Textes établis et annotés par Claude Courouve.
tribunal et prison
A / INTRODUCTION
B / RÉFÉRENCES
C / RAPPORTS DE POLICE
D / NOTES
D / NOTES
A / INTRODUCTION
Ces pièces d'archives de la police parisienne concernent la surveillance des homosexuels, alors nommés infâmes ou sodomistes, sur leurs lieux de rencontre parisiens. Les boites poussiéreuses qui les contiennent furent partiellement exploitées par G. Dubois-Desaulle dans Prêtres et moines non-conformistes en amour (1902) et Paul d'Estrées dans Les Infâmes sous l'Ancien Régime (1902, réédition 1994 par les Cahiers Gay-Kitsch-Camp, volume Les Infâmes, n° 24). Michel Foucault en signalait l'existence en note à son Histoire de la folie à l'âge classique (Paris : Gallimard, 1972, page 102) et estimait à environ 4000 le nombre de dossiers. Des versions antérieures de ma part ont été publiées en auto-édition (private printing, самиздат) en 1978, 1987 et 1994.
Afin de faciliter la lecture, j'ai comme précédemment modernisé les orthographes grammaticale et lexicale, la ponctuation et la syntaxe. La présente étude, comme celle de 1994, offre de nouveaux textes. La pièce de théâtre longtemps inédite L'Ombre de Deschauffours (BnF mss N. A. 1562) n'est pas reprise ; elle a été donnée depuis par les Cahiers Gay-Kitsch-Camp (même volume Les Infâmes) ; les recherches engagées pour déterminer l'auteur de cet opuscule en forme de satire de la surveillance policière, sans doute rédigé peu après la mort en 1739 du lieutenant de police René Hérault, n'ont pas encore abouti.
Version de 1978
Afin de faciliter la lecture, j'ai comme précédemment modernisé les orthographes grammaticale et lexicale, la ponctuation et la syntaxe. La présente étude, comme celle de 1994, offre de nouveaux textes. La pièce de théâtre longtemps inédite L'Ombre de Deschauffours (BnF mss N. A. 1562) n'est pas reprise ; elle a été donnée depuis par les Cahiers Gay-Kitsch-Camp (même volume Les Infâmes) ; les recherches engagées pour déterminer l'auteur de cet opuscule en forme de satire de la surveillance policière, sans doute rédigé peu après la mort en 1739 du lieutenant de police René Hérault, n'ont pas encore abouti.
Ces rapports de police sur les " gens de la manchette " révèlent la façon dont s'établissaient les rencontres masculines. En effet ces compte-rendus des "mouches", "espions" ou "satellites", agents provocateurs qui servaient d'appâts, sont assez détaillés. On y trouve parfois des biographies ou autobiographies sommaires, d'où l'intérêt de les reproduire in extenso plutôt que de les morceler pour les faire passer dans une grille sociologisante post-moderne. Ce sont aussi des témoignages précieux sur la localisation des cabarets et jardins les plus fréquentés, sur les actes sexuels préférés et sur la manière dont les intéressés jugeaient alors leur particularité. Ces éléments biographiques sont sans équivalents en France depuis la biographie d'Arnaud de Vernioles telle qu'elle apparaissait au travers de son interrogatoire par l'inquisiteur Jacques Fournier en 1323-1324 (voir L'affaire de Pamiers ...). Ces ébauches de tricks nous laissent imaginer ce qui pouvait se passer lorsque les provocateurs ne venaient pas gâcher la fête.
Les termes utilisés par ceux qui faisaient l'objet d'une interpellation pour parler du désir et des relations homosexuelles sont rapportés par les "mouches", soit directement, soit après transposition dans une langue plus officielle. Au total, on obtient à la lecture d'un nombre restreint de ces rapports une description assez précise de la vie homosexuelle masculine de la capitale. La surveillance policière systématique commença, semble-t-il, au début du règne de Louis XV, pas très longtemps, donc, après l'établissement d'une police à Paris. Vers 1678 circulait déjà ce couplet libertin associant justice, police et amour des garçons :
Élargissant et décrottant
Les rues de cette ville,
Magistrats vous vivez contents
Et vous croyez habile
En nous défendant les garçons.
Il faut que la police
Ordonne qu'on lave les cons
Et qu'on les rétrécisse.
BnF, Chansonnier Maurepas, mss français 12640, page 57.
