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jeudi 30 mai 2024

DFHM : Damoiseau à droits du cul en passant par défaut, délicat, délices, délit d'espine et délit d'homosexualité



" Il n'est pas du tout à la mode, c'est un vrai damoiseau. "
Madame [princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV], lettre du 13 décembre 1718, parlant de son fils le Régent.
Connotation hétérosexuelle, par opposition au " vice à la mode ".

DAUFER

« DAUFER  : satisfaire une passion pédéraste. »
Évariste Nouguier, Dictionnaire d'argot, 1899-1900.

DAUPHIN

« de sout’neur dev’nir dauphin »
Émile Chautard, Goualantes de la Villette et d’ailleurs, 1929.



DÉBAUCHE NATURELLE

« L'aventure de MM. de La Ferté, Biran, Colbert, Argenson est bien infâme; ils ne sont que les malheureux d'une nombreuse confrérie. Nos pères n'étaient pas plus chastes que nous, mais ils se contentaient d'une débauche naturelle. On brode à présent sur les vices, on les raffine. »
Lettre de La Rivière à Bussy-Rabutin, 5 février 1680.

DÉCULER, DÉSENCULER

« Je suis en état de foutre dix coups sans désenculer. »
Le Bordel apostolique institué par Pie VI pape en faveur du clergé de France, « Réponse », 1790 [BnF, Enfer 602].

« L'Italien, déculant son homme, nous offre un vit sec et mutin, maintenant propre à toutes sortes d'attaques. »
Marquis de Sade, Histoire de Juliette, VIe partie, Paris : Gallimard, 1998, édition Michel Delon.

« Ces pieuses dissertations terminées, le moine décula son giton. »
Marquis de Sade, La nouvelle Justine, VIIe partie, Paris : Gallimard, 1995, édition Michel Delon.

DÉFAUT

Pierre Daniel Huet (sur l'humaniste italien Ange Politien) : « Je ne dis rien de ses mœurs, et de sa religion. Il a eu sur cela une réputation fort équivoque, et ce défaut qui est capital, a obscurci toutes ses autres vertus ; d'autant plus que son caractère de Prêtre, et son emploi de Chanoine, requéraient une vie réglée, et des mœurs exemplaires. »
Huetiana, ou pensées diverses de M. Huet, VII, publié par l'abbé Pierre-Joseph d'Olivet (1682-1768).
Paris : J. Estienne, 1722.

Antoine Aubriet signale, dans sa Vie de Cambacérès (1824), que les contemporains lui reprochaient un " petit défaut ".

DÉLICAT

Du latin delicatus (dérivé de deliciae) désirable, voluptueux, fin, avec déjà une connotation homosexuelle chez Jérôme (lettre XIV)  et Sénèque (Lettres à Lucilius, CXIV)

« Pour souligner l’ « ordre et venuste elegance » de la dame Méridienne, l’auteur du deuxième conte fait allusion non seulement aux apparitions de Vénus à Mars, d’Adonis à Vénus, et de Psyché à Cupidon, mais aussi à celle de « l’enfant delicat Ganimedes au souverain Juppiter lorsqu’il le ravit ». 
Les Contes amoureux par Madame Jeanne Flore, vers 1542, édition critique par Régine Reynolds-Cornell, Textes et Contre-Textes no 5, Saint-Étienne, Publications de l’Université
de Saint-Étienne, 2005, page 92.  »
Cité par Gary Ferguson dans son texte « Jeanne Flore pédéraste », in DEBROSSE (Anne), SAINT MARTIN (Marie) (dir.), Horizons du masculin. Pour un imaginaire du genre, Paris : Classiques Garnier, 2020, page 474.

Cette épître « À celle qui se reconnaîtra » est attribuée au marquis de Villette ou au comédien Jacques M. (de) Monvel :

« Tout le monde a des ridicules,
Mais n’a pas des vices qui veut.
Du tien ne va pas te défaire,
Dans la Grèce on en faisait cas
Et sur le vice, on sait, ma chère,
Que les Grecs étaient délicats. »
Mémoires secrets, tome 14, 16 octobre 1779.

« Un jeune homme très délicat [...] la délicatesse en personne »
Joseph Méry, Monsieur Auguste, Paris : A. Bourdillat, 1859, cité par Michael Rosenfeld, " Écrire et escamoter l'amour entre hommes sous le Second Empire : Monsieur Auguste et Le Comte Kostia ", dans " Écrire les homosexualités au XIXe siècle ", Littératures, n° 81, 2019.

« Délicat et blond, adj. Se dit, ironiquement, d’un gandin, d’un homme douillet, quelles que soient la couleur de ses cheveux et la vigueur de son corps. »
Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte, 2e édition, 1883.

« Les philosophes grecs aimaient les belles formes. Leur cœur s’attachait de préférence aux nobles lignes que les beaux éphèbes déployaient dans les exercices du gymnase […] quelques esprits délicats de nos jours, heurtés par le côté bassement matériel de l’amour, par le prosaïsme des rapports journaliers, frappés de l’incomplet des formes féminines, du manque d’esthétique de leur amitié toujours peu sûre, ont jugé que la passion ordinaire ne pouvait jamais atteindre à ce haut point de désintéressement où se joue l’amitié entre hommes. L’amitié-passion, voilà le remède que vous cherchez. »
Paul Verlaine, La Vie parisienne, 26 septembre 1891.

André Gide avait noté quelque part que sa mère le trouvait délicat.

Émile Zola : " L’incertitude peut commencer au simple aspect physique, aux grandes lignes du caractère : l’homme efféminé, délicat, lâche ; la femme masculine, violente, sans tendresse. Et elle va  jusqu’à la monstruosité constatée, l’hermaphrodisme des organes, les sentiments et les passions contre nature. Certes, la morale et la justice ont raison d’intervenir, puisqu’elles ont la garde de la paix publique. Mais de quel droit pourtant, si la volonté en est en partie abolie ? On ne condamne pas un bossu de naissance parce qu’il est bossu. Pourquoi mépriser un homme d’agir en femme s’il est né femme à demi ? "
Lettre au Dr Laupts (G. Saint-Paul), 25 juin 1895.
Anonyme : " Il me semblait être trop faible, trop joli, trop délicat pour dormir avec une femme à laquelle je ressemblais trop, et d’ailleurs je n’aurais jamais eu ce courage. " Roman d'un inverti-né, II, 1889 (lettres à Zola).

« Royaume-Uni Le "stray" nouveau est arrivé (Société), par Béatrice Colbrant :
Selon une étude britannique, une nouvelle race d’hommes vient de faire son apparition : le "stray", intermédiaire entre l’homme gay traditionnel et le "straight", terme réservé à l’hétéro de base. Le stray serait ainsi un straight déguisé en gay et cela en vue de séduire le plus grand nombre de femmes possible. Des femmes, dit-on, de plus en plus attirées par le look délicat, voire inoffensif, du copain gay toujours prêt à écouter et à rendre service. Référence oblige : on se souvient de Warren Beatty dans "Shampoo", prototype du stray s’attirant les succès féminins sous les dehors les plus détachés. Tout homme outre-Manche est désormais qualifié de "GUPO": "Gay until proven otherwise" (Gay jusqu’à preuve du contraire). »
Têtu quotidien, 2 avril 2003.

DÉLICES

Du latin classique deliciae, voluptés, objet d'amour.

La connotation homosexuelle du terme provient probablement de ces célèbres vers de Virgile :

Formosum pastor Corydon ardebat Alexim,
Delicias domini, nec, quid speraret, habebat.

« Pour le bel Alexis, délices de son maître,
Le pâtre Corydon se consumait en vain » (traduction Paul Valéry).

La Renaissance le ranime :

« Des filles n’avons nul besoin
Car avons-nous pas nos novices
Avec lesquels prenons soin
De trouver toutes nos délices
Et ce faisant n’avons point peur
D’en avoir aucun déshonneur. »
Recueil Maurepas, BnF, mss fr 12616, année 1566, tome 1, page 160, « Chanson d’un cordelier sorbonniste ».

Ainsi mon favori gay m'entretiendra,
Je ne désire pas que l'on cueille mon fruit,
Comme un peuple ignorant dedans l'ombreuse nuit,
Ni comme un courtisan tout à la dérobée."
Oeuvres poétiques du capitaine Laphrise, " Stances de la délice d'amour ", 1597.

« Pourceau le plus cher d’Épicure,
Qui, contre les lois de nature,
Tournez vos pages à l’envers,
Et qui, pris aux chaînes des vices
Vous plongez dedans leurs délices,
J’ai des limbes entendu vos vers. »
Sieur de Sigognes, Ode, in Cabinet satyrique ou Recueil parfait des vers piquants et gaillards de ce temps, 1618.

Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706 : délices



Sade : « Ce singulier Dolmancé […] sodomite par principe, […] les délices de Sodome lui sont aussi chers comme agent que comme patient. »
Marquis de Sade, La Philosophie dans le boudoir (1795), I, Paris, Gallimard, 1998, édition Michel Delon.

Paul Bourget : « C'était le collège qui continuait à les lier l'un à l'autre, et les souvenirs d'enfance. Leur enfance ?... Armand, qui tournait la rue Royale et gagnait les Champs-Élysées, se rappela soudain le défilé de la pension Vanaboste, le jeudi, et la promenade trois par trois, sous la surveillance d'un pauvre diable de maître d'étude qui cherchait à se dissimuler parmi les groupes pour avoir l'air d'un passant comme les autres et non pas d'un chien de cour chargé de garder un troupeau d'élèves. Et quel troupeau ! La plupart avait le teint pali, les yeux creusés, un appauvrissement énervé de tout l'être qui disait de secrètes débauches. Que d'ignominies et de bassesses dans ce monde où les plus âgés avaient dix-neuf ans, où les plus jeunes en avaient huit ! Entre les murs de la prison, comme entre les murs du grand lycée où ils se rendaient deux fois par jour, il n'était question que d'infâmes amours entre ces grands et ces petits. Parmi ces amours contre nature, les unes étaient franchement sensuelles et avaient pour théâtres tous les coins déserts de la maison, depuis les dortoirs jusqu'à l'infirmerie. Et parmi les jeunes Français internés dans des collèges semblables, combien participaient à cette luxure, et les autres se salissaient l'imagination en la repoussant ! Il y avait aussi entre ces collégiens des liaisons exaltées et chastes. La lecture d'une certaine égloque de Virgile, d'un dialogue de Platon, de quelques sonnets de Shakespeare montaient la tête aux plus littéraires, et Alfred Chazel avait un jour reçu, étant en troisième, une pièce de vers écrite par un rhétoricien de Henri IV, qui commençait par ce vers prodigieux dont ils avaient ri comme des fous :
Alfred, mon pâle Alfred, mon Aimé, mes Délices... »
Un Crime d'amour, Paris : Alphonse Lemerre, 1886.

