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lundi 7 août 2023

MAUVAISES (ET BONNES) RÉPUTATIONS DE L'ISLAM


* * * * *

A / Moyen Âge et Renaissance (Pierre le Vénérable, Thomas d'Aquin, Hervé Martin, Rabelais, Montaigne)
C / XIXe siècle (Chateaubriand, Vigny, Adams, Schopenhauer, Lamartine, Marx, Tocqueville, Renan, Gobineau, Flaubert, Nietzsche, Ney, Churchill)
D / XXe siècle, avant la correction politique (Burckhardt, Quellien, Foucauld, Maurras, Gide, Keynes, Lévi-Strauss, Malraux, de Gaulle, Paul VI, Canetti)
E / Depuis la correction politique (Huntington, Jean-Paul IIHouellebecq, Redeker, Lévi-Strauss, Finkielkraut, Nemo, Onfray, Debray, Paolis, Sarkozy, Hollande, Tasin, François, Bidar, Bruckner, Cazeneuve, Boulad, Quiniou, Onfray)

A / Moyen Âge et Renaissance :


1265 : THOMAS d'AQUIN 

1300 environ : Hervé Martin (né en 1940) :

« [Aux XIIIe et XIVe siècles] le discours antisodomie se durcit. Ce péché, estime-t-on, appelle la vengeance du ciel. Le laïc qui s'y adonne doit être excommunié et le clerc réduit à l'état laïc (Concile de Latran III, 1179). L'homosexualité est d'autant plus vivement dénoncée qu'elle est très répandue chez les musulmans, que l'on accuse de sodomiser leurs prisonniers chrétiens et dont on estime qu'ils menacent l'Europe. »
Mentalités médiévales XIe-XVe siècle, chapitre XIII, Paris : PUF, 1996.

1532 : RABELAIS 

1580 Michel de Montaigne


B / Grand Siècle, Lumières :

1665 : Jacques-Bénigne Bossuet 

1683 JURIEU


C / XIXe siècle :

François-René de CHATEAUBRIAND



1829-1849 : Alfred de VIGNY (1797-1863) :
« Croyez en Dieu et en son prophète qui ne sait ni lire ni écrire (dans le Coran). » Journal d’un poète, été-automne 1829.
«  L'homme est si faible, que, lorsqu'un de ses semblables se présente disant : « Je peux tout, » comme Bonaparte, ou : « Je sais tout, »  comme Mahomet, il est vainqueur et a déjà à moitié réussi. De là le succès de tant d'aventuriers. » Journal d’un poète, 1829.
« L’humanité a les mêmes droits sur elle-même qu’un homme sur son corps pour le guérir. Si l’on préfère la vie à la mort on doit préférer la civilisation à la barbarie. Nulle peuplade dorénavant n’aura le droit de rester barbare à côté des nations civilisées. L’Islamisme est le culte le plus immobile et le plus obstiné, il faut bien que les peuples qui le professent périssent s’ils ne changent de culte. »
Journal d’un poète, 1831 et été 1840.
« Je lui [à Lamartine] ai demandé s'il était toujours occupé de l'Orient. Il se montre enthousiasmé [très ému] des malheurs des Mahométans et les regarde comme plus civilisés que nous, à cause de la charité extrême en eux.
– Cependant, lui dis-je, l'islamisme n'est qu'un christianisme corrompu, vous le pensez bien.
– Un christianisme purifié ! me dit-il avec chaleur.
Il ne m'a fallu que quelques mots pour lui rappeler que le Coran arrête toute science et toute culture ; que le vrai Mahométan ne lit rien, parce que tout ce qui n’est pas dans le Coran est mauvais et qu’il renferme tout. – Les arts lui sont interdits parce qu’il ne doit pas créer une image de l’homme. » Journal d’un poète, 12 mars 1838.
« Mahomet eut le sentiment vrai du caractère de la religion lorsqu’il lui donna pour symbole le croissant de la lune dont la lumière est trompeuse et sans chaleur. » Journal d’un poète, 1849.

1830 environ : John Quincy Adams, 1767-1848 (6e président des U. S. A., 1825-1829) :

« In the seventh century of the Christian era, a wandering Arab of the lineage of Hagar [i.e., Muhammad], the Egyptian, [.....] Adopting from the new Revelation of Jesus, the faith and hope [foi et espérance] of immortal life, and of future retribution, he humbled it to the dust by adapting all the rewards and sanctions of his religion to the gratification of the sexual passion. He poisoned the sources of human felicity at the fountain, by degrading the condition of the female sex, and the allowance of polygamy; and he declared undistinguishing and exterminating war, as a part of his religion, against all the rest of mankind [l'humanité]. THE ESSENCE OF HIS DOCTRINE WAS VIOLENCE AND LUST [le désir sexuel].- TO EXALT THE BRUTAL OVER THE SPIRITUAL PART OF HUMAN NATURE.... Between these two religions, thus contrasted in their characters, a war of twelve hundred years has already raged. The war is yet flagrant ... While the merciless and dissolute dogmas of the false prophet shall furnish motives to human action, there can never be peace upon earth, and good will towards men. »
Cité dans : Robert Spencer, From The Politically Incorrect Guide to Islam (and the Crusades).


1841-1856 Alexis de Tocqueville (1805-1859) :

" Caractère des conquêtes de la Révolution. Il arriva alors quelques chose d'analogue à ce qu'on vit à la naissance de l'islamisme, quand les Arabes convertirent la moitié de la Terre en la ravageant. " De la Constituante au 18 Brumaire, Œuvres complètes, Paris : Michel Lévy, 1866, volume 8.

1841 : " L'architecture peint les besoins et les mœurs. Celle-ci ne résulte pas seulement de la chaleur du climat ; elle peint à merveille l'état social et politique des populations musulmanes et orientales : la polygamie, la séquestration des femmes, l'absence de toute vie publique, un gouvernement tyrannique et ombrageux qui force de cacher sa vie et rejette toutes les affections de cœur dans l'intérieur de la famille. " Voyage en Algérie, 7 mai 1841.

1843 : " Une dernière querelle et je vous quitte. En même temps que vous êtes si sévère pour cette religion qui a tant contribué cependant à nous placer à la tête de l'espèce humaine, vous me paraissez avoir un certain faible pour l'islamisme. Cela me rappelle un autre de mes amis que j'ai retrouvé en Afrique devenu mahométan. Cela ne m'a point entraîné. J'ai beaucoup étudié le Coran à cause surtout de notre position vis-à-vis des populations musulmanes en Algérie et dans tout l'Orient. Je vous avoue que je suis sorti de cette étude avec la conviction qu'il y avait eu dans le monde, à tout prendre, peu de religions aussi funestes aux hommes que celle de Mahomet. Elle est, à mon sens, la principale cause de la décadence aujourd'hui si visible du monde musulman et quoique moins absurde que le polythéisme antique, ses tendances sociales et politiques étant, à mon avis, infiniment plus à redouter, je la regarde relativement au paganisme lui-même comme une décadence plutôt que comme un progrès. Voilà ce qu'il me serait possible, je crois, de vous démontrer clairement, s'il vous venait jamais la mauvaise pensée de vous faire circoncire..." Lettre au comte de Gobineau, 22 octobre 1843.

" L'islam, c'est la polygamie, la séquestration des femmes, l'absence de toute vie publique, un gouvernement tyrannique et ombrageux qui force de cacher sa vie et rejette toutes les affections du cœur du côté de l'intérieur de la famille. "
Voyages en Angleterre, Irlande, Suisse et AlgérieŒuvres complètes, Paris : Michel Lévy, 1866, volume 8.

1848 : « Mahomet a fait descendre du ciel, et a placé dans le Coran, non seulement des doctrines religieuses, mais des maximes politiques, des lois civiles et criminelles, des théories scientifiques. L'évangile ne parle au contraire que des rapports généraux des hommes avec Dieu, et entre eux. Hors de là, il n'enseigne rien et n'oblige à rien croire. Cela seul, entre mille autres raisons, suffit pour montreur que la première de ces deux religions ne saurait dominer longtemps dans des temps de lumières et de démocratie, tandis que la seconde est destinée à régner dans ces siècles comme dans tous les autres. »
De la Démocratie en Amérique, tome III, 1ère partie " Influence de la Démocratie sur le Mouvement intellectuel ", chapitre V " Comment, aux États-Unis, la religion sait se servir des instincts démocratiques ", Paris: Pagnerre, 1848.

1856 : « Dans leur correspondance de l'année 1843 [avec Gobineau], de Tocqueville s'affirme comme chrétien et dénigre l'islam, auquel il impute la "décadence du monde arabe, en disant s'appuyer sur sa lecture du "Koran" faite en relation avec son intérêt pour l'Algérie et l'Orient (entendons le Proche-Orient).
On doit rappeler aussi que de Tocqueville a utilisé le modèle de la diffusion de l'islam pour rendre compte de la Révolution française, au passage et d'un seul mot, mais qui pèse. Il soutient que la Révolution française ne fut pas, essentiellement, un mouvement qui visait l'Église : elle avait pour but d' "énerver" le pouvoir politique. Propagande, prosélytisme : la Révolution française a "opéré" par rapport à ce monde comme les religions par rapport à l'autre monde. Et c'est pourquoi elle eut un air de "révolution religieuse" qui a "épouvanté les contemporains, ou plutôt elle est devenue elle-même une sorte de religion nouvelle, religion imparfaite, il est vrai sans Dieu, sans culte et sans autre vie, mais qui néanmoins, comme l'islamisme, a inondé toute la Terre de ses soldats, de ses apôtres et de ses martyrs" (souligné par nous). Lorsque paraissent ces lignes, en 1856, le voyage de de Tocqueville en Algérie est loin, de même que sa première dépréciation de l'islam. Aussi se construit un nouveau paradoxe, celui d'un conflit entre deux entités similaires : la Révolution française qui, ayant propagé l'idée d'égalité universelle, légitime l'entreprise coloniale en Algérie musulmane est analogue à une autre révolution religieuse, celle qui a fait naître le monde musulman ; ce sont donc deux grandes religions qui s'affrontent, l'une qui a produit de la "grandeur", l'autre de la "décadence". »
Dominique Colas, article "Tocqueville", in François Pouillon, Dictionnaire des orientalistes de langue française, Paris : Karthala éditions, 2008.


1844 : Arthur Schopenhauer (1788-1860) :
« Le Coran ; ce méchant livre a suffi pour fonder une grande religion, satisfaire, pendant douze cents ans le besoin métaphysique de plusieurs millions d'hommes  ; il a donné un fondement à leur morale, leur a inspiré un singulier mépris de la mort et un enthousiasme capable d'affronter des guerres sanglantes, et d'entreprendre les plus vastes conquêtes. Or nous y trouvons la plus triste et la plus pauvre forme du théisme. Peut-être le sens nous en échappe-t-il en grande partie dans les traductions. Cependant je n'ai pu y découvrir une seule idée un peu profonde. »
Le Monde comme Vouloir et comme Représentation, 1844, Supplément au livre premier, seconde partie, § XVII "Sur le besoin métaphysique de l'humanité". Traduction Auguste Burdeau revue et corrigée par Richard Roos, Paris : PUF, 1966, 1984.

1854 : Alphonse de Lamartine

« La religion, surtout dans l'Orient, terre théocratique par excellence, est le mobile des peuples. Leur nationalité est dans leur dogme (1), leur destinée est dans leur foi ; l'esprit de migration et de conquête qui les soulève dans leurs steppes natales et qui les dissémine un livre dans une main, un sabre dans l'autre à travers le monde, est surtout l'esprit de prosélytisme. Un prophète, un révélateur, marche avec eux derrière le conquérant. »
Histoire de la Turquie, Paris : Aux bureaux du Constitutionnel, 1854 ; livre premier, I.
1. Cf Marx, la même année. On peut en dire autant des juifs.

« Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l'immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l'homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l'histoire moderne à Mahomet ? Les plus fameux n'ont remué que des armes, des lois; Ils n'ont fondé, quand ils ont fondé quelque chose, que des puissances matérielles écroulées souvent avant eux. Celui-là a remué des armées, des législations, des empires, des peuples, des dynasties, des millions d'hommes sur un tiers du globe habité; mais il a remué, de plus, des idées, des croyances, des âmes. »
Livre premier, XCIV.

« L'inspiration intérieure de Mahomet fut sa seule imposture. Il y avait deux hommes en lui, l'inspiré de la raison et le visionnaire de l'extase. Les inspirations du philosophe furent aidées à son insu par les visions du malade. Ses songes, ses délires, ses évanouissements pendant lesquels son imagination traversait le ciel et conversait avec des êtres imaginaires, lui faisaient à lui-même les illusions qu'il faisait aux autres. La crédulité arabe inventa le reste. »
Livre premier, XC.

« Philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d’idées, restaurateur des dogmes rationnels d’un culte sans images, fondateur de vingt empires terrestres et d’un empire spirituel, voilà Mahomet. A toutes les échelles ou l'on mesure la grandeur humaine, quel homme fut plus grand ? Il n'y a de plus grand que celui qui, en enseignant avant lui le même dogme, avait promulgué en même temps une morale plus pure, qui n'avait pas tiré l'épée pour aider la parole, seul glaive de l'esprit, qui avait donné son sang au lieu de répandre celui de ses frères, et qui avait été martyr au lieu d'être conquérant. Mais celui-là, les hommes l'ont jugé trop grand pour être mesuré à la mesure des hommes, et si sa nature humaine et sa doctrine l'ont fait prophète, même parmi les incrédules, sa vertu et son sacrifice l'ont proclamé Dieu ! »
Livre premier, XC.


1854 : Karl Marx (1818-1883)New-York Herald Tribune, 15 avril 1854 :



" Declaration of War. – On the History of the Eastern Question, London, Tuesday, March 28, 1854 " :

« The Koran and the Musulman legislation emanating from it reduce the geography and ethnography of the various people to the simple and convenient distinction of two nations and of two countries; those of the Faithful and of the Infidels. The Infidel is “harby,” i.e. the enemy. Islamism proscribes the nation of the Infidels, constituting a state of permanent hostility between the Musulman and the unbeliever. In that sense the corsair-ships of the Berber States were the holy fleet of Islam. How, then, is the existence of Christian subjects of the Porte to be reconciled with the Koran ? [« Le Coran et la législation musulmane qui en résulte réduisent la géographie et l’ethnographie des différents peuples à la simple et pratique distinction de deux nations et de deux territoires ; ceux des Fidèles et des Infidèles (1). L’Infidèle est "harby", c’est-à-dire ennemi. L’islam proscrit la nation des Infidèles, établissant un état d’hostilité permanente entre le musulman et l’incroyant. Dans ce sens, les navires pirates des États Berbères furent la flotte sainte de l'Islam. Comment, donc, l'existence de chrétiens sujets de la Porte [l'empire turc]  peut-elle être conciliée avec le Coran ? » ; voir, plus loin, la même idée chez Michel Onfray]

“If a town,” says the Musulman legislation, “surrenders by capitulation, and its habitants consent to become rayahs, that is, subjects of a Musulman prince without abandoning their creed, they have to pay the kharatch (capitation tax), when they obtain a truce with the faithful, and it is not permitted any more to confiscate their estates than to take away their houses ... In this case their old churches form part of their property, with permission to worship therein. But they are not allowed to erect new ones. They have only authority for repairing them, and to reconstruct their decayed portions. At certain epochs commissaries delegated by the provincial governors are to visit the churches and sanctuaries of the Christians, in order to ascertain that no new buildings have been added under pretext of repairs. If a town is conquered by force, the inhabitants retain their churches, but only as places of abode or refuge, without permission to worship.”. »
1. Cf Lamartine : " Leur nationalité est dans leur dogme ".


