" Il n'est pas du tout à
la mode, c'est un vrai damoiseau. "
Madame [princesse Palatine, belle-sœur de Louis
XIV], lettre du 13 décembre 1718, parlant de son fils le Régent.
Connotation hétérosexuelle, par opposition au " vice à la mode ".
Connotation hétérosexuelle, par opposition au " vice à la mode ".
DAUFER
« DAUFER : satisfaire une passion pédéraste. »
Évariste Nouguier, Dictionnaire d'argot, 1899-1900.
DAUPHIN
« de sout’neur dev’nir dauphin »
Émile Chautard, Goualantes
de la Villette et d’ailleurs, 1929.
DÉBAUCHE NATURELLE
« L'aventure de MM. de La Ferté, Biran, Colbert,
Argenson est bien infâme; ils ne sont que les malheureux d'une nombreuse
confrérie. Nos pères n'étaient pas plus chastes que nous, mais ils se
contentaient d'une débauche naturelle. On brode à présent sur les vices,
on les raffine. »
Lettre
de La Rivière à Bussy-Rabutin, 5 février 1680.
DÉCULER, DÉSENCULER
« Je suis en état de foutre dix coups sans désenculer. »
Le Bordel apostolique institué par Pie VI pape en
faveur du clergé de France,
« Réponse », 1790 [BnF, Enfer 602].
« L'Italien, déculant son homme, nous offre un vit sec et mutin, maintenant propre à toutes sortes d'attaques. »
Marquis de Sade, Histoire de Juliette, VIe partie, Paris : Gallimard, 1998, édition Michel Delon.
« Ces
pieuses dissertations terminées, le moine décula son giton. »
Marquis
de Sade, La nouvelle Justine, VIIe partie, Paris :
Gallimard, 1995, édition Michel Delon.
DÉFAUT
Pierre Daniel Huet (sur l'humaniste italien Ange Politien) : « Je ne dis rien de ses mœurs, et de sa religion. Il a eu sur cela une réputation fort équivoque, et ce défaut qui est capital, a obscurci toutes ses autres vertus ; d'autant plus que son caractère de Prêtre, et son emploi de Chanoine, requéraient une vie réglée, et des mœurs exemplaires. »
Huetiana, ou pensées diverses de M. Huet, VII, publié par l'abbé Pierre-Joseph d'Olivet (1682-1768).Paris : J. Estienne, 1722.
Antoine Aubriet signale, dans sa Vie de Cambacérès (1824), que les contemporains lui reprochaient un " petit défaut ".
DÉLICAT
Du latin delicatus (dérivé de deliciae) désirable, voluptueux, fin, avec déjà une connotation homosexuelle chez Jérôme (lettre XIV) et Sénèque (Lettres à Lucilius, CXIV)
« Pour souligner l’ « ordre et venuste elegance » de la dame Méridienne, l’auteur du deuxième conte fait allusion non seulement aux apparitions de Vénus à Mars, d’Adonis à Vénus, et de Psyché à Cupidon, mais aussi à celle de « l’enfant delicat Ganimedes au souverain Juppiter lorsqu’il le ravit ».
Les Contes amoureux par Madame Jeanne Flore, vers 1542, édition critique par Régine Reynolds-Cornell, Textes et Contre-Textes no 5, Saint-Étienne, Publications de l’Université
de Saint-Étienne, 2005, page 92. »Cité par Gary Ferguson dans son texte « Jeanne Flore pédéraste », in DEBROSSE (Anne), SAINT MARTIN (Marie) (dir.), Horizons du masculin. Pour un imaginaire du genre, Paris : Classiques Garnier, 2020, page 474.
Cette
épître « À celle qui se reconnaîtra » est attribuée au marquis de
Villette ou au comédien Jacques M. (de) Monvel :
« Tout
le monde a des ridicules,
Mais
n’a pas des vices qui veut.
Du
tien ne va pas te défaire,
Dans
la Grèce on en faisait cas
Et
sur le vice, on sait, ma chère,
Que
les Grecs étaient délicats. »
Mémoires
secrets, tome 14, 16 octobre 1779.