DÉLIT D’ÉPINE

« ESPINE, c'est-à-dire le dos, à cause de l'épine du dos ; & le délit d'espine, c'est-à-dire, la Sodomie. C’est pourquoi Monstrelet [vers 1390-vers 1453] dit que quelques uns furent brûlés à la Grève pour avoir commis le délit d’espine. »
Pierre Borel (vers 1620-1671), Dictionnaire des termes du vieux françois ou Trésor des recherches et antiquités gauloises et françoises, Paris : Briasson, 1750 [Paris : A. Courbé, 1655], à l’article ESPINE.

Gilles Ménage, Dictionnaire étymologique..., 1750 [1694].

DÉLIT D'HOMOSEXUALITÉ

« Ce n’est pas seulement l’article 331 du Code pénal concernant le délit d’homosexualité qui aurait besoin d’être revu et assoupli. »
Daniel Guérin, " La Répression de l’homosexualité en France ", La Nef [Nouvelle équipe française], janvier 1958.

Les mentions « homosexualité » et « homosexualité avec mineurs » dans les tableaux des deux séries statistiques du Ministère de la Justice (adultes, mineurs) ont amené certains à parler, après Daniel Guérin, de délit d’homosexualité.

On peut mentionner une troisième série de données, celle de la Direction de l’Éducation surveillée (publiée par l’INSEE). En 1966, 36 garçons de moins de 15 ans avaient été amenés devant les juges pour enfants au titre de l’infraction « homosexualité » (sic). Jusqu’en 1974, 60 à 80 mineurs de moins de 21 ans étaient mis en cause chaque année.

Dans l’Encyclopédie Dalloz – PÉNAL, la rubrique « Attentats aux mœurs » date de 1967 ; l’article 2 de la section 2 (attentat à la pudeur sans violence) comporte un § 3 intitulé « Délit d’homosexualité », expression reprise plusieurs fois, dans les sous-titres, « A. Éléments constitutifs du délit d’homosexualité » et « B. Répression du délit d’homosexualité », et dans le corps du texte : « L’ordonnance du 8 février 1945 […] a judicieusement placé le délit d’homosexualité à l’article 331 du Code pénal qui vise essentiellement la satisfaction de passions personnelles. »

" Quant au délit d'homosexualité, il n'apparaît dans l'arsenal des lois françaises qu'avec la loi de Vichy du 6 août 1942. "
Appel pour la révision du Code pénal, Le Monde, 22-23 mai 1977.

« Le vote de la loi du 23 décembre 1980 et les tentatives d’abrogation du délit d’homosexualité. »
Gisèle Halimi, Rapport N° 602, 1981-1982, AN, séance du 10 décembre 1981.

« En deuxième lecture votre Haute Assemblée, insensible tant aux changements d’option de l’exécutif qu’à l’opinion de l’Assemblée nationale, a maintenu fermement sa position initiale : le délit d’homosexualité devait disparaître de nos lois. »
Robert Badinter, Garde des Sceaux, Sénat, séance du 5 mai 1982.

« La suppression du délit d’homosexualité ne figure ni dans le projet socialiste de 1980, ni dans les 110 propositions du candidat Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981. »
Étienne Dailly, Rapport N° 457, 1981-1982, Sénat, séance du 7 juillet 1982.

Mme Élisabeth Guigou était revenu sur cet aspect de la première alternance :
« C’est […] le 29 avril 1981 […] que le candidat François Mitterrand déclarait que l’homosexualité devait cesser d’être un délit. À cette époque elle figurait encore dans le Code pénal, et c’est Robert Badinter qui la fit disparaître. »
Assemblée nationale, séance du 30 mars 1999.

  S’il est évidemment faux que l’homosexualité ait été illégale en France après 1942, il est tout aussi faux qu’elle ait été légale. Même avant 1942, en 1924, la revue L’Inversion/L’Amitié fut poursuivie et condamnée (en 1926) pour outrage aux bonnes mœurs. On sait que de 1960 à 1980 l’homosexualité a été une circonstance aggravante de l’outrage public à la pudeur, que la législation faisait, jusqu'à la loi Taubira du 4 août 2014 (dont l'article 26 supprime dix occurrences de cette expression bonnes mœurs dans le Code civil et quatre autres codes) notamment obligation d’user de la chose louée « en bon père de famille » (Code civil, article 1728, 1°) et que la Préfecture de Police de Paris a longtemps comporté un « Groupe de contrôle des homosexuels ».

  La conduite automobile sur la voie publique est autorisée à partir de 18 ans. La liberté des relations sexuelles entre majeurs, de 1974 à 1982, n’était pas du même ordre. Il y avait autour de l’homosexualité, des actes dits en termes moyen-âgeux « impudiques ou contre nature », un contexte, un climat, une histoire, un encadrement juridique et administratif, qui donnaient une certaine pertinence à l’expression délit d’homosexualité, et à celle de dépénalisation qui suivit.

DÉSHOMOÉROTISATION

« Au moment où Narcisse contemple son image reflétée dans l’eau de la fontaine, la description de sa beauté – celle de l’éphèbe longuement détaillée par Ovide39 – est omise par Jeanne Flore. Ce souci de ce que l’on pourrait appeler la « déshomoérotisation » du récit va même pousser l’auteur renaissant à changer le sexe de l’image dont le jeune homme tombe amoureux. Dans les Métamorphoses, Narcisse est attiré tout naturellement par ce qu’il croit être un jeune homme qu’il désire embrasser. Le Narcisse des Comptes amoureux « va contemplant avec ung subtil et amoureux regard l’excellente beaulté qui luy faict à croyre que quelque Déesse soit du hault ciel descenduë. Dont la saluë il, et reverentement s’encline devant elle ». Cette déshomoérotisation nécessite, en revanche, une certaine effémination du sujet masculin. Pour que le garçon tombe amoureux non pas d’un garçon mais d’une fille, le garçon doit ressembler à une fille. »
Gary Ferguson, « Jeanne Flore pédéraste », in DEBROSSE (Anne), SAINT MARTIN (Marie) (dir.), Horizons du masculin. Pour un imaginaire du genre, Paris : Classiques Garnier, 2020, pages 481-482.

DÉSORDRE

La connotation homosexuelle de ce terme est faible, mais amusante rapportée à plusieurs remarques de Flaubert relative à l’ironie de l’ordre que constituerait l’émergence de l’homosexualité dans une situation officielle :

« SODOMIE, s. f. (Gram. & Jurisprud.) est le crime de ceux qui commettent des impuretés contraires même à l'ordre de la nature (i) ; ce crime a pris son nom de la ville de Sodome, qui périt par le feu du ciel à cause de ce désordre abominable qui y était familier. »
Encyclopédie, tome XV, 1765, colonne 266, par Antoine-Gaspard Boucher d'Argis (1708-1791). [texte complet de l’article au mot sodomie]

« Comme les jeunes gens, qui se prostituaient à ce désordre n'étaient, comme ils ne sont encore en général, que des coiffeurs, des perruquiers, des jockeys, des domestiques sans condition, on les envoyait assez communément à Bicêtre, pour un, deux, trois ou six mois, suivant que le lieutenant de police en prononçait sur le rapport de l'inspecteur ou du commissaire. Quant à ceux avec qui on les trouvait, on en prenait le nom, et quelquefois on les rançonnait. »
Jacques Peuchet, Article « Pédérastie », Encyclopédie méthodique, tome 112 (Police et Municipalité), Panckouke, 1791 [BnF Z 8556].

« Les femmes vont devenir inutiles ; les jeunes garçons prennent leur place. Ce crime abominable se commet avec toute sorte de liberté ; et il est presque passé en coutume, on n’en rougit plus. Ceux qui le commettent s’en font honneur, croient être à la mode et passent pour galants hommes. Ceux qui ne s’abandonnent pas à ce désordre en ont la réputation ; premièrement, parce que le nombre en est fort petit et qu’ils sont confondus dans la foule des criminels. »
Journal d’un poète, juin 1837.

DEVANT/DERRIÈRE

Cette polarité topologique a été durablement associée à la classification des goûts sexuels masculins. Elle contient en germe la notion d’inversion, de même que l’expression à rebours. Une autre polarité topologique, haut/bas, fut invoquée par le philosophe italien Campanelle dans sa Cité du soleil [Civitas Solis, 1623] : il était prévu, dans cette utopie communiste, de stigmatiser les sodomites en leur faisant porter un soulier attaché à la nuque, pour signifier la perversion de l’ordre.

Pierre de L’Estoile rendit compte d’un combat perdu par un mignon d’Henri III en citant le quatrain composé pour l’occasion :

« Quélus n’entend pas la manière
De prendre les gens par devant ;
S’il eût pris Bussy par derrière,
Il lui eut fourré bien avant. »
Journal, année 1578.

Même association dans ces vers qui visaient les pères Jésuites :

« Au collège de Louis le Grand
On n’y connaît point le devant ;
Car ses traîtres de Paris
  Hé bien !
Attaquent le derrière
Vous m’entendez bien. »
Chansonnier Maurepas, année 1685.

Allusion à un certain usage du derrière dans ces vers faits sur Louis-Joseph, duc de Vendôme (1654-1712) par son secrétaire, pour mettre sous son portrait :

« Le héros que tu vois ainsi représenté,
Favori de Vénus ainsi que de Bellone [déesse italique de la guerre]
Prit la vérole et Barcelone
Toutes deux du mauvais côté. »
Charles Collé, Journal et Mémoires, mai 1750.

« Si le général des jésuites avait deux otages à envoyer à Paris aussi beaux que les anges de Loth, et plus, complaisants, il est sûr de rentrer en France par cette porte, qui serait très bonne, quoique ce soit une porte de derrière. »
Thévenau de Morande, Le Philosophe cynique, 1771.

« On aime, on plaît à sa manière :
Le plus sage tourne à tout vent,
L’un attrape l’amour par devant,
L’autre l’attrape par derrière (a),
Le caprice est ce qui nous meut ;
Le diable emporte les scrupules.
Enfin on fait du pis qu’on peut :
Tour le monde a des ridicules,
Mais n’a pas des vices qui veut. »
Mémoires secrets …, 16 octobre 1779 [tome 14].
a. Dans une autre version de cette épître « À celle qui se reconnaîtra », Mayeur de Saint Paul ajouta cette note : « Et Monvel était de ceux-là. »


« En s’éveillant un beau matin,
Le Tout-Puissant lorgna Sodome,
Et fit serment, son foudre en main,
D’en griller jusqu’au dernier homme.
Car en ce lieu chaque vilain
S’amusait tout comme à Berlin ;
Et les coquins s’y prenaient tous,
Sens [c'en] devant derrière.
Et les coquins s’y prenaient tous,
Sens [c'en] devant derrière, sens [c'en] dessus dessous (*). »
Le Pot pourri de Loth, 1784.
*. Cf Rabelais, Gargantua, XI.