1848-1883 Ernest RENAN (1823-1892) :

1848 : « La nature humaine, plus forte au fond que tous les systèmes religieux, sait trouver des secrets pour reprendre sa revanche. L'islamisme, par la plus flagrante contradiction, n'a-t-il pas vu dans son sein un développement de science purement rationaliste ? Kepler, Newton, Descartes et la plupart des fondateurs de la science moderne étaient des croyants. Étrange illusion, qui prouve au moins la bonne foi de ceux qui entreprirent cette œuvre, et plus encore la fatalité qui entraîne l'esprit humain engagé dans les voies du rationalisme à une rupture absolue, que d'abord il repousse, avec toute religion positive ! [...] L'islamisme qui, par un étrange destin, à peine constitué comme religion dans ses premières années est allé depuis acquérant sans cesse un nouveau degré de force et de stabilité, l'islamisme périra par l'influence seule de la science européenne, et ce sera notre siècle qui sera désigné par l'histoire comme celui où commencèrent à se poser les causes de cet immense événement. La jeunesse d'Orient, en venant dans les écoles d'Occident puiser la science européenne, emportera avec elle ce qui en est le corollaire inséparable, la méthode rationnelle, l'esprit expérimental, le sens du réel, l'impossibilité de croire à des traditions religieuses évidemment conçues en dehors de toute critique. »
L'Avenir de la science, III.

1862 : « L'Arabe du moins, et dans un sens plus général le musulman, sont aujourd'hui plus éloignés de nous qu'ils ne l'ont jamais été. Le musulman (l'esprit sémitique est surtout représenté de nos jours par l'islam) et l'Européen sont en présence l'un de l'autre comme deux êtres d'une espèce différente, n'ayant rien de commun dans la manière de penser et de sentir. Mais la marche de l'humanité se fait par la luttes des tendances contraires [...]

Dans la science et la philosophie, nous sommes exclusivement Grecs. La recherche des causes, savoir pour savoir, est une chose dont il n'y a nulle trace avant la Grèce, une chose que nous avons apprise d'elle seule. Babylone a eu une science, mais elle n'a pas eu le principe scientifique par excellence, la fixité absolue de lois de la nature. L'Egypte a su de la géométrie, mais elle n'a pas créé les Éléments  d'Euclide. Quand au vieil esprit sémitique, il est de sa nature anti-philosophique et anti-scientifique. [...]
On parle souvent d'une science et d'une philosophie arabes, et, en effet, pendant un siècle ou deux, au Moyen Âge, les Arabes furent bien nos maîtres ; mais c'était en attendant que nous connussions les originaux grecs.
[...]
À l'heure qu'il est, la condition essentielle pour que la civilisation européenne se répande, c'est la destruction de la chose sémitique par excellence, la destruction du pouvoir théocratique de l'islamisme, par conséquent la destruction de l'islamisme ; car l’islamisme ne peut exister que comme religion officielle ; quand on le réduira à l’état de religion libre ou individuelle, il périra. L’islamisme n’est pas seulement une religion d’État, comme l’a été le catholicisme en France, sous Louis XIV, comme il l’est encore en Espagne ; c’est la religion excluant l’État, c’est une organisation dont les États pontificaux seuls en Europe offraient le type. Là est la guerre éternelle, la guerre qui ne cessera que quand le dernier fils d'Ismaël sera mort de misère ou aura été relégué par la terreur au fond du désert. L’islam est la plus complète négation de l’Europe ; l’islam est le fanatisme, comme l'Espagne du temps de Philippe II et l'Italie du temps de Pie V l'ont à peine connu ; l'islam est le dédain de la science, la suppression de la société civile ; c’est l’épouvantable simplicité de l’esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée délicate, à tout sentiment fin, à toute recherche rationnelle, pour le mettre en face d’une éternelle tautologie : Dieu est Dieu. »
De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation, Paris : M. Lévy, 1862.

* * * * *

1883 : « Toute personne un peu instruite des choses de notre temps voit clairement l'infériorité actuelle des pays musulmans, la décadence des États gouvernés par l'islam, la nullité intellectuelle des races qui tiennent uniquement de cette religion leur culture et leur éducation. Tous ceux qui ont été en Orient ou en Afrique sont frappés de ce qu'a de fatalement borné l'esprit d'un vrai croyant, de cette espèce de cercle de fer qui entoure sa tète, la rend absolument fermée à la science, incapable de rien apprendre ni de s'ouvrir à aucune idée nouvelle. À partir de son initiation religieuse, vers l'âge de dix ou douze ans, l'enfant musulman, jusque-là quelquefois assez éveillé, devient tout à coup fanatique, plein d'une sotte fierté de posséder ce qu'il croit la vérité absolue, heureux comme d'un privilège de ce qui fait son infériorité. Ce fol orgueil est le vice radical du musulman. L'apparente simplicité de son culte lui inspire un mépris peu justifié pour les autres religions. Persuadé que Dieu donne la fortune et le pouvoir à qui bon lui semble, sans tenir compte de l'instruction ni du mérite personnel, le musulman a le plus profond mépris pour l'instruction, pour la science, pour tout ce qui constitue l'esprit européen. Le pli inculqué par la foi musulmane est si fort que toutes les différences de race et de nationalité disparaissent par le fait de la conversion à l'islam. Le Berber, le Soudanien, le Circassien, le Malais, l'Égyptien, le Nubien, devenus musulmans, ne sont plus des Berbers, des Soudaniens, des Égyptiens, etc ; ce sont des musulmans. La Perse seule fait ici exception ; elle a su garder son génie propre ; car la Perse a su prendre dans l'islam une place à part ; elle est au fond bien plus chiite que musulmane. […] Rien de plus étranger à tout ce qui peut s'appeler philosophie ou science que le premier siècle de l'islam. Résultat d'une lutte religieuse qui durait depuis plusieurs siècles et tenait la conscience de l'Arabie en suspens entre les diverses formes de monothéisme sémitique, l'islam est à mille lieues de tout ce qui peut s'appeler rationalisme ou science. Les cavaliers arabes qui s'y rattachèrent comme à un prétexte pour conquérir et piller furent, à leur heure, les premiers guerriers du monde ; mais c'étaient assurément les moins philosophes des hommes. […] Omar [Omar ibn al-Khattâb] n’a pas brûlé, comme on le répète souvent, la bibliothèque d'Alexandrie ; cette bibliothèque, de son temps, avait à peu près disparu ; mais le principe qu'il a fait triompher dans le monde était bien en réalité destructeur de la recherche savante et du travail varié de l'esprit. [...] Le terrible coup de vent de l'islam arrêta net, pendant une centaine d'années, tout ce beau développement iranien. […]. Une ville qui a eu dans l'histoire de l'esprit humain un rôle tout à fait à part, la ville de Harran, était restée païenne et avait gardé toute la tradition scientifique de l’antiquité grecque ; […] l'élément vraiment fécond de tout cela venait de la Grèce. […] L'astronomie n'est tolérée que pour la partie qui sert à déterminer la direction de la prière. […] , parmi les philosophes et les savants dits arabes, il n'y en a guère qu'un seul, Alkindi, qui soit d'origine arabe ; » […]
Ernest RENAN : « Les libéraux qui défendent l'islam ne le connaissent pas. L'islam, c'est l'union indiscernable du spirituel et du temporel, c'est le règne d'un dogme, c'est la chaîne la plus lourde que l'humanité ait jamais portée. […] Faire honneur à l’islam de la philosophie et de la science qu'il n'a pas tout d'abord anéanties, c'est comme si l'on faisait honneur aux théologiens des découvertes de la science moderne. […] Faire honneur à l'islam d'Avicenne, d'Avenzoar, d'Averroès, c'est comme si l'on faisait honneur au catholicisme de Galilée [ou au judaïsme de la philosophie de Spinoza, à l'URSS du génie littéraire de Soljénitsyne ]. […] L'islam a réussi pour son malheur. En tuant la science, il s'est tué lui-même, et s'est condamné dans le monde à une complète infériorité. »
L'islamisme et la science, Conférence en Sorbonne le 29 mars 1883, publiée dans Discours et conférences, 1887, reprise dans : Œuvres complètes, tome 1, Calmann-Lévy, 1947, pages 947-965.

Journal des débats, 19 mai 1883 :
" Je n’ai pas dit que tous les musulmans, sans distinction de race, sont et seront toujours des ignorants ; j’ai dit que l’islamisme crée de grandes difficultés à la science et malheureusement a réussi,depuis cinq ou six cents ans, à la supprimer presque dans les pays qu’il détient ; ce qui est pour ces pays une cause d’extrême faiblesse. Je crois, en effet, que la régénération des pays musulmans ne se fera pas par l’islam : elle se fera par l’affaiblissement de l’islam ; comme, du reste, le grand élan des pays dits chrétiens a commencé par la destruction de la puissance tyrannique de l’Église du Moyen âge. Quelques personnes ont vu, dans ma conférence, une pensée malveillante contre les individus professant la religion musulmane. Il n’en est rien ; les musulmans sont les premières victimes de l’islam. Plusieurs fois, j’ai pu observer, dans mes séjours en Orient, que le fanatisme vient d’un petit nombre d’hommes dangereux, qui maintiennent les autres dans la pratique religieuse par la terreur. Émanciper le musulman de sa religion est le meilleur service qu’on puisse lui rendre. En souhaitant à ces populations, chez lesquelles il y a tant de bons éléments, la délivrance du joug qui pèse sur elles, je ne crois pas leur faire un mauvais souhait. Et, puisque le Cheik Gemmal Eddin veut que je tienne la balance égale entre les cultes divers, je ne croirais pas non plus faire un mauvais souhait à certains pays européens en désirant que le christianisme ait chez eux un caractère moins dominateur. " (Texte trouvé sur Disons)

1865 GOBINEAU :
« Mahomet est le prophète de la lutte et de la guerre… Ce qu’il a commencé par faire dans son milieu arabe, c’est le testament qu’il laisse ensuite à l’avenir de sa communauté : guerre aux infidèles, extension non pas tellement de la foi que de sa sphère d’influence, qui est la sphère même de la puissance d’Allah. Ce qui compte pour les guerriers de l’Islam n’est pas tellement la conversion que la soumission des incroyants. » Religions et philosophies dans l'Asie centrale, 1865.

1878 Gustave Flaubert (1821-1880) :
« Sans doute par l’effet de mon vieux sang normand, depuis la guerre d’Orient [1875-1878], je suis indigné contre l’Angleterre, indigné à en devenir Prussien ! Car enfin, que veut-elle ? Qui l’attaque ? Cette prétention de défendre l’Islamisme (qui est en soi une monstruosité) m’exaspère. Je demande, au nom de l’humanité, à ce qu’on broie la Pierre-Noire, pour en jeter les cendres au vent, à ce qu’on détruise la Mecque, et que l’on souille la tombe de Mahomet. Ce serait le moyen de démoraliser le Fanatisme. »
Lettre à Edma Roger des Genettes, 1er mars 1878.

Frédéric Nietzsche (1844-1900)


1890 Jules Napoléon NEY (1849-1900, petit-fils du maréchal Ney) :
« Il est à craindre qu'elle [l'Europe chrétienne] ne se trouve prise entre la marche en avant vers le nord des musulmans d'Afrique et la marche en avant vers l'ouest des musulmans d'Asie. Nous ne parlons pas de la réserve innombrable des peuples de race jaune qui, comme une invasion de sauterelles, viendra achever et clore l'œuvre destructive et dévastatrice si bien commencée par les Mahométans dans une Europe qui a oublié la solidarité qui devrait unir les nations menacées. »
(Napoléon Ney, Un danger européen : Les société secrètes musulmanes, V ; Paris : Georges Carré libraire-éditeur, 1890, page 20).

1899 Winston Churchill (1874-1965) :

« How dreadful are the curses which Mohammedanism lays on its votaries ! Besides the fanatical frenzy, which is as dangerous in a man as hydrophobia in a dog, there is this fearful fatalistic apathy. The effects are apparent in many countries. Improvident habits, slovenly systems of agriculture, sluggish methods of commerce, and insecurity of property exist wherever the followers of the Prophet rule or live. A degraded sensualism deprives this life of its grace and refinement; the next of its dignity and sanctity. The fact that in Mohammedan law every woman must belong to some man as his absolute property - either as a child, a wife, or a concubine - must delay the final extinction of slavery until the faith of Islam has ceased to be a great power among men. Individual Moslems may show splendid qualities. Thousands become the brave and loyal soldiers of the Queen ; all know how to die; but the influence of the religion paralyses the social development of those who follow it. No stronger retrograde force exists in the world. Far from being moribund, Mohammedanism is a militant and proselytizing faith. It has already spread throughout Central Africa, raising fearless warriors at every step; and were it not that Christianity is sheltered in the strong arms of science - the science against which it had vainly struggled - the civilization of modern Europe might fall, as fell the civilization of ancient Rome. » (The River War : An Account of the Reconquest of the Sudan, volume II).
« Combien redoutables sont les malédictions que la religion mahométane fait peser sur ses dévots ! A côté de la frénésie fanatique, aussi dangereuse chez un homme que l'hydrophobie chez un chien, il y a cette effrayante apathie fataliste. Ses effets sont manifestes dans de nombreux pays. Une imprévoyance coutumière, une agriculture négligente, des méthodes de commerce léthargiques, une insécurité de la propriété existent partout où les fidèles du Prophète gouvernent ou vivent. Une sensualité avilie ôte à cette vie ses grâces et ses raffinements, et à la suivante sa dignité et son caractère sacré. [...] Les musulmans peuvent montrer de splendides qualités, mais l'influence de cette religion paralyse le développement social de ses fidèles. Il n'existe pas de plus puissante force rétrograde dans le monde. Loin d'être moribonde, la religion mahométane est une foi militante et prosélyte. Elle s'est déjà étendue à travers l'Afrique Centrale, dressant à chaque étape des guerriers sans peur ; et si la Chrétienté n'était protégée par les bras puissants de la Science, la science contre laquelle elle avait lutté en vain, la civilisation de l'Europe moderne pourrait tomber, comme tomba celle de la Rome antique. »


D / XXe siècle, avant la correction politique :

1905 : Jacob Burckhardt (1818-1897) :

« Celui qui ne cherche pas à exterminer les Musulmans ou n'en a pas les moyens, fait mieux de les laisser tranquilles ; on arrivera peut-être à s'emparer de leurs contrées désertiques, arides et dénudées, mais on ne pourra jamais les contraindre à se soumettre à une forme d'État non-coranique : leur sobriété leur assure une très grande indépendance individuelle, leur système d'esclavage et leur domination sur les Giaours leur permettent de maintenir intact leur mépris du travail – exception faite du travail agricole – mépris qui est nécessaire à leur pathos.

Le régime ottoman révèle une singulière continuité qui s'explique peut-être par un épuisement des forces destinées à une possible usurpation. Mais tout rapprochement avec la culture occidentale semble être absolument pernicieux pour les Musulmans, à commencer par les emprunts et les dettes d'État. »
Considérations sur l'histoire universelle (posthume, 1905), III, 3, « L'État conditionné par la religion ».

Extrait d'Andrew Roberts, Churchill


1910 : Alain Quellien :




« L'Islamophobie. — Il y a toujours eu, et il y a encore, un préjugé contre l'Islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne. Pour d'aucuns, le musulman est l'ennemi naturel et irréconciliable du chrétien et de l'Européen, l'islamisme est la négation de la civilisation, et la barbarie, la mauvaise foi et la cruauté sont tout ce qu'on peut attendre de mieux des mahométans. [...] Il semble que cette prévention contre l'Islam soit un peu exagérée, le musulman n'est pas l'ennemi né de l'Européen (1), mais il peut le devenir par suite de circonstances locales et notamment lorsqu'il résiste à la conquête à main armée. » (Alain Quellien, La Politique musulmane dans l'Afrique occidentale française, seconde partie " La politique musulmane ", chapitre premier " Reproches adressés à l'Islam dans l'Afrique Occidentale ", pages 133-135, Paris : Émile Larose, 1910).
1. On a vu plus haut que Karl Marx était d'un avis contraire.

