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dimanche 21 avril 2024

DFHM : Ultramontain à uraniste en passant par Uranie — et Vaisseau à virer sa cuti en passant par Vice à la mode et Villette




UGOBER

Anagramme de bougre dans l’ouvrage de Beauchamp, 1722 ou 1728.

ULTRAMONTAIN, adj. et subs.

« Le commencement du mois de juin [1682] fut signalé par l’exil d’un grand nombre de personnes considérables accusée de débauches ultramontaines. Tous ces jeunes gens avaient poussé leurs débauches dans des excès horribles, et la Cour était devenue une petite Sodome. »
Louis François marquis de Sourches (1645-1716), Mémoires sur la fin du règne de Louis XIV.

« Au jeu d’amour, une gente donzelle
Voulut induire un cavalier romain ;
L’ultramontain, à son culte fidèle,
La refusait, et même avec dédain,
Quand pour lui plaire, elle tourna soudain
Ce qu’à Jupin, Ganimède réserve ;
Mais dans son goût,  malgré l’offre affermi,
Me fourrer là, dit-il, Dieu m’en préserve !
Je logerais trop près de l’ennemi. »
Jean-Baptiste Rousseau, Épigrammes, XXIII

« En réputation de préférer les plaisirs ultramontains, à ceux qu'il aurait pu prendre avec les Dames. »
Pierre de L'Estoile, Journal du règne de Henri III, 1587.
Édition Pierre Gosse, La Haye, 1744 (tome 2).


« Ultramontain : pédéraste, appelé ainsi à cause des vices hors nature attribués aux habitants de l’autre côté des montagnes alpines, l’Italie. »
Hector France, Dictionnaire de la langue verte, 1907, réédition Nigel Gauvin, 1990.

UNISEXUALITÉ

« L’unisexualité, tel est le dernier mot de cette dégradation de l’amour. Or, comme il ne se peut rien concevoir par l’entendement qui ne tende à se réaliser par le fait, l’unisexualité a pour expression pratique, chez tous les peuples, la PÉDÉRASTIE. »
Pierre Joseph Proudhon, Amour et mariage (1858), XIX.

Proudhon entendait pédérastie au sens de sodomisation, comme la plupart des médecins-légistes de l’époque, dont Tardieu, qu’il venait de lire.

« Les hommes qui ont séduit, corrompu, souillé les âmes et les vies de leurs semblables plus jeunes sont d’habitude des pervertis. Ils n’ont pas toujours été unisexuels. Ils ont plus de prise. Ils sont plus vicieux. L’unisexuel qui s’essaye à la bissexualité devient aussi corrompu que l’homme sexuel normal qui s’essaye à l’unisexualité : ils ont tous les vices, ceux qui leur reviennent et les autres. »
Marc-André Raffalovich, Archives d’Anthropologie Criminelle, mars 1894.

« Les femmes d’aujourd’hui s’intéressent beaucoup à l’unisexualité masculine. »
A. Raffalovich, « Quelques observations sur l’inversion », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 50, 15 mars 1894.

A. Raffalovich publia en 1896 l’ouvrage Uranisme et Unisexualité, puis trois séries de longs articles dans les AAC : « Annales de l’unisexualité » en 1897, « Chronique de l’unisexualité » en 1907 et 1909.

« L’unisexualité se ressemble chez les femmes comme chez les hommes ; l’inversion est une. »
Dr H. Legludic, Attentats aux mœurs, 1896.

UNISEXUEL(LE), adj. et subs.

Unisexuel et unisexué ont d’abord été appliqués aux végétaux et animaux n’ayant qu’un seul sexe. Puis Charles Fourier a parlé d’affection unisexuelle, de couples unisexuels et d’orgies unisexuelles. ; il a aussi utilisé les expressions amour ambigu et amour unisexuel :

« En amour, il y a ultragamie entre deux femmes saphiennes. Ce lien sort des attributions de l’amour qui comprennent les unions bisexuelles. Dans ce cas, les deux ressorts de l’amour engrènent dans la passion d’amitié ou affection unisexuelle. »
Charles Fourier, Œuvres complètes, Anthropos, 1967, t. IV, p. 367.

« De toutes nos relations, il n’en est pas de plus fausse que celle de l’amour ; on y a introduit une dissimulation si générale que nous ne pouvons plus lire les modernes du bon vieux temps ni les ouvrages anciens qui traitent de l’amour franchement, comme ceux de Plutarque, Virgile et autres […] À cette époque on admettait l’ambigu, l’amour unisexuel. Si les grands hommes de la Grèce revivaient aujourd’hui, ils seraient tous brûlés vifs. Solon, Lycurge, Agésilas, Épaminondas, Sappho, Jules César et Sévère seraient tous conduits à l’échafaud pour pédérastie ou saphisme. Ces même anciens méprisaient le trafic et le mensonge qui sont aujourd’hui en honneur, la banqueroute et l’agiotage qui sont devenus des usages aussi innocents qu’autrefois l’amour ambigu. »
Charles Fourier, Œuvres complètes, tome XI, vol. 4, pp. 219-220.

Les audaces de l’utopiste ont été sévèrement jugées par Proudhon :

« Je sais même que Fourier, qu’on n’accuse pourtant pas d’avoir eu des goûts socratiques, a étendu fort au delà des barrières accoutumées les relations amoureuses, et que ses spéculations sur l’analogie l’avaient conduit à sanctifier jusqu’aux conjonctions unisexuelles. »
Pierre-Joseph Proudhon, Avertissement aux propriétaires, 1841.

« Aussi l’amour unisexuel est-il susceptible d’inspirer une jalousie effrenée. »
Proudhon, Carnet n° 7, 1849.

« On me racontait hier que l’abbé de Lamennais pratiquait le culte d’Anacréon pour les petits garçons ; que même le vieux Barbet l’économiste lui avait servi d’amante. Une amante mâle de 60 ans !... Ce goût n’est pas rare aujourd’hui parmi les gens de lettres, les artistes et les grands. – On cite entr’autres, [Jean-Louis-Eugène] Lherminier [professeur au Collège de France], Germain Sarrut, et une foule que j’oublie. Nos mœurs tournent à la pédérastie, terme ordinaire, fatal, du développement érotique dans une nation. Quand la femme, prise d'abord pour organe de luxure, est devenue, par le raffinement de la volupté, un objet d'art, de l'art luxurieux, l'érotisme ne s'en tient pas là, il va jusqu'à l'affection unisexuelle. C'est logique. Qu'est-ce en effet que la volupté ? L'art de la masturbation, soit solitaire, soit à deux, de même ou de différent sexe. C’est bien ainsi que toutes nos notabilités de la politique, de la philosophie, du clergé, etc. entendent l’amour. […] Changarnier, Lamoricière, ont rapporté d’Afrique le goût des amours masculines. On assure que tous nos officiers et soldats qui tombent aux mains des Arabes passent tous par l’étrivière socratique. Courby de Cognord n’y aurait pas échappé. C’est même là une des causes des atrocités commises par nos troupes, notamment par le colonel Pélissier aux grottes de [le nom manque] .»
P. J. Proudhon, Carnet n° 8, année 1850.

Dans un pamphlet, le Dr Agrippa employait les expressions plaisir unisexuel, pratiques unisexuelles et amour unisexuel :

« Dans l’amour unisexuel, il y a une brutalité que ne s’accommode pas des soupirs et du dévouement délicat de l’amour honnête. »
La Première flétrissure, 1873.

La Justice, 25 septembre 1880, page 3 : " amours unisexuels " (affaire du capitaine Voyer).

Ce vocabulaire se retrouve dans le roman de Paul Bonnetain :

« Une demi-heure après, le crime irrémédiable était accompli ; l’ignorantin avait fait un nouvel élève à qui les monstrueux mystères des pratiques unisexuelles seraient désormais familiers. À jamais, il était détraqué, le petit malheureux qui souriait maintenant, l’œil humide de plaisir. »
Charlot s’amuse, 1883.

« Laissez passer la légion des solitaires, des unisexuels, des benjamites [cf Juges, XX] et des tribades. […] La chronique scandaleuse prétend que jamais ne fut si répandu le goût unisexuel, qu’il se propage singulièrement de par le monde, et que le bataillon de Lesbos, formé de recruteuses et d’entremetteuses, va grossissant chaque jour. »
Frédéric Loliée, Les Immoraux – Études physiologiques, Livre 2, VI-VII, 1891.

Digression sur le mot tribade :
Dictionnaire français... de Pierre Richelet, 1680 et 1706.

« D’autres croient que la similarité est une passion comparable à celle suscitée par la dissimilarité sexuelle. Hommes, ils aiment un homme ; mais ils affirment que s’ils étaient femmes, ils aimeraient une femme. Ce sont les unisexuels par excellence. Ce sont aussi les supérieurs, les plus intéressants. […] C’est une erreur de croire que les unisexuels, les invertis, se reconnaissent entre eux. C’est une de leurs vantardises, et qui a été fort répétée. Mais un de leurs sujets de conversation est justement de se demander si tel ou tel partage leurs goûts, leurs habitudes ou leurs tendances. Les efféminés se reconnaissent naturellement, mais on les reconnaît aussi aisément sans être efféminé soi-même. Mais la prudence, l’amour-propre, l’orgueil, le respect de soi-même, une affection profonde, mille sentiments empêchent un unisexuel de se livrer ainsi s’il n’est pas un débauché, ou très efféminé […] Les femmes d’aujourd’hui s’intéressent beaucoup à l’unisexualité masculine. On en parle beaucoup à présent ; les femmes sont très renseignées à ce sujet ; non seulement les femmes unisexuelles (qui sont toutes complices des hommes unisexuels à tous les degrés, du platonisme à l’abjection) mais aussi les femmes honnêtes. Les femmes n’ont pas peu contribué au sans-gêne de l’unisexualité masculine mondaine. Arrivées à un certain âge, les femmes qui ne s’attirent plus l’hommage des vrais hommes, s’entourent d’hommes unisexuels qui leur font la cour pour la galerie. »
André Raffalovich, « Quelques observations sur l’inversion », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 50, 15 mars 1894.

« Lorsqu’ils font semblant d’ignorer l’amour unisexuel ou de s’en indigner, les "gens honnêtes" mentent à dire d’expert. Cela fourmille au grand jour, sous le regard complaisant des sergots [agents de police] et de la foule. Maquillés, impudiques et frôleurs, vont et viennent les cynèdes en troupeau. Qui les désire n’a qu’un signe à faire pour en être obéi. »
Laurent Tailhade, La Touffe de sauge, édition de La Plume, 1901.

