vendredi 21 juillet 2023

DFHM : Camarade à culiste en passant par chanteur, comme ça, confrérie, contre nature, corvette et corydon


CAMARADE

« Il était camarade de débauche de Manuel Bertrand. »
BnF, mss Clairambault 985. Extraits d'interrogatoires faits par la Police de Paris de gens vivans d'industrie, dans le désordre et de mauvaises mœurs, et aussi des gens de la Religion, [et des sorciers, fous, empoisonneurs, etc.] (1678-1722), » enfermés à Saint-Lazare, Vincennes, la Bastille, Bicêtre, Charenton, etc. Pierre Clairambault (1651-1740) était généalogiste du Roi.

En 1705, un certain Jacques Duplessis était dit :
« sodomiste déclaré camarade de Le Comte. »
BnF, mss Clairambault 985.

CANAPÉ

« Le Canapé est le rendez-vous ordinaire des pédérastes ; les Tantes (voir ce mot), s’y réunissent pour procurer à ces libertins blasés, qui appartiennent presque tous aux classes éminentes de la société, les objets qu’ils convoitent ; les quais, depuis le Louvre jusqu’au Pont-Royal, la rue Saint-Fiacre, le boulevard entre les rues Neuve-du-Luxembourg et Duphot, sont des Canapés très dangereux. On conçoit, jusqu’à un certain point, que la surveillance de la police ne s’exerce sur ces lieux que d’une manière imparfaite ; mais ce que l’on ne comprend pas, c’est que l’existence de certaines maisons, entièrement dévolues aux descendants des Gomorrhéens, soient tolérée ; parmi ces maisons, je dois signaler celle que tient le nommé, ou plutôt (pour conserver à cet être amphibie la qualification qu’il ou elle se donne), la nommée Cottin, rue de Grenelle Saint-Honoré n° 3 ; la police a déjà plusieurs fois fait fermer cette maison, réceptacle immonde de tout ce que Paris renferme de fangeux et toujours elle a été rouverte ; pourquoi ? »
Eugène-François Vidocq, Les Voleurs, tome 1, Paris : chez l’auteur, 1837.

Lucien Rigaud, Dictionnaire du jargon parisien - Argot ancien et argot moderne, Paris : Paul Ollendorff, 1878 :

Autre interprétation :
Charles Virmaitre, Dictionnaire d'argot fin-de-siècle, Paris : A. Charles, 1894.

CAROLINE

Terme d’argot utilisé dans les années 1960-1970 par les folles, travestis et efféminés ; il y avait alors une mode des noms en –ine : naphtaline, gazoline (voir ce terme plus loin), etc..

« Toutes les idoles, de la Coupole (*),
les midinettes, les gigolettes,
les carolines en crinolines,
ne sont en fait que des starlettes. »
Renaud, « Amoureux de Paname », 1985.
*. Café-restaurant-brasserie du quartier Montparnasse à Paris.


« En Suisse romande, on se demandait autrefois « tu crois qu’il/elle est comme ça ? » On spéculait sur le fait de savoir si « celui-là fait partie de l’orchestre », ou encore «de la mutuelle». Aujourd’hui, en revanche, on constatera, désabusé, « mais évidemment, lui aussi, c’est une copine ». Et si ce n’est pas le cas, on se lamentera, en paraphrasant un comique local, « une si bonne viande ! » Quant à l’homo efféminé, hier une « Caroline », il sera étiqueté « coiffeuse d’Annemasse ». »
Arnaud Gallay, « Pédérapageslinguistiques », 2003.

CASSER (SE FAIRE), CASSER LE POT

« CASSER (se faire) : se dit d’un jeune homme qui se livre à la pédérastie passive. »
Évariste Nougier, Dictionnaire d’argot, N. Gauvin, 1987 [1899-1900].

« que j’aille me faire casser … « 
Marcel Proust, La Prisonnière, deuxième partie.

CASSER DU PÉDÉ

Notamment dans le film Pédale douce, film de Gabriel Aghion avec Patrick Timsitt (1996).

CES MESSIEURS

« Le Régent, qui ne cessait de sourire, se contentait de dire qu’il fallait faire une rude semonce à ces seigneurs, et leur dire qu’ils n’avaient pas le meilleur goût du monde et cependant, quand on dit que ces Messieurs avaient déjà formé une Confrérie, il opina pour sa dissolution. »
Mémoires du maréchal de Richelieu, 1790, tome 3, chapitre 24.

« […] dont ensuite on donna le nom en France aux non-conformistes, qui n’ont pas pour les dames toute l’attention qu’ils leur doivent ; de sorte qu’aujourd’hui on appelle ces messieurs Boulgares, en retranchant l et a. »
Voltaire, article « Bulgares ou Boulgares », Questions sur l’Encyclopédie.

« Une société de pédérastes qui se réunissait rue Neuve du Luxembourg, et qui avait pour maître Jacques Musset, ce marguillier qui pense si bien, s’était épris tout à coup de l’élégant uniforme d’un des régiments de cavalerie de la garde royale. Le colonel, qui n’entendait pas de cette oreille, eut la brutalité de contrarier le goût de ces messieurs. »
Fournier-Verneuil, Paris, Tableau moral et philosophique, 1826.

« Le chapitre des Bougres [Duret, Traité des peines et amendes, 1572] n’est pas tendre pour ces Messieurs […] Nous croyons avec bien d’autres que les non-conformistes doivent être conspués et non mis à mort. »
Du Roure, Analectabiblion, tome 2, 1837, p. 20.

« Ces messieurs, par leurs soins et leur politesse, font continuellement des amendes honorables aux femmes du tort qu’ils leur font dans leur imagination. Peut-être aussi regrettent-ils de n’être pas femmes autant qu’ils voudraient ? »
Galiani, lettre à Mme d’Épinay, 19 décembre 1772.

« Quel scandale, quand on y songe, de voir un vieillard, un religieux, un provincial de son ordre, un prédicateur, obligé de se défendre d’une telle accusation [le père Césaire, accusé de pédérastie] ! Au reste, le bougre est à Rome, dit-on,  dans le centre de ces messieurs. »
Mémoires secrets …, tome 28, 19 février 1785.

Un ouvrage de Marcel Jouhandeau porte le titre Ces Messieurs (Paris : Lilac, 1951) ; on y trouve notamment l’étude « Corydon résumé et augmenté » (citée aux entrées éphèbe, gérontophilie, homosexuel, inversion, inverti et pédéraste).

Pour Charles Virmaitre, l'expression désignait les agents de police dans l'argot des filles (Dictionnaire..., 1894).

CHANTAGE

« Chantage : vol par pédérastie. »
Anonyme [Pierre Joigneaux ?], L’Intérieur des prisons, 1846.

Le Dr Ambroise Tardieu expliqua comment cela pouvait se passer :
« Les hommes qui se livrent au genre d’escroquerie dit chantage ne sont le plus ordinairement que des voleurs d’une espèce particulière, qui, sans être toujours adonnés eux-mêmes à la pédérastie, spéculent sur les habitudes vicieuses de certains individus, pour les attirer par l’appât de leurs passions secrètes dans des pièges, où ils rançonnent sans peine leur honteuse faiblesse […] On n’a pas oublié le déplorable exemple donné en ce genre par un homme [Pierre Berthier, 1782-1861], dont le nom haut placé dans la science [minéralogiste, professeur au Collège de France, membre de l’Académie des Sciences depuis 1827] a été livré à la publicité, par une indiscrétion de la presse judiciaire [Le Droit, 22 avril 1854], que nous nous garderons bien d’imiter. Les chanteurs avaient réussi à lui inspirer une telle terreur, qu’il n’hésitait jamais à se soumettre à leurs exigences. » (Étude médico-légale sur les attentats aux mœurs, 1857).

Lorédan Larchey, Les Excentricités du langage français, entrée " Chantage, chanteur ", Paris : Aux bureaux de la Revue rétrospective, 1861 :


« Le vice antiphysique a pris dans l’ombre un accroissement presque incroyable, et ceux qui exploitent cette abominable impureté se sont créé une véritable organisation qui destine de jeunes hommes à servir d’appâts et conséquemment d’auxiliaires à une industrie connue sous le nom de chantage. »
Louis Canler, Mémoires, 1862, chapitre " Les antiphysitiques et les chanteurs ".


Alfred Delvau, Dictionnaire érotique moderne, 1864.

Dans une étude sociologique sur les voleurs intitulée Variétés de coquins, Moreau-Christophe utilisa, en parlant des hommes, l’expression « chantage gomorrhéen », et évoqué « les chanteurs, qu’on nomme aussi serinettes. » (Tome 2 de Le Monde des coquins).

Aujourd'hui ce terme et le suivant ont complètement perdu leur connotation homosexuelle.

CHANTEUR

Chanteur est apparu avec un sens lié à l’homosexualité masculine dans cette définition qu’en donnait François-Vincent Raspail :

« Homme qui en feignant de se prêter aux goûts des sodomistes, finit par les faire contribuer selon leur fortune, en les menaçant de les dénoncer, ou en les dénonçant à un faux commissaire. »
Vocabulaire français-argot, 1835.

Sens repris par le policier François Vidocq :


« Ceux qu’ils exploitent ne valent guère plus qu’eux ; ce sont de ces hommes que les lois du Moyen-Âge, lois impitoyables il est vrai, condamnaient au dernier supplice ; de ces hommes dont toutes les actions, toutes les pensées, sont un outrage aux lois imprescriptibles de la nature ; de ces hommes que l’on est forcé de
regarder comme des anomalies, si l’on ne veut pas concevoir une bien triste idée de la pauvre humanité. Les chanteurs ont à leur disposition de jeunes garçons doués d’une jolie physionomie, qui s’en vont tourner autour de tel financier, de tel noble personnage, et même de tel magistrat qui ne se rappelle de ses études classiques que les odes d’Anacréon à Bathylle, et les passages des Bucoliques de Virgile adressés à Alexis ; si le pantre [« Homme simple, facile à tromper, paysan. » selon Vidocq] mord à l’hameçon, le jésus le mène dans un lieu propice, et lorsque le délit est bien constaté, quelquefois même lorsqu’il a déjà reçu un commencement d’exécution, arrive un agent de police d’une taille...
Les Voleurs, tome 1, 1837.