Page 135




1920 RUSSELL : L'islam et le bolchévisme sont des totalitarismes.

" Bolshevism combines the characteristics of the French Revolution with those of the rise of Islam; and the result is something radically new, which can only be understood by a patient and passionate effort of imagination. [...] Bolshevism is not merely a political doctrine; it is also a religion, with elaborate dogmas and inspired scriptures." (Bertrand Russell, The Practice and Theory of Bolshevism, Preface, London : Allen and Unwin, 1920)
" Among religions, Bolshevism is to be reckoned with Mohammedanism rather than with Christianity and Buddhism. Christianity and Buddhism are primarily personal religions, with mystical doctrines and a love of contemplation. Mohammedanism and Bolshevism are practical, social, unspiritual, concerned to win the empire of this world. Their founders would not have resisted the third of the temptations in the wilderness. What Mohammedanism did for the Arabs, Bolshevism may do for the Russians. " (The Practice and Theory of Bolshevism, Part I, IX).


1926 : Charles MAURRAS (1868-1952) :

« Nous sommes probablement en train de faire une grosse sottise. Cette mosquée en plein Paris ne me dit rien de bon. Il n'y a peut-être pas de réveil de l'Islam, auquel cas tout ce que je dis ne tient pas et tout ce que l'on fait se trouve aussi être la plus vaine des choses. Mais, s'il y a un réveil de l'Islam, et je ne crois pas que l'on en puisse douter, un trophée de cette foi coranique sur cette colline Sainte-Geneviève où enseignèrent tous les plus grands docteurs de la chrétienté anti-islamique représente plus qu'une offense à notre passé : une menace pour notre avenir. On pouvait accorder à l'Islam, chez lui, toutes les garanties et tous les respects. Bonaparte pouvait se déchausser dans la mosquée, et le maréchal Lyautey user des plus éloquentes figures pour affirmer la fraternité de tous les croyants : c'étaient choses lointaines, affaires d'Afrique ou d'Asie. Mais en France, chez les Protecteurs et chez les Vainqueurs, du simple point de vue politique, la construction officielle de la mosquée et surtout son inauguration en grande pompe républicaine, exprime quelque chose qui ressemble à une pénétration de notre pays et à sa prise de possession par nos sujets ou nos protégés. Ceux-ci la tiendront immanquablement pour un obscur aveu de faiblesse. Quelqu'un me disait hier : — Qui colonise désormais ? Qui est colonisé ? Eux ou nous ?
J'aperçois, de-ci de-là, tel sourire supérieur. J'entends, je lis telles déclarations sur l'égalité des cultes et des races. On sera sage de ne pas les laisser propager trop loin d'ici par des haut-parleurs trop puissants. Le conquérant trop attentif à la foi du conquis est un conquérant qui ne dure guère.
Nous venons de transgresser les justes bornes de la tolérance, du respect et de l'amitié. Nous venons de commettre le crime d'excès. Fasse le ciel que nous n'ayons pas à le payer avant peu et que les nobles races auxquelles nous avons dû un concours si précieux (durant la Grande Guerre) ne soient jamais grisées par leur sentiment de notre faiblesse. » Action française (quotidien), 13 juillet 1926, " La Politique ", II, " La mosquée ".


1933 : André GIDE ;
" Ce jeune musulman, élève de [Louis] Massignon, qui vint un matin me parler et que j'envoyai à Marcel de Coppet : avec des larmes, des sanglots dans la voix, il racontait sa conviction profonde : l'Islam seul était en possession de la vérité qui pouvait apporter la paix au monde, résoudre les problèmes sociaux, concilier les plus irréductibles antagonismes des nations... [Nicolas] Berdiaeff réserve ce rôle à l'orthodoxie grecque. De même le catholique ou le juif, chacun à sa religion propre. C'est au nom de Dieu qu'on se battra. Et comment en serait-il autrement, du moment que chaque religion prétend au monopole de la vérité révélée ? Car il ne s'agit plus ici de morale ; mais bien de révélation. C'est ainsi que les religions, chacune prétendant unir tous les hommes, les divisent. " (Journal, 14 avril 1933)

1934 :  John M. Keynes (1883-1946) :

"My feelings about Das Kapital are the same as my feelings about the Koran. I know that it is historically important and I know that many people, not all of whom are idiots, find it a sort of Rock of Ages and containing inspiration. Yet when I look into it, it is to me inexplicable that it can have this effect. Its dreary, out-of-date, academic controversialising seems so extraordinarily unsuitable as material for the purpose. But then, as I have said, I feel just the same about the Koran. How could either of these books carry fire and sword round half the world ? It beats me. Clearly there is some defect in my understanding. Do you believe both Das Kapital and the Koran ? " (Lettre à George Bernard Shaw, 2 décembre 1934).


1955 : Claude Lévi-Strauss (1908-2009) :

« L’Islam me déconcertait par une attitude envers l’histoire contradictoire à la nôtre et contradictoire en elle-même : le souci de fonder une tradition s’accompagnait d’un appétit destructeur de toutes les traditions antérieures. […].
Pourquoi l’art musulman s’effondre-t-il si complètement dès qu’il cesse d’être à son apogée ? Il passe sans transition du palais au bazar. N’est-ce pas une conséquence de la répudiation des images ? L’artiste, privé de tout contact avec le réel, perpétue une convention tellement exsangue qu’elle ne peut être rajeunie ni fécondée. Elle est soutenue par l’or, ou elle s’écroule. [...]
Si l’on excepte les forts, les musulmans n’ont construit dans l’Inde que des temples et des tombes. Mais les forts étaient des palais habités, tandis que les tombes et les temples sont des palais inoccupés. On éprouve, ici encore, la difficulté pour l’Islam de penser la solitude. Pour lui, la vie est d’abord communauté, et le mort s’installe toujours dans le cadre d’une communauté, dépourvue de participants. [...]
N’est-ce pas l’image de la civilisation musulmane qui associe les raffinements les plus rares - palais de pierres précieuses, fontaines d’eau de rose, mets recouverts de feuilles d’or, tabac à fumer mêlé de perles pilées - servant de couverture à la rusticité des mœurs et à la bigoterie qui imprègne la pensée morale et religieuse ?

Sur le plan esthétique, le puritanisme islamique, renonçant à abolir la sensualité, s’est contenté de la réduire à ses formes mineures : parfums, dentelles, broderies et jardins. Sur le plan moral, on se heurte à la même équivoque d’une tolérance affichée en dépit d’un prosélytisme dont le caractère compulsif est évident. En fait, le contact des non-musulmans les angoisse. Leur genre de vie provincial se perpétue sous la menace d’autres genres de vie, plus libres et plus souples que le leur, et qui risquent de l’altérer par la seule contiguïté.

Plutôt que de parler de tolérance, il vaudrait mieux dire que cette tolérance, dans la mesure où elle existe, est une perpétuelle victoire sur eux-mêmes. En la préconisant, le Prophète les a placés dans une situation de crise permanente, qui résulte de la contradiction entre la portée universelle de la révélation et la pluralité des fois religieuses. Il y a là une situation paradoxale au sens "pavlovien" , génératrice d’anxiété d’une part et de complaisance en soi-même de l’autre, puisqu’on se croit capable, grâce à l’Islam, de surmonter un pareil conflit. En vain d’ailleurs : comme le remarquait un jour devant moi un philosophe indien, les musulmans tirent vanité de ce qu’ils professent la valeur universelle de grands principes - liberté, égalité, tolérance - et ils révoquent le crédit à quoi ils prétendent en affirmant du même jet qu’ils sont les seuls à les pratiquer.

Un jour à Karachi, je me trouvais en compagnie de Sages musulmans, universitaires ou religieux. À les entendre vanter la supériorité de leur système, j’étais frappé de constater avec quelle insistance ils revenaient à un seul argument : sa simplicité. La législation islamique en matière d'héritage est meilleure que l'hindoue, parce qu'elle est plus simple. [...] Tout l’Islam semble être, en effet, une méthode pour développer dans l’esprit des croyants des conflits insurmontables, quitte à les sauver par la suite en leur proposant des solutions d’une très grande (mais trop grande) simplicité. D’une main on les précipite, de l’autre on les retient au bord de l’abîme. Vous inquiétez-vous de la vertu de vos épouses ou de vos filles pendant que vous êtes en campagne ? Rien de plus simple, voilez-les et cloîtrez-les. C’est ainsi qu’on en arrive au burkah moderne, semblable à un appareil orthopédique [...].
Chez les Musulmans, manger avec les doigts devient un système : nul ne saisit l’os de la viande pour en ronger la chair. De la seule main utilisable (la gauche étant impure, parce que réservée aux ablutions intimes) on pétrit, on arrache les lambeaux et quand on a soif, la main graisseuse empoigne le verre. En observant ces manières de table qui valent bien les autres, mais qui du point de vue occidental, semblent faire ostentation de sans-gêne, on se demande jusqu’à quel point la coutume, plutôt que vestige archaïque, ne résulte pas d’une réforme voulue par le Prophète - " ne faites pas comme les autres peuples, qui mangent avec un couteau " - inspiré par le même souci, inconscient sans doute, d’infantilisation systématique, d’imposition homosexuelle de la communauté par la promiscuité qui ressort des rituels de propreté après le repas, quand tout le monde se lave les mains, se gargarise, éructe et crache dans la même cuvette, mettant en commun, dans une indifférence terriblement autiste, la même peur de l’impureté associée au même exhibitionnisme. […]

Grande religion qui se fonde moins sur l’évidence d’une révélation que sur l’impuissance à nouer des liens au-dehors. En face de la bienveillance universelle du bouddhisme, du désir chrétien de dialogue, l’intolérance musulmane adopte une forme inconsciente chez ceux qui s’en rendent coupables ; car s’ils ne cherchent pas toujours, de façon brutale, à amener autrui à partager leur vérité, ils sont pourtant (et c’est plus grave) incapables de supporter l’existence d’autrui comme autrui. Le seul moyen pour eux de se mettre à l’abri du doute et de l’humiliation consiste dans une "néantisation" d’autrui, considéré comme témoin d’une autre foi et d’une autre conduite. La fraternité islamique est la converse d’une exclusive contre les infidèles qui ne peut pas s’avouer, puisque, en se reconnaissant comme telle, elle équivaudrait à les reconnaître eux-mêmes comme existants. [...] Ce malaise ressenti au voisinage de l’Islam, je n’en connais que trop les raisons : je retrouve en lui l’univers d’où je viens ; l’Islam, c’est l’Occident de l’Orient. Plus précisément encore, il m’a fallu rencontrer l’Islam pour mesurer le péril qui menace aujourd’hui la pensée française. Je pardonne mal au premier de me présenter notre image, de m’obliger à constater combien la France est en train de devenir musulmane. [...] Si, pourtant, une France de quarante-cinq millions d’habitants s’ouvrait largement sur la base de l’égalité des droits, pour admettre vingt-cinq millions de citoyens musulmans, même en grande proportion illettrés, elle n’entreprendrait pas une démarche plus audacieuse que celle à quoi l’Amérique dut de ne pas rester une petite province du monde anglo-saxon. [...] pari dont l’enjeu est aussi grave que celui que nous refusons de risquer.

Le pourrons-nous jamais ? En s’ajoutant, deux forces régressives voient-elles leur direction s’inverser ? (…) [I]ci, à Taxila, dans ces monastères bouddhistes que l’influence grecque a fait bourgeonner de statues, je suis confronté à cette chance fugitive qu’eut notre Ancien Monde de rester un ; la scission n’est pas encore accomplie. Un autre destin est possible, celui, précisément, que l’Islam interdit en dressant sa barrière entre un Occident et un Orient qui, sans lui, n’auraient peut-être pas perdu leur attachement au sol commun où ils plongent leurs racines. (…)
[...]
L’évolution rationnelle est à l’inverse de celle de l’histoire : l’Islam a coupé en deux un monde plus civilisé. Ce qui lui paraît actuel relève d’une époque révolue, il vit dans un décalage millénaire. Il a su accomplir une œuvre révolutionnaire ; mais comme celle-ci s’appliquait à une fraction attardée de l’humanité, en ensemençant le réel il a stérilisé le virtuel : il a déterminé un progrès qui est l’envers d’un projet. » Tristes Tropiques, 9e partie "Le retour", chapitre xxxix, Paris : Plon, 1955, collection Terre Humaine.


1956 André MALRAUX (1901-1976) :

« C'est le grand phénomène de notre époque que la violence de la poussée islamique. Sous-estimée par la plupart de nos contemporains, cette montée de l'islam est analogiquement comparable aux débuts du communisme du temps de Lénine. Les conséquences de ce phénomène sont encore imprévisibles. À l'origine de la révolution marxiste, on croyait pouvoir endiguer le courant par des solutions partielles. Ni le christianisme, ni les organisations patronales ou ouvrières n'ont trouvé la réponse. De même aujourd'hui, le monde occidental ne semble guère préparé à affronter le problème de l'islam. En théorie, la solution paraît d'ailleurs extrêmement difficile. Peut-être serait-elle possible en pratique si, pour nous borner à l'aspect français de la question, celle-ci était pensée et appliquée par un véritable homme d'État. Les données actuelles du problème portent à croire que des formes variées de dictature musulmane vont s'établir successivement à travers le monde arabe. Quand je dis « musulmane » je pense moins aux structures religieuses qu'aux structures temporelles découlant de la doctrine de Mahomet. Dès maintenant, le sultan du Maroc [Mohammed V] est dépassé et [Habib] Bourguiba ne conservera le pouvoir qu'en devenant une sorte de dictateur. Peut-être des solutions partielles auraient-elles suffi à endiguer le courant de l'islam, si elles avaient été appliquées à temps. Actuellement, il est trop tard ! Les « misérables » ont d'ailleurs peu à perdre.

Ils préféreront conserver leur misère à l'intérieur d'une communauté musulmane. Leur sort sans doute restera inchangé. Nous avons d'eux une conception trop occidentale. Aux bienfaits que nous prétendons pouvoir leur apporter, ils préféreront l'avenir de leur race. L'Afrique noire ne restera pas longtemps insensible à ce processus. Tout ce que nous pouvons faire, c'est prendre conscience de la gravité du phénomène et tenter d'en retarder l'évolution. »
3 juin 1956.
Elisabeth de Miribel, transcription par sténographie. Source Institut Charles de Gaulle. Valeurs Actuelles, n° 3395. 

© http://malraux.org/note-sur-lislam-1956/, 3 décembre 2009 et 24 février 2010


1959 : Charles DE GAULLE


« Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. Qu'on ne se raconte pas d'histoire! Les musulmans, vous êtes allés les voir ? Vous les avez regardés avec leurs turbans et leurs djellabas ? Vous voyez bien que ce ne sont pas des Français. Ceux qui prônent l'intégration ont une cervelle de colibri, même s'ils sont très savants.

Essayez d'intégrer de l'huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d'un moment, ils se sépareront de nouveau. Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français. Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante? Si nous faisions l'intégration, si tous les Arabes et les Berbères d'Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherez-vous de venir s'installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s'appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées. » 
Rapporté par Alain Peyrefitte dans C'était De Gaulle, Paris : Fallois/Fayard, 1994 ; daté du 5 mars 1959.