« Il y a un rapport constant entre la conduite et les principes des unisexuels et la conduite et les principes des hétéro-sexuels. Le relâchement des uns est le relâchement des autres. Sexuellement tous les hommes sont solidaires. »
André Raffalovich, « Les groupes uranistes à Paris et à Berlin », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 132, 15 décembre 1904.

« Quant au vice unisexuel masculin, quelques écrivains ont tenté de l’expliquer, sinon de l’excuser, chez les Grecs par la beauté même des hommes de l’Attique. »
B. de Villeneuve [Raoul Vèze], Le Baiser en Grèce, 1908.


« Puisque la législation barbare et injuste de certains États condamne avec sévérité les unisexuels, M. [Stuart] Merrill ne pense-t-il pas qu’il est du dernier intérêt de montrer qu’il a pu y avoir des hommes de génie parmi les  unisexuels ? Le prestige de ces hommes ne peut-il aider à défaire la barbarie et l’injustice des législations citées par M. Merrill ? Par quelle rage singulière MM. Les Humanitaires, chaque fois qu’un grand homme est donné comme unisexuel, s’efforcent-ils de dénier aux autres unisexuels le droit de le considérer comme un des leurs ? Si nous avions l’avantage de donner dans l’unisexualité, M. Merrill ou moi, la question ne nous serait pas indifférente. »
Guillaume Apollinaire, « Revue de la quinzaine », Mercure de France, tome 106, 16 décembre 1913.


Pris dans le livre de John Addington Symonds A Problem in Modern Ethics, 1891.


URANIE, VÉNUS URANIE, VÉNUS URANIENNE

Vénus Uranie est le nom francisé de l’Aphrodite Ourania, amour intellectuel (ou céleste) et pédérastique, en opposition à l’Aphrodite Pandémos, amour vulgaire (ou terrestre), bisexuel ou hétérosexuel ; cette distinction apparaît dans les Symposia [Banquets ou Beuveries] de Platon (180d-181) et deXénophon (viii, 9-10).

« Qui doute qu’il n’y ait deux Vénus ? L’une ancienne, fille du ciel, et qui n’a point de mère : nous la nommons Vénus Uranie ; l’autre plus moderne, fille de Jupiter et de Dioné [compagne de Zeus, forme locale de la Terre-Mère] : nous l’appelons Vénus populaire. Il s’ensuit que de deux Amours, qui sont les ministres de ces deux Vénus, il faut nommer l’un céleste, et l’autre populaire. ».
Jean Racine, traduction du Banquet de Platon, dans Œuvres complètes, tome II, Paris : Gallimard, 1952, collecton " Bibliothèque de la Pléiade "..

L’abbé François-Marie Coger, dans son Dictionnaire anti-philosophique pour servir de commentaire et de correctif au Dictionnaire philosophique (Avignon : Veuve Girard et François Seguin, 1767), écrivait : « Les Anciens ont connu deux sortes d'amour, le premier fils de Vénus Uranie, c’est-à-dire céleste ; le second engendré par Vénus terrestre... 



Aussi Chateaubriand, dans Génie du christianisme : « Ce qu’il y avait de plus sublime et de plus doux dans la fable [antique] possédait la virginité ; on la donnait à Vénus-Uranie et à Minerve, déesses du génie et de la sagesse ; l’Amitié était une adolescente. » Première partie « Dogmes et doctrines », livre I « Mystères et sacrements », chapitre ix, « Sur le sacrement d’ordre ».À leur suite, le Complément du Dictionnaire de l’Académie française (1842) définissait ainsi Uranie : « Nom de Vénus comme déesse de l’amour pur. »

« {…] ces Orientaux dont parle Julius Firmicus [Lib. De Errore prof. Relig] lesquels consacraient, les uns à la déesse de Phrygie, les autres à Vénus Uranie, des prêtres qui s’habillaient en femmes, qui affectaient d’avoir un visage efféminé, qui se fardaient. »
Joseph-François Lafitau (1681-1740), Mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps, tome 1, 1724.

« L’amour des hommes, dit-il, est en lui-même un sentiment pur, noble, divin. C’est l’amour des âmes. C’est un présent de Vénus Uranie. »
Dupin, La Prusse galante ou Voyage d’un jeune homme à Berlin, 12e journée, 1800.

« Carthage où l’on adore Vénus-Uranie [d’après Salvien, Du gouvernement de Dieu, VII]. »
Alfred de Vigny, Journal d’un poète, 16 juin 1837.

« Apollonius. La connais-tu la Vénus uranienne, qui brille sous son arc d' étoiles ? T' a-t-on dit les mystères de l' Aphrodite prévoyante ? As-tu jamais palpé la poitrine sèche de la Vénus barbue, ou médité les colères d' Astarté furieuse ? N' aie souci, j' arracherai leurs voiles, je briserai leurs armures ; avec moi tu marcheras d' un pied robuste sur la crête de leurs temples, et nous atteindrons ensemble jusqu' à la mystérieuse et l' inaltérable, jusqu' à celle des maîtres, des héros et des purs, la Vénus apostrophienne, qui détourne les passions et tue la chair. »
Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine, 1849.

« Socrate veut prouver (dit-il dans le Banquet de Xénophon) que l’amour de l’âme l’emporte de beaucoup sur l’amour du corps. Néanmoins, en établissant la différence entre la Vénus Uranie et la Vénus Pandème, il admet comme un usage établi qu’un garçon ait commerce avec un homme. »
Audé [O.-J. Delepierre], Dissertation sur les idées morales des Grecs et sur le danger de lire Platon, 1879.

« M. André Gide est pédéraste. Ce n'est pas le diffamer que de le dire, il s'en fait gloire. Il a écrit un petit livre (Corydon) pour s'en flatter et défendre l'uranie, et un gros bouquin (Si le grain ne meurt...) pour s'en confesser.
Je ne le lui reproche pas. Je m'en moque éperdument. Chacun prend son plaisir où il le trouve. Il me semble seulement aussi puéril d'avouer et de proclamer le goût qu'on a pour les jeunes gens qu'il me parait déplacé d'ouïr les confidences d'un érotomane déclarant n'aimer que les dames à gros derrière ou les jeunes filles aux seins inexistants.
Ce n'est pas du non-conformisme. C'est de l'exhibitionnisme... Une triste manie, sans plus.
Cependant, voici un article du réquisitoire d'André Gide contre l'U.R.S.S. (note au bas de la page 63) qu'il vient de publier et par lequel il accède pour la première fois, à soixante et un ans, aux gros tirages : " Que penser, au point de vue marxiste (sic) de celle (la loi) plus ancienne contre les homosexuels qui, les assimilant à des contre-révolutionnaires (car le non-conformisme est poursuivi jusque dans les questions sexuelles) les condamne à la déportation pour cinq ans, avec renouvellement de peine s'ils ne se trouvent pas amendés par l'exil ? "
On a le droit et peut-être le devoir de penser que ces dispositions sont bien rigoureuses. Mais on ne peut pas sous-estimer le poids dont elles ont pesé, au trébuchet de M. Gide, et la mesure dans laquelle elles ont aidé à sa déception.
Passons. Au sens propre du mot, M. André Gide est un pauvre bougre. »
" Un pauvre bougre : André Gide " Le Merle blanc siffle et persifle le samedi, N° 140, 5 décembre 1936, page 1.

URANIEN, adj. et subs., URNIEN, adj.

« Apollonius. La connais-tu la Vénus uranienne, qui brille sous son arc d' étoiles ? T' a-t-on dit les mystères de l' Aphrodite prévoyante ? As-tu jamais palpé la poitrine sèche de la Vénus barbue, ou médité les colères d' Astarté furieuse ? N' aie souci, j' arracherai leurs voiles, je briserai leurs armures ; avec moi tu marcheras d' un pied robuste sur la crête de leurs temples, et nous atteindrons ensemble jusqu' à la mystérieuse et l' inaltérable, jusqu' à celle des maîtres, des héros et des purs, la Vénus apostrophienne, qui détourne les passions et tue la chair. »
Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine, 1849.

« C’est toute une révolution sociale que M. Marx [Heinrich Marx] propose. Il veut que la loi, après avoir créé le genre Urnien, garantisse à l’Urning un état social équivalent à celui de la jeune fille et de la femme […] il fonde une société pour la défense des intérêts Urniens. »
François Carlier, La Prostitution antiphysique, 1887.

Edward Carpenter, " L'amour homogénique et sa place dans une société libre ",
La société nouvelle, 1896



« L’auteur [Magnus Hirschfeld] connaît les milieux spéciaux d’uraniens qu’il décrit et consacre de nombreux passages aux réunions d’homosexuels, notamment au Club Lohengren, à la Société des monistes et à la société des Platoniques qui ont un caractère plus littéraire et aux cabarets fréquentés spécialement par des uraniens. […] Le conseiller, Dr Necke, évalue à plus de vingt le nombre des tavernes uraniennes à Berlin. […] C’est par certains propriétaires de locaux fréquentés par les uraniens, mais pas exclusivement par eux, que sont organisés, surtout durant le semestre d’hiver, ces grands bals d’uraniens qui tant par leur cachet spécial que par leur extension, constituent une spécialité de Berlin. »
« Les Homosexuels de Berlin – Le troisième sexe, par le Dr Magnus Hirschfeld », Revue de Droit pénal et de criminologie, 1908

Dans Corydon, IV, André Gide évoque les « périodes uraniennes » de l’histoire : « nullement des périodes de décadence »

Pierre Lièvre a parlé du « caractère uranien » de L’Immoraliste, et proclamé que lui était étrangère une « œuvre à tendance uranienne »
« André Gide », Le Divan, n° 131, juillet-août 1927.


URANISME

De l’allemand Uranismus, néologisme dû au magistrat K. H. Ulrichs, par référence à l’Aphrodite Ourania de Platon (Banquet, 180-181). Ulrichs fut suivi par Heinrich Marx, auteur en 1875 d’une brochure intitulée Urningsliebe [L’Amour de l’uraniste]. Les termes de cette famille sont associés à une réévaluation positive de l’homosexualité.

Marc Raffalovich a entendu par uranisme l’inversion sexuelle congénitale masculine (Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 55, 15  janvier 1895) ; il publia en 1896 l’ouvrage Uranisme et unisexualité.

"Le mot Adelphisme serait plus juste et moins médical d'aspect qu'Uranisme, malgré son exacte étymologie sidérale."
Alfred Jarry, Les Jours et les nuits, II, 1, 1897.

« Pour pouvoir juger l’uranisme il faut l’examiner – tout comme l’hétérosexualité – neutralement ; le considérer comme une expression de la sexualité. On oublie et on a toujours oublié que pour juger de la situation sociale de l’uraniste, une morale sexuelle préfixée doit fatalement induire en erreur.
La période d’indifférence sexuelle, aussi bien que le fait qu’un individu qui a toujours été hétérosexuel acquiert parfois, sous l’influence du milieu, des penchants homosexuels qui disparaissent aussitôt que les circonstances sont favorables à la manifestation hétérosexuelle, prouvent que l’uranisme n’est pas une anomalie. »
Dr A. Alétrino, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901.

