Voir aussi : Nietzsche, les juifs et le judaïsme
I / DE QUOI "les juifs" EST-IL LE NOM ?
II / DESPROGES ET MME Anne SINCLAIR
I / DE QUOI "les juifs" EST-IL LE NOM ?
§ Introductif
Ernest Renan : " Quelle est la situation du judaïsme ? Est-ce quelque chose d’analogue au protestantisme, ou bien est-ce une religion ethnographique comme le parsisme ? " (Le judaïsme comme race et comme religion, conférence faite au Cercle Saint-Simon, le 27 janvier 1883).
Au sujet du judaïsme, le journaliste antisioniste juif Lucien Wolf (1857 – 1930) concluait : « La religion et la race sont quasiment indissociables » cité dans Jonathan SCHNEER, The Balfour Declaration : The Origins of the Arab-Israeli Conflict, New York, Random House, 2010, page 120.
Panorama, France Culture, 25 octobre 1990 : À partir de 35' 15" : Roger Chemaya Dadoun (né en 1928 à Oran, Algérie - décédé le 12 juin 2022 à Paris XIVe), psychanalyste :
« Qu'est-ce que les juifs en tant que collectivité, en tant que groupe ? Est-ce une minorité que l'on peut assimiler à d'autres minorités de type plus ou moins régional, les Bretons, les Alsaciens ; est-ce un ethnie, est-ce un peuple, un peuple au sens stalinien - c'est-à-dire la définition qu'avait donnée Staline (1) ; évidemment ils échappent à cette catégorie ; on se trouve devant quelque chose qui véritablement constitue une difficulté majeure et qui n'a pas à ce jour d'ailleurs été résolu. »
1. En fait, Staline définissait non le peuple mais la nation : « La nation est une communauté humaine, stable, historiquement constituée, née sur la base d’une communauté de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique qui se traduit dans une communauté de culture... seule la présence de tous les indices pris ensemble nous donne une nation. » Le marxisme et la question nationale (Марксизм и национальный вопрос, 1913).
https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/panorama-litterature-et-poesie-jean-edern-hallier-1ere
« Le qualificatif « juif » désigne usuellement l’appartenance à une confession. Or il faut appréhender le terme dans sa polysémie : avec le sionisme, « juif » ne désigne plus seulement une confession religieuse, mais une catégorie ethno-nationale. Il faut entendre par là l’affirmation de l’hégémonie ethno-culturelle, linguistique et communautaire que souhaite marquer le groupe social dominant, la majorité juive d’Israël, à travers les symboles officiels et la vocation de l’État à rassembler les communautés restées en diaspora. »
§ A / Élisabeth Lévy en 2012 : « Pourquoi pas tenter d’expliquer ce que veut dire « juif » tant qu’on y est ? »
" Sens interdit ? En France, définir la droite frise la mission impossible. Raison de plus pour tenter de le faire ", Causeur, 13 novembre 2012).
En effet, pourquoi pas ?
En 1958, le chef de l'État israélien Ben Gourion eut l'idée peu banale de consulter une cinquantaine de sages juifs, en Israël et en diaspora, en des termes qui revenaient à soulever l'immense question : " Qui est juif ? "
Eliezer Ben-Rafaël,
Qu'est-ce qu'être juif ? suivi par
50 Sages répondent à Ben Gourion (1958), Paris : Balland, Voix et Regards, 2001.
Ernst Nolte à Saul Friedländer : " Ça veut dire quoi être juif ? "
On verra plus loin qu'Alain Finkielkraut ne se pose pas publiquement la question de cette définition, pour lui il s'agit tout simplement d'un " peuple ", " peuple juif " ou " peuple d'Israël ", et c'est bien en quoi (cette absence de souci d'une définition) il est totalement un littéraire et pas du tout un philosophe. Cette croyance hélas assez répandue en l'existence d'un " peuple juif " dérive apparemment de la croyance religieuse en la notion ancienne de peuple élu énoncée en
Exode, XIX, 5-6 :
5 Si ergo audieritis vocem meam
et custodieritis pactum meum,
eritis mihi in peculium de cunctis populis;
mea est enim omnis terra.
6 Et vos eritis mihi regnum sacerdotum
et gens sancta.
|
« Désormais, si vous êtes dociles à ma voix, si vous gardez mon pacte, vous serez mon trésor entre tous les peuples ! Car toute la terre est à moi, et vous, vous serez pour moi une dynastie de pontifes et une nation sainte. »
Nombres, XXIII, 9 : « Un peuple qui demeure à part et qui ne fait point partie des nations » [populus solus habitabit et inter gentes non reputabitur.]
Pape Paul VI : « Ce peuple avec lequel Dieu, dans sa miséricorde indicible, a daigné conclure l’antique Alliance » (
Nostra Aetate, § 4, 1965).
Catéchisme catholique de 1992 : " le peuple sacerdotal de Dieu "" Dieu forme son peuple Israël
62 Après les patriarches, Dieu forma Israël comme son peuple en le sauvant de l’esclavage de l’Égypte. Il conclut avec lui l’Alliance du Sinaï et lui donna, par Moïse, sa Loi, pour qu’il Le reconnaisse et Le serve comme le seul Dieu vivant et vrai, Père provident et juste juge, et qu’il attende le Sauveur promis
[Dei Verbum, 3].
63 Israël est le Peuple sacerdotal de Dieu [cf.
Exode 19, 5-6 : « Désormais, si vous êtes dociles à ma voix, si vous gardez mon pacte, vous serez mon trésor entre tous les peuples ! Car toute la terre est à moi, et vous, vous serez pour moi une dynastie de pontifes et une nation sainte. »], celui qui " porte le nom du Seigneur " [
Deutéronome, XXVIII, 10 ; voir aussi
« Un peuple saint à Dieu, élu par Dieu [populus sanctus es Domino Deo tuo. Te elegit Dominus Deus tuus] », Deutéronome, VII, 5].
Commission pontificale biblique (2001) : « Les temps modernes ont amené les chrétiens à mieux prendre conscience des liens fraternels qui les unissent étroitement au peuple juif. Au cours de la deuxième guerre mondiale (1939-1945), des événements tragiques ou, plus exactement, des crimes abominables ont soumis le peuple juif à une épreuve d'extrême gravité, qui menaçait son existence même dans une grande partie de l'Europe. En ces circonstances, des chrétiens n'ont pas manifesté la résistance spirituelle qu'on était en droit d'attendre de disciples du Christ et n'ont pas pris les initiatives correspondantes. D'autres chrétiens, par contre, sont venus généreusement en aide aux Juifs en danger, au risque souvent de leur propre vie. A la suite de cette tragédie immense, la nécessité s'est imposée aux chrétiens d'approfondir la question de leurs rapports avec le peuple juif. »
" Le peuple juif et ses saintes écritures dans la Bible chrétienne ", Introduction.
Trésor de la Langue Française : " JUDÉITÉ, JUDAÏTÉ, subst. fém.
,, Fait, manière d'être juif` ` (Albert MEMMI, Dictionnaire du judaïsme français dans L'Arche, 26 septembre-25 octobre 1972, page 59).
" Des juifs qu'on pourrait croire assimilés depuis très longtemps retrouvent leur judaïté." (A. HARRIS, A. DE SÉDOUY, Juifs et Français, Paris, Grasset, 1979, page 307).
" Donner à nos filles la notion (...) de leur féminine judéité. " (N. FRANCK dans Hamoré, mars 1980, page 14).
" L'occidentalisation radicale de la judéité. " (S. TRIGANO, Tribune juive, 9-15 mai 1980, page 15).
Étymologie et Histoire : 1962 judéité dans Albert MEMMI, Portrait d'un Juif, Paris : Gallimard, 1962, page 28). Formé à partir du latin Judaeus « juif »; suff. -(i)té*. "
BOYARIN : «
Jewishness disrupts the very categories of identity, because it is not national, not genealogical, not religious, but all of these [souligné par Cl. C.]
, in dialectical tension with one another », nota
Daniel Boyarin en 1994. Au
§ D / 4, je suggérerai le terme de
caste pour décrire cet "
all of these".