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1966 : Elias Canetti (1905-1994) : 

[page 151] Dans l'islam, comme dans toutes les religions, la plus grande importance revient aux masses invisibles. Mais plus nettement marquées que dans les autres religions universelles, ce sont ici des masses invisibles doubles qui se font face.
  Dès que retentit la trompette du Jugement dernier, tous les morts sortent de leurs tombeaux et se rendent en tout hâte, comme à un commandement militaire, au champ du Jugement. Ils se présentent alors devant Dieu, en deux groupes immenses et séparés, d'un côté les croyants, les incroyants de l'autre, et Dieu les juge séparément.
  Toutes les générations humaines sont ainsi rassemblées, et chacun a l'impression de n'avoir été mis au tombeau que la veille. Personne n'a la moindre idée des immenses espaces de temps pendant lesquels il a pu rester au tombeau. Sa mort fut sans rêve et sans mémoire. Mais tout le monde entend le son de la trompette. « Ce jour-là les hommes se présenteront par troupes. » Il est constamment question dans le Coran des troupes de ce grand moment. C'est la représentation de masse la plus vaste dont soit capable un mahométan croyant. Personne ne peut imaginer un nombre d'êtres humains plus grand que celui de tous ceux qui ont jamais vécu, poussés en rangs serrés en un seul endroit. C'est la seule masse qui ne s'accroisse plus, et sa densité est extrême, puisque chacun de ceux qui la constituent se présente à ce même endroit devant son juge.
  Mais en dépit de son étendue et de sa densité, elle reste du début à la fin divisée en deux. Chacun sait parfaitement ce qui l'attend : l'espoir est chez les uns, l'effroi chez les autres. « Ce jour-là, il y aura des visages radieux, qui riront dans la joie ; et ce jour-là il y aura des visages couverts de poussière, recouverts de ténèbres, ce sont les incroyants, les impies. » Comme il s'agit d'une sentence absolument juste, – toute action est enregistrée et attestée par écrit –, nul ne saurait échapper à la moitié à laquelle il appartient de droit. Dans l'islam, la bipartition de la masse est inconditionnée, elle sépare la troupe des croyants de celle des incroyants. Leur destin, qui restera à jamais séparé, est de se combattre entre elles. La guerre sainte est un devoir sacré, et c'est ainsi que, dès cette vie, est préfigurée dans chaque bataille, quoique avec moins d'ampleur, la masse double du Jugement dernier.
  Le mahométan garde sous les yeux l'image différente d'un devoir non moins sacré : le pèlerinage à La Mecque. Il s'agit ici d'une masse lente, qui se forme progressivement par l'afflux venu de toutes les terres. Suivant la distance à laquelle le [p. 152] croyant habite de La Mecque, elle peut s'étendre sur des semaines, des mois, voire des années. Le devoir d'accomplir ce pèlerinage au moins une fois dans sa vie colore toute l'existence terrestre de l'individu. Qui n'a pas été de ce pèlerinage n'a pas réellement vécu. C'est une expérience qui englobe pour ainsi dire le domaine tout entier qu'a recouvert la foi et le concentre en ce lieu unique d'où elle est partie. Cette masse de pèlerins est pacifique. Elle se consacre uniquement à atteindre son but. Sa tâche n'est pas de soumettre les incroyants, elle n'a que le devoir de parvenir à l'endroit prescrit et d'y avoir été.
  C'est un singulier miracle qu'une ville de l'importance de La Mecque puisse contenir ces troupes innombrables de pèlerins. Le pèlerin espagnol Ibn Jubayr [1145-1217], qui fut à La Mecque vers la fin du XIIe siècle et en a laissé une description détaillée, est d'avis que même la plus grande ville du monde n'aurait pas assez de place pour tant de gens. Mais La Mecque, ajoute-t-il, a reçu en grâce une extensibilité particulière en faveur des masses ; on ne peut que la comparer à une femme enceinte qui se fait plus petite ou plus grande suivant la taille de l'embryon qu'elle porte.
[...]
Quand le temps de paix est passé, la guerre sainte reprend ses droits. « Mahomet, dit un des meilleurs connaisseurs de l’Islam [Gobineau, dans Religions et philosophies dans l'Asie centrale, 1865], est le prophète de la lutte et de la guerre… Ce qu’il a commencé par faire dans son milieu arabe, c’est le testament qu’il laisse ensuite à l’avenir de sa communauté : guerre aux infidèles, extension non pas tellement de la foi que de sa sphère d’influence, qui est la sphère même de la puissance d’Allah. Ce qui compte pour les guerriers de l’Islam n’est pas tellement la conversion que la soumission des incroyants. »
  Le Coran, le livre du prophète inspiré par Dieu, ne laisse aucun doute là-dessus. « Quand les mois saints sont passés, tuez les incroyants où que vous les trouviez ; saisissez-vous d'eux, refoulez-les et tendez-leur toutes les embuscades que vous pourrez. [Sourate IX, versets 4-5] » ».
[Masse und Macht [Foules et pouvoir , ou] Masse et puissance, (1960), chapitre III, « Meute et religion », § 6, « L’Islam, religion guerrière ». [Elias CANETTI, Masse et puissance, traduit de l'allemand par Robert Rovini, Paris : Gallimard, 1966, collection "Bibliothèque des Science Humaines"].
[p. 153 :] « Les religions de la lamentation funèbre ont marqué le visage de la Terre. Elles ont atteint dans le christianisme à une sorte de validité universelle. La meute qui leur sert de support n'a qu'une brève existence. [...]
  La légende autour de laquelle elle se forme est celle d'un homme ou d'un dieu qui a péri injustement. C'est toujours l'histoire d'une persécution, qu'il s'agisse d'une chasse ou d'une poursuite. Il peut s'y rattacher aussi un procès inique.
[p. 156 :] « [...] La plus importante des religions funèbres est le christianisme. Nous aurons à reparler de sa forme catholique. Quant aux grands moments du christianisme, aux moments de véritable émotion de masse, ce n'est pas celui de la lamentation authentique, devenue rare, que nous décrirons, mais un autre : la solennité de la résurrection dans l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem..
  La lamentation funèbre elle-même, meute passionnée qui s'ouvre en véritable masse, la voici, imposante et inoubliable, dans la fête chiite du moharrem. »
Chapitre III, § 7, « Religions funèbres ».

  « L’Islam, qui a tous les traits évidents d'une religion guerrière, a donné naissance, par scission, à une religion funèbre, celle des chiites. Il n'en est pas de plus concentrée, de plus extrême. C'est la religion officielle de l'Iran et du Yémen. Elle est très répandue aux Indes et en Irak. 
  Les chiites croient en un chef spirituel et temporel de leur communauté, qu'ils appellent l'iman. Sa position est plus marquante que celle du pape. Il est le dépositaire de la lumière divine. Il est infaillible. Seul le fidèle attaché à son iman peut être sauvé. « Qui meurt sans connaître le vrai iman de son temps, meurt de la mort de l'incroyant. ».
  L'iman descend du prophète en ligne directe. Ali, gendre de Mahomet, marié à sa fille Fatima, passe pour le premier iman. Le prophète a confié à Ali certaines connaissances qu'il cachait à d'autres de ses adeptes, et elles se transmettent dans sa famille.Il a expressément nommé Ali son successeur, tant pour l'enseignement de la doctrine que pour le gouvernement. Le prophète lui-même a disposé qu'Ali est l'Élu ; à lui seul revient le titre de « souverain des croyants ». Les fils d'Ali, Hassan et Hussein, ont ensuite hérité cette fonction de lui ; ils étaient les petits-fils du prophète ; Hassan fut le deuxième iman, Hussein le troisième. Qui d'autre s'arrogeait le gouveernement des croyants était un usurpateur.
  L'histoire politique de l'islam après la mort de Mahomet aida grandement à la formation d'une légende autour d'Ali et de ses fils. Ali ne fut pas tout de suite élu au califat. Au cours [page 157] des vingt-quatre années qui suivirent la mort de Mahomet, trois autres de ses frères d'armes revêtirent l'un après l'autre cette dignité suprême. [...]
  La religion des chiites est centrée sur les souffrances de son cadet Hussein. Tout le contraire d'Hassan, il était réservé et sérieux, et menait une vie calme à Médine. Bien qu'il fut devenu chef du chiisme à la mort de son frère, il ne se mêla de longtemps à aucune agitation politique. Mais quand le calife de Damas mourut et que son fils voulut prendre sa succession, Hussein lui refusa sa soumission. [...]
  Les « épreuves de la race du prophète » sont devenues le thème propre de la littérature religieuse des chiites. « On reconnait, dit-on, les vrais croyants de ce proupe à leur corps amaigri de privations, à  leurs lèvres desséchées par la soif et à leurs yeux chassieux à force de pleurer. Le vrai chiite est persé- [p. 158] cuté et misérable comme la famille pour laquelle il prend fait et cause et souffre. On considère bientôt que c'est la vocation de la famille du prophète que de subir tourments et persécutions. »
  Depuis la tragique journée de Kerbéla, l'histoire de cette famille est une suite continuelle de souffrances et de tourments. Une riche littérature de martyrologes s'attache à les narrer en poésie et en prose. Ils font l'objet des réunions de chiites pendant le premier tiers du mois de moharrem dont le dixième jour (achourah) est considéré comme l'anniversaire de la tragédie de Kerbéla. « Nos commémorations sont nos réunions funèbres » est la conclusion que donne un prince d'esprit chiite à un poème dans lequel il commémore les nombreuses épreuves de la famille du prophète. Pleurer, se lamenter et s'affliger à cause des malheurs et des persécutions de la famille d'Ali, de son martyrologe, voilà tout ce qui compte pour le vrai fidèle. [...]
  La contemplation de la personne et du destin d'Hussein est au centre sentimental de la foi. C'est la grande source de l'expérience religieuse. L'interprétation de sa mort en a fait un sacrifice volontaire, c'est par ses souffrances que les saints entrent au paradis. L'idée d'un médiateur est étrangère à l'islam, à l'origine. Elle est devenue prépondérante chez les chiites depuis la mort d'Hussein.
[...]
[p. 160] « Les vrais jeux de la passion, dans lesquels sont représentés dramatiquement les souffrances d'Hussein, ne sont devenus institution permanente que vers le début du XIXe siècle. [Joseph Arthur de ] Gobineau [1816-1882], qui a fait de longs séjours en Perse au milieu du siècle et plus tard, en a donné une relation captivante.
 [...]
[p. 163] « Tout ce qui va se passer est de toute façon connu des spectateurs, il ne s'agit pas ici de tension dramatique, au sens que nous donnons à ce mot, mais d'une parfaite participation. [...] Le cortège fait halte près d'un monastère chrétien : dès que l'abbé aperçoit la tête du martyr, il abjure sa foi et professe la religion de l'islam. [...] Aucune religion n'a plus fortement insisté sur la lamentation. »
Chapitre III, « Meute et religion », §  8, « La fête du Moharrem chez les chiites ».

« Un examen sans prévention découvre dans le catholicisme une certaine lenteur, un calme, alliés à une grande ampleur. Sa principale maxime, offrir une place à tout le monde, est déjà contenue dans son nom.»
§ 9, «Masse et catholicisme »

  « Une foule énorme de pèlerins (parfois six cent, sept cent mille) a pris position dans une cuvette entourée de hauteurs dénudées et se presse vers le « mont de la Commisération » qui en occupe le centre. Un prédicateur se tient en haut à l’endroit où se tint jadis le prophète, et fait un sermon solennel.
  La foule lui répond en clamant : « Labbeika ya Rabbi, labbeika ! Nous attendons tes ordres, Seigneur, nous attendons tes ordres ! » Cet appel est répété sans arrêt au cours de la journée et atteint au délire. Puis, dans une sorte de subite peur collective – appelée ifâdha, fleuve –, tous s’enfuient, comme possédés, de l’Harafat jusqu’à la localité voisine, Mozdalifa, où ils passent la nuit, et le lendemain matin ils fuient Mozdalifa en direction de Mina. Tout le monde se précipite pêle-mêle, se heurte et se piétine, cette ruée coûte la vie à plusieurs pèlerins d’habitude. A Mina, on abat ensuite une énorme quantité d’animaux qui sont offerts en sacrifice ; leur chair est aussitôt consommée en commun. Le sol est imbibé de sang et parsemé de reliefs.
  La station sur l'Harafat est le moment où l'attente d'ordres des masses de fidèles atteint son maximum d'intensité. C'est ce qu'exprime nettement la formule mille fois répétée dans sa concision : « Nous attendons tes ordres, Seigneur, nous attendons tes ordres ! » L’Islam, la résignation, est ici réduit à son plus simple dénominateur, état dans lequel les gens ne pensent plus qu’aux ordres du Seigneur et les appellent de toute leur force. Quant à la peut subite qui intervient à un signal et aboutit à une fuite en masse sans pareille, il y en a une explication probante : c'est le caractère ancien de l'ordre, qui est un ordre de fuite, qui perce en l'occurrence, mais sans que les croyants puissent savoir pourquoi il en est ainsi. L'intensité de leur attente en masse porte à son comble l'effet de l'ordre divin, jusqu'à ce qu'il redevienne soudain ce que tout ordre était à l'origine, un ordre de fuite. C'est l'ordre de Dieu qui met les hommes en fuite. La continuation de cette fuite le lendemain, après une nuit passée à Mozdalifa, montre que l'effet de l'ordre ne s'est toujours pas épuisé.
  Selon la croyance de l'islam, c'est l'ordre direct de Dieu qui apporte la mort aux hommes. Ils essayent d'échapper à cette mort ; mais ils la reportent sur les animaux qu'ils abattent à Mina, terminus de leur fuite. Les animaux tiennent ici la place des hommes, substitution courante dans beaucoup de religions : pensons au sacrifice d'Abraham. Les hommes échappent ainsi au bain de sang que Dieu leur avait destiné. Ils se sont soumis à son ordre, si bien même qu'ils ont pris la fuite devant lui, et cependant ils ne l'ont pas frustré du sang qui lui revient : le sol est finalement imbibé du sang des animaux abattus en masse. »
Chapitre VIII, « L’ordre », § 6, « L’attente des ordres chez les pèlerins du mont Harafat ». [Merci à Jean-Baptiste de Morizur ; les notes entre crochets sont de Cl. C.]


E / Depuis la correction politique :


1995 RICŒUR (1913-2005) :



« Notre laïcité ne peut être perçue par les musulmans que comme une idée folle issue d'une religion fausse ; lorsqu'un imam entend dire que les lois de la République sont supérieures à celles de la religion, il entend quelque chose qui est tout simplement inconcevable pour lui. » (Paul Ricœur, La Critique et la conviction, Paris : Calmann-Lévy, 1995).


1996 : Samuel P. Huntington (1927-2008) :

« Muslim Arabs received, valued, and made use of their "Hellenic inheritance for essentially utilitarian reasons. Being mostly interested in borrowing [l’emprunt de] certain external forms or technical aspects, the knew how to disregard all elements in the Greek body of thought that would conflict with the 'truth' as established in their fundamental Koranic norms and precepts" [Adda B. Bozeman, "Civilizations under stress", Virginia Quarterly Review, Winter '75 (51), page 7] »
(The Clash of Civilizations, New York : Simon and Schuster, 1996, chapter 3)
« The argument is made that Islam has from the start been a religion of the sword [l’épée] and that it glorifies military virtues. Islam originates among "warring Bedouin nomadic tribes" and this "violent origin is stamped in the foundation of Islam. Muhammad himself is remembered as a hard fighter and a skillfull military commander" [James L. Payne, Why Nations Arm, Oxford : B. Blckwell, 1989, pages 125, 127]. (No one would say this about Christ or Buddha.) The doctrines of Islam, it is argued, dictate war against unbelievers [incroyants], and when the initial expansion of Islam tapered off [se ralentit], Muslim groups, quite contrary to doctrine, then fought among themselves. The ratio of fitna or internal conflicts to jihad shifted drastically in favor of the former. The Koran and other statements of Muslim beliefs contain few [peu de] prohibitions on violence, and a concept of nonviolence is absent from Muslim doctrine and practice. » (The Clash ..., chapter 10)


1999 : Pape Jean-Paul II


Michel Houellebecq (Michel Thomas, né en 1956, prix Goncourt 2010) :

2001 : « Depuis l'apparition de l'islam, plus rien. Le néant intellectuel absolu, le vide total. Nous sommes devenus un pays de mendiants pouilleux. Des mendiants pleins de poux, voilà ce que nous sommes. Racaille, racaille [...], il faut vous souvenir cher monsieur que l'islam est né en plein désert, au milieu de scorpions, de chameaux et d'animaux féroces de toutes espèces. Savez-vous comment j'appelle les musulmans? Les minables du Sahara. Voilà le seul nom qu'ils méritent [...]. L'islam ne pouvait naître que dans un désert stupide, au milieu de bédouins crasseux qui n'avaient rien d'autre à faire ­ pardonnez-moi ­ que d'enculer leurs chameaux. » (Plateforme, Paris : Flammarion, 2001)

Platerforme, 2001. Merci à @EugenieBastie


2001 : « La lecture du Coran est une chose dégoûtante. Dès que l'islam naît, il se signale par sa volonté de soumettre le monde. Dans sa période hégémonique, il a pu apparaître comme raffiné et tolérant. Mais sa nature, c'est de soumettre. C'est une religion belliqueuse, intolérante, qui rend les gens malheureux. » Figaro Magazine, 25 août ­2001)

2001 : « Je me suis dit que le fait de croire à un seul Dieu était le fait d’un crétin, je ne trouvais pas d’autre mot. Et la religion la plus con, c’est quand même l’islam. Quand on lit le Coran, on est effondré … effondré ! La Bible, au moins, c’est très beau, parce que les juifs ont un sacré talent littéraire … ce qui peut excuser beaucoup de choses. […] L’islam est une religion dangereuse, et ce depuis son apparition. Heureusement, il est condamné. D’une part, parce que Dieu n’existe pas, et que même si on est con, on finit par s’en rendre compte. À long terme, la vérité triomphe. D’autre part l’islam est miné de l’intérieur par le capitalisme. Tout ce qu’on peut souhaiter, c’est qu’il triomphe rapidement. Le matérialisme est un moindre mal. Ses valeurs sont méprisables, mais quand même moins destructrices, moins cruelles que celles de l’islam. » (Lire, septembre 2001, pages 31-32).