Selon le principal contradicteur d’Alétrino, J. Crocq,

« L’uranisme n’existe pas sans désir charnel, mais il se complique fréquemment d’amour cérébral ; l’amour cérébral est même très souvent le point de départ de l’uranisme. Mais l’uranisme ne naît que le jour où le désir sexuel paraît. »
Dr J. Crocq, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901. Article reproduit dans le Journal de Neurologie, 1901, pp. 591-596, et dans le Bulletin de la Société de Médecine d’Anvers, août 1901, pp. 116-122.

Pour un autre participant, M. Ferri,

« L’uranisme est encore un symptôme de la crise sociale qui marque toujours la transition d’une époque à une autre et qui maintenant se manifeste par exemple dans la répulsion psychologique que plusieurs gens ont pour le mariage, lequel du reste pour certaines classes sociales ne peut s’effectuer pour des raisons économiques que longtemps après la puberté. L’uranisme n’est qu’un autre reflet de cette crise morale et sociale que nous traversons et dont il faut aider la société à sortir. »

Ce à quoi M. Steinmetz avait répondu en anthropologue :

À notre époque on parle beaucoup d’uranisme, de suite M. Ferri fait la généralisation : aux époques de crise l’uranisme fait des progrès. C’est une induction un peu rapide ! Certainement le savant italien n’avait pas présente à l’esprit la statistique ethnographique assez riche de M. R. Burton dans les notes de sa belle traduction des Mille et une Nuits [The Book of the Thousand Nights, 1886], que je pourrais enrichir beaucoup moi-même. L’uranisme se trouve chez des peuples primitifs d’Amérique, d’Asie et d’Afrique, chez les anciens Perses et chez les Afgans modernes. Rien n’indique que ces peuples se trouvent dans des crises sociales. »

Remy de Gourmont fit un grand usage de ce terme dans son article de 1907 :


Léon Bocquet, appréciation sur Georges Eekhoud :
« Georges Eekhoud est le poète épique de la paysannerie pail­larde et de la gouaperie des faubourgs, des plèbes attirées de corps et d'âme vers la terre et la boue. Il est le défenseur et l'admirateur des réfractaires et des révoltés. Son anarchisme éro­tique n'est point d'ailleurs complaisance délibérée aux perversités, ni dévergondage d'esprit calculé, mais bien plutôt un sensualisme impérieux et instinctif, analogue à celui des hétérodoxes et éroto­manes dont il a conté l'histoire dans ce livre admirable d'érudition folkloriste : Les Libertins d' Anvers. L'uranisme, sous sa plume, devient art et mysticisme. Il lui sera beaucoup pardonné parce qu'une large sincérité dicte ses audaces.  »
La Société nouvelle —  Revue internationale — Sociologie, arts, sciences, lettres, 19e année, janvier 1914.

Plusieurs textes avaient mis en œuvre une argumentation dont on retrouve une bonne part dans les quatre dialogues de Corydon. Dans ces dialogues, uranisme et uraniste sont fréquents ; la traduction américaine de Hugh Gibb les avait rendus par homosexual et homosexuality, modernisant ainsi considérablement le texte de Gide.

« Remarquez je vous prie que Schopenhauer et Platon ont compris qu'ils devaient, dans leurs théories, tenir compte de l'uranisme ; ils ne pouvaient faire autrement. Platon lui fait, même, la part si belle que je comprends que vous en soyez alarmé. » (Corydon, Deuxième dialogue, II)

« Je reconnais avec vous que, après tout, la question de l'uranisme n'a pas, en elle-même, une grande importance ; mais je crois qu'après lecture de mes Mémoires vous reconnaîtrez que, pour moi, elle put en avoir une capitale, et que, du même coup, vous vous expliquerez mieux ce besoin de justification qui vous gêne dans mes écrits. Car ce n'est pas le fait d'être uraniste qui importe, mais bien d'avoir établi sa vie, d'abord, comme si on ne l'était pas. C'est là ce qui contraint à la dissimulation, à la ruse, et... à l'art. » (André Gide, lettre à André Rouveyre, 22 novembre 1924).

« Il ne se faisait pas sur la pédérastie une idée bien précise, avait besoin d’explications. L’entretien fut atrocement pénible. Ce n'est pas seulement à l'uranisme que Charlie [Du Bos] ne comprenait rien ; c'est à la vie. »
André Gide, Ainsi soit-il, 1951.

Le Manuel alphabétique de psychiatrie contenait dans sa 5e édition (PUF, 1975) un article intitulé « INVERSION SEXUELLE (URANISME, SAPHISME » ; par « uranisme classique », le Dr Bardenat semblait entendre l’homosexualité masculine associée à l’efféminement. Pour d’autres médecins, uranisme désigne plutôt l’homosexualité masculine en général :

« Quant à l’homosexualité, qu’elle soit lesbianisme ou uranisme, source possible de liens affectifs respectables, elle n’obéit pas cependant aux règles biologiques les plus élémentaires. »
M. Nicoli & B. Cviklinski, « La sexologie traverse aujourd’hui une crise conceptuelle », Quotidien du médecin, 7 novembre 1978.

Le Grand Robert de 1985 définissait uranisme par « homosexualité masculine ; les éléments de congénitalité, d’hermaphrodisme somato-psychique selon Ulrichs et de revendication militante néo-platonicienne sont oubliés, dans une progression assez fréquente du sens particulier au sens général.

« Signalons que le terme d' "uranisme" désigne l'homosexualité masculine et que Gide semble l'utiliser comme synonyme d' "homosexualité masculine", alors qu'il est généralement employé pour des hommes refusant tout comportement et toute occupation virils et se conduisant comme des femmes. » (Alain Goulet, Les Corydon d'André Gide, Paris : Orizons, 2014, II, 2., page 100).


URANISTE

De l’allemand Urning, néologisme dû au magistrat K. H. Ulrichs, par référence à l’Aphrodite Ourania de Platon (Banquet, 180-181). Ulrichs fut suivi par Heinrich Marx, auteur en 1875 d’une brochure intitulée UrningsliebeL’Amour de l’uraniste. La transposition en français se fit avec la traduction de Moll :

« Il est probable qu’une modification des dispositions pénales aurait pour effet d’améliorer la situation sociale des uranistes. »
Les perversions de l’instinct génital, 1893.

« L’éducation de l’uraniste est un devoir ; ce sera bientôt une nécessité. Si nous nous appliquons à découvrir l’uraniste enfant et à le perfectionner et à l’améliorer, si nous lui facilitons la continence, la chasteté, le sérieux, les devoirs, nous nous trouverons en face d’une classe nouvelle, apte au célibat, au travail, à la religion – puisque la réalisation de leurs désirs n’est pas de ce monde. »
Raffalovich, « L’uranisme (inversion sexuelle congénitale) », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 55, 15  janvier 1895.

Pour le Dr Saint-Paul, uraniste était synonyme d’inverti congénital, conformément à la théorie du troisième sexe d’Ulrichs. Le mot a rapidement diffusé hors des milieux médicaux :

« M. Oscar Wilde est maintenant torturé pour avoir été un uraniste, un hellénique, un homosexuel, comme vous voudrez. »
Alfred Douglas, « Une introduction à mes poèmes, avec quelques considérations sur l’affaire Oscar Wilde », Revue Blanche, 15 juin 1896.

" Ce n'est pas le fait d'être uraniste qui importe, mais bien d'avoir établi sa vie, d'abord, comme si on ne l'était pas. C'est là ce qui contraint à la dissimulation, à la ruse, et... à l'art. " (André Gide, lettre à André Rouveyre, 22 novembre 1924).

Dans les milieux médicaux, le sens s’est dilué :

« Uraniste. Syn. Homosexuel. Nom sous lequel on désigne, en médecine légale, les individus qui présentent une inversion de l’instinct sexuel, bien que leurs organes génitaux soient normalement conformés. »
Garnier & Delamare, Dictionnaire des termes techniques de médecine, 1900.

Le mot a occupé une large place dans la grande polémique de 1901, lors du Congrès international d’anthropologie criminelle :

« Malgré les autres noms qu’on a essayé de faire adopter, celui de « Urning », gracieusement transformé par les Français en « Uraniste », s’est maintenu, et sert encore à désigner une classe déterminée d’hommes chez lesquels existe cette particularité que le sexe propre a plus d’attraction sur eux que le sexe opposé. En classant les hommes d’après leur manifestation sexuelle, les Uranistes forment une classe distincte. Il ne faut donc pas les confondre avec les sadistes, les masochistes, les nécrophiles, les fétichistes, les flagellants et les efféminés, qui tous sont des personnes présentant des anomalies sexuelles. […] En parlant ici d’Uranistes, j’ai avant tout en vue les hommes qui, comme hommes, se sentent attirés vers d’autres hommes, sans me demander si ces derniers se sentent plus, autant, ou un peu moins virils qu’eux. Par conséquent j’écarte tous les efféminés, aussi bien les efféminés proprement dits que que ceux qui le sont devenus par perversion, par l’influence de l’exemple ou par dépravation. »
Dr A. Alétrino, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901. André Gide lui aussi écartera les efféminés.

« Il y a entre l’attraction homosexuelle de l’homme normal et l’attraction homosexuelle de l’uraniste la différence qu’il y a entre la communion d’idées, l’amitié, l’affection même et le désir, la différence qu’il y a entre l’amour fraternel et l’amour conjugal. »
Dr J. Crocq, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901. Article reproduit dans le Journal de Neurologie, 1901, pp. 591-596, et dans le Bulletin de la Société de Médecine d’Anvers, août 1901, pages 116-122.

« Pour un médecin, un … uraniste est un malade. Pour un poète aussi délicat que le créateur de Michel, c’est un … convalescent. »
Rachilde, « L’Immoraliste, par André Gide », Mercure de France, n° 151, juillet 1902.

Dans les années 1904-1905, l’écrivain Raffalovich décrivit les « groupes uranistes à Paris et à Berlin », et même un « syndicat des uranistes ».

Archives d'anthropologie criminelle, 15 décembre 1904.



« L'uraniste est une variété normale de l'homo sapiens»
A. Alétrino, "Uranisme et dégénérescence", Archives d’Anthropologie Criminelle, 1908.


Dans Corydon, écrit entre 1909 et 1918, uranisme et uraniste sont employés fréquemment ; mais on ne les trouve pas chez Proust.