" Chanteur : voleur pédéraste "
Anonyme [Pierre Joigneaux ?], L’Intérieur des prisons, 1846.

« La quatrième catégorie [de tantes] se compose des rivettes. ceux-ci n’ont rien qui puisse les faire distinguer des autres hommes, et il faut à l’observateur, pour les deviner, la plus grande attention jointe à la plus grande habitude. On en rencontre à tous les degrés de l’échelle sociale. Pour satisfaire leur penchant, ces individus s’adressent de préférence à la jeunesse. Aussi les chanteurs s’attachent-ils plus particulièrement aux rivettes, qu’ils exploitent presque toujours avec succès. [...] Les chanteurs se divisent en deux classes. La première, et la plus remarquable, comprend les sommité en ce genre : les rupins
Louis Canler, Mémoires de Canler, ancien chef du service de sûreté, Paris : J. Hetzel, 1862.
Les antiphysitiques et les chanteurs, tel est le titre du chapitre XXXIII de ces Mémoires.

« Les chanteurs, qu’on nomme aussi serinettes »
Moreau-Christophe, Variétés de coquins, 1865.

Louis Rigaud :

« Certaines victimes, à bout de force ou à court d’argent, se voient dans l’obligation de se plaindre au Préfet de Police, démarche dont on imagine sans peine la difficulté. Ce sera le cas d’Abel-François Villemain, professeur de lettres, député, pair de France, secrétaire perpétuel de l’Académie française et ministre de l’Instruction publique au moment où il fut pris en flagrant délit à la Madeleine, en 1844, « se livrant à tout ce qu’il y a de plus dégradant avec un jeune homme. Ils étaient blottis dans un coin de la rue de l’Arcade. Saisi par les chanteurs M. Villemain a décliné son titre de ministre et a conduit les chanteurs à son hôtel où il leur a donné 2 000 francs en billets de banque de 1 000 francs et un sac de 1 000 francs. Il a été relancé pendant fort longtemps et a fini par menacer les chanteurs de se plaindre à M. le Préfet de police s’ils ne le laissaient pas tranquille » [Archives de la Préfecture de Police, BB4, f° 151] . Ce sera encore le cas du docteur Mathieu Orfila, doyen de la faculté de médecine qui se livrait « à une incroyable action de pédérastie » [Ibid., f° 162] sur les Jésus et les vagabonds qu’il emmenait imprudemment chez lui. D’autres cèdent jusqu’à plus soif, comme le vicomte Dejean, ancien directeur de la police du royaume, qui obtint à son chanteur un emploi d’inspecteur des voitures de places, ou comme [Eugène] Lerminier (a), « ce savant professeur ayant tenu des cours au collège de France », qui se serait « rallié au gouvernement parce que des agents l’ont surpris en flagrant délit dans la position la plus dégoûtante, et qu’il aurait été traîné devant les tribunaux s’il ne s’était engagé à changer d’opinion politique » [Ibid., f° 38 et 15] . » Laure Murat, « La tante, le policier et l'écrivain », Revue d'Histoire des Sciences Humaines n° 2/2007 (n° 17) , pages 47-59.
a. « Ce goût n'est pas rare aujourd'hui parmi les gens de lettres, les artistes et les grands. – On cite entre autres Lerminier, Germain Sarrut, et une foule que j'oublie. Nos m­œurs tournent à la pédérastie, terme ordinaire, fatal, du développement érotique dans une nation. »
Pierre-Joseph Proudhon, Carnet n° 8, 1850-1851.

CHARLUS

Marcel Proust : « Les personnes qui n’aiment pas se reporter comme exemples de cette loi aux messieurs de Charlus de leur connaissance, que pendant bien longtemps elles n’avaient pas soupçonnés, jusqu’au jour où, sur la surface unie de l’individu pareil aux autres, sont venus apparaître, tracés en une encre jusque-là invisible, les caractères qui composent le mot cher aux anciens Grecs, n’ont, pour se persuader que le monde qui les entoure leur apparaît d’abord nu, dépouillé de mille ornements qu’il offre à de plus instruits, qu’à se souvenir combien de fois, dans la vie, il leur est arrivé d’être sur le point de commettre une gaffe. » À la Recherche du temps perdu, " Sodome et Gomorrhe I " (1921).

« Combien de fois plus tard fus-je frappé dans un salon par l’intonation ou le rire de tel homme, qui pourtant copiait exactement le langage de sa profession ou les manières de son milieu, affectant une distinction sévère ou une familière grossièreté, mais dont la voix fausse me suffisait pour apprendre : « C’est un Charlus », à mon oreille exercée, comme le diapason d’un accordeur. » À la Recherche du temps perdu, " Sodome et Gomorrhe II " (1922), chapitre premier.

« Les Messieurs de Charlus sont, en effet, tellement persuadés d’être les seuls bons maris, en plus les seuls dont une femme ne soit pas jalouse, que généralement, par affection pour leur nièce, ils lui font épouser aussi un Charlus. Ce qui embrouille l'écheveau des ressemblances. » À la Recherche du temps perdu, " Sodome et Gomorrhe II " (1922), chapitre premier.

« Sans doute, bien que chacun parle mensongèrement de la douceur, toujours refusée par le destin, d’être aimé, c’est une loi générale, et dont l’empire est bien loin de s’étendre sur les seuls Charlus, que l’être que nous n’aimons pas et qui nous aime nous paraisse insupportable. » À la Recherche du temps perdu, " Sodome et Gomorrhe II " (1922), chapitre deuxième.

« Tandis que des jeunes gens vertueux s'abandonnent, l'âge venu, aux passions dont ils ont enfin pris conscience, des adolescents faciles deviennent des hommes à principes contre lesquels des Charlus, venus sur la foi d'anciens récits mais trop tard, se heurtent désagréablement. Tout est affaire de chronologie. »
À la Recherche du temps perdu, " Le temps retrouvé " (1927).

CHASSEUR

Dr Thésée Pouillet : " Tout le monde connaît les termes de chasseur et de lapin qui désignent, dans les lycées, les masturbés et les masturbants, preuve flagrante que la pollution étrangère s’exerce journellement dans les maisons d’instruction. " Étude médico-psychologique sur l’onanisme chez l’homme. Précédée d’une introduction sur les autres abus génitaux, Paris : A. Delahaye et E. Lecrosnier, 1883.

CHATTE

« Chatte. Pédéraste. Argot des voleurs. » (Alfred Delvau, supplément au Dictionnaire de la langue verte, 1883).

« Chatte. Homme aimé des pédérastes pour ses manières calines. »
(Charles Virmaître, Dictionnaire..., 1894).

CHATTEMITE

Virmaître, Supplément..., 1895.


CHAUSSON, CHAUSSONEUR

Un nommé Jacques Chausson fut exécuté avec son "complice" Fabry en 1661 ; ils étaient accusés de proxénétisme de jeunes garçons et de blasphème.

« lâches empaleurs et chaussonneurs de culs »
Claude Le Petit, Œuvres libertines.

« Que faisait Créquy dans Rome
De défendu par la loi ?
Il est enfant de Sodome
Et Romain de bonne foi.
Un réformé de Genève
N'eût pas reçu plus d'affronts.
Quoi, dans Rome comme en [place de] Grève,
Veut-on fronder les chaussons ? »
BnF, mss 673 (Tallemant des Réaux), folio 109 recto ; il s'agit de Charles, duc de Créquy, mort en 1687.

Voltaire fit ces vers contre l’abbé Desfontaines :

« La Nature fuit et s’offense
À l’aspect de ce vieux giton ;
Il a la rage de Zoïle,
De Gacon l’esprit et le style,
Et l’âme impure de Chausson. »
Ode VI, sur l’ingratitude, 1736

Fougeret de Montbron, parodiant la Henriade de Voltaire, composa ces vers peignant les mœurs du roi de France Henri III :

« Sauf votre respect le Nicodème
Roupillait sous son diadème,
Tandis que régnaient en son nom
Quatre précurseurs de Chausson :
Car il était, dit la chronique,
Sujet au vice antiphysique. »
Henriade travestie, Berlin, 1745.

Un peu plus loin dans cette Henriade travestie, l’auteur disait de Joyeuse, mignon d’Henri III :

« fort joli garçon, quoiqu’un peu puant le Chausson. »

« Chausson, fameux partisan d’Alcibiade, de Jules César, de Giton, de Desfontaines, de l’âne littéraire [Fréron], brûlé chez les Welches [Français] au XVIIe siècle. »
Voltaire, note à La Guerre civile de Genève, 1768.

CHEVALIER DE LA JACQUETTE

" Et si je me sens profondément insulté à l’idée qu’un troupeau de chevaliers de la Jaquette vienne se sucer la luette devant Notre-Dame? Il faudra probablement que j’en essorille un pour que le président de la HALDE m’envoie ses témoins. Qui choisit les armes ? " (Bouteville, Action française, mars 2010.

CHEVALIER DE LA MANCHETTE, DE LA ROSETTE

« Cette aventure me mit pour l’avenir à couvert des entreprises des Chevaliers de la manchette, et la vue des gens qui passaient pour en être, me rappelant l’air et les gestes de mon effroyable Maure, m’a toujours inspiré tant d’horreur, que j’avais peine à la cacher. »
Jean-Jacques Rousseau, Confessions, 1ère partie, livre II.

Émile Littré donnait ces définitions :
« Un marquis de la manchette, un homme qui tend la main, un mendiant. Les chevaliers de la manchette, les pédérastes. »

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.
Dictionnaire érotique moderne..., 1864, Supplément.

« CHEVALIER DE LA ROSETTE. Pédéraste actif ou passif. » (Dictionnaire érotique..., 2e édition, 1866).

Charles Virmaître dans le Supplément (vers 1895) : " CHEVALIER DE LA ROSETTE : Homme pour homme (Argot du peuple) N[ouveau]. "


CHOCHOTTE, subs. et adj.

« Qui est maniéré, prétentieux (souvent allus. à l’homosexualité masculine). Chochotte va ! »
Grand Robert, 1985.