L'administration de la lieutenance de police de Paris se partageait alors en onze bureaux, dont celui de la " discipline des mœurs ". En 1873, la IIIe République établira une " sous-brigade des pédérastes ", dirigée par l'agent Rabasse ; c'était l'ancêtre de ce " Groupe de contrôle des homosexuels " qui fonctionnait à la Préfecture de police de Paris dans les années 1970 et qui fut supprimé par le ministre de l'Intérieur Gaston Defferre en juin 1981. Le préfet de police Albert Gigot avait établi en octobre 1878 un règlement concernant les opérations du service des mœurs : on y lisait :
« La surveillance des inspecteurs du service actif des mœurs s'étendra sur tous les délits d'outrage public à la pudeur, et principalement sur les actes de sodomie. Mais ils s'abstiendront expressément de tout moyen qui paraîtra avoir le caractère de la provocation, et s'attacheront surtout à constater le flagrant délit. »
Vers 1720 donc, le but avoué de la surveillance exercée par les exempts était dans une première phase de prévenir les actions contraires aux bonnes mœurs ; on réprimandait non un acte, mais l'intention de le commettre en public. Deux officiers de police, Haimier (ou Haymier ou encore Emié) et Pierre Symonnet (ou Simmonet) étaient chargés d'arrêter aux portes des jardins royaux les individus préalablement repérés par les "mouches" ou "espions", puis de les conduire devant le commissaire pour admonestation. En général, ils étaient remis en liberté après quelques heures, jours ou semaines de détention.
Dès 1725, les rapports accumulés permirent de constituer un fichier rudimentaire, le " grand mémoire " (voir N° 19 ; texte que j'avais communiqué à Roger Peyrefitte à l'époque où il travaillait sur Voltaire). Par la suite, aux pièges tendus sur les lieux de rencontres par ces agents provocateurs, s'ajoutèrent les convocations, par Louis Alexandre Framboisier, inspecteur de police chargé de l'exécution de " l'ordre du Roi contre les sodomites ", de ces personnes, puis de celles déclarées comme "en étant" lors des interrogatoires. Marc-René d'Argenson (1652-1721) fut lieutenant-général de police de 1697 à 1718 (une note aux Mémoires de René-Louis d'Argenson indique à la date de juin 1721, page 43, que " le comte d'Argenson fut remplacé le 30 juin 1720 par M. Baudry qu'il remplaça à son tour dans la même charge de 1722 à 1724 ") ; il succédait au Limousin Gabriel Nicolas de La Reynie (1625-1709), en fonction depuis la création par Colbert de la Lieutenance générale de police le 15 mars 1667.
Plaque apposée rue de la Cité, Paris IVe
Une lettre de d'Argenson au secrétaire d'État Pontchartrain, vers 1704, mérite une attention particulière : anticipant sur les réflexions des médecins-légistes du XIXe siècle (Mahon, Fodéré, Tardieu, etc.), elle concerne un certain La Guillaumie, déjà emprisonné en 1700 pour avoir chanté des chansons licencieuses sous les fenêtres du collège des jésuites, et auquel on reprochait un " commerce infâme " avec quelques jeunes gens de 17 ou 18 ans :
" Il n'y a dans les maisons de correction aucun sujet sur lequel il me paraisse si difficile de prendre son parti ; car s'il fallait le traiter en homme qui a toute sa raison, il pourrait mériter le dernier supplice et l'on ne peut le mettre au rang des fous sans faire injure à son esprit qui est certainement tout entier ".
BnF, mss Clairambault 985, pages 358-359.
Les policiers, proches des réalités humaines, trouvaient donc, comme les philosophes (Cf ma publication Homosexualité, Lumières et Droits de l'Homme), que la peine de mort en ce cas était disproportionnée. Les pièces qui suivent montrent quelle était leur stratégie de substitution. Je forme l'hypothèse selon laquelle la résistance opposée par le milieu parisien à cette stratégie (voir les N° 47 et 50) n'est pas sans rapport avec l'exécution capitale de Lenoir et Diot en juillet 1750, exécution dont on imagine facilement le froid qu'elle avait dû jeter dans les " assemblées de la manchette " du Marais.
B / Références
Archives Nationales, Paris.
Bibliothèque nationale de France (BnF), Paris.
Manuscrits Clairambaut (C) : " Extraits d'interrogatoire fait par la police de Paris de gens vivant dans le désordre et les mauvaises mœurs ", BnF, mss 983 à 986.
Claude Courouve, Dictionnaire français de l'homosexualité masculine (DFHM), édition numérique 2022 ; réédition revue, augmentée et actualisée du Vocabulaire de l'homosexualité masculine, Paris : Payot, 1985.
Georges-Bernard Depping, Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, Imprimerie Nationale, 1851-1855, 4 volumes.
Frantz Funck-Brentano (FB), Les Lettres de cachet à Paris. Etude suivie d'une liste de prisonniers de la Bastille (1659-1789), Imprimerie Nationale, 1903.
Manuscrit N.A.F. 1891 (MN), " Personnes détenues à la
Bastille depuis le 17 décembre 1660 jusqu'au 9 janvier 1755 ", BnF.
Félix Ravaisson-Mollien, Archives de la Bastille. Documents
inédits ..., Paris : Pédone-Lauriel, 1866-1904, 19 vol.
C / RAPPORTS DE POLICE
N° 1 : sieur de La Parisière, 12 juin 1703
J'ai fait aussi arrêter le sieur de La Parisière, autre relégué, qui
après avoir passé sa jeunesse dans une sodomie honteuse prostituait de jeunes
gens ou mendiait dans les promenades. L'officier qui s'est assuré de sa
personne m'a rapporté ce matin qu'il lui avait déclaré de bonne foi que n'ayant
dans sa province qu'une femme fort mauvaise et ennuyeuse il avait mieux aimé
rester à Paris au risque d'être conduit à [la prison de] fors l'Evêque.