« Un jeune homme très délicat [...] la délicatesse en personne »
Joseph Méry, Monsieur Auguste, Paris : A. Bourdillat, 1859, cité par Michael Rosenfeld, " Écrire et escamoter l'amour entre hommes sous le Second Empire : Monsieur Auguste et Le Comte Kostia ", dans " Écrire les homosexualités au XIXe siècle ", Littératures, n° 81, 2019.
« Délicat et blond, adj. Se dit,
ironiquement, d’un gandin, d’un homme douillet, quelles que soient la couleur
de ses cheveux et la vigueur de son corps. »
Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte,
2e édition, 1883.
« Les philosophes grecs aimaient les belles
formes. Leur cœur s’attachait de préférence aux nobles lignes que les beaux éphèbes
déployaient dans les exercices du gymnase […] quelques esprits délicats
de nos jours, heurtés par le côté bassement matériel de l’amour, par le
prosaïsme des rapports journaliers, frappés de l’incomplet des formes
féminines, du manque d’esthétique de leur amitié toujours peu sûre, ont jugé
que la passion ordinaire ne pouvait jamais atteindre à ce haut point de
désintéressement où se joue l’amitié entre hommes. L’amitié-passion, voilà le
remède que vous cherchez. »
Paul Verlaine, La Vie parisienne, 26 septembre
1891.
André
Gide avait noté quelque part que sa mère le trouvait délicat.
Émile Zola : " L’incertitude peut commencer au simple aspect physique, aux grandes lignes du caractère : l’homme efféminé, délicat, lâche ; la femme masculine, violente, sans tendresse. Et elle va jusqu’à la monstruosité constatée, l’hermaphrodisme des organes, les sentiments et les passions contre nature. Certes, la morale et la justice ont raison d’intervenir, puisqu’elles ont la garde de la paix publique. Mais de quel droit pourtant, si la volonté en est en partie abolie ? On ne condamne pas un bossu de naissance parce qu’il est bossu. Pourquoi mépriser un homme d’agir en femme s’il est né femme à demi ? "
Lettre au Dr Laupts (G. Saint-Paul), 25 juin 1895.
Anonyme : " Il me semblait être trop faible, trop joli, trop délicat pour dormir avec une femme à laquelle je ressemblais trop, et d’ailleurs je n’aurais jamais eu ce courage. " Roman d'un inverti-né, II, 1889 (lettres à Zola).
« Royaume-Uni
Le "stray" nouveau est arrivé (Société), par Béatrice Colbrant :
Selon
une étude britannique, une nouvelle race d’hommes vient de faire son apparition
: le "stray", intermédiaire entre l’homme gay traditionnel et
le "straight", terme réservé à l’hétéro de base. Le stray
serait ainsi un straight déguisé en gay et cela en vue de séduire le plus grand
nombre de femmes possible. Des femmes, dit-on, de plus en plus attirées par le
look délicat, voire inoffensif, du copain gay toujours prêt à écouter et
à rendre service. Référence oblige : on se souvient de Warren Beatty dans "Shampoo",
prototype du stray s’attirant les succès féminins sous les dehors les plus
détachés. Tout homme outre-Manche est désormais qualifié de "GUPO":
"Gay until proven otherwise" (Gay jusqu’à preuve du
contraire). »
Têtu quotidien, 2 avril 2003.
DÉLICES
Du latin classique deliciae,
voluptés, objet d'amour.
La connotation homosexuelle du terme provient
probablement de ces célèbres vers de Virgile :
Formosum pastor Corydon
ardebat Alexim,
Delicias domini, nec, quid speraret, habebat.
« Pour
le bel Alexis, délices de son maître,
Le
pâtre Corydon se consumait en vain » (traduction Paul Valéry).
La
Renaissance le ranime :
« Des
filles n’avons nul besoin
Car
avons-nous pas nos novices
Avec
lesquels prenons soin
De
trouver toutes nos délices
Et
ce faisant n’avons point peur
D’en
avoir aucun déshonneur. »
Recueil Maurepas, BnF, mss fr 12616, année 1566, tome
1, page 160, « Chanson d’un cordelier sorbonniste ».