« N’ayant plus les moyens d’avoir des femmes, nous nous trouvons réduits à la malheureuse nécessité de nous amuser entre nous et de tirer par derrière, n’ayant point l’argent nécessaire pour tirer par devant, c’est-à-dire pour bourrer, pour enfiler des cons. »
Le Bordel apostolique institué par Pie VI pape en faveur du clergé de France, « Supplique », 1790 [BnF Enf 602].

Au début de la Révolution, le ci-devant marquis de Villette fut plaisamment appelé « ci-derrière marquis ».

« L’Univers sait que l’équivoque marquis de Villette est le président perpétuel du formidable district des citoyens rétroactifs, partant zélé partisan de la Constitution où tout est sens devant derrière. »
Andrea de Nerciat, Les Aphrodites, 1793, 1ère partie, « À bon chat : bon rat ».

« Grâce à notre commissaire
On dit qu’sous peu nous allons voir
Un changement salutaire.
Ami du devant
Ce joyeux vivant
Harcèle et poursuit
Le jour et la nuit
Les amis du derrière. »
Albert Glatigny, La Sultane Rozréa, 1871, « Lamentation des filles ».

« La Plume : - Doit-on consentir à croiser le fer avec un individu convaincu d'homosexualité ? [...]
Jacques Fersen : - Oui, on doit se battre. D'abord, il suffit de déplaire aux concierges pour être accusé d'horreurs. Et le concierge, c'est la réputation.
Ensuite, un homo – je ne sais plus quoi – peut être aussi chic, aussi honorable, aussi respecté que Pierre ou Paul.
Pourquoi mêler l'honneur au derrière ? »
La Plume, n° 387, 15 mai 1912, page 230. 

Citons encore les très curieuses Considérations objectives sur la pédérastie de Gabriel Pomerand, publiées en 1949 :

« Mesdames ! Les petits garçons vous obligent à être belles lorsque vous n’êtes que potables. Et vous craignez par trop la concurrence des petits derrières qui prennent le devant de vos devants. »

DISCIPLE DE CORYDON

« Si le milieu homosexuel a changé, c’est en mieux. La plupart des stupides spectacles plus ou moins travestis ou démesurément pimentés ont disparu. On peut circuler à Saint-Germain-des-Prés, le samedi soir, sans être choqué, alors qu’il y a quinze ou vingt ans, à Pigalle, que d’homosexuels s’affichaient, que de petits jeunes gens ostensiblement maquillés déambulaient ! Les différents cercles ou endroits fréquentés par les disciples de Corydon sont en général bien préférables, au point de vue tenue, à ceux qui existaient avant guerre. »
« Qu’on se le dise ! », FUTUR (Organe de combat et d’information pour l’égalité et la liberté sexuelles et pour le respect absolu de la personne humaine), juillet 1954.

DISSIDENT, DISSIDENCE

"dissident de l'amour de la femme"
Marcel Proust, Jean Santeuil.

"D'une dissidence sexuelle au socialisme."
Daniel Guérin, Autobiographie de jeunesse.

DRAG

« On parle couramment de “sœurs” dans la communauté drag. Ce n’est ni de la parodie ni de la moquerie, mais de la réappropriation de codes religieux : parmi les drags les plus connues, les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence sont des militantes qui œuvrent depuis 1979 pour la prévention du sida et pour la paix. » (2024)

DROIT, adj.

Équivalent peu usité de l'anglais straight, c’est-à-dire non-gay.

" Depuis des mois l'efféminé Chargnieu épie la tristesse de Caradec. Il devine sa langueur et ses fringales. Il rôde, calin, autour de l'isolé. Mais celui-ci semble se méfier. Son instinct droit repousse les gestes caresseurs. "
Georges Lecomte, Les Cartons verts, Mardi gras, Paris : Charpentier, 1901.

Expression « il est resté droit » (années 1970).

DROITS DU CUL

Expression employée, en français dans le texte, par Friedrich Engels (1820-1895) dans cette lettre de 1869 à Karl Marx, au sujet du mouvement homosexuel allemand qui faisait alors son apparition :

« C'est un bien curieux Urning [le petit livre Argonauticus d'Ulrich] que tu m'as envoyé. Ce sont là des révélations tout à fait contre nature. Les pédérastes se mettent à se compter et ils trouvent qu'ils constituent une puissance [Macht] dans l'État. Il ne manque plus que l'organisation, mais il apparaît d'après ceci qu'elle existe déjà en secret. Et comme ils comptent déjà des hommes importants dans tous les vieux, et même les nouveaux partis, de Rösing à Schweitzer, la victoire ne peut leur échapper. " Guerre aux cons, paix aux trous-de-cul " [en français dans le texte], dira-t-on dorénavant (1). C'est encore une chance que nous soyons personnellement trop vieux pour avoir à craindre de payer un tribut de notre corps à la victoire de ce parti. Mais la jeune génération ! Soit dit en passant, il n'y a qu'en Allemagne qu'un type pareil peut se manifester, transformer la cochonnerie en théorie, et inviter : introite [entrez, en latin] etc. Malheureusement il n'a pas encore le courage d'avouer ouvertement qu'il est comme ça, et doit toujours opérer coram publico [devant le public] en tant que "du devant", sinon "de l'intérieur du devant", comme il l'a dit une fois dans un lapsus. Mais attends seulement que le nouveau Code pénal de l'Allemagne du Nord reconnaisse les droits du cul [en français dans le texte], et il en sera tout autrement. Nous autres pauvres gens du devant, au goût infantile pour les femmes, nous trouverons alors dans une assez mauvaise situation. Si le Schweitzer devait avoir besoin de quelque chose, ce serait de se faire révéler, par cet étrange honnête homme, les données particulières sur les pédérastes hauts placés ; en tant que confrère cela ne devrait pas lui être difficile. »
Lettre à Karl Marx, Manchester [Angleterre], 22 juin 1869, in Marx Engels Werke, Berlin, 1965, tome 32, pages 324-325 [traduction Éditions sociales revue par Cl. C. ; la même année 1869 apparaissait le mot allemand Homosexualität].
1. Allusion à la formule de Nicolas de Chamfort : « Guerre aux châteaux ! Paix aux chaumières ! »


jeudi 4 janvier 2024

DFHM : Échappé de Sodome à exercice bulgare en passant par efféminé, Émile, en être, éphèbe, équivoque, Éros et évêque de Clogher


ÉCHAPPÉ DE SODOME

La dénotation homosexuelle de l’expression est évidente.

« rivales des échappés de Sodome »
Le Vol le plus haut, 1784.

ÉCUYER

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne, 1864.
Delvau cite Pétrone, Le Satyricon, XXIV

EFFÉMINÉ, adj. et subs.

Du latin effeminatus ;  voir Ces petits Grecs … Selon Furetière, « se dit d’un homme mol, voluptueux, qui est devenu semblable à la femme. Montaigne l’employa à propos d’Héliogabale, « le plus effeminé homme du monde, Heliogabalus », Essais, II, xiii, 607), mais aussi, plus surprenant, d’un père de famille que son fils appelait « lâche, efféminé, faiseur d’enfants » (II, viii, 390). L’ambiguïté du terme est en effet de désigner aussi bien celui qui fréquente trop les femmes que le partenaire supposé passif d’une relation masculine. La connotation homosexuelle est récente.

Agrippa d'Aubigné : « Le geste efféminé, l'œil d'un Sardanapale »
Les Tragiques (1616), II " Princes".

Adamantius, médecin juif de langue grecque converti au christianisme, La Physionomie, ou des indices que la nature a mis au corps humain..., Paris : Toussaint du Bray, 1635 (fin IVe siècle).
" La mollesse du corps pour le plus souvent est propre à un homme tout à fait efféminé " chapitre XVI.
" L'avoir aigue [la voix], molle, et fort distincte, est être mol et efféminé. " chapitre XXX.
De la façon d'un homme efféminé chapitre XL : " Un homme efféminé a le regard et humide et effronté : ses yeux vont et viennent de tous côtés ".
Divinations par les marques qui sont naturellement en divers endroits du corps humain : " l'avoir au fondement, c'est être efféminé ".

« De combien de mots masculins
A-t-on fait des mots féminins
[...]
Sans que l'abbé de Boisrobert
Ce premier chansonnier de France,
Favori de son éminence,
Cet admirable patelin,
Aimant le genre masculin,
S'opposât de tout son courage
À cet efféminé langage. »
Gilles Ménage, Requête des dictionnaires, 1649.

« Ce sont là des discours de pédérastes, il faudrait que j’eusse bien perdu l’esprit pour approcher ma bouche de celle d’un petit efféminé. »
Lucien, Dialogue de Junon et de Jupiter, traduction Perrot d’Ablancourt, 1654.

Dans la traduction de l’ouvrage de J. B. Porta sur la physionomie humaine, figurent un article intitulé L’efféminé ; dans l’article Le Timide, on lit cette paraphrase de Lactance (L’Ouvrage du dieu créateur) :

« Si dans le coït la semence de l’homme venant du côté droit tombe dans le côté gauche de la matrice de la femme, il naîtra un enfant mâle, mais il sera efféminé, vu que cette partie est destinée à la génération des femelles. »
La Physionomie humaine, 1655.

Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706 (rien en 1680) :


« On y voyait des hommes qui n’avaient point honte d’y prendre l’habillement des femmes, et de s’assujettir à toutes les occupations propres du sexe, d’où s’ensuivait une corruption qui ne peut s’exprimer. On a prétendu que cet usage venait de je ne sais quel principe de religion ; mais cette religion avait comme bien d’autres pris sa naissance dans la dépravation du cœur, ou si l’usage dont nous parlons avait commencé par l’esprit, il a fini par la chair ; ces efféminés ne se marient point, et s’abandonnent aux plus infâmes passions ; aussi sont-ils souverainement méprisés. »
F.-X. de Charlevoix (1682-1761, jésuite), Journal de voyage dans l’Amérique septentrionale, tome 6, juillet 1721 [édition 1744, pages 4-5].

« {…] ces Orientaux dont parle Julius Firmicus lesquels consacraient, les uns à la déesse de Phrygie, les autres à Vénus Uranie, des prêtres qui s’habillaient en femmes, qui affectaient d’avoir un visage efféminé, qui se fardaient. »
Joseph François Lafitau, Mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps, tome 1, 1724.

Au XVIIIe siècle, comme sous Henri III (voir l’entrée MIGNON), l’effémination a été associée à la richesse : « le superflu rend les hommes mous et efféminés » lit-on dans Le Législateur moderne (1739) attribué au marquis d’Argens.

« Les véritables crêtes annoncent souvent la vérole et l’infamie des Efféminés. […] Il arrive quelque chose de semblable aux Efféminés, lorsque, par leurs abominations, ils contractent à l’anus des ulcères malins.  ».
J. Astruc, Traité des maladies vénériennes, 1740.