« Je ne prétends pas que tous les uranistes le soient [bien portants et virils] ; l'homosexualité, tout de même que l'hétérosexualité, a ses dégénérés, ses viciés et ses malades [...] mon livre traitera de l'uranisme bien portant ou, comme vous disiez tout à l'heure : de la pédérastie normale. » (Corydon, Premier dialogue, III)

« Calmez-vous ! calmez-vous ! votre uraniste est un grand inventeur. » (Corydon, Deuxième dialogue, I)

Robert de Saint Jean : « Dans ses romans [ceux de François Mauriac] aucun personnage important n'est uraniste ; à peine quelques silhouettes à peine esquissées çà et là. »
Passé pas mort, III " En revenant de la revue ", Paris : Grasset, 1983.

USAGE DES GARÇONS

« Un jeune abbé dissolu qui, pour s’égayer, avait parlé dans sa diatribe des filles de joie de Babylone, de l’usage des garçons, de l’inceste, et de la bestialité. »
Voltaire, La Défense de mon oncle [1767], Avertissement.

* * * * *

VAGIN MASCULIN
Alfred Delvau, Dictionnaire érotique moderne..., 1864.
Plaute, L'Imposteur, acte IV, scène 7 : " BALLION à HARPAX : La nuit, quand le militaire était de service, allais-tu avec lui ? son épée entrait-elle bien dans ton fourreau ? "

VAISSEAU

« La pédérastie est dans les habitudes des forçats. Au bagne, on appelle vaisseau le pédéraste et frégate son complice. »
Revue pénitenciaire et des institutions préventives, octobre-décembre 1846, page 493.

VARIANTE, VARIATION

Naecke, 1904, 1909 ; Sigmund Freud, vers 1924.

VAUTRIN

D’après le nom du personnage des romans d’Honoré de Balzac.

« Bichon : Petit jeune homme qui joue le rôle de Téhodore Calvi auprès de n’importe quels Vautrins. »
Alfred Delvau, 1866.

VÉNUS

« L’une et l’autre Vénus »
Lettre de Guez de Balzac sur Nicolas Vauquelin des Yveteaux (1567-1649) qui pratiquait « L’une et l’autre Vénus »
Sonnet de François Ogier à propos de Vauquelin des Yveteaux : « Un sérail qui comprend l’une et l’autre Vénus [...] des valets, mais infâmes. » (Réponse au sonnet XIII).

VÉNUS URANIE cf URANIE

VEUVES

« Allée des Veuves : guinguettes inféodées à la secte dominatrice des sodomites.
Veuve était, dans la langue imagée des sodomites, le synonyme de patient, avec le sens du mot latin patiens. »
Paul Lacroix (1808-1884), cité par Pisanus Fraxi [Henry Spencer Ashbee], Centuria librorum absconditorum, London, privately printed, 1879.

« Allée des Veuves, s ; f. : Avenue qui se trouve dans les Champs-Elysées. Ancien lieu de rendez-vous [parisien] de Messieurs et Mesdames les pédérastes. Aujourd’hui, ils et elles se rencontrent partout. »
J. Ch.x, Le Petit Citateur, 1881..

VICE À LA MODE

« L’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. »
Molière, Dom Juan, V, 2, Dom Juan à Sganarelle.

De Madame, princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV : « Quand on a raconté à Mme Cornuel la vie dévergondée des dames du faubourg (car on les appellent ainsi pace qu’elles habitent toutes au faubourg St Germain), elle a dit : "Mon Dieu, ne les blâmez pas, vous verrez que c’est une mission qu’on aura envoyée là, pour ramener les jeunes hommes du vice à la mode". Cette dame a maintenant 87 ans. »
Lettre à Sophie de Hanovre, 1er février 1693.

« Ce vice, qui s’appelait autrefois le beau vice, parce qu’il n’était affecté qu’aux grands seigneurs, aux gens d’esprit ou aux Adonis, est devenu si à la mode qu’il n’est pas aujourd’hui d’ordre de l’État depuis les ducs jusqu’aux laquais et au peuple qui n’en soit infecté. Le commissaire Foucault, mort depuis peu, était chargé de cette partie et montrait à ses amis un gros livre où étaient inscrits tous les noms de pédérastes notés à la police ; il prétendait qu’il y en avait à Paris presque autant que de filles, c’est-à-dire environ 40 000. »
Mémoires secrets …, 13 octobre 1783.

VICE DE NON-CONFORMITÉ

« […] un certain vice de non-conformité dont on l’accusait [Cambacérès]. Vice qui, du reste, est fort ancien en France. »
Aubriet, Vie de Cambacérès, 1824.

VICE GREC

« Pendant deux siècles [VIIe-VIe] nous avons vu les deux institutions qui forment le corps humain, l'orchestrique et la gymnastique, naître, se développer, se propager autour de leurs points de départ, se répandre dans tout le monde grec, fournir l'instrument de la guerre, la décoration du culte, l'ère de la chronologie, offrir la perfection corporelle comme principal but à la vie humaine, et pousser jusqu'au vice (1) l'admiration de la forme accomplie.
(1) Le vice grec, inconnu au temps d'Homère, commence, selon toutes les vraisemblances, avec l'institution des gymnases. Cf Becker, Chariclès (Excursus).
Hippolyte Taine, Philosophie de l'art en Grèce, Paris : Germer Baillière, 1869, III " Les institutions ", ii " La gymnastique ".  »

VICE ITALIEN

« À l’exemple de la plupart des jeunes Français, il [le comte de Guiche] avait compromis sa santé par la pratique du vice italien et particulièrement au service des plaisirs de Monsieur. Mais il m’a été assuré, d’autre part, que le duc de Nevers [neveu de Mazarin] avait été le premier à corrompre Monsieur [frère de Louis XIV], lequel était un prince d’une grande beauté. Aussi la reine-mère avait-elle éloigné Monsieur du duc de Nevers, que l’on accusait d’avoir importé en France la mode du vice italien
Primi Visconti, Mémoires sur la Cour de Louis XIV, 1908 [1673].

VICE PHILANDRIQUE

« mon éloignement extrême pour le vice philandrique [régnant dans l’école janséniste de Bicêtre]. »
Restif de la Bretonne, Monsieur Nicolas, seconde époque.

VICE SOCRATIQUE

" Les Anglais pratiquent, en grand, le vice socratique. "
Carrefour, 16 juin 1965.

VILLETTE

À cause de l’homosexualité supposée du marquis Charles Michel de Villette.(1736-1793).

« Mad. Durut : si j'étais un aussi joli garçon que vous, je ne me contenterais pas de tourner la tête aux femmes, je voudrais m'amuser encore à me faire lancer par tous les Villettes du Royaume. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 1ère partie, quatrième fragment, Lampsaque : 1793.
« […] jour de solennité le Jeudi, en l'honneur de Jupiter, le Villette de l’Olympe, comme tout le monde le sait. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 2e partie, premier fragment "L'Œil du maître", Lampsaque : 1793.

VIRER SA CUTI

Changer d’opinions en général, et spécialement « devenir homosexuel » (Grand Robert 1985), ou hétérosexuel.

Anciennement, on disait : changer de religion ou changer de côté. Noter la connotation homosexuelle de côté, repérée pendant la Révolution française ; connotation qui implique l'opposition droite/gauche.

VIRIL

En 1909, Guy Debrouze se proposait d’étudier

« les types infiniment variés de l’homosexuel, depuis l’ordinaire à caractères féminins prédominants, jusqu’au type supra-viril en qui s’essaye une formule supérieure du sexe . Entre ces deux extrêmes, qu’elle le veuille ou non, est comprise toute l’humanité. »
« Le préjugé contre les mœurs », Akadémos, n° 7, 15 juillet 1909.

" [...] le vieux Monsieur n'est pas du tout l'amant de Mme Swann, mais un pédéraste. C'est un caractère que je crois assez neuf, le pédéraste viril, épris de virilité, détestant les jeunes gens efféminés [...]."
Marcel Proust, Lettre à Gaston Gallimard, novembre 1912, Lettres à la NRF, Gallimard, 1932 (Cahiers Marcel Proust, n° 6).

VOILE ET VAPEUR

« Voile et vapeur : navigation entre les deux sexes. »
Delpal, Paris bleu tendre, 1972.

VOYAGE EN TERRE JAUNE

France-Inter, 29 avril 1999.


Lettre T

CHRONOLEXICOGRAPHIE

jeudi 20 juillet 2023

ÉLÉMENTS DE PHONÉTIQUE FRANÇAISE





MOLIÈRE :
" MAÎTRE DE PHILOSOPHIE : La voix A se forme en ouvrant fort la bouche: A.
MONSIEUR JOURDAIN: A, A. Oui.
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: La voix E se forme en rapprochant la mâchoire d'en bas de celle d'en haut: A, E.
MONSIEUR JOURDAIN: A, E, A, E. Ma foi! oui. Ah! que cela est beau!
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: Et la voix I en rapprochant encore davantage les mâchoires l'une de l'autre, et écartant les deux coins de la bouche vers les oreilles: A, E, I.
MONSIEUR JOURDAIN: A, e, i, i, i, i. Cela est vrai. Vive la science!
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: La voix o se forme en rouvrant les mâchoires, et rapprochant les lèvres par les deux coins, le haut et le bas: o.
MONSIEUR JOURDAIN: O, o. Il n'y a rien de plus juste. A, e, i, o, i, o. Cela est admirable! I, o, i, o.
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: L'ouverture de la bouche fait justement comme un petit rond qui représente un o.
MONSIEUR JOURDAIN: O, o, o. Vous avez raison, o. Ah! la belle chose, que de savoir quelque chose!
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: La voix u se forme en rapprochant les dents sans les joindre entièrement, et allongeant les deux lèvres en dehors, les approchant aussi l'une de l'autre sans les rejoindre tout à fait: u.
MONSIEUR JOURDAIN: U, u. Il n'y a rien de plus véritable: u.
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: Vos deux lèvres s'allongent comme si vous faisiez la moue: d'où vient que si vous la voulez faire à quelqu'un, et vous moquer de lui, vous ne sauriez lui dire que: u.
MONSIEUR JOURDAIN: U, u. Cela est vrai. Ah! que n'ai-je étudié plus tôt, pour savoir tout cela ?
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: Demain, nous verrons les autres lettres, qui sont les consonnes. "

Acte II, scène 4.

En français, il y a 26 lettres, 37 phonèmes (19 voyelles et 18 consonnes) et plus de 130 graphèmes. Graphèmes et phonèmes ne correspondent donc pas de façon univoque. Il y a 5 signes diacritiques, 4 suscrits : accents aigu ˊ, grave `, circonflexe ^, et tréma ¨ ; et 1 signe souscrit : ¸ dans ç (c cédille ou c à queue ; en majuscule Ç). Le français comporte enfin une ligature, œ (en majuscule Œ).
Entre les crochets ([ ]), la transcription selon l'alphabet phonétique international.