Ainsi mon favori gay
m'entretiendra,
Je ne désire pas que l'on cueille
mon fruit,
Comme un peuple ignorant
dedans l'ombreuse nuit,
Ni comme un courtisan tout à
la dérobée."
Oeuvres poétiques du
capitaine Laphrise, " Stances de
la délice d'amour ", 1597.
« Pourceau le plus cher d’Épicure,
Qui, contre les lois de nature,
Tournez vos pages à l’envers,
Et qui, pris aux chaînes des vices
Vous plongez dedans leurs délices,
J’ai des limbes entendu vos vers. »
Sieur de Sigognes, Ode, in Cabinet satyrique
ou Recueil parfait des vers piquants et gaillards de ce temps, 1618.
Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706 : délices
Sade : « Ce singulier Dolmancé […] sodomite par
principe, […] les délices de Sodome lui sont aussi chers comme agent que
comme patient. »
Marquis de Sade, La Philosophie dans le boudoir
(1795), I, Paris, Gallimard, 1998, édition Michel Delon.
Paul Bourget : « C'était le collège qui continuait à les lier l'un à l'autre, et les souvenirs d'enfance. Leur enfance ?... Armand, qui tournait la rue Royale et gagnait les Champs-Élysées, se rappela soudain le défilé de la pension Vanaboste, le jeudi, et la promenade trois par trois, sous la surveillance d'un pauvre diable de maître d'étude qui cherchait à se dissimuler parmi les groupes pour avoir l'air d'un passant comme les autres et non pas d'un chien de cour chargé de garder un troupeau d'élèves. Et quel troupeau ! La plupart avait le teint pali, les yeux creusés, un appauvrissement énervé de tout l'être qui disait de secrètes débauches. Que d'ignominies et de bassesses dans ce monde où les plus âgés avaient dix-neuf ans, où les plus jeunes en avaient huit ! Entre les murs de la prison, comme entre les murs du grand lycée où ils se rendaient deux fois par jour, il n'était question que d'infâmes amours entre ces grands et ces petits. Parmi ces amours contre nature, les unes étaient franchement sensuelles et avaient pour théâtres tous les coins déserts de la maison, depuis les dortoirs jusqu'à l'infirmerie. Et parmi les jeunes Français internés dans des collèges semblables, combien participaient à cette luxure, et les autres se salissaient l'imagination en la repoussant ! Il y avait aussi entre ces collégiens des liaisons exaltées et chastes. La lecture d'une certaine égloque de Virgile, d'un dialogue de Platon, de quelques sonnets de Shakespeare montaient la tête aux plus littéraires, et Alfred Chazel avait un jour reçu, étant en troisième, une pièce de vers écrite par un rhétoricien de Henri IV, qui commençait par ce vers prodigieux dont ils avaient ri comme des fous :
Alfred, mon pâle Alfred, mon Aimé, mes Délices... »
Un Crime d'amour, Paris : Alphonse Lemerre, 1886.
DÉLIT D’ÉPINE
« ESPINE, c'est-à-dire le dos, à cause de l'épine du dos ; & le délit d'espine, c'est-à-dire, la Sodomie. C’est pourquoi Monstrelet [vers 1390-vers 1453] dit que quelques uns furent brûlés à la Grève pour avoir commis le délit d’espine. »
Pierre Borel (vers 1620-1671), Dictionnaire des termes du vieux françois ou Trésor des recherches et antiquités gauloises et françoises, Paris : Briasson, 1750 [Paris : A. Courbé, 1655], à l’article ESPINE.
DÉLIT D'HOMOSEXUALITÉ
« Ce n’est pas seulement l’article 331 du Code
pénal concernant le délit d’homosexualité qui aurait besoin d’être
revu et assoupli. »
Daniel Guérin, " La Répression de l’homosexualité
en France ", La Nef [Nouvelle équipe française], janvier 1958.
Les mentions « homosexualité » et
« homosexualité avec mineurs » dans les tableaux des deux séries
statistiques du Ministère de la Justice (adultes, mineurs) ont amené certains à
parler, après Daniel Guérin, de délit d’homosexualité.
