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vendredi 3 octobre 2025

DIALOGUE DE LA FOI ET DE L'INCROYANCE (SADE et alii)

Par le marquis Donatien de SADE (1740 - 1814)


Portrait par Charles Amédée Philippe van Loo, 1760, quand Sade avait 19 ans.

Dialogue entre un Prêtre et un Moribond 
écrit vers 1782?
suivi de

Paraphrase de l'Ode à Priape de Piron

Dialogue entre un Prêtre et un Moribond  :

Les huit premières notes (1 à 8) et les liens sont de moi Cl. C. ; la dernière note est de Sade.


Le prêtre : Arrivé à cet instant fatal, où le voile de l'illusion ne se déchire que pour laisser à l'homme séduit le tableau cruel de ses erreurs et de ses vices, ne vous repentez-vous point, mon enfant, des désordres multipliés où vous ont emporté la faiblesse et la fragilité humaine ? 

Le moribond : Oui, mon ami, je me repens.

Le prêtre : Eh bien, profitez de ces remords heureux pour obtenir du ciel, dans le court intervalle qui vous reste, l'absolution générale de vos fautes, et songez que ce n'est que par la médiation du très saint sacrement (1) de la pénitence qu'il vous sera possible de l'obtenir de l'éternel.

1. Expression représentative du style ecclésiastique ; un sacrement ne peut être un simple sacrement, ni même saint ; il doit être très saint.

Le moribond : Je ne t'entends pas plus que tu ne m'as compris.
Le prêtre : Eh quoi !
Le moribond : Je t'ai dit que je me repentais. 
Le prêtre : Je l'ai entendu.
Le moribond : Oui, mais sans le comprendre.
Le prêtre : Quelle interprétation ?...

Le moribond : La voici... Créé par la nature avec des goûts très vifs, avec des passions très fortes; uniquement placé dans ce monde pour m'y livrer et pour les satisfaire, et ces effets de ma création n'étant que des nécessités relatives aux premières vues de la nature ou, si tu l'aimes mieux, que des dérivations essentielles à ses projets sur moi, tous en raison des ses lois, je ne me repens que de n'avoir pas assez reconnu sa toute-puissance, et mes uniques remords ne portent que sur le médiocre usage que j'ai fait des facultés (criminelles selon toi, toutes simples selon moi) qu'elle m'avait données pour la servir ; je lui ai quelquefois résisté, je m'en repens. Aveuglé par l'absurdité de tes systèmes, j'ai combattu par eux toute la violence des désirs, que j'avais reçus par une inspiration bien plus divine, et je m'en repens, je n'ai moissonné que des fleurs quand je pouvais faire une ample récolte de fruits... Voilà les justes motifs de mes regrets, estime-moi assez pour ne m'en pas supposer d'autres.

Le prêtre : Où vous entraînent vos erreurs, où vous conduisent vos sophismes ! Vous prêtez à la chose créée toute la puissance du créateur, et ces malheureux penchants vous ont égaré - vous ne voyez pas qu'ils ne sont que des effets de cette nature corrompue, à laquelle vous attribuez la toute-puissance.

Le moribond : Ami - il me paraît que ta dialectique est aussi fausse que ton esprit. Je voudrais que tu raisonnasses plus juste, ou que tu ne me laissasses mourir en paix. Qu'entends-tu par créateur, et qu'entends-tu par nature corrompue ?

Le prêtre : Le créateur est le maître de l'univers, c'est lui qui a tout fait, tout créé, et qui conserve tout par un simple effet de sa toute-puissance (2).

2. La toute-puissance ne peut exister, selon Aristote, Horace et Sénèque le Jeune.
En effet, « la seule chose que Dieu n’a pas, le pouvoir de défaire ce qui s’est fait » (Éthique à Nicomaque, VI, ii, 6) ;
« Dieu ne peut pas faire que ce qui a eu lieu ne se soit pas produit » (Odes, III, xxix, 43) ;
« Le souverain créateur du monde a pu dicter les destinées, il y est soumis, il obéit incessamment, il a commandé une seule fois » (De la Providence, V, 8).
Cette impossibilité d'une toute-puissance du Dieu, qui nuisait gravement au concept, fut niée, mais sans arguments convaincants, par Jérôme (vers 347 / 420) puis par Pierre Damien (vers 1007 / 1072).


Le moribond : Voilà un grand homme assurément. Eh bien, dis-moi pourquoi cet homme-là qui est si puissant a pourtant fait selon toi une nature si corrompue.

Le prêtre : Quel mérite eussent eu les hommes, si Dieu ne leur eût pas laissé leur libre arbitre, et quel mérite eussent-ils à en jouir s'il n'y eût sur la Terre la possibilité de faire le bien et celle d'éviter le mal ?

Le moribond : Ainsi ton dieu a voulu faire tout de travers pour tenter, ou pour éprouver sa créature ; il ne la connaissait donc pas, il ne se doutait donc pas du résultat ?

Le prêtre : Il la connaissait sans doute, mais encore un coup il voulait lui laisser le mérite du choix.

Le moribond : À quoi bon, dès qu'il savait le parti qu'elle prendrait et qu'il ne tenait qu'à lui, puisque tu le dis tout-puissant, qu'il ne tenait qu'à lui, dis-je, de lui faire prendre le bon.

Le prêtre : Qui peut comprendre les vues immenses et infinies de Dieu sur l'homme et qui peut comprendre tout ce que nous voyons ?

Le moribond : Celui qui simplifie les choses, mon ami, celui surtout qui ne multiplie pas les causes (3), pour mieux embrouiller les effets. Qu'as-tu besoin d'une seconde difficulté, quand tu ne peux pas expliquer la première, et dès qu'il est possible que la nature toute seule ait fait ce que tu attribues à ton dieu, pourquoi veux-tu lui aller chercher un maître ? La cause de ce que tu ne comprends pas (4), est peut-être la chose du monde la plus simple. Perfectionne ta physique et tu comprendras mieux la nature, épure ta raison, bannis tes préjugés et tu n'auras plus besoin de ton dieu.

3. C'est le principe du rasoir d'Okham, ne pas multiplier les essences sans nécessité.
4. Rapprocher de : « Comment voulez-vous que j’admette pour cause de ce que je ne comprends pas, quelque chose que je comprends encore moins ? » (Sade, Philosophie dans le boudoir, troisième dialogue, Paris, Gallimard, 1998, édition Jean Deprun).
Et aussi : « Ceux qui veulent nous persuader de l’existence de leur abominable Dieu, osent effrontément nous dire, que parce que nous ne pouvons assigner la véritable cause des effets, il faut que nous admettions nécessairement la cause universelle. Peut-on faire un raisonnement plus imbécile, comme s’il ne valait pas mieux convenir de son ignorance, que d’admettre une absurdité ; ou comme si l’admission de cette absurdité devenait une preuve de son existence. » (Sade, Histoire de Juliette, 1ère partie, Paris, Gallimard, 1998, édition Michel Delon).

Le prêtre : Malheureux ! je ne te croyais que socinien - j'avais des armes pour te combattre, mais je vois bien que tu es athée, et dès que ton cœur se refuse à l'immensité des preuves authentiques que nous recevons chaque jour de l'existence du créateur - je n'ai plus rien à te dire. On ne rend point la lumière à un aveugle.

Le moribond : Mon ami, conviens d'un fait, c'est que celui des deux qui l'est le plus, doit assurément être plutôt celui qui se met un bandeau que celui qui se l'arrache. Tu édifies, tu inventes, tu multiplies, moi je détruis (5), je simplifie. Tu ajoutes erreurs sur erreurs, moi je les combats toutes. Lequel de nous deux est aveugle ?

5. Cf Nietzsche, Fragment posthume, U I 2b, fin 1870 - avril 1871 : 7[17] : « La pensée philosophique ne peut pas construire, mais seulement détruire. » Ainsi qu'Alfred de Vigny : « La philosophie de Voltaire […] fut très belle, non parce qu’elle révéla ce qui est, mais parce qu’elle montra ce qui n’est pas. » (Journal d’un poète, 1830).

Le prêtre : Vous ne croyez donc point en Dieu ?

Le moribond : Non. Et cela pour une raison bien simple, c'est qu'il est parfaitement impossible de croire ce qu'on ne comprend pas. Entre la compréhension et la foi, il doit exister des rapports immédiats ; la compréhension n'agit point, la foi est morte, et ceux qui, dans tel cas prétendraient en avoir, en imposent. Je te défie toi-même de croire au dieu que tu me prêches — parce que tu ne saurais me le démontrer, parce qu'il n'est pas en toi de me le définir, que par conséquent tu ne le comprends pas — que dès que tu ne le comprends pas, tu ne peux plus m'en fournir aucun argument raisonnable et qu'en un mot tout ce qui est au-dessus des bornes de l'esprit humain, est ou chimère (6) ou inutilité; que ton dieu ne pouvant être l'une ou l'autre de ces choses, dans le premier cas je serais un fou d'y croire, un imbécile dans le second.

6. « Qu’est-ce qui peut nous représenter l’idée de Dieu qui est évidemment une idée sans objet, une telle idée, leur ajouterez-vous, n’est-elle pas aussi impossible que des effets sans cause? Une idée sans prototype, est-elle autre chose qu’une chimère ? » (Sade, Philosophie dans le boudoir, cinquième dialogue).

Mon ami, prouve-moi l'inertie de la matière, et je t'accorderai le créateur, prouve-moi que la nature ne se suffit pas à elle-même, et je te permettrai de lui supposer un maître; jusque-là n'attends rien de moi, je ne me rends qu'à l'évidence, et je ne la reçois que de mes sens; où ils s'arrêtent ma foi reste sans force. Je crois le soleil parce que je le vois, je le conçois comme le centre de réunion de toute la matière inflammable de la nature, sa marche périodique me plaît sans m'étonner. C'est une opération de physique, peut-être aussi simple que celle de l'électricité, mais qu'il ne nous est pas permis de comprendre. Qu'ai-je besoin d'aller plus loin, lorsque tu m'auras échafaudé ton dieu au-dessus de cela, en serais-je plus avancé, et ne me faudra-t-il pas encore autant d'effort pour comprendre l'ouvrier que pour définir l'ouvrage ?
Par conséquent, tu ne m'as rendu aucun service par l 'édification de ta chimère, tu as troublé mon esprit, mais tu ne l'as pas éclairé et je ne te dois que de la haine au lieu de reconnaissance. Ton dieu est une machine que tu as fabriquée pour servir tes passions, et tu l'as fait mouvoir à leur gré, mais dès qu'elle gêne les miennes trouve bon que je l'aie culbutée, et dans l'instant où mon âme faible a besoin de calme et de philosophie, ne viens pas l'épouvanter de tes sophismes, qui l'effraieraient sans la convaincre, qui l'irriteraient sans la rendre meilleure; elle est, mon ami, cette âme, ce qu'il a plu à la nature qu'elle soit, c'est-à-dire le résultat des organes qu'elle s'est plu de me former en raison de ses vues et de ses besoins; et comme elle a un égal besoin de vices et de vertus, quand il lui a plu de me porter aux premiers, elle m'en a inspiré les désirs, et je m'y suis livré tout de même. Ne cherche que ses lois pour unique cause à notre inconséquence humaine, et ne cherche à ses lois d'autres principes que ses volontés et ses besoins.

Le prêtre : Ainsi donc tout est nécessaire dans le monde.
Le moribond : Assurément.
Le prêtre : Mais si tout est nécessaire - tout est donc réglé.
Le moribond : Qui te dit le contraire ?

Le prêtre : Et qui peut régler tout comme il l'est si ce n'est une main toute-puissante et toute sage ?