En 1800, dans son Histoire naturelle du genre humain, J. J. Virey (1775-1846) évoquait encore les « riches efféminés », mais il commençait à envisager une autre cause, la chaleur du climat ; dans De la femme sous les rapports physiologique, moral et littéraire (1825), il a creusé la question :

« Jamais une femme masculine ne sera bien chérie d'un homme ; il croirait pécher avec elle comme avec son semblable, et il éprouve presque le même genre de répugnance. [...] L’homme trop efféminé a paru de tout temps exposé à un vice qui semble montrer pour lui le besoin de reprendre dans son sexe l’élément créateur qui lui manque. Ces retours des individus sur leur propre sexe, tout abominables et outrageux qu’ils soient pour la nature, se remarquent fréquemment sous les climats chauds […] La femme virile s’accommoderait mieux d’un efféminé avec lequel elle prendrait en quelque sorte le rôle masculin, que d’un homme dont la complexion trop mâle heurterait, pour ainsi parler, la sienne. »
Julien Joseph Virey, De la femme sous les rapports physiologique, moral et littéraire (Bruxelles : Aug. Wahlen, 1825, 1826), chapitre III, 3, " Considération sur les causes de l’amour entre chaque sexe ".

Pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, efféminement et passivité ont parfois été attribués aux homosexuels des milieux populaires. Par la suite, plus que le lien éventuel entre position sociale et orientation sexuelle, c’est la distinction des types homosexuels qui intéressera les auteurs.

«  Il [Chouard] a presque dis-huit ans et en paraît quatorze à peine. C’est presque un enfant, imberbe, d’une paleur mate, visage efféminé ; ses cheveux blonds cendrés sont divisés par une raie médiane ; il est vêtu d’un petit paletot gris à collet de velours, et sur le plastron de sa chemise s’étalent les bouts flottants d’une cravate bleue, signe distinctif ordinaire des éphèbes de barrière [faubourg]. »
« Affaire de Germiny », " Entrée des prévenus ", La Tribune - Journal républicain socialiste, n° 20, 25 décembre 1876.

« Il est pénible pour les patriotes d’acquérir la preuve que les hommes sur lesquels ils comptent pour défendre la Patrie ne sont que des efféminés ayant l’œil constamment braqué sur une autre trouée que celles des Vosges. »
« L’armée pédéraste », La Révolte, 5-11 décembre 1891.

« Les invertis ne se contentent pas du tout de la vieille explication [cabalistique] de l’âme féminine dans un corps masculin. Certains sont plus masculins que les hommes habituels, et se sentent portés vers leur propre sexe en raison de la ressemblance. Ils disent qu’ils méprisent trop les femmes pour être efféminés. […] On pourrait admettre (et ce serait une règle assez générale) que plus un unisexuel a de valeur morale, moins il est efféminé. »
Raffalovich, « Quelques observations sur l’inversion », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 50, 15 mars 1894.

« Le livre [d’Albrecht Moll] est très bien fait, – mais il me semble qu’il ne différencie pas assez ces deux classes : les efféminés et les "autres" : il les mélange incessamment et rien n’est plus différent, plus contraire – car l’un est l’opposé de l’autre – car pour cette psychophysiologie, ce qui n’attire pas repousse, et l’une de ces deux classes fait horreur à l’autre. »
André Gide, lettre à Eugène Rouart, 14 septembre 1894, citée par David H. Walker dans Le Ramier, Paris : Gallimard, 2002, page 64.

« Les rapports qui existent entre la véracité, le mensonge et la vie sexuelle sont étroits. Les efféminés sont menteurs à tous les degrés, depuis la perfidie minutieuse jusqu'à l'inconscience, jusqu'à une incontinence de faussetés. Ils observent mal et reproduisent mal ce qu'ils ont observé.[…] Si vous voulez un admirable portrait de l’inverti efféminé tel qu’on le rencontre dans les milieux mondains et artistiques où il a le loisir de se développer à son aise, lisez la description d’Adolphe par Benjamin Constant. »
Marc-André Raffalovich, Uranisme et unisexualité : étude sur différentes manifestations de l'instinct sexuel, Lyon : A. Storck ; Paris : Masson, 1896.


Ce point de vue, réaffirmé dans des articles ultérieurs, et notamment à l’occasion de la scission de l’organisation allemande W.H.K. en 1907 (« l’inverti intéressant n’est pas efféminé, au contraire ») rencontra l’assentiment du Dr Alétrino :

« En parlant ici d’Uranistes, j’ai avant tout en vue les hommes qui, comme hommes, se sentent attirés vers d’autres hommes, sans me demander si ces derniers se sentent plus, autant, ou un peu moins virils qu’eux. Par conséquent j’écarte tous les efféminés, aussi bien les efféminés proprement dits que que ceux qui le sont devenus par perversion, par l’influence de l’exemple ou par dépravation. […] La notion erronée que l’uraniste doit être assimilé au pédéraste, à l’efféminé et au dégénéré, ou qu’il est identique à ceux-ci, s’est maintenue jusqu’à ce que Marc André Raffalovich ait mis de l’ordre dans cette confusion par la publication de ses études sur l’uranisme. »
Dr A. Alétrino, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901.

" Depuis des mois l'efféminé Chargnieu épie la tristesse de Caradec. Il devine sa langueur et ses fringales. Il rôde, calin, autour de l'isolé. Mais celui-ci semble se méfier. Son instinct droit repousse les gestes caresseurs. "
Georges Lecomte, Les Cartons verts, Mardi gras, Paris, Charpentier, 1901.

Dans Corydon, Gide utilisa inverti dans le sens d’efféminé ; chez lui, l’opposition inverti/homosexuel correspond donc à l’opposition efféminé/inverti chez Raffalovich.

« Vous frayez (sans méchanceté, j'en suis sûr) le chemin à tous les méchants, en me traitant de " féminin ". De féminin à efféminé, il n'y a qu'un pas. Ceux qui m'ont servi de témoins en duel vous diront si j'ai la mollesse des efféminés »
Marcel Proust, lettre à Paul Souday, novembre 1920.

Le mot apparaît dans des annonces de rencontre pour exprimer les restrictions de l’annonceur :

« Efféminés, aventuriers, abstenez-vous. »
« Poilu bienvenu, efféminé s’abstenir. »
« Folles, vulgaires, barbus, efféminés et gros s’abstenir. »
« J’aime en fait tous styles sauf efféminés, flemmards, grognons, buveurs d’eau, qui peuvent s’abstenir. »
« Folles, SM, efféminés, barbus, s’abstenir. »
« S’abstenir : efféminé et maniéré, pas sérieux, jeune à lunettes. »
Gai Pied Hebdo et Samouraï Magazine, 1983-1988.

" Heures au London, affreuse nouvelle boîte pleine de moustachus latins efféminés, de la tendance qu'il était convenu jadis d'appeler ginette ".
Renaud Camus, Journal 1995, 2000.

« Les signes de piété comme la barbe pour les hommes, le voile pour les femmes, sont nécessaires dans un souci de ne pas confondre les sexes. Les hommes efféminés et les femmes d'aspect viril sont voués à la géhenne par l'islam. »
Cheikh Youcef [imam dans la banlieue d’Alger], cité par l’Agence France Presse (AFP), 22 décembre 2003.

EFFÉMINATION, EFFÉMINEMENT,

« Le cas d'une vieille femme maniérée comme était M. de Charlus, qui, à force de ne voir dans son imagination qu'un beau jeune homme, croit devenir lui-même beau jeune homme et trahit de plus en plus d'efféminement dans ses risibles affectations de virilité, ce cas rentre dans une loi qui s'applique bien au delà des seuls Charlus...  ». Marcel Proust, La Prisonnière, 1922.

« Cette théorie du " troisième sexe " ne saurait aucunement expliquer ce que l’on a coutume d’appeler " l’amour grec " : la pédérastie – qui ne comporte efféminement aucun, de part ni d’autre. »
André Gide, Corydon, collection Folio, 2001 [1924], page 8, note à la préface de novembre 1922.

Julien GREEN : « Il [le compositeur André David] m'a parlé d'une façon très intéressante de sa vie intime et déploré que le sujet qui nous intéresse soit si mal compris de presque tous. Par exemple ce fait si curieux que passivité ne veut pas nécessairement dire effémination, que l'effémination était justement dans l'autre camp ; que les hommes dits hommes à femmes devenaient de bien des façons pareils à des femmes. Sur tous ces points d'accord avec lui. Que de fois n'ai-je pas constaté dans toute l'Europe centrale et septentrionale que les passifs se recrutaient parmi les débardeurs, les athlètes, les marins, enfin les " costaux ". »
Toute ma vie Journal intégral ** 1940-1945, 7 octobre 1945, Paris : Bouquins éditions, 2021.


ÉGLISE INVISIBLE

 « Massignon était un fanatique et un obsédé, mais quelle classe!
    Sous le verre qui coiffait son bureau, de minces ossements : des reliques d'adolescents africains qui, après le passage d'un missionnaire plus qu'étourdi, avaient été brûlés vifs pour s'être refusés à un roitelet noir.
    Il allait prier sur place avec eux, pour eux, à telle date. Il faisait de même pour de nombreux membres de l'Église invisible, n'importe où dans le monde. Aux frais de qui ? J'ai toujours pensé qu'il faisait partie du contre-espionnage, comme on dit hypocritement en français. »
Pierre Leiris, Pour mémoire, José Corti, 2002.

EMBASICÈTE
Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne, 1864.
Delvau cite le Satyricon de Pétrone, chapitre XXIV.

ÉMIGRÉ DE GOMORRHE 

Lucien Rigaud :

Dictionnaire du jargon parisien — L'argot ancien et l'argot moderne,
Paris : Paul Ollendorff, 1878.



ÉMILE

« Nom donné aux pédérastes que précédemment l’on appelait Tantes (V. ce mot). Les Émiles étaient en société, à Paris, en 1864. Leurs statuts ont été imprimés. La police, avertie de ces réunions, y fit une descente et fit fermer un établissement de marchand de vins de la Barrière de l’École, où ils se réunissaient. De hauts fonctionnaires furent compromis. Une chanson fut faite à cette occasion. Les patients s’habillaient en femme pour recevoir leur Émile. » (Alfred Delvau, Dictionnaire érotique, 2e édition, 1866).

« La Société des Émiles », in Alfred Glatigny, La Sultane Rozréa, 1871.

Émile fut signalé par Lorédan Larchey, et par Aristide Bruant à l'entrée " pédéraste " de son Dictionnaire français-argot (Paris : Flammarion, 1905).

EMMANCHER, EMMANCHÉ

Au sens propre ou au sens figuré.

Signalé par Aristide Bruant à l'entrée " pédéraste " de son Dictionnaire français-argot.

« Dans tous les cas, on se fait emmancher. »
Mail lu sur la liste talk@attac.org , 17 juin 2005.

EMPALEUR, EMPALEUR DE GOMORRHE

« Que ces empaleurs de Gomorrhe
Ces bougres que mon cœur abhorre
Ces infâmes pêcheurs d’étrons
Ces soldats lâches et poltrons,
Qui dénués de toute audace
N’osent assaillir qu’une place,
Qui sans tour et sans parapet
Ne se défend qu’à coup de pets. »
Saint-Amant, Le Palais de la volupté, 1629.