D'Argenson, lieutenant de police.
(BnF, mss 8123, ff 400-401)
N° 2 : l'abbé de Rochefort, 19 août 1705
Il y avait à Paris un ecclésiastique du Château du Loir [Sarthe], qui se
fait appeler l'abbé de Rochefort, si enclin au vice infâme de sodomie, que sa
fureur a été de persécuter par tous les moyens possibles un cocher nommé
Bertrand, auprès duquel il jouait de toutes sortes de ressorts pour l'attirer
avec lui. Il s'est, à ce qu'on dit, retiré depuis peu au Château du Loir, et
bien lui en a pris ; car on l'aurait fait enfermer à l'hôpital général. Le Roi
m'ordonne de vous écrire de l'avertir de rester chez lui et d'avoir attention
sur sa conduite, en lui faisant entendre que s'il ne se corrige, il s'attirera
le traitement qu'un infâme comme lui mérite.
(G.B. Depping, Correspondance
administrative sous le règne de Louis XIV, Imprimerie Nationale, 1851-1855,
volume IV, page 298)
N° 3 : Langlois, La Boie et Alexandre : 24 février 1706
J'ai rendu compte au Roi de ce que vous m'avez écrit concernant les gens
de livrée sodomites. S. M. estime qu'il convient de faire mettre à la Bastille
les nommés Langlois, La Boie et Alexandre, afin que vous puissiez les
interroger à fond le plus tôt possible et connaître leurs intrigues
abominables, leurs sociétés et tout ce mystère d'iniquité dont vous m'enverrez
un mémoire ample avec votre avis sur le parti qu'il y aura à prendre, car vous
jugez bien que de telles gens ne méritent pas l'honneur d'être à la Bastille.
Pontchartrain, secrétaire d'Etat, à d'Argenson (D, II, pp.
823-824)
N° 4 : Simon Langlois, 24 ans,
originaire de Paris, mis à Bicêtre le 25 avril 1706 sur lettre de cachet de
Pontchartrain
Il avait été conduit à la Bastille pour sodomie. Il était camarade de
débauche de Manuel Bertrand aussi laquais et ils faisaient les assemblées dans
les cabarets du quartier St Antoine, où ils commettaient les dernières
abominations. Langlois était surnommé dans cette assemblée Mr le Grand-Maître
et Bertault la mère des novices ; celui-ci est à l'hôpital en vertu d'un ordre
du Roi.
Le faire enrôler.
(FB ; C, mss 985, p. 81)
N° 5 : Nicolas Victor Alvares, 39
ans, mis à St Lazare le 4 octobre 1708 sur lettre de cachet de Pontchartrain
Une sodomie habituelle et son malheureux penchant à séduire des enfants
de famille pour les plonger dans le vice et dans la corruption ont déterminé
l'ordre du Roi en vertu duquel il a été conduit dans cette maison ; et son
occupation la plus ordinaire était de courir les promenades publiques pour y
lier conversation avec les jeunes écoliers qu'il rencontrait. Il a même passé
une grande partie de l'été, tantôt aux Tuileries, tantôt dans le jardin du
Luxembourg où des personnes qui l'observaient lui ont entendu tenir des
discours qui excitaient une juste horreur.
(C, mss 986, pp. 80-81)
N° 6 : Jean Antoine Dury, 39 ans,
gentilhomme ordinaire de Paris, mis à St Lazare le 10 octobre 1708 sur lettre
de cachet de Pontchartrain :
Il était le complice et le confident ordinaire des abominations de
l'abbé Alvares : ils couraient ensemble les promenades pour trouver des jeunes
gens qu'ils séduisaient et faisaient servir à leur passion. Il paraît
maintenant dans des dispositions très favorables et il promet de ne plus
fréquenter aucune compagnie qui puisse exciter contre lui le moindre soupçon.
(C, mss 986, pp. 81-81)
N° 7 : Antoine Cussaq, 23 ans, mis à Bicêtre le 5 mars 1710
C'est encore un de ces infâmes sodomites qui a débauché plusieurs jeunes
garçons qu'il prostituait publiquement à la foire Saint-Germain. Depuis qu'il
est à l'hôpital il a supplié qu'on eût pitié de lui et qu'on voulût bien avoir
la charité de le faire traiter de la maladie infâme que produit la débauche ;
ainsi on peut dire qu'il porte sur lui la preuve et la peine de ses
abominations.
(C, mss 985)
N° 8 : Nicolas Duhamel, 78 ans
Aubergiste du quartier St Jacques qui retirait chez lui des sodomites
les plus infâmes ; il avait débauché un jeune garçon qui, après avoir reconnu
son crime, a embrassé l'état ecclésiastique où il se conduit avec édification.
