecin de nos souffrances III, iv, 836

Tenir à son devoir par la raison simple III, i, 792

Théorique et pratique I, xxv, 139

Tierce (espèce), des âmes réglées et fortes d'elles-mêmes

Toujours la variation soulage, dissout et dissipe III, iv, 836

Tourbe des écrivailleurs II, xxxii, 722

Tous jugements en gros sont lâches et imparfaits, III, viii, 943

Tout abrégé sur un bon livre est un sot abrégé III, viii, 939


Tout ce qui peut être fait un autre jour, le peut être aujourd'hui I, xx, 88

Toute cette fricassée que je barbouille ici n'est qu'un registre des essais de ma vie, qui est, pour l'interne santé, exemplaire assez à prendre l'instruction à contre-poil. III, xii, 1079

Toutes choses ont leur saison, les bonnes et tout II, xxviii, 702

Toutes grandes mutations ébranlent l'État, et le désordonnent III, ix, 958

Tout exemple cloche III, xiii, 1070

Tout homme peut dire véritablement III, viii, 928

Tout licencieux qu’on me tient, j'ai en vérité plus sévèrement observé les lois de mariage que je n'avais ni promis ni espéré. Il n'est plus temps de regimber quand on s'est laissé entraver. Il faut prudemment ménager sa liberté; mais depuis qu'on s'est soumis à l'obligation, il s'y faut tenir sous les lois du devoir commun, au moins s'en efforcer III, v, 852

Tout lieu retiré requiert un promenoir. Mes pensées dorment, si je les assis III, iii, 828

Tout mouvement nous découvre I, l (50), 302

Troisième allongeail III, ix, 963

Truchement de notre âme (la parole) II, xviii, 667

Tu ne meurs pas de ce que tu es malade; tu meurs de ce que tu es vivant. La mort te tue bien sans le secours de la maladie. Et à d'aucuns les maladies ont éloigné la mort, qui ont plus vécu de ce qu'il leur semblait s'en aller mourants. Joint qu'il est, comme des plaies, aussi des maladies médecinales et salutaires. III, xiii, 1091

Tu ne vois que l'ordre et la police de petit caveau où tu es logé II, xii, 523

Tyran celui qui a licence en une cité de faire tout ce qui lui plaît (Platon, Gorgias [XXIV]) I, xlii, 265

Tyrannie de nos croyances II, xii, 539

(les) Tyrans pour faire tous les deux ensemble, et tuer et faire sentir leur colère, ils ont employé toute leur suffisance à trouver moyen d'allonger la mort. Ils veulent que leurs ennemis s'en aillent, mais non pas si vite qu'ils n'aient loisir de savourer leur vengeance. Là dessus ils sont en grand peine: car, si les tourments sont violents, ils sont courts ; s'ils sont longs, ils ne sont pas assez douloureux à leur gré: les voilà à dispenser leurs engins. Nous en voyons mille exemples en l'Antiquité, et je ne sais si, sans y penser, nous ne retenons pas quelque trace de cette barbarie. Tout ce qui est au delà de la mort simple, me semble pure cruauté. II, xxvii, 700.


Un ancien [Diogène de Sinope] à qui on reprochait qu'il faisait profession de la Philosophie, de laquelle pourtant en son jugement il ne tenait pas grand compte, répondit que cela c'était vraiment philosopher [DL, VI, § 64 ; cf Pascal, " Se moquer de la philosophie c’est vraiment philosopher. "] II, xii, 511

Une plus agréable imagination ? III, v, 883

Union du corps et de l’esprit (Augustin) II, xii, 539

Un jour est égal à tous jours. Il n'y a point d'autre lumière, ni d'autre nuit. I, xx, 93

Un même mot embrasse en Grec le bel et le bon [Xénophon, Cyropédie, II, iii ; IV, iii, 23 ; Économique ou Ménagerie, XII]. Et le Saint Esprit appelle souvent bons ceux qu'il veut dire beaux. III, xii, 1058

Un mot de moi-même II, xi, 427

Un peu de chaque chose, et rien du tout, à la française I, xxvi, 146

Un quart d’heure de passion sans conséquence, sans nuisance, ne mérite pas des préceptes particuliers III, xii, 1051