Le moribond: N'est-il pas nécessaire que la poudre s'enflamme quand on y met le feu ?
Le prêtre: Oui.
Le moribond : Et quelle sagesse trouves-tu à cela ?
Le prêtre : Aucune.

Le moribond : Il est donc possible qu'il y ait des choses nécessaires sans sagesse et possible par conséquent que tout dérive d'une cause première, sans qu'il y ait ni raison ni sagesse dans cette première cause.

Le prêtre : Où voulez-vous en venir? 

Le moribond : À te prouver que tout peut être ce qu'il est et ce que tu vois, sans qu'aucune cause sage et raisonnable le conduise, et que des effets naturels doivent avoir des causes naturelles, sans qu'il soit besoin de leur en supposer d'antinaturelles, telle que le serait ton dieu qui lui-même, ainsi que je te l'ai déjà dit, aurait besoin d'explication, sans en fournir aucune; et que, par conséquent dès que ton dieu n'est bon à rien, il est parfaitement inutile; qu'il y a grande apparence que ce qui est inutile est nul et que tout ce qui est nul est néant; ainsi, pour me convaincre que ton dieu est une chimère, je n'ai besoin d'aucun autre raisonnement que celui qui me fournit la certitude de son inutilité.

Le prêtre : Sur ce pied-là, il me paraît peu nécessaire de vous parler de religion.

Le moribond : Pourquoi pas, rien ne m'amuse comme la preuve de l'excès où les hommes ont pu porter sur ce point-là le fanatisme et l'imbécillité ; ce sont des espèces d'écarts si prodigieux, que le tableau selon moi, quoique horrible, en est toujours intéressant. Réponds avec franchise et surtout bannis l'égoïsme. Si j'étais assez faible que de me laisser surprendre à tes ridicules systèmes sur l'existence fabuleuse de l'être qui me rend la religion nécessaire, sous quelle forme me conseillerais-tu de lui offrir un culte ? Voudrais-tu que j'adoptasse les rêveries de Confucius, plutôt que les absurdités de Brahma, adorerais-je le grand serpent des nègres, l'astre des Péruviens ou le dieu des armées de Moïse, à laquelle des sectes de Mahomet voudrais-tu que je me rendisse, ou quelle hérésie de chrétiens serait selon toi préférable ? Prends garde à ta réponse.

Le prêtre : Peut-elle être douteuse. 
Le moribond : La voilà donc égoïste. 
Le prêtre : Non, c'est t'aimer autant que moi que de te conseiller ce que je crois. 
Le moribond : Et c'est nous aimer bien peu tous deux que d'écouter de pareilles erreurs. 
Le prêtre : Et qui peut s'aveugler sur les miracles de notre divin rédempteur ?
Le moribond : Celui qui ne voit en lui que le plus ordinaire de tous les fourbes et le plus plat de tous les imposteurs

Le prêtre : Ô dieux, vous l'entendez et vous ne tonnez pas !

Le moribond : Non, mon ami, tout est en paix, parce que ton dieu, soit impuissance, soit raison, soit tout ce que tu voudras enfin, dans un être que je n'admets un moment que par condescendance pour toi, ou si tu l'aimes mieux pour me prêter à tes petites vues, parce que ce dieu, dis-je, s'il existe comme tu as la folie de le croire, ne peut pas pour nous convaincre avoir pris des moyens aussi ridicules que ceux que ton Jésus suppose.

Le prêtre : Eh quoi, les prophéties, les miracles, les martyrs (7), tout cela ne sont pas des preuves ?

7. Cf Nietzsche, Antéchrist, § 53 : « Il est si peu vrai que des martyrs prouvent quoi que ce soit quant à la vérité d’une cause, que je suis tenté de nier qu’aucun martyr n’ait jamais rien eu à voir avec la vérité. Le ton sur lequel un martyr jette à la face du monde ce qu’il « tient pour vrai » exprime déjà un niveau si bas de probité intellectuelle, une telle indifférence bornée pour le problème de la vérité, qu’il n’est jamais nécessaire de réfuter un martyr. » Et André Gide : « N’a jamais rien prouvé le sang des martyrs. Il n’est pas religion si folle qui n’ait eu les siens et qui n’ait suscité des convictions ardentes. C’est au nom de la foi que l’on meurt ; et c’est au nom de la foi que l’on tue. L’appétit de savoir naît du doute. Cesse de croire et instruis-toi. » Nouvelles nourritures (IV).


Le moribond : Comment veux-tu en bonne logique que je puisse recevoir comme preuve tout ce qui en a besoin soi-même ? Pour que la prophétie devînt preuve, il faudrait d'abord que j'eusse la certitude complète qu'elle a été faite; or cela étant consigné dans l'histoire, ne peut plus avoir pour moi d'autre force que tous les autres faits historiques, dont les trois quarts sont fort douteux; si à cela j'ajoute encore l'apparence plus que vraisemblable qu'ils ne me sont transmis que par des historiens intéressés, je serai comme tu vois plus qu'en droit d'en douter. Qui m'assurera d'ailleurs que cette prophétie n'a pas été l'effet de la combinaison de la plus simple politique comme celle qui voit un règne heureux sous un roi juste, ou de la gelée dans l'hiver; et si tout cela est, comment veux-tu que la prophétie ayant un tel besoin d'être prouvée puisse elle-même devenir une preuve ?
A l'égard de tes miracles, ils ne m'en imposent pas davantage. Tous les fourbes en ont fait, et tous les sots en ont cru ; pour me persuader de la vérité d'un miracle, il faudrait que je fusse bien sûr que l'événement que vous appelez tel fût absolument contraire aux lois de la nature, car il n'y a que ce qui est hors d'elle qui puisse passer pour miracle, et qui la connaît assez pour oser affirmer que tel est précisément celui où elle est enfreinte ? Il ne faut que deux choses pour accréditer un prétendu miracle, un bateleur et des femmelettes; va, ne cherche jamais d'autre origine aux tiens, tous les nouveaux sectateurs en ont fait, et ce qui est plus singulier, tous ont trouvé des imbéciles qui les ont crus. Ton Jésus n'a rien fait de plus singulier qu'Apollonius de Tyane, et personne pourtant ne s'avise de prendre celui-ci pour un dieu; quant à tes martyrs, ce sont bien assurément les plus débiles de tous tes arguments. Il ne faut que de l'enthousiasme et de la résistance pour en faire, et tant que la cause opposée m'en offrira autant que la tienne, je ne serai jamais suffisamment autorisé à en croire une meilleure que l'autre, mais très porté en revanche à les supposer toutes les deux pitoyables. 
Ah! mon ami, s'il était vrai que le dieu que tu prêches existât, aurait-il besoin de miracles, de martyrs et de prophéties pour établir son empire, et si, comme tu le dis, le cœur de l'homme était son ouvrage, ne serait-ce pas là le sanctuaire qu'il aurait choisi pour sa loi? Cette loi égale, puisqu'elle émanerait d'un dieu juste, s'y trouverait d'une manière irrésistible également gravée dans tous, et d'un bout de l'univers à l'autre, tous les hommes se ressemblant par cet organe délicat et sensible se ressembleraient également par l'hommage qu'ils rendraient au dieu de qui ils le tiendraient, tous n'auraient qu'une façon de l'aimer, tous n'auraient qu'une façon de l'adorer ou de le servir et il leur deviendrait aussi impossible de méconnaître ce dieu que de résister au penchant de son culte. Que vois-je au lieu de cela dans l'univers, autant de dieux que de pays, autant de manières de servir ces dieux que de différentes têtes ou de différentes imaginations, et cette multiplicité d'opinions dans laquelle il m'est physiquement impossible de choisir serait selon toi l'ouvrage d'un dieu juste ?
Va, prédicant tu l'outrages ton dieu en me le présentant de la sorte, laisse-moi le nier tout à fait, car s'il existe, alors je l'outrage bien moins par mon incrédulité que toi par tes blasphèmes. Reviens à la raison, prédicant, ton Jésus ne vaut pas mieux que Mahomet, Mahomet pas mieux que Moïse, et tous trois pas mieux que Confucius qui pourtant dicta quelques bons principes pendant que les trois autres déraisonnaient ; mais en général tous ces gens-là ne sont que des imposteurs (8), dont le philosophe s'est moqué, que la canaille a crus et que la justice aurait dû faire pendre.

8. Cf « Ce n’est plus ni aux genoux d’un être imaginaire ni à ceux d’un vil imposteur qu’un républicain doit fléchir ; ses uniques dieux doivent être maintenant le courage et la liberté. » (Sade, Français, encore un effort si vous voulez être républicains, Les mœurs).

Le prêtre : Hélas, elle ne l'a que trop fait pour l'un des quatre.

Le moribond : C'est celui qui le méritait le mieux. Il était séditieux, turbulent, calomniateur, fourbe, libertin, grossier farceur et méchant dangereux, possédait l'art d'en imposer au peuple et devenait par conséquent punissable dans un royaume en l'état où se trouvait alors celui de Jérusalem. Il a donc été très sage de s'en défaire et c'est peut-être le seul cas où mes maximes, extrêmement douces et tolérantes d'ailleurs, puissent admettre la sévérité de Thémis; j'excuse toutes les erreurs, excepté celles qui peuvent devenir dangereuses dans le gouvernement où l'on vit; les rois et leurs majestés sont les seules choses qui m'en imposent, les seules que je respecte, et qui n'aime pas son pays et son roi n'est pas digne de vivre.

Le prêtre : Mais enfin, vous admettez bien quelque chose après cette vie, il est impossible que votre esprit ne se soit pas quelquefois plu à percer l'épaisseur des ténèbres du sort qui nous attend, et quel système peut l'avoir mieux satisfait que celui d'une multitude de peines pour celui qui vit mal et d'une éternité de récompenses pour celui qui vit bien ?

Le moribond : Quel, mon ami ? celui du néant ; jamais il ne m'a effrayé, et je n'y voit rien que de consolant et de simple; tous les autres sont l'ouvrage de l'orgueil, celui-là seul l'est de la raison. D'ailleurs il n'est ni affreux ni absolu, ce néant. N'ai-je pas sous mes yeux l'exemple des générations et régénérations perpétuelles de la nature? Rien ne périt, mon ami, rien ne se détruit dans le monde; aujourd'hui homme, demain ver, après-demain mouche, n'est-ce pas toujours exister ? Et pourquoi veux-tu que je sois récompensé de vertus auxquelles je n'ai nul mérite, ou puni de crimes dont je n'ai pas été le maître; peux-tu accorder la bonté de ton prétendu dieu avec ce système et peut-il avoir voulu me créer pour se donner le plaisir de me punir, et cela seulement en conséquence d'un choix dont il ne me laisse pas le maître ?

Le prêtre : Vous l'êtes.

Le moribond : Oui, selon tes préjugés; mais la raison les détruit et le système de la liberté de l'homme ne fut jamais inventé que pour fabriquer celui de la grâce qui devenait si favorable à vos rêveries. Quel est l'homme au monde qui, voyant l'échafaud à côté du crime, le commettrait s'il était libre de ne pas le commettre? Nous sommes entraînés par une force irrésistible, et jamais un instant les maîtres de pouvoir nous déterminer pour autre chose que pour le côté vers lequel nous sommes inclinés. Il n'y a pas une seule vertu qui ne soit nécessaire à la nature et réversiblement, pas un seul crime dont elle n'ait besoin, et c'est dans le parfait équilibre qu'elle maintient des uns et des autres, que consiste toute sa science, mais pouvons-nous être coupables du côté dans lequel elle nous jette? Pas plus que ne l'est la guêpe qui vient darder son aiguillon dans ta peau.

Le prêtre : Ainsi donc, le plus grand de tous les crimes ne doit nous inspirer aucune frayeur ?