« lâches empaleurs et chaussonneurs de culs »
Claude Le Petit, " Le bordel des muses " (1662), Œuvres libertines, éditées en 1909 par Frédéric Lachèvre.

EMPAPAOUTABLE, EMPAPAOUTAGE , EMPAPAOUTER

Henri Bauche enregistra empapaouter en 1920 (Le Langage populaire, Paris : Payot).

« Vive l'immense lamentation ! Elle attendrit tous les bons cœurs, elle fait tomber avec l'or toutes les murailles qui se présentent. Il rend tous ces cons goymes encore plus friables, nouilles, malléables, empapaoutables […] »
Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, 1937.

François Caradec donnait empapaouter = sodomiser.

« Mais pas question de s’empapaouter, hein ? Ni toi ni moi. On va pas se mettre à les singer [les hétéros]. Allons, viens, tout ce que tu veux sauf ça, d’accord ? »
Dominique Fernandez, L’Étoile rose, Paris : Grasset, 1978.

EMPÉTARDER, EMPÉTAUDAGE

« EMPÉTAUDAGE : sodomie. »
Évariste Nouguier, 1899-1900.

EMPÉTARDER dans Bruant, 1905.

EMPROSEUR

De prose, cul ; terme argotique relevé au XIXe siècle par Vidocq
Les Voleurs, 1837

et à la suite par Francisque Michel, Alfred Delvau, Jules Choux, Lorédan Larchey, Rigaud, Charles Virmaître et Bruant.

« Emproseur. Lesbien, dans l’argot des voleurs. »
Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte, 2e édition, 1883.

Virmaitre, 1894.


Cf rivancher en prose.

EN ÊTRE

  Dans Les Origines de la langue française (1650), Gille Ménage commençait ainsi son fameux article sur bougre :

« Bougre : je suis de l’avis […] ». Tallemant des Réaux rapporta la plaisanterie faite à ce sujet :

« Ah ! lui dit Bautru, vous en êtes donc aussi, et vous l’imprimez ! tenez : il y a, bien moulé : Bougre je suis. »
Historiettes, « M. de Bautru ».

  Ce serait donc Guillaume Bautru (1588-1669), réputé pour avoir aimé les hommes, qui aurait forgé ou fait connaître cette expression, révélatrice d’une certaine notion d’identité homosexuelle. Au début du XVIIIe siècle, l’expression était connue des policiers parisiens et de ceux qu’ils épiaient :

« Si tous n’en étaient pas, il s’en trouverait peut-être un. »
Rapport de police, septembre 1724, propos d'un dragueur optimiste.

« Dubois, grand-maître des eaux et forêts : en est.
L’Éveillé : passe pour en être.
Cadet : en est aussi. »
Le grand mémoire, 1725-1726.

« Entendant un des garçons du cabaret parler de la fouterie des hommes, il avait cru qu’il en était. »
Rapport de police, juin 1726. Encore un optimiste....

« En être à tout rompre » se rencontre parfois dans ces archives (années 1724 et 1736) ; voir Les Assemblées de la manchette.

L’expression s’est retrouvée dans les Confessions de Jean-Jacques Rousseau :

« Cette aventure me mit pour l’avenir à couvert des entreprises des Chevaliers de la manchette, et la vue des gens qui passaient pour en être, me rappelant l’air et les gestes de mon effroyable Maure, m’a toujours inspiré tant d’horreur, que j’avais peine à la cacher. »
1ère partie, livre II.

Au XIXe siècle, l’expression est entrée dans les dictionnaires d’argot.

« Être (en) – Aimer la pédérastie. »
François Vidocq, Les Voleurs, Physiologie de leurs mœurs et de leur langage, tome 1, page 132, Paris : chez l'auteur, 1837.

Pour Francisque Michel, en être, c’est « être des amateurs » ; pour Alfred Delvau, dans son Dictionnaire de la langue verte, « Faire partie de la corporation des non-conformistes. » Entrée aussi dans la presse à l’occasion d’un écho sur la mort du général Nicolas Changarnier :
« Les journaux réactionnaires continuent à tresser des couronnes au défunt général Bergamotte [ainsi surnommé à cause de son goût pour les parfums].
Aucun n’a rappelé ce mot de Lamoricière sur son ancien compagnon d’armes :
"En Afrique nous en étions tous ; mais lui il en est resté à Paris."
Honni soit qui mal y pense ! »
Le Ralliement, 23 février 1877 [repris deux jours plus tard par La Lanterne].

« Comme Bautru, et dans le même sens, on dit encore : Il en est. Sur ce terrain honteux, les synonymes pullulent ; ils prouvent la persistance d'un vice qui semble éprouver, dans les deux sexes, le besoin de se cacher à chaque instant derrière un nom nouveau. Nous rappellerons ici pour mémoire et sans les expliquer ailleurs, les mots : pédé, bique et bouc, coquine, pédéro, tante, tapette, corvette, frégate, jésus, persilleuse, honteuse, rivette, gosselin, emproseur, émile. »
Lorédan Larchey (1831-1902), Dictionnaire, 1881.

Aristide Bruant, À Biribi, 1891 :



« Voyons, Costi, il en est, ça saute aux yeux. »
Binet-Valmer, Lucien, I, xi, Paris : P. Ollendorff, 1910.


« À peine arrivés, les sodomistes quitteraient la ville pour ne pas avoir l’air d’en être. »
Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, I.
« La question n'est pas, comme pour Hamlet, d'être ou de ne pas être [William Shakespeare, Hamlet, III, 1], mais d'en être ou de ne pas en être. »
Id. ibid., II, ii.

« Quand il avait découvert qu’il " en était ", il avait cru par là apprendre que son goût, comme dit Saint-Simon, n’était pas celui des femmes.’
Marcel Proust, La Prisonnière.

L’ouvrage de Jean Cocteau, La Difficulté d’être, avait inspiré à André Du Dognon un article titré « La difficulté d’en être. » (Arcadie, n° 1, janvier 1954).

L’expression s’est maintenue longtemps dans le milieu homosexuel, indiquant le sentiment d’appartenir à une communauté ; ce que manifestait, a contrario, la réponse de Marcel Jouhandeau à André Baudry, lors de la création de la revue Arcadie :

« Aujourd’hui, les goûts qui sont devenus les miens, mais que je domine, sont tombés dans une telle promiscuité, une si odieuse vulgarité les entoure, une si dégradante ignominie les suit trop souvent que je ne suis plus du tout fier d’en être, presque j’en ai honte. »
NRF, mars 1954.

« Savez-vous ce qu'on dit de Zizi? On dit qu'il en est.
Ce jeune homme poli et si gentil. On dit qu'il en est.
Il est pourtant de bonne famille, avec de bonnes fréquentations,
Toujours des garçons, jamais de fille, alors pourquoi que les gens font ?

Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout!
Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout!
Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout!
Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout!

Ce garçon si drôle en travesti. On dit qu'il en est.
Ce fervent de la bicyclette. On dit qu'il en est. »
Fernandel, chanson « On dit qu’il en est », 1968.

« EN ÊTRE, ÊTRE COMME ÇA : expressions par lesquelles nous désignons ceux ou celles qui sont susceptibles d’aimer une personne de leur sexe. »
FHAR [Front homosexuel d'action révolutionnaire], Rapport contre la normalité, Paris : 1971.

« Si ma tante en avait on l’appellerait mon oncle, et si mon oncle en était on l’appellerait ma tante. »
Pierre Dac, Les Pensées, Paris : Éditions de Saint-Germain des Prés, 1972. Souvent cité de manière incomplète.

ENCLIN AUX FEMMES

« Naturellement enclin aux femmes, sale en propos, mais bon homme et qui avait de la vertu ».
Tallemant des Réaux, Historiettes, « Du Moustier ».

ENCORYDONNER

« (…] quelques blocs de siècles – Périclès, Élisabeth, Henri III, où force grands et petits seigneurs, paraît-il, s’encorydonnaient à lèvres que veux-tu. »
Léon Bazalgette, « À propos du "Corydon" d’André Gide », Europe, n° 20, 15 août 1924.

ENCROUPÉ

« Serge, s’écriait-il d’une voix entrecoupée, sens-tu bien l’instrument qui, non satisfait de t’avoir engendré, a également assumé la tâche de faire de toi un jeune homme parfait ? Souviens-toi, Sodome est un symbole civilisateur. L’homosexualité eût rendu les hommes semblables à des dieux et tous les malheurs découlèrent de ce désir que les sexes différents prétendent avoir l’un de l’autre. Il n’y a qu’un moyen aujourd’hui de sauver la malheureuse et sainte Russie, c’est que philopèdes, les hommes professent définitivement l’amour socratique pour les encroupés, tandis que les femmes iront au rocher de Leucade prendre des leçons de saphisme. »
Guillaume Apollinaire, Les onze mille verges, 1907, chapitre 5.

ENCULADE, ENCULAGE

« Si notre santé nous le permet, nous ne manquerons pas d'assister à vos enculages virils. »
Bordel apostolique institué par Pie VI, pape, en faveur du clergé de France, Paris : de l'imprimerie de l'abbé Grosier, ci-devant soit-disant jésuite, 1790. BnF cote Enfer 602.

« Regarde comme ils sont heureux tes "Français de race" d'avoir si bien reçu les Romains... d'avoir si bien tâté leur trique... si bien rampé sous les fourches... si bien orienté leurs miches... si bien avachi leurs endosses. Ils s'en congratulent encore à 18 siècles de distance !.. Toute la Sorbonne en jubile !... Ils en font tout leur bachot de cette merveilleuse enculade ! Ils reluisent rien qu'au souvenir !... d'avoir si bien pris leur pied... avec les centurions bourrus... d'avoir si bien pompé César... d'avoir avec le dur carcan, si étrangleur, si féroce, rampé jusqu'à Rome, entravés pire que les mulets, croulants sous les chaînes... sous les chariots d'armes... de s'être bien fait glavioter par la populace romaine... Ils s'esclaffent encore tout transis, tout émus de cette rétrospection... Ah! qu'on s'est parfaitement fait mettre!... Ah! la grosse ! énorme civilisation !... On a le cul crevé pour toujours... Ah ! mon popotas !... fiotas ! fiotum !... Ils s'en caressent encore l'oigne... de reconnaissance... éperdue... Ah! les tendres miches !... Dum tu déclamas !... Roma !... Rosa ! Rosa !... Tu pederum !... Rosa ! Rosa ! mon Cicéron ! »
Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, 1937.

ENCULÉ, subs.

Le participe passé enculé est devenu, comme substantif, une injure grave dans l’argot contemporain :

« Vos insultes là-dessus en disent plus qu’un long discours. Celle notamment dont les chauffeurs de taxis gratifient immanquablement, et presque toujours à tort, qui les gêne. Trois syllabes qui nous clouent au pilori en nous accusant de supporter ce que, me dit-on, il vous arrive de faire subir à vos femmes. »
Pierre Démeron, Lettre ouverte aux hétérosexuels, 1969.