On peut mentionner une troisième série de données,
celle de la Direction de l’Éducation surveillée (publiée par l’INSEE). En
1966, 36 garçons de moins de 15 ans avaient été amenés devant les juges pour
enfants au titre de l’infraction « homosexualité » (sic). Jusqu’en
1974, 60 à 80 mineurs de moins de 21 ans étaient mis en cause chaque année.
Dans l’Encyclopédie Dalloz – PÉNAL, la rubrique
« Attentats aux mœurs » date de 1967 ; l’article 2 de la section
2 (attentat à la pudeur sans violence) comporte un § 3 intitulé « Délit
d’homosexualité », expression reprise plusieurs fois, dans les
sous-titres, « A. Éléments constitutifs du délit d’homosexualité »
et « B. Répression du délit d’homosexualité », et dans le
corps du texte : « L’ordonnance du 8 février 1945 […] a
judicieusement placé le délit d’homosexualité à l’article 331 du Code
pénal qui vise essentiellement la satisfaction de passions personnelles. »
" Quant
au délit d'homosexualité, il n'apparaît dans l'arsenal des lois
françaises qu'avec la loi de Vichy du 6 août 1942. "
Appel
pour la révision du Code pénal, Le Monde, 22-23 mai 1977.
« Le
vote de la loi du 23 décembre 1980 et les tentatives d’abrogation du délit
d’homosexualité. »
Gisèle
Halimi, Rapport N° 602, 1981-1982, AN, séance du 10 décembre 1981.
« En deuxième lecture votre Haute Assemblée,
insensible tant aux changements d’option de l’exécutif qu’à l’opinion de
l’Assemblée nationale, a maintenu fermement sa position initiale : le délit
d’homosexualité devait disparaître de nos lois. »
Robert
Badinter, Garde des Sceaux, Sénat, séance du 5 mai 1982.
« La suppression du délit d’homosexualité
ne figure ni dans le projet socialiste de 1980, ni dans les 110 propositions du
candidat Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981. »
Étienne Dailly, Rapport N° 457, 1981-1982,
Sénat, séance du 7 juillet 1982.
Mme
Élisabeth Guigou était revenu sur cet aspect de la première alternance :
« C’est […] le 29 avril 1981 […] que le candidat
François Mitterrand déclarait que l’homosexualité devait cesser d’être
un délit. À cette époque elle figurait encore dans le Code pénal,
et c’est Robert Badinter qui la fit disparaître. »
Assemblée nationale, séance du 30 mars 1999.
S’il est évidemment faux que l’homosexualité ait été
illégale en France après 1942, il est tout aussi faux qu’elle ait été légale.
Même avant 1942, en 1924, la revue L’Inversion/L’Amitié fut poursuivie
et condamnée (en 1926) pour outrage aux bonnes mœurs. On sait que de 1960 à 1980
l’homosexualité a été une circonstance aggravante de l’outrage public à la
pudeur, que la législation faisait, jusqu'à la loi Taubira du 4 août 2014 (dont l'article 26 supprime dix occurrences de cette expression bonnes mœurs dans le Code civil et quatre autres codes) notamment obligation d’user de
la chose louée « en bon père de famille » (Code civil, article 1728, 1°) et que la
Préfecture de Police de Paris a longtemps comporté un « Groupe de contrôle
des homosexuels ».
La conduite automobile sur la voie publique est
autorisée à partir de 18 ans. La liberté des relations sexuelles entre majeurs, de 1974 à 1982, n’était pas du même ordre. Il y avait autour de l’homosexualité,
des actes dits en termes moyen-âgeux « impudiques ou contre nature », un contexte, un
climat, une histoire, un encadrement juridique et administratif, qui donnaient
une certaine pertinence à l’expression délit d’homosexualité, et à celle
de dépénalisation qui suivit.
