vendredi 16 août 2024

L'AMOUR GREC CHEZ LES SÉNÈQUE



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Ces petits Grecs...

 

Lucius Annaeus Seneca, Epistolae morales ad Lucilium,
BnF/Gallica, manuscrit latin 8658 A.


SÉNÈQUE LE PÈRE [dit aussi LE RHÉTEUR] (vers -60/39), écrivain latin d'origine espagnole (de l'actuelle Cordoue), père de Sénèque le Jeune et grand-père de Lucain,

Controverses et Déclamations, Loeb Classical Library (LCL) ; traduction Henri Bornecque, Garnier, 1932. Texte latin sur Perseus :
I Préface, 8 : " La passion malsaine de chanter et de danser remplit l'âme de nos efféminés ; s'onduler les cheveux, rendre sa voix assez ténue pour égaler la caresse des voix féminines, rivaliser avec les femmes pour la mollesse des attitudes, s'étudier à des recherches très obscènes, voilà l'idéal de nos adolescents ; amollis et énervés dès leur naissance, ils le restent volontiers, toujours prêts à attaquer la pudeur des autres et ne s'occupant pas de la leur. " [cantandi saltandique obscena studia effeminatos tenent, et capillum frangere et ad muliebres blanditias extenuare uocem, mollitia corporis certare cum feminis et immundissimis se expolire munditiis nostrorum adolescentium specimen est. Cité par Michel Foucault].
VII, iv, 7-8 : Calvus : il [Pompée] gratte sa tête avec un doigt ; que cherche-t-il ? un mec [dicit de Pompeio :
digito caput uno
Scalpit. quid credas hunc sibi uelle ?
virum].

Controverses choisies [Excerpta Controversiae], IV, 10 : Hatérius : l'impudicité est un crime pour l'homme libre, une nécessité pour l'esclave et un devoir pour l'affranchi. Les serviables ou complaisantsofficiosi. [Memini illum cum libertinum reum defenderet, cui obiciebatur quod patroni concubinus fuisset, dixisse: inpudicitia in ingenuo crimen est, in seruo necessitas, in liberto officium. Res in iocos abiit: ‘non facis mihi officium’ et ‘multum ille huic in officiis uersatur.’ ex eo inpudici et obsceni aliquamdiu officiosi uocitati sunt.] ;


SÉNÈQUE LE JEUNE (-4/65), homme d'État, précepteur de Néron et philosophe stoïcien, fils du précédent,

Dialogues, CUF (Budé), LCL. Texte latin sur Perseus :
Des bienfaits, II, 21, 1 : un homme impur dont le corps est prostitué et la bouche infâme [Illud magis venire in aliquam disputationem potest, quid faciendum sit captivo, cui redemptionis pretium homo prostituti corporis et infamis ore promittit.].
De la brièveté de la vie, XII, 2 : tu l'appelles oisif celui qui dans la palestre (les vices dont nous souffrons ne sont même pas romains !) s'assied pour regarder les rixes de garçons [Illum tu otiosum vocas qui Corinthia, paucorum furore pretiosa, anxia suptilitate concinnat et maiorem dierum partem in aeruginosis lamellis consumit? Qui in ceromate (nam, pro facinus ! ne Romanis quidem vitiis laboramus) spectator puerorum rixantium sedet ?].
Consolation à Marcia, traduction sur Remacle.org :
XVII, 4 : le tyran Denys recrutera mâles et femelles pour assouvir son désir ; ce sera peu que de prendre part à deux accouplements en même temps. [Probablement une extrapolation].

De la providence, traduction J. Baillard, Paris : Hachette; 1861 :
V, 3 : Eh bien quoi ? Il est donc injuste que des braves prennent les armes, veillent la nuit dans les camps, et couverts de blessures et d’appareils se tiennent debout sur la tranchée, tandis que, dans la ville, des eunuques, des débauchés de profession vivent en pleine sécurité ? [" At iniquum est virum bonum debilitari aut configi aut alligari, malos integris corporibus solutos ac delicatos incedere." Quid porro ? Non est iniquum fortes viros arma sumere et in castris pernoctare et pro vallo obligatis stare vulneribus, interim in urbe securos esse percisos et professos impudicitiam ? Quid porro ? Non est iniquum no- bilissimas virgines ad sacra facienda noctibus excitari, altissimo somno inquinatas frui ?].