(C, mss 985)
N° 9 : Charles Maurice Dubois, mis à Bicêtre le 21 juin 1714
C'est encore un sodomite et un corrupteur de jeunesse dont la naissance
et la famille sont également inconnues quoiqu'il se soit dit clerc tonsuré du
diocèse de Besançon. On lui a entendu tenir des discours les plus obscènes avec
un jeune garçon qu'il avait attiré dans un des endroits les plus détournés du
Luxembourg ; il a été plusieurs fois prisonnier et le concierge de fors
l'Evêque assure qu'il avait voulu corrompre un jeune homme dans la prison qui
est commise à ses soins. J'apprends même que son dérèglement s'est fait
connaître jusque dans l'hôpital où l'on a encore de nouvelles preuves de son
penchant abominable en sorte que l'on a été obligé de le mettre dans une chambre
particulière où il est seul.
(C, mss 985)
N° 10 : François-Joseph de la Grange-Chancel, septembre 1717
Accusé de plusieurs infamies, nommément de sodomie, ayant rencontré un
jeune garçon sur le Pont-Neuf le 20 octobre 1716, à 9 heures du soir, il lui
dit de lui amener un jeune garçon qui fut beau pour le produire à un duc, qu'il
le récompenserait et ferait donner deux
louis d'or à celui qu'il amènerait.
(MN, ff° 115-116)
* * * * *
N° 11 : X, 10 janvier 1724
J'ai été raccroché par un particulier qui avait son vit à la main, et
m'a demandé si je bandais et s'approchant de moi a voulu mettre sa main dans ma
culotte. Lui ayant dit qu'il ne fallait pas s'exposer dans cet endroit, il m'a
demandé si j'avais une chambre, où nous puissions aller nous branler le vit ou
nous enculer. Il m'a dit encore qu'il y avait plus de 20 ans qu'il se mêlait de
la bardacherie, et qu'il connaissait quantité de laquais avec lesquels il se
divertissait (*) fort souvent, se branlant le vit ou s'enculant suivant qu'ils le
voulaient.
(AB, 10255)
N° 11 bis, 9 septembre 1724 [contribution de la page facebook Génialogie]
Le sieur comte de Sade [père du marquis], de la province de Languedoc, demeurant à Paris, rue de Seine à l'hôtel de Bretagne.
Environ les huit heures et demie du soir, ledit Sieur de Sade après avoir fait plusieurs tours aux environs des bosquets, s'est assis sur un banc prochain et voyant passer un jeune homme devant lui, il lui aurait donné le bonsoir et dit de s'asseoir près de lui, ce qu'il aurait fait et dans plusieurs propos d'infamie qu'il lui a tenu, il lui a dit que quoiqu'un homme lui avait déjà branlé le v ... , il lui mettrait s'il voulait, que s'il n'avait peur que ses gens s'aperçussent de l'inclination qu'il avait pour ses plaisirs, il l'emmènerait souper et coucher avec lui, et à l'instant l'aurait voulu emmener derrière quelques bosquets, ce que le dit jeune homme n'aurait voulu accepter, lui répliquant que s'il voulait ils iraient plutôt dans sa chambre qui n'était pas éloignée où ils seraient libres, à quoi ledit Sieur de Sade aurait acquiescé et s'étant levés tous deux pour s'y acheminer, le Sieur Saint Aymier qui les avait observé et connu par le signal du jeune homme (qui était une mouche) qu'il était avec un infame qui le sollicitait vivement, aurait arrêté ledit Sieur qui n'est pas disconvenu de ce que dessus et attendu sa qualité, il l'aurait relâché après avoir pris son nom et sa demeure et qu'il a promis de se trouver devant le magistrat".
(AB, 10255 ; merci à la page facebook Génialogie)
N° 12 : Desfontaines, 39 ans, rue de l'Arbre-sec, 26
septembre 1724
Comme quelques personnes ont donné déjà des mémoires contre cet abbé au
sujet de l'infamie, M. Haymier a donné ses soins pour s'informer plus
particulièrement de sa conduite et dans la recherche qui en a été faite, il a
trouvé un jeune homme âgé de 17 ans qui le connait parfaitement et qu'il a
voulu débaucher dès l'âge de 12 ans étant au collège des Grassins, l'ayant
emmené pour coucher avec lui et s'étant seulement fait branler dans cette nuit,
sans lui mettre.
Ce jeune homme a déclaré au sieur Haymier qu'il avait rencontré cet abbé
dans les rues il y a quelques mois, qu'il l'avait reconnu et lui avait donné
son adresse comme ci-dessus, le priant fort d'aller le voir dans sa chambre,
sans lui dire autre chose. Le sieur Haymier ayant jugé à propos d'envoyer ce
matin ce jeune homme chez l'abbé pour s'éclaircir au juste de tout ce que l'on
en disait avec les instructions nécessaires pour ne point souffrir d'infamie de
la part de l'abbé, il y a été et l'a trouvé indisposé sans cependant être au
lit.