Cette formule de Stanislas de Clermont-Tonnerre (1757 - défenestré à Paris par des émeutiers, le 10 août 1792) à l'Assemblée constituante, le 23 décembre 1789 : « Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et tout leur accorder comme individus. Il faut méconnaître leurs juges, ils doivent avoir les nôtres ; il faut qu’ils ne fassent dans l’État ni un corps politique ni un ordre. Il faut qu’ils soient individuellement citoyens. » supposait que "les Juifs" constituaient potentiellement une "nation", et pas simplement la communauté privée des adeptes d'une religion. Il leur refuserait aujourd'hui les doubles et triples nationalités. Mais que " les juifs " désignent une nation et seulement cela est très loin d'être évident, c'est même quasiment intenable.
§ B / Faisons d'abord un peu de doxographie ; avant de m'attaquer à un problème, j'aime bien faire le tour des réflexions antérieures (ceux que cela ennuie pourront passer directement au § C /). Car il y a bien un problème juif, une
question juive (André Gide, Jean-Paul Sartre), qui se décline selon les différents registres d'antisémitisme ou d'hostilité depuis l'Antiquité romaine pré-chrétienne ; voir le
§ B / 2 / de
mon article sur la correction politique.
Juifs ultradoxes.
" Le Suicide d'Israël ": titre
d'un dossier publié par le magazine BoOks dans son n° 39. Le credo de ces
ultradoxes est de ne céder aucun pouce de la terre d’Israël telle que définie et délimitée dans la Torah.
Jean-Jacques ROUSSEAU : « Mais un spectacle étonnant et vraiment unique est de voir un peuple expatrié n’ayant plus ni lieu ni terre depuis près de deux mille ans, un peuple altéré, chargé, mêlé d’étrangers depuis plus de temps encore, n’ayant plus peut-être un seul rejeton des premières races, un peuple épars, dispersé sur la Terre, asservi, persécuté, méprisé de toutes les nations, conserver pourtant ses coutumes, ses lois, ses mœurs, son amour patriotique et sa première union sociale quand tous les liens en paraissent rompus. Les Juifs nous donnent cet étonnant spectacle, les lois de Solon, de Numa, de Lycurgue sont mortes, celles de Moïse bien plus antiques vivent toujours. Athènes, Sparte, Rome ont péri et n’ont plus laissé d’enfants sur la Terre. Sion détruite n’a pas perdu les siens, ils se conservent, ils se multiplient, s’étendent par tout le monde et se reconnaissent toujours, ils se mêlent chez tous les peuples et ne s’y confondent jamais ; ils n’ont plus de chefs et sont toujours un peuple, ils n’ont plus de patrie et sont toujours citoyens. »
Fragments politiques, « Des Juifs », Œuvres complètes, volume III, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », page 499.
Mirabaud (D'Holbach ?)
Opinions des anciens sur les Juifs . Par
Mirabaud, Jean-Baptiste de (1675-1760),
Londres [i. e. Amsterdam] MDCCLXIX
VOLTAIRE : « Il est certain que la nation juive est la plus singulière qui jamais ait été dans le monde. Quoiqu'elle soit la plus méprisable aux yeux de la politique, elle est, à bien des égards, considérable aux yeux de la philosophie. [...] Ce qui distingue les Juifs des autres nations, c’est que leurs oracles sont les seuls véritables: il ne nous est pas permis d’en douter. Ces oracles, qu’ils n’entendent que dans le sens littéral, leur ont prédit cent fois qu’ils seraient les maîtres du monde: cependant ils n’ont jamais possédé qu’un petit coin de terre pendant quelques années; ils n’ont pas aujourd’hui un village en propre. Ils doivent donc croire, et ils croient en effet qu’un jour leurs prédictions s’accompliront, et qu’ils auront l’empire de la Terre.
Ils sont le dernier de tous les peuples parmi les musulmans et les chrétiens, et ils se croient le premier. Cet orgueil dans leur abaissement est justifié par une raison sans réplique ; c’est qu’ils sont réellement les pères des chrétiens et des musulmans. Les religions chrétienne et musulmane reconnaissent la juive pour leur mère ; et, par une contradiction singulière, elles ont à la fois pour cette mère du respect et de l’horreur.
[...]
On dit communément que l'horreur des Juifs pour les autres nations venait de leur horreur pour l'idolâtrie ; mais il est bien plus vraisemblable que la manière dont ils exterminèrent d'abord quelques peuplades du Canaan, et la haine que les nations voisines conçurent pour eux, fut la cause de cette aversion invincible qu'ils eurent pour elles. Comme ils ne connaissaient de peuples que leurs voisins ils crurent en les abhorrant détester toute la Terre, et s'accoutumèrent ainsi à être les ennemis de tous les hommes.
[...]
Enfin vous ne trouvez en eux qu'un peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent. "Il ne faut pourtant pas les brûler. " »
Questions sur l'Encyclopédie, article "Juifs", section I.
" Le judaïsme est maintenant de toutes les religions du monde celle qui est le plus rarement abjurée ; et c'est en partie le fruit des persécutions qu'elle a souffertes. Ses sectateurs, martyrs perpétuels de leur croyance, se sont regardés de plus en plus comme la source de toute sainteté. "
Questions sur l'Encyclopédie, article "Juifs", section III.
" C'est à regret que je parle des Juifs : cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la Terre. Mais, tout absurde et atroce qu'elle était, la secte des Sadducéens fut paisible et honorée, quoiqu'elle ne crût point à l'immortalité de l'âme, pendant que les Pharisiens la croyaient. "
Questions sur l'Encyclopédie, article "Tolérance", section I.
" Le peuple juif était, je l'avoue, un peuple bien barbare. Il égorgeait sans pitié tous les habitants d'un malheureux petit pays sur lequel il n'avait pas plus de droit qu'il n'en a sur Paris et sur Londres.
Cependant quand Naaman est guéri de sa lèpre [Cf
Bible, II Rois, V] pour s'être plongé sept fois dans le Jourdain ; quand, pour témoigner de sa gratitude à Élisée, qui lui a enseigné ce secret, il lui dit qu'il adorera le dieu des Juifs par reconnaissance, il se réserve la liberté d'adorer aussi le dieu de son roi ; il en demande permission à Élysée, et le prophète n'hésite pas à la lui donner. Les Juifs adoraient leur Dieu ; mais ils n'étaient jamais étonnés que chaque peuple eût le sien. [...] Voilà des exemples de tolérance chez le peuple le plus intolérant et le plus cruel de toute l'Antiquité : nous l'avons imité dans ses fureurs absurdes, et non dans son indulgence. "
Questions sur l'Encyclopédie, article "Tolérance",
Section II.
KARL MARX : « Ne cherchons pas le secret du juif dans sa religion, mais cherchons le secret de la religion dans le juif réel. Quel est le fond profane du judaïsme ? Le besoin pratique, l’utilité personnelle. Quel est le culte profane du juif ? Le trafic. Quel est son dieu profane ? L’argent. Eh bien, en s’émancipant du trafic et de l’argent, par conséquent du judaïsme réel et pratique, l’époque actuelle s’émanciperait elle-même. Une organisation sociale qui supprimerait les conditions nécessaires du trafic, par suite la possibilité du trafic, rendrait le juif impossible. La conscience religieuse du juif s’évanouirait, telle une vapeur insipide, dans l’atmosphère véritable de la société. […] La nationalité chimérique du juif est la nationalité du commerçant, de l’homme d’argent. » La Question juive, I-II, 1844.
Pierre Joseph PROUDHON (1809-1865) : « Juifs. Faire un article contre cette race, qui envenime tout, en se fourrant partout, sans jamais se fondre avec aucun peuple. Demander son expulsion de France, à l'exception des individus mariés avec des françaises ; abolir les synagogues, ne les admettre à aucun emploi, poursuivre enfin l'abolition de ce culte. Ce n'est pas pour rien que les chrétiens les ont appelés déicides. Le juif est l'ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie, ou l'exterminer... Par le fer ou par le feu, ou par l'expulsion, il faut que le juif disparaisse... Tolérer les vieillards qui n'engendrent plus. Travail à faire. Ce que les peuples du Moyen Âge haïssaient d'instinct, je le hais avec réflexion et irrévocablement. La haine du juif comme de l'Anglais doit être notre premier article de foi politique » (Carnets, 26 décembre 1847).