« Cette chochotte de Gide. »
Blaise Cendrars, cité par Michel Polac, Charlie-Hebdo, n° 550, 31 décembre 2002.

Éric Zemmour : " Il faut qu'on réunifie les droites. Je le dis depuis vingt ans. Ce n'est pas en jouant les chochottes qu'on va les réunir ". (Asnières, 26 septembre 2021).
 
CHOUART

« Un petit Chouart quelconque »
Dr Louis Fiaux, La Police des mœurs en France et dans les principaux pays d'Europe, Paris : E. Dentu, 1888.

« Quand les Anglais s’en vont par dix
C’est – à l’instar des Germiny –
Pour – au sein noir des urinoirs –
Jeter à des Chouart le mouchoir.
Courrier français, 1891.


CI-DERRIÈRE

Terme de dérision des contre-révolutionnaires.

Vie privée et publique du ci-derrière marquis de Villette (1792) 

CINÈDE, CINÉDOLOG-, CYNÈDE

« Et quand les Espagnols se firent maîtres des Iles Occidentales, ils trouvèrent aussi qu’on portait pendu au cou une image de pédérastie d’un pédicon et d’un cynède, pour contre-charme, qui était encore plus vilain […] Aussi ces peuples-là étaient fondus en sodomies et ordures détestables, et en toutes sortes de sorcelleries, et qui ont tous été exterminés par les Espagnols. Chacun sera d’accord que c’est une invention diabolique. »
La Démonomanie des sorciers, 1580, chap. « des moyens illicites », f° 145.

« Les Éthniques les nommaient cinaedos, c’est-à-dire cinèdes. Tel fut Ganymède, duquel s’énamoura Jupiter, si les poètes disent vrai. »
J. Benedicti, La Somme des péchés, 1601.

« Maquillés, impudiques et frôleurs, vont et viennent les cynèdes en troupeau. Qui les désire n’a qu’un signe à faire pour en être obéi. »
Laurent Tailhade, La Touffe de sauge, 1901.

« On appelait Alexis Cinédologue, c’est-à-dire qui se sert de paroles dissolues. »
Athénée, XIV, trad. 1680.

« La Cinédologie de Sotade. »
Van Limbourg, 1838.

En russe, кинэдэ a le sens d’homosexuel passif (Le Guévellou, 2002).

CISGAY



COMING OUT

Révélation par un homosexuel de son homosexualité à son entourage familial et/ou professionnel.

« Le 7 décembre dernier, « Zone interdite » nous faisait miroiter le « coming-out » d’un homme politique célèbre. Le temps de parier sur une bonne vingtaine de noms, le suspens était rompu par la silhouette d’un jeune sénateur. Bertrand Delanoë acceptait pour la première fois d’évoquer son homosexualité devant une caméra… »
Têtu, n° 32, mars 1999.

« En pleine bagarre parlementaire sur le pacs, le coming out de Bertrand Delanoë, le 22 novembre 1998 sur M6, ne fut sans doute pas le fruit d'une stratégie, même s'il l'a longuement mûri. L'intuition, toutefois, était bonne. »
Christine Garin, « Le "coming out" opportun de Bertrand Delanoë en 1998 », Le Monde, 6 octobre 2002.

Avec l’édition 2006, l’expression entra dans le Petit Larousse. Depuis, l'ancien ministre Roger Karoutchi et le ministre Gabriel Attal ont donné de nouveaux exemples d'un tel dévoilement.

COMME ÇA

Julien Green : « L'autre jour, Jacques Février, ivre, criait dans un salon, Devant Denise Bourdet et Poulenc, et d'autres encore : " Mais ils en sont tous, dans ce livre [Moïra]. Ce grand roux qui est si excitant est comme ça. Ils sont tous comme ça... " Il n'y a pas jusqu'à la dernière phrase du livre qui ne lui paraisse une allusion très claire. Denise a protesté. La vérité est que Joseph excite tous les autres personnages. »
Toute ma vie Journal intégral *** 1946-1950, 8 juin 1950, Paris : Bouquins éditions, 2021.

« EN ÊTRE, ÊTRE COMME ÇA : expressions par lesquelles nous désignons ceux ou celles qui sont susceptibles d'aimer une personne de leur sexe. »
FHAR [Front homosexuel d'action révolutionnaire], Rapport contre la normalité, Paris : 1971.

« En Suisse romande, on se demandait autrefois « tu crois qu'il/elle est comme ça ? » On spéculait sur le fait de savoir si « celui-là fait partie de l'orchestre », ou encore «de la mutuelle». Aujourd'hui, en revanche, on constatera, désabusé, « mais évidemment, lui aussi, c'est une copine ». Et si ce n'est pas le cas, on se lamentera, en paraphrasant un comique local, « une si bonne viande ! » Quant à l'homo efféminé, hier une « Caroline », il sera étiqueté « coiffeuse d'Annemasse ». »
Arnaud Gallay, « Pédérapages linguistiques », 2003.

COMMERCE INFÂME

Un fichier de la police parisienne, rédigé vers la fin de l’année 1725 ou au début de 1726, utilisait l’expression « est du commerce infâme » pour signaler des individus.

Rapport de police, 1748 :

« Veglay a dit qu'il avait été convoqué à la police et qu'il avait comparu devant un monsieur Chaban ; que ce monsieur avait voulu l'intimider en le menaçant de la prison pour lui faire dire les personnes avec lesquelles il était en commerce infâme, mais que Veglay ayant répondu sur un autre ton, il l'avait renvoyé, et que le vrai moyen de bien se tirer de là était de ne jamais déclarer ses amis. »
(Archives de la Bastille, 10259)

COMMUNAUTÉ HOMOSEXUELLE, COMMUNAUTÉ HÉTÉROSEXUELLE

La deuxième expression se rencontre sur Internet en 1999, et signale les progrès du communautarisme dans notre pays ; la première est plus courante, et plus ancienne.

COMMUNIER SOUS LES DEUX ESPÈCES

Dictionnaire érotique moderne, 1864.


COMPAGNIE DE LA MANCHETTE

« S’il arrivait au moins que ce châtiment fût distribué avec justice ; mais le célibataire qui punit, n’est-il pas souvent de la compagnie de la manchette ? Et ne choisit-il pas pour l’opération le derrière qui le flattera le plus ? J’ai observé pendant tout mon cours de collège que les écoliers maigres et laids n’étaient jamais fustigés. »
A. Doppet, Traité du fouet et de ses effets sur le physique de l’amour, 1788, chapitre IV.

COMPAGNON

À la lumière de l’évolution ultérieure du terme, on peut se demander si Pierre de l’Estoile ne faisait pas ici un beau jeu de mots :

« N’est-ce pas une belle morale
De voir les hommes se baiser !
Tous les Gascons en font métier
Bougres putains et bougerons :
Au demeurant, bons compagnons. »
Pierre de L’Estoile, Vers anonymes cités dans les Mémoires-Journaux, décembre 1581.

"Pour le faire enrager, on lui [à l'archevêque de Bordeaux] donnait pour compagnon tantôt le comte d'Harcourt, tantôt le marquis de Brézé."
Tallemant des Réaux, Historiettes, L’archevêque de Bordeaux.

Terme à rapprocher évidemment de camarade.

COMPLAISANCE, COMPLAISANT

Complaisant prend la suite du latin officiosus, serviable ; cf Sénèque le Père.

« Si le général des jésuites avait deux otages à envoyer à Paris aussi beaux que les anges de Loth, et plus, complaisants, il est sûr de rentrer en France par cette porte, qui serait très bonne, quoique ce soit une porte de derrière. »
Thévenau de Morande, Le Philosophe cynique, 1771.

" L'un me disait : ne savez pas l'histoire,
Vous y verrez des héros pleins de gloire,
Tantôt actifs et tantôt patients,
A leurs amis souples et complaisants,
Tel pour Socrate était Alcibiade,
Qui, par ma foi, n'était un Grec maussade. "
Frédéric II, roi de Prusse, "Le Palladion", chant IV, in Oeuvres posthumes, tome 12, 1789.

Le sens homosexuel est peu probable chez le moraliste Chamfort :

« Un jeune homme avait offensé le complaisant d’un ministre. Un ami, témoin de la scène, lui dit, après le départ de l’offensé : "Apprenez qu’il vaudrait mieux avoir offensé le ministre même que l’homme qui le suit dans sa garde-robe". »
Caractères et anecdotes, n° 727.

« [Emma] : Borchamps aime les hommes, vous êtes fort joli, consentez à lui prêter vos charmes, et je vous garantis qu’avec ces clauses il vous laissera jouir en paix des miens. – [Villeneuil] : Vous croyez ? – J’en suis sûre : vous ne répugnez pas à cette complaisance ?  – Pas autrement : ce sont des habitudes de collège que je trouve très simple de voir conservées, et que j’ai moi-même comme les autres. »
Marquis de Sade, Histoire de Juliette, 5e partie, Paris : Gallimard, 1998, édition Michel Delon.

« Entre deux hommes, elle [la sodomie] se distingue sous le nom de pédérastie ; celui qui s’abaisse à remplir le rôle abject de complaisant, dans cette scène révoltante, a reçu le nom de giton. »
Fournier-Pescay, art. “Sodomie”, Dictionnaire des Sciences Médicales, tome 51, 1821.

Une revue allemande de 1908 avait conservé un emploi du terme vers 1830 :

« Je puis donc sans orgueil de toutes les manières
Oser me comparer au bavard Lemarquières *.
Que ne suis-je avec toi dans ces champs écartés
Près des murs de Poissy, vers ces lieux détestés,
Où de Tanouarn longtemps par un dur esclavage
De nos tendres plaisirs paya l’apprentissage.
* César Lemarquières, avocat, rue de Rivoli, n° 8, ami complaisant de son confrère Pinet. »
[1]  « Plaintes du pédéraste Fortuné Pinet, Zeitschrift für Sexualwissenschaft, avril 1908 ; ce document fait partie d’un article de I. Bloch récusant la pertinence de l’expression française vice allemand.