M. H. fut accusé d'islamophobie ou de racisme anti-musulmans par des associations islamo-musulmanes, il revendiqua le droit de critiquer les religions monothéistes :
« Les textes fondamentaux monothéistes ne prêchent ni la paix, ni l'amour, ni la tolérance. Dès le départ, ce sont des textes de haine ». 
Le MRAP et la Ligue française des droits de l'homme (LDH) qui lui intentèrent procès furent déboutés, le tribunal constatant que ces propos relevaient du droit de critiquer des doctrines religieuses et que la critique d'une religion ne pouvait s'apparenter à des propos racistes (TGI de Paris, XVIIe chambre correctionnelle, 22 octobre 2002).

Robert Redeker (né en 1954) :

2001 : « QUE penser de la "pétition des 113" intellectuels (devenus 500) en faveur de la paix (Le Monde daté 21-22 octobre) ? Voilà une action qui est traversée par la nostalgie d'un combat commun avec le monde militant et avec le monde opprimé. Retrouver une posture que les dernières décennies du XXe siècle avaient effacée ; gommer le déchirement, survenu au moment de la critique du totalitarisme, entre l'intellectuel et le militant : voilà la tâche de cette nostalgie.

Ecrire, publier, pétitionner, militer sous le souffle grisant du vent de l'histoire : voilà l'âme de cette nostalgie. Ce pacifisme est habité par le désir de reconstituer une intime articulation entre "les intellectuels" et "le prolétariat", comme elle a pu exister jadis, à ceci près que le prolétariat a déclaré forfait, s'éclipsant de l'histoire.

Perdu le prolétariat ? Qu'à Clio ne plaise ! Un remplaçant lui a été trouvé : l'opprimé du tiers-monde, de préférence musulman. Dans leur précipitation, les pétitionnaires, nostalgiques d'une fusion holiste entre les intellectuels et les opprimés, ont soigneusement évité de sonder la nature de l'idéologie (l'islam) véhiculée par le substitut de feu le prolétariat.

Quant à dire, à l'instar de certains d'entre eux, que c'est l'Occident qui a provoqué l'islamisme et le terrorisme, autrement dit que la victime est le coupable, c'est faire preuve d'un déterminisme historique strictement mécaniste qui témoigne d'une consternante méconnaissance de la logique propre de l'islam. C'est confondre l'histoire avec la physique classique : en histoire pourtant, n'œuvrent pas seulement des déterminismes mécanistes, mais aussi des logiques propres aux cultures.

Une dépression séculaire hante les intellectuels, dont Paul Klee livra la formule : "Le peuple manque". Le prolétariat a fait illusion un temps, en tant qu'objet du désir. Le vide laissé par l'évaporation de la classe ouvrière, accentué par la nostalgie des temps heureux où intellectuels et prolétariat s'articulaient en une unité propre à rêver ensemble au même but, est comblé par les masses musulmanes, dont on s'acharne obstinément à ignorer le projet.


De même que longtemps les intellectuels demeurèrent dans la cécité volontaire devant l'épouvante que transportait la forme prise dans l'histoire par l'idéal communiste, sous prétexte que cet idéal concentrait l'espoir des malheureux, de même cette posture de cécité volontaire trouve sa reprise depuis les attentats de New York, mais par rapport à l'islam. Sous le même prétexte : l'islam est aujourd'hui la foi des opprimés comme le communisme l'était hier, ce qui justifie l'islamophilie contemporaine par la même tournure d'esprit que se justifiait la soviétophilie d'hier.

La " pétition des 113 " [en faveur de la paix [Le Monde, 21-22 octobre] rejoue un scénario monté dans les années 1950, ces années en noir et blanc où, contrastant avec le développement des libertés et de la prospérité dans les sociétés occidentales, une chape de plomb totalitaire pesait sur l'intelligence. Les rôles demeurent, leurs acteurs changent. Les Palestiniens et les masses musulmanes contemporaines remplacent dans l'imaginaire intellectuel le prolétariat d'hier, évanoui dans les limbes de l'histoire. L'islam se substitue au communisme. Ces intellectuels font preuve vis-à-vis de cette idéologie d'un aveuglement et d'une complaisance délétères pour l'intelligence.

L'aveuglement pouvait arguer, dans le cas du communisme, d'une excuse : le communisme constituait un projet d'émancipation et de bonheur pour toute l'humanité. De là, il ressort que le communisme est planté au cœur de la modernité même, qu'il est l'illusion du monde moderne par excellence dans la mesure où, dans le sillage de Jean-François Lyotard, on consent à définir la modernité par la passion de l'émancipation.

Cette excuse disparaît dans le cas de l'islamophilie : aucune idéologie n’est plus rétrograde que l’islam, et, par rapport au capitalisme dont les Twin Towers, dans leur majestueuse beauté figuraient le symbole, la religion musulmane est une régression barbarisante. [..] Les Stoïciens nous ont légué, parmi leurs bienfaits, une logique des préférables. Est préférable, selon Zénon [de Citium] et Chrysippe, ce qui apporte le plus de bien, de beauté et de progrès. Dans la vie politique, qui doit bannir l'Absolu, cette matrice du totalitarisme, il s'agit à chaque instant de déterminer des préférables : le capitalisme, parce qu’il permet sans le nécessiter un plus ample développement de la liberté, parce qu’il a créé aussi de la richesse et de la beauté, est préférable (1) à l’islam, tout comme la symbolique des Twin Towers est préférable aux discours proférés dans les mosquées. 

Le capitalisme, comme Braudel l'a mis en relief, fait surgir des ères de civilisation qui permettent un plus grand épanouissement de la liberté (en particulier de la liberté de penser, d'écrire, de publier, de diffuser) et qui offrent de plus riches possibilités de vivre que tous les autres systèmes bâtis jusqu'ici par les hommes.

La logique des préférables a mauvaise presse auprès des intellectuels, spontanément portés au flirt avec l'Absolu. Les préférables sont, le plus souvent, confondus avec les compromis compromettants et la fadeur politique. Pourtant, c'est bien cette propension à adorer l'Absolu - par exemple : la paix - qui a rendu pacifistes beaucoup d'intellectuels d'entre les deux guerres, les transformant d'abord en munichois puis en pétainistes. Le défaitisme révolutionnaire en 1938 disait, aussi bien à la CGT qu'au PCF : plutôt Hitler que la guerre.

Pour expliquer son engagement dans la résistance, Jean Cavaillès disait préférer Paris-Soir au Völkische Beobachter. La critique justifiée du capitalisme s'égare, s'éloignant de cette humanisante logique des préférables, si elle nous pousse à opter pour pire que lui. »

« Le discours de la cécité volontaire », Le Monde, 21 novembre 2001. Voir plus loin, § E / j), le texte de 2006 dans Le Figaro.

1. Cf Friedrich Engels, l'alter ego de Karl Marx : « Le bourgeois moderne avec sa civilisation, son industrie, son ordre, ses « lumières » relatives, est préférable au seigneur féodal ou au voleur maraudeur, et à la société barbare à laquelle ils appartiennent. » (1854).


2002-2003 : Claude Lévi-Strauss (1908-2009) :
« J'ai dit dans Tristes Tropiques [1955] ce que je pensais de l'islam. Bien que dans une langue plus châtiée, ce n'était pas tellement éloigné de ce pourquoi on fait aujourd'hui un procès à [Michel] Houellebecq. Un tel procès aurait été inconcevable il y a un demi-siècle ; ça ne serait venu à l'idée de personne. On a le droit de critiquer la religion. On a le droit de dire ce qu'on pense. [...] Nous sommes contaminés par l'intolérance islamique. Il en va de même avec l'idée actuelle qu'il faudrait introduire l'enseignement de l'histoire des religions à l'école. J'ai lu que l'on avait chargé Régis Debray d'une mission sur cette question. Là encore, cela me semble être une concession faite à l'islam : à l'idée que la religion doit pénétrer en dehors de son domaine. Il me semble au contraire que la laïcité pure et dure avait très bien marché jusqu'ici. »
Visite à Lévi-Strauss, Le Nouvel Observateur, 10 octobre 2002.
« J’ai commencé à réfléchir à un moment où notre culture agressait d’autres cultures dont je me suis alors fait le défenseur et le témoin. Maintenant, j’ai l’impression que le mouvement s’est inversé et que notre culture est sur la défensive vis-à-vis des menaces extérieures, parmi lesquelles figure probablement l’explosion islamique. Du coup je me sens fermement et ethnologiquement défenseur de ma culture. » (propos recueillis par Dominique-Antoine Grisoni, " Un dictionnaire intime ", in Magazine littéraire, hors-série, 2003).
2002 : Alain Finkielkraut (né en 1949) : « L'Occident vit sous le régime de la critique, et le monde musulman – élites laïques comprises – sous celui de la paranoïa. »
"Jamais les juifs ne se sont sentis aussi seuls", propos recueillis par Élisabeth Lévy, Marianne, 12 au 18 août 2002.

2004 : Philippe Nemo (né en 1949) :
« Que l’esprit scientifique de l’Occident n’ait rien dû d’essentiel au monde musulman, on en a une preuve indirecte dans le fait que l’averroïsme n’eut guère de lendemains en islam même. Les sociétés musulmanes ne connurent pas, par la suite, le même développement du rationalisme et de la science, ni le même prométhéisme transformateur, caractéristiques des sociétés occidentales. C’est bien le signe qu’il régnait en islam un autre esprit. Ce qu’on peut lire à ce sujet dans la littérature anti-occidentaliste est intellectuellement bien faible. Le retard de l’islam, en termes de sciences, de techniques, de développement économique, serait dû à l’ "oppression" dont il aurait été victime de la part des puissances colonisatrices, qui auraient délibérément "bloqué »" son développement […]. Cette façon de présenter les choses n’est pas raisonnable. Si l’islam avait eu dans sa culture tous les éléments permettant un développement endogène, il se serait développé et n’aurait probablement pas, de ce fait, été colonisé. S’il n’y avait eu qu’un retard, la colonisation même lui aurait permis de le combler rapidement, selon le scénario qui s’est produit au Japon. Il faut donc croire qu’il y a, en matière de développement scientifique et économique, un problème de fond avec l’islam lui-même, je veux dire avec le rapport au monde que cette religion implique, avec le type de société qu’elle engendre. »
Qu'est-ce que l'Occident ?, Paris : PUF, 2004 (octobre), page 142, note 57.

2005 : Michel Onfray (né en 1959) :


Traité d'athéologie - Physique de la métaphysique, Paris : Grasset, 2005. Réédité en octobre 2006 en collection "Le Livre de Poche", n° 30 637.

« I "Athéologie", III " Vers une athéologie ", § 1 " Spectrographie du nihilisme ". [...] revendication claire à presque toutes les pages du Coran d'un appel à détruire les infidèles, leur religion, leur culture, leur civilisation, mais aussi les juifs et les chrétiens — au nom d'un Dieu miséricordieux ! »
« II "Monothéismes", i "Tyrannies et servitudes des arrière-mondes", § 3 La kyrielle des interdits. […] Les Évangiles n'interdisent ni le vin ni le porc, ni aucun aliments, pas plus qu'ils n'obligent à porter des vêtements particuliers. L'appartenance à la communauté chrétienne suppose l'adhésion au message évangélique, pas aux détails de prescription maniaque. […] Juifs et musulmans obligent à penser Dieu dans chaque seconde de la vie quotidienne.
i, § 5. Tenir le corps en respect.  Comment comprendre ces séries d'interdits juifs et musulmans – si semblables – sinon par l'association systématique du corps à l'impureté ? Corps sale, malpropre, corps infecté, corps de matières viles, corps libidinal, corps malodorant, corps de fluides et de liquides, corps infectés, corps malades, corps de morts, de chiens et de femmes, corps de déchets, corps de saletés, corps sanguinolent, corps puant, corps sodomite, corps stérile, corps infécond, corps détestable ...
ii " Autodafés de l'intelligence", § 3 Haine de la science. L'instrumentalisation religieuse de la science soumet la raison à un usage domestique et théocratique. En terre d'islam, la science ne se pratique pas pour elle-même mais pour l'augmentation de la pratique religieuse. Depuis des siècles de culture musulmane on ne pointe aucune invention ou aucune recherche, aucune découverte notable sur le terrain de la science laïque.
IV "Théocratie", i "Petite théorie du prélèvement", § 7 Allah n'est pas doué pour la logique.
« L'interdit juif de tuer et simultanément l'éloge de l'holocauste par les mêmes ; l'amour du prochain chrétien et, en même temps, la légitimation de la violence par la colère prétendument dictée par Dieu, voilà deux problèmes spécifiquement bibliques. Et il en va de même avec le troisième livre monothéiste, le Coran, lui aussi chargé de potentialités monstrueuses. »
IV, i, § 8 Inventaire des contradictions. Allah ne cesse d'apparaître dans le Coran comme un guerrier sans pitié.
IV, ii "Au service de la pulsion de mort", § 1 "Les indignations sélectives"
Les plus hautes instances de l'islam mondial dénoncent les crimes du colonialisme, de l'humiliation et de l'exploitation que le monde occidental leur (a) fait subir, mais se réjouissent d'un djihad planétaire mené sous les auspices d'Al- Qaïda. Fascinations pour la mort des goys, des mécréants et des infidèles, — les trois [monothéismes] considérant d'ailleurs l'athée comme leur seul ennemi commun ! »
IV, iii "Pour une laïcité post-chrétienne",
§ 1 « Le goût musulman du sang [et du feu !!]. L'islam reprend à son compte le pire des dits juifs et chrétiens : la communauté élue, le sentiment de supériorité, le local transformé en global, le particulier élargi à l'universel, la soumission corps et âme à l'idéal ascétique, le culte de la pulsion de mort, la théocratie indexée sur l'extermination du divers – esclavage, colonialisme, guerre, razzia, guerre totale, expéditions punitives, meurtres, etc. […] l'islam refuse par essence l'égalité métaphysique, ontologique, religieuse, donc politique. Le Coran l'enseigne : au sommet les musulmans, en dessous les chrétiens […] Enfin, après le musulman, le chrétien et le juif, arrive en quatrième position, toutes catégories confondues dans la réprobation générale, le groupe des incroyants, infidèles, mécréants, polythéistes, et, bien sûr, athées … […] La loi coranique qui interdit de tuer ou de commettre des délits ou des massacres sur son prochain concerne seulement de manière restrictive les membres de la communauté : l'umma. Comme chez les juifs. »
iii, § 2 « Le local comme universel. En lecteurs de Carl Schmidt qu'ils ne sont pas, les musulmans coupent le monde en deux : les amis, les ennemis [voir plus haut (1854) la même idée chez Karl Marx]. D'un côté, les frères en islam, de l'autre, les autres, tous les autres. Dâr al-islam contre dar al-harb : deux univers irréductibles, incompatibles, régis par des relations sauvages et brutales : un prédateur une proie, un mangeur un mangé, un dominant un dominé. [...] Une vision du monde pas bien éloignée de celle d'Hitler qui justifie les logiques de marquage, de possession, de gestion et d'extension de territoire.
IV, iii, § 5 Du fascisme musulman. [...] Le renversement du shah d'Iran en 1978 et la prise de tous les pouvoirs par l'ayatollah Khomeyni quelque temps plus tard avec cent quatre-vingt mille mollahs, inaugurent un réel fascisme musulman – toujours en place un quart de siècle plus tard, avec la bénédiction de l'Occident silencieux et oublieux. Loin de signifier l'émergence de la spiritualité politique qui fait défaut aux Occidentaux, comme le croit faussement Michel Foucault en octobre 1978, la révolution iranienne accouche d'un fascisme islamique inaugural dans l'histoire de cette religion.
IV, iii, § 7 L'islam, structurellement archaïque.
IV, iii, § 8 « Thématiques fascistes. Fascisme et et islamisme communient dans une logique mystique […] La théocratie islamique s'appuie, – comme tout fascisme – sur une logique hypermorale. [...] Tout ce qui définit habituellement le fascisme se retrouve dans la proposition théorique et la pratique du gouvernement islamique : la masse dirigée par un chef charismatique, inspiré ; le mythe, l'irrationnel, la mystique promus au rang de moteur de l'Histoire ; la loi et le droit créés par la parole du chef ; l'aspiration à abolir un vieux monde pour en créer un nouveau – nouvel homme, nouvelles valeurs ; le vitalisme de la vision du monde doublé d'une passion thanatophilique sans fond ; la guerre expansionniste vécue comme preuve de la santé de la nation ; la haine des Lumières – raison, marxisme (1), science, matérialisme, livres ; le régime de terreur policière ; l'abolition de toute séparation entre sphère privée et domaine public ; la construction d'une société close ; la dilution de l'individu dans la communauté ; sa réalisation dans la perte de soi et le sacrifice salvateur ; la célébration des vertus guerrières – virilité, machisme, fraternité, camaraderie, discipline, misogynie ; la destruction de toute résistance ; la militarisation de la politique ; la suppression de toute liberté individuelle ; la critique foncière de l'idéologie des droits de l'homme ; l'imprégnation idéologique permanente ; l'écriture de l'histoire avec slogans négateurs – antisémites, antimarxistes (1), anticapitalistes, antiaméricains, antimodernes, antioccidentaux ; la famille promue premier maillon du tout organique. Peu ou prou, cette série autorise la définition d'un contenu pour le fascisme, les fascismes. La théocratie brode toujours avec des variations sur ce thème ... »