Charles BAUDELAIRE (1821-1867) : " Belle conspiration à organiser pour l'extermination de la race juive. " (Mon cœur mis à nu, posthume, écrit vers 1861). Ironique, bien sûr.
DÉCRET CRÉMIEUX :
" Les Israélites indigènes des départements de l'Algérie sont déclarés citoyens français ; en conséquence leur statut réel et leur statut personnel seront, à compter de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française ".
Décret n° 136 du Gouvernement de la défense nationale du 24 octobre,
Bulletin officiel de la ville de Tours, 7 novembre 1870. Isaac Jacob, dit Adolphe, Crémieux (1796-1880) fut plusieurs fois député et ministre de la Justice ; il fut un des fondateurs de l'Alliance Israélite Universelle.
Réaction du géographe
Onésime Reclus :
Onésime Reclus, France, Algérie et colonies, Paris : Hachette, 1886.
NIETZSCHE
ANDRÉ GIDE (1914) : « Hier, j'avais quitté Auteuil de bon matin pour passer au Mercure, au Théâtre et à la Revue [Nrf]. Je pensais déjeuner avec Paul A. Laurens, et, ne l'ayant point trouvé à son atelier, faisais les cent pas devant le 126 du boulevard Montparnasse à l'attendre. Au lieu de Paul, c'est Léon Blum qui m’est amené ; pour esquiver une invitation à déjeuner avec M. j'ai cru expédient de l'inviter tout aussitôt. Je n'étais pas rasé ; après une nuit d'insomnie, ou plutôt constamment réveillé par la chatte malade, je m'étais levé plein de migraine. Je me sentais laid, terne et bête ; et comme Blum est de cette sorte d'esprits précis qui congèlent le mien à distance et dont l'éclat lucide le maintient en état de constriction et le réduit à l'impuissance - je n'ai rien dit, durant tout le repas, que de niais.
Repensant cette nuit à la figure de Blum — à laquelle je ne puis dénier ni noblesse, ni générosité, ni chevalerie, encore que ces mots, pour s’appliquer à lui, doivent être déviés sensiblement de leur vrai sens — il me paraît que cette sorte de résolution de mettre continûment en avant le Juif de préférence et de s'intéresser de préférence à lui, cette prédisposition à lui reconnaître du talent, voire du génie, vient d'abord de ce qu'un Juif est particulièrement sensible aux qualités juives ; vient surtout de ce que Blum considère la race juive comme supérieure, comme appelée à dominer après avoir été longtemps dominée, et croit qu'il est de son devoir de travailler à son triomphe, d'y aider de toutes ses forces.
Sans doute entrevoit-il le possible avènement de cette race. Sans doute entrevoit-il dans l'avènement de cette race la solution de maints problèmes sociaux et politique. Un temps viendra, pense-t-il, qui sera le temps du Juif ; et, dès à présent, il importe de reconnaître et d'établir sa supériorité dans tous les ordres, dans tous les domaines, dans toutes les branches de l'art, du savoir et de l'industrie. C'est une intelligence merveilleusement organisée, organisante, nette, classificatrice et qui pourrait, dix ans après, retrouver chaque idée exactement à la place où le raisonnement l’avait posée, comme on retrouve un objet dans une armoire. Encore qu'il soit sensible à la poésie, c'est le cerveau le plus anti-poétique que je connaisse ; je crois aussi que, malgré sa valeur, il se surfait un peu. Sa faiblesse est de le laisser voir. Il aime à se donner de l'importance; il veut être le premier à avoir reconnu la valeur d'un tel; il dit, parlant du petit Franck : « J'ai dû te l'envoyer dans le temps » ; et, en parlant de Claudel : « C'était le temps où nous n'étions, avec [Marcel] Schwob, que quelques-uns à l’admirer. » II dit encore : « Que T. aille donc trouver de ma part le maître d'armes X. qui lui donnera de bons conseils. » II ne vous parle qu'en protecteur. A une répétition générale, dans les couloirs d'un théâtre où il vous rencontre par hasard, il vous prend par la taille, par le cou, par les épaules, et, ne l'eût-on pas revu de douze mois, donne à croire à chacun qu'il vous a quitté la veille et qu'on n'a pas de plus intime ami.
Pourquoi parler ici de défauts ? Il me suffit que les qualités de la race juive ne soient pas des qualités françaises ; et lorsque ceux-ci (les Français) seraient moins intelligents, moins endurants, moins valeureux de tous points que les Juifs, encore est-il que ce qu'ils ont à dire ne peut être dit que par eux, et que l'apport des qualités juives dans la littérature, où rien ne vaut que ce qui est personnel, apporte moins d'éléments nouveaux, c’est-à-dire un enrichissement, qu'elle ne coupe la parole à la lente explication d'une race et n'en fausse gravement, intolérablement, la signification.
Vendredi, 29 mai 1936, reproduit dans Bulletin des
Amis d'André Gide, avril-juillet 1999, page 163.
(1914, suite) Il est absurde, il est dangereux même de nier les qualités de la littérature juive ; mais il importe de reconnaître que, de nos jours, il y a en France une littérature juive, qui n'est pas la littérature française, qui a ses qualités, ses significations, ses directions particulières. Quel admirable ouvrage ne ferait-il pas et quel service ne rendrait-il pas aux Juifs et aux Français, celui qui écrirait l'histoire de la littérature juive — une histoire qu'il n'importerait pas de faire remonter loin en arrière; du reste, et à laquelle je ne verrais aucun inconvénient de réunir et de mêler l'histoire de la littérature juive des autres pays, car c'est la même. Cela mettrait un peu de clarté dans nos idées et retiendrait, sans doute, certaines haines, résultats de fausses classifications.
Il y aurait encore beaucoup à dire là-dessus. Il faudrait expliquer pourquoi, comment, par suite de quelles raisons économiques et sociales, les Juifs, jusqu'à présent, se sont tus. Pourquoi la littérature juive ne remonte qu’à plus de vingt ans, mettons cinquante peut-être. Pourquoi, depuis ces cinquante ans, son développement a suivi une marche si triomphante. Est-ce qu’ils sont devenus plus intelligents tout à coup ? Non. Mais auparavant, ils n’avaient pas le droit de parler ; peut-être n’en avaient-ils même pas le désir, car il est à remarquer que de tous ceux qui parlent aujourd’hui, il n’en est pas un qui parle par besoin impérieux de parler, — je veux dire pour lequel le but dernier soit la parole et l'œuvre, et non point l'effet de cette parole, le résultat matériel ou moral. Ils parlent parce qu'on les invite à parler. Ils parlent plus facilement que nous parce qu'ils ont moins de scrupules. Ils parlent plus haut que nous parce qu'ils n'ont pas les raisons que nous avons de parler parfois à demi-voix, de respecter certaines choses.
Je ne nie point, certes, le grand mérite de quelques œuvres juives, mettons les pièces de [Georges de] Porto-Riche par exemple. Mais combien les admirerais-je de cœur plus léger si elles ne venaient à nous que traduites ! Car que m'importe que la littérature de mon pays s'enrichisse si c'est au détriment de sa signification. Mieux vaudrait, le jour où le Français n'aurait plus force suffisante, disparaître, plutôt que de laisser un malappris jouer son rôle à sa place, en son nom. » (Journal, 24 janvier 1914)
Georges Cogniot, ancien élève de l'ENS-Ulm, agrégé de lettres, rédacteur en chef du quotidien communiste L'Humanité de 1937 à 1950, " Les communistes et le sionisme ", La Nouvelle Critique, n° 44, mars 1953 :
§ C / Adolf Hitler, parlait de « race » (
Mein Kampf, tome 1er, chapitres 4 et 11). Mais selon Yves-Charles
Zarka, " la définition à laquelle les nazis ont abouti n’était pas du tout originale, puisque, cherchant une définition raciale du Juif, et ne la trouvant pas, il se sont rabattus sur une définition religieuse : la religion des grands-parents, la religion d’un individu, la religion de l’épouse, etc. " (" Les manipulations du nom de Juif ",
Cités, 2007, n° 31).