Dans son pamphlet dirigé contre les amitiés particulières de collège, La Première flétrissure [1873], le Dr J. Agrippa décrivait avec humour un « complaisant en retraite » ; il ajoutait :

« Le Complaisant, la Tapette, la Fille, car ce n’est que de cette manière qu’ils s’appellent entre eux – ces singularités vivantes – naissent généralement en tout semblables à des créatures féminines. […] Il est d’usage, parmi les complaisants, de baptiser tout nouveau membre de la société […] Les amants de cœur s’appellent entre eux des garçons, surtout quand ils vivent avec des complaisants, sans doute pour se distinguer de leur moitié. »
Confession d’Arthur W. [1874], dans H. Legludic, Attentats aux mœurs, Paris : Masson, 1896, pages 305, 307 et 312.

Dans le roman Charlot s’amuse [1883], le romancier Paul Bonnetain évoquait les « complaisants de séminaire » ; ce n’est pas la seule similitude lexicale avec le pamphlet du Dr Agrippa.

« Complaisant d’un pédéraste », c’est la définition qu’Hector France donnait de corvette.

CONFRÈRE

En 1712, le jeune duc de Richelieu [futur maréchal], âgé de 16 ans, fut suivi par un homme dans un jardin alors qu’il avait rendez-vous avec une princesse ; on possède le récit de cette rencontre :

« Le duc, craignant d’être découvert, ignorait encore qu’il y eût une confrérie en France dont les actions fussent aussi hardies et aussi impunies […] Il ne manqua pas de raconter cette aventure à sa princesse qui lui dit que rien n’avait été capable de dissiper et d’éloigner ces sortes de confrères protégés par des gens puissants.
J.-L. Soulavie, Pièces inédites sur les règnes de Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, 1809, tome 2, p. 53.

Le mot figure dans la pièce de théâtre L’Ombre de Deschauffours de 1739 :

« Ravot : - Je ne suis que trop bien mort subitement pour avoir été en voyage extraordinaire à Tours, pour y voir ma maîtresse, qui m’attendait les bras ouverts, où je me suis épuisé à force de vouloir enconner.
Deschauffours : - Voilà presque toujours la fin de Messieurs les conistes. Ils croient avoir plus de plaisir que nos confrères les bougres qui ne respirent que par le derrière. »
Scène 1.

« Bellevile : - Et qu’avez-vous fait de ces pauvres diables de confrères aussi malheureux que moi ?
Emié : - Nous les avons mis à Bicêtre en attendant le jugement qui sera fait pour les envoyer aux Iles. Que ne sontt-ils conistes ! »
Scène 5.

« Alors qu’on fout son confrère
Est-il un plaisir plus grand ?
Avez-vous fait votre affaire
Aussitôt il vous le rend. »
Leningrad notebooks, éd. Th. Besterman, Institut Voltaire, 1952.

« Vous méritez, Monsieur, les remerciements de tous vos confrères sexuels, surtout de ceux qui se cachent derrière la visière.
Lettre en français à K. H. Ulrichs, 1er janvier 1868, publiée dans Memnon, 1868.

CONFRÉRIE

« […] Je rencontrai au retour de Saint Pierre un homme qui m’avisa plaisamment de deux choses […] que ce même jour la station était à Saint Jean Porta Latina, en laquelle église certains Portugais, quelques années y a [en 1578], étaient entrés en une étrange confrérie. Ils s’épousaient mâle à mâle à la messe, avec mêmes cérémonies que nous faisons nos mariages, faisant leurs pâques ensemble, lisaient ce même évangile des noces, et puis couchaient et habitaient ensemble. Les esprits romains disaient que, parce qu’en l’autre conjonction, de mâle et femelle, cette seule circonstance la rend légitime, que ce soit en mariage, il avait semblé à ces fines gens que cette autre action deviendrait parfaitement juste, qui l’aurait autorisée de cérémonies et mystères de l’Église. Il fut brûlé huit ou neuf Portugais de cette belle secte. »
Montaigne, Journal de Voyage en Italie, 18 mars 1581.

On pourra comparer le récit de Montaigne avec le suivant, dû à Antonio Tiepolo, le 2 août 1578 : "Sono stati presi undeci fera Portughesi e Spagnuoli, i quali adunatisi in une chiesa, ch'e vicina san Giovanni Laterano, facevano alcune lor cerimonie, e con horrenda sceleraggine bruttando il sacrosante nome di matrimonio, se maritavano l'un con l'altro, congiongendosi insieme, come morito con moglio. Vintisette si trovano, et piu, insieme il piu delle volte, ma questa volta non ne hanno potuto coglier piu che questi undeci, i quali anderamo al fuoco, e come meritano." Cf F. Mutinelli, Storia arcana e aneddotica d'Italia, Venise : P. Naratovich, 1856.

Sur ce genre de mariage, on pourra se reporter à : Gary Ferguson, Same-Sex Marriage in Renaissance Rome: Sexuality, Identity, and Community in Early Modern Europe, Ithaca (NY) : Cornell University Press, 2016.

" L'aventure de MM. de La Ferté, Biran, Colbert, Argenson est bien infâme; ils ne sont que les malheureux d'une nombreuse confrérie. Nos pères n'étaient pas plus chastes que nous, mais ils se contentaient d'une débauche naturelle. On brode à présent sur les vices, on les raffine. "
Lettre de La Rivière à Bussy-Rabutin, 5 février 1680.

Le mot se trouve ensuite dans un petit livre dont le sujet est une satire du milieu homosexuel de la Cour, après le scandale de 1682 où un jeune fils naturel de Louis XIV fut impliqué dans une " débauche " masculine :

« Pour ne pas s’attirer néanmoins la colère du Roi, ils jugèrent à propos de faire serment, et de le faire faire à tous ceux qui entreraient dans leur Confrérie, comment ils renonceraient à toutes les femmes : car ils accusaient l’un d’entre eux d’avoir révélé leurs mystères à une dame, avec qui il était bien, et ils croyaient que c’était par là que le Roi apprenaient tout ce qu’ils faisaient […] Ce fut là la première règle de leur Confrérie, mais la plupart ayant dit que leur Ordre allait devenir bientôt aussi grand que celui de Saint-François, il était nécessaire de régler comment il y faudrait vivre. »
Sandras de Courtiz, Les Intrigues amoureuses de la France, 1685.

On a reparlé de la confrérie après le scandale de Versailles en été 1722, lors du Conseil tenu par le Régent sur l’affaire :

« Le Régent, qui ne cessait de sourire, se contentait de dire qu’il fallait faire une rude semonce à ces seigneurs, et leur dire qu’ils n’avaient pas le meilleur goût du monde et cependant, quand on dit que ces Messieurs avaient déjà formé une Confrérie, il opina pour sa dissolution. »
Mémoires du maréchal de Richelieu [1696-1788], 1790, tome 3, chapitre 24.

En 1752, pour Ph. J. Le Roux, « La grande Confrairie signifie la Confrairie des Cocus » (Dictionnaire comique, satyrique, critique, libre et proverbial) ; mais on sait que bien loin d’exclure l’état de cocu, l’homosexualité peut l’expliquer …

« Le duc [de Richelieu] […] ignorait encore qu’il y eût une confrérie en France dont les actions fussent aussi hardies et aussi impunies […] Il ne manqua pas de raconter cette aventure à sa princesse qui lui dit que rien n’avait été capable de dissiper et d’éloigner ces sortes de confrères protégés par des gens puissants. »
J. L. Soulavie, Pièces inédites sur les règnes de Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, tome 2, 1809, p. 53.

« Que la pédérastie ait été en vogue en Amérique, avant l’arrivée des Espagnols, cela ne me surprendrait pas : cette faute d’orthographe de la nature humaine est connue de toutes les nations, même plus de celles que nous appelons policées, que des Sauvages ; mais Mr de P[auw] aurait dû faire attention à une chose ; c’est qu’il n’y a guère que les tempéraments chauds, lubriques, et même vigoureux, qui soient dans ce cas ; heureusement pour la propagation de l’espèce, je ne crois pas que cette confrérie soit fort nombreuse dans l’un et l’autre hémisphère. »
La Douceur, De l’Amérique et des Américains, 1772, chapitre VII « Continuation du précédent et polissonneries philosophiques.

« Dans toutes les grandes villes, ce vice est un mystère pour le profane, mais il n’y a pas de terre habitée ou il ne se rencontre. Je dis pour le profane, car déjà dans l’Antiquité il y avait des confréries ayant leurs signes de ralliement. »
Johann Ludwig Casper, Traité pratique de médecine légale, 1862 [1857-58], traduit de l’allemand par G. Germer-Baillère.

Julien Green : « On n'imagine pas un savant comme [Leonard] Woolley employant un terme d'argot homosexuel [queer], en admettant qu'il en ait seulement eu connaissance, car le jargon de la confrérie  n'est pas généralement connu des hétérosexuels, pas plus que l'argot des apaches, ou des chirurgiens, ou des peintres n'est connu nécessairement de ceux qui ne sont ni apaches ni etc.»
Toute ma vie Journal intégral *** 1946-1950, 1er mai 1950, Paris : Bouquins éditions, 2021.

«  Tout l'entourage du Kayser était de la confrérie. »
W. Gérard, Chvoul, XII, 1953.

En décembre 1954, le député Raymond Dronne (résistant, puis RPF) avait évoqué à l’Assemblée nationale « la confrérie actuellement très à la mode des homosexuels » (2e séance du 3 décembre 1954) : « La fonction publique, jusque dans ses rouages les plus importants, est gangrénée par la pénétration communiste. Elle est aussi gangrénée, spécialement dans les plus hauts postes des diverses polices, par des personnages aux habitudes particulières. [...] Il s'agit de ces hommes qui appartiennent à la confrérie actuellement très à la mode des homosexuels. En admettant que vous ayez l'esprit suffisamment large pour ne pas être choqué par des divertissements de cette nature, vous ne devez pas oublier, monsieur le ministre de l'Intérieur [François Mitterrand], que ces sortes de personnages ont des défauts qui les rendent particulièrement vulnérables dans les postes où vous les avez maintenus ou nommés. » [Voir dans Les Flammes de Sodome la réponse du ministre au député]

Ce mot et les précédents indiquent une sociabilité induite par l’homosexualité, à la Cour ou dans les grandes villes.