« Il fait pas bon être pédé
Quand t’es entouré d’enculés. »
Renaud/Séchan, Petit pédé, 2002.

« Tu es Juif et homo ? Un enculé au bout coupé ? »
Message produit par PBA sur une liste de discussion d’Attac en septembre 2005.

ENCULER/ACCULER

Enculer est d’apparition légèrement ultérieure à sodomiser (1651).

« En vertu de tels édits,
Un honnête homme qui accule
Son page, sa chèvre ou sa mule
Ira droit en paradis. »
Epigramme sur la bulle de Sourdis, 1600.
[François d'Escoubleau (1570-1628), marquis de Sourdis, archevêque de Bordeaux (1591) et cardinal (le 3 mars 1598 ou 1599)]

« Imitons Henri [prince de Condé] ce bonhomme
Il nous donne des leçons ;
Car il n’encule ni n’enconne,
Si ce n’est la main des garçons
Et s’écrie en branlant la pique
Culs et cons je vous fais la nique. »
Recueil Maurepas, année 1666, BnF, mss fr  12639, tome 24, page 35.

« Il [Louis-Joseph de Vendôme] était sodomite. Mais il eût été à souhaiter qu’au lieu de bougre, l’auteur eût pu mettre bardache, car le grand plaisir de ce duc était de se faire enculer, et il se servait pour cela de valets et de paysans, faute de plus gentils ouvriers. On dit même que les paysans des environs de sa belle maison d’Anet se tenaient avec soin sur son chemin lorsqu’il allait à la chasse, parce qu’il les écartait souvent dans les bois pour se faire foutre et leur donnait à chacun une pistole pour le prix de leur travail»
Recueil Maurepas, année 1695, BnF, mss fr 12623, tome 8, p. 229. Commentaire du dernier vers d’une épigramme, « C’est le meilleur bougre du monde. »

« On ne voit que f[outre] couler !
Le beau Narcisse, pâle et blême,
Brûlant de se foutre lui-même,
Meurt en tâchant de s’en[culer]. »

Alexis Piron, Ode à Priape, vers 1710, dans Recueil de pièces choisies..., 1735, pages 17-22, sous le simple titre ODE.. Le marquis de Sade écrira (dans Juliette) une forte parodie de cette Ode.

Selon l'écrivain Honoré Bonhomme, Piron, né en 1689, avait 20 ans lorsqu’il composa cette ode.

« Au clair de la lune, dans un bosquet de Versailles, il plaisait à ces jeunes seigneurs qui sont presque tous nouvellement mariés de s’enculer assez publiquement. Le marquis de Rambure [quelques mots rayés] par toute la bande, et l’on dit qu’il en voulait à M. l’abbé de Clermont qui est de l’âge du Roi [Louis XV, alors âgé de 12 ans]. Il est à la Bastille et les autres sont exilés, l’un d’un côté, l’autre d’un autre. Tout cela, hors le duc de Retz, n’a guère plus de 20 ans. »
E. J. F. Barbier, Journal historique et anecdotique, août 1722, BnF, mss fr. 10285, folio 229 verso.

Le verbe se rencontre ensuite dans des poésies libres écrites vers 1730 et attribuées à Ferrand ou à Jean-Baptiste Rousseau :

« Lorsque les deux anges blondins
Aux sodomites apparurent,
Deux des plus nobles citadins
En rut après eux accoururent.
Les anges eurent beau voler,
Les bougres pour les enculer
À leurs dos si fort se lièrent,
Qu’emportés là-haut tout brandis,
En déchargeant ils s’écrièrent :
"ah ! nous sommes en Paradis !" »


Recueil de pièces choisies... 1735, page 153.

« Prenez garde à lui, c’est un serpent qui se glisse : il monte chez vous, veillez des yeux votre femme, ressserez vos filles, éloignez vos garçons ; bougre, bardache, fouteur, il est entré, vous êtes sorti, tâtez-vous le front, visitez votre femme, vos filles, vos fils, tout est foutu, tout est enculé ! »
[Gervaise de Latouche], Histoire de Dom B[ougre] portier des Chartreux, 1741, réédité en 1976.

Et dans le même texte :

« Il avait des yeux qui nous enculaient de cent pas, et dont le regard farouche ne s’attendrissait qu’à la vue d’un joli garçon, alors le bougre entrait en rut, il hénissait, sa passion pour le cas antiphysique était si bien établie qu’il était redoutable aux Savoyards mêmes. »

Cet auteur connaissait aussi le verbe parallèle enconner :

« Je me mis en devoir d’enconner ma charmante, et mon bougre de m’enculer. »

Ce verbe se retrouve sous la plume du marquis de Sade et dans les écrits satiriques de la période révolutionnaire.

« Vous tremblez de voir détruire votre société, d’être forcé à renoncer au doux plaisir d’enculer. Eh bien, Messieurs, prenez des moyens pour écarter un malheur dont la seule idée vous fait frémir. »
Anonyme, Délibération du conseil général des gougres et des bardaches, 1790.

« Je pourrais citer l’exemple de Socrate qui enculait Alcibiade au vu et au su de tout le monde, et cependant les femmes grecques étaient assez belles pour inspirer des désirs aux hommes, et les faire bander. »
Anonyme, Les Petits bougres au Manège, 1790.

Au XIXe siècle, enculer est signalé par les dictionnaires d’argot ; on le rencontre aussi dans la correspondance de Gustave Flaubert, dans des vers attribués à Théophile Gautier :

Flaubert : « Que dis-tu de ceci : des brigands grecs ont un jour une riotte [querelle] avec la gendarmerie. Ils s’emparent de l’officier et de trois gendarmes, les enculent à outrance et les renvoient ensuite sans leur avoir fait autre chose. Quelle ironie de l’ordre ! »
Lettre à Louis Bouilhet, 10 février 1851.

Gautier : « Que les chiens sont heureux !
Dans leur humeur badine,
Ils se sucent la pine,
Ils s’enculent entre eux !
Que les chiens sont heureux ! »
Cité par Alfred Delvau, Dictionnaire érotique, 2e édition, qui attribue ces vers au Parnasse satyrique.

Alfred Delvau : « ENCULER. Introduire son membre dans le cul d’une femme, lorsqu’on est sodomite, – ou d’un homme, lorsqu’on est pédéraste. » (Dictionnaire érotique moderne..., 1864 et 2e édition, 1874). 
Dictionnaire érotique moderne... 1864, Supplément.

Jules Choux : « Allez vous faire foutre ! Expression injurieuse qui ne peut convenir à aucun homme, fût-il dans le cas de se faire enculer. On le fait, c’est peut-être bon ; mais on n’aime pas à s’entendre dire qu’on le fait. » (Le Petit citateur, 1881)

« Par une porte entrouverte qui laissait voir dans le cabinet de travail du général, Mony aperçut son chef debout et en train d’enculer un petit garçon charmant. »
Apollinaire, Les Onze mille verges, chapitre 5, 1907.

À la fin du XIXe siècle, l’argot connaissait une profusion de synonymes signalés par Aristide Bruant à l'entrée " pédéraste " : « Avoir des rapports avec un pédéraste. L'empétarder, l'encaldosser, l'enfifrer, l'entaler, etc. Toutes ces expressions sont de la plus basse obscénité. » (Dictionnaire français-argot, Paris : Flammarion, 1905).

Le verbe figure évidemment dans la langue du romancier Louis-Ferdinand Céline, avec un assez grand nombre de variantes, dont engider.

« Triste sire. Allez vous faire enculer et n'en faites pas un fonds de commerce. Je vous méprise trop pour employer une formule de politesse. »
Lettre du sénateur RDSE François Abadie (1930-2001) à Sébastien Chenu, 19 juillet 2000.

ENCULERIE

Supercherie, chose méprisable, selon Wiktionnaire.

« Mais quelle enculerie ce genre de liens »
Fabien Gregh-Partenay, sur facebook, 31 décembre 2009.

ENCULEUR

« L’archevêque de Narbonne encule son enculeur. »
Anonyme, Bordel apostolique, 1790.

Un pamphlet contre-révolutionnaire, Les Petits bougres au Manège [1790], portait comme sous-titre : « Réponse de M. ***, Grand-maître des enculeurs, et de ses adhérents, à la requête des fouteuses, des maquerelles et des branleuses, demanderesses. »

« Du fils de dieu la voix horrible,
Tâche en vain de parler au cœur :
Un cul paraît, passe-t-il outre * ?
Non, je vois bander mon jean-foutre,
Et Dieu n’est plus qu’un enculeur.
[…]
D’enculeurs l’histoire fourmille,
On en rencontre à tout moment. »
* Celui de Jean-Baptiste, bardache aimé du fils de Marie. »
Marquis de Sade, Histoire de Juliette [1801], 4ème partie [parodie de l’Ode à Priape de Piron], in Œuvres, Paris : Gallimard, 1998, édition Michel Delon.

Le Dictionnaire érotique moderne (1864) d’Alfred Delvau donne
« ENCULEUR. Sodomite ou pédéraste, selon que sa pine s’adresse à un cul féminin ou à un cul masculin, ce qui, en somme, est toujours la même chose – et la même merde. »
puis explicite, purement et simplement, à l'entrée sodomite, la différence avec pédéraste :


« Le premier ne copule qu’avec les hommes, et le second avec l’un et l’autre sexe ; le pédéraste peut, d’enculeur, devenir enculé, tandis que le sodomite reste purement et simplement un enculeur. »

ENCULISME

« Il n'y a pas plus d'égoïsme en France qu'il n'y a d'individualisme. Il y a en France comme partout dans le monde esclavage et esclavage (et de l'enculisme à la rigueur, de plus en plus d'enculisme). On ne peut appeler méchant celui qui n'a pas les moyens d'être bon. On ne peut appeler égoïste celui qui n'a pas les moyens d'être généreux. »
Jean-Pierre Voyer, L’anti-bloc-notes de Louis-Henri Brulard, août 1996.

ENDAUFFER

Argot pour « sodomiser » ; apparu au XIXe siècle, on l’entend encore parfois de nos jours.

ENDROIT

De même que pour « devant/derrière », on a parfois eu recours à l’opposition endroit/envers pour signifier l’opposition entre deux goûts.

On observera que ces Jeudis sont à nous ce que sont les Indiens aux Européens. Ceux-ci font le diable noir, parce qu'ils sont blancs ; ceux-là le font blanc, parce qu'ils sont noirs. C'est ainsi que l'apostat vicomte appelle revers ce qui pour nous est l'endroit, et réciproquement. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 5e partie, " Passe pour ceux-ci ".

« AMOUR SOCRATIQUE. La pédérastie, que Socrate pratiquait si volontiers à l’endroit – je veux dire à l’envers d’Alcibiade. » Alfred Delvau, Dictionnaire érotique, 2e édition.