Julien GREEN : « Il [
Hugo Weisgall] m'a parlé du problème juif — je l'y avais encouragé — avec amertume, et comment lui en vouloir ? Je me souviens que, lorsque j'étais enfant, je cherchais à comprendre pourquoi les Juifs étaient insultés et méprisés, comment il se faisait que le petit Cohen fût juif et non moi, qu'il participât à cet affreux destin alors que j'en étais exempté. Un sentiment de ce jour s'empare encore de moi quand je parle à un Juif, car je vois bien qu'ils ne sont pas comme nous et que le fameux discours de Shylock [Shakespeare,
The Merchant of Venice, III, 1] est spécieux. Mais pourquoi ? Peut-être ne nous comprennent-ils pas mieux que nous ne les comprenons. Pour ma part, il arrive toujours un moment où, dans une conversation avec un Juif, je me trouve face à face avec un mur que je ne puis abattre. Ce n'est pas manque de sympathie, c'est bien autre chose. M'étonne plus que tout le reste, la facilité avec laquelle le Juif accepte son sort, ignore les injures, sourit de tout. Sans doute, c'est nous qui lui avons appris cette extrême patience. »
Toute ma vie Journal intégral ** 1940-1945, 6 décembre 1942, Paris : Bouquins éditions, 2021.
Jean-Paul SARTRE, 1946 : « Je ne nierai pas qu'il y ait une race juive [...] Encore convient-il de se montrer prudent : il faudrait plutôt dire des races juives. » Réflexions sur la question juive, 3, Paris : Paul Morihien, 1946.
Éric Marty : " Pour le démocrate, il y a une sorte de frayeur à l’idée qu’il y ait une conscience juive, à l’idée qu’il y ait ce que Sartre appelle alors « une conscience de la collectivité israélite ». Il n’y a pas de Juifs, dit le démocrate, selon Sartre. C’est exactement ce qu’écrit [Alain] Badiou. Il n’y a pas de question juive. Cela signifie donc qu’il veut séparer le Juif de sa communauté pour en faire finalement ce que Sartre ailleurs désigne comiquement sous l’image du petit pois dans une boîte de conserve où chaque individu est identique à l’autre dans une sorte de série non unifiée. Ce qu’écrit Sartre, c’est qu’il n’y a pas tellement de différence entre l’antisémite et le démocrate, l’antisémite veut détruire le Juif comme homme pour le laisser comme Juif, donc comme paria, alors que le démocrate veut détruire le Juif comme Juif pour ne conserver en lui que l’homme. Un sujet abstrait universel des droits de l’homme et du citoyen. Il y a comme un chiasme qui réunit et oppose l’antisémite au démocrate, et c’est à mes yeux ce même lien de chiasme qui unit et oppose [Alain] Badiou et l’antisémite. Quoi qu’il en soit, Sartre n’est pas du tout dans la position faible de Badiou. Sartre a un rapport beaucoup plus complexe à la question juive et il défend, justement dans ce texte-là, alors qu’Israël n’est pas encore créé, l’idée qu’il y ait une nation juive possédant un sol et une autonomie, et il soutient l’idée que finalement un Juif authentique peut au nom de ce qu’il appelle l’authenticité juive – ce sont les termes de Sartre – défendre une communauté israélite. Donc ce qui est intéressant dans la position de Sartre, c’est qu’il y a ce discours selon lequel l’antisémite fait le Juif en tant que celui-ci est posé comme paria, mais Sartre n’est pas du tout dans la position d’un « pour autrui » qui serait la seule dimension d’existence humaine : il y a un « pour-soi » et il y a une dimension où la subjectivité est tout à fait légitime." (Éric Marty, " Les manipulations du nom de Juif ", Cités, 2007, n° 31).
Pour le cinéaste Costa-Gavras (né en 1933), " Les juifs, ce n’est pas une race, c’est une religion " (Le Figaro, 27 février 2002, page 27). Mais quid des juifs athées ? Car " les Juifs ", c'est évidemment plus et autre chose qu'une simple religion.
Selon le philosophe
Yves-Charles Zarka, « La notion d’antisémitisme reste adéquate pour désigner, comme elle l’a fait depuis près d’un siècle et demi, des actes de haine et d’hostilité à l’égard des juifs considérés non comme des individus qui partagent une confession commune, mais comme une ethnie, un peuple ayant des traits communs bien qu’il ne réside pas sur un territoire unique. » (« L’antisémitisme en France aujourd’hui »,
Cités, n° 10, 2002, note 7). ). Il semble y avoir au moins deux ethnies, les
ashkénazim et les
séfardim.
« Pendant des siècles, de façon tout à fait paradoxale, à la fois une religion et un peuple » selon Maurice Kriegel,
Répliques, 29 septembre 2012 , " Faut-il déconstruire Israël ? "; Maurice Kriegel est directeur du
Centre d’études juives de l’É.H.É.S.S., spécialiste du judaïsme ibérique et du marranisme à la fin du Moyen Âge.
Edgar Morin [Naoum] : " C'est une religion, et en même temps c'est un peuple. " (" Ce soir ou jamais ", France 2, 7 mars 2014). Il n'a pas expliqué comment cela était possible.
Manuel VALLS : « Il y a un mal, ancien et perfide, qui transporte à travers les siècles la détestation du peuple juif. Ce mal est aussi parfois encouragé par des groupes politiques, notamment sur internet. Cela se fait souvent sous couvert d’antisionisme et de la haine d’Israël. Il y a aussi la menace terroriste qui, au-delà de ce climat détestable, ajoute le risque d’actes dirigés contre les symboles de la communauté juive et contre nos compatriotes juifs. Les drames de Toulouse ou de Bruxelles en ont été les manifestations les plus effroyables. » (Réponse au député Pascal Popelin, Questions au Gouvernement, 9 décembre 2014)
Robert Badinter (1928-2024) : « Ils n'ont pas renoncé à être eux-mêmes. Et qu'est-ce que c'est d'être juif, sinon pratiquer la religion juive. [...] Les juifs sont le peuple de la mémoire et de la fidélité. » (LCI, 17 novembre 2023).
§ D / ALAIN FINKIELKRAUT :
« De la tragédie vécue par mon peuple, je faisais un spectacle tragique dont j'étais le héros. » (Le Juif imaginaire, Paris : Le Seuil, 1980, I " Le roman de l'étoile jaune ", 1 "Présentation du personnage").
« Le marxisme [n'est pas] la meilleure arme pour comprendre l'hostilité contre le peuple d'Israël. Il s'en faut même de beaucoup. ». (Le Juif imaginaire, II "Le visible et l'invisible", 4 "Le Juif et l'Israélite : Chronique d'un déchirement", Appendice).