Après les compliments ordinaires, cet abbé est tombé sur les discours
infâmes lui demandant comment allaient les plaisirs, lui disant que pour lui il
s'était diverti depuis si longtemps qu'il en était très affaibli et ruiné,
qu'il ne le mettait presque plus que de temps en temps, mais qu'on lui mettait
tant qu'on voulait, ajoutant que pour ce jour d'hui il ne se trouvait pas en
état de le mettre parce qu'il se sentait un peu indisposé, mais que si ce jeune
homme voulait y retourner demain avec un troisième, ils se divertiraient et
essayerait de lui mettre, qu'il aimait fort à être trois ou quatre ensemble,
que les plaisirs en étaient plus grands, et qu'il lui donnerait une demie
pistole.
Dans ce moment, l'abbé a tiré de sa bibliothèque des livres et figures
en taille-douce pleines d'abominations sodomiques et de postures affreuses
qu'il a montrées et fait remarquer l'une après l'autre au jeune homme,
paraissant en faire grand cas.
Il a encore déclaré au jeune homme qu'il n'aimait point à se réjouir
dans les jardins royaux parce qu'il en savait les conséquences ; que cependant,
se trouvant aux Tuileries l'année passée, il y avait rencontré un jeune
particulier auquel il l'avait mis. Que cette même année dernière, il s'était
bien diverti avec un jeune clerc du sieur Dionis notaire, beau, blond et bien
gras, qu'ils faisaient souvent ensemble des parties de plaisir avec quelques
autres jeunes gens de sa connaissance et qu'il donnait souvent de l'argent au
clerc de notaire, mais qu'il l'avait quitté parce qu'il lui avait paru aimer
les femmes plus que lui, que cette année présente était bien différente, qu'il
ne se trouvait pas de la même vigueur, que cependant il n'y avait pas longtemps
qu'ayant trouvé un particulier assez jeune qui n'était pas fort beau garçon, il
l'avait mené à la foire et lui avait mis.
Après cette longue conversation de vilénies et d'abominations, l'abbé a
emmené le jeune homme avec lui en son auberge et ils se sont ensuite séparés,
recommandant au jeune homme de ne pas manquer d'y retourner demain avec
quelqu'un de ses amis, ajoutant que quand ils se seraient bien divertis à se le
mettre, ils feraient la suçade, ce qui signifie, en termes d'infâmes, se sucer
le vit l'un l'autre.
(AB, 10821)
N° 13 : Claude François Emery, 26 ans, prêtre natif de
Paris, chapelain à Gonesse, 1725 :
Etant à me promener au Luxembourg, j'ai été suivi par un abbé qui s'est
longtemps promené à côté de moi et, faisant semblant de pisser, s'est branlé le
vit ; m'étant approché de lui pour lui dire que l'endroit n'était pas commode,
il m'a dit qu'il bandait bien, et a voulu mettre la main dans ma culotte, me
demandant si je bandais, et me disant : "Mon cher ami, je t'en prie,
défais ta culotte que je manie ton cul". N'acceptant point sa proposition,
il m'a pris par la ceinture, voulant mettre la main dans ma culotte et me
patiner ; lui ayant dit : "Monsieur l'abbé, nous ne sommes pas bien
ici", il m'a dit : "Mon cher ami, je vais te mener dans un endroit où
j'ai coutume d'aller." Je lui ai dit : "Monsieur l'abbé, je connais
un endroit meilleur que cela"; il m'a dit qu'il avait l'expérience de son
endroit et qu'il ne l'avait pas du mien, en me disant : "Mon cher ami,
dépêche-toi, viens que je te baise le cul, je n'en puis plus, ah, je souffre,
je t'en prie, manie-moi le cul, patine-moi, viens où je veux te mener, nous y
serons à merveille, nous déchargerons dans les cuisses, et de la manière que tu
voudras." En me baisant il me poussait sa langue dans la bouche quoique je
fermais les lèvres, et comme je ne voulais point y aller, il m'a quitté.
Pendant que j'allais avertir le sieur Symonnet, il est sorti par la porte de
l'Enfer, et a été arrêté, de l'ordre du Roi, par Symonnet, et conduit au petit
Châtelet sur les 9 heures du soir.
Nota : Emery est convenu à
Symonnet et à plusieurs autres, tant dans le carosse que dans la prison, qu'il
a eu le malheur que cela lui soit arrivé deux fois dans l'escalier du
Luxembourg depuis un an, et qu'il y est tombé encore une fois aujourd'hui.
(AB, 10256)
N° 14 : Lettre du
cardinal de Noailles à d'Ombreval, 23 avril 1725 :
Je suis très affligé, Monsieur, qu'il se trouve parmi nos prêtres des
gens capables des infamies qu'a commises celui que vous venez de faire arrêter.
Je vous rends grâce de votre attention à les éloigner et à m'en donner avis. Je
ne connais point celui-ci et ne me souviens pas d'avoir rien fait pour lui. Il
mérite bien d'aller expier à Bicêtre son abomination, et de se retirer ensuite
pour faire pénitence le reste de ses jours.