I / Voyelles
12 voyelles orales, 4 voyelles nasales et 3 semi-voyelles = 19 :
4 voyelles orales antérieures, 4 voyelles orales centrales et 4 voyelles orales postérieures = 12 :


I / a) 4 voyelles orales antérieures :

[i] lit, stylo, île, maïs, hilare

[e] télé, parler, parlez ( "e" avec  accent aigu), Dontreix

[ɛ] mère, treize, être, laide, mais, est, jouet, merci, volley, crayon ("e" avec accent grave)

[a] faculté, sac, à, patte ("a" bref)

I / b) 4 voyelles orales centrales :

[y] lune, lunette, hue

[ə] le, reprendre, retour, faisable, ce, aiment

[ø] feu, jeu, vœu, nœud, jeûne

[œ] fleur cœur, accueil, sœur, mœurs, jeune

I / c) 4 voyelles orales postérieures :

[u] poule, où, goût, août, football

[o] vélo drôle, bateau, pause, landau, côte ("o" fermé)

[ɔ] sort, or, pomme, pose, album, cote ("o" ouvert)

[ɑ] pâte, glas, âge ("a" long)

I / d) 4 voyelles nasales :

[œ̃] brun, un, parfum

[ɛ̃] pain, brin, cinq, vingt, peinture, imberbe, daim, imparfait, symbole, synthèse, moyen, chien

[ɑ̃] sans, temps, gant, jambe, dent, empereur, paon, Caen, étang, rang

[ɔ̃] ballon, son, garçon, ombre, punch, Riom, rond, pont

I / e) 3 semi-voyelles (ou semi-consonnes) :

[j] fille, soleil, pied, crayon, lion, liane, paille, voyions

[ɥ] huit, sueur, suave, ennuyeux, nuit

[w] poisson, ouate, oui, ouest, voyage, loin, équateur, doigt, voie


II / Consonnes
10 consonnes occlusives, 6 consonnes fricatives/constrictives et 2 consonnes  vibrantes/constrictives = 18 

10 occlusives ( 3 bilabiales, 4 dentales et 3 vélaires)


II / a) 3 consonnes occlusives bilabiales :

[p] pile, appartement, pipe

[b] bol, abbaye

[m] mur, flamme

II / b) 4 consonnes occlusives dentales :

[t] table, datte, thé, bastion, bastille, tasse

[d] dé, addition, Dédé

[n] nœud, anniversaire, stagner

[ɲ] gagner, ligne, manière, agneau

II / c) 3 consonnes occlusives vélaires :

[k] cadeau, occasion, képi, orchestre, quoi, coq, accord, ticket

[ɡ] gâteau, gain, langue, gustatif, toboggan, ghetto, second, guerre, stagner

[ŋ] parking


6 fricatives/constrictives (2 labiodentales, 2 dentales et 2 palatales)

II / d) 2 consonnes fricatives/constrictives labiodentales :

[f] flan, buffet, phare, naphtaline, famille

[v] valise, wagon

II / e) 2 consonnes fricatives/constrictives dentales :

[s] citron, poisson, garçon, démocratie, penser, six, scie, nation, science, savon

[z] maison, rose, zoo, deuxième, blizzard, zut

II / f) 2 consonnes fricatives/constrictives palatales :

[ʃ] chat, schéma, fasciste, short, shampoing

[ʒ] déjà, jupe, girafe, manger gyrophare, germe, geai


II / g) 2 consonnes vibrantes/constrictives :

[l] lampe, elle, finale

[ʁ] armée, rhume, raie, terre, beurre, porc, port, tord, tort


mardi 24 janvier 2023

DFHM : Manchette à mouchard en passant par masculin, mignon et monosexie


MANCHETTE

La connotation homosexuelle dont l’origine n’est pas connue avec certitude n’a été pratiquement rencontrée qu’au XVIIIe siècle. Le polémiste protestant Agrippa d'Aubigné nous fournit une piste :
Tragiques, II " Princes ".


Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1680 et 1706 :

Il se peut aussi que manchette soit dérivé de manche dans le sens que lui donne Mirabeau : « Les Sodomistes pensaient apparemment comme un grand seigneur moderne. Un valet de chambre de confiance lui fit observer que du côté qu’il préférait, ses maîtresses étaient conformées comme des ganymèdes, qu’on ne pouvait trouver au poids de l’or ; qu’il pouvait … des femmes. " Des femmes ", s’écria le maître, " eh ! c’est comme si tu me servais un gigot sans manche " »
H. G. Mirabeau, Erotika Biblion, 1783.

On rencontre cette connotation dans les rapports de la police parisienne à partir de 1726 ; j'en ai fait une publication séparée :

« Il m’a conté la manière dont il avait été arrêté aux Tuileries pour le fait de la manchette, et qu’on en arrêtait aussi à la Demie-Lune et sous les arcades de la place Royale. » (6 janvier 1726)
« Lui ayant dit que j’avais été portier aux Jacobins pendant trois ans, il m’a dit : puisque c’est comme ça, je ne puis pas me fier à vous parce qu’on m’a dit qu’il y avait un jeune homme qui avait été portier aux Jacobins qui faisait arrêter ceux qui étaient de la manchette. » (2 juillet 1727)
« Ils ont tous deux été trois ou quatre fois cet été dernier au Lion d’Argent à la Courtille, où il y avait beaucoup de monde de la manchette, que toute la conversation ne roulait que sur cela, la plupart des hommes qui s’y trouvaient se traitaient de « Madame » et prenait toutes les manières des femmes en faisant comme elles des révérences ; c’est ce qui les a détournés d’y aller. » (16 janvier 1748)
« Il a été rapporté au magistrat que le 29 octobre [1747] Caron s’est trouvé dans une assemblée de gens de la manchette au nombre de vingt qui s’est tenue chez un marchand de vin à l’enseigne du Fer à Cheval à la Courtille, et que tous ont eu affaire les uns avec les autres soit dans ce cabaret soit après en être sortis. » (23 janvier 1748)
Archives de la Bastille, 10256, 257, 259.

Vers sur Deschauffour faits en 1726 :
« L’ordre de la manchette en lui perd son vrai père,
Aux gitons de Paris il tenait ordinaire.
Tout le monde le pleure, et l’église et l’épée. »
De B… [Bois]-Jourdain, Mélanges historiques, satiriques et anecdotiques [...] contenant des détails ignorés ou peu connus sur les événements et les personnes marquantes de la fin du règne de Louis XIV, des premières années de celui de Louis XV, et de la Régence, Paris : Chèvre et Chanson, 1807, tome 2, page 337.

« Leurs discours ressemblent à leurs mœurs, ils ont un langage à part ; plein d’affèterie, ils s’appellent entre eux Frères, Gitons et Ganymèdes. Ces noms bizarres sont leurs noms d’amitié. Ils ont parmi eux un Ordre de Chevalerie dont on ignore l’origine et les prérogatives ; ils tiennent tous à si grand honneur de le porter, qu’il n’y a que les misérables qui ne l’aient pas, on l’appelle Ordre de La Manchette. »
Godard de Beauchamps, Histoire du prince Apprius [Priapus], 1728. (les anagrammes ont été éclaircis)


Dans les Journal et Mémoires du marquis René-Louis d’Argenson, ami de Voltaire, il est question, à la date du 29 mai 1740, d’un certain de Vilaines, « célèbre dans l’ordre de la Manchette », « jouant un grand rôle dans le parti de la Manchette » (tome 3, page 87 de l’édition Vve Jules Renouard, 1859).

Marquis d'Argenson, 29 mai 1740 :

" Ce personnage [Vilaines] est par sa nature porté à l'intrigue, utile à ses amis, et le fond de cette vue est un goût naturel de se mêler d'intrigues de cour. Il est célèbre dans l'ordre de la Manchette. Ce désordre de jeunesse porte à l'amitié et conduit au cœur tendre pour ses amis, quoique le désordre y cesse avec les violentes arsées (sic) qui font le b[ougre]. Celui-ci se trouve grand ami du cardinal de Tencin, que les jésuites lui ont donné pour ami, et il le sert avec jugement, selon le temps.

Ledit Tencin, après avoir tiré si grand parti qu'il a fait du cardinal de Fleury, a considéré d'où venait le vent et où il allait; il a trouvé qu'il allait précisément au sieur Bachelier, et a pénétré que le fond de ce crédit venait des conseils de M. Chauvelin, et qu'il ne pouvait conduire autre part.
[...]
Pour cet effet, il [le cardinal de Tencin] se sert de gens tous désavouables, et tel est de Vilaines jouant un grand rôle dans le parti de la Manchette, ayant vu Courcillon, Deschauffours et même Chausson1. Il est le maître de quelques jeunes gens, secrets sectateurs de cette non conformité, il est bien reçu aux Jésuites, et commande à quantité d'évêques; il va dicter et recevoir des dictées de politique chez la de Tencin, sœur du cardinal, il a de l'esprit, ce qui paraît par une grande facilité à parler de toutes sortes de choses, depuis la politique jusqu'aux marionnettes. Il est homme du monde, il y a toujours été reçu sur cette universalité, et comme homme de bonne compagnie. Ainsi il joint à ses amis de parti quantité de vieux amis, de tous partis indifférents. Il a servi, il a des procès, il est garçon commode, enfin il est dévot, car tous ces pauvres b[ougres]. meurent le c[ul] dans un bénitier. "

1. " Deschauffours avait été brûlé pour crime de sodomie, le 24 mai 1726. Chausson, que d'Argenson appelle Sauchon, avait eu le même sort vers 1674. Si l'on veut juger des progrès que cette hideuse démoralisation avait faits jusque dans les rangs de la jeune noblesse, il faut lire les révélations que renferme à ce sujet le procès-verbal d'un interrogatoire écrit de la main du lieutenant de police d'Argenson : Mss de la Bibliothèque du Louvre. "

Journal et mémoires du marquis d'Argenson, tome 3 / publiés pour la première fois d'après les manuscrits autographes de la Bibliothèque du Louvre, pour la Société de l'histoire de France, par E. J. B. Rathery. Auteur : Argenson, René-Louis de Voyer (1694-1757 ; marquis d'). 1859-1867. Contributeur : Rathery, Edmé-Jacques-Benoît (1807-1875). Société de l'histoire de France. Éditeur scientifique.

« Il y a grande brouillerie dans le ménage du jeune électeur [de Bavière, Maximilien III Joseph] et de l'électrice saxonne : ce prince avant son mariage était de la manchette; il s'est remis au goût régulier, et a pris une maîtresse. » (d'Argenson, Journal et mémoires, tome 5, 6 juillet 1748, page 235.