1. Il est fort étonnant de lire un philosophe du XXIe siècle ranger cette idéologie totalitaire qu'est le marxisme parmi les Lumières, et l'antimarxisme dans le fascisme.

Traité d'athéologie - Physique de la métaphysique, Paris : Grasset, 2005. Réédité en 2006 en collection "Le Livre de Poche", n° 30 637.


2005 : Régis Debray : « Une religion qui a eu sa Renaissance d’abord et son Moyen Âge ensuite. »
Intervention à "Culture et dépendances", France 3, 2 novembre 2005.


De 2021.


Robert Redeker (né en 1954) : 

2006 :«  Les réactions suscitées par l’analyse de Benoît XVI sur l’islam et la violence [discours de Ratisbonne, 12 septembre 2006] s’inscrivent dans la tentative menée par cet islam d’étouffer ce que l’Occident a de plus précieux qui n’existe dans aucun pays musulman : la liberté de penser et de s’exprimer. 
L’islam essaie d’imposer à l’Europe ses règles : ouverture des piscines à certaines heures exclusivement aux femmes, interdiction de caricaturer cette religion, exigence d’un traitement diététique particulier des enfants musulmans dans les cantines, combat pour le port du voile à l’école, accusation d’islamophobie contre les esprits libres. 

Comment expliquer l’interdiction du string à Paris-Plages, cet été ? Étrange fut l’argument avancé : risque de « troubles à l’ordre public ». Cela signifiait-il que des bandes de jeunes frustrés risquaient de devenir violents à l’affichage de la beauté ? Ou bien craignait-on des manifestations islamistes, via des brigades de la vertu, aux abords de Paris-Plages ? 

Pourtant, la non-interdiction du port du voile dans la rue est, du fait de la réprobation que ce soutien à l’oppression contre les femmes suscite, plus propre à « troubler l’ordre public » que le string. Il n’est pas déplacé de penser que cette interdiction traduit une islamisation des esprits en France, une soumission plus ou moins consciente aux diktats de l’islam. Ou, à tout le moins, qu’elle résulte de l’insidieuse pression musulmane sur les esprits. Islamisation des esprits : ceux-là même qui s’élevaient contre l’inauguration d’un Parvis Jean-Paul-II à Paris ne s’opposent pas à la construction de mosquées. L’islam tente d’obliger l’Europe à se plier à sa vision de l’homme. 

Comme jadis avec le communisme, l’Occident se retrouve sous surveillance idéologique. L’islam se présente, à l’image du défunt communisme, comme une alternative au monde occidental. À l’instar du communisme d’autrefois, l’islam, pour conquérir les esprits, joue sur une corde sensible. Il se targue d’une légitimité qui trouble la conscience occidentale, attentive à autrui : être la voix des pauvres de la planète. Hier, la voix des pauvres prétendait venir de Moscou, aujourd’hui elle viendrait de La Mecque ! Aujourd’hui à nouveau, des intellectuels incarnent cet œil du Coran, comme ils incarnaient l’œil de Moscou hier. Ils excommunient pour islamophobie, comme hier pour anticommunisme. 

Dans l’ouverture à autrui, propre à l’Occident, se manifeste une sécularisation du christianisme, dont le fond se résume ainsi : l’autre doit toujours passer avant moi. L’Occidental, héritier du christianisme, est l’être qui met son âme à découvert. Il prend le risque de passer pour faible. À l’identique de feu le communisme, l’islam tient la générosité, l’ouverture d’esprit, la tolérance, la douceur, la liberté de la femme et des mœurs, les valeurs démocratiques, pour des marques de décadence. 

Ce sont des faiblesses qu’il veut exploiter au moyen « d’idiots utiles », les bonnes consciences imbues de bons sentiments, afin d’imposer l’ordre coranique au monde occidental lui-même. 

Le Coran est un livre d’inouïe violence. Maxime Rodinson [1915-2004] énonce, dans l’Encyclopédia Universalis, quelques vérités aussi importantes que taboues en France. D’une part, « Muhammad révéla à Médine des qualités insoupçonnées de dirigeant politique et de chef militaire (...) Il recourut à la guerre privée, institution courante en Arabie (...) Muhammad envoya bientôt des petits groupes de ses partisans attaquer les caravanes mekkoises, punissant ainsi ses incrédules compatriotes et du même coup acquérant un riche butin ». 

D’autre part, « Muhammad profita de ce succès pour éliminer de Médine, en la faisant massacrer, la dernière tribu juive qui y restait, les Qurayza, qu’il accusait d’un comportement suspect » . Enfin, « après la mort de Khadidja, il épousa une veuve, bonne ménagère, Sawda, et aussi la petite Aisha, qui avait à peine une dizaine d’années. Ses penchants érotiques, longtemps contenus, devaient lui faire contracter concurremment une dizaine de mariages ». 

Exaltation de la violence : chef de guerre impitoyable, pillard, massacreur de juifs et polygame, tel se révèle Mahomet à travers le Coran. 

De fait, l’Église catholique n’est pas exempte de reproches. Son histoire est jonchée de pages noires, sur lesquelles elle a fait repentance. L’Inquisition, la chasse aux sorcières, l’exécution des philosophes [Giordano] Bruno [1548-1600] et [Giulio Cesare] Vanini [1585-1619], ces mal-pensants épicuriens, celle, en plein XVIIIe siècle, du chevalier de La Barre [1745-1766] pour impiété, ne plaident pas en sa faveur. Mais ce qui différencie le christianisme de l’islam apparaît : il est toujours possible de retourner les valeurs évangéliques, la douce personne de Jésus contre les dérives de l’Église. 

Aucune des fautes de l’Église ne plonge ses racines dans l’Évangile. Jésus est non-violent. Le retour à Jésus est un recours contre les excès de l’institution ecclésiale. Le recours à Mahomet, au contraire, renforce la haine et la violence. Jésus est un maître d’amour, Mahomet un maître de haine. 

La lapidation de Satan, chaque année à La Mecque, n’est pas qu’un phénomène superstitieux. Elle ne met pas seulement en scène une foule hystérisée flirtant avec la barbarie. Sa portée est anthropologique. Voilà en effet un rite, auquel chaque musulman est invité à se soumettre, inscrivant la violence comme un devoir sacré au coeur du croyant. 

Cette lapidation, s’accompagnant annuellement de la mort par piétinement de quelques fidèles, parfois de plusieurs centaines, est un rituel qui couve la violence archaïque. 

Au lieu d’éliminer cette violence archaïque, à l’imitation du judaïsme et du christianisme, en la neutralisant (le judaïsme commence par le refus du sacrifice humain, c’est-à-dire l’entrée dans la civilisation, le christianisme transforme le sacrifice en eucharistie), l’islam lui confectionne un nid, où elle croîtra au chaud. Quand le judaïsme et le christianisme sont des religions dont les rites conjurent la violence, la délégitiment, l’islam est une religion qui, dans son texte sacré même, autant que dans certains de ses rites banals, exalte violence et haine. 

Haine et violence habitent le livre dans lequel tout musulman est éduqué, le Coran. Comme aux temps de la guerre froide, violence et intimidation sont les voies utilisées par une idéologie à vocation hégémonique, l’islam, pour poser sa chape de plomb sur le monde. Benoît XVI en souffre la cruelle expérience. Comme en ces temps-là, il faut appeler l’Occident « le monde libre » par rapport à au monde musulman, et comme en ces temps-là les adversaires de ce « monde libre », fonctionnaires zélés de l’œil du Coran, pullulent en son sein. » (" Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ? ", Le Figaro 19 septembre 2006). Voir plus haut, § E / d), le texte de 2001.


2007 : René Girard (1923-2015) :

« J’ai personnellement l’impression que cette religion a pris appui sur le biblique pour refaire une religion archaïque plus puissante que toutes les autres. Elle menace de devenir un instrument apocalyptique, le nouveau visage de la montée aux extrêmes. Alors qu’il n’y a plus de religion archaïque, tout se passe comme s’il y en avait une autre qui se serait faite sur le dos du biblique, d’un biblique un peu transformé. Elle serait une religion archaïque renforcée par les apports du biblique et du chrétien. Car l’archaïque s’était évanoui devant la révélation judéo-chrétienne. Mais l’islam a résisté, au contraire. Alors que le christianisme, partout où il entre, supprime le sacrifice, l’islam semble à bien des égards se situer avant ce rejet.
Certes, il y a du ressentiment dans son attitude à l’égard du judéo-christianisme et de l’Occident. Mais il s’agit aussi d’une religion nouvelle, on ne peut le nier. La tâche qui incombe aux historiens des religions, voire aux anthropologues, sera de montrer comment et pourquoi elle est advenue. Car il y a dans certains aspects de cette religion un rapport à la violence que nous ne comprenons pas et qui est justement d’autant plus inquiétant. […]
L’unité du christianisme du Moyen Âge a donné la Croisade, permise par la papauté. Mais la Croisade n’a pas l’importance que l’islam imagine. C’était une régression archaïque sans conséquence sur l’essence du christianisme. Le Christ est mort partout et pour tout le monde. Le fait de concevoir les juifs et les chrétiens comme des falsificateurs, en revanche, est ce qu’il y a de plus irrémédiable. Ceci permet aux musulmans d’éliminer toute discussion sérieuse, toute approche comparative entre les trois religions. C’est une manière indéniable de ne pas vouloir voir ce qui est en jeu dans la tradition prophétique. Pourquoi la révélation chrétienne a-t-elle été soumise pendant des siècles à des critiques hostiles, aussi féroces que possible, et jamais l’islam ? Il y a là une démission de la raison. Elle ressemble par certains côtés aux apories du pacifisme, dont nous avons vu à quel point elles pouvaient encourager le bellicisme. Le Coran gagnerait donc à être étudié comme l’ont été les textes juifs et chrétiens. Une approche comparative révélerait, je pense, qu’il n’y a pas là de réelle conscience du meurtre collectif.
Il y a, en revanche, une conscience chrétienne de ce meurtre. Les deux plus grandes conversions, celle de Pierre et celle de Paul, sont analogues : elles ne font qu’un avec la conscience d’avoir participé à un meurtre collectif. Paul était là quand on a lapidé Étienne. Le départ pour Damas se greffe sur ce lynchage, qui ne peut que l’avoir angoissé terriblement. Les chrétiens comprennent que la Passion a rendu le meurtre collectif inopérant. C’est pour cela que, loin de réduire la violence, la Passion la démultiplie. L’islamisme aurait très tôt compris cela, mais dans le sens du djihad. »

Achever Clausewitz, Épilogue, « À l’heure du péril », Paris : Carnets Nord, 2007 ; réédition Paris : Flammarion, 2011, collection Champs, pp. 357-361).
Je remercie Jean-Baptiste de Morizur de m'avoir fait connaître ce passage.


2008 : Nicolas Sarkozy : « L'Islam a porté l'une des plus anciennes et des plus prestigieuses civilisations dans le monde. Le président de l'Institut du Monde arabe peut en porter lui-même témoignage.
C'est l'occasion pour les Français et tous les visiteurs étrangers du Louvre et de la France de voir que l'Islam c'est le progrès, la science, la finesse, la modernité et que le fanatisme au nom de l'Islam c'est un dévoiement de l'Islam. Tuer au nom de l'Islam c'est bafouer l'Islam. Ne pas respecter les droits de la femme au nom de l'Islam, c'est bafouer l'Islam. L'Islam a permis, et ces salles le montreront, des collections parmi les plus extraordinaires. Avec l'Islam, nos prédécesseurs étaient bien en avance sur le monde et il n'y a aucune raison que ce qui a été le cas il y a des siècles, ne soit pas le cas pour les siècles qui viennent. Ce sera une occasion, Altesse [le représentant du roi d'Arabie saoudite], pour chacun de découvrir la richesse et la finesse de ces arts de l'Islam. » (au musée du Louvre, le 16 juillet 2008).

2012 : Abdennour Bidar :

« Tout homme est un génie créateur qui s'ignore. Il s'agit de révéler en chacun cette dimension ultime. L'objectif n'est donc pas tant la mort de Dieu que la seconde naissance de l'homme, sa renaissance au-delà du conditionné et du fini qui ne correspond qu'à son être primitif. C'est ce que ma relecture du Coran m'a permis de mieux comprendre : il désigne l'homme comme "successeur" (khalîf) de Dieu. [...] Il faut aller voir ailleurs, réfléchir du dehors, sortir du cadre de la pensée et de la culture occidentales modernes [pas moins...]. C'est ce que j'ai entrepris d'un point de vue islamique. En 2008, dans L'Islam sans soumission, j'ai essayé de montrer comment l'islam peut être relu à partir du présent comme " religion de la sortie de la religion " [...] Grâce à une exégèse renouvelée des versets du Coran — fondement de l'anthropologie islamique — j'ai montré que l'être humain y est désigné comme le "successeur" (khalîf) de Dieu, le destinataire historique de sa puissance créatrice. » (Comment sortir de la religion, I, 3, Paris : La Découverte, 2012)

" sortir " : Je préférerais que les musulmans entrent dans le cadre de la pensée et de la culture occidentales modernes...

2013 : François Hollande :

" François Hollande a lancé : " La France sait que l'Islam et la démocratie sont compatibles. " Toutefois, en se référant à Mohamed Charfi, un intellectuel respecté, partisan d'un islam éclairé, il a su éviter les haut-le-cœur du camp progressiste.
[...]
" Il a repris l'idée fondamentale d'Ennahda sur la compatibilité de l'islam et de la démocratie ", se réjouissait pour sa part Ameur Larayedh, chef du bureau politique du parti islamiste au pouvoir.
La satisfaction était partagée dans les rangs laïcs : " Il a parlé à tous les représentants du peuple tunisien, et fait la différence entre islamisme et islam ", a, de son côté, relevé Selma Mabrouk, élue du parti Al-Massar (progressiste), membre de la coalition d'opposition Alliance démocratique. "  (" À Tunis, François Hollande concilie islam et démocratie " par Isabelle Mandraud et Thomas Wieder, LE MONDE.fr, 6 juillet 2013.