« L'indéfinition même du judaïsme est précieuse : elle montre que les catégories politiques de classe ou de nation n'ont qu'une valeur relative. Elle marque leur impuissance à penser le monde dans sa totalité. Le peuple juif ne sait pas ce qu'il est, il sait seulement qu'il existe, et que cette existence déconcertante brouille le partage instauré par la Raison moderne entre le politique et le privé. » (
Le Juif imaginaire, III " Les dispersés et leur royaume ", 8 " La résurrection de la pieuvre ")
« Les juifs, avec la Révolution française, ont vu comme une espèce d'accomplissement messianique. Ils ont mis toutes leurs espérances dans l'assimilation, d'où d'ailleurs, l'émergence et le succès du terme d'"israélite". On était d'origine juive, on était de confession juive" mais ce qui importait c'était la France et pouvait d'autant mieux s'assimiler que la France réalisait d'une certaine manière, les promesses de la Bible, au travers, notamment, des droits de l'homme. Il se trouve que les choses ne sont pas tout à fait passées ainsi ; Il y a eu la Révolution française, mais il y a eu, sous le XXe siècle, Munich et Vichy ; donc le franco-judaïsme a explosé. Et il était tout à fait légitime que pour certains juifs, l'urgence ait été, après la guerre, d'une réaffirmation identitaire et chez Lévinas notamment, même d'une retour au texte talmudique ; mais ce que je constate aujourd'hui, c'est une sorte de communauté de destin entre les Juifs et les Français (
1), dans la mesure où il se développe, en France aujourd'hui, simultanément, une judéophobie extrêmement violente, et une francophobie de plus en plus massive. L'injure "sale français", "sale gaulois", etc., etc., court les rues. [...] Les juifs et les Français, d'une certaine manière, sont renvoyés à leur identité et les Français d'ailleurs à une vision identitaire de leur propre histoire c'est-à-dire, après tout, oui, qui sommes-nous pour recevoir un tel paquet de haine, et qu'est-ce qui, dans notre identité, doit être réaffirmé, préservé avec intransigeance. Je n'ai jamais dit que le fait pour les juifs de cultiver leur héritage, ou plutôt leur fidélité, devait en quelque sorte s'accompagner d'un quelconque mépris pour la culture française. Je pense même que l'attitude juive pourrait servir d'exemple ; on peut à la fois être un juif fidèle, quelque forme que prenne cette fidélité, et en même temps témoigner d'un attachement presque inconditionnel à la culture française. La France, disait Lévinas, une nation à laquelle on peut s'attacher par le cœur et par l'esprit, autant que par les racines. [...] On ne peut pas dire que toutes les nations aient produit une civilisation, la France oui. La civilisation française est une proposition de monde, une proposition qui s'adresse aussi bien aux autochtones qu'aux étrangers ; ce que je constate, c'est que cette proposition est refusée par un certain nombre d'immigrés. Pas tous, et pas toutes les immigrations. Est-ce qu'on doit persister dans cette proposition, ou est qu'on doit la remplacer par une proposition multiculturelle ? Je pense qu'il faut coûte que coûte persister dans cette proposition notamment dans un de ses aspects essentiels, le rapport aux femmes. » (
Ainsi parlait, 23 novembre 2012)
1. À rapprocher de ces lignes du même Alain Finkielkraut, écrites après des attentats antisémites dans les banlieues : « Pour la première fois, nous sommes dans le même bateau […] Ce n’est pas le moment de nous désolidariser de la France en l’accusant puisque la haine dont nous sommes l’objet vise aussi la France. » (« Un mouvement beaucoup plus vaste dont les Juifs ne sont pas les seules cibles », L’Arche, n° 527-528, janvier-février 2002, page 36).
§ E / 1 / De quoi s'agit-il avec ce " fait juif " (B.-H. Lévy, voir fin de cette note) ou " l'existence juive " (Maurice Kriegel) ?
— Peuple, selon Jean-Jacques Rousseau
Les Juifs, jusqu’alors dispersés, mais qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, c’est-à-dire un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur, disait Charles de Gaulle (Conférence de presse du 27 novembre 1967.
« Si peuple juif il y a, il n’existe pas d’autre peuple du même type que lui », notait Raymond Aron dans ses Mémoires (1983, chapitre XIX).
" Peuple juif " selon Roger Cukierman (2012), Manuel Valls (2014) et Meyer Habib.
Meyer Habib, alors député des Français établis hors de France (8e circonscription). " L’idée que le peuple juif n’a pas droit à un État, c’est l’antisémitisme par excellence. " (Questions au Gouvernement, Assemblée nationale, 2e séance du19 février 2019).
« Une école, un peuple, une religion ou encore autre chose » s’interrogeait Jean-Michel Salanskis dans Extermination, loi, Israël. Éthanalyse du fait juif (Paris : Les Belles Lettres, 2003).
— d'une nation comme l'écrivait en 1799 le général Napoléon Bonaparte, et avant lui Voltaire,
— d'une communauté, d'une ou deux tribus, d'une secte selon Louis-Ferdinand Céline, d'une nationalité,
— d'une religion selon Costa-Gavras et Shlomo Sand (Répliques du 29 septembre 2012, " Faut-il déconstruire Israël ? "),
— d'une articulation du peuple sur la religion ? (Edgar Morin, Alain Finkielkraut),
— d'une race (Baudelaire, Gide, Hitler, Céline, Sartre, Joffrin) ? Cette option est heureusement abandonnée.
—
d'une culture,
— d'une civilisation,
« Le judaïsme est une civilisation. Et l’une des rares civilisations à avoir laissé sa marque sur toute l’humanité. La religion est une dimension centrale de la civilisation juive, peut-être même son origine, mais cette civilisation ne peut pas être présentée comme rien de plus qu’une religion. » (Amos Oz et Fania Oz-Salzberger, Juifs par les mots [Jews and Words, Yale University Press, 2012], Paris, Gallimard, 2014, traduit de l'anglais par Marie-France de Paloméra.
— d'une histoire et d'une loi selon Sylvie-Anne Goldberg, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) au Centre d'Études Juives,
— Perrine Simon-Nahum : " Le judaïsme est une civilisation [...] Le judaïsme n'est pas seulement une religion, c'est aussi une tradition, c'est aussi une transmission, c'est aussi une culture. " (Talmudiques, France Culture, 26 janvier 2019)
— d’une ou plusieurs ethnies, d'une caste, d'un peu de tout cela ou encore d'autre chose ?
FRËCHE : « Des Frêche, il y en a aussi beaucoup à Paris, et ces Frêche-là, dont le nom s’écrit exactement comme le mien, ce sont tous des juifs : des juifs originaires des pays baltes – Lituanie, Lettonie – ou de Pologne. Or, selon ces Frêche de Paris, ma famille ariégeoise pourrait descendre d’une famille de marranes convertie au catholicisme après avoir été chassée d’Espagne au XVè siècle. Cette hypothèse me plaît; j’aimerais bien être d’origine juive. Pour moi, avoir une ascendance juive, ce serait un honneur. Quel est le peuple (1) qui a produit Moïse, Jésus de Nazareth, Marx, Freud et Einstein ? Comment ne pas être fier d’être juif ? » (Georges Frêche, Il faut saborder le PS , conversations avec Alain Rollat, Paris : Le Seuil, 2007).
1. Quel est le peuple qui a produit Homère et Hésiode, Pythagore, Thalès, Hérodote et Thucydide, Socrate, Platon, Aristote, Euclide, Archimède, Eschyle, Euripide, Sophocle ?
CUKIERMAN " L’utilisation du mot Parlement [juif européen] est choquante car un parlement traduit l’appartenance à une nation en tant que citoyen. Alors qu’être juif c’est, pour faire simple, faire partie du peuple juif [souligné par Cl. C.]. Quant à la nation juive, elle vit en Israël et les citoyens israéliens ont leur parlement, la Knesset. "
(Roger Cukierman, alors ancien et futur président du CRIF, Judaïque FM 94.8, 5 mars 2012)
§ E / 2 Pour le philosophe Alain Badiou (né en 1937), la faute des juifs de France serait de se sentir liés à Israël. Mais c'est l'État juif lui-même qui, par sa " loi du retour ", établit ce lien avec la
diaspora, avec ce qui apparaît comme une caste, une internationale, et offre ainsi à tout juif du monde une double nationalité potenti
elle. Cette
loi du retour du 5 juillet 1950, confirmée en 2006, accorde à tout juif le droit d'immigrer en Israël :
« 1. Tout Juif a le droit d’immigrer en Israël.
4.B Pour les besoins de cette loi, " un Juif " désigne une personne née d’une mère juive ou convertie au judaïsme et qui n'est pas membre d'une autre religion. » (précision apportée par amendement en date du 10 mars 1970). »
Israel as the Nation State of the Jewish People. Publicized : July 19, 2018
1. Basic principles
A. The land of Israel is the historical homeland of the Jewish people, in which the State of Israel was established.
B. The State of Israel is the national home of the Jewish people, in which it fulfills its natural, cultural, religious and historical right to self-determination.
C. The right to exercise national self-determination in the State of Israel is unique to the Jewish people.
§ E / 3 « Qui prétendra que cette affaire de religion définissant également un peuple dont la plupart des membres ne mettent jamais les pieds dans une synagogue est claire ? » demandait Élisabeth Lévy, " Mon ami Régis - Où était [Régis] Debray ces vingt dernières années ? ", Causeur, 9 juin 2010.
Le président du
Crif réaffirma [le 20 mars 2013] le soutien de la communauté juive à l’État d’Israël.
« Je suis sioniste, a-t-il lancé, comme la grande majorité de la population juive de France et comme les membres du Crif. Pour nous, le sionisme, ce mot que l’on cherche à diaboliser, c’est le mouvement de libération du peuple juif. » Il dénonça ce qu’il a appelé l'« israélophobie »." (liberation.fr). À l'époque, le CRIF se présentait ainsi : " Le CRIF, Conseil représentatif des institutions juives de France, porte-parole de la communauté juive de France auprès des pouvoirs publics, en est sa représentativité politique. C’est à ce titre qu’il s’exprime auprès des médias ". Ce n'est plus le cas aujourd'hui (28 septembre 2021 ; sauf erreur).