Le moribond : Ce n'est pas là ce que je dis, il suffit que la loi le condamne, et que le glaive de la justice le punisse, pour qu'il doive nous inspirer de l'éloignement ou de la terreur, mais, dès qu'il est malheureusement commis, il faut savoir prendre son parti, et ne pas se livrer au stérile remords; son effet est vain, puisqu'il n'a pas pu nous en préserver, nul, puisqu'il ne le répare pas; il est donc absurde de s'y livrer et plus absurde encore de craindre d'en être puni dans l'autre monde si nous sommes assez heureux que d'avoir échappé de l'être en celui-ci. À Dieu ne plaise que je veuille par là encourager au crime, il faut assurément l'éviter tant qu'on le peut, mais c'est par raison qu'il faut savoir le fuir, et non par de fausses craintes qui n'aboutissent à rien et dont l'effet est sitôt détruit dans une âme un peu ferme. La raison - mon ami, oui, la raison toute seule doit nous avertir que de nuire à nos semblables ne peut jamais nous rendre heureux, et que notre cœur, que de contribuer à leur félicité, est la plus grande pour nous que la nature nous ait accordé sur la terre; toute la morale humaine est renfermée dans ce seul mot: rendre les autres aussi heureux que l'on désire de l'être soi-même et ne leur jamais faire plus de mal que nous n'en voudrions recevoir. 
Voilà, mon ami, voilà les seuls principes que nous devions suivre et il n'y a besoin ni de religion, ni de dieu pour goûter et admettre ceux-là, il n'est besoin que d'un bon cœur. Mais je sens que je m'affaiblis, prédicant, quitte tes préjugés, sois homme, sois humain, sans crainte et sans espérance; laisse là tes dieux et tes religions; tout cela n'est bon qu'à mettre le fer à la main des hommes, et le seul nom de toutes ces horreurs a plus fait verser de sang sur la terre, que toutes les autres guerres et les autres fléaux à la fois. Renonce à l'idée d'un autre monde, il n'y en a point, mais ne renonce pas au plaisir d'être heureux et d'en faire en celui-ci. Voilà la seule façon que la nature t'offre de doubler ton existence ou de l'étendre. Mon ami, la volupté fut toujours le plus cher de mes biens, je l'ai encensée toute ma vie, et j'ai voulu la terminer dans ses bras : ma fin approche, six femmes plus belles que le jour sont dans ce cabinet voisin, je les réservais pour ce moment-ci, prends-en ta part, tâche d'oublier sur leurs seins à mon exemple tous les vains sophismes de la superstition, et toutes les imbéciles erreurs de l'hypocrisie.

NOTE de Sade

Le moribond sonna, les femmes entrèrent et le prédicant devint dans leurs bras un homme corrompu par la nature, pour n'avoir pas su expliquer ce que c'était que la nature corrompue.

* * * * *

APPENDICE : Paraphrase (ou parodie) de l'Ode à Priape de Piron, dans la quatrième partie de l'Histoire de Juliette.

Avec quatre notes de Sade.

Foutre des Saints et de la Vierge,
    Foutre des Anges et de Dieu !
    Sur eux tous je branle ma verge,
    Lorsque je veux la mettre en feu...
    C'est toi que j'invoque à mon aide,
    Toi qui dans les culs, d'un trait raide,
    Lanças le foutre à gros bouillons !
    Du Chaufour, soutiens mon haleine,
    Et pour un instant, à ma veine
    Prête l'ardeur de tes couillons
 (1).

    Que tout bande, que tout s'embrase ;
    Accourez, putains et gitons :
    Pour exciter ma vive extase,
    Montrez-moi vos culs frais et ronds,
    Offrez vos fesses arrondies,
    Vos cuisses fermes et bondies,
    Vos engins roides et charnus,
    Vos anus tout remplis de crottes ;
    Mais, surtout, déguisez les mottes :
    Je n'aime à foutre que des culs.

    Fixez-vous, charmantes images,
    Reproduisez-vous sous mes yeux ;
    Soyez l'objet de mes hommages,
    Mes législateurs et mes Dieux !
    Qu'à Giton l'on élève un temple
    Où jour et nuit l'on vous contemple,
    En adoptant vos douces mœurs.
    La merde y servira d'offrandes,
    Les gringuenaudes de guirlandes,
    Les vits de sacrificateurs.

    Homme, baleine, dromadaire,
    Tout, jusqu'à l'infâme Jésus,
    Dans les cieux, sous l'eau, sur la terre,
    Tout nous dit que l'on fout des culs ;
    Raisonnable ou non, tout s'en mêle,
    En tous lieux le cul nous appelle,
    Le cul met tous les vits en rut,
    Le cul, du bonheur est la voie,
    Dans le cul gît toute la joie,
    Mais hors du cul, point de salut.

    Dévots, que l'enfer vous retienne :
    Pour vous seuls sont faites ses lois ;
    Mais leur faible et frivole chaîne
    N'a sur nos esprits aucun poids.
    Aux rives du Jourdain paisible,
    Du fils de Dieu la voix horrible
    Tâche en vain de parler au cœur :
    Un cul paraît (2), passe-t-il outre ?
    Non, je vois bander mon jean-foutre.
    Et Dieu n'est plus qu'un enculeur.

    Au giron de la sainte Église,
    Sur l'autel même où Dieu se fait,
    Tous les matins je sodomise
    D'un garçon le cul rondelet.
    Mes chers amis, que l'on se trompe
    Si de la catholique pompe
    On peut me soupçonner jaloux.
    Abbés, prélats, vivez au large :
    Quand j'encule et que je décharge,
    J ai bien plus de plaisirs que vous.

    D'enculeurs l'histoire fourmille,
    On en rencontre à tout moment.
    Borgia, de sa propre fille,
    Lime à plaisir le cul charmant ;
    Dieu le Père encule Marie ;
    Le Saint-Esprit fout Zacharie :
    Ils ne foutent tous qu'à l'envers.
    Et c'est sur un trône de fesses
    Qu'avec ses superbes promesses,
    Dieu se moque de l'univers.

    Saint Xavier aussi, ce grand sage
    Dont on vante l'esprit divin,
    Saint Xavier vomit peste et rage
    Contre le sexe féminin.
    Mais le grave et charmant apôtre
    S'en dédommagea comme un autre.
    Interprétons mieux ses leçons :
    Si, de colère, un con l'irrite,
    C'est que le cul d'un jésuite
    Vaut à ses yeux cent mille cons.

    Près de là, voyez saint Antoine
    Dans le cul de son cher pourceau,
    En dictant les règles du moine (3),
    Introduire un vit assez beau.
    A nul danger il ne succombe ;
    L'éclair brille, la foudre tombe,
    Son vit est toujours droit et long.

    Et le coquin, dans Dieu le Père
    Mettrait, je crois, sa verge altière
    Venant de foutre son cochon.

    Cependant Jésus dans l'Olympe,
    Sodomisant son cher papa,
    Veut que saint Eustache le grimpe,
    En baisant le cul d'Agrippa (4).
    Et le jean-foutre, à Madeleine,
    Pendant ce temps, donne la peine
    De lui chatouiller les couillons.
    Amis, jouons les mêmes farces :
    N'ayant pas de saintes pour garces,
    Enculons au moins des gitons.

    Ô Lucifer ! toi que j'adore,
    Toi qui fais briller mon esprit,
    Si chez toi l'on foutait encore,
    Dans ton cul je mettrais mon vit.
    Mais puisque, par un sort barbare,
    L'on ne bande plus au Ténare,
    Je veux y voler dans un cul.
    Là, mon plus grand tourment, sans doute,
    Sera de voir qu'un démon foute,
    Et que mon cul n'est point foutu.

    Accable-moi donc d'infortunes,
    Foutu Dieu qui me fais horreur ;
    Ce n'est qu'à des âmes communes
    A qui tu peux foutre malheur :
    Pour moi je nargue ton audace.
    Que dans un cul je foutimasse,
    Je me ris de ton vain effort ;
    J'en fais autant des lois de l'homme :
    Le vrai sectateur de Sodome
    Se fout et des Dieux et du sort.


1. Tout le monde a connu ce héros de la bougrerie, publiquement brûlé en place de Grève [en 1726] par le jugement des putains qui menaient tout alors dans Paris.
2. Celui de Jean-Baptiste, bardache aimé du fils de Marie [de Nazareth].
3. Il est généralement regardé comme le patriarche des moines et l'instituteur de leurs règles.
4. Dernier roi des Juifs.

* * * * *

Voir aussi mes pages

A / LES RELIGIONS suivi de B / NOTE SUR L'OBSCURANTISME RELIGIEUX

"DIEU", LA FOI suivi de (§ X) SUR « FIDES ET RATIO »








samedi 27 septembre 2025

LÉGITIMATIONS, PÉNALISATIONS ET DÉPÉNALISATIONS DE L'HOMOSEXUALITÉ, NOTAMMENT EN FRANCE

   Esquisse d'une vue d'ensemble des fluctuations du statut, notamment juridique, de l'homosexualité masculine en Occident, et principalement en France.

Publié en 1930.


I - Légitimations antiques et Moyen Âge
II - Stigmatisation judéo-chrétienne et lois romaines des IVe et VIe siècles
III - Légitimations modernes
IV - Résistance aux contrôles de police, Première dépénalisation (1791)
V - Légitimations contemporaines
VI - Pénalisations d'août 1942 (avec mineurs, reprise en février 1945) et de novembre 1960 (outrage public à la pudeur)
VII - Légitimations récentes (écrivains, journaux, organisations)
VIII - Deuxième dépénalisation (partielle) : 1974 : restriction du champ du délit instauré en 1942
IX - Légitimations récentes (après 1974)
X - Troisième dépénalisation, partielle (1980)
XI - Quatrième, et dernière, dépénalisation, août 1982 : abrogation complète du délit instauré en 1942. Plateforme de 2004.
XII - Ébauche d'une vue d'ensemble des qualifications de l'homosexualité dans l'histoire occidentale

I - Légitimations antiques et Moyen-Âge :

Voir mon Anthologie en ligne de textes grecs et latins de l'Antiquité et du Moyen-Âge, Ces petits Grecs ont un faible pour les gymnases. On peut aussi passer par les pages Platon, Xénophon, Aristote ou Auteurs licencieux grecs et latins, et suivre les liens vers les autres pages.

II - Stigmatisation judéo-chrétienne et lois romaines des IVe et VIe siècles :

Voir ce même Ces petits Grecs ont un faible pour les gymnases. Extraits en ligne : Augustin, Pierre Damien, Albert le Grand , L'AMOUR GREC VU PAR LE DROIT ROMAIN ; et suivre les liens vers les autres pages.


L'AMOUR GREC VU PAR LE DROIT ROMAIN :

CORPUS JURIS CIVILIS : Code + Institutes + Digeste + Novelles, VIe siècle,


Altercation entre Hélène et Ganymède (XIIe siècle).

Vers 1260, le doux recueil de droit coutumier Jostice et Plet prévoyait la castration pour les sodomites délinquants primaires :
" Celui qui est sodomite doit perdre les couilles, et s'il le fait une seconde fois, il doit perdre le membre ; et s'il le fait une troisième fois, il doit être brûlé. " (XVIII, 24, § 22).
Vers 1270, le chapitre 90 des Établissements de Saint Louis disposait :
" Si quelqu'un est soupçonné de bougrerie, la justice doit le prendre et l'envoyer à l'évêque ; et s'il en était convaincu, on devrait le brûler ; et tous ses [biens] meubles sont au baron. " Juste après, venait des dispositions contre les hérétiques. Cité et commenté par Voltaire.
Vers 1285, Philippe de Beaumanoir, jurisconsulte, associait également les crimes d'hérésie et de sodomie :
" Qui erre contre la foi, comme en mécréance, de la quelle il ne veut venir à voie de vérité, ou qui fait sodomiterie, il doit être brûlé ". (Les Coutumes de Beauvaisis, édition par Thaumas de La Thaumassière, 1690, page 149).