2013-2014 : Christine Tasin : « Oui je suis islamophobe, et alors (...) je suis contre l'islam qui pose problème ; moi je ne trouve pas normal qu'on tue des animaux, je ne trouve pas normal qu'on voile les femmes ; (...) C'est la France qui a un problème avec l'islam. (...) 60 % des animaux tués en France le sont selon le mode de l'abattage rituel ; donc les gens mangent halal sans le savoir (...) La haine de l'islam, bien sûr et j'en suis fière, l'islam est une saloperie, c'est un danger pour la France, absolument ; je suis désolée. » Belfort, 15 octobre 2013.

Christine Tasin, poursuivie pour "incitation à la haine raciale", fut condamnée le vendredi 8 août 2014 à 3000 € d'amende dont 1500 € avec sursis par le T.G.I. de Belfort.
Mais la cour d’appel de Besançon relaxa Christine Tasin de ce chef d'inculpation et infirma le jugement du tribunal de Belfort (arrêt du 18 décembre 2014).


2013 : Pape François


2014 Imre Kertész (1929-2016),
L’ultime auberge, Arles : Actes Sud, 2015 [A végső kocsma, 2014]).

"L’Europe périra bientôt à cause de son libéralisme puéril et suicidaire. L’Europe a créé Hitler, et après Hitler, elle s’est trouvée à court d’arguments : les portes se sont ouvertes devant l’islam, plus personne n’ose parler de race et ou de religion, alors que l’islam ne semble plus connaître que le langage de la haine envers les autres races et religions. [...] Il faudrait que je dise deux ou trois choses sur la politique (…). Je dirais comment les musulmans envahissent l’Europe, se l’accaparent, bref la détruisent ; quelle est l’attitude de l’Europe face à cela ; je parlerais aussi du libéralisme suicidaire et de la stupide démocratie ; démocratie et droit de vote aux chimpanzés. Cela finit toujours de la même façon : la civilisation atteint un stade de maturité dépassée où elle n’est plus capable de se défendre, et ne le veut même plus ; où, d’une manière apparemment incompréhensible, elle adore ses propres ennemis. [...] Un monde meurtrier est en train de naître, le nationalisme, le racisme ; l’Europe commence à comprendre où l’a menée sa politique libérale d’immigration. Elle s’est rendue compte  que la chose nommée société multiculturelle n’existe pas".


2014 : François Hollande : " Votre constitution garantit la liberté de croyance, de conscience, et le libre exercice des cultes, et confirme ce que j'avais affirmé ici même [début juillet 2013], à savoir que l'islam est compatible (*) avec la démocratie. " Discours à l'Assemblée nationale constituante, Tunis, 7 février 2014.
* Pour Le Premier ministre d'alors, Manuel Valls en avril et en septembre 2016, cela restait à démontrer.

On voit pourtant dans sa Constitution que la Tunisie n'est pas encore une démocratie :
Pas de laïcité au Maghreb



2014 : Abdennour BIDAR : " Cher monde musulman, je suis un de tes fils éloignés qui te regarde du dehors et de loin - de ce pays de France où tant de tes enfants vivent aujourd'hui. Je te regarde avec mes yeux sévères de philosophe nourri depuis son enfance par le taçawwuf (soufisme) et par la pensée occidentale. Je te regarde donc à partir de ma position debarzakh, d'isthme entre les deux mers de l'Orient et de l'Occident !

Et qu'est-ce que je vois ? Qu'est-ce que je vois mieux que d'autres sans doute parce que justement je te regarde de loin, avec le recul de la distance ? Je te vois toi, dans un état de misère et de souffrance qui me rend infiniment triste, mais qui rend encore plus sévère mon jugement de philosophe ! Car je te vois en train d'enfanter un monstre qui prétend se nommer État islamique et auquel certains préfèrent donner un nom de démon : DAESH. Mais le pire est que je te vois te perdre - perdre ton temps et ton honneur - dans le refus de reconnaître que ce monstre est né de toi, de tes errances, de tes contradictions, de ton écartèlement interminable entre passé et présent, de ton incapacité trop durable à trouver ta place dans la civilisation humaine.

Que dis-tu en effet face à ce monstre ? Quel est ton unique discours ? Tu cries « Ce n'est pas moi ! », « Ce n'est pas l'islam ! ». Tu refuses que les crimes de ce monstre soient commis en ton nom (hashtag #NotInMyName). Tu t'indignes devant une telle monstruosité, tu t'insurges aussi que le monstre usurpe ton identité, et bien sûr tu as raison de le faire. Il est indispensable qu'à la face du monde tu proclames ainsi, haut et fort, que l'islam dénonce la barbarie. Mais c'est tout à fait insuffisant ! Car tu te réfugies dans le réflexe de l'autodéfense sans assumer aussi, et surtout, la responsabilité de l'autocritique. Tu te contentes de t'indigner, alors que ce moment historique aurait été une si formidable occasion de te remettre en question ! Et comme d'habitude, tu accuses au lieu de prendre ta propre responsabilité : « Arrêtez, vous les occidentaux, et vous tous les ennemis de l'islam de nous associer à ce monstre ! Le terrorisme, ce n'est pas l'islam, le vrai islam, le bon islam qui ne veut pas dire la guerre, mais la paix! »

J'entends ce cri de révolte qui monte en toi, ô mon cher monde musulman, et je le comprends. Oui tu as raison, comme chacune des autres grandes inspirations sacrées du monde l'islam a créé tout au long de son histoire de la Beauté, de la Justice, du Sens, du Bien, et il a puissamment éclairé l'être humain sur le chemin du mystère de l'existence... Je me bats ici en Occident, dans chacun de mes livres, pour que cette sagesse de l'islam et de toutes les religions ne soit pas oubliée ni méprisée ! Mais de ma position lointaine, je vois aussi autre chose - que tu ne sais pas voir ou que tu ne veux pas voir... Et cela m'inspire une question, LA grande question : pourquoi ce monstre t'a-t-il volé ton visage ? Pourquoi ce monstre ignoble a-t-il choisi ton visage et pas un autre ? Pourquoi a-t-il pris le masque de l'islam et pas un autre masque ? C'est qu'en réalité derrière cette image du monstre se cache un immense problème, que tu ne sembles pas prêt à regarder en face. Il le faut bien pourtant, il faut que tu en aies le courage.

Ce problème est celui des racines du mal. D'où viennent les crimes de ce soi-disant « État islamique » ? Je vais te le dire, mon ami. Et cela ne va pas te faire plaisir, mais c'est mon devoir de philosophe. Les racines de ce mal qui te vole aujourd'hui ton visage sont en toi-même, le monstre est sorti de ton propre ventre, le cancer est dans ton propre corps. Et de ton ventre malade, il sortira dans le futur autant de nouveaux monstres - pires encore que celui-ci - aussi longtemps que tu refuseras de regarder cette vérité en face, aussi longtemps que tu tarderas à l'admettre et à attaquer enfin cette racine du mal !

Même les intellectuels occidentaux, quand je leur dis cela, ont de la difficulté à le voir : pour la plupart, ils ont tellement oublié ce qu'est la puissance de la religion - en bien et en mal, sur la vie et sur la mort - qu'ils me disent « Non le problème du monde musulman n'est pas l'islam, pas la religion, mais la politique, l'histoire, l'économie, etc. ». Ils vivent dans des sociétés si sécularisées qu'ils ne se souviennent plus du tout que la religion peut être le cœur du réacteur d'une civilisation humaine ! Et que l'avenir de l'humanité passera demain non pas seulement par la résolution de la crise financière et économique, mais de façon bien plus essentielle par la résolution de la crise spirituelle sans précédent que traverse notre humanité toute entière ! Saurons-nous tous nous rassembler, à l'échelle de la planète, pour affronter ce défi fondamental ? La nature spirituelle de l'homme a horreur du vide, et si elle ne trouve rien de nouveau pour le remplir elle le fera demain avec des religions toujours plus inadaptées au présent - et qui comme l'islam actuellement se mettront alors à produire des monstres.

Je vois en toi, ô monde musulman, des forces immenses prêtes à se lever pour contribuer à cet effort mondial de trouver une vie spirituelle pour le XXIe siècle ! Il y a en toi en effet, malgré la gravité de ta maladie, malgré l'étendue des ombres d'obscurantisme qui veulent te recouvrir tout entier, une multitude extraordinaire de femmes et d'hommes qui sont prêts à réformer l'islam, à réinventer son génie au-delà de ses formes historiques et à participer ainsi au renouvellement complet du rapport que l'humanité entretenait jusque-là avec ses dieux ! [...] " Lettre ouverte au monde musulman, 15/10/2014, mis à jour: 09/01/2015,

2014 : Michel ONFRAY :

« Que cette immigration apporte avec elle une religion qui est aussi une idéologie et que cette idéologie ne revendique pas pour valeurs "liberté, égalité, fraternité, féminisme, laïcité" est une évidence pour qui connaît la religion musulmane autrement que par ouï-dire et propagande médiatique. Il suffit de lire le Coran, les hadiths du Prophète, une biographie, même hagiographique, de Mahomet pour s'en rendre compte. Mais on supporte ce qui vient de l'islam par tonnes, quand on refuse un gramme de ce qui vient du christianisme. Et c'est un athée qui vous le dit... [...] Autre point d'accord avec Éric Zemmour, la question de l'islam, qui n'est pas une religion de paix, de tolérance et d'amour, contrairement à ce qui est rabâché sans cesse par les médias du politiquement correct. Ainsi, la moindre référence au caractère belliqueux du Coran passe pour de l'islamophobie assimilée au racisme, à la xénophobie, de la part de ceux qui confondent la critique d'une religion avec la haine de la couleur de certains peuples qui s'en réclament ! »
"Zemmour, la gauche et moi", propos recueillis par Daoud Boughézala, Causeur, N° 18, novembre 2014.

2015 : Michel Houellebecq (Michel Thomas, né en 1956, prix Goncourt 2010) :

« The despair comes from saying good-bye to a civilization, however ancient. But in the end the Koran turns out to be much better than I thought, now that I’ve reread it—or rather, read it. The most obvious conclusion is that the jihadists are bad Muslims. Obviously, as with all religious texts, there is room for interpretation, but an honest reading will conclude that a holy war of aggression is not generally sanctioned, prayer alone is valid. » ("Scare Tactics : Michel Houellebecq on His New Book", interview par Jérôme Bourmeau, The Paris Review, 2 janvier 2015)

2015 : Michel Onfray :

« L’Islam [...] suppose un mode de vie, une façon d’être et de penser qui ignore le libre arbitre augustinien, le sujet cartésien, la séparation kantienne du nouménal et du phénoménal, la raison laïque des Lumières, la philosophie de l’histoire hégélienne, l’athéisme feuerbachien, le positivisme comtien, l’hédonisme freudo-marxiste. Il ignore également l’iconophile et l’iconodulie (goût et défense des images religieuses) pour lui préférer la mathématique et l’algèbre des formes pures (mosaïques, entrelacs, arabesques, calligraphie), ce qu’il faut savoir pour comprendre pourquoi la figuration de Mahomet est un blasphème.

Refuser la réalité du choc des civilisations ne peut se faire que si l’on ignore ce qu’est une civilisation, si l’on méprise l’Islam en lui refusant d’en être une, si l’on déteste la nôtre par haine de soi, si l’on pense l’histoire avec les fadaises du logiciel chrétien et marxiste qui promet la parousie en ignorant les leçons de philosophie données par Hegel : les civilisations naissent, croissent, vivent, culminent, décroissent, s’effondrent, disparaissent pour laisser place à de nouvelles civilisations. Qu’on médite sur l’alignement de Stonehenge, les pyramides du Caire, le Parthénon d’Athènes ou les ruines de Rome comme on méditera plus tard sur les ruines des cathédrales !
[...]
Animé par la grande santé nietzschéenne (*), l’Islam planétaire propose une spiritualité, un sens, une conquête, une guerre pour ses valeurs, il a des soldats, des guerriers, des martyrs qui attendent à la porte du paradis. Re)fuser qu’il en aille, là, d’une civilisation qui se propose « le paradis à l’ombre de épées », un propos du Prophète, c’est persister dans l’aveuglement. Mais comment pourrait-il en être autrement ? L’aveuglement qui fait dire que le réel n’a pas eu lieu (ou n’a pas lieu) est aussi un signe de nihilisme. »
(La chronique mensuelle de Michel Onfray | Mars 2015 – N° 118, " LE CHOC DES CIVILISATIONS ")
*. Cf l'aphorisme 382 du livre V du Gai Savoir ; difficile d'y voir un rapport quelconque avec l'islam. (Note de Cl. C.)


2015 : Pascal Bruckner : "Ces interprétations [Todd, Plenel] ne sont ni pertinentes ni justes à mon sens. ... ma stupéfaction devant ce genre de raisonnements. [...] L'islam radical a réveillé la gauche anti-totalitaire ... Il n' a aucun compromis possible avec la gauche qui nous explique que l'opprimé, ou le fils d'opprimé, ou l'arrière-petit-fils d'opprimé, parce que son père a été colonisé, a absolument tous les droits ... Attraction absolument folle que l'islam exerce sur les restes de l'armée trotskiste en France. [...] Comment la critique d'une religion peut-elle être assimilée à un acte de racisme ? Il y a  un coup de force sémantique, il y a une dérive. [...] Je ne suis pas sûr que nous ayons la patience d'attendre quatre siècles pour que l'islam se réforme [comme l'a fait le christianisme] " [...] Je n'utilise pas le mot "islamophobe" parce que je ne comprends pas ce qu'il veut dire " [...] Ce à quoi nous assistons, Brice Couturier parlait tout à l'heure des années 30, oui, il y a une victoire posthume de Hitler, mais pas là où on pensait  dans la fraction la plus radicale du monde musulman qui a importé sans aucune discrimination tous les préjugés antisémites de l'extrême droite fasciste européenne. C'est très très inquiétant." (Les matins de France Culture, 1ère partie, 25 mai 2015).


2015 : Bernard Cazeneuve : « L’image de l’Islam dans notre pays, ou la dégradation de cette image, constitue une autre source d’inquiétude. Je sais en particulier que, à la suite des événements de janvier [2015], certaines déclarations, certains commentaires n’ont pas évité le piège de l’amalgame, du raccourci et de l’outrance, et que vous en avez été blessés. Pour ma part, comme je l’ai déjà dit, je comprends que les musulmans soient exaspérées de devoir sans cesse expliquer qu’ils n’ont rien à voir avec les attentats perpétrés sur notre sol. Je m’associe à votre indignation face à certains des propos qui ont été tenus. Mettre en relation les exactions de quelques individus avec les comportements et les valeurs de cinq millions de Français musulmans relève soit d’une coupable ignorance, soit d’une malhonnêteté inacceptable.Plus généralement, je voudrais que nos concitoyens - et au premier chef ceux qui exercent une responsabilité publique ou qui aspirent à en exercer une – sachent s’approprier cette valeur fondamentale dans le débat public qu’est le respect. Comme tous les Français, les Français de confession musulmane aspirent à être écoutés et respectés. Chacun d’entre nous, lorsqu’il prend la parole, doit se représenter l’impact que ses propos auront sur celui qui l’écoute. Cela n’interdit ni le débat, ni le fait d’être en désaccord avec son interlocuteur. Mais le respect d’autrui est une responsabilité qui s’impose à toute autorité – politique, économique, journalistique, morale, religieuse – comme du reste à tout citoyen. C’est là la condition pour que nous vivions tous dans une société libre et apaisée.