DÉSHOMOÉROTISATION
« Au moment où Narcisse contemple son image reflétée dans l’eau de la fontaine, la description de sa beauté – celle de l’éphèbe longuement détaillée par Ovide39 – est omise par Jeanne Flore. Ce souci de ce que l’on pourrait appeler la « déshomoérotisation » du récit va même pousser l’auteur renaissant à changer le sexe de l’image dont le jeune homme tombe amoureux. Dans les Métamorphoses, Narcisse est attiré tout naturellement par ce qu’il croit être un jeune homme qu’il désire embrasser. Le Narcisse des Comptes amoureux « va contemplant avec ung subtil et amoureux regard l’excellente beaulté qui luy faict à croyre que quelque Déesse soit du hault ciel descenduë. Dont la saluë il, et reverentement s’encline devant elle ». Cette déshomoérotisation nécessite, en revanche, une certaine effémination du sujet masculin. Pour que le garçon tombe amoureux non pas d’un garçon mais d’une fille, le garçon doit ressembler à une fille. »
Gary Ferguson, « Jeanne Flore pédéraste », in DEBROSSE (Anne), SAINT MARTIN (Marie) (dir.), Horizons du masculin. Pour un imaginaire du genre, Paris : Classiques Garnier, 2020, pages 481-482.
DÉSORDRE
La connotation homosexuelle de ce terme est faible,
mais amusante rapportée à plusieurs remarques de Flaubert relative à
l’ironie de l’ordre que constituerait l’émergence de l’homosexualité dans une
situation officielle :
« SODOMIE, s. f. (Gram. & Jurisprud.)
est le crime de ceux qui commettent des impuretés contraires même à l'ordre de
la nature (i) ; ce crime a pris son nom de la ville de Sodome, qui périt
par le feu du ciel à cause de ce désordre abominable qui y était
familier. »
Encyclopédie,
tome XV, 1765, colonne 266, par Antoine-Gaspard Boucher d'Argis (1708-1791).
[texte complet de l’article au mot sodomie]
« Comme les jeunes gens, qui se prostituaient à
ce désordre n'étaient, comme ils ne sont encore en général, que des
coiffeurs, des perruquiers, des jockeys, des domestiques sans condition, on les
envoyait assez communément à Bicêtre, pour un, deux, trois ou six mois, suivant
que le lieutenant de police en prononçait sur le rapport de l'inspecteur ou du
commissaire. Quant à ceux avec qui on les trouvait, on en prenait le nom, et
quelquefois on les rançonnait. »
Jacques Peuchet, Article « Pédérastie », Encyclopédie
méthodique, tome 112 (Police et Municipalité), Panckouke, 1791 [BnF
Z 8556].
« Les femmes vont devenir inutiles ; les
jeunes garçons prennent leur place. Ce crime abominable se commet avec toute
sorte de liberté ; et il est presque passé en coutume, on n’en rougit
plus. Ceux qui le commettent s’en font honneur, croient être à la mode et passent
pour galants hommes. Ceux qui ne s’abandonnent pas à ce désordre en ont
la réputation ; premièrement, parce que le nombre en est fort petit et
qu’ils sont confondus dans la foule des criminels. »
Journal d’un poète, juin 1837.
DEVANT/DERRIÈRE
Cette polarité topologique a été durablement associée
à la classification des goûts sexuels masculins. Elle contient en germe la
notion d’inversion, de même que l’expression à rebours. Une autre
polarité topologique, haut/bas, fut invoquée par le philosophe italien
Campanelle dans sa Cité du soleil [Civitas Solis, 1623] : il
était prévu, dans cette utopie communiste, de stigmatiser les sodomites en leur
faisant porter un soulier attaché à la nuque, pour signifier la perversion de
l’ordre.
Pierre de L’Estoile rendit compte d’un combat perdu
par un mignon d’Henri III en citant le quatrain composé pour l’occasion :
« Quélus n’entend pas la manière
De prendre les gens par devant ;
S’il eût pris Bussy par derrière,
Il lui eut fourré bien avant. »
Journal,
année 1578.
Même association dans ces vers qui visaient les pères
Jésuites :
« Au collège de Louis le Grand
On n’y connaît point le devant ;
Car ses traîtres de Paris
Hé bien !
Attaquent le derrière
Vous m’entendez bien. »
Chansonnier Maurepas, année 1685.