CONFUSION DES SENTIMENTS

Titre français du roman de Stefan Zweig (1926)

CONISTE

Les oppositions unisexuel/bisexuel et homosexuel/hétérosexuel furent précédées, dès la fin du XVIIe, par celles élaborées à la Cour de Louis XIV, anticoniste/coniste et culiste/coniste. Ce qui apporte de l’eau au moulin du Dr Alétrino qui affirmait en 1901 : « On a divisé l’humanité, jusqu’à nos jours, en deux camps rigoureusement séparés ; en homosexuels et hétérosexuels. ».
« Hotman n'est point culiste Mais bon conisteHotman n'est point culiste Comme nous tous. Mais s'il se trouvait un page au gîte [giste] Qui lui fît un peu les yeux doux, Quoiqu'il soit beaucoup formaliste, Il le serait au moins autant que nous. » Chansonnier Maurepas, année 1677, BnF, mss fr. 12640, tome 25, page 35.
L’individu ainsi brocardé, Vincent Hotman, intendant de la généralité de Paris, s’était fait remarquer peu avant en critiquant le mépris de certains pour les dames.

Anagrammé en cistone dans l'Histoire du prince Apprius, 1728, de Godard de Beauchamps.

« Il n’est à présent que des sots
Qui se disent conistes ;
Les philosophes, les héros,
Ont tous été culistes ;
Le souverain même des Dieux,
Roi de la bougrerie
Par son bardache dans les Cieux
Fit verser l’ambroisie. »
Recueil de pièces choisies rassemblées par les soins du du Cosmopolitique, à Anconne, chez Uriel Bandant, à l'enseigne de la Liberté, 1735, page 74.

En 1739, on trouvait notre mot dans une petite pièce de théâtre anonyme, L’Ombre de Deschauffours :

« Ne voyons-nous pas des conistes de différents goûts ? […] Nous en avons même vu avoir été longtemps conistes et devenir bougres en disant qu’ils se convertissaient, quittant une partie du monde pour prendre l’autre. » (scène 5)

" Si j’aime beaucoup mon vit, c’est que
L’estime fonde cet amour.
Voici le quatrième évêque
Qu’il refuse en un même jour ;
Il est coniste, et vous pouvez m’en croire,
Plus qu’un père de l’Oratoire. "
Charles Collé (1709-1783).

Selon Alfred Delvau, « CONISTE. Homme qui préfère le con au cul, – élevé qu’il a été à l’École normale de Paris au lieu de l’avoir été à l’École anormale de Rome. » (Dictionnaire érotique moderne, 1864). Delvau donne ensuite cette citation :


CONJONCTION BISEXUELLE

Désignation originale de la relation hétérosexuelle (aussi  union bisexuelle) :
Louis Fiaux, La Police des mœurs..., Paris : E. Dentu, 1888.

CONSOMMER SON KABYLE

Alfred Delvau, Dictionnaire érotique moderne, 1864.

CONTRE NATURE, CONTRE LA NATURE, CONTRE LES LOIS DE (LA) NATURE

Du latin ecclésiastique contra naturam. Mais l’équivalent grec παραφυσιν existe. Contra naturam se rencontre, appliqué aux relations homosexuelles, dans des traductions latines de Platon (Phèdre, 251a ; Lois, 636cd), Philon d'Alexandrie (Des lois spéciales, III, 39), Saint Paul (Aux Romains, I, 26), Clément d’Alexandrie (Le Pédagogue, II, x, 87), Saint-Augustin (Confessions, III, 8) – et par conséquent contre nature dans quasiment tous les ouvrages de théologie morale en langue française.

Il faut citer en premier lieu le Roman de la rose de Guillaume de Lorris, vers 1235 :

« Ne te farde ni ne te grime,
Car cela n’appartient qu’aux dames,
Ou aux hommes de mauvais renom
Qui ont trouvé par malheur
Des amours contre nature. »
Les Commandements d’amour.

Dans le Doctrinal de sapience de Guy de Roye, archevêque de Sens, la « première branche du péché contre nature » consiste en la masturbation masculine ou féminine : « Toutes les autres branches sont si abominables et si horribles, qu’on ne les doit point nommer ; et pour ce je me passerai des les écrire : car ceux et celles qui en sont entachés sont dignes de mort, comme dit Saint-Paul. »
Écrit en 1388 ; édition de 1585.

« La sixième branche de luxure est un péché qui est contre nature, comme soi corrompre par sodomie, duquel péché nous lisons en l’Écriture que pour ce péché Dieu prit telle vengeance que cinq cités en Sodome et Gomorrhe furent détruites et brûlées par pluie de feu et de soufre puant […] ».
Le Ménagier de Paris [vers 1393], édition de 1846, tome I, pages 52-53.

Dans son Confessionnal, Jean Gerson (1363-1429), le Docteur très chrétien, fit de l’homosexualité une des espèces du péché contre nature :

« La quatrième partie [du péché contre nature] : si des hommes ont compagnie les uns des autres au fondement ou ailleurs. Ou les femmes les unes des autres par détestables et horribles façons qui ne se doivent nommer ni écrire ; ou les hommes des femmes, en lieux non naturels. »
Directoire des confesseurs.

Énumérant les vices contre nature, Thomas d’Aquin associait à l’homosexualité la masturbation et la bestialité. Gerson conserva ce groupement, en lui adjoignant les pollutions nocturnes. Le juriste Josse de Damhoudère revint aux trois espèces de l’Aquinois dans son traité La Pratique des causes criminelles (1555), au chapitre « Des vilains et énormes faits contre nature » :
« Ce crime est appelé sodomie, ou péché contre nature, très fort détestable et abominable selon toutes les lois de Dieu et des hommes, et à punir par la mort. Ce péché contre nature a trois espèces, savoir avec soi-même, avec hommes et avec bêtes. »
Cet auteur envisagea que le péché puisse être commis « avec sa propre femme, ou femme légère ».

Pour en finir provisoirement avec les textes juridiques, notons que le Traité des peines et amendes …  de Jean Duret (1572) ne distinguait dans la « luxure contre nature » que la bestialité et les homosexualités féminine et masculine.

Jean Bénédicti : " reprenant le péché contre nature ".
La Somme des péchés..., 1587, 1601.


« Ce prince [Henri III] s’était prostitué à l’amour contre nature, même avait tourné ses voluptés à pâtir au lieu d’agir. »
Agrippa d’Aubigné, Histoire Universelle, tome X, année 1585.

« Pourceau le plus cher d’Épicure,
Qui, contre les lois de nature,
Tournez vos pages à l’envers,
Et qui, pris aux chaînes des vices
Vous plongez dedans leurs délices,
J’ai des limbes entendu vos vers. »
Sieur de Sigognes, Ode, in Cabinet satyrique ou Recueil parfait des vers piquants et gaillards de ce temps, 1618.

En 1679, le Dictionnaire Français de César-Pierre Richelet définissait sodomie par l’expression « péché de la chair contre nature ».

De même :
« Sodomie : c’est cet abominable péché de la chair contre nature. »
César de Rochefort, Dictionnaire général et curieux..., 1685.


Au livre XII, " Des lois qui forment la liberté politique dans son rapport avec le citoyen", De l’Esprit des Lois (1748), Montesquieu consacra le chapitre vi au « crime contre nature » ; il n’y traitait que de l’amour entre hommes « crime que la religion, la morale et la politique condamnent tour à tour » ; le sens fut étendu à l’homosexualité féminine par le juriste toulousain Jean Antoine Soulatges :
« Le péché contre nature est le crime de celui ou de celle qui a un commerce impudique avec quelque personne de son sexe, il se commet par un homme avec un autre homme, et par une femme avec une autre femme ; de tous les crimes contre la chasteté, celui-ci est un des plus graves et des plus détestables selon les lois divines et humaines. »
Traité des crimes, 1762, tome 1, " Crimes contre la chasteté ", page 253.

Du prince Charles de Ligne :
« Pourquoi appeler la pédérastie contre nature ? On commence toujours par là. On est amoureux de ses camarades jusqu'à vingt ans : ce goût va du collège à l'armée. Et ce n'est pas là où il va le plus mal : car ceux qui l'ont se préservent de ces horribles maladies qui mettent les deux tiers des officiers hors de la campagne. D'ailleurs cela ne coûte rien : et on a beau dire, cela fait plaisir. On n'est pas bougre pour foutre son homme de temps en temps. » " Mes Livres rouges ", manuscrit, vers 1765, cité par Jean-Luc Hennig dans Espadons, mignons autres monstres: Vocabulaire de l'homosexualité masculine sous l'Ancien Régime, Paris : Cherche midi, 2014, page 166.

Naigeon : « Les Anciens n’étaient pas aussi choqué que nous de ce cynisme bizarre, sur lequel l’imagination la plus déréglée ose à peine s’arrêter. Héraclides dit expressément que l’amour des garçons n’avait rien de honteux chez les Crétois […] À l’égard de cette expression, d’ailleurs si vague, de crime contre nature, par laquelle les Modernes ont désigné cette espèce de monstruosité, elle présente une idée fausse, et que la saine philosophie doit rectifier : en effet, il n’y a rien qui ne soit en nature, le crime comme la vertu. »
Jacques André Naigeon, article"Académiciens", section « Philosophie ancienne et moderne », tome 1, pages 30 et 31, Encyclopédie méthodique, Panckoucke, 1791.

« Sera puni d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d’une amende de … 1° Quiconque aura soit pour satisfaire les passions d’autrui, excité, favorisé ou facilité habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l’un ou de l’autre sexe au dessous de vingt et un ans, soit pour satisfaire ses propres passions, commis un ou plusieurs actes impudiques ou contre nature avec un mineur de son sexe âgé de moins de vingt et un ans. »
Pétain, Laval, Loi n° 744 du 6 août 1942 [Journal Officiel du 27 août 1942, page 2923 ; disposition conservée en 1945

Journal officiel, 9 février 1945, page 650


et atténuée en 1974 par l'abaissement de l'âge de la majorité, puis enfin supprimée en août 1982].