« Favorable au préservatif pour lutter contre l'épidémie du sida, l'abbé Pierre [Henri Grouès] était ainsi très ouvert sur le mariage et l'adoption par les couples homosexuels. Longtemps, son secrétaire fut d'ailleurs Jacques Perotti, curé et militant homosexuel qui fonda l'association des cathos gays David et Jonathan. L'abbé Pierre n'était pas de ceux qui pensent qu'on ne doit aimer qu'à l'endroit. Sur sa tombe, il souhaitait qu'on inscrive juste : "II a essayé d'aimer". »
Isabelle Monnin, « Les confessions scandaleuses », Le Nouvel Observateur, 25 janvier 2007.

ENFANT D'HONNEUR

« Si tu veux me servir deux jours d’enfant d’honneur.
Et sais-tu quel est cet usage ?
Il te le faut expliquer mieux.
Tu connais l’Echanson du Monarque des Dieux ?

Anselme.
Ganimède ?

Le More.
Celui-là même.
Prend que je sois Jupin le Monarque suprême,
Et que tu sois le Jouvenceau :
Tu n’es pas tout-à-fait si jeune ni si beau.

Anselme.
Ah Seigneur, vous raillez, c’est chose par trop sûre :
Regardez la vieillesse, et la magistrature.

Le More.
Moi railler ? point du tout.

Anselme.
Seigneur.

Le More.
Ne veux-tu point ?

Anselme.
Seigneur… Anselme ayant examiné ce point
Consent à la fin au mystère.
Maudit amour des dons, que ne fais-tu pas faire !
En Page incontinent son habit est changé :
Toque au lieu de chapeau, haut-de-chausse troussé.
La barbe seulement demeure au personnage.
L’enfant d’honneur Anselme, avec cet équipage,
Suit le More partout. »
La Fontaine, Contes, III (1671), xiii, « Le petit chien ».

« Bardache : jeune garçon dont les gens de mœurs levantines abusent. On disait enfant d’honneur. »
Hector France, Dictionnaire de la langue verte, 1907, réédition Nigel Gauvin, 1990.

Jean Genet :
« Enfant d’honneur si beau couronné de lilas !
Penche-toi sur mon lit, laisse ma queue qui monte
Frapper ta joue dorée. Écoute, il te raconte,
Ton amant l’assassin sa geste en mille éclats. »
Le Condamné à mort, 1942.

L’expression se rattache à la famille lexicale de : bras d’honneur, doigt d’honneur, honneur (sexe de l’homme, virginité de la femme), lieu d’honneur, trou d’honneur (glory hole),

Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706 (rien en 1680) :


ENFANT DE SODOME

"Que faisait Créquy dans Rome
De défendu par la loi ?
Il est enfant de Sodome
Et Romain de bonne foi.
Un réformé de Genève
N'eût pas reçu plus d'affronts.
Quoi, dans Rome comme en [place de] Grève,
Veut-on fronder les chaussons ?"
BnF, mss 673 (Tallemant des Réaux), folio 109 recto ; il s'agit de Charles, duc de Créquy, mort en 1687.

Pamphlet anonyme titré : Les Enfants de Sodome à l’Assemblée Nationale ou Députation de l’Ordre de la Manchette, en 1790 [BnF Enf 638]. Réédité en 2005 par Patrick Cardon.


« Mais pourquoi n’êtes-vous donc pas classé dans l’Almanach des enfants de Sodome ? »
Compère Mathieu, Suite des Pantins des Boulevards, 1791.

ENFIFRÉ

Non-conformiste, selon Delvau (Dictionnaire de la langue verte, supplément, 1883).

ENFOIRÉ, ENFOIRER

François Caradec donne enfoiré = homosexuel, et enfoirer = sodomiser.

ENFIGNEUR

Charles Virmaitre, Dictionnaire..., 1894 :






ENGANYMÈDER

Daterait du XVIe siècle d’après M/ de L’Aulnaye qui le définissait : « faire la sodomie » (Erotica verba, in Rabelais, Œuvres, 1820 ; mais ce verbe ne se trouve pas chez Rabelais)

« J’en connais d’assez peu sages
pour enganyméder leurs pages. »
Scarron, Poésies diverses, 1654.

« Enganyméder : Abuser honteusement d’un jeune garçon. Ce terme est de style burlesque. »
P. Richelet, Dictionnaire français, 1679-1680.

Dans ses notes sur Martial, Beau prenait soin de signaler ce verbe.

ENTRÉE DES ARTISTES

« ENTRÉE DES ARTISTES. Le cul, par allusion à la porte par laquelle entrent les acteurs et qui est ordinairement derrière la façade du théâtre et à l’opposite de celle par laquelle entre le public. » (Alfred Delvau, Dictionnaire érotique, 2e édition 1866).

« Les artistes entrent au théâtre par la porte de derrière. Quand un professionnel [un habitué] a des goûts antiphysiques il pénètre chez son Jésus par l’entrée des artistes (Argot du peuple) »
Charles Virmaître, Supplément, 1896.

ENVERS

« Pourceau le plus cher d’Épicure,
Qui, contre les lois de nature,
Tournez vos pages à l’envers,
Et qui, pris aux chaînes des vices
Vous plongez dedans leurs délices,
J’ai des limbes entendu vos vers. »
Sieur de Sigognes, Ode, in Cabinet satyrique ou Recueil parfait des vers piquants et gaillards de ce temps, 1618.

« AMOUR SOCRATIQUE. La pédérastie, que Socrate pratiquait si volontiers à l’endroit – je veux dire à l’envers d’Alcibiade. » Alfred Delvau, Dictionnaire érotique, 2e édition.

« Le monde de la pédérastie constitue au milieu de la société un monde à part, —  ajoutons et à l’envers, —  fermé, inaccessible au profane, qui a son histoire, son organisation, sa langue, son personnel, sa hiérarchie, son recrutement, son enseignement, ses traditions, ses modes, sa tenue, ses procédés, sa criminalité, sa solidarité et sa psychologie ; par où il est démontré que ce monde-là ne se refuse rien. »
J. Chevalier, " De l’inversion sexuelle aux points de vue clinique, anthropologique et médico-légal ", Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 31, 15 janvier 1891.

ÉPÉES DU CHEVET

« À la Cour [d'Henri IV], on ne parle que de duels, puteries et maquerelages ; le jeu et le blasphème y sont en crédit ; la sodomie - qui est l'abomination des abominations - y règne tellement qu'il y a presse à mettre la main aux braguettes ; les instruments desquelles ils appellent entre eux, par un vilain jargon, les épées du chevet. [...] Dieu nous a donné un prince tout dissemblable à Néron, c'est-à-dire bon, juste, vertueux et craignant Dieu, et lequel naturellement abhorre cette abomination. »
Pierre de l'Estoile, Mémoires-Journaux, tome IX, page 187, décembre 1608.

ÉPINE cf DÉLIT D'ÉPINE

ÉPHÈBE, ÉPHÉBIQUE

Le T.L.F. reconnaît à ce terme « une nuance d’ironie ou une idée d’homosexualité » ; on peut suivre cette dernière depuis le milieu du XIXe siècle :

« Un petit bonhomme gras et douteux, éphébique et féminin, avec sa tête d’Alsacienne, les cheveux blonds, en baguettes, tombant droit de la raie du milieu de sa tête, en redingote allemande de séminariste, dans l’ouverture de laquelle se flétrit un peu de lilas blanc, – tapette étrange et inquiétante. »
Edmond et Jules Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire de 1851 à 1896, Paris : Fasquelle/Flammarion, 1956, 4 mai 1865.

« On remplit le presbytère et l'église de jeunes et beaux garçons, ayant au moins quinze ans, n'en ayant pas plus de dix-huit, — enfants frais et roses, à la tournure molle, aux regards malins, aux voix féminines, aux lèvres épaisses et bien rouges, élèves ardents et disciples fidèles qui apprennent tout ce qu'on leur enseigne et n'oublient rien de ce qu'ils ont appris ; troupeau voué à la corruption par des calculs infâmes, d'où sortiront à vingt ans les jeunes prêtres à qui vous confierez vos femmes, les ignorantins à qui vous confierez vos enfants, ô pères de famille. Certes, la religion catholique est en progrès sur le paganisme. Celui-ci avait ses confréries de vierges ; – les catholiques y ont ajouté les maîtrises de jeunes éphèbes. »
Louis Baudier, L’Arlequin démocratique, Paris : Mme Veuve Millière, 1873, « Sur les genoux de l’Église », V.

« Il [Chouard] est vêtu d’un petit paletot gris à collet de velours, et sur le plastron de sa chemise s’étalent les bouts flottants d’une cravate bleue, signe distinctif ordinaire des éphèbes de barrière [de faubourg]. »
« Affaire de Germiny », La Tribune, 25 décembre 1876.

En avril 1877, une gazette judiciaire rendit ainsi compte d’une affaire d’outrage aux bonnes mœurs à Paris :

« On sait quelle était autrefois, sous le rapport des mœurs, la triste réputation de l’allée des Veuves [avenue Montaigne], aux Champs-Élysées. Depuis quelque temps, cette fâcheuse notoriété semblait transportée au passage Jouffroy [9e arrondissement], et la chronique s’alimentait des scènes scandaleuses qu’on disait s’y passer tous les soirs.
  On voyait, en effet, circuler là des sortes d’éphèbes, au visage efféminé, aux airs alanguis, adressant aux hommes des regards provocateurs, et, quand ils croyaient pouvoir le faire, joignant aux propos obscènes des gestes plus obscènes encore. »

À une enquête sur la crise de l’amour, Paul Verlaine répondit :
« Les philosophes grecs aimaient les belles formes. Leur cœur s’attachait de préférence aux nobles lignes que les beaux éphèbes déployaient dans les exercices du gymnase […] quelques esprits délicats de nos jours, heurtés par le côté bassement matériel de l’amour, par le prosaïsme des rapports journaliers, frappés de l’incomplet des formes féminines, du manque d’esthétique de leur amitié toujours peu sûre, ont jugé que la passion ordinaire ne pouvait jamais atteindre à ce haut point de désintéressement où se joue l’amitié entre hommes. L’amitié-passion, voilà le remède que vous cherchez. »
La Vie parisienne, 26 septembre 1891.

On a su par Jules Renard que :

« L ‘éphèbe Marsolleau va d’ami en ami. »
Journal, 23  décembre 1891.

« Des éphèbes de dix-sept ou dix-huit ans minaudent et font les 'folles' ».
Henry-Marx, Ryls, un amour hors-la-loi, Paris : Ollendorff, 1924.

« Par pédéraste, on entend généralement l’homme qui recherche les éphèbes pour leur beauté. Ainsi la pédérastie relève-t-elle de l’esthétique, pas du tout de la clinique. Le pédéraste n’a rien d’anormal a priori. »
Marcel Jouhandeau, Corydon résumé et augmenté, 1951.