Procès de sodomie (du début du XIVe à la fin du XVIIIe siècle)

Et mon étude actualisée sur L'affaire Lenoir - Diot (Paris, 1750)


III - Légitimations modernes :


Humanisme : Rabelais et Michel de Montaigne notamment, dont les œuvres contiennent de nombreuses allusions,  amusées ou indulgentes, au sujet.

Libertinage érudit : Théophile de Viau, La Mothe Le Vayer, Molière.


Lumières, sauf Jean-Jacques Rousseau  ; Vauvenargues, Voltaire, Diderot, Naigeon.

Dans M... au lobby gay !, (Paris : Mordicus, 2013), Christian Vanneste citait ainsi Voltaire : " ce vice, mortel pour l'humanité, s'il était général ". La pensée de Voltaire est, comme on pouvait s'y attendre, plus complexe (pourtant, cependant) :
« Comment s’est-il pu faire qu’un vice, destructeur du genre humain s’il était général ; qu’un attentat infâme contre la nature, soit pourtant si naturel ? Il paraît être le dernier degré de la corruption réfléchie ; et cependant il est le partage ordinaire de ceux qui n’ont pas encore eu le temps d’être corrompus. Il est entré dans des cœurs tout neufs, qui n’ont connu encore ni l’ambition, ni la fraude, ni la soif des richesses. C’est la jeunesse aveugle qui, par un instinct mal démêlé, se précipite dans ce désordre au sortir de l’enfance, ainsi que dans l’onanisme. » (Article " Amour socratique ", Dictionnaire philosophique, puis Questions sur l'Encyclopédie)

TALLEMANT DES RÉAUX (1619-1692) :
« On lui [à Mlle de Gournay] a voulu faire accroire qu’elle disait que la fornication n’était point péché ; et un jour qu’on lui demandait si la pédérastie n’était point un crime : "À Dieu ne plaise", répondit-elle, "que je condamne ce que Socrate a pratiqué." À son sens, la pédérastie est louable ; mais cela est assez gaillard pour une pucelle. »
Historiettes, « Mademoiselle de Gournay », Paris : Gallimard, 1960, collection "Bibliothèque de la Pléiade, édition Antoine Adam.

Recueil de pièces choisies..., 1735, pages 74-75.

MARQUIS D'ARGENS (??) :
« Messieurs les Antiphysiques se moquent de nos injures et défendent vivement leur goût, en soutenant que leurs antagonistes ne se conduisent que par les mêmes principes qu'eux. "Nous cherchons tous le plaisir", disent ces hérétiques, "par la voie où nous croyons le trouver. C'est le goût qui guide nos adversaires ainsi que nous. Or vous conviendrez que nous ne sommes pas les maîtres d'avoir tel ou tel goût. Mais, dit-on, lorsque les goûts sont criminels, lorsqu'ils outragent la nature, il faut les rejeter. Point du tout : en matière de plaisir, pourquoi ne pas suivre son goût ? Il n'y en a point de coupables. D'ailleurs il est faux que l'antiphysique soit contre nature, puisque c'est cette même nature qui nous donne le penchant pour ce plaisir. Mais, dit-on encore, on ne peut pas procréer son semblable," continuent-ils. "Quel pitoyable raisonnement : Où sont les hommes, de l'un et de l'autre goût, qui prennent le plaisir de la chair dans la vue de faire des enfants." »
Histoire de Madame Bois-Laurier, Thérèse philosophe, J.C. Lattès, 1979 [vers 1748].

DENIS DIDEROT (1713-1784) : « - Bordeu : De deux actions également restreintes à la volupté, qui ne peuvent rendre que du plaisir sans utilité, mais dont l'une n'en rend qu'à celui qui la fait, et l'autre le partage avec un être semblable mâle ou femelle, car le sexe ici, ni même l'emploi du sexe n'y fait rien, en faveur de laquelle le sens commun prononcera-t-il ? » Suite de l'entretien [entre d’Alembert et Diderot], 1769 [publié en 1830].


IV - Résistance aux contrôles de police, Première dépénalisation (1791)


Voir Les Assemblées de la manchette , notamment sur le nommé Veglay.

Sur la dépénalisation de 1791 :

Un certain tabou entoura l'abrogation de l'ancien droit. Dans son Rapport sur le projet de Code pénal, le 23 mai 1791, le jeune constituant Louis-Michel Le Peletier de Saint-Fargeau (1760 - assassiné en janvier 1793 par un royaliste) énuméra quelques uns des " crimes imaginaires " que l'on n'y retrouverait pas, mais ne nomma pas le blasphème ni la sodomie.
Archives parlementaires. Via Gallica BnF.

La Chronique de Paris, le journal de Villette, publia pourtant le 23 mai 1791 que Le Peletier avait rappelé "tous les prétendus crimes" :
Page 572. Via Gallica BnF.

L'historien communiste Albert Soboul observe la même discrétion : " un Code pénal, supprimant tous les délits imaginaires (hérésie, lèse-majesté ...) " dans son Histoire de la Révolution française, Paris : Éditions sociales, 1962.
La sodomie ne fut donc pas mentionnée dans le Code pénal, ni dans la Loi correctionnelle réprimant les infractions mineures ; mais dans cette dernière on trouve un article sur les " actions déshonnêtes " qui fut fortement critiqué le 7 juillet dans la Chronique de Paris, par crainte, disait-on, de quelque arbitraire dans les poursuites sur un tel chef d'inculpation. Le nouveau Code fut adopté le 25 septembre et promulgué le 6 octobre 1791 ; cette réforme fut conservée dans le Code pénal de 1810.

Cela inaugure la tendance séculaire à la décriminalisation et à la dépénalisation de toutes sortes d'agissements (remarque de Durkheim dans La Division du travail social citée par Raymond Boudon, Le Rouet de Montaigne, Paris : Hermann, 2013).


V - Légitimations contemporaines :


a) L'ANONYME DE 1868 : « Vous me permettrez de vous écrire quelques lignes pour vous exprimer la sympathie profonde que j'éprouve pour la tâche que vous avez entreprise : l'émancipation d'une classe nombreuse et innocente d'un joug si cruel, des lois injustes et du mépris immérité. Vous méritez, monsieur, les remerciements de tous vos confrères sexuels, surtout de ceux qui se cachent derrière la visière. Il me semble qu'il ne faut que de la capacité et du courage tels que les vôtres pour poser nettement – devant la raison publique [cf Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, 1793, article 22] de tous les pays – les suites logiques de votre appel à l'argumentation, du moins avec la persévérance et l'honorable hardiesse que vous n'avez pas eu peur de montrer. »

Londres, 1er janvier 1868. Lettre en français adressée à Karl H. Ulrichs et publiée par lui dans Memnon, 1ère partie, Introduction, II. (1868).

Auteurs : Paul Verlaine (La Cravache parisienne, 29 septembre 1888 ; Parallèlement) ,

Marc-A. Raffalovitch,

L'ANONYME de 1906 : « Je désirerais former un groupement d'invertis sérieux. – Ce groupement aurait pour but de rechercher tout ce qui serait capable d'améliorer la situation morale de l'inverti, situation qui est toujours si critique à cause de l'isolement forcé, situation qui souvent est la cause de catastrophes intimes. Il est bien entendu que le groupement ne comprendrait que ceux dont la bonne moralité est certaine, bien que son action humanitaire pourrait, par la suite, s'étendre à tous ceux qui ont le désir de rentrer dans la bonne voie. L'œuvre de ce groupement, en plus des avantages intellectuels et moraux qu'elle offrirait à chacun, faciliterait nécessairement l'étude de cette question si importante et d'actualité qu'est la question sexuelle et pourrait contribuer à la découverte et à la pratique de règles d'hygiène physique et morale qui adouciraient le sort cruel légué aux invertis. » Lettre au Dr G. Saint-Paul, vers 1906.

Auteurs français : André Gide, et son Corydon. (entrepris en 1909, publié en mai 1924)

Jean Cocteau, qui publia anonymement Le Livre blanc en 1928.


b ) Publications périodiques :

Trois séries de longs articles (en quelques sorte des pré-revues) dans les Archives d'Anthropologie Criminelle (dont Alexandre Lacassagne fut co-fondateur) :

« Annales de l’unisexualité » en 1897,

« Chroniques de l’unisexualité » en 1907 et 1909.

Akademos, fondé en 1909 par Jacques Fersen, pour l'article de juillet 1909 :
GUY DEBROUZE : « Il n'est pas de question où n'apparaissent plus curieusement la facticité en même temps que la malice du préjugé anti-charnel que celle de l'homosexualité. [...] L’homosexualité, caractère physique du genus homo, est universellement répandue, comme elle a toujours été connue. Elle n’est pas un ferment nécessaire de décadence puisqu’elle coïncide souvent avec les facultés géniales qui peuvent servir avec le plus d’éclat une société. Elle est, si nous concluons avec [Charles] Darwin et [Karl] Gegenbaur à un ancêtre androgyne des vertébrés, un atavisme, un geste ancestral, vénérable entre tous par son antiquité, une tradition en un mot !
  D’autre part, la qualité parfois éminente des individus chez lesquels ressurgit cet atavisme défend de le classer comme une régression. Que signifie un tel mot du reste quand on ne connaît ni le départ ni l’arrivée ? Savons-nous quelle piste perdue cherche à retrouver la nature ? Donc, auguste par son recul dans le passé, esquissant dans l'avenir le schéma de possibilités qui seront un jour des lois, l'homosexualité n'est pas seulement passionnante pour notre investigation, elle exige notre respect et la révision d'un procès inique. Elle ne relève plus de la criminologie, ni même de la pathologie, mais du droit commun de l’amour libéré. »
" Le préjugé contre les mœurs ", Akademos, 15 juillet 1909.

Inversions/L'Amitié (1924-1925)

Apparition en novembre 1924 du mensuel Inversions (effet Corydon).

Le numéro 5 et dernier date de mars 1925 ; le premier Cartel des gauches (mai 1924 - avril 1925) n'avait pas tardé à interdire cette publication.


c) HISTOIRE DE L'AMOUR GREC

Une étude sur l'amour des garçons en Grèce fut publiée par l'allemand Moritz Hermann Eduard Meier en 1837. Une traduction française sous le titre HISTOIRE DE L'AMOUR GREC, longuement annotée et appendicée (pages 185-312), signée " L. R. de Pogey-Castries ", vit le jour en 1930 ; elle fut publiée, grâce à l'aide d'André Gide, aux éditions Stendhal, puis réimprimée en 1952 et 1980 par Guy Le Prat ;
son auteur était Georges Hérelle (Pougy-sur-Aube, 1848 - Bayonne, 1935), originaire de Pougy le Château (Aube), traducteur de Gabriele D'Annunzio et de Blasco Ibanez, et professeur de philosophie à Vitry-le-François, puis à Évreux et à Bayonne.