« En avril 2013, pendant les débats ayant abouti à l'adoption de cette loi, elle avait indiqué que « l'exigence du mariage homosexuel, et l’adoption des enfants qui va avec, n’est pas simplement un dessein qui va contre la nature ». »
« Le mariage gay, " dessein contre la nature " : des assos anti-homophobie portent plainte contre Caroline Cayeux », Marianne, 13 juillet 2022.


COONANISME

" Charlot dut à une passagère anesthésie d'Or gène d'échapper au monstrueux coonanisme auquel frère Hilarion, par exemple, l'aurait certainement condamné."
Paul Bonnetain, Charlot s'amuse, 1883.

COPAILLE, COPAYE

« Les copailles […] On les appelle aussi des lobes, des coquines, et quand elles parlent de l’une d’elles, elles disent entre elles : "c’est une sœur". »
Maurice Talmeyr [Marie-Justin-Maurice Coste], « Les antiphysiques — L’artiste », Gil Blas, mardi 26 novembre 1889.

Virmaitre donne : « Copaille pour copain (Argot des voleurs). »
Dictionnaire..., 1894.

« Copaye : pédéraste passif (argot marseillais). »
Evariste Nouguier, Dictionnaire d’argot, N. Gauvin, 1987 [1899-1900].

« Copaille : jeune homme de mœurs inavouables. Individu du 3e sexe, pédéraste. »

COPARENTÉ

Benoît Duteurtre : « Même l’adoption me semblait possible, puisque la loi autorise les célibataires à adopter des enfants, sans prendre en compte leur orientation sexuelle... Mais que signifie la coparenté entre deux hommes ou deux femmes ? Et que vient faire le mariage dans tout cela ? »
« Noce gay pour petits-bourgeois », Libération, 2 juin 2004.

COQ À CULS

« Un garçon-fille, un coq à culs,
Qui faisait les femmes cocus,
Ainsi qu’il se pratique à Rome
Où pour la femme on baise l’homme. »
La Miliade ou l’Éloge burlesque de Mazarin, 1651 [BnF Ye 3591].

COQUINE

« Les copailles […] On les appelle aussi des lobes, des coquines, et quand elles parlent de l’une d’elles, elles disent entre elles : "c’est une sœur". »
Maurice Talmeyr, « L’artiste », Gil Blas, 26 novembre 1889.

« Se dit d’un pédéraste passif ou d’un individu qui simule la pédérastie passive et qui sert la police en donnant des indications sur les pédérastes. »
Evariste Nougier, Dictionnaire d’argot, N. Gauvin, 1987 [1899-1900].

« Faire la coquine : exploiter les sodomites. »
Hector France, Dictionnaire de la langue verte, 1907, rééd. Nigel Gauvin, 1990.

CORPORATION

« Le quartier général des pédérastes, en ce coin de Paris [les Champs-Élysées], porte même un nom ingénieusement approprié à la chose : il s’appelle l’arbre d’amour, est très connu de toute la corporation, et se trouve auprès du café des Ambassadeurs. »
Pierre Delcourt, Le Vice à Paris, 1888.

« Je vous renvoie, monsieur le ministre, à une question écrite que vient de vous poser un honorable sénateur. Je vous renvoie à l’exemple récent d’une grande affaire qui a remué tout l’Occident : je veux parler de l’affaire John, en Allemagne, car, lui aussi, appartenait à la "corporation". (Rires) »
Raymond Dronne, Assemblée Nationale, 2e séance du 3 décembre 1954.

CORVETTE

Argot des voleurs d’après Vidocq et Delvau.

« CORVETTE. Jeune sodomite. Terme usité au bagne. »
François Vidocq, Les Voleurs, Physiologie de leurs mœurs et de leur langage, Paris : chez l'auteur, 1837.
Les Voleurs... " Dictionnaire français-argot,
pour servir à l'intelligence du texte ".


« Ces hommes venus au bagne, y organisent la prostitution entre pareils, et elle y fait des prosélytes et même des coryphées. On ne sait pas de quoi sont capables leurs passions dépravées. On dirait qu'une nature, faible mère et complice de ses enfants ravis à la liberté, les a inspirés d'une moralité exceptionnelle qui a ses vices, ses fureurs, ses désespoirs, ses nuits de larmes et de combats. Ce!a est déplorable, mais vrai. Nous n'en parlons que pour forcer les gouvernants à s'élever au-dessus des intérêts de caste et de localité, et à choisir des moyens plus honnêtes de répression.
Ce commerce exige une grande prudence ; il faut surveiller tant de choses : ici comme ailleurs les jaloux, les imprudents, les délateurs, les rieurs et surtout les maîtres, sont des écueils plus ou moins dangereux à éviter. Ici comme sur une scène, où les vices s’agitent dans un champ plus vaste, il est difficile de pouvoir cacher longtemps une vie infâme et qui se déshonore devant témoins. On est puni au bagne presque de la même manière ; les rieurs marquent les coupables du doigt en passant et leur sifflent le mot : " Corvette " – c’est le nom d’un bâtiment de charge. Le jaloux dénonce le rival au surveillant et lui aliène son estime. »
Hubert Lauvergne, Les Forçats considérés sous le rapport physiologique, moral et intellectuel observés au bagne de Toulon, Paris : J B. Baillière, 1841, chapitre V.

« Corvette : jeune sodomite. Terme autrefois utilisé au bagne, et dérivé de l’italien curvato, courbé. »
Francisque Michel, Études de philologie comparée sur l’argot, Firmin-Didot, 1856.

« En résumé, semblable au caméléon qui change, non de forme, mais de couleur, la tante est tantôt appelée tapette, tantôt serinette ; elle est désignée par les marins sous le nom de corvette, mais elle reste toujours un objet d’opprobre. »
Louis Canler, Mémoires, 1862.

« CORVETTE. Homme qui se prête aux passions honteuses d'un autre homme, et qui, pour cela faire, est forcé d'être courbé —  curvato en italien. »
Alfred Delvau, Dictionnaire érotique moderne..., 1864.

« L’Éphestion des Alexandres populaciers, – dans l’argot des voleurs. »
Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte, 1866.

Il a été remarqué dans plusieurs langues européennes qu’un personnage courbé pouvait évoquer l’homosexualité. Cf l’anglais bent. Cf ramasseur de marrons.

« Corvette : Jeune sodomite. Terme usité au bagne, où l’on s’aime comme on peut. »
Jules Choux, 1881.

Aristide Bruant donna le mot parmi de nombreux équivalents argotiques de pédéraste.
Dictionnaire français-argot, 1905.


« Corvette : complaisant d’un pédéraste. »
Hector France, Dictionnaire de la langue verte, 1907, rééd. Nigel Gauvin, 1990

CORYDON

Nom conventionnel dans la poésie pastorale antique. Κορυδον est un nom de berger dans les idylles 4 et 5 de Théocrite ; dans les Bucoliques de Virgile, Corydo est amoureux d’Alexis (églogues 2, 5 et 7). La deuxième églogue eut un grand retentissement ; elle fut la première des dix à être traduite en français :

« L’humble berger Corydon aimait fort
Un Alexis, bel enfant, le confort,
De son seigneur, son soulas, sa plaisance ;
Sans nul espoir d’en avoir jouissance.
[…] »
La Seconde églogue de Virgile, Loïs Grandin [imprimeur et traducteur], 1543.

L’achevé d’imprimer est du 20 septembre 1543 ; la traduction était suivie de cet avis : « Fin de la seconde églogue de Virgile : laquelle ainsi mise en français, si nous connaissons vous avoir plu, nous vous présenterons en bref non seulement les huit [sic] autres, mais aussi bonne partie des œuvres de Virgile. »

Rabelais évoqua avec humour et sympathie ces amours champêtres :

« le bon Pan, qui, comme atteste le berger passionné Corydon, non seulement a en amour et affection ses brebis, mais aussi ses bergers. » (Quart Livre, 1552, chapitre 28). En 1559, Christopher Marlowe publia un poème intitulé " The Passionate Shepherd to His Love "

Libertin/historien...

« Apollon avec ses chansons
Débaucha le jeune Hyacinthe,
Et Corydon foutait Aminthe.
César n'aimait que les garçons ;
On a foutu Mr le Grand (*),
L'on fout le comte de Tonnerre.
Et ce savant roi d'Angleterre
Foutait-il pas le Bouquinquant [Buckingham] ? »
[Note en marge] * de Bellegarde avec Henri III.
Mélanges en vers et en prose, BnF, mss français 15220, ff° 50-51.

Voltaire disait de l’abbé Desfontaines, mauvais traducteur de Virgile :

« Pour Corydon et pour Virgile
Il montre des soins assidus.
Je ne sais s’il est fort habile :
Il les a tous deux corrompus. »
Lettre à Thieriot, 16 août 1743.

Un recueil collectif de poésies, comparant autrefois et aujourd’hui, affirmait :

« Ces dames valent vos bergères
Et ces messieurs vos Corydons. »
Recueil Clairambault-Maurepas, 1879-1884, tome 10 [1783].

On compara le marquis Charles de Villette à Corydon :

« Un de nos célèbres marquis,
La coqueluche de la ville,
Plein des églogues de Virgile,
Brûlait aussi pour Alexis.
Cet Alexis, au printemps de son âge,
N’était point tel que ces pasteurs
D’un froid jargon subtils imitateurs.
C’était Monrose (*) avec l’habit de page ;
Sans habit, c’eût été l’Amour.
L’adolescent n’était pas sans scrupule ;
Il avait très peu lu ; jusqu’à ce jour
Il ignorait Hylas chéri d’Hercule ;
Hiacinthe aimé d’Apollon,
Les honneurs du beau Ganymède
Devenu rival de Junon,
Et le succès de Nicomède [IV Philopator]
Auprès du vainqueur de Caton [César].
Il apprit tout de Corydon. »
Correspondance secrète inédite, édition de Lescure, janvier 1788, tome II, page 95.
(*) Personnage de romans libertins.

Après une longue éclipse, l’emploi de Corydon comme nom commun fut ranimé par Raoul Ponchon :

« Quand les Anglais s’en vont par six
C’est parce que trois Alexis
Veulent au moins trois Corydons
Pour les travaux de Kioupidon ! »
"La pudico-perfide Albion", gazette rimée, Le Courrier Français, 12 juillet 1891.