(AB, 10256)
N° 15 : Le sieur Monnet, conseiller au [grand] Châtelet, 1er mai
1725 :
Le Grand Châtelet vu depuis la rue Saint-Denis,
gravure de Theodor Josef Hubert Hoffbauer (1800).
Sur les neuf heures du soir, Monnet qui se promenait avec un autre
particulier dans les allées, aux environs des bosquets, l'a quitté pour aller
accoster un jeune homme qui y passait et auquel, après lui avoir souhaité le
bonsoir en l'embrassant, il a demandé s'il connaissait le sieur Haymier qui
passait dans cet instant avec un de ses gens. Le jeune homme ayant fait semblant
de ne point le connaître, Monnet a continué la conversation et la promenade et
lui a tenu des discours infâmes en lui disant qu'il ne fallait point aimer les
femmes, que quoiqu'il en ait pris une, il la haïssait avec horreur, qu'il lui
conseillait d'être de son goût, que les hommes valaient beaucoup mieux. A ce
moment, il a voulu lui mettre la main dans la culotte et lui a proposé d'aller
vers l'Orangerie où ils se le mettraient réciproquement, et il lui permettrait
de le lui mettre le premier, ce que le jeune homme n'a voulu faire, parce qu'il
voyait qu'on l'observait. Monnet lui a dit encore qu'il le mènerait dans un
endroit où il avait coutume de se réjouir et dont il lui dirait le nom. Il lui
a demandé aussi s'il avait une chambre et si on pouvait y aller sans être
reconnu ; que s'il voulait aussi aller chez lui, il lui dirait sa demeure et la
manière dont il faudrait qu'il s'y prît. Et comme ils se promenaient sur la
terrasse du côté des Feuillants, le sieur Monnet a dit en passant au limonadier
qui y demeure qu'il lui devait bien de l'argent, mais qu'il le payerait
incessamment. Étant parvenus près de la porte du Manège par où le jeune homme
lui avait dit qu'il valait mieux sortir pour aller ailleurs, le sieur Haymier,
qui les avait fait observer et avait reçu le signal ordinaire, a arrêté le
sieur Monnet qui est convenu de tout, et a promis d'en parler lui-même au
magistrat ; et attendu qu'il était heure indue, que d'ailleurs les gens du
sieur Haymier venaient d'arrêter un autre particulier, il a relâché Monnet
après avoir pris son nom.
(AB, 10895)
N° 16 : Lettre de l'abbé Dupuis à d'Ombreval, vers le 25 mai
1725 :
On dit que le Sr Arouet de Voltaire est dans la disposition de
solliciter la liberté de son cher et intime ami l'abbé Guiot Desfontaines, et
que s'il n'ose le faire ouvertement, il emploira le crédit de quelques
personnes de considération et d'autorité ; mais si on veut s'informer de la vie
que ce poète a menée depuis qu'il est sorti du collège des Jésuites, et si on
examine les gens qu'il a fréquentés, on n'aura point d'égard à ses prières ni à
celles de ses amis, et on le regardera, et ses amis, comme très suspects.
A la sortie du collège, il fut pensionnaire au collège des Grassins, et
il était alors en commerce avec quelques infâmes, entre autres avec le
chevalier Ferrand, ancien et fameux corrupteur, demeurant rue de Bièvre, et si
on voulait le faire visiter, on trouverait qu'il a actuellement du mal qu'on ne
gagne point à faire des vers, et que l'abbé Desfontaines est digne d'être mis
au nombre de ses amis.
(AB, 10821)
N° 17 : Le sieur Alexandre de Ste Colombe, 50 ans, 31 mai
1725 :
Étant assis sur le parapet à la Demie Lune, le sieur de Ste Colombe
était assis à quelques distance de moi et se branlait le vit dans son chapeau,
en me regardant ; voyant qu'il continuait environ l'espace d'un quart d'heure,
cela m'a donné occasion de lui parler, et dans la conversation il m'a dit que
l'homme et la femme qui étaient à deux pas de nous attendaient la nuit pour se
foutre, que pour lui il n'aimait point les femmes, qu'il n'avait jamais aimé
d'autre sexe que le sien, après quoi il m'a dit qu'il bandait bien, et en même
temps m'a pris la main pour me faire manier son vit, me disant que le plaisir
qu'il avait eu à me voir l'avait pensé faire décharger, mais qu'il s'était
retenu, espérant que nous nous divertirions ensemble. En nous promenant, il m'a
demandé si je bandais, et il a voulu me faire des attouchements par derrière.