Allusion à un certain usage du derrière dans ces vers
faits sur Louis-Joseph, duc de Vendôme (1654-1712) par son secrétaire, pour
mettre sous son portrait :
« Le héros que tu vois ainsi représenté,
Favori de Vénus ainsi que de Bellone [déesse italique
de la guerre]
Prit la vérole et Barcelone
Toutes deux du mauvais côté. »
Charles Collé, Journal et Mémoires, mai 1750.
« Si le général des jésuites avait deux otages à
envoyer à Paris aussi beaux que les anges de Loth, et plus, complaisants, il
est sûr de rentrer en France par cette porte, qui serait très bonne, quoique ce
soit une porte de derrière. »
Thévenau de Morande, Le Philosophe cynique,
1771.
« On aime, on plaît à sa manière :
Le plus sage tourne à tout vent,
L’un attrape l’amour par devant,
L’autre l’attrape par derrière (a),
Le caprice est ce qui nous meut ;
Le diable emporte les scrupules.
Enfin on fait du pis qu’on peut :
Tour le monde a des ridicules,
Mais n’a pas des vices qui veut. »
Mémoires secrets …, 16 octobre 1779 [tome 14].
a. Dans une autre version de cette épître « À
celle qui se reconnaîtra », Mayeur de Saint Paul ajouta cette
note : « Et Monvel était de ceux-là. »
« En s’éveillant un beau matin,
Le Tout-Puissant lorgna Sodome,
Et fit serment, son foudre en main,
D’en griller jusqu’au dernier homme.
Car en ce lieu chaque vilain
S’amusait tout comme à Berlin ;
Et les coquins s’y prenaient tous,
Sens [c'en] devant derrière.
Et les coquins s’y prenaient tous,
Sens [c'en] devant derrière, sens [c'en] dessus
dessous (*). »
Le Pot pourri de Loth, 1784.
*. Cf Rabelais, Gargantua, XI.
« N’ayant plus les moyens d’avoir des femmes,
nous nous trouvons réduits à la malheureuse nécessité de nous amuser entre nous
et de tirer par derrière, n’ayant point l’argent nécessaire pour tirer
par devant, c’est-à-dire pour bourrer, pour enfiler des cons. »
Le Bordel apostolique institué par Pie VI pape en
faveur du clergé de France,
« Supplique », 1790 [BnF Enf 602].
Au début de la Révolution, le ci-devant marquis de
Villette fut plaisamment appelé « ci-derrière marquis ».
« L’Univers sait que l’équivoque marquis de
Villette est le président perpétuel du formidable district des citoyens
rétroactifs, partant zélé partisan de la Constitution où tout est sens devant
derrière. »
Andrea de Nerciat, Les Aphrodites, 1793, 1ère
partie, « À bon chat : bon rat ».
« Grâce à notre commissaire
On dit qu’sous peu nous allons voir
Un changement salutaire.
Ami du devant
Ce joyeux vivant
Harcèle et poursuit
Le jour et la nuit
Les amis du derrière. »
Albert Glatigny, La Sultane Rozréa, 1871,
« Lamentation des filles ».
« La Plume : - Doit-on consentir à croiser le fer avec un individu convaincu d'homosexualité ? [...]
Jacques Fersen : - Oui, on doit se battre. D'abord, il suffit de déplaire aux concierges pour être accusé d'horreurs. Et le concierge, c'est la réputation.
Ensuite, un homo – je ne sais plus quoi – peut être aussi chic, aussi honorable, aussi respecté que Pierre ou Paul.
Pourquoi mêler l'honneur au derrière ? »
La Plume, n° 387, 15 mai 1912, page 230.
Citons encore les très curieuses Considérations
objectives sur la pédérastie de Gabriel Pomerand, publiées en 1949 :
« Mesdames ! Les petits garçons vous
obligent à être belles lorsque vous n’êtes que potables. Et vous craignez par
trop la concurrence des petits derrières qui prennent le devant de vos devants. »
DISCIPLE
DE CORYDON
« Si le milieu homosexuel a changé, c’est en
mieux. La plupart des stupides spectacles plus ou moins travestis ou
démesurément pimentés ont disparu. On peut circuler à Saint-Germain-des-Prés,
le samedi soir, sans être choqué, alors qu’il y a quinze ou vingt ans, à
Pigalle, que d’homosexuels s’affichaient, que de petits jeunes gens
ostensiblement maquillés déambulaient ! Les différents cercles ou endroits
fréquentés par les disciples de Corydon sont en général bien
préférables, au point de vue tenue, à ceux qui existaient avant guerre. »
« Qu’on se le dise ! », FUTUR (Organe
de combat et d’information pour l’égalité et la liberté sexuelles et pour le
respect absolu de la personne humaine), juillet 1954.