(l')Usage nous dérobe le vrai visage des choses I, xxiii, 116

Utile et honnête III, i, 790


Vagabonde liberté de nos fantaisies I, xiv, 58

(la) Vaillance (de qui c'est l'effet de s'exercer seulement contre la résistance,
Nec nisi bellantis gaudet cervice juvenci [Claudien, lettre I)
s'arrête à voir l'ennemi à sa merci. Mais la pusillanimité, pour dire qu'elle st aussi de la fête, n'ayant pu se mêler à ce premier rôle, prend pour sa part le second, du massacre et du sang. Les meurtres des victoires s'exercent ordinairement par le peuple et par les officiers du bagage: et ce qui fait voir tant de cruautés inouïes aux guerres populaires, c'est que cette canaille de vulgaire s'aguerrit et se gendarme à s'ensanglanter jusques aux coudes et à déchiqueter un corps à ses pieds, n'ayant ressentiment d'autre vaillance II, xxvii, 693-694

Vanité de désirs et cogitations qui nous divertissent III, xiii, 1114

Variation continuelle des choses humaines I, xlix, 297

Variation soulage, dissout et dissipe III, iv, 836

Vaut-il pas mieux demeurer en suspens que de s'infrasquer en tant d'erreurs que l'humaine fantaisie a produites ? II, xii, 504

Vénération des opinions et mœurs approuvées I, xxiii, 115

Vengeons-nous à en médire III, vii, 916 [cité par Nietzsche, Nachgelassene Fragmente, Herbst 1880, 6[37] „Vengeons nous, par en médire“ Montaigne]

Vérité à chercher I, lvi, 317 ;

Vérité a ses empêchements, incommodités et incompatibilités avec nous III, x, 1006

Vérité chose si grande III, xiii, 1065

Vers la réformation par la dernière des déformations  III, xii, 1043

Vertu économique requise d’une femme mariée III, ix, 975

Vice n'est que dérèglement et faute de mesure II, i, 332

Vices forgés par l’opinion des hommes III, ii, 806

(la) Vie n’est de soi ni bien ni mal : c'est la place du bien et du mal selon que vous la leur faites. I, xx, 93

Vie populaire et privée III, ii, 805

Vicieuse façon d’opiner III, x

Vie mouvement inégal, irrégulier et multiforme III, iii, 819

Vie est un mouvement III, ix, 988

Vieillesse traitée plus tendrement III, xiii, 1116

Vin trempé III, xiii, 1104

Violente maîtresse d’école (la nécessité) I, xlvii, 282

Visage du vice en la volupté III, ii, 815

Vivre plus à loisir et à son aise In xxxix, 238

Voire les arguments de la philosophie vont à tous coups côtoyant et gauchissant la matière, et à peine essuyant sa croûte III, iv, 834

Voir son vice et l’étudier III, v, 845

Voix de la commune et de la tourbe, mère d’ignorance II, xvi, 624

Volupté active, mouvante, et, je ne sais comment, cuisante et mordante, celle là même ne vise qu'à l'indolence comme à son but II, xii, 493

Volupté chez l’enfant III, xiii, 1111

Volupté but ultime I, xx, 82

Voluptés doivent être reçues III, xiii, 1109, 1113

Voluptés naturelles III, v, 892 ; xiii, 1109 , 1113

Voluptés nouvelles (Cicéron) III, xiii, 1106

Vouées à chasteté avant l'âge de connaissance [...] vouées à la débauche avant l'âge de connaissance III, v, 868

(le) Vrai champ et sujet de l'imposture sont les choses inconnues. D'autant qu'en premier lieu l'étrangeté même donne crédit; et puis, n'étant point sujettes à nos discours ordinaires, elles nous ôtent le moyen de les combattre. À cette cause, dit Platon, est-il bien plus aisé de satisfaire, parlant de la nature des Dieux, que de la nature des hommes, parce que l'ignorance des auditeurs prête une belle et large carrière et toute liberté au maniement d'une matière cachée. Il advient de là qu'il n'est rien cru si fermement que ce qu'on sait le moins [Belle critique de la conviction, poursuivie par Nietzsche], ni gens si assurés que ceux qui nous content des fables, comme Alchimistes, Pronostiqueurs, Judiciaires, Chiromantiens, Médecins, id genus omne. I, xxxii, 215

Vraie et naïve philosophie I, xxxix, 248

Vraie liberté, c’est pouvoir toute chose sur soi [Sénèque] III, xii, 1046

(le) Vulgaire, n’ayant pas la faculté de juger les choses par elles-mêmes, se laissant emporter à la fortune et aux apparences II, xii, 439


Xénophane fait Dieu rond II, xii, 515



Michel Eyquem de Montaigne, né le 28 février 1533 et mort le 13
septembre 1592 à Saint-Michel-de-Montaigne (Dordogne)