Dans la conversation, il m'a dit qu'il s'était diverti avec un religieux
Prépuce, qui s'appelle le père Jean-Marie ; je lui ai dit que j'avais connu ce
religieux, et que c'était lui qui m'avait appris ce que je savais. Il m'a dit
aussi qu'il connaissait le père Denise ; ayant entendu dire que ce religieux
était un des plus fameux bougres de Paris, il prit prétexte, pour en faire la
connaissance, d'aller lui parler au sujet des cas de conscience ; ils étaient
tombés sur le détail des passions, que l'avare aimait l'argent, l'ivrogne la
boisson, que pour lui, il n'était pas susceptible de ces passions-là, que la
sienne était d'aimer son sexe ; aussitôt qu'il eut lâché cette parole, le père
Denise lui prit le vit et le lui branla, et il branla celui du père ; il a dit
au père Denise qu'il n'avait jamais aimé les femmes, que s'il en avait
fréquentées ce n'était que parce qu'il ne pouvait s'en dispenser, soit par
rapport à son négoce, ou aux compagnies où il s'était trouvé. Après cette
conversation, il m'a dit que la dernière fois qu'il était venu à la Demie Lune,
il avait accosté un homme dont la plus grande passion était de lui baiser le
cul. Il connaît l'abbé François, et dit que c'est le plus grand des bougres de
Paris.
(AB, 10256)
N° 18 : l'abbé Gillot, 18 novembre 1725 :
Je [l'abbé Gillot] déclare à Monsieur le Lieutenant de Police que c'est
le sieur Milly, supérieur des clercs de la paroisse St Eustache, qui m'a séduit
dès l'âge de 14 ans en me faisant des attouchements.
(AB, 10256)
* * * * *
N° 19 : GRAND MÉMOIRE :
1)
M. le duc de Lorges, du nombre des sodomites.
Magny, son valet de chambre : en est.
Adelon, laquais de Mme de Farges : en est.
La Pierre.
Brunet : en est.
2)
Moisnet [sic, pour Monnet], conseiller au Châtelet.
Gobesche St
Ange.
3)
Moreau.
Champagne, valet de M. de Charolais.
Châlons, laquais de M. de Chambonna.
4)
Maurice Salins.
5)
Le marquis de Chambonna, quoique dévôt.
Spec et Verdun, dit Richard : sont du commerce infâme.
6)
Dubois, grand-maître des eaux et forêts : en est.
La Jeunesse, son laquais.
Magny, dit Socrate, laquais du sieur Le Juge.
Montreuil, son valet.
Le gros Bourgnon.
De Soye en est aussi
7)
L'abbé Guillot [ou Gillot, grand vicaire de Poitiers], dit l'abbé
Sacredieu.
Picard, son ancien laquais : est du commerce infâme.
Fournier, son laquais à présent.
8)
L'abbé Couatte : en est.
St Jean, dit Agnès de Chaillot : est parmi la clique.
9)
Le Gras et Masson : toujours en liaison depuis plus de quinze ans.
L'Eveillé : passe pour en être.
Cadet : en est aussi.
10) M. L’Évêque.
11) L’abbé de Bévulle.
12) La France.
Renault.
13) Le marquis de Villars, fils du
maréchal.
Fortunet, son laquais.
Lanois, son ancien laquais.
14) Le duc de Villars-Brancas : en
est.
15) Le marquis d'Antragues : il
aime un page.
Beauregard
Devaux.
16) Le baron de Pelisse.
Le beau Delisle.
Denoyer ou le beau parisien.
Girard.
17) Le sieur Delatouche.
18) Valière laquais de Mme de Rez.
19) Le duc Dumières : en est.
20) Le marquis d’Eschalas : en
est.
21) Le sieur Chicanneau.
22) M. Debullion : en est.
Gautier son laquais.
Champagne dit Neufchatel.
23) Le marquis de Sancour : en
est.
Lionnais, soldat.
24) M. de Morboeuf.
Ricard.
25) Maréchal, suisse du comte
d'Estaing.
Le petit Danel.
26) Lefèvre, valet de M. de
Morboeuf.
27) Beauvais.
28)
Henry, soldat.
29) Le
marquis de La Poussière.
30) La
Croix, laquais du duc de Nevers.
31)
Fargus le fils.
Sieur de La Boissière.
Marquis de Lubéol.
32)
Fieffé.
33)
Marquis de Bezon.
Croiset.
34)
Nantier : en est.
Estienne.
Libernoy.
35)
Abbé Damfreuille.
Noilièvre,
son laquais.
Dupré.
36) La Croisette.
37) Lageuille.
Fribourg.
Lalandes.
38) Champagne, dit Lebrun, laquais
de Mme Moisnet [sans doute Monnet]
39) Moreau, laquais de M. de Bezon.
40) La Rivière, valet.
41) M. de Pécôme.
42) Ste Claire.
La Fosse.
Destalets ;
Mailly.
La Forest.
Le petit Dubois.
43) La Fontaine, laquais.
Lefèvre.
Dagenois.
44) Le prince de Chimée.
45) Marquis de La Vaire.
Le grand Delisle.
46) L'abbé de Breteuil.
47) Le sieur Desmoulins.
48) Le comte de Murcet.
Petit.
Le Page.
49) Le petit Montreuil.
50) La Fosse des pigeons.
Picard, valet du comte de Charolais.
51) Le beau Dufresne.
52) Valentienne, laquais.
53) M. de Mafoue.
Le gouverneur de Melun.
Fleury.
54) Fargues.
55) Le sieur Lenormant l'a mis à
Dupré.