Lettres à Lucilius [Ad Lucilium Epistulae Moralescorrespondance parfois crue fictive], CUF, LCL ; traduction d'extraits par Pierre Miscevic/Pocket/1990, avec dossier. Texte latin sur Perseus :
XXXV, 1 : celui qui aime n'est pas toujours un ami ;
XLVII, 7 : un autre esclave, qui sert le vin, doit se parer comme une femme, s'évertue à démentir son âge [...] glabre, il se rase ou s'épile [...] dans la chambre, c'est un jules, dans la salle à manger, c'est un garçon [Alius vini minister in muliebrem modum ornatus cum aetate luctatur ; non potest effugere pueritiam, retrahitur, iamque militari habitu glaber retritis pilis aut penitus evulsis tota nocte pervigilat, quam inter ebrietatem domini ac libidinem dividit et in cubiculo vir, in convivio puer est.] ;
XLIX, 12 : double pudicité, celle qui est abstinence du corps d'un autre, et celle qui ménage le sien [cité par C. A. Williams] ;
LII, 12 : l'impudique est dénoncé par sa démarche, un mouvement de la main, parfois une simple répartie, le fait de ramener un doigt à sa tête, une façon de couler le regard ;
LXVI, 53 : me faire masser par des esclaves prêts à se prostituer [exolètes], me faire pétrir les doigts par un homme travesti en courtisane [muliercula] ;
XCV, 21, 24 : bataillons de garçons [puerorum] qui au bout du festin passent dans la chambre ; troupes d'exolètes à la peau douce ;
XCVII, 2 : stupre exigé des adolescents nobles [allusion au procès de Clodius en -61 ; cf Cicéron] ; XCIX, 13 : impudicités mutuelles de certains hommes ;
CI, 15 : des hommes livrent volontairement leurs fils [liberos] au stupre ;
CXIV, 3 : si un homme est efféminé, on peut reconnaître sa mollesse à sa démarche [Si ille effeminatus est, in ipso incessu adparere mollitiam];
CXIV, 4 : on sait comment Mécène marchait, combien il était délicat [Quomodo Maecenas vixerit notius est, quam ut narrari nunc debeat, quomodo ambulaverit, quam delicatus fuerit, quam cupierit videri, quam vitia sua latere noluerit.] ;
CXIV, 6 : " Lui qui, au plus fort du fracas des guerres civiles, quand la ville inquiète était en armes, s'avançait en public escorté de deux eunuques, qui étaient encore plus virils que lui. Lui qui épousa mille femmes, bien qu'il n'en posséda qu'une (1). [Hunc esse, cui tunc maxime civilibus bellis strepentibus et sollicita urbe et armata comitatus hic fuerit in publico spadones duo, magis tamen viri quam ipse ? Hunc esse, qui uxorem milliens duxi, cum unam habuerit ?
1. Note de Pierre Miscevic : " Térentia avec qui il entretenait des relations orageuses. Mais Mécène semble avoir été davantage porté sur les garçons. "]

CXXIII, 10 : pas de petit amant [puer] pour exciter la jalousie de ta maîtresse [amica] (2) ;
15-16 : Selon les Stoïciens : " seul le sage sait être un amateur ; cherchons jusqu'à quel âge les jeunes [juvenes] doivent être aimés " [cité par Montaigne, Essais, II, xii] ; ceci est une concession aux mœurs de la Grèce. [Hoc enim iactant: solum sapientem et doctum esse amatorem. " Solus sapit ad hanc artem; aeque conbibendi et convivendi sapiens est peritissimus. Quaeramus, ad quam usque aetatem iuvenes amandi sint." Haec Graecae consuetudini data sint,]
2. Note de Pierre Miscevic : " On voit que l'homosexualité est chose courante et évidente à l'époque de Sénèque et particulièrement dans le milieu qui fut le sien. On pense aussi bien sûr aux héros du roman de Pétrone ".

Questions naturelles, CUF, LCL :
I, xvi, 1 : obscénité d'Hostius Quadra ; 2 : ses désirs allaient aux hommes comme aux femmes ; il avait des miroirs grossissants pour agrandir les membres des hommes auxquels il se livrait, et voir tous les mouvements du complice qui était derrière lui ; il jouissait de la grandeur trompeuse du membre lui-même [cité par Montaigne, Essais, II, xii] ; 3 : Hostius courait les bains publics pour choisir des hommes ; il était spectateur de ses infamies [flagitiorum, nefanda] ; 4 : comme il ne pouvait apercevoir toutes choses quand il avait la tête dans les parties secrètes de ses compagnons de débauche, c'est par réflexion qu'il s'en offrait le spectacle ; 5 : il pouvait voir les hommes auxquels il se livrait de toutes manières ; parfois il était partagé entre un mâle et une femme ; 7 : marem exerceo " j'exerce sur un mâle ".
VII, xxxi : " Ce qui nous reste d'extérieur mâle, nous l'effaçons sous le luisant de nos corps épilés. Nous avons vaincu les femmes en toilette; les couleurs que portent les courtisanes, que les dames romaines ont dû s'interdire, nous, Romains, nous les avons prises. On va d'une molle et languissante allure, d'un pas indécis : ce n'est plus en homme que l'on marche, c'est en femmelette. Des bagues ornent nos doigts; chaque phalange a sa pierre précieuse. Tous les jours nous imaginons de nouveaux moyens de dégrader notre sexe ou de le travestir, ne pouvant le dépouiller : l'un livre au fer ce qui le fait, homme ; la plus vile bande du cirque devient le refuge de cet autre, loué pour mourir, armé pour l'infamie. Même ruiné, il pourra fournir à sa frénésie : il a bien choisi. " (traduction J Baillard, 1861).



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