Jean-Jacques Rousseau utilisa l’expression chevalier de la manchette dans ses Confessions :

« Cette aventure me mit pour l’avenir à couvert des entreprises des Chevaliers de la manchette, et la vue des gens qui passaient pour en être, me rappelant l’air et les gestes de mon effroyable Maure, m’a toujours inspiré tant d’horreur, que j’avais peine à la cacher. »
1ère partie, livre II.

Une des expressions du marquis d’Argenson fut reprise dans l’un des écrits anonymes de la période révolutionnaire, et d’abord dans son titre, Les Enfants de Sodome à l’Assemblée Nationale, ou Députation de l’Ordre de la Manchette :
« Que peut aujourd’hui l’abbé Viennet [député à la Convention, père d’un écrivain célèbre] pour l’Ordre de la Manchette ? Rien sans doute ; mais l’ordre lui doit beaucoup de prosélytes : c’est lui qui, par le moyen de son théâtre bourgeois, a perverti Dumay, commis au Domaine ; Cotte, commis d’architecte ; Mandron le jeune, tapissier ; Michu, de la comédie italienne, lui doit son avancement dans l’Ordre. »


Littré donne ces définitions : « Un marquis de la manchette, un homme qui tend la main, un mendiant. Les chevaliers de la manchette, les pédérastes. »

L’explication du sens homosexuel pourrait alors être dans le geste de la main vers le sexe du partenaire. Mais R. H. Van Gulik apporte une autre piste en signalant qu’en Chine ancienne l’expression « manche coupée » était devenue une désignation littéraire de l’amour masculin après que l’empereur Ai-ti ait coupé la manche de son vêtement pour éviter de réveiller son favori endormi à ses côtés.

On rencontre encore parfois le mot, par exemple dans le polar historique d’Alice Yvernat :
« Il n’avait pas l’impression d’être comme ceux de la manchette. Lui, il aimait vraiment. Et qu’y a-t-il de commun entre un amour véritable et la débauche à laquelle certains se livraient ? »
Les Billets indiscrets, chapitre 7, Paris : L’Embarcadère, 2005.

MANIÉRÉ

« Le général Bigeard avait exprimé une volonté : que ses cendres fussent, à sa mort, répandues au-dessus de Diên Biên Phu. Le Vietnam, dont les autorités ont toujours été aussi humaines que les gars du 25e RIC étaient maniérés, a refusé. »
François Miclo, " Général, nous voilà ! Bigeard aux Invalides ", Causeur.fr, 28 novembre 2011.

MANUÉLISER

« [En septembre 1743] M. de Villars porta la main dans la culotte de lui déclarant [Jean-Baptiste Mars], qu’il manuélisa en lui faisant des reproches de ce qu’il n’avait pas l’érection, de ce qu’il n’agissait pas réciproquement avec la même liberté avec lui duc de Villars qui, pendant qu’il touchait d’une main lui déclarant, se manuélisait de l’autre, et parvint seul à l’éjaculation. »
Archives de la Bastille 1, 11536.

MARCHER

Donner dans les relations masculines.

« Axiome : tout Saint-Malo marche. » (Dans la Correspondance Gide/Ghéon).

Julien Green : « [Robert] Levesque nous dit qu'à Rome tout le monde " marche ", que les hommes font l'amour cinq ou six fois par jour, qu'un garçon comprend dès le premier coup d'œil et consent toujours. »
Journal intégral 1919-1940, 13 avril 1935, Paris : Robert Laffont, 2019.

« Il a été groom au Lido pendant quelque temps et me dit que Cartonnet est connu pour faire de l'œil aux gigolos qu'il préfère de beaucoup aux femmes, et qu'il aime surtout se faire baiser. Ce même Cartonnet " marcherait pour de l'argent ". » Journal... 2 octobre 1936.

MARI

« Mari : très facilement employé dans le milieu gay pour désigner son copain du moment. »
www.tasante.com 2002.

La loi Taubira " mariage pour tous " de 2013 a bouleversé la situation...

MASCULIN

« De combien de mots masculins
A-t-on fait des mots féminins
[...]
Sans que l'abbé de Boisrobert
Ce premier chansonnier de France,
Favori de son éminence,
Cet admirable patelin,
Aimant le genre masculin,
S'opposât de tout son courage
À cet efféminé langage. »
Gilles Ménage, Le Parnasse alarmé ou Requête des dictionnaires, 1649, page 8.

À la mort de l’archevêque d’Albi Séroni, on fit circuler ces vers irrespectueux :

« Pleurez, pleurez jeunes garçons
Un prélat si fort débonnaire
Qui retranchait de vos leçons
Deux des genres de la Grammaire :
De même qu’en pays latin,
Il n’usait que du masculin. »
Recueil Maurepas, BnF, mss fr. 12640, année 1685, tome 25, p. 399.

De même après l’expulsion des Jésuites :

« Vous ne savez pas le latin :
Ne criez pas au sacrilège
Si on ferme votre collège
Car vous mettez au masculin
Ce qu’on ne met qu’au féminin. »
Chansonnier Clairambault-Maurepas, année 1762.

MALÉDICTION, MAUDIT cf RACE MAUDITE

MAUVAIS GENRE

Caricature d'Abel Faivre, Le Rire, septembre 1907.


MÉNAGE, MÉNAGE MASCULIN

« Quel beau ménage ils faisaient à la turquesque. Aussi les petits enfants criaient tout haut que Quelus et Maugiron étaient bardaches […] peu après faisant un nouveau ménage. »
La Vie et faits notables de Henri de Valois, 1589.

« À peine arrivée dans la rue, toute la société [les amis lettrés de Sautelet] s’est mise à parler du ménage masculin de Fiévée et Th. Leclerq. On a beaucoup jasé sur ce sujet. »
Delécluze, Journal, 12 avril 1826.

MÉTIER

Métier eut une connotation homosexuelle à partir du XIIe siècle chez des auteurs comme Gautier de Coincy et dans des œuvres anonymes telles que l’Eneas, le Lai de Lanval et l’histoire de Gille de Chyn.

« Il transfigure cette abomination brutale des Sodomites que l’Écriture condamne si aigrement, et la fait évanouir à ce que bougrerie ne soit pas estimée péché. Ce que je crois il ne fait pas sans cause. Car je pense bien qu’il a pratiqué le métier suivant le privilège de son ordre. »
Jean Calvin, Épître contre un cordelier détenu à Rouen, Recueil des opuscules, 1566, page 719.

« Ci-dessous gît un pauvre prêtre,
Plaintif que Bougoin son maître
Lui fit faire plus d’un métier.
L’esprit revient et lui reproche
Qu’il virait en été la broche,
Et l’hiver il était portier.
Agrippa d’Aubigné, Les Aventures du baron de Fæneste, III, 16.

Virer la broche et portier sont des métaphores fugaces auxquelles je n'ai pas cru devoir consacrer une notice.

« Cet honnête homme fut mis par force au métier. »
Agrippa D’Aubigné, Confession catholique du sieur de Sancy, I, 7.

Il y a cinq ou six mois qu’on a mis à la Bastille un nommé Deschauffours qui était un particulier dans Paris, grand bougre de son métier, bel homme et bien fait. Cet homme connaissait beaucoup de monde dans le grand et dans le médiocre, car en général ce n’est pas l’amusement petit-bourgeois. »
Barbier, Journal, mai 1726, BnF, mss fr. 10286, f° 9.

Résurgence inattendue en 1914 :

Francis Carco : « La franchise du môme sidérait la Caille. Le « métier » lui plaisait vraiment, il avait ça dans le sang, et c'était plus comme les Titine et les Bambou qui se forçaient aux pires boulots... Lui aussi, la Caille, il s'y était forcé !... Mais ce qui l'asseyait, c'était chez le frangin de Bambou c'te facilité pour des mœurs contre nature qui, à lui, pour la même raison qu'elles le remuaient, le débectaient horriblement... »
Jésus-la-Caille, Paris : Mercure de France, 1914, deuxième partie, VIII.

METTRE

« Vous ne savez pas le latin :
Ne criez pas au sacrilège
Si l’on ferme votre collège
Car vous mettez au masculin
Ce qu’on ne met qu’au féminin. »
Chansonnier Clairambaut-Maurepas, année 1762.

« Tous les conquérants, ils doivent, c'est bien naturel, mettre les conquis! c'est la loi des plus vives Espèces !… »
Céline, Bagatelles pour un massacre, 1937.

« Regarde comme ils sont heureux tes "Français de race" d'avoir si bien reçu les Romains... d'avoir si bien tâté leur trique... si bien rampé sous les fourches... si bien orienté leurs miches... si bien avachi leurs endosses. Ils s'en congratulent encore à 18 siècles de distance!.. Toute la Sorbonne en jubile!... Ils en font tout leur bachot de cette merveilleuse enculade! Ils reluisent rien qu'au souvenir!... d'avoir si bien pris leur pied... avec les centurions bourrus... d'avoir si bien pompé César... d'avoir avec le dur carcan, si étrangleur, si féroce, rampé jusqu'à Rome, entravés pire que les mulets, croulants sous les chaînes... sous les chariots d'armes... de s'être bien fait glavioter par la populace romaine... Ils s'esclaffent encore tout transis, tout émus de cette rétrospection... Ah! qu'on s'est parfaitement fait mettre!... Ah! la grosse! énorme civilisation!... On a le cul crevé pour toujours... Ah! mon popotas!... fiotas! fiotum!... Ils s'en caressent encore l'oigne... de reconnaissance... éperdue... Ah! les tendres miches!... Dum tu déclamas!... Roma!... Rosa! Rosa!... Tu pederum!... Rosa! Rosa! mon Cicéron! »
Céline, Bagatelles pour un massacre, 1937.

Blague racontée dans les années 1950 : " Jean Marais vient voir Cocteau à son domicile. Un domestique le reçoit et demande : - C'est pour le maître ? - Non, juste pour le voir. "

La formule insultante " allez vous faire mettre ", " va te faire mettre " n'est pas encore tombée en désuétude.

MFL

Sigle d’un groupe de la fin des années 1970, transposé du MLF, et signifiant Mouvance folle lesbienne ; un groupe d’hommes, contrairement à ce que l’on pourrait croire.

MFLGBT

Sigle assez ridicule correspondant à : Marche des fiertés lesbienne, gay, bi et transgenre

M. G.

Abbréviation de mœurs grecques ou de mauvais genre dans la correspondance de Marcel Proust.

« l’air m. g. «  (29 février 1904) ; « M. est bien m. g. » (février 1905).

MIGNARD, MIGNARDER

« Un gros prieur son petit fils baisait
Et mignardait au matin en sa couche. »
Clément Marot, Épigramme 168, vers 1530

« Il [Zola] s’étend sur les salauderies qui ont lieu dans les collèges de province et qui ont un coin de brutalité que ne présentent pas les branlades mignardes des collèges parisiens. »
Edmond de Goncourt, Journal, 18 avril 1883.