Après la publication par André Gide de « Corydon – Quatre dialogues socratiques » en mai 1924, ouvrage rendant compte de quatre conversations entre le Dr Corydon et le Visiteur-narrateur, l’emploi du terme retrouva de la vigueur, et plusieurs dérivés appararurent sous la plume des critiques du microcosme littéraire.

« Pour les Corydons, la femme est sans odeur sexuelle et l’amour se joue hors des règles !!! Ce doit donc être par la vue que l’homme est excité sexuellement. Mais alors, dans le couple humain, se demande M. Gide, est-ce vraiment la femme qui est belle ? »
Jean de Gourmont, « Corydon et Anti-Corydon », Mercure de France, 1er octobre 1924.

Dans le numéro 2 d’Inversions, G. d’Autry se penchait sur le sort de celui qui ne connaît pas encore sa nature homosexuelle et pour qui la vie est une énigme : « Il se trouvera en marge du grand Livre, se repliera sur lui-même, jusqu’au jour où trouvant un « Corydon » qui l’éclaire, il apprendra, s’il est encore temps, qu’il existe une société dans la Société, en harmonie avec sa nature. »

« Les justifications morales, artistiques, voire sociales, des Corydons n’y changeront rien. Lorsqu’un malade se met tout à coup à manifester divers troubles mentaux, il ne faut voir dans l’incident initial en apparence que le révélateur d’un déséquilibre latent, depuis longtemps en puissance. Ne devient pas fou qui veut, ne devient pas homosexuel qui veut. »
Dr François Nazier, "Quelques réflexions sur le saphisme", Progrès médical, 10 janvier 1925.

« Notre expérience qui nous met professionnellement en présence de nombreux Corydons en détresse […]
Dr A. Stocker, LAmour interdit. Trois anges sur la route de Sodome, 1945.

« On peut circuler à Saint-Germain-des-Prés, le samedi soir, sans être choqué, alors qu’il y a quinze ou vingt ans, à Pigalle, que d’homosexuels de tous genres s’affichaient, que de petits jeunes gens ostensiblement maquillés déambulaient !
Les différents cercles ou endroits fréquentés par les disciples de Corydon sont en général bien préférables, au point de vue tenue, à ceux qui existaient avant-guerre. »
FUTUR, juillet 1954. 

En 1957 André Du Dognon publia son roman Le Bel âge, ou l’apprenti corydon.

« Corydon devrait être silencieux. »
Dr Georges Heuyer, 1969, in Arcadie, janvier 1970.

Se confirme donc la facilité avec laquelle un nom propre peut devenir un terme générique (voir à ALEXIS)

Enfin, j'apprends grâce à http://www.facebook.com que Corydon est un prénom porté aux U. S. A.


CORYDON(N)ESQUE, CORYDON(N)IEN

« Walt Whitman était assez médiocrement doué sous le rapport d’une certaine intelligence corydonnesque […]Le rédacteur des entretiens corydonnesques, maître ès-plusieurs langues modernes […] M. Prud’homme n’a pas le don d’humour qui est l’ornement de l’esprit corydonnesque. »
Léon Bazalgette, "À propos du Corydon d’André Gide", Europe, 15 août 1924.

"J'avais reconnu en Corydon un acte surprenant de sincérité et de courage, bien que je ne sois pas corydonesque du tout.
Lettre d'Albert Mockel à André Gide, 3 février 1935.

« […] aborder et peut-être liquider une fois pour toutes la question corydonienne. […] Je n’ai connu ni les collèges, ni les casernes, ni ces autres laboratoires moins honorables où les cas corydoniens peuvent être approchés. Mon respect des compétences veut que je me récuse. »
André Germain, « Incidences, Corydon, par André Gide », La Revue Européenne, 1er août 1924.

Dans le Journal de Charles Du Bos, sont mentionnées la « direction corydonnienne » (27 mai 1925), « l’obsession corydonnienne » (5 décembre 1925).

CORYDONISME, CORYDONNERIE

Après la publication par le Dr F. Nazier de L’Anti-Corydon, Louis Estève écrivit dans le n° 3 d’Inversions :

« Les livres spirituels sont les plus décevants ; le pamphlet du Dr Nazier est du nombre ; tout en se proposant de faire contrepoids à la vogue du corydonisme gidien, il n’a pas apporté la solution psycho-morale de la question pédérastique. »

« J'admire Gide, intellect puissamment organisé, dialecticien lucide, styliste à grandes ressources ; mais son corydonisme me répugne. Si la position paradoxale dans laquelle il met son rigorisme calviniste de defensor intransigeant et orthodoxe de thèses hétérodoxissimes est susceptible de m'intéresser, personne ne pourra m'ôter le soupçon que Gide se met de parti pris dans les situations les plus équivoques pour faire parler de lui, de même qu'Alcibiade coupant la queue à son chien. J'admire Gide, mais je n'admire pas le gidisme. »
Lorenzo Gigli, réponse à « Enquête sur André Gide »,  Latinité – Revue des pays d’Occident, janvier-avril 1931.

« Considérons à la lumière de Cambridge les ouvrages qui sont en chantier autour de cet été de 1918. Pendant l'hiver précédent, Gide a peiné sur Corydon, conscient de l'écrire « hors de saison » et à froid à une époque où il prétend avoir déjà trouvé une solution personnelle au dilemme de sa sexualité. Le 8 juin, il s'occupe à parachever son texte, déjà à peu près terminé au mois de janvier (J, I, 1069). Cambridge n'y sera pour rien, si ce n'est pour confirmer, avant la publication éventuelle, la conviction de son auteur que le corydonisme n'est aucunement contre nature, n'allant à l'encontre ni du beau ni du bien. »
David STEEL, « Thésée à Cambridge - 1918 », Colloque « 1918 dans l'itinéraire d'André Gide » [Paris, Sénat, 1988], BAAG, n° 78-79, avril-juillet 1988, pages 25-40.

L’impact du petit livre de Gide est encore marqué des « corydonneries arabes », expression placée par Paul Souday dans son André Gide (1927).

COURIR LA LANCE CONTRE LA LIE DE PAIN

"Je m'en rapporte au Novus Homo [Sanchez] qui fait mention de ces grands personnages qui savent foutre en croupe, pêcher la fiente à la ligne, courir la lance contre la lie de pain, et ce en dépit des sages-femmes, et du baptême."
Antoine Fusi, 1650-1628, jésuite puis pasteur protestant, Le Franc-Archer de la vraie Eglise, II, viii, 1619.

COUSINE

« Enfants, on les appelle mômes ou gosselins, adolescents ce sont des cousines, plus âgés, ce sont des tantes. »
Lorédan Larchey (1831-1902), « Dictionnaire des excentricités du langage », Revue anecdotique des excentricités contemporaines, n°5, septembre 1859.

Selon Delvau, « Pédéraste passif ; variété de Tante. » (Dictionnaire érotique).
« L’Éphestion des Alexandres populaciers, – dans l’argot des voleurs. » (Dictionnaire de la langue verte, 1866).

CRIME ABOMINABLE

"Les anciens poètes enseignaient divers moyens pour se passer du mariage, [...] qui sont des crimes parmi les Chrétiens, et des crimes abominables.
Charles Perrault, Apologie des femmes, 1694 ; cet ouvrage est une critique de la Satire X de Boileau.

« S'il était vrai que la pudeur fût offensée de tous les termes qui peuvent présenter à notre esprit certaines choses dans la matière de la pureté, vous l'auriez bien offensée vous-même [...] Car y a-t-il rien de plus horrible et de plus infâme, que ce que ces mots de crimes abominables présentent à l'esprit ? Ce n'est donc point par là qu'on doit juger si un mot est deshonnête ou non. »
Lettre de Monsieur Arnauld à Perrault, 5 mai 1694, in Boileau, Oeuvres complètes, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade.

« Les femmes vont devenir inutiles ; les jeunes garçons prennent leur place. Ce crime abominable se commet avec toute sorte de liberté ; et il est presque passé en coutume, on n'en rougit plus. Ceux qui le commettent s'en font honneur, croient être à la mode et passent pour galants hommes. Ceux qui ne s'abandonnent pas à ce désordre en ont la réputation ; premièrement parce que le nombre en est fort petit et qu'ils sont confondus avec la foule des criminels. »
Jean Chrysostome (vers 349-407), Contre les détracteurs de la vie monastique, traduction de 1691 citée par Alfred de Vigny, Journal d'un poète, juin 1837 [Sur Antioche, capitale de la province romaine de Syrie, vers l'an 400].


CRIME CONTRE NATURE

« Du crime contre nature »
Montesquieu, De l’Esprit des lois, XII, vi.

« Le mot de bougrerie est appliqué par les uns aux Albigeois qui avaient suivi la même hérésie que les Bulgares ; et ils se fondent sur ce par l’intitulé du chapitre [des Établissements de Saint Louis], où il paraît que l’on n’a eu en vue que les mécréants et hérites, c’est-à-dire hérétiques. Les autres appliquent la première partie de ce chapitre au crime contre nature, parce qu’on a donné le même nom [bougres] à ceux qui s’en rendent coupables : d’ailleurs la manière dont ce chapitre est conçu paraît l’indiquer, puisqu’on y distingue deux espèces de crimes. »
C. C. de L’Averdy, Code pénal, ou Recueil des principales ordonnances, 1752.

CUL

Nous signalons ici les connotations homosexuelles de ce terme.

« Ci-gît un pédant remarquable
Entre les premiers bacheliers
Qui foutaient bien ses écoliers
Et couvrait fort mal leur table.
Les livres qu’il a composés
Ont été si fort méprisés
Qu’on s’en est torché le derrière.
Et tant que le bougre a vécu,
Tout ce qu’il a jamais pu faire
N’a rien servi que pour le cul. »
Anonyme [François Maynard ?], Mélanges en vers et en prose [vers 1620], BnF, mss fr. 15220.