§ E / 4 C'est donc cette clarification qui est requise pour la solution de la question juive (André Gide, Jean-Paul Sartre) en général, et du problème israëlo-palestinien en particulier. Enfin, Edgar Nahoum-Morin : « On peut dire " les juifs " parce que les juifs c'est pas seulement une religion, c'est quelque chose de plus, et de plus complexe. » (" Parlons-en ", LCP AN, 10 avril 2011). Avec le terme de caste, on a bien ce complexe qui amalgame tous les éléments simples tels que peuple, religion, communauté endogamique, ethnie, origine généalogique ancestrale, etc. Si la notion de " peuple juif " n'est pas tenable en dehors des croyance religieuses judéo-chrétiennes, il existe désormais un peuple israélien sur le territoire de l'État d'Israël..
Dictionnaire de l'Académie française, 9e édition : " CASTE n. f. XVIIe siècle. Emprunté du portugais casta, « race », qui remonte au latin castus, « qui se conforme aux rites ».
1. Principalement dans l'Inde médiévale et moderne, groupe dont les membres ne se marient qu'entre eux, qui se distingue des autres groupes de même nature par la fonction sociale ou le métier, et qui, sous ces rapports, constitue une communauté homogène au sein de la société. La caste est l'unité minimale d'un système social hiérarchisé fondé sur l'opposition entre pur et impur, et sur une répartition théorique en quatre classes. Caste des bouchers, des cochers. Les parias sont des individus hors caste.
Par extension : Dans l'Inde védique, chacune des quatre classes composant la société. La caste des brahmanes. La caste des guerriers. "
§ E / 5 Dans cette recherche d'une réponse à la question « De quoi " les juifs " est-il le nom ? », le propos de Jean-Paul Sartre est considéré comme antisémite, sans doute depuis le compte-rendu par Le Monde d'un congrès sartrien aux USA, mais fut longtemps ignoré (notamment par le pourtant vigilant Bernard-Henri Lévy dans L’Idéologie française, ouvrage dans lequel il revendiquait ouvertement son sectarisme). Le Journal 1994 – La Campagne de France de Renaud Camus, le devint (antisémite) dès sa parution (Paris : Fayard, avril 2000) par la décision d'un critique des Inrockuptibles, relayé par des confrères ; on lui reprocha ces quelques lignes : « Les collaborateurs juifs du " Panorama " de France-Culture exagèrent un peu, tout de même : d'une part ils sont à peu près quatre sur cinq à chaque émission, ou quatre sur six ou cinq sur sept, ce qui, sur un poste national ou presque officiel, constitue une nette sur représentation d'un groupe ethnique ou religieux donné ; d'autre part, ils font en sorte qu'une émission par semaine au moins soit consacrée à la culture juive, à la religion juive, à des écrivains juifs, à l'État d'Israël et à sa politique, à la vie des juifs en France et par le monde, aujourd'hui et à travers les siècles. C'est quelques fois très intéressant, quelquefois non ; mais c'est surtout un peu agaçant, à la longue, par défaut d'équilibre. » (page 48).
J'appelle
antisémitisme, au sens d'un comportement condamnable moralement, ceci :
hostilité agressive envers toute personne supposée juive simplement parce qu'elle serait juive. Reprocher à certains juifs de pratiquer un communautarisme exacerbé — en fait en France un bicommunautarisme, celui du Consistoire et celui du CRIF — , qui plus est sur le service audiovisuel
public, n'a donc rien à voir avec l'antisémitisme comme je le définis.
La définition proposée par le
Trésor de la langue française (fruit du CNRS...
), " Hostilité manifestée à la race juive et érigée parfois en doctrine ou en mouvement réclamant contre les juifs des mesures d'exception " est inconsistante parce que l'identité juive ne consiste pas en l'appartenance à une race, concept lui-même aujourd'hui contesté à juste raison.
Contre-exemples : l'article déjà cité de Karl Marx qui contient ces très fortes critiques contre "le Juif" en général, cette fois : " Culte profane du juif ? Le trafic. Dieu profane ? L'argent. [...]
Nationalité chimérique ... nationalité du commerçant, de l'homme d'argent " – n'est généralement pas épinglé comme étant antisémite, n'ayant pas été dénoncé comme tel par une autorité médiatique du
politiquement correct (La défunte Halde ayant trouvé plus prudent, sinon plus pertinent, de s'en prendre à Pierre Ronsard pour son " Mignonne, allons voir ... " ou de cautionner un temps le port du voile islamique dans les crèches).
On ne traite pas davantage
Léon Blum de raciste pour avoir écrit : « Pour remplir les cadres que je viens de dessiner, il faudra […] des individus à la raison assez large pour embrasser des ensembles, assez nette et servie par une volonté assez ferme pour ramener vers le même axe de marche la complexité des affaires. Ce modèle humain était presque une des spécialités de notre
race [française]. » (« Lettre sur la réforme gouvernementale », § IV,
Revue de Paris, 1er décembre 1917).
Les mots d'André Gide déjà cités, « Les qualités de la race juive ne [sont] pas des qualités françaises [...] il y a en France une littérature juive, qui n'est pas la littérature française. » (
Journal, 24 janvier 1914) n'ont pas encore fait scandale , avec raison d'ailleurs, car si ce concept de " race juive " ne tient plus aujourd'hui, en revanche ne pas être français ne devrait rien avoir d'infamant. Ni non plus cet étonnant point de vue de Jean-Paul Sartre, après Winston Churchill et Céline, et avant le professeur Ernst Nolte, donc, Sartre alors sous l'influence de Benny Lévy :
« Il y avait un nombre de juifs considérable dans le parti communiste de 1917. En un sens, on pourrait dire que c'est eux qui ont mené la révolution. ». Jean-Paul Sartre et Benny Lévy, L'Espoir maintenant : les entretiens de 1980, Lagrasse : Verdier, 1991, page 70. Selon Stéphane Courtois, « en 1937, lors de la grande purge, 40 % des cadres supérieurs du NKVD étaient d’origine juive […] en Pologne et en Roumanie, les principaux cadres communistes d’après 1945 étaient des juifs » (Politique internationale, n° 80, été 1998, page 372). Bernard-Henri Lévy a qualifié de "quasi-juif" le dernier Sartre
, " celui des dialogues ultimes avec l’ancien dirigeant maoïste, devenu disciple de Levinas, Benny Lévy " (
" Patrick Drahi, les Juifs et l’argent ").
Avant Sartre et Courtois, cette remarque de Lénine rapportée par Francis Crémieux, " Le sionisme et la question juive ", La Nouvelle Critique, n° 44, mars 1953 :
§ E / 6 Les transgressions antisémites violentes des "jeunes" des banlieues, parfois appelées " le nouvel antisémitisme " sont systématiquement banalisées, rapportées à leur mal-vivre supposé, à leurs difficultés économiques (la prima causa des marxistes), à leur statut supposé de dominés. Quant au label voulu infamant de révisionniste ou négationniste, il se trouve décerné de façon assez aléatoire dans une société de pouvoir médiatique comme la nôtre, ce que confirmait, tout en le déplorant, Pierre-André Taguieff dans Le Figaro du 5 octobre 2000 (page 16) ; l'ethnologue Jean Pouillon, qui évoquait dans la revue des Les Temps Modernes, des " contes de bonne femme " à propos du procès de Nuremberg de 1945, n'a jamais été inquiété.
Le " statut des juifs " d'octobre 1940 était incontestablement une disposition discriminatoire ; un président de la République, socialiste tardif (François Mitterrand), déclara, le 12 septembre 1994, sur France 2, avoir tout ignoré à l’époque de cette loi contre les juifs étrangers…
Le décret Crémieux d'octobre 1870, cité plus haut, était aussi une discrimination. Ce décret distinguait en effet entre les Juifs et les Arabes d'Algérie, refusant aux seconds la nationalité française, les cantonnant dans leur statut religieux avec les conséquences historiques que l'on connaît. Il se trouve (ironie du sort) que nombre d'intervenants dans la dénonciation de l’antisémitisme, nés à El-Biar, à Béni-Saf (B.-H. Lévy) ou à Oran — par exemples —, doivent leur nationalité française à cette mesure, dont on entend rarement parler (sans doute parce qu'elle fut abrogée par Pétain en 1940 …), et dont les circonstances d'adoption initiale puis de rétablissement (le 21 octobre 1943 à Alger par le Comité français de la Libération nationale) restent obscures. Dans le cas de Bernard-Henry Lévy, ce décret est l’impensé de L’idéologie française.