Enfin, il est connu que les préjugés naissent de l’ignorance. Je crois donc également à la nécessité de faciliter l’accès du grand public à une meilleure connaissance de l’Islam et de la civilisation arabo-musulmane. Le ministère de la culture va entreprendre un travail de recension des projets portés par les institutions culturelles et audiovisuelles – France Télévision, l’INA, l’Institut du monde arabe, le Louvre, pour n’en citer que quelques-unes - et qui répondent à cette ambition. Des crédits publics seront également engagés pour soutenir les projets de recherche dans le domaine de l’islamologie, de l’étude de l’Islam de France et de la connaissance du monde arabo-musulman. Leur affectation précise sera annoncée à la rentrée.
Mais il appartient naturellement aux musulmans eux-mêmes d’être les acteurs de ce combat pour une meilleure connaissance de l’Islam comme religion et comme civilisation. Ce doit être, à mon sens, l’une des principales raisons d’être de la nouvelle Fondation de l’islam de France, qui aura bien entendu par ailleurs d’autres objectifs dans les domaines du culte, de l’éducation et de la solidarité. La gouvernance de cette Fondation devra faire toute sa place aux Français de confession musulmane, dans les champs de l’économie, de l’administration, de l’université et de la culture. Une mission de préfiguration sera mise en place d’ici l’été afin que cette nouvelle Fondation puisse être opérationnelle avant la fin de l’année. [...] dans un contexte ou des prêcheurs de haine, très présents sur Internet, s’adressent à une jeunesse souvent ignorante des valeurs de l’Islam, il est important que des figures d’autorité morale et d’érudition soient à même de porter un autre message, conforme à un Islam de paix, un « islam de lumière » tel que l’a défini ce matin Dalil BOUBAKEUR. C’est là le souhait de beaucoup de familles, parmi celles que je rencontre et qui veulent éviter à leurs enfants le piège tragique d’un parcours de radicalisation violente, qui risque de les mener sur les chemins de l’exil, du crime et de la mort. Le même sujet concerne naturellement les aumôniers pénitentiaires, qui exercent leur mission avec beaucoup de dévouement et sont trop souvent confrontées aux menées de prêcheurs auto-proclamés, qui tentent d’enrôler leurs co-détenus dans des projets radicaux, parfois criminels.
Bien entendu, la formation théologique des imams ne regarde pas directement l’État. Ce n’est pas son rôle, pas plus que celui de former des prêtres, des rabbins ou des pasteurs. Mais l’Etat peut faire en sorte que soient proposées aux ministres du culte des formations appropriées dans des matières profanes : droit du culte et principes de la laïcité, histoire et sociologie des religions en France, gestion des associations cultuelles, dialogue interreligieux, etc. De tels diplômes universitaires de formation « civile et civique » sont proposés aujourd’hui dans six universités. » (Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, en clôture de la réunion de l'Instance de dialogue avec le culte musulman, lundi 15 juin 2015)


2015 HOLLANDE : « L’ennemi, c’est le fanatisme qui veut soumettre l’homme à un ordre inhumain, c’est l’obscurantisme, c’est-à-dire un islam dévoyé qui renie le message de son livre sacré. Cet ennemi nous le vaincrons ensemble, avec nos forces, celles de la République, avec nos armes, celles de la démocratie, avec nos institutions, avec le droit. Dans ce combat, nous pouvons compter sur nos militaires, engagés sur des opérations difficiles, en Syrie, en Irak, au Sahel. Nous pouvons compter sur nos policiers, nos gendarmes, en lien avec la justice, qui se sont encore comportés de façon admirable pour mettre hors d’état de nuire les terroristes. »
Hommage national aux victimes des attentats du 13 novembre. (Hôtel national des Invalides, 27 novembre 2015)


2015 BOULAD : «  L’islam a opté, il y a déjà dix siècles, pour la ligne dure. Parce qu’il est très difficile aux musulmans — pour ne pas dire impossible — de faire marche arrière, quelle que soit la bonne volonté qui les anime. Les points de blocage sont nombreux. Par exemple, renoncer au projet de califat mondial, qui est préconisé non seulement par les islamistes, notamment les Frères musulmans (l’UOIF en France), mais aussi par l’islam tout court. Autre blocage : ouvrir l’islam à la pensée critique. C’est impossible pour les musulmans : cela leur est interdit, depuis dix siècles, par la décision de “fermer la porte de l’ijtihad” (“renouveau”, “effort intellectuel” afin de moderniser la lecture du Coran). [...] Les islamistes utilisent la démocratie pour la tuer. Pour eux, les lois d’Allah (la charia) sont supérieures à celles des humains. Pour la majorité des musulmans, le Coran n’est pas discutable : il émane d’Allah et il est au ciel auprès du Trône, posé sur la Table gardée, depuis le début de la Création. La ségrégation envers les infidèles et les femmes est inscrite dans les versets coraniques et les hadiths, ce qui nous permet d’affirmer que ce n’est pas demain que la démocratie, la liberté de conscience et de religion seront des sujets d’actualité dans le monde arabo-islamique, ni même en France. L’islam régente tous les aspects de la vie de l’individu du berceau à sa tombe. Il n’est pas libre de penser ou de décider par lui-même en dehors de la charia et s’il le fait, il se met en dehors de l’oumma (la communauté-nation islamique). Il sait aussi ce qui l’attend : l’enfer sur terre et dans l’au-delà. On est loin des droits de l’homme, du libre arbitre augustinien, de la laïcité et de la démocratie. » (16 décembre 2015 : Islam : selon le père Boulad, l’Occident est au bord de la guerre civile.

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2016 QUINIOU : " Il n'y a pas une fascisation de l'islam qui lui viendrait donc de l'extérieur, c'est l'islam lui-même qui est fasciste, il faut avoir le courage intellectuel de le dire haut et fort, et "ceux qui essaient de trouver au sein de l'islam un autre islam n'y parviendront jamais" (Adonis, Violence et islam, p. 118). On peut le démontrer de deux manières, je veux dire sur la base de deux stratégies intellectuelles très différentes, voire opposées. Celle de Meddeb (Sortir de la malédiction. L'isam entre civilisation et barbarie), qui doit être croyant (à sa manière) et entend réformer le Coran, en deux temps.  D'abord en refusant radicalement des pans entiers de celui-ci, comme la charia, l'inégalité homme/femme qu'il proclame et impose pratiquement et, surtout, l'indissoluble unité du spirituel et du temporel qui interdit à l'homme d'être en toute autonomie l'auteur des lois de sa vie sociale et individuelle. C'est, hélas, la base indéfectible de la théocratie dont Spinoza, dans le Traité théologico-politique a été le premier et admirable pourfendeur et qui est ce qu'on appelle aujourd'hui une forme claire de fascisme, qui ne doit rien aux seuls hommes mais beaucoup à la religion, sous toutes ses formes - dont l'islam, donc. Après cet examen critique, on ne voit guère ce qui peut rester du texte originel ! Pourtant, dans un second temps, il tente aussi, via une stratégie herméneutique très savante dont je doute de l'efficacité, de trouver dans la lettre du Coran interprétée, ou dans ses interstices, de quoi le rénover sans l'abandonner totalement, et d'y trouver, par exemple, des éléments d'amour, de tolérance et de paix. J'avoue n'avoir pas été ici convaincu par cette démarche qui me paraît un peu jésuitique (si j'ose dire) et guère opératoire, surtout quand on pense à l'immense somme de versets qui vont clairement en sens inverse.
La stratégie d'Adonis, grand poète syrien athée, contraint de fuir son pays et de se réfugier en France à cause de ses opinions irréligieuses, est tout autre: sur la base de son athéisme assumé, à ses risques et périls, il rejette l'ensemble du  texte coranique, non a priori bien sûr, mais sur la base d'une intelligence incisive de ce qu'on y trouve et qu'il connaît parfaitement. En plus des défauts rédhibitoires que Meddeb lui trouve, il y ajoute une dénonciation de son dogmatisme : il est la parole de Dieu de toute éternité et non une création de celui-ci adaptée aux hommes de l'époque; il est donc irréformable - on ne réforme pas l'absolu! Il est aussi obscurantiste, récusant toute interpellation critique et, dans cette lignée, il récuse la subjectivité humaine. C'est en ce point que la critique d'Adonis se fait la plus subtile et la plus intelligente. Il explique ainsi (lui le grand poète incontestable et qui a une culture poétique immense) l'absence d'une authentique poésie musulmane (alors qu'il y a eu une poésie catholique), car admettre la poésie serait admettre le pouvoir créateur d'un sujet libre, échappant aux lois de Dieu, ce que le Coran refuse fondamentalement, enfermant l'homme dans sa seule identité religieuse et dans une essence donnée pour toujours. Très justement il lui oppose l'humanisme d'un Sartre qui confère à l'homme la liberté de définir ce qu'il est." (Une erreur de Badiou, mediapart.fr, 16 janvier 2016).


2017Mahnaz Shirali : " Dans le discours de l'État islamique, le monde est divisé en deux : la terre d'islam (dar al-islam) face à la terre de mécréance (dar al-harb) assimilée à l'Occident moderne. "
" L'Islam de l'État islamique ", Le Débat, n° 193, Janvier-février 2017.

2020 : DARMANIN, ministre de l'Intérieur 
" Pour Gérald Darmanin, l’islam est « la religion qui aura le moins de difficulté à travailler avec la République » " Rencontre à la grande mosquée de Paris, 18 septembre 2020 (la-croix.com, 18 septembre 2020).

2020 : LEMAIRE
« Chers collègues enseignants,
Un professeur, notre collègue, est mort du seul fait d’avoir enseigné les principes qui fondent notre république et notre histoire : la liberté de penser et son corollaire, la liberté d’expression.

À travers lui, ces assassins ont visé tous les enseignants qui chaque jour transmettent cette part d’eux-mêmes que d’autres leur ont également transmise. Cette part qui est la meilleure de nous-même car elle fait de nous des êtres singuliers ouverts à tous les autres humains. La pensée, délivrée de la peur de l’autorité, de l’ignorance, de l’obscurantisme, de l’illusion et de l’enfermement dans la certitude est en effet la partie la plus personnelle de nous-même parce qu’il dépend d’abord de nous de construire notre jugement. Dans une société où l’on doit penser comme les autres, sans avoir le droit de douter et de dialoguer, personne ne peut devenir soi-même.

Mais devenir un individu libre n’est possible qu’à deux conditions : un État de droit qui empêche toute communauté de confisquer à l’individu sa liberté en lui imposant une manière d’être et de penser et une école qui prépare chaque homme à devenir citoyen par la transmission d’une culture humaniste, scientifique, artistique et philosophique.

Or, la première de ces conditions n’existe plus dans de nombreux quartiers. Professeur de philosophie à Trappes depuis vingt ans, j’ai été témoin de la progression d’une emprise communautaire toujours plus forte sur les consciences et sur les corps. L’année de mon arrivée au lycée, la synagogue de Trappes brûlait et les familles juives étaient contraintes de partir. Après les tueries de 2015 et de 2016, je me suis engagé dans des actions de prévention, notamment par le théâtre et des rencontres avec des historiens ou des sociologues spécialistes de la manipulation. Constatant que mes efforts se heurtaient à des forces qui me dépassaient, en 2018, j’ai écrit avec Jean-Pierre Obin au président de la République pour lui demander d’agir de toute urgence afin de protéger nos élèves de la pression idéologique et sociale qui s’exerce sur eux, une pression qui les retranche peu à peu de la communauté nationale. Malheureusement, aucune action efficace n’a été entreprise pour enrayer ce phénomène. Il y a actuellement à Trappes 400 fichés S de catégorie « radicalisation » qui se promènent librement, sans compter les fichés pour terrorisme. Et nos élèves vivent dans une situation schizophrénique où le conflit de loyauté devient pour eux inextricable.

Aujourd’hui, c’est l’école et la liberté qui sont attaquées. Pas seulement par un homme, l’assassin. Celui-ci n’est que le bras armé d’un projet mis à exécution par des milliers d’idéologues qui, comme jadis les nazis, entretiennent le sentiment victimaire pour inciter à la haine et préparer le passage à l’acte. Ces idéologues ne sont nullement des « séparatistes » : ils ne veulent pas simplement soustraire des populations au territoire national, ils veulent abattre la République et la démocratie et leur cœur, l’école.

Leur stratégie a été théorisée après le 11-Septembre dans le livre d’Al-Souri (dont le politologue Gilles Kepel – qui vit depuis des années sous protection judiciaire – a expliqué les grandes lignes). Elle consiste, en multipliant les actes de terreur, « les mille entailles », à épuiser l’ennemi, trop puissant pour une guerre frontale. Pour ce faire, ces idéologues se servent de la quête de la pureté religieuse comme jadis les nazis se servaient de la quête de la pureté de la race pour présenter ces tueries comme des actes nécessaires et nobles. L’appartenance à l’humanité apparaît alors circonscrite au seul groupe « pur », l’autre devant être éliminé. C’est en exacerbant le sentiment d’humiliation auprès de populations peu intégrées et en faisant miroiter cette pureté religieuse qu’ils poussent de jeunes paumés, souvent délinquants et coupés de la société, à haïr la France et les Français.

Parallèlement, ils neutralisent toute prise de conscience du danger en jouant sur la mauvaise conscience des « progressistes », en flirtant avec eux sous couvert de lutter contre « le racisme », « l’injustice » ou « la violence policière ». En saturant l’espace public de leurs emblèmes et de leurs pratiques, qui sont pourtant des signes de crimes contre l’humanité, à commencer par la réduction de la femme à l’esclavage, en infiltrant l’école, l’université, les grandes écoles, la sphère politique locale et nationale, en répandant partout le double discours et l’injonction à « accepter l’autre dans sa différence », ils paralysent toute volonté de répondre à ces tueries autrement que par des mots, des bougies et des fleurs.

Cette guerre idéologique leur permet de conquérir une légitimité en pervertissant nos idéaux, en les vidant de leur sens. Certains occupent aujourd’hui des places importantes, à la radio, au cinéma ou au sein même de l’État. Ils parviennent à se faire passer pour des remparts au fanatisme alors qu’ils travaillent de concert avec les idéologues qui veulent détruire notre culture. On les retrouve aujourd’hui capables d’influencer des syndicats étudiants, enseignants, des confédérations de parents d’élèves soit disant laïques et des partis politiques qui n’hésitent même plus à relayer leur antisémitisme.

D’où, à chaque fois qu’une tuerie se produit, l’état de sidération dans l’opinion. Pourtant, ces tueries obéissent à une logique et à une progression. Elles sont rigoureusement menées selon un même mode opératoire : la tuerie aveugle, déshumanisée, le retranchement et l’affrontement final pour mourir « en martyr ». Leur progression procède par extension et intensification. Les premières attaques ont visé les juifs, des adultes comme des enfants. (Elles furent précédées par une cinquantaine d’attaques contre des synagogues de janvier 2000 à juin 2001 qui n’ont pas été prises au sérieux, comme ici à Trappes.) La même année, l’armée a également été ciblée. Puis ce furent d’autres représentants de l’État, des policiers, et des représentants de la culture et ceux d’autres religions, la jeunesse française, et dorénavant, n’importe quel Français n’importe où sur le territoire. L’attaque contre l’école était un objectif prévisible car déclaré depuis au moins 2015.

Nous sommes au début d’une guerre par la terreur qui va se généraliser et s’amplifier parce qu’une grande partie de nos concitoyens préfère ne pas voir que c’est notre héritage qui est menacé. Le reconnaître, ce serait alors devoir le défendre avec courage.

Ce courage, Samuel Paty l’a eu. Sans doute, parce qu’il chérissait notre héritage. Mais il n’a pas été protégé par l’institution qui a sous-estimé la menace, fidèle à la conduite d’évitement de nos représentants politiques et de la majorité de nos concitoyens.

Et l’on ne peut que s’interroger aujourd’hui sur l’avenir de notre métier. Comment enseigner les langues, les arts, les sciences et la culture générale à des enfants qui sont soumis, dès leur plus jeune âge, à la pression sociale phénoménale de ces idéologues ? Devons-nous continuer de faire comme si nos élèves n’étaient pas eux-mêmes soumis à cette pression ? Combien de temps encore pourrons-nous exercer notre métier de transmission si l’État ne remplit pas sa mission ? Pouvons-nous, enseignants, pallier l’absence de stratégie de nos représentants pour vaincre ce fléau mortifère ? »

Didier Lemaire, L'Obs, 1er novembre 2020.



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