D / NOTES
N° 11 : " se divertissait "
Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1680, 1706 :
N° 12 : Pierre-François Guydot Desfontaines (1685-1745).
Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1680, 1706 :
N° 12 : Pierre-François Guydot Desfontaines (1685-1745).
Dénoncé par l'abbé Dupuis et par Louis Legrand en 1725 (Arsenal)
Fustigé secrètement à Bicêtre en 1725.
Sa mésaventure fut évoquée dans le Mémoire pour servir à l'histoire de la Calotte, 1735.
On peut consulter :
- H. Boivin, "Les dossiers de l'abbé Desfontaines aux Archives de la Bastille", Revue d'histoire littéraire de la France, janv.-mars 1907, pp. 55-73 (surtout I et II, pp. 55-65) ; BnF m. 586.
- Morris, L'Abbé Desfontaines, 1961 (Studies on Voltaire, # 19) ; pour l'affaire de Bicêtre, voir pp. 37-42.
- Moureaux, 1978.
N° 14 : Le 14 mai 1725, de Noailles demandait au lieutenant de police Ravot d'Ombreval la clémence, "pour épargner à ses parents, dont on dit du bien, la douleur de le voir en un lieu honteux." Emery fut remis en liberté en juin 1725, avec l'interdiction temporaire de dire la messe.
N° 16 : Cf N° 12. L'abbé Desfontaines fut cependant remis en liberté le 30 mai 1725. Voltaire fut encore taxé d'homosexualité, ou au moins de bisexualité, dans le pamphlet de la période révolutionnaire Les Enfants de Sodome à l'Assemblée Nationale.
N° 17 : Ste Colombe ayant écrit au lieutenant de police pour se plaindre d'avoir été arrêté par erreur, Ravot d'Ombreval signa un ordre de liberté le 9 juin 1725 ; cette mise en liberté provoqua une violente réaction de l'exempt Symonnet, qui répondit à d'Ombreval le 12 juin : "Si cela était connu dans le public, et parmi tous ceux qui ont été arrêtés, cela causerait une révolte qui retomberait sur le magistrat, les officiers, et les mouches qui font les observations." Une attestation de la "mouche", datée aussi du 12 juin, certifie véritable le contenu du mémoire du 31 mai.
N° 19 : 113 noms regroupés en 55 articles (AB, mss 10895, folios 154-165).
9) Le Gras : cf AB 12476, 12483 et 12551. Masson : cf AB 12551 et F. Ravaisson-Mollien, Archives de la Bastille. Documents inédits ..., Pédone-Lauriel, 1866-1904, volume XIV, page 49.
Vers 1725, on estimait à 20 000 le nombre de parisiens sodomites ; selon Jacques Peuchet, Mémoires tirés des archives de la police, 1838, tome I, pages 289-290 :
Paris avait alors une population d'environ 700 000 habitants, ce qui donne, pour plus de 20 000, un pourcentage supérieur à 3 %.
René-Louis d'Argenson notait dans son Journal, à la date du 22 décembre 1754 : " L'on se plaint de l'augmentation des courtisanes publiques et de la débauche affreuse de Paris. L'on dit que la police inscrit les courtisanes, et qu'il y en a aujourd'hui plus de trente mille ainsi inscrites. " (volume VIII, pages 394-395).
Selon Moufle d'Angerville, le commissaire Pierre-Louis Foucault montrait à ses amis, vers 1780, " un gros livre où étaient inscrits tous les noms de pédérastes notés à la police "; il prétendait que Paris en comptait alors " presqu'autant que de filles [publiques], c'est à dire environ quarante mille " (Mémoires secrets, tome 23, 1784) ; ce Foucault était commissaire au quartier de la Grève depuis 1774. Le préfet de police Symphorien Boitelle signalait en 1864 aux frères Goncourt l'existence d'un registre des putains et des pédérastes de Paris, tenu pendant trente ans par le policier Félix.
Paris avait alors une population d'environ 700 000 habitants, ce qui donne, pour plus de 20 000, un pourcentage supérieur à 3 %.
René-Louis d'Argenson notait dans son Journal, à la date du 22 décembre 1754 : " L'on se plaint de l'augmentation des courtisanes publiques et de la débauche affreuse de Paris. L'on dit que la police inscrit les courtisanes, et qu'il y en a aujourd'hui plus de trente mille ainsi inscrites. " (volume VIII, pages 394-395).
Selon Moufle d'Angerville, le commissaire Pierre-Louis Foucault montrait à ses amis, vers 1780, " un gros livre où étaient inscrits tous les noms de pédérastes notés à la police "; il prétendait que Paris en comptait alors " presqu'autant que de filles [publiques], c'est à dire environ quarante mille " (Mémoires secrets, tome 23, 1784) ; ce Foucault était commissaire au quartier de la Grève depuis 1774. Le préfet de police Symphorien Boitelle signalait en 1864 aux frères Goncourt l'existence d'un registre des putains et des pédérastes de Paris, tenu pendant trente ans par le policier Félix.
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