MIGNON

D’origine incertaine, peut-être de minet, chat, ou de l’espagnol niño, garçon. L’adjectif chez Rabelais (Gargantua, chapitre 54) et Du Bellay est dénué de nuance péjorative, mais sans doute aussi de toute connotation homosexuelle.

L’emploi comme substantif fut noté par Pierre de L’Estoile en juillet 1576 :

« Mignons. Le nom de Mignons commença, en ce temps, à trotter par la bouche du peuple, auquel ils étaient fort odieux, tant pour leurs façons de faire qui étaient badines et hautaines, que pour leurs fards et accoutrements efféminés et impudiques, mais surtout pour les dons immenses et libéralités que leur faisait le Roi, que le peuple avait opinion être la cause de leur ruine, encore que la vérité fut que telles libéralités, ne pouvant subsister en leur épargne un seul moment, étaient aussitôt transmises au peuple qu’est l’eau par un conduit. » (origine probable de la théorie du ruissellement).

Ces favoris d’Henri III furent aussi appelés « ganymèdes effrontés », « compagnons de mignétise », et par un ligueur « beaux petits fouille-merde ». On faisait des reproches au Roi :

« Il s’allie avec ses mignons
Ainsi que font les hannetons. »
(De L’Estoile, décembre 1581)

Dans des sonnets dits « peu chrétiens », Ronsard formula les mêmes accusations :

« Le Roi, comme l’on dit, accole, baise et lèche,
De ses poupins mignons le teint frais, nuit et jour ;
Eux, pour avoir argent lui prêtent, tour à tour,
Leurs fessiers rebondis, et endurent la brêche.
[…]
Avec vos mignons consommez le loisir
Qui est dû, selon droit, à la chose publique.
[…]
Les culs plus que les cons sont maintenant ouverts ;
Les mignons de la Cour y mettent leurs lancettes. »
(BnF, mss fr. NA 6888, pp. 136-137)

Chez Montaigne, mignon signifie le plus souvent ami ou favori, mais la connotation d’homosexualité existe dans cette paraphrase de Diogène Laërce :
 
« Archelaus le physicien, duquel Socrate fut le disciple et le mignon selon Aristoxenus. »
(Essais, II, xii, page 556 de l’édition Villey/PUF/Quadrige ; DL, Vie..., II, 19 ; mignon correspond ici au grec παιδικά, garçon aimé).
Le terme se trouve dans les traductions d’ouvrages grecs, par exemple celles de Diogène Laërce et de la Bibliothèque d’Apollodore.

Agrippa d’Aubigné ne laissa aucun doute sur les mœurs des Mignons qu’il disait « putains de la Cour » :
Tragiques, 1616, II " Princes.

Furetière définissait plus délicatement :
« Favori, en matière d’amitié, ou d’amour. Du temps de Henri III, les favoris s’appelaient mignons ; et ce terme emportait quelque chose qui n’est pas fort honnête. »

Michelet crut pouvoir innocenter ce petit monde :

« Puisque ce mot de mignons est arrivé sous ma plume, je dois dire pourtant que je ne crois ni certain ni vraisemblable le sens que tous les partis, acharnés contre Henri III, s’accordèrent à lui donner. »
(Histoire de la France au XVIe siècle. La ligue et Henri IV, chapitre 5.

Vers sur le musicien Lully, composés en 1681 ou 1685 :

« La vieille Cortain se fâche
Que Brunet soit mon mignon ;
Elle est une vieille vache,
Il est un joli bardache ;
Elle a le con lâche et profond,
Il a le cul petit et rond. »
BnF, mss fr. 12688, page 284 (recueil Clairambault, tome 3)

De Pierre Bayle (1647-1706) : " Antinous, mignon de l'empereur Hadrien " dans l'article " Antinous " du Dictionnaire historique et critique. Autre emploi à l'article " Arcésilas ".

Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706 (rien en 1680) :


Fénelon évoqua en 1712 les « infâmes mignons » d’Henri III dans ses Dialogues des morts (§§ 67-68).

« La duchesse de La Ferté a dit qu’on remarquait dans l’histoire que la galanterie des rois roulait, l’un après l’autre, sur les hommes et sur les femmes, qu’Henri II et Charles IX aimaient les femmes, et Henri III les mignons ; Henri IV aimait les femmes. Louis XIII les hommes, Louis XIV les femmes et qu’à présent le tour des mignons était revenu. »
Mathieu Marais, Journal et Mémoires, août 1722.

« Le propre jour que le maréchal de Villeroy est venu à Versailles, on a découvert que le jeune duc de La Trémouille, premier gentilhomme du Roi, lui servait plus que de gentilhomme, et avait fait de son maître son Ganymède. Ce secret amour est bientôt devenu public, et l’on a envoyé le duc à l’Académie avec son gouverneur pour apprendre à régler ses mœurs. Le Roi a dit que c’était bien fait. Voilà donc le tour des mignons et l’usage de la Cour de Henri III. »
Id., ibid., 27 juin 1724.

" Les dames ont fait les diables ; elles l[le prince de Ligne]'ont fait suivre et surprendre dans un vilain cabaret à Paris, avec quatre ou cinq de ses mignons. "
Lettre de Mathieu Marais au président Louis Bouhier, 24 juillet 1730.

René-Louis d'Argenson :
Journal et Mémoires, volume VIII, année 1754, page 210.

« Il [un Monsignor romain] voulut m’apprendre les catégories d’Aristote et fut sur le point de me mettre dans la catégorie de ses mignons : je l’échappai belle. »
Voltaire, Histoire des Voyages de Scarmentado.

« On parle de l’affaire Coin, du théâtre où paraissaient des femmes qu’on insultait, qu’on débinait et que remplaçaient des hommes nus ; de David, chef de bureau au Ministère de la Guerre, qui fournissait les mignons de la Garde en si grand nombre que le gouvernement a cru à une conspiration militaire et que c’est pour cela que la police est intervenue. »
Edmond et Jules de Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire de 1851 à 1896, Paris : Fasquelle/Flammarion, 1956, 10 octobre 1864.

« Lapin : enfant ou adolescent vicieux qui remplit dans les collèges le rôle des mignons de Henri III, ou celui d'Alcibiade près de Socrate. »
Hector France, Dictionnaire de la langue verte, 1907, réédition Nigel Gauvin, 1990.

L'écrivain Yvan Audouard distinguait trois sortes d'homosexuels au café de Flore :
" Les " grands mignons " qui [s'étaient] fait un nom en littérature, et [que le patron] estim[ait] ; les " petits mignons " qui [étaient] bien élevés, qui n'affich[ai]ent pas leurs sentiments, et qu'il absol[vait] ; enfin les " vilains mignons " qui [faisaient] profession de l'être et auxquels il continu[ait] de botter périodiquement les fesses ".
" Yvan Audouard vous présente le troisième sexe comme si vous en étiez " , France Dimanche, nº 120, 19 décembre 1948, page 7. [Cité dans Geoffroy Huard, Au-delà de la libération gay - Le monde homosexuel à Paris de l’après-guerre au Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire.]

" On voit très bien que Monsieur Philippot s'empare des leviers de commande, place ses hommes, ses mignons, partout, et il fait un pression constante évidemment sur Marine Le Pen et le pauvre bureau politique ; elle ne doit pas laisser des apparatchiks s'emparer de l'appareil ; c'est Philippot ou Le Pen, un des deux, il faut que les choses soient claires (...) On n'a pas forcément raison parce qu'on est un jeune con. ". (Jean-Marie Le Pen, 11 mai 2015)

« Interrogé sur le caractère "homophobe" de certains de ses propos sur les "mignons" de Florian Philippot, il a expliqué qu'il ne " condamnait pas les homosexuels à titre individuel mais quand ils chassent en meute oui ". C'est-à-dire selon lui " quand de conserve ils manœuvrent d'une certaine manière et se conduisent comme des hétérophobes et des gens qui détestent ceux qui ne sont pas comme eux ".
" M. Philippot et ses amis recrutent plutôt dans leur milieu socio-culturel, si j'ose dire, et ont sur leurs amis une influence d'un type différent de celui qui gouverne généralement les relations entre les hommes ordinaires ", a-t-il dit. " Quand les gens se servent de leur particularité, je la dénonce ", a-t-il ajouté.  » (lepoint.fr, 13 mai 2015).

On a donc là un des termes de l'Ancien Régime monarchique ayant le mieux survécus à la modernité.

MIGNON DE COUCHETTE

Sens hétérosexuel au XVIIe siècle seulement :

« Le voilà, le beau-fils, le mignon de couchette,
Le malheureux tison de ta flamme secrète »
Molière, Sganarelle, acte unique, scène VI.

De Pierre Bayle (1647-1706), l'expression mignon de couchette dans l'article " Jules III " de son Dictionnaire historique et critique.

« Le Créateur nous a fait l’un pour l’autre.
Qui voudra donc aller contre la loi
Du tout-puissant ? Ce ne sera pas moi.
Que l’on m’amène un mignon de couchette
Beau, fait au tour (*), un Adonis enfin ;
D’autre côté, telle quelle soubrette :
Je plante là mon ange masculin,
Et je m’en vais cajoler ma grisette. »
Jean-Baptiste Rousseau, Contes et épigrammes, 1724, « La fourmi ».
* : Je retrouve " fait au tour " dans le Journal intégral de Green, 18 avril 1932, page 412.

« Et Jocko son barbier, marquis de la pincette
Et Monsieur de Maki son mignon de couchette. »
Germain Nouveau, Le Maron travesti.

MIGNONISME

« Les Crétois ont été les premiers à ériger le mignonisme en système. »
Combes-Dounous, annotations des Dissertations de l’orateur grec Maxime de Tyr, 1802.

MIGNONNEMENT

Selon Agrippa d’Aubigné, « marcher mignonnement » faisait partie des lois de la Cour royale (Tragiques, 1616, II " Princes ").

MINET

Terme d'affection ou de mépris ; possède une  connotation homosexuelle que l'Académie n'a pas notée.

" Fig. Jeune homme, jeune fille, à l'existence facile et oisive, aux ^préoccupations frivoles. "
Dictionnaire de l'Académie française, 9e édition.

« J'ai pas peur des petits minets
Qui mangent leur ronron au Drugstore
Ils travaill'nt tout comme les castors
Ni avec leurs mains, ni avec leurs pieds. »
Jacques Dutronc, Les playboys, 1966.

« Dans chaque club, les garçons se tiennent sur la scène très éclairée par petits groupes de quatre ou six ; ils portent la tenue distincte de l'établissement et de sa spécialité, minimale et sexy : maillot 1900 à bretelles ou cycliste pour les athlètes, boxers shorts, strings pour les minets ou pseudo-voyous, les follassons ont droit à des mini-jupes. »
Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie, Paris : Robert Laffont, 2005.