DISSIDENT, DISSIDENCE
"dissident
de l'amour de la femme"
Marcel
Proust, Jean Santeuil.
"D'une
dissidence sexuelle au socialisme."
Daniel
Guérin, Autobiographie de jeunesse.
DRAG
« On parle couramment de “sœurs” dans la communauté drag. Ce n’est ni de la parodie ni de la moquerie, mais de la réappropriation de codes religieux : parmi les drags les plus connues, les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence sont des militantes qui œuvrent depuis 1979 pour la prévention du sida et pour la paix. » (2024)
DROIT, adj.
Équivalent
peu usité de l'anglais straight, c’est-à-dire non-gay.
" Depuis des mois l'efféminé Chargnieu épie la
tristesse de Caradec. Il devine sa langueur et ses fringales. Il rôde, calin,
autour de l'isolé. Mais celui-ci semble se méfier. Son instinct droit
repousse les gestes caresseurs. "
Georges
Lecomte, Les Cartons verts, Mardi gras, Paris : Charpentier,
1901.
Expression
« il est resté droit » (années 1970).
DROITS DU CUL
Expression
employée, en français dans le texte, par Friedrich Engels (1820-1895) dans cette lettre de
1869 à Karl Marx, au sujet du mouvement homosexuel allemand qui faisait alors
son apparition :
« C'est un bien curieux Urning
[le petit livre Argonauticus d'Ulrich] que tu m'as envoyé. Ce sont
là des révélations tout à fait contre nature. Les pédérastes se mettent à se
compter et ils trouvent qu'ils constituent une puissance [Macht] dans
l'État. Il ne manque plus que l'organisation, mais il apparaît d'après ceci
qu'elle existe déjà en secret. Et comme ils comptent déjà des hommes importants
dans tous les vieux, et même les nouveaux partis, de Rösing à Schweitzer, la
victoire ne peut leur échapper. " Guerre aux cons, paix aux
trous-de-cul " [en français dans le texte], dira-t-on dorénavant (1).
C'est encore une chance que nous soyons personnellement trop vieux pour avoir à
craindre de payer un tribut de notre corps à la victoire de ce parti. Mais la
jeune génération ! Soit dit en passant, il n'y a qu'en Allemagne qu'un type
pareil peut se manifester, transformer la cochonnerie en théorie, et inviter : introite
[entrez, en latin] etc. Malheureusement il n'a pas encore le courage
d'avouer ouvertement qu'il est comme ça, et doit toujours opérer coram
publico [devant le public] en tant que "du devant", sinon
"de l'intérieur du devant", comme il l'a dit une fois dans un lapsus.
Mais attends seulement que le nouveau Code pénal de l'Allemagne du Nord
reconnaisse les droits du cul [en français dans le texte], et il en sera
tout autrement. Nous autres pauvres gens du devant, au goût infantile pour les
femmes, nous trouverons alors dans une assez mauvaise situation. Si le
Schweitzer devait avoir besoin de quelque chose, ce serait de se faire révéler,
par cet étrange honnête homme, les données particulières sur les pédérastes
hauts placés ; en tant que confrère cela ne devrait pas lui être
difficile. »
Lettre à Karl Marx, Manchester
[Angleterre], 22 juin 1869, in Marx Engels Werke, Berlin, 1965, tome 32,
pages 324-325 [traduction Éditions sociales revue par Cl. C. ; la même année 1869 apparaissait le mot
allemand Homosexualität].
1.
Allusion à la formule de Nicolas de Chamfort : « Guerre aux
châteaux ! Paix aux chaumières ! »
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