« Caliste m’ayant aujourd’hui
Surpris avec son jeune frère,
Elle m’a reproché, en colère,
Qu’elle avait un cul comme lui ;
En vain, ai-je dit, tu proposes
De donner ce qu’ont les garçons ;
Apprends à mieux nommer les choses,
Pour nous les femmes ont deux cons. »
Denis Sanguin de Saint-Pavin (1595-1670).
[C'est une imitation de l'épigramme XI, xliii de Martial]

« Ainsi, le cul fut de tous temps
Le plaisir des honnêtes gens
Et de Rome et de Grèce ;
Tous nos docteurs [théologiens] l’ont défendu
Mais un auteur plus entendu
Dit qu’il est pour l’individu
Et le con pour l’espèce. »
Claude de Chouvigny de Blot, Chansons libertinesChansons libertines.

« Est-il vrai que le jésuite qui avait enfondré (1)  le cul du prince de Guéménée (2) est mort ? Ne s’appelait-il pas Marsy (3) ? On dit d’ailleurs [par ailleurs] que c’était un garçon de mérite. »
Voltaire, lettre à D’Alembert, 16 mars 1765.
1. Selon Alfred Delvau, « Effondrer = Enfoncer, dans l’argot des voyous. » (Dictionnaire de la langue verte).
2. Henri Louis Marie, prince de Rohan.           
3. François Marie de Marsy, 1714 / 16 décembre 1763.

« Au milieu de cela s’offrait, sans qu’on eût la peine d’écarter, un orifice immense dont le diamètre énorme, l’odeur et la couleur le faisaient plutôt ressembler à une lunette de commodités qu’au trou d’un cul ; et pour comble d’appas, il entrait dans les petites habitudes de ce pourceau de Sodome de laisser toujours cette partie-là dans un tel état de malpropreté qu’on y voyait sans cesse autour un bourrelet de deux pouces d’épaisseur. »
Marquis de Sade, Les Cent vingt journées de Sodome, Introduction, Paris : Gallimard, 1990, édition Michel Delon.

« 39. Le soir, Cupidon est livré en cul. »
« 151. Ce même soir, Zéphire est livré pour le cul. »
Marquis de Sade, Les Cent vingt journées de Sodome, [1785], 3ème partie, Œuvres, Paris : Gallimard, 1990, édition Michel Delon.

Sade encore :

« Foutre des Saints et de la Vierge,
Foutre des Anges et de Dieu !
Sur eux tous je branle ma verge,
Lorsque je veux la mettre en feu...

C'est toi que j'invoque à mon aide,
Toi qui dans les culs, d'un trait raide,

Lanças le foutre à gros bouillons !
Du Chaufour, soutiens mon haleine,
Et pour un instant, à ma veine
Prête l'ardeur de tes couillons.

Que tout bande, que tout s'embrase ;
Accourez, putains et gitons :
Pour exciter ma vive extase,
Montrez-moi vos culs frais et ronds,

Offrez vos fesses arrondies,
Vos cuisses fermes et bondies,

Vos engins raides et charnus,
Vos anus tout remplis de crottes ;
Mais, surtout, déguisez les mottes :
Je n'aime à foutre que des culs.

Fixez-vous, charmantes images,
Reproduisez-vous sous mes yeux ;
Soyez l'objet de mes hommages,
Mes législateurs et mes Dieux !

Qu'à Giton l'on élève un temple
Où jour et nuit l'on vous contemple,

En adoptant vos douces mœurs.
La merde y servira d'offrandes,
Les gringuenaudes de guirlandes,
Les vits de sacrificateurs.

Homme, baleine, dromadaire,
Tout, jusqu'à l'infâme Jésus,
Dans les cieux, sous l'eau, sur la terre,
Tout nous dit que l'on fout des culs ;

Raisonnable ou non, tout s'en mêle,
En tous lieux le cul nous appelle,

Le cul met tous les vits en rut,
Le cul du bonheur est la voie,
Dans le cul gît toute la joie,
Mais, hors du cul point de salut.
Dévots, que l'enfer vous retienne :
Pour vous seuls sont faites ses lois ;
Mais leur faible et frivole chaîne
N'a sur nos esprits aucun poids.

Aux rives du Jourdain paisible,
Du fils de Dieu la voix horrible

Tâche en vain de parler au cœur :
Un cul paraît, passe-t-il outre ?
Non, je vois bander mon jean-foutre.
Et Dieu n'est plus qu'un enculeur.

Au giron de la sainte Église,
Sur l'autel même où Dieu se fait,
Tous les matins je sodomise
D'un garçon le cul rondelet.

Mes chers amis, que l'on se trompe
Si de la catholique pompe

On peut me soupçonner jaloux.
Abbés, prélats, vivez au large :
Quand j'encule et que je décharge,
J ai bien plus de plaisirs que vous.

D'enculeurs l'histoire fourmille,
On en rencontre à tout moment.
Borgia, de sa propre fille,
Lime à plaisir le cul charmant ;

Dieu le Père encule Marie ;
Le Saint-Esprit fout Zacharie :

Ils ne foutent tous qu'à l'envers.
Et c'est sur un trône de fesses
Qu'avec ses superbes promesses,
Dieu se moque de l'univers.

Saint Xavier aussi, ce grand sage
Dont on vante l'esprit divin,
Saint Xavier vomit peste et rage
Contre le sexe féminin.

Mais le grave et charmant apôtre
S'en dédommagea comme un autre.

Interprétons mieux ses leçons :
Si, de colère, un con l'irrite,
C'est que le cul d'un jésuite
Vaut à ses yeux cent mille cons.

Près de là, voyez saint Antoine
Dans le cul de son cher pourceau,
En dictant les règles du moine,
Introduire un vit assez beau.

À nul danger il ne succombe ;
L'éclair brille, la foudre tombe,

Son vit est toujours droit et long.
Et le coquin, dans Dieu le Père
Mettrait, je crois, sa verge altière
Venant de foutre son cochon.

Cependant Jésus dans l'Olympe,
Sodomisant son cher papa,
Veut que saint Eustache le grimpe,
En baisant le cul d'Agrippa.

Et le jean-foutre, à Madeleine,
Pendant ce temps, donne la peine

De lui chatouiller les couillons.
Amis, jouons les mêmes farces :
N'ayant pas de saintes pour garces,
Enculons au moins des gitons.

Ô Lucifer ! toi que j'adore,
Toi qui fais briller mon esprit,
Si chez toi l'on foutait encore,
Dans ton cul je mettrais mon vit.

Mais puisque, par un sort barbare,
L'on ne bande plus au Ténare,

Je veux y voler dans un cul.
Là, mon plus grand tourment, sans doute,
Sera de voir qu'un démon foute,
Et que mon cul n'est point foutu.

Accable-moi donc d'infortunes,
Foutu Dieu qui me fais horreur ;
Ce n'est qu'à des âmes communes
À qui tu peux foutre malheur :

Pour moi je nargue ton audace.
Que dans un cul je foutimasse,

Je me ris de ton vain effort ;
J'en fais autant des lois de l'homme :
Le vrai sectateur de Sodome
Se fout et des Dieux et du sort. »
Marquis de Sade, Histoire de Juliette [1801], 4ème partie [paraphrase (parodie) de l’Ode à Priape d'Alexis Piron], in Œuvres, Paris : Gallimard, 1998, collection "Bibliothèque de la Pléiade", édition Michel Delon.


« Des soins divers, mais superflus,
De Fiévée (*) occupent la vie :
Comme bougre il tache les culs,
Comme écrivain, il les essuie. »
Michaud, Petite biographie des gens de lettres, 1826.
(*) Joseph Fiévée, 1767-1839, écrivain et agent secret.

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne, 1864.


« Droits du cul » : expression employée, en français dans le texte, par Friedrich Engels dans une lettre du 22 juin 1869 à Karl Marx, au sujet du mouvement homosexuel allemand qui faisait alors son apparition. Texte cité dans mes Notes sur le marxisme.

« Gide me fait toujours moins rigoler avec ses troufignolages. Il faut que les membres du Nobel suédois soient aussi secrètement très préoccupés par les questions d’anus pour avoir décerné leur palme à ce grand propagandiste ! On les dit très puritains pourtant les membres (oh oh oh) du Nobel ! (L’affreux esprit!) voyez-vous Gide est un auteur avant tout à la mode, pas du tout un écrivain. Un écrivain avant tout comme un peintre ou un poète il faut qu’il transpose. Gide est un notaire - je crois un excellent critique - mais tout de prose - aucune transe chez lui si ce n’est à la vue des fesses du petit bédouin. La belle histoire ! Sa chance a été que l’adultère n’intéresse personne. Qu’Emma Bovary se fasse enfiler en fiacre par Léon cela n’intéresse plus cent lecteurs. Léon à présent doit se faire enculer au moins par deux débardeurs jaloux dans les bas quartiers de Rouen. Et cet intérêt sera bref. On attend le grand romancier de la Partouze - "Vous avez juré de ne pas éjaculer dans ma femme, Monsieur !"

Tel sera le Porto-Riche de demain.

Il y a un cycle des histoires du trou du cul. Le Satyricon ? on ne fera jamais mieux. Le Christianisme est passé par là, qui endeuille tout. Cependant, Flaubert avait un sacré tempérament. Gide est un cuistre tarabiscoté - un Alain riche. C’est bien le diable s’il ne sort pas dix Gides de l’École Normale chaque année. »
Louis-Ferdinand Céline, lettre à Ernst Bendz, 22 janvier 1949.


CULISTE

« Hotman n'est point culiste
Mais bon coniste ;
Hotman n'est point culiste
Comme nous tous.
Mais s'il se trouvait un page au gîte [giste]
Qui lui fît un peu les yeux doux,
Quoiqu'il soit beaucoup formaliste,
Il le serait au moins autant que nous. »
Chansonnier Maurepas, année 1677, mss fr BnF 12619, tome 4. Vincent Hotman (? - 1683), administrateur de Paris et connu pour sa morale rigoureuse.

« Il n’est à présent que des sots
Qui se disent conistes ;
Les philosophes, les héros,
Ont tous été culistes. »
Recueil du Cosmopolitique, 1735.

« Culiste : Homme qui préfère le cul au con ; élevé sans doute à l’école anormale des RRPP Jésuites. »
Delvau.


Dérivé russe : КУЛИЗМ

Lettre B
Lettre D



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