MISER

Aphérèse de sodomiser.

« C’est le destin des Français de se faire miser dans le cours des âges. »
Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre.

« Ils connaissaient les tantes et les pédés par ce qu’en disait Théo, par ce qu’ils en disaient eux-mêmes, s’interpelant en riant, avec ces phrases : "Il en est, de la pédale qui craque !… Tu les prends en long, en large ou en travers ? Va te faire miser, eh ! Va voir chez tonton, tu gagneras mieux ta croûte !…" Mais ces expressions, vite lancées, ne leur représentaient rien de précis. »
Jean Genet, Querelle de Brest, 1947.

MODE

« L’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. »
Molière, Dom Juan, V, 2, Dom Juan à Sganarelle.
De Madame, princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV : « Quand on a raconté à Mme Cornuel la vie dévergondée des dames du faubourg (car on les appellent ainsi pace qu’elles habitent toutes au faubourg St Germain), elle a dit : "Mon Dieu, ne les blâmez pas, vous verrez que c’est une mission qu’on aura envoyée là, pour ramener les jeunes hommes du vice à la mode". Cette dame a maintenant 87 ans. »
Lettre à Sophie de Hanovre, 1er février 1693.
« Ce vice, qui s’appelait autrefois le beau vice, parce qu’il n’était affecté qu’aux grands seigneurs, aux gens d’esprit ou aux Adonis, est devenu si à la mode qu’il n’est pas aujourd’hui d’ordre de l’État depuis les ducs jusqu’aux laquais et au peuple qui n’en soit infecté. Le commissaire Foucault, mort depuis peu, était chargé de cette partie et montrait à ses amis un gros livre où étaient inscrits tous les noms de pédérastes notés à la police ; il prétendait qu’il y en avait à Paris presque autant que de filles, c’est-à-dire environ 40 000. »
Mémoires secrets …, 13 octobre 1783.

MŒURS

« Le nom de Bouillé a été effacé de la liste des concurrents pour la place de gouverneur du Dauphin. On a osé y inscrire le nom de Villette. On regrette, il est vrai, que ses mœurs l'en rendent indigne. »
Correspondance secrète inédite sur Louis XVI, Marie-Antoinette, la Cour et la ville de 1777 à 1792, Paris : Plon, 1866, lettre vingt-huitième, de Paris, 9 juillet 1791.

Dans cette disposition et les suivantes (articles 187-2, 416, 416-1 du CP, art. 2-6 du CPP), mœurs a une connotation homosexuelle 
Loi Badinter/Delebarre 85-772 du 25 juillet 1985
portant diverses dispositions d'ordre social.

Voir Appendices de 1985

MOLLESSE

Du grec malakia et du latin mollitia. La mollesse est décrite et souvent stigmatisée par de nombreux auteurs anciens : Alcuin d'York, Augustin, Célius Aurélien, Cyprien de Carthage, Démosthène, Horace, Juvénal, Pétrone, Philon d'Alexandrie, Salvien, Sénèque le Jeune, Sénèque le Père, Tacite, Tite-Live, et Vincent de Beauvais (au sens de masturbation) ; sans parler de tous ceux qui citèrent la 1ère Épître aux Corinthiens de l'apôtre Paul.

Jean Benedicti, La Somme des péchés..., 1587, 1601. Pour cet auteur, la sodomie n’est le fait que de l’actif, les bardaches, patients, ne commettant que le péché de mollesse.



Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1680 et 1706 :

Pierre Saint-Amand : " Dans un passage de son essai sur le théâtre, Mercier reviendra sur l’affectation du personnage [le petit-maître]. Il mentionnera « le ton apprêté de leur mollesse […] ». C’est ici le terme homophobe qui désigne le plus directement l’effémination du fat, l’adoption des postures du sexe opposé (68).
68. La mollesse est associée depuis l’Antiquité à l’homosexualité passive. Voir Marie-Jo Bonnet, Les relations amoureuses entre les femmes, Paris, Odile Jacob, 1995, p. 61. Les molles, dans les écrits de l’Antiquité recherchent des satisfactions sexuelles anormales ; ils représentent l’absence de toute puissance virile. Voir David M. Halperin, One Hundred Years of Homosexuality, New York, Routledge, 1990, p. 22-24. Halperin a raffiné son analyse de la mollitia dans un autre livre. Il s’agirait pour lui d’un des modèles du pré-homosexuel. Il étudie cette catégorie intéressante de l’inversion de l’identité sexuelle (masculine). Voir How to Do the History of Homosexuality, Chicago, University of Chicago Press, 2002, p. 121-130. Sur la notion de mollesse, pour le contexte français, je renvoie à l’étude de Christophe Martin, « La fontaine de Salmacis. Hantise de la mollesse et construction de la masculinité chez Rousseau », dans Masculinités en révolution, de Rousseau à Balzac, dir. Daniele Maira et Jean-Marie-Roulin, Saint-Étienne, PUSE, 2013, p. 31-48. "
Suite libertine. Vies du XVIIIe siècle, chapitre « Le Théâtre des Beaux », Paris : Classiques Garnier, 2021.

MÔME

Vidocq mettait pour ce mot : « adolescent, joli garçon. » Ce terme d’argot prit ensuite le sens de

« petit garçon livré à la pédérastie »
Anonyme [Pierre Joigneaux ?], L’Intérieur des prisons, 1846.

« On m’a même proposé des mômes, ô mon ami. Mais j’ai refusé. »
Gustave Flaubert, lettre à Camille Rogier, 11 mars 1851.

« Enfants, on les appelle mômes ou gosselins, adolescents ce sont des cousines, plus âgés, ce sont des tantes. »
Larchey, « Dictionnaire des excentricités du langage », Revue anecdotique des excentricités contemporaines, n°5, septembre 1859.

Charles Perrier releva dans l’argot de la prison centrale de Nîmes les mots girond et môme, avec le sens de prostitué ; en vieillissant, le môme devenait une tante ou une copaille (Les Criminels, tome 2, 1905).

« S’ils aiment tant la femme, pourquoi, et surtout dans ce monde ouvrier où c’est mal vu, où ils se cachent par amour-propre, ont-ils besoin de ce qu’ils appellent un môme ?
Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, « La Prisonnière »

Selon un observateur, dans un pénitencier guyanais,

« Les homosexuels du type actif s’appellent les hommes, ceux du type passif les mômes […] Pour un forçat, l’épithète de môme est la plus grosse injure après celle de bourricot. »
Dr L. Rousseau, Un Médecin au bagne, chapitre VII, 1930.

MONOSEXIE, MONOSEXUALITÉ, MONOSEXUÉMONOSEXUEL

Le concept d’une sexualité ne s’exerçant qu’à l’intérieur de l’ensemble des êtres d’un seul sexe fut représenté à l’aide des préfixes mono et uni. L’utopiste Charles Fourier avait imaginé, avant 1837, le néologisme monosexie :

« On voit dès à présent que les femmes dans leur état de liberté de perfectibilité comme celles de Paris, ont beaucoup de penchant au saphisme. Les journaux de Paris se sont plaints quelquefois que ce goût se généralisait parmi les jeunes personnes de la capitale ; ce sexe est plus que l’autre enclin à la monosexie. »
" Le saphisme en harmonie ", Le Nouveau monde amoureux, tome VII.

Monosexie est donc, avec homoïousien et unisexualité, un précurseur de la série des termes allemands en homo- ; « monosexual » est un des termes utilisés par Kertbeny dans la lettre de 1868. On peut regretter que ce terme monosexie, moins lourd que d’autres (mais aussi moins clair), n’ait eu aucun succès. Quelques auteurs ont suggéré l’emploi de monosexuel et monosexualité ; on en trouvait encore des traces dans l’ouvrage de Paul Reboux, Sens interdits, 1951.


Michel Foucault : « Il y a deux âges d’or de la problématisation de l’homosexualité comme monosexualité, c’est-à-dire des rapports entre hommes et hommes, et hommes et garçons. Le premier, c’est celui de la période grecque, hellénistique qui se termine en gros au cours de l’Empire romain. Les derniers grands témoignages en sont : le dialogue de Plutarque, les dissertations de Maxime de Tyr et le dialogue de Lucien. »
« Entretien avec Jean Pierre Joecker, M. Overd et Alain Sanzio », Masques, n° 13, printemps 1982.


" Nombreux sont ceux parmi les opposants au texte qui évoquent à son sujet une « révolution anthropologique » fondamentale et irréversible au travers de l’instauration possible pour les enfants d’un double lien de filiation monosexué. " Erwan Binet, RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 344), ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, 17 janvier 2013, III, B.

" Le terme « homoparentalité » est assez ambigu : les relations homosexuelles qu’entretiennent les personnes avec qui vit l’enfant ne concernent que les adultes ; elles ne concernent en rien l’enfant et moins encore les liens juridiques qui unissent les adultes à ce dernier. On devrait donc sans doute davantage parler de « parentalité monosexuée », reposant sur l’indifférence sexuée, plutôt que de parentalité homosexuelle qui se fonderait sur la sexualité partagée par le couple alors qu’il s’agit bien de la question de la parentalité exercée par deux personnes de même sexe. Pour autant, le terme « homoparentalité » est aujourd’hui entré dans le débat public et parfaitement compris de tous. " Ibid., IV, A, 1.


" Si l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe permettra l’établissement, dans les deux cas qui viennent d’être mentionnés [adoption d'un enfant par le conjoint et adoption conjointe], d’une double filiation monosexuée, le régime de l’adoption simple comme de l’adoption plénière n’emporte pas de mensonge sur les origines de celui-ci. " Ibid, IV, C.

D’autres enfin témoignent d’une opposition à l’établissement – notamment dans le cadre de l’adoption – d’un double lien de filiation monosexuée, en ce qu’il contredirait l’altérité sexuelle au fondement du modèle reproductif naturel. Ibid, Annexe N° 3.

MOUCHARD

« On m’a traité de mouchard.
Mouchard veut dire : homme qui ne pense pas comme nous.
Synonyme au XVIIIe siècle : pédéraste. »
Charles Baudelaire, Pauvre Belgique.

Nous n’avons pu vérifier l’affirmation relative au XVIIIe siècle ; mais au début du règne de Louis XV on appelait mouches les provocateurs qui approchaient les gens de la manchette pour lier conversation, puis les faire arrêter.

Jules Choux donnait en 1881, dans Le Petit citateur - Notes érotiques et pornographiques

« en être : être mouchard ou pédéraste ; quelquefois tous les deux ; ce qui s’appelle joindre l’utile à l’agréable. » Ouvrage réédité par la BnF.