« Tous ces rituels de foire aux éphèbes, de marché aux esclaves m'excitent énormément. La lumière est moche, la musique tape sur les nerfs, les shows sont sinistres et on pourrait juger qu'un tel spectacle, abominable d'un point de vue moral, est aussi d'une vulgarité repoussante. Mais il me plaît au-delà du raisonnable. »
Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie, Robert Laffont, 2005.

Parmi les dérivés, on rencontre éphébophile dans une traduction de Magnus Hirschfeld, éphébophilie dans des publications médicales, éphébérastie dû à Willy, éphébisme chez Jean Lorrain.

ÉQUIVOQUE, ÉQUIVOQUER

« Et Socrate, l’honneur de la profane Grèce,
Qu’était-il en effet, de près examiné,
Qu’un mortel, par lui-même au seul mal entraîné ;
Et malgré la vertu dont il faisait parade,
Très équivoque ami du jeune Alcibiade. »
Boileau, Satires, XII [1706].

Pierre Daniel Huet (sur l'humaniste italien Ange Politien) : « Je ne dis rien de ses mœurs, et de sa religion. Il a eu sur cela une réputation fort équivoque, et ce défaut qui est capital, a obscurci toutes ses autres vertus ; d'autant plus que son caractère de Prêtre, et son emploi de Chanoine, requéraient une vie réglée, et des mœurs exemplaires. »
Huetiana, ou pensées diverses de M. Huet, VII, publié par l'abbé Pierre-Joseph d'Olivet (1682-1768).
Paris : J. Estienne, 1722.

« L’Univers sait que l’équivoque marquis de Villette est le président perpétuel du formidable district des citoyens rétroactifs, partant zélé partisan de la Constitution où tout est sens devant derrière. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 1793, 1ère partie, « À bon chat : bon rat ».

« […] chansons d’amour arabes qui rappellent aux commerçants l’équivoque classique de l’églogue de Corydon. » (Virgile, Églogues, II).
Gérard de Nerval, Voyage en Orient, " Les femmes du Caire ".

« La conversation tourne, se retourne et va à M. de Custine. On équivoque. L’allusion joue. La pédérastie flotte sous la plaisanterie. »
Edmond et Jules Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire de 1851 à 1896, Paris : Fasquelle/Flammarion, 1956, 31 décembre 1862.

Eugène Gilbert, appréciations sur Georges Eekhoud, 
« Il déconcerte, et parfois même il blesse, par ses crudités de style et d'images, par son intransigeance têtue et quelquefois tendancieuse, par ses jugements préconçus et trop généralisés, et, enfin, par le choix équivoque de certains sujets dont le bon goût littéraire même est atteint. »
La Société nouvelle —  Revue internationale — Sociologie, arts, sciences, lettres, 19e année, décembre 1913 (numéro spécial consacré à Georges Eekhoud).

ÉROS

Robert Flacelière, ancien directeur de l'École normale supérieure : " Pour les Grecs, Éros préside en premier lieu à l'attachement passionné d'un homme pour un garçon, et Aphrodite aux relations sexuelles d'un homme avec une femme. " (L'Amour en Grèce, Paris : Hachette, 1960, chapitre II).

Paru en 1970 :
CE QU’EN DIT L’ÉDITEUR :
Depuis des siècles de civilisation chrétienne, l’homosexualité relève du “péché muet” on ne brûlait pas seulement les condamnés, mais les pièces du procès. Aujourd’hui encore elle est tenue pour perversion, maladie ou “bizarrerie” par les “normaux”. Mais comment se fait-il que cette perversion ait été pratiquée dans tout le monde antique et même parfois honorée, érigée en règle de morale ? La biologie, l’histoire, la psychanalyse ont tenté des explications diverses. Chacune est intéressante ; aucune ne satisfait. Au prix d’un long travail qui passe de l’enquête journalistique à la documentation de l’érudit, Françoise d’Eaubonne propose une réponse originale.

Paru en 1980 :

Selon le pape Benoît XVI : « L'Ancien Testament grec utilise deux fois seulement le mot eros, tandis que le Nouveau Testament ne l'utilise jamais : des trois mots grecs relatifs à l’amour – eros, philia (amour d’amitié) et agapè – les écrits néotestamentaires privilégient le dernier, qui dans la langue grecque était plutôt marginal. En ce qui concerne l'amour d'amitié (philia), il est repris et approfondi dans l’Évangile de Jean pour exprimer le rapport entre Jésus et ses disciples. La mise de côté du mot eros, ainsi que la nouvelle vision de l’amour qui s’exprime à travers le mot agapè, dénotent sans aucun doute quelque chose d’essentiel dans la nouveauté du christianisme concernant précisément la compréhension de l’amour. Dans la critique du christianisme, qui s’est développée avec une radicalité grandissante à partir de la philosophie des Lumières, cette nouveauté a été considérée d’une manière absolument négative. Selon Friedrich Nietzsche, le christianisme aurait donné du venin à boire à l’eros qui, si en vérité il n’en est pas mort, en serait venu à dégénérer en vice [Jenseits von Gut und Böse, IV, § 168 ( Par delà le bien et le mal)]. » Deus caritas est, § 3, 25 décembre 2005.

ÉROTISME D'EN FACE

Raymond de Becker, L'Érotisme d'en face, Pauvert, 1964. Bibliothèque Internationale d'Erotologie, n° 12.

ÉTRANGE

"Je n'ai eu pour régent que des écoliers écossais, et vous des docteurs jésuites [...] Vous m'avisez du mal que donnent les garces : priez Dieu que les chirurgiens ne découvrent jamais la cause qui vous fit éviter celui-là pour vous en donner un pire. On dit que vous êtes un étrange mâle : je l'entends au rebours, et je ne m'étonne pas si vous êtes si médisant contre les dames."
Lettre de Théophile de Viau à Guez de Balzac, 1626, in F. Lachèvre, Le Procès de Théophile de Viau, Bibliothèque des Curieux, 1909.

ÊTRE DE LA CONFRÉRIE, DE LA CORPORATION, DE LA PROCESSION, DU BÂTIMENT

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.

« Être de la procession. Être du métier. On dit aussi En être. »
Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte, 2e édition, 1883.

Être du bâtiment : dans le film français Pédale douce (Gabriel Aghion, 1996).

Au XVIIIe siècle : être de la clique, ou du commerce infâme ; au XIXe : être de la corporation, de la Garde Nationale,
Alfred Delvau, Dictionnaire érotique moderne..., 1964.

Pour Charles Virmaitre, " GARDE NATIONALE (En être) : Femme pour femmes (Argot des filles). " (1894).

Être de la procession ; au XXe : être de la pédale, de la jaquette flottante, de la corporation, en être une.

ÊTRE POUR HOMMES, ÊTRE POUR LES HOMMES

Expression donnée par Alfred Delvau comme signifiant « être pédéraste » (Dictionnaire érotique moderne, 1864). Henri Bauche l’a signalée en 1920, l’expliquant par « aimer les hommes (sodomie) ».

« Dans ce café bondé d’imbéciles, nous deux,
Seuls, nous representions le soi-disant hideux
Vice d’être "pour hommes" et sans qu’ils s’en doutassent
Nous encaguions ces cons avec leur air bonasse,
Leurs normales amours et leur morale en toc. »
Paul Verlaine, Hombres, XII [1891].

« [Gertrude] : Si monsieur Lucien était pour les hommes, est-ce qu’il courtiserait cette gentille demoiselle qui vient de me donner encore un louis à propos de rien ?’
Binet-Valmer, Lucien, III, ii, Paris : P. Ollendorff, 1910.

EUNUQUE

Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706 :

En 1680, seulement ceci :


ÉVÊQUE DE CLOGHER

Cette expression tire son origine d’un fait divers londonien, le 19 juillet 1822 ; Percy Jocely, évêque de clogher, fut surpris en compagnie d’un soldat dans la back room d’un pub, dans Haymarket ; arrêté puis relâché, il se serait réfugié à Ostende, puis en France et enfin en Écosse où il aurait fini ses jours le 2 décembre 1843.

Stendhal mentionna un récit de voyage en Angleterre écrit par le marquis de Custine, ajoutant :

« On dit l’auteur a member of the clergy of the R[ight] R[everend] bishop of  Klogher. »
Lettre à Sutton Sharpe, 10 janvier 1830.

Dans des notes manuscrites pour Lucien Lewen, Stendhal indiquait :

« Milord Link est un évêque de Clogher, mais ne pas le dire. »
« Lord Link = évêque de Clogher. Mais cela ne peut pas se dire. ».
« – Modèle : marquis Courtenay de Draveil. »
Chapitre 31.

Il est encore question de l’amour de l’évêque de Clogher dans le chapitre XXXI de La Vie de Henri Brûlard :

« Benoît, bon enfant qui se croyait sincèrement un Platon parce que le médecin Clapier lui avait enseigné l’ amour (de l’évêque de Clogher). »
Tome second, Paris: Honoré et Édouard champion, 1913.


Cette expression eut un correspondant en anglais avec the crime of Clogherism (William Benbow, The Crimes of the clergy, 1823).

Étudiant l’homosexualité « intérieure et virtuelle » de Stendhal, Philippe Berthier donna comme titre à son article : « Portrait de Stendhal en évêque de Clogher » (Stendhal Club, 15 janvier 1983).

EXCÈS CONTRAIRE

«  Les Lacédémoniens [Spartiates] furent de tous les Grecs ceux qui se livrèrent le moins à l’amour contre nature ; ils donnèrent peut-être même dans l’excès contraire, car Aristote leur reproche d’avoir laissé prendre trop d’empire à leurs femmes. »
Étienne. Clavier, Histoire des premiers temps de la Grèce, 1809.

EXERCER, EXERCICE, EXERCICE À LA BULGARE, EXERCICE BULGARE

Le sens homosexuel d’exercer remonte au latin de Sénèque le Jeune : marem exerceo, j’exerce sur un mâle, dit Hostius Quadra dans les Questions naturelles (I, xvi, 7)

« Ils [les jésuites] seront charmés d’avoir un capitaine qui fasse l’ exercice à la bulgare […] Quel plaisir auront Los Padres quand ils sauront qu’il leur vient un capitaine qui sait l’exercice bulgare. »
Voltaire, Candide, ou l’Optimisme, XIV.

« J’ai vu tout récemment un grand notaire en lunettes, qui est é….. et jésuite, faisant faire l’exercice à un petit bonhomme en casquette. »
Fournier-Verneuil, Paris, Tableau moral et philosophique, 1826.

« [Alphonse] Daudet remémore le cynisme de la parole de Rimbaud, jetée tout haut en plein café et disant de Verlaine : "Qu’il se satisfasse sur moi, très bien ! Mais ne veut-il pas que j’exerce sur lui ? Non, non, il est vraiment trop sale et a la peau trop dégoûtante !" »
Journal des Goncourt, 8 février 1891.


Lettre F