Le pseudonyme Pogey-Castries fut identifié, et cette identification est précieuse, comme étant celui d'Hérelle en 1984 par Marc Thibault, peu après la publication du catalogue des manuscrits de la Bibliothèque Municipale de Troyes. Georges Hérelle était connu de Lucien Herr (bibliothécaire de l'École Normale Supérieure de la rue d'Ulm, Herr "outé" par Péguy), du poète et critique Amédée Pigeon, de Cahen d'Anvers (ami de Marcel Proust), d'André Gide, de Montherlant et de Roger Peyrefitte. Il avait laissé de nombreux manuscrits à cette Bibliothèque Municipale, exploités par certains chercheurs étrangers, ainsi que par Philippe Lejeune dans son article de 1987 Autobiographie et homosexualité en France au XIXe siècle. Voir notamment les mss 3170 à 3172, 3174 à 3178, 3188 (projet de Nouvelles études sur l'amour grec), 3255 à 3258, 3389 à 3405bis. L'ensemble correspond à un vaste projet d'encyclopédie de l'homosexualité masculine.

J'ai publié une lettre de Gide à Hérelle sur ma page FOLIO 2235


HENRI BARBUSSE (1873-1935) : « J'estime que cette perversion d'un instinct naturel, comme bien d'autres perversions, est un indice de la profonde décadence sociale et morale d'une certaine partie de la société actuelle. À toutes les époques les signes de décadence se sont manifestés par des raffinements et des anomalies dans la sensation, dans l’impression et dans le sentiment. La complaisance avec laquelle certains écrivains mettent leur talent délicat au service de questions de cette espèce, alors que le vieux monde est en proie à des crises économiques et sociales formidables, et s’achemine inéluctablement vers le gouffre ou vers la révolution, ne fait pas honneur à cette phalange décadente d’intellectuels. Elle ne peut que renforcer le mépris que la saine et jeune puissance populaire éprouve pour ces représentants de doctrines maladives et artificielles, et tout cela hâtera, je l'espère, l'heure de la colère, et de la renaissance. »
Réponse au questionnaire sur la préoccupation homosexuelle en littérature, Les Marges, n° 141, 15 mars 1926. [En 1930, dans son ouvrage Russie, Barbusse traitait Proust, Cocteau et Gide de « littérateurs de fin d’Empire ».]


MAXIME GORKI (1868-1936) :
« Dans le pays que le prolétariat dirige virilement et avec succès, l'homosexualité [гомосексуализм] qui déprave la jeunesse est considéré comme un crime social et puni comme tel, tandis que dans le pays "cultivé" des grands philosophes, des grands savants et des grands musiciens, il se manifeste librement et impunément. On a déjà composé un slogan sarcastique : " Exterminez les homosexuels – le fascisme disparaîtra. " »

La Culture et le peuple, Humanisme prolétarien [Пролетарский гуманизм], 1934. [Œuvres complètes, tome XXVII, page 238 ; texte publié par ailleurs en article dans la presse soviétique de l’époque ; traduit (il y a longtemps) par Cl. C.].


VI - Pénalisations d'août 1942 (avec mineurs) et de novembre 1960 (outrage public à la pudeur)

Les antécédents de cette pénalisation de 1942 sont décrits aves précision dans l'étude de Denis Quinqueton " Loi du 6 août 1942 Après son café au lait et sa tartine, Pétain réprima l’homosexualité " (Jean Jaurès Éditions).


§ VI / A /
« Sera puni d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d’une amende de … 1° Quiconque aura soit pour satisfaire les passions d’autrui, excité, favorisé ou facilité habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l’un ou de l’autre sexe au dessous de vingt et un ans, soit pour satisfaire ses propres passions, commis un ou plusieurs actes impudiques ou contre nature [deux termes moyen-âgeux] avec un mineur de son sexe âgé de moins de vingt et un ans. » Philippe Pétain, Pierre Laval, Loi n° 744 du 6 août 1942.

 

Journal officiel, 27 août 1942, page 2922.
" Impudique ", " contre nature ", c'est la reprise d'un vocabulaire de l'Ancien Régime. Disposition conservée dans exactement les même termes en février 1945 :

Journal officiel, 9 février 1945, page 650.

Ce Gouvernement provisoire de la République française était alors le Gouvernement Charles de Gaulle I, au pouvoir du 10 septembre 1944 au 2 novembre 1945. Il comportait des ministres MRP, PCF, RAD, SFIO et UDSR.
François de Menthon fut, dès 1952, la cible d'attaques de la part du mensuel homo FUTUR.

Voir l'entrée "Délit d'homosexualité" de mon Dictionnaire français de l'homosexualité masculine.

PIERRE ASSOULINE (né en 1953) :

« La loi du 6 août 1942 sur la répression de l'homosexualité ne répondit pas à une initiative politique (généralement attribuée à l'Amiral Darlan [voir plus loin]) mais judiciaire. Il faut savoir que le magistrat Roger Béraud, qui en fut le rédacteur, vit l'une de ses propositions récusée par ses supérieurs au motif qu'elle était contraire aux principes chrétiens : la castration des homosexuels récidivistes ... Mais pour le reste, il s'inspirait des projets de loi antérieurs à l'Occupation, en portant toutefois, et c'est une grande différence, l'âge de la protection de 18 à 21 ans. Ce qui motivait Vichy selon [Marc] Boninchi [Vichy et l'ordre moral, Paris : PUF, 2006] ? Là encore, des motifs conjoncturels : la multiplication des camps de jeunesse regroupant des mineurs du même sexe, trop propices selon le législateur aux "initiations mutuelles" (cas de figure pour lequel la loi considérait comme coauteurs le coupable et la victime). »
« Retour sur l’ordre moral », Le Monde , 22 mars 2006.


§ VI / B /

RAYMOND DRONNE (1908 - 1991) :
« La fonction publique, jusque dans ses rouages les plus importants, est gangrenée par la pénétration communiste. Elle est aussi gangrenée, spécialement dans les plus hauts postes des diverses polices, par des personnages aux habitudes particulières. [...] Il s'agit de ces hommes qui appartiennent à la confrérie actuellement très à la mode des homosexuels. En admettant que vous ayez l'esprit suffisamment large pour ne pas être choqué par des divertissements de cette nature, vous ne devez pas oublier, monsieur le ministre de l'Intérieur [François Mitterrand], que ces sortes de personnages ont des défauts qui les rendent particulièrement vulnérables dans les postes où vous les avez maintenus ou nommés. »
Assemblée Nationale, 2e séance du 3 décembre 1954.

FRANÇOIS MITTERRAND (1916-1996), ministre de l'Intérieur : « En ce qui concerne les mœurs que vous avez évoquées, si l'un des fonctionnaires placés sous mon autorité a un dossier douteux, je demande qu'on me le communique. Comment voulez-vous que j'accepte que soient ainsi diffamés, attaqués et décriés de hauts fonctionnaires dans lesquels mes prédécesseurs ont eu confiance, qui ont la mienne. » Assemblée Nationale, 2e séance du 3 décembre 1954, réponse au député Dronne.


§ VI / C /

Celle de juillet-novembre 1960 semble bien due à l'influence du psychiatre catholique Marcel Eck : « L'homosexualité paraît prendre actuellement un développement inquiétant, au point que l'on peut parler d'un véritable péril homosexuel. » Parents et éducateurs devant le péril homosexuel, janvier 1960. C'est l'ancien article 330 alinéa 2 de l'ancien Code pénal; il y eut d'abord une loi d'habilitation pour la prise d'ordonnances :

Loi n°60-773 du 30 juillet 1960 AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A PRENDRE, PAR APPLICATION DE L'ARTICLE 38 DE LA CONSTITUTION, LES MESURES NECESSAIRES POUR LUTTER CONTRE CERTAINS FLEAUX SOCIAUX

L'esprit de cette loi rappelle un décret de la IIIe République finissante :
Édouard Daladier, président du Conseil, et alii (dont Jean Zay) :
Rapport au Président de la République française, 29 juillet 1939 :
" Nous vous demandons d'approuver l'aggravation de la répression des vices et la lutte contre les fléaux sociaux qui constituent autant de dangers pour l'avenir de la race. " [Pornographie, stupéfiants, alcoolisme " dont les méfaits sont principalement imputables à la production et à la consommation d'alcool de mauvaise qualité circulant en fraude "] "Les efforts pour constituer une race saine ne sauraient débuter nulle part ailleurs mieux qu'à l'école. " (Journal officiel, 30 juillet 1939, pages 9608-9609)
Décret relatif à la famille et à la natalité françaises, 29 juillet 1939 :
Titre II Protection de la famille, chapitre III Protection de la race Section I De l'outrage aux bonnes mœurs Section II Du trafic des substances vénéneuses Section III de la lutte contre l'alcoolisme (Journal officiel, 30 juillet 1939, pages 9621-9622)
Le 4° de la loi résultait d'un sous-amendement n° 9 proposé par le député Paul Mirguet et adopté lors de la 2e séance du 18 juillet 1960 par l'Assemblée nationale ; le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée.
" l'avis " fut entendu " la vie ", d'où les rires.

L’ordonnance du 25 novembre 1960 ajouta donc à l'ancien article 330 du Code pénal un alinéa 2 prévoyant un doublement des peines maximales encourues pour outrage public à la pudeur « lorsqu'il consistera en un acte contre nature avec un individu de même sexe ». Cette disposition fut abrogée en décembre 1980 (voir plus loin, au § X).
Journal Officiel, 27 novembre 1960, page 10604.

Dans son ouvrage Droites nationalistes et homosexualités en France, Paris : Sorbonne Université Presses, 2025, pages 33 et 35, Mickaël Studnicki fait de cette ordonnance et du sous-amendement Mirguet une " loi Mirguet " ...

Arcadie, la revue (1954-1982) : idéologie légaliste promue par un catholique se disant apôtre de l'ascèse, qui, dans ses revendications, se focalisait uniquement sur le sous-amendement Mirguet de juillet 1960, acceptant donc implicitement la restriction drastique de Vichy de 1942. André Baudry, directeur d'Arcadie, réclamait en permanence " l'abrogation de l'amendement Mirguet " qui ne constituait, aussi déplorable qu'il fût (le " fléau social ", cf plus haut § VI / C), qu'une étape de procédure parlementaire dans une loi d'habilitation à prendre des ordonnances. En 1974, Arcadie annonçait triomphalement, (énorme confusion !) que l'amendement Mirguet était abrogé ...

Loi du 23 décembre 1980 : suppression de la circonstance aggravante instaurée en novembre 1960 dans l'outrage public à la pudeur (article 330, alinéa 2 de l'ancien Code pénal) ; disposition improprement appelée " amendement Mirguet ".

La loi n° 82-683 du 4 août 1982 (après trois rejets par le Sénat) abroge enfin l'article 331 alinéa 2 du Code pénal
Journal Officiel, 5 août 1982, page 2502.

La procédure fut longue :
Journal Officiel, 5 août 1982, page 2502.


L'abrogation en 1982 de cette disposition issue du régime de Vichy fut saluée par des imbéciles comme l'abrogation de l'amendement Mirguet de juillet 1960... Cette confusion, déjà apparue en 1974, et ressurgie en 2014, a sans doute comme cause, du côté d'Arcadie, le désir de minimiser les méfaits de la collaboration, et du côté de la gauche de masquer le fait que la disposition issue du sous-amendement Mirguet fut abrogée par le gouvernement Barre-Giscard fin décembre 1980 et non ultérieurement par la gauche.


VII - Légitimations récentes - 1

VII / a) Auteurs :

Roger Peyrefitte (1907-2000) : Les Amitiés particulières, 1944 ; Notre amour, 1967. La Muse garçonnière, 1973.

Marcel Jouhandeau : Corydon résumé et augmenté, 1951.

Daniel Guérin (1904-1988) : 
Articles dans la revue La Nef sur la répression de l'homosexualité en Angleterre (1957) et en France (1958).

Daniel Guérin : Eux et lui, Monaco, : Éditions du Rocher, 1962. Réédition par Question De Genre/GKC en 2000.

Roger Peyrefitte : Notre amour, Paris : Flammarion, 1967. repris par Éditions Textes Gais en 2016.