Si l'antisémitisme fut un délit selon Jean-Paul Sartre – qui en 1941 succéda néanmoins, en tant que professeur titulaire au lycée Condorcet, à un professeur juif révoqué ..., le n° 92 de la revue
Commentaire en apportait confirmation –, l'historien
Jules Isaac, plus compétent en la matière, et auteur de
Genèse de l'antisémitisme (1956), le considérait comme un courant d'opinion ; ce qui ne lui donne pas de consistance logique ou morale pour autant, bien entendu, cela devrait aller sans dire. Parenthèse sur l'État d'Israël : certains considèrent cet État comme terroriste, mais ce
terrorisme juif semble surtout le fait de sionistes
avant la création de l'État en question.
Bernard-Henri Lévy : « Que le rapport de [Jean-Luc] Godard au fait juif soit complexe, contradictoire, ambigu, que son soutien du début des années 70, dans « Ici et ailleurs » par exemple, aux points de vue palestiniens les plus extrémistes fasse problème, qu’il y ait dans les « Morceaux de conversations » d’Alain Fleischer (2009) des séquences que je ne connaissais par définition pas lorsque furent lancés chacun de ces projets et qui, aujourd’hui, m’ébranlent, cela est incontestable. Mais déduire de tout cela un péremptoire « Godard antisémite ! » et s’appuyer sur cet antisémitisme supposé pour, en une démarche de plus en plus courante en cette basse époque de police de l’art et de la pensée, tenter de disqualifier l’œuvre entière, c’est faire injure à un artiste considérable en même temps que jouer avec un mot – l’antisémitisme – à manier, je le répète, avec la plus extrême prudence. »
http://laregledujeu.org/2010/04/06/1210/godard-et-lantisemitisme-pieces-additionnelles-et-inedites/
F / Le terme contraire " non-Juif " confirmerait l'existence en France d'une véritable caste juive, communauté fermée, structurée en :
Agence juive pour Israël, Ahavat Hayeled, Alliance Israélite Universelle, Amicale des anciens déportés juifs (AADJF), Amis du Musée d'Israël, Anciens de la Résistance juive (ARJ), Appel Unifié Juif de France, Association de coopération économique France-Israël (ACEFI), Association des anciens combattants et engagés volontaires juifs, Association des élèves et anciens élèves juifs des grandes écoles et des classes préparatoires (AJECLAP), Association des Journalistes Juifs de France, Association des juifs des Grandes écoles (AJGE), Association des Médecins Israélites de France, (AMIF) , Association des Pharmaciens juifs de France (APJF), Association France Israël, Association indépendante des anciens déportés juifs de France, Association pour un judaïsme humaniste et laïque (AJHL), Avocats sans frontières,
Beit Ham, B'NAI B'RITH , Bureau nationale de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA),
Centre communautaire de Paris (ESPACE CULTUREL JUIF OUVERT À TOUS), Centre d'Études juives (ÉHÉSS), Centre européen du judaïsme, Centre rabbinique européen, Centre Simon Wiesenthal, Cercle Bernard Lazare, Collectif Averim, Comité français de l'association internationale des juristes juifs, Comité français pour Yad Vashem, Communauté juive libérale, Confédération des juifs de France et des amis d’Israël, Congrès juif européen, Congrès juif mondial, Connec’Sion (association des informaticiens juifs de France), Conseil des communautes juives de Seine-Saint-Denis, Consistoire central, Consistoire de Paris, C.R.I.F.,
Département éducatif de la jeunesse juive (DEJJ)
Éclaireuses éclaireurs israélites de France (EEIF), Europe Israël, European Jewish Association,
Farband - Union des sociétés juives de France (USJF), Fédération des associations sépharades de France (FASF), Fédération des anciens combattants juifs de France, Fédération des Organisations Sionistes de France, Fédération des sociétés juives de France (FSJF) , Fédération du judaïsme libéral francophone, Fédération nationale des écoles juives autonomes (FNEJA), Fédération Sioniste de France, Fils et Filles des déportés juifs de France (FFDJF), Fondation du Judaïsme français, Fonds Social Juif Unifié (FSJU),
Hadassah France,
Jeunesse Loubavitch, Judaïsme et liberté,
Ligue de défense juive,
Mémorial de la Shoah, Mémorial du martyr juif inconnu, Mouvement juif libéral de France (MJLF), Mouvement Loubavitch,
Œuvre de Protection de l’Enfance Juive (OPEJ), Organisation Juive Européenne (OJE).
Patrimoine juif de France, Pour la culture juive, Pour la culture sépharade, Pour l'éducation juive, Pour la solidarité juive,
Rassemblement des Avocats Juifs de France, Renouveau Juif,
Section française du CJM, Service de Protection de la Communauté Juive (SPCJ), SIONA, Socialisme et Judaïsme
Union des associations intercommunautaires de la région parisienne, Union des cadres juifs de France, Union des centres communautaires, Union des conseils des communautés juives de l'Île-de-France, Union des Dentistes Juifs de France, Union des Étudiants juifs de France (UEJF), Union des Jeunes Médecins Juifs de France, Union des organisations juives européennes, Union des Professionnels Juifs de France, Union des sociétés juives de France , Union intercommunautaire, Union Juive Française pour la Paix (UJFP), Union libérale israélite de France (ULIF), etc.
* "530 000 à 550 000 personnes sont [en France] attachées au judaïsme, selon le Conseil représentatif des institutions juives de France." (nouvelobs.com, 19 mars 2012)
A / " On me dit que des juifs se sont glissés dans la salle ??
Vous pouvez rester ...
N’empêche qu’on ne m’ôtera pas de l’idée que, pendant la dernière guerre mondiale, de nombreux juifs ont eu une attitude carrément hostile à l’égard du régime nazi.
Il est vrai que les Allemands, de leur côté, cachaient mal une certaine antipathie à l’égard des juifs. Mais enfin, ce n’était pas une raison pour exacerber cette antipathie en arborant une étoile à sa veste pour bien montrer qu’on n’est pas n’importe qui, qu’on est le peuple élu, et pourquoi j’irais pointer au Vélodrome d’hiver, et qu’est-ce que c’est que ces wagons sans banquettes, et j’irai aux douches si je veux…
Quelle suffisance !
Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Je n’ai rien contre ces gens-là. Bien au contraire. Vous savez, je suis fier d’être citoyen de ce grand pays de France où les juifs courent toujours.
Je me méfie des rumeurs. Vous savez, quand on me dit que si les juifs allaient en si grand nombre à Auschwitz, c’est parce que c’était gratuit, je pouffe.
Et puis attention, il y a juif et juif, hein. Oui, il y a deux sortes de juifs : il y a le juif assimilé et il y a le juif-juif. Et c’est pas du tout pareil.
Le juif assimilé si vous voulez c’est… C’est n’importe quoi alors c’est le genre de mec : Il regarde l’Holocauste les pieds sur la table en bouffant du cochon pas cacher.
Il est infoutu de reconnaître le mur de Berlin du mur des Lamentations.
Ah non ! Quand il voit un mur, il joue au squash.
Ces gens là sont la honte des synagogues.
En plus, ils n’auront même pas la chance d’être reconnus par les nazis lors de la prochaine.
Le juif-juif, lui c’est complètement différent :
Le juif-juif se sent… Comment dire ? Il se sent plus juif que fourreur. Il renâcle à l’idée de se mélanger aux gens du peuple non élu. En dehors des heures d’ouverture de son magasin bien sûr.
Dès son plus jeune âge, il recherche la compagnie des autres juifs. Et c’est pas toujours facile.
C’est vrai, naguère encore, les juifs avaient les lobes des oreilles pendants, les doigts et le nez crochu, et la bite à col roulé.
Mais maintenant depuis que le port de l’étoile est tombé en désuétude, on sait pas pourquoi, c’est pas évident de distinguer du premier coup d’œil un petit enfant juif d’un petit enfant antisémite.
Vous comprenez, maintenant, ces gens là, les juifs, ils se font tous raboter le pif et raccourcir le nom. Alors on les reconnaît plus. Non mais c’est vrai, regardez Jean-Marie Le Penovitchstein, on dirait un breton.
Vous savez que tous les praticiens de la chirurgie esthétique sont juifs.
Tous les médecins sont juifs, hein. Sinon, t’as pas le diplôme.
Tous les pharmaciens sont juifs ...
Tous les archevêques de Paris sont juifs !
Tout le monde sont juifs !
En tout cas, pour ce qui est des médecins, je suis absolument formel. Tous les médecins sont juifs.
Enfin le docteur Petiot, je suis pas sûr… Vous savez pas qui était le docteur Petiot ? Mais elle est bête !! C’est pas grave, c’est pas vraiment une gloire nationale. Le docteur Petiot ? Comment vous dire ? En un mot ? Je veux dire, bon… Le docteur Petiot, si vous voulez, c’est ce médecin parisien qui a réussi à démontré en 1944 que les juifs étaient solubles dans l’acide sulfurique. En gros, hein. Je schématise. Eh bien, le docteur Petiot n’était pas juif. Alors que le docteur Schwartzenberg, si.
Cela dit, il n’y a aucun rapport entre Petiot et Schwartzenberg. Je sais même pas pourquoi je fais le rapprochement. Non ! Je veux dire que Schwartzenberg, lui, il fait pas exprès de tuer les gens. Non. Voilà encore un bruit idiot qui court. Quand on dit que les juifs sont vecteurs de maladie, c’est pas vrai : regardez Schwartzenberg, est-ce qu’il est cancérigène ? Non. Comme le disait mon copain [Thierry] Le Luron, il suffit de ne pas trop s’approcher.
Les juifs-juifs ne se marient qu’entre eux, bien sûr, hein ?
B / À ce propos, je relisait récemment un livre d’Harris et Sédouy qui est paru chez Grasset y a… je sais plus, 5 ou 6 ans [en 1979], qui s’appelait Juifs et Français, dans lequel les auteurs demandaient à une grande journaliste de télévision, pleine de talent, très belle en plus, non, pas Ockrent, une journaliste, quelqu’un qui écrit des articles, qui fait des reportages. Non, j’aime beaucoup Christine Ockrent, mais c’est pas ce qu’on appelle une… Elle est plutôt mannequin Télé 7 jours que journaliste si vous voulez. Non s c’est bien, c’est un métier hein ! Écoutez, c’est vrai, la pauvre. Un jour elle pose avec sa mère, trois semaines après avec son grand père, après ça, elle a posé sur deux pages avec son bébé. Enfin c’est incroyable. Je suis sûr qu’elle aurait fait une fausse couche elle aurait posé à côté du placenta.
Non là je fais allusion, Harris et Sédouy interviewaient une grande journaliste de télévision française, très belle, je répète, mais dont je tairai l’identité par pure discrétion, vous pouvez le comprendre. Eh bien les auteurs demandaient à cette jeune femme [Anne Sinclair] si elle aurait épousé Yvan Levaï pour le cas où il n’aurait pas été juif comme elle. Eh bien voyez vous, cette jeune femme a répondu que non, qu’elle n’aurait probablement pas pu tomber amoureuse d’un non-juif [elle a ensuite été l'épouse de DSK].
Moi je comprends très bien cette attitude qu’on pourrait un peu hâtivement taxer de racisme [antigoyisme]. Moi-même, qui suis limousin, j’ai complètement raté mon couple parce que j’ai épousé une non-limousine, une Vendéenne. Les Vendéens ne sont pas des gens comme nous.
Nous avons notre sensibilité limousine.
Nous avons bien sûr notre humour limousin, qui n’appartient qu’à nous.
D’accord, il ont des petits doigts, des petits lobes, mais je sais pas, nos patois ne sont pas les mêmes. Et puis, nos coutumes divergent, et dix verges c’est énorme.
Il n’y a pas de compréhension possible !!
Voilà une femme qui mange du poisson le vendredi en tailleur Chanel. Moi je mange de la viande le mardi en pantalon de coton. [Variante : moi je mange du bœuf mironton le jeudi.]
Nous partageons entre nous une certaine angoisse de la porcelaine, peu perméable aux Chouans.
Il faut avoir souffert à Limoges pour comprendre. "
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Le nom de "juif" désigne dans les livres de Daniel et d'Esther les habitants du royaume de Juda (royaume qui était fort composite puisqu'il comprenait, outre les membres de la tribu de Juda qui était l'une des 12 tribus d'Israël, les membres de la tribu de Siméon ainsi que des villes tenues par des membres de la tribu de Lévi, royaume qui en outre était politiquement uni à la tribu-territoire de Benjamin où se trouvait la cité de Jérusalem) qui suivent la religion juive. Ce royaume de Juda ou royaume du sud était né, lors du schisme de Sichem en 922 avant notre ère, de la scission du premier Etat d'Israël composé des 12 tribus et suivant la religion yahviste, sa scission ayant provoqué l'apparition de 2 Etats rivaux : le royaume du nord dit second Israël (origine de la Galilée), et le royaume du sud dit de Juda (origine de la Judée), entre ces 2 royaumes se trouvant la Samarie qui s'émancipa rapidement du second Israël. Alors qu'au temps du 1er Israël, le code juridique en vigueur était le droit princier de l'Exode, la chute ultérieure des 2 monarchies en 724 avant notre ère (pour le royaume du 2d Israël) et en 587 avant notre ère (pour le royaume de Juda) eut pour effet que dans le 2d Israël les Israélites yahvistes remplacèrent le droit princier de l'Exode par le droit prophétique du Deutéronome (très libéral) et toujours religieusement yahviste, alors qu'en Juda (= Judée) les Judéens remplacèrent le droit yahviste et princier de l'Exode par le droit sacerdotal du Lévitique (excessivement intolérant avec son "code dualiste du pur et de l'impur"), et c'est précisément cette réforme religieuse de la Judée post-monarchique qui prit le nom de judaïsme, lequel avait cours dans la Judée du temps de Jésus, et a cours aujourd'hui dans la quasi-totalité de l'Israël contemporain. Or ce judaïsme avait rompu avec les valeurs yahvistes de l'Exode du temps de Moïse. Le judaïsme désigne donc, du point de vue historique et philosophique, le yahvisme réformé de la Judée post-monarchique et qui, étant pro-léviticien, était à plusieurs points de vues anti-yahviste. Or ce qui a triomphé dans l'histoire et a fini par s'imposer religieusement à tout le territoire de la Palestine devenue l'actuel Israël, ce n'est pas le yahvisme primitif mais uniquement sa réforme tardive par les prêtres juifs de Judée (praticiens de la voie des rites) qui étaient hostiles aux valeurs de la royauté ainsi qu'aux praticiens de la voie des maîtres (patrons des métiers, nazîrs, lévites âgés de plus de cinquante ans, et prophètes). La judéité n'est donc pas seulement une notion ethnique : la filiation héréditaire aux descendants de la Judée post-monarchique ; c'est aussi une notion religieuse : l'appartenance à la religion juive ou judaïsme qui était un yahvisme réformé où le code juridique en vigueur était le droit sacerdotal du Lévitique (même si par ailleurs ces Juifs de Judée conservèrent dans leur canon appelé TaNaK l'ensemble des autres codes juridiques tout en se les subordonnant en théorie et en pratique). La question de la judéité pose donc 2 problèmes que je n'ai pas encore traités : 1. question ethnologique : comment rattacher historiquement et sociologiquement, identitairement, les descendants des Galiléens à ces Juifs de Judée ? ; 2. question religieuse : que penser des prétentions des juifs (pro-léviticiens) de Judée, de l'Israël contemporain et de la diaspora à représenter une religion primitive dont ils n'étaient qu'une partie dissidente et réformée, et comment restaurer la primauté et les valeurs de l'ancien yahvisme bafoué par les juifs de Judée et subverti par eux en forme de judaïsme ? Patrick Négrier
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