dimanche 11 juin 2023

LA BIBLE ET L'HOMOSEXUALITÉ MASCULINE suivi de CATÉCHISME




La thèse du christianisme tolérant à l’égard de l'homosexualité, soutenue par John Boswell (1947-1994), et reprise par le Français Jean-Claude Guillebaud, ne résiste pas à l'examen d'un nombre suffisant de textes. Voir Gai Saber Monograph n° l, 1981 (2nd ed. 1985); Ramsay MACMULLEN, 1982 ; Pierre J. PAYER, 1984 ; David F. WRIGHT, 1984 ; Maurice LEVER, Les Bûchers de Sodome, Paris : Fayard, 1985; James A. BRUNDAG, 1987 ; E. CANTARELLA, 1988; J. RICHARDS, 1991 ; John LAURITSEN, A Freethinker's Primer of Male Love, Provincetown : Pagan Press, 1998. Ce qui peut avoir induit quelques auteurs en erreur, c'est que l'intolérance chrétienne connut des fluctuations (le contraire, une parfaite stabilité, aurait été étonnant), passant en matière de répression de quelques années de pénitence à la peine de mort (appliquée du début du XIVe à la fin du XVIIIe siècle sur le territoire de la France continentale actuelle), ou inversement.
La condamnation judéo-chrétienne de ce que l'on désigne aujourd'hui sous le nom d'homosexualité est un élément utile pour mettre en évidence la stabilité anthropologique de ces relations masculines, ainsi que la distance existant entre cette condamnation et le point de vue de la civilisation gréco-latine qui, elle, appréciait la jeunesse, la beauté, l’intelligence, le plaisir et l’amour ; la reconnaissance de la chose, et aussi le sentiment d'en être, ne sont pas nés avec les mots homophilegay ou queer, pas davantage avec le mot Homosexualität, pas plus avec celui de sodomie, contrairement à ce qu'avancent les sociologues dits "constructivistes".

On connaît les condamnations vétéro-testamentaires et pauliniennes, mais les injonctions d'hétérosexualité passent trop souvent inaperçues ; or l’arche de Noé (Genèse VI, 19) n’admettait que des couples hétérosexuels. Il y a au moins deux injonctions d’hétérosexualité dans le Nouveau Testament : Évangile selon Matthieu, XIX, 4-6 : « mâle et femelle faits par Dieu ; l'homme s'attachera à sa femme ; ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas. » C'est repris dans Évangile selon Marc, X, 7-9. Ma remarque de l’existence de ces injonctions, faite à Mgr Jacques Gaillot lors d’un débat à l’ENS-Ulm, l’avait laissé sans voix.
L'écrivain Julien Green s'était interrogé sur le " silence du Christ " :
« Il n'y a pas un mot dans les Évangiles sur le problème homosexuel si furieusement malmené par saint Paul. Comment se fait-il que, dans un temps et dans un lieu où l'homosexualité était sinon florissante (je pense au lieu) du moins très connue, le Christ n'ait pas dit un mot sur ce point ? Le père Couturier a ouvert de grands yeux. " Moi, qui ait toujours pensé à Jérusalem comme à une ville bénie ! " Etc. " Mais, lui ai-je dit, il faut que l'homosexualité ait joué un certain rôle dans la vie juive pour que les lois qui la punissaient aient été si nombreuses et si détaillées. Et puis, les Grecs étaient passés par là, avaient essayé d'helléniser Jérusalem où ils avaient construit des gymnases et des piscines. Que dire aussi des prostitués des temples, les kedeschim dont parle Renan ? —— Cependant, dit le père Couturier, croyez-vous que si l'homosexualité avait été si importante à Jérusalem saint Jean eût écrit comme il l'a fait de l'amour qu'il portait au Christ, et que le Christ lui portait ? " Je lui ait dit que ces pages si saintes n'avaient cependant pas laissé d'être interprétées d'une façon odieuse, notamment par Christopher Marlowe. Mais qu'est-ce que cela prouve ? Saint Jean écrivait pour les gentils. Ne savait-il pas avec quels sourires on lirait son évangile, ce passage de son évangile, à Rome ? On peut supposer que le Christ a parlé de l'homosexualité et que ces passages ont été supprimés, mais pourquoi ? Parce qu'ils montraient trop d'indulgence alors que l'attitude du monde juif à cet égard est toujours sévère. Mais il ne faut pas oublier les fulminations de saint Paul (Romains, I, 27) qui est chronologiquement plus proche du Christ, dans ces écrits, que les évangiles. Saint Paul a-t-il traduit la pensée du Christ sur ce point ? Mais alors, encore une fois, pourquoi ce silence des Évangiles ? »
Toute ma vie Journal intégral *** 1946-1950, 16 août 1948, Paris : Bouquins éditions, 2021.

Dans l'Ancien Testament hébraïque il n'existe aucun exemple d'acte homosexuel pardonné ensuite, contrairement au meurtre et à l'inceste. Pour trouver une mythologie faisant une place à l’homosexualité, ce sont les Grecs qu’il faut lire. 


A / VULGATE (390/405), Bible traduite en latin par Jérôme

B / Congrégation pour la doctrine de la foi, catéchisme et constitutions pastorales 


A / VULGATE (390/405), Bible traduite en latin par Jérôme



John Martin, The Destruction of Sodom and Gomorrah, 1852. Laing Art Gallery, Newcastle upon Tyne.


Pentateuque (Torah)

Genèse,
I, 28 : multipliez-vous ;
II, 24 : l'homme s'attachera à sa femme ;
VI, 12 : toute chair avait corrompue sa voie ; 18-19 : autant de mâles que de femelles dans l'Arche [de Noë] ;
VII, 2-3 : le mâle avec sa femelle ; 9 : deux par deux, mâle et femelle ; 16 : un mâle et une femelle de toute chair ;
XIII, 13 : les Sodomites sont très mauvais et devant le seigneur [cité par Albert le Grand ; difficile de croire qu’il ne s’agit que d’un rejet de l’étranger …] ;
XVIII, 20-21 : la clameur contre Sodome et Gomorrhe est bien grande et leur péché est grave péché ; 21 : descendre et voir s'ils ont agi suivant la clameur ;
XIX, 1 : les deux anges ; 5 : amène-les-nous pour que nous les connaissions [traduction de Chouraqui citée par Payeur : " Fais-les sortir vers nous : pénétrons-les "] ; 8 : j’ai deux filles qui sont encore vierges, je vais vous les amener ; 9 : ils répondirent : « Ôte-toi de là ! » ; 11 : hommes frappés de cécité.

Exode, XX, 17 : tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur [servus], ni sa servante [ancilla].

Lévitique, XVIII, 22 : tu ne commettras pas le coït [coitu femineo] avec un mâle car c'est une abomination ; [Selon Xavier Lacroix et Martin Hoegger, l’homosexualité serait à considérer comme un retour au tohu-bohu, un brouillage des différences ; elle brouillerait la différence sexuelle, comme l’inceste brouille la différence des générations ; en Lévitique XVIII, l’interdit de l’inceste est mentionné à côté de celui de l’homosexualité ; cf Martin Hoegger, " Comment interpréter les Ecritures sur la question de l’homosexualité ? ", janvier 2018].
24-30 : abominations faites par les gens du pays qui furent avant vous ; pratiques abominables qui étaient faites avant vous ;
XX, 13 : qui couchent avec un mâle pour le coït ; nefas ; morte moriantur ; 23 : pratiques de la nation que je chasse.

Deutéronome, XXIII, 18-19 : pas de prostitué sacré [mercedem prostibuli ; kadesh en hébreu].

Juges, XIX, 22-24 : le lévite d'Éphraïm ; pour que nous le connaissions ; ce crime [scelus].

I Samuel, XVIII, 4 : Jonathan se dépouille de son habit.
XX, 17 : Jonathan avait de l'affection (1) pour [diligeret] David.
II Samuel, I, 28 : David et Jonathan ; aimable(1) au dessus de l'amour des femmes.
1. Cette relation a parfois été interprétée comme homosexuelle.

I Rois, XIV, 24 : prostitués sacrés, efféminés [cité par Jordan] ; abominations ; XV, 12 : expulsion des prostitués sacrés ; XXII, 47 : prostitués sacrés balayés du pays.
II Rois, XXIII, 7 : démolition des maisons des prostitués sacrés.

Psaumes CXLI (CXL), 4 : Non declines cor meum in verbum malitiae
ad machinandas machinationes in impietate
cum hominibus operantibus iniquitatem;
et non comedam ex deliciis eorum. [Cité par Julien Green].

Lamentations, IV, 6  : faute de Jérusalem plus grande que le péché de Sodome  ; V, 13 : des adolescents ont été abusés de manière impudique [cité par Pierre Damien ; la Bible de Jérusalem traduit : "des adolescents ont porté la meule"].

II Maccabées, IV, 9-17 : passer au mode de vie des Grecs ; fondation d'un gymnase ; vogue de l'hellénisme [cité par Henri-Irénée Marrou].

Isaïe, I, 9 : comme Sodome et Gomorrhe ; 10  : si Yavhé ne nous avait laissé quelques survivants, nous serions comme Sodome  ; III, 9 : leur péché proclamé quasi Sodoma par Jérusalem et Juda, ils ne le cachent pas.

Ezéchiel, XVI : 46-47 : les crimes de Sodome ; 48 : Vivo ego, dicit Dominus Deus, non fecit Sodoma soror tua, ipsa et filiae eius, sicut fecisti tu et filiae tuae ; 49 : fautes de Sodome ; orgueil, inhospitalité  ; 50  : ils ont commis des abominations en ma présence. [49 Ecce haec fuit iniquitas Sodomae, sororis tuae: superbia, saturitas panis et securum otium erat ei et filiabus eius, et manum egeni et pauperis non sustentabant ; 50 et elevatae sunt et fecerunt abominationes coram me, et abstuli eas, sicut vidisti.]

Osée, IV, 10  : Ils mangeront et ne seront pas rassasiés, forniqueront et ne se reproduiront pas, car ils ont renoncé à tenir compte du Seigneur.

Joël, III, 3 : les nations ont troqué des garçons [pueri] contre des prostituées [cité par Hincmar de Reims].
Ecclésiastique, XXXVI, 25 : là où il n'y a pas de femme, l'homme errant gémit.

Écrits intertestamentaires (Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade) :

Jubilés (-IIe siècle ; texte hébreu original perdu, traduit de l’éthiopien) : XIII, 17 : les gens de Sodome étaient de grands pécheurs ; XVI, 5-6 : impureté et destruction de Sodome ; XX, 5-7 : impureté de Sodome, corruption mutuelle par la fornication.

Testament des douze patriarches (1er siècle)
Gallimard, Collection « Bibliothèque de la Pléiade », Écrits intertestamentaires traduits du grec :
Levi XVII, 11 : prêtres pédérastes dans la septième semaine [cité par Voltaire] ;
Nephtali III, 4 : Sodome a changé son ordre naturel ;
Benjamin IX, 1 : vous vous adonnerez à la luxure, comme les habitants de Sodome ; vous périrez, à
l'exception de quelques-uns, et vous reviendrez à vos passions pour les femmes.

Évangiles

Matthieu, XIX, 4-6 : mâle et femelle faits par Dieu.
Marc, X, 7-9 : L'homme s'attachera à sa femme ; ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas.
Luc, VII, 2 : Le centurion qui tenait beaucoup à son esclave malade (interprétation homosexuelle par Krzysztof Charamsa)
Luc, XVII, 29 : Le jour où Loth est sorti de Sodome, une pluie de feu et de soufre est tombée du ciel et les a fait tous périr.
Jean, XIII, 23 : Un des disciples, celui que Jésus aimait, à table contre le sein de Jésus. [Interprétation homosexuelle fortement controversée].


PAUL (Ier siècle), premier théologien chrétien, auteur d’expression grecque,
Vulgate ; traduction XXe siècle (Bible de Jérusalem) :
Aux Romains, I, 24-27 : vérité de Dieu changée en mensonge, livrés par Dieu à des passions sordides, leurs femelles ont changé l'usage naturel ; turpitudes mâles avec mâles [cité par les Constitutions apostoliques ; Vulgate : masculi in masculos turpitudinem operantes. Commentaire de Martin Hoegger : " Assez étonnamment, l’Apôtre ne s’appuie pas explicitement sur les passages de la Torah (Lév 18) pour justifier sa position, mais il se réfère au Créateur et à son œuvre. Les actes homosexuels sont qualifiés de « contre-nature », c’est-à-dire opposés à la volonté du Créateur manifestée dans la différence sexuelle. La référence au récit de la Création fonde le caractère universel du jugement énoncé. Selon l’Apôtre, il vaut pour tous les hommes de tous les temps. "] ;
32 : Dieu juge digne de mort quiconque fait ces choses [d'après Lévitique, XX, 13].
Ière aux Corinthiens, VI, 9-10 : ni efféminés [molles] ni ceux qui couchent avec des mâles [arsénokoites ; masculorum concubitores ; cf Ière à Timothée] n'hériteront du règne de Dieu [cité par Tertullien et dans l'encyclique Persona humana, 1976. Martin Hoegger : " Arsenokoitês signifie littéralement « couchant » (koitê : couche) avec un homme (arsên : mâle). Il est formé par l’association de deux mots présents en Lév 18,22 et 20.13. Le texte de Lév 18,22 dans la traduction grecque de la « Septante » dit en effet : « Avec un homme (arsenos) tu ne coucheras pas (koimêthêsê) pas comme on couche avec (koiten) avec une femme. C’est une abomination ». Lev 20.13 est plus explicite encore.
Ce terme renvoie donc à des relations à caractère homosexuel. La traduction de la Vulgate : masculorum concubitores (hommes couchant avec des mâles) exprime bien le fait que le terme ne prêtait pas à ambiguïté au 4e siècle. "] ;
XI, 11 : Dans le seigneur, la femme n'est pas sans l'homme, ni l'homme sans la femme.
IIe aux Corinthiens, XII, 21 : beaucoup de pécheurs ne se sont pas convertis de leurs pratiques d'impureté, de prostitution et de débauche [cité par Jean Chrysostome].
Aux Galates, V, 19, 21 : ceux qui pratiquent fornication, immondices, luxure, n'hériteront pas du règne de Dieu.
Aux Éphésiens, IV, 18-19 : ignorance de Dieu et pratique immonde ; V, 5 : aucun impur n'héritera du règne de Dieu ; 11 : les oeuvres infructueuses des ténèbres ; 12 : ce qu'ils font en cachette est honteux à dire [cité par Tertullien] ; 31 : l'homme s'attachera à sa femme.
Aux Colossiens, III, 5 : faites mourir l'impureté.
1ère aux Thessaloniciens, IV, 7 : Dieu ne nous a pas appelés à l'impureté.

pseudo-PAUL (Ier siècle)
Ière à Timothée, I, 9-10 : la Loi est là pour ceux qui couchent avec les mâles [arsénokoites ; masculorum concubitores ; cf I Corinthiens ; cité dans Persona Humana, 1976].

À Tite, I, 15  : Tout est pur pour les purs [parfois cité par les homos chrétiens pour justifier leurs relations homosexuelles].

IIe de Pierre, II, 6-7 : conduite débauchée des criminels des villes de Sodome et Gomorrhe.

Jude, 7 : Sodome et Gomorrhe qui se prostituèrent subissent la peine d'un feu éternel.

Apocalypse de Jean, XXII, 15 : dehors les chiens, les drogueurs, les impudiques, les meurtriers.


B / Congrégation pour la doctrine de la foi, catéchisme de 1992 et constitutions pastorales 

Martine Gross, (CNRS), Centre d’Études Interdisciplinaires des Faits Religieux, Gross@ehess.fr, 
" ÊTRE CHRÉTIEN ET HOMOSEXUEL EN FRANCE", SOCIÉTÉS CONTEMPORAINES (Presses de Sciences Po), 2008/3, N° 71, Introduction :

"  Le magistère catholique et un certain nombre d’églises protestantes condamnent sans ambiguïté l’homosexualité. L’Église catholique qualifie l’homosexualité de conduite désordonnée et de mauvaise du point de vue moral [« Déclaration sur certaines questions d’éthique sexuelle » (Persona Humana, 1975 [§ 8]), « La pastorale à l’égard des personnes homosexuelles » (lettre adressée aux évêques par la Congrégation pour la doctrine de la foi, 1986), et « Le catéchisme de l’Église catholique » paru en 1992 (2357/58)]. La doctrine catholique produite par les Pères et Docteurs de l’Église est précisée dans le catéchisme. On peut lire dans le dernier en date promulgué par le Vatican en 1992 « S’appuyant sur la Sainte Écriture, qui les présente comme des dépravations graves, la Tradition a toujours déclaré que “ Les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés ”. Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas ». La famille constituée par le mariage est, selon l’Église catholique, une institution naturelle, fondée par Dieu [Paul VI, Gaudium et Spes (1965)]. "
Voir dans ce Catéchisme les §§ 2357 à 2359, sous le titre " Chasteté et homosexualité ".



AUTEURS CHRÉTIENS TARDIFS (Bernardin de Sienne, Bonaventure, Catherine de Sienne, Jacques de Vitry, Jacques de Voragine et Pierre le Chantre).

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