Jean-Louis Bory : Ma Moitié d'orange, Paris : Julliard, 1973 ; un ouvrage en collaboration avec Guy Hocquenghem ; voir l'Introduction de mon DFHM. Je l'avais rencontré chez lui, rue Séguier.

Roger Peyrefitte : La Muse garçonnière, 1973.

Yves Navarre, ses romans.

Dominique Fernandez : notamment son roman en partie autobiographique L'Étoile rose, Paris : Grasset, 1978.


VII / b) Journaux et organisations :  

En 1949, la loi Lecourt/Moch 49-956 du 16 juillet 1949 va permettre l'interdiction à l'affichage de plusieurs publications homo, ceci jusque vers la fin des années 1970.

PANORAMA février 1952-1959
Prétexte : cahiers trimestriels / directeur littéraire Jean-Jacques Thierry ; secrétaire de rédaction Jean-Michel Hennebert
Mise(s) à jour du titre :
Prétexte : revue littéraire bimestrielle / directeur-gérant : Henri Guichaoua ; rédacteur en chef : Jean-Jacques Thierry
Numérotation : N° 1 (15 février 1952) - n° 2 (novembre 1952)
nouvelle série, n° 1 (janvier/février 1958) - n° 2 (mars/avril 1958)
Publication : Boulogne-sur-Seine : [s.n.] ; Bruxelles : [s.n.] ; Paris : dépositaire général, Gallimard, 1952-1958
Description matérielle : In-8.

Futur : pour un nouveau " Comité scientifique humanitaire " ; directeur Jean Thibault
Numérotation : 1re année, n° 1 (octobre 1952 - avril 1956)
Publication : Paris : [s.n.], 1952-1956, mensuel.
Description matérielle : grand folio.

Arcadie : revue littéraire et scientifique ; directeur André Baudry
Numérotation : N° 1 (janvier 1954) - n° 342/344 (juin-juillet-août 1982)
Publication : Paris : Arcadie, 1954-1982, mensuel.
Description matérielle : 344 numéros ; 21 cm

Gioventù, revue littéraire mensuelle / Directeur : J. Mandebaum
Numérotation : septembre-octobre 1956 (n° 1-2)
1re année, n° 1 (30 septembre 1956) - n° 2 (octobre 1956)
Publication : Paris (18 rue de la Chaussée-d'Antin) : [s.n.], 1956
Impression : Rodez : Impr. de Subervie
Description matérielle : In-8°. Abonnements : 1 an, 1 800 fr. ; étranger, 2 500 fr. ; le n°, 180 fr.

Juventus. Revue littéraire mensuelle. [Directeur-gérant : Jean Bezroudnoff ; rédacteur en chef : Jean Basile] [Texte imprimé]
Numérotation : 1959 (n° 1-6)
Publication : Paris, 90, rue des Archives (Société parisienne d'imprimerie).
Description matérielle : In-8°, fig. Abonnements : 1 an 30 NF ; étranger 40 NF ; le n° 2,50 NF.


Futur (octobre 1952 - avril 1956) : déplorait vigoureusement la disposition du régime de Vichy d'août 1942, conservée en 1945 par un gouvernement de gauche.

Claude Mosset : « Un journal [Futur] qui défend et exalte l'homosexualité au nom de la liberté absolue de la personne humaine et de la liberté des pratiques sexuelles est un journal dont les fins sont contraires à la morale admise. Même s'il conserve un ton digne et s'il fait appel à des bases scientifiques, il présente, en raison des thèses mêmes qu'il défend, un danger pour la jeunesse. Le requérant [Jean Thibault] argue du fait que son journal ne peut être regardé comme licencieux parce qu'il conserve un caractère sérieux et une expression décente. Nous ne saurions admettre une interprétation aussi étroite du mot licencieux. Ce mot couvre non seulement ce qui est contraire à la décence, mais encore ce qui est déréglé. L'homosexualité, c'est de la licence. Faire l'apologie de ce vice, c'est se montrer licencieux. » Conclusions du commissaire du Gouvernement, Conseil d'État, arrêt du 5 décembre 1956.

J. M. Juret, " Jurisprudence, Cinéma et ordre moral ", Revue Administrative,
XIII, n° 73, janvier-février 1960, page 34.

Patrick Wachsmann, Liberté d'expression, LexisNexis, 2008.

Les 19 numéros sont disponibles ici en téléchargement (semgai).

N°1 Octobre 1952
N°2 Novembre 1952
N°3 Décembre 1952
N°4 Janvier 1953
N°5 Février 1953
N°6 Mars 1953
Juin 1954
Juillet 1954
Septembre-octobre 1954
Novembre 1954
Février 1955
Mars 1955
Avril 1955
Mai 1955
Juin 1955
Juillet - Août 1955
Septembre 1955
Octobre-novembre 1955
Avril 1956

Arcadie, la revue (1954-1982) : Légalisme promue par un catholique se disant apôtre de l'ascèse, qui, dans ses revendications juridiques, se focalisait uniquement sur le sous-amendement Mirguet de juillet 1960, acceptant donc la restriction drastique de Vichy de 1942.
Nonobstant, cette revue est une source très précieuse sur la pensée des homosexuels et de leurs amis à cette époque, surtout pour la période 1957-1970 où elle avait le monopole de cette expression. Le nom de cette revue fut suggéré par Roger Peyrefitte.
À l'abonnement à cette revue était associé depuis 1957 le fonctionnement d'un club, dit, par discrétion, " Club littéraire et scientifique des pays latins (CLESPALA) ".

Table des articles d'Arcadie

Olympe, mensuel, en kiosques depuis 1968.

FHAR (Front homosexuel d'action révolutionnaire, 1971-1973) : j'avais fréquenté les réunions (et parfois plus) de ce vaste groupe à l'École des Beaux-Arts, rue Bonaparte, à Paris VIe, pendant sa deuxième année d'existence, 1972-1973. On y voyait le normalien et écrivain Guy Hocquenghem, surnommé Superstar. Daniel Guérin me raconta qu'il s'y était fait agresser par des "folles".

Dr Romain Liberman : « Fréquente dans les amitiés masculines de longue date, l'homosexualité prend souvent comme point de départ les jeux de groupe où dominent la rivalité et la compétition, qui s'expriment dans la comparaison des organes virils et la probation éjaculatoire. Généralement, ces pratiques se font sans investissement affectif, et restent sans lendemain. Quelquefois, la relation homosexuelle se double d'une relation amoureuse, plus souvent d'ailleurs entre un adolescent et un enfant, et demande alors à être contrôlée avec " doigté " et perspicacité. La plupart du temps cette activité homosexuelle ne dure que l'espace d'un moment et la vacillation dans l'hétérosexualité doit se faire sans problèmes. » " L'homosexualité clinique ", Libertés médicales, n° 10, octobre 1971. (Extrait d'un tiré à part reçu de l'auteur en 1975).

Roland Leroy (1926-2019), député PCF de 1956 à 1858, de 1967 à 1981  et de 1986 à 1988, directeur du quotidien L'Humanité de 1974 à 1994 :
« Quelques centaines de gens, y compris des éléments extérieurs à l'Université, prétendent décider, au nom de quinze mille étudiants, une grève dont l'objectif est de maintenir les locaux ouverts aux drogués et aux déclassés. Le fait que quelques enseignants confondent les franchises universitaires avec l'ouverture des facultés aux dépravés est un signe supplémentaire d'une crise morale que le pouvoir entend utiliser à son profit. Et, finalement, on a toujours en réserve, comme un feu couvant sous la cendre, une petite barricadette pour la veille du référendum, des homosexuels pour le 1er mai, une aile entière de la faculté des sciences pour les " états-majors " gauchistes. » (L'Humanité, 5 mai 1972).

Pierre Juquin (né en 1930, ENS-Ulm 1951, membre du Comité central du Parti communiste français) :
« La couverture de l'homosexualité ou de la drogue n'a jamais rien eu à voir avec le mouvement ouvrier. L'une et l'autre représentent même le contraire du mouvement ouvrier. » Le Nouvel Observateur, 15 mai 1972.
Cette prise de position très forte d'un membre important du P. C. F. eut au moins le mérite d'introduire rapidement la question homosexuelle dans le champ politique de l'ère Pompidou. Il en résulta une réaction d'homosexuels communistes qui en 1974-75 se manifestèrent par la création de groupes de libération homosexuelle (GLH). Mais au lieu de s'en tenir à la satisfaction de la liberté obtenue (les termes du Moyen Âge chrétien " impudique " et " contre nature " sortent enfin du Code pénal en août 1982), le lobby gay, depuis LGBTQI+++, a cru devoir se lancer dans une surenchère (demande de pacs, droit au mariage, à l'adoption, à la PMA et à la GPA), reconnaissance de prétendus "changements" de sexe) qui me semble déplacée, l'homosexualité relevant à mon sens bien davantage de la liberté et de l'amitié (" poussée à l'extrême " écrivait Platon dans ses Lois ...) que de la conjugalité et de l'égalité des droits des couples. Voir mon article : Mariage homo ...


VIII - Deuxième dépénalisation (partielle) : 1974 :
restriction du champ du délit instauré en août 1942

La révision du seuil de " consentement homo " instauré en 1942 ; élevé alors de 13 à 21 ans, il fut abaissé à 18 ans par le président Valéry Giscard d'Estaing, en harmonisation avec la nouvelle majorité civile ; voir le I de l'article 15 de la loi du 5 juillet 1974 modifiant notamment l'article 388 du Code civil).


IX - Légitimations récentes -2

GLH parisiens, trois groupes dont le premier créé en 1974 sous le nom de Philandros par Jean-Paul Amouroux (alors étudiant à Nanterre), en partie grâce à des membres ou anciens membres du club Arcadie et de son groupe de jeunes, en partie avec des "anciens" du FHAR.
Ouvrage paru en 2015
IX / A / Aleph/CIDH 1975 :

IX / A 1) " Centre d'Information et de Documentation sur l'Homosexualité (CIDH)
Avant les scissions de décembre 1975 en plusieurs tendances des Groupes de Libération Homosexuelle (GLH) ; Claude Courouve a co-fondé en 1975, l'Association Laïque pour l'Étude du Problème de l'Homosexualité (ALEPH) pour lutter contre la sous-information de l'homosexualité.. Un des buts était de clarifier la situation juridique des homosexuels pour tout le monde, et notamment pour les partis politiques, et pas seulement pour le milieu homosexuel.
En 1977, l'ALEPH est devenu le Centre d'Information et de Documentation de l'Homosexualité (jusqu'en 1981). Les documents envoyés à la presse, sont documentés :
- d'indications bibliographiques,
- de références bibliques des passages qui évoquent ou condamnent l'homosexualité...
- de nombreux courriers (de l'époque) aux dirigeants de l'État [en vue de la légalisation complète de l'homosexualité, obtenue en 1982].
Aujourd'hui, le site Kademos (voir ci-dessous [site de Jacques Girard, mort depuis, le site, pas JG]) publie certains documents, notamment les courriers (de l'époque) aux dirigeants de l'État ...
Catalogue des livres sur l'homosexualité édités par Claude Courouve : http://www.courouve.com/ [Site mort]. "
http://www.archiveshomo.info/annuaire/france.htm

IX / A 2) J'avais en effet créé en 1975 cette association avec Louis Mallet, rencontré via une petite annonce du mensuel Actuel ;  nous n'étions pas membres des GLH parisiens, mais avions assisté à quelques unes de leurs réunions. J'étais alors abonné à la revue Arcadie. Par la suite  Robert Kozérawski, Jean-Pierre Lévêque et le biologiste Jean-Claude Feray s'étaient joints à nous ; Jean-Claude Feray (1948/2022) avait depuis fait des recherches très pointues sur Kertbeny (qui en 1868-69 créa en allemand les néologismes homosexual et Homosexualität).

   J'étais à cette époque en relations avec des universitaires militants américains : Bob Roth et Wayne R. Dynes ; et anglais : de l'association Campaign for Homosexual Equality (CHE), notamment Peter Ashman) ; j'étais abonné au périodique anglais Gay News et j'avais participé au congrès de CHE à Brighton (UK) en 1979, et auparavant à la réunion fondatrice de l'ILGA à Coventry (UK) en 1978.
Merci à Nigel Warner : 4e et 5e en partant de la gauche :
moi-même et Robert Kozérawski, Coventry 1978.

Mon activité professionnelle consistait alors en cours particuliers de maths et de physique, après cinq années (1966-1971) à plein temps dans l'Éducation nationale en Île-de-France comme enseignant en mathématiques, notamment au lycée parisien Janson de Sailly et à L'Isle Adam. Activité qui entraîna une suspicion, bien infondée, de pédophilie, d'où enquête de voisinage, visite à domicile d'un policier, convocation au 36, quai des Orfèvres, et fichage par les Renseignements généraux : fiches assez creuses que j'avais pu consulter, à deux reprises, au siège parisien de la C. N. I. L.

IX / B / Désinformations qui m'irritaient :

IX / B / 1 ) Le Monde avait annoncé que l'Association Psychiatrique Américaine modifiait sa définition psychiatrique de l'homosexualité, alors que le changement avait consisté à retirer purement et simplement l'homosexualité de la liste des pathologies ; cela fut très dur d'obtenir une rectification ; j'avais dû faire intervenir un psychiatre américain.
ASSOCIATION PSYCHIATRIQUE AMÉRICAINE : « L’homosexualité en elle-même et par elle-même n’impliquant aucune altération dans le jugement, la stabilité, l’honnêteté, ou les capacités professionnelles, qu’il soit donc déclaré que l’Association Psychiatrique Américaine déplore toutes les discriminations publiques et privées envers les homosexuels dans des domaines tels que l’emploi, le logement, l’habitation collective, les patentes, et déclare qu’aucune exigence de discernement, de capacité ou d’honnêteté supérieure à ce qui est demandé aux autres personnes ne devrait être imposée aux homosexuels. » Communiqué du 15 décembre 1975 [ma traduction].

2 ) Lors du lancement du mensuel commercial Homo en 1975 (mensuel auquel j'avais collaboré), Bruno Frappat, alors journaliste au Monde (ensuite directeur à La Croix, et que j'avais rencontré avec Louis Mallet à l'ancien siège du Monde, 5 rue des Italiens) fut bien sarcastique dans un de ses articles : " On aura très vite fait le tour de la question ", comme si l'homosexualité était un non-sujet ; c'est ce que j'appelle l'homophobie négative.

3) Arcadie se faisait passer pour une association alors que c'était d'abord une revue mensuelle, créée en 1954 sans comité de rédaction connu, doublée ensuite d'un club réservé à ses abonnés, créé en 1957 sous le régime SARL, " CLESPALA ", Club littéraire et scientifique des pays latins, dont André Baudry était autocratiquement et juridiquement le gérant (information vérifiée auprès du Tribunal de commerce de Paris).

4) André Baudry (1922-2018, directeur d'Arcadie, réclamait en permanence " l'abrogation de l'amendement Mirguet " qui ne constituait, aussi déplorable qu'il fût (le " fléau social ", cf plus haut § VI / C), qu'une étape intermédiaire de procédure parlementaire dans une loi d'habilitation à prendre des ordonnances.

Les deux dispositions dont on pouvait pertinemment, dans les années 1970, exiger l'abrogation étaient l'article 330 alinéa 2 du Code pénal, créé par ordonnance en novembre 1960 (aggravation des peines en cas d'outrage public à la pudeur en situation homosexuelle) - et surtout l'article 331 alinéa 3 du même Code pénal, décidé par le Gouvernement de Vichy, conservé par ordonnance à la Libération, tout comme la disposition anti-laïque du même Gouvernement de Vichy tendant aux édifices (lieux de culte) non classés le bénéfice de financement public (dernier alinéa de l'art. 19 de la loi de 1905, devenu art. 19-2). Au Parti Socialiste, les idées n'étaient pas plus claires là-dessus que dans les GLH ; ils souscrivaient à la revendication du père Baudry, sans davantage vérifier ni se documenter. En 1974, Arcadie annonça triomphalement, (énorme confusion !) que l'amendement Mirguet était abrogé ...

5) Les travaux de cette association ALEPH ont commencé en 1975, année de la déclaration de l'association.

Courriers à tous les partis politiques, comme le faisait déjà le directeur d'Arcadie, mais avec une argumentation documentée et invoquant, à la suite de Daniel Guérin, la laïcité et la liberté sexuelle comme nécessaires contrepoids à la liberté religieuse. Selon Alexandre Marchant, ma correspondance avec Daniel Guérin est conservée à la B.D.I.C.

Je n'avais jamais eu à l'époque d'engagement militant durable dans un parti politique, considérant d'un côté qu'ils avaient tous plus ou moins leur part de vérité et de l'autre que la culture, stricto sensu, scientifique, juridique, littéraire ou philosophique, est bien plus intéressante et utile que la politique politicienne.


- Enquête auprès d'une soixantaine de psychiatres parisiens et rennais ayant répondu (sur 250 )questionnaires envoyés). Questions sur le statut de l'homosexualité (maladie, perversion, anomalie, ou variante) et sur le traitement éventuel. Résultats publiés dans Homo en 1975 . Parmi les réponses, celle du Professeur Henri Baruk (1897-1999) : « L'homosexualité est en voie de développement en grande partie sous l'influence des idées psychanalytiques. Elle représente un danger pour les sociétés. Elle doit être soignée. »

- Documentation historique et lexicographique, la deuxième encouragée par l'article inaugural " Anti-rôle " de l'instituteur Dominique Robert (né le 31 décembre 1952 à Paris XIXe, mort du sida le 6 août 1989 à Paris XIIe) dans le n° 3 de la revue Dérive.

- Obtention de la preuve, par simple consultation de l'Annuaire téléphonique interne de la Préfecture de police de Paris par un adhérent qui y travaillait, de l'existence au sein de celle-ci d'un  " Groupe de contrôle des homosexuels " ; émanation bien lointaine de la fameuse " sous-brigade des pédérastes " (sic) des années 1870, alors dirigée par l'agent de police parisien Rabasse.

COMITÉ POUR UNE CHARTE DES LIBERTÉS : « L'homosexualité est un comportement sexuel comme les autres. Elle est une des expressions de la liberté fondamentale du corps. L'homosexualité ne doit entraîner sous aucune forme une inégalité ou une discrimination quelconque. » Liberté, libertés, Réflexions du comité pour une charte des libertés animé par Robert Badinter (1928-2024), préface de François Mitterrand, Paris : Gallimard. 1976. [Sans doute une réaction aux démarches d'André Baudry].

HENRI CAILLAVET (1914-2013), assez timoré : « La réprobation liée aux risques de sanctions pénales a fortement contribué à la marginalisation et à l'isolement des homosexuels, la répression pénale ayant ainsi un effet exactement inverse au but de dissuasion recherché. » Proposition de loi (exposé des motifs), décembre 1978.

DIDIER BARIANI : « Le Parti Radical-Socialiste demeure traditionnellement et fondamentalement attaché au respect des libertés individuelles. Malheureusement, l'émergence de nouvelles formes de délinquance juvénile fait apparaître qu'en dépit de l'évolution des mentalités, la protection des mineurs est encore une nécessité pour l'équilibre de notre société. » Lettre au président du Centre d'Information et de Documentation sur l'Homosexualité, 1er juillet 1980.

   Ce travail de documentation de l'Aleph/CIDH, motivé par la déficience des GHL au niveau intellectuel, attira longtemps l'attention de diverses personnes, homosexuelles ou non, dont Michel Foucault à qui j'avais communiqué (vers 1978) des documents d'archives sur des procès de sodomie du XVIIIe siècle ; le pasteur Joseph Doucé ; Bertrand Boulin, (fils de l'ancien ministre, décédé en 2002) ; l'écrivain Dominique Fernandez ; l'écrivain Roger Peyrefitte, à qui j'avais communiqué à sa demande, pour sa biographie de Voltaire, un extrait inédit des archives de la police parisienne dans la première moitié du XVIIIe siècle (" le grand mémoire ", aujourd'hui publié dans Les Assemblées de la manchette) ; Philippe Lejeune (voir son article dans la revue Romantisme, 2e trimestre 1987). De même Daniel Guérin, dont je fit publier le texte « Plutarque et l’amour des garçons »  dans Dialogues homophiles, numéro 2, mars 1978, et que j'avais interviewé pour le mensuel Homo 2000 en 1979.

Les réactions à ce travail associatif ne sont pas facilement distinguables de celles consécutives à mon premier ouvrage Les Homosexuels et les autres (Paris : Athanor, 1977) :
" Vous trouverez tout dans ce livre qui est sérieux et bourré d'informations. " (Charlie Hebdo)
" Un intéressant document sur l'évolution des esprits [...] utile à ceux qui animent des groupes d'éducation sexuelle avec des adolescents. " (L'École des parents)
   La même année fut publié, en collaboration avec Pierre Fontanié (collaborateur régulier d'Arcadie et adhérent indélicat du C.I.D.H.) et Jean-Pierre Lévêque, un " Glossaire des homosexualités ", en tant que publication du " Centre d'information Aleph ". Opuscule que j'ai développé sous le titre Vocabulaire de l'homosexualité masculine (Paris : Payot, 1985)

Pendant toute cette période, un certain nombre de travaux universitaires furent effectués, dont je n'ai eu connaissance que plus tard, pour la plupart d'entre eux.

IX / B 2) La fin de mon activité associative est liée à un incident grave relativement à une réponse du président Valéry Giscard d'Estaing.

   Peu avant la campagne présidentielle de 1981, j'avais écrit à V. Giscard, au nom du C.I.D.H., pour lui exposer l'argumentation en faveur de l'abrogation du nouvel article 331 alinéa 2 ; il m'avait fait une réponse en partie favorable, en partie défavorable, disant, si je me souviens bien, qu'il était opposé à toute discrimination à l'égard des homos, mais que la disposition contestée lui semblait justifiée par la nécessité de protéger les mineurs civils de plus de 15 ans. Je fis la bêtise de communiquer cette réponse à un adhérent du Var (Saint-Raphaël), Pierre Fontanié (auteur de plusieurs articles dans la revue Arcadie), qui, sans m'en avertir, en avait  envoyé copie à Homophonies qui n'.vaita publié qu'une partie de cette lettre, la partie défavorable, sans même indiquer que ce qui était publié n'était une partie seulement de la réponse du Président de la République.

   Je fus alors profondément écœuré par une telle mauvaise foi (cf le dialogue des « représentants de commerce du Peuple » de Jacques Prévert : « – Qu’est-ce que cela peut faire que je lutte pour la mauvaise cause puisque je suis de bonne foi ? – Et qu’est-ce que cela peut faire que je sois de mauvaise foi puisque c’est pour la bonne cause ? », Spectacle, 1949), mais aussi je me sentais personnellement responsable vis-à-vis de Giscard de l'utilisation malveillante faite de sa réponse. Là-dessus sont arrivés la marche du 4 avril et tout l'activisme des mouvements homos orientés à l'extrême gauche, le slogan-tract « Les homos contre Giscard », etc. Ce n'est pas que je fusse particulièrement giscardien à l'époque ; au 1er tour de 1981 j'ai même voté Mitterrand (pas au second, car je pressentais alors qu'il allait gouverner avec des ministres communistes). Le comportement de ce membre (socialiste) du C.I.D.H., Pierre Fontanié, m'avait profondément déçu et j'ai alors décidé de revenir à autre chose, mes intérêts philosophiques anciens et des recherches académiques à la Bibliothèque nationale, précédés de mon travail pour le Vocabulaire de l'homosexualité masculine (Payot, 1985)..

IX / B 3)

Publications homos depuis les années 1968 : Arcadie, EdenOlympe, In, Hommes ; Homo, Nouvel Homo ; Dialogues homophilesGaie France, Gai Magazine, Gai PiedGaie PresseHomo 2000, Homophonies, Incognito-Magazine, In-MagazineMasquesSamouraïTêtu, etc. En gras, celles auxquelles j'ai donné un ou plusieurs articles (parfois les mêmes ...). Pour Gai Pied, un seul article, sur le livre de Rudolf Maurer André Gide et l'URSS., Berne : Tillier, 1983 ; pour Masques, trois je crois ; pour les autres, je ne sais plus combien.
Je retrouve qu'une première version de mon article de blog L'AFFAIRE DE PAMIERS ou SODOME À MONTAILLOU fut publiée en septembre-octobre 1991 dans Gaie France Magazine, puis traduite en portugais en 1992.
J'étais rédacteur de Homo 2000 et simple collaborateur ailleurs (je n'ai jamais assisté à aucune réunion de " comité de rédaction "). Ces collaborations étaient motivées par le souci de diffuser une documentation culturelle certes sommaire, fruit vulgarisé de mes recherches à la BnF, mais que je pensais utile. En parallèle, j'avais effectué des publications de brochures en auto-édition (voir plus loin, § IX / B 4).

Gai Pied, mensuel puis hebdomadaire, a paru d'avril 1979 à 1992.
(Merci à Louis Mallet)


Le malveillant Roméo Isarte n'en retient que ma contribution occasionnelle à Gaie France, contribution signalée, avec exagération, dans l'article de Mickaël Studnicki " Gaie France Magazine. Homosexualité, nationalisme et pédophilie (1986-1997) ", Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine,71-4, octobre-décembre 2024... L'essentiel de la matière de ces articles est passé, avec de nombreux compléments, dans mes publications ultérieures sur mon blog La Connaissance ouverte et ses ennemis.


IX / B 4) Mes publications (la plupart en auto-édition) :

L'Affaire Lenoir-Diot, Paris, C. Courouve, 1980
ISBN 2-86254-001-9 (erroné). Version augmentée en ligne.

Voltaire (1694-1778)
L'Amour socratique / Voltaire ; présenté et annoté par Claude Courouve
Paris : C. Courouve,  1994
ISBN 2-86254-017-X (br.) : 20 F
2e éd., 1999
ISBN 2-86254-024-2 (br.) : 25 F
[Nouv. éd.]
La Ciotat : C. Courouve, 2002
ISBN 2-86254-031-5 (br.) : 6 EUR. Version augmentée en ligne :
VOLTAIRE : L'AMOUR SOCRATIQUE

Les Gens de la manchette, 1720-1750 / [textes réunis et présentés par] Claude Courouve
Paris : C. Courouve, 1978
ISBN 2-86254-004-8 (Br.) : 7,50 F
Les Assemblées de la Manchette : documents sur l'amour masculin au XVIIIe siècle.
1987,  34 pp.
ISBN 2-86254-014-5
Les Assemblées de la Manchette : documents sur l'amour masculin au XVIIIe siècle et pendant la Révolution
Nouv. éd.
Indice de l'Histoire de France :  LL 310-5 = 1700-1800
ISBN 2-86254-018-8 (br.) : 40 F
Les Assemblées de la manchette / [Claude Courouve]
2000, 18 pp.
ISBN 2-86254-026-9 (br.) : 60 F. Revu et augmenté dans http://laconnaissanceouverteetsesennemis.blogspot.fr/2014/08/les-assemblees-de-la-manchette-12.html

Bibliographie des homosexualités
Paris : C. Courouve, 1977, 12 pp.
ISBN 2-86254-005-6 (Br.) : 4,50 F
Nouvelle édition 1978.
ISBN 2-86254-003-X (Br.) : 9 F. Voir plus loin, Fragments 4 et 5.

Contre nature ?
Paris : C. Courouve, 1981
ISBN 2-86254-009-9 (Br.). Son contenu a été intégré aux articles " Contre nature " et " Délit d'homosexualité " de mon Dictionnaire français de l'homosexualité masculine (réédition en ligne augmentée du Vocabulaire ... de 1985).

Les Flammes de Sodome : opinions variées sur l'amour homosexuel masculin
Paris : C. Courouve, 2001
24 pp.
ISBN 2-86254-028-7 (br.) : 10 EUR : 66 F
Les Flammes de Sodome : opinions variées sur l'amour homosexuel masculin
2e éd. augmentée 2004, 54 pp.
ISBN 2-86254-033-1 (br.) : 10 EUR. Repris partiellement dans mon DFHM.

Fragments : Adam, Aletrino, Allendy, Barthes...
Paris : C. Courouve, 1980, 11 pp.
Collection Archives unisexuelles
ISBN 2-86254-006-4 (Br.)
Autre auteur : Kozérawski, Robert . Éditeur scientifique
Sujet(s) :  Homosexualité -- Citations, maximes, etc.
Fragments. 2 / [choisis par] Claude Courouve, R. Kozerawski
Paris : C. Courouve, 1980
ISBN 2-86254-007-2 (Br.)
Fragments. 3 / [choisis par] Claude Courouve, R. Kozerawski
Paris : C. Courouve, 1981
Autre auteur : Kozérawski, Robert . Éditeur scientifique
ISBN 2-86254-008-0 (Br.)
Fragments. 4 / [choisis par] Claude Courouve, R. Kozerawski
Paris : C. Courouve, 1981
En appendice, "Bibliographie des homosexualités", 3e édition, 1, 1478-1881.
ISBN 2-86254-011-0 (Br.)
Fragments. 5 / [choisis par] Claude Courouve, R. Kozerawski
Paris : C. Courouve, 1981
Précédé de : "Bibliographie des homosexualités", 3e éd., 2, 1882-1924.ISBN 2-86254-012-9 (Br.)

Centre d'information Aleph (Paris)
Glossaire des homosexualités / Aleph ; [rédigé par Claude Courouve, Pierre Fontanié et Jean-Pierre Lévèque]
Paris : Centre d'information sur l'homosexualité Aleph, 1978
ISBN 2-902681-03-8 (Br.)

Homosexualité, Lumières et droits de l'homme ; suivi de L'affaire de Lenoir et Diot
Paris : C. Courouve, 2000, 18 pp.
ISBN 2-86254-025-0 (br.) : 30 F
http://laconnaissanceouverteetsesennemis.blogspot.fr/2014/08/laffaire-de-lenoir-et-diot-paris-1750.html

Les Homosexuels et les autres
Paris : Éditions de l'Athanor, 1977
Collection Une Enquête de...
Bibliographie pp. 147-148
ISBN 2-7051-0300-7 (Br.) : 30 F

Jupiter et Ganymède : notes sur la pédophilie et les seuils de consentement
Paris : C. Courouve, 2002
10 pp. : couv. ill. ; 30 cm
ISBN 2-86254-032-3 (br.) : h. c.
http://laconnaissanceouverteetsesennemis.blogspot.fr/2009/10/notes-sur-la-pedophilie-et-les-seuils_6962.html

Les Origines de la répression de l'homosexualité
Paris : C. Courouve, 1978
Collection :  Collection Archives des homosexualités
Collection Archives des homosexualités
Bibliographie pp. 15-16
ISBN 2-86254-000-5 (Br.) : 6 F

Tableau synoptique de références à l'amour masculin : auteurs grecs et latins
Paris : Courouve, 1986
ISBN 2-86254-013-7 : 64 F
Ces Petits Grecs ont un faible pour les gymnases : l'amour masculin dans les textes grecs et latins, Nouvelle édition
Paris : C. Courouve, 1988

Repères / C. Courouve, R. Kozerawski
Paris : C. Courouve, 1980
ISBN 2-86254-002-1 (Br.)
Homosexualité -- Chronologie
Presse homosexuelle -- France -- 1970-....

Vocabulaire de l'homosexualité masculine
Paris Payot, 1985.Collection :  Langages et sociétés, ISSN 0399-8665
ISBN 2-228-13650-6 : 99 F. Voir maintenant mon Dictionnaire français de l'homosexualité masculine (réédition en lign très augmentée du Vocabulaire).



X - Troisième dépénalisation, partielle (les deux premières étant celles de 1791 et 1974) 


Loi du 23 décembre 1980 : suppression de la circonstance aggravante instaurée en novembre 1960 dans l'outrage public à la pudeur (article 330, alinéa 2 de l'ancien Code pénal) ; c'est la disposition improprement appelée " amendement Mirguet ". Voir le V de l'article 1er. Mais la disposition de l'article 331, qui réprimait l'homosexualité pratiquée avec un partenaire en dessous de l'âge de 18 ans (depuis 1974), reste maintenue avec l'aval du Conseil constitutionnel ; elle passe en alinéa 2 (au lieu de alinéa 3). Voir le III de l'article 1er de la Loi 80-1041 du 23 décembre 1980. ; maintenue dans les termes d'Ancien régime ("impudique", "contre nature") qu'avaient introduit le régime de Vichy !!

CONSEIL CONSTITUTIONNEL :
« 1. Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article 331 du code pénal, tel qu'il résulte de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, tout attentat à la pudeur commis ou tenté sans violence ni contrainte, ni surprise sur la personne d'un mineur de quinze ans est pénalement réprimé ; que le second alinéa du même article prévoit aussi une sanction pénale à l'encontre de la personne qui aura commis un acte impudique ou contre nature avec un mineur de dix-huit ans lorsqu'il appartient au même sexe ; que, selon les auteurs de la saisine, les dispositions de ce second alinéa auraient pour effet de porter atteinte au principe d'égalité devant la loi tant "entre les délinquants" qu'"entre les victimes" ; [...]
4. Considérant que la loi relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs peut, sans méconnaître le principe d'égalité, distinguer, pour la protection des mineurs, les actes accomplis entre personnes de même sexe de ceux accomplis entre personnes de sexes différents. »Décision 80-125 DC du 19 décembre 1980 qui valida donc le maintien de cet article 331 alinéa 2.

Ma publication de 1981, Contre nature ?, est épuisée, son contenu est intégré aux articles " Contre nature " et " Délit d'homosexualité " de mon Dictionnaire français de l'homosexualité masculine (réédition en ligne revue et augmentée du Vocabulaire de 1985).


XI - Quatrième, et dernière,  dépénalisation en août 1982 : abrogation complète du
délit instauré en 1942 :

 XI / A / ROBERT BADINTER (1928-2024), lors du débat qui mena à l'abrogation du délit d'homosexualité :
« Chacun de nous est libre de critiquer ou d'approuver l'homosexualité, chacun est libre de choisir ou de ne pas choisir tel ou tel comportement sexuel ; cela relève du choix intime de la personne ; plus ce choix est intime, plus il est secret et mieux cela vaut. »
Sénat, séance du 5 mai 1982, Journal Officiel du 6 mai 1982, [Débats Sénat], page 1634. [Par la suite, Badinter approuva la loi Halde de décembre 2004 qui introduisait la notion de propos discriminatoires à l'égard des homos et qui permit des condamnations à l'égard du député Vanneste, condamnations cependant annulées en cassation. Cette loi fut suivie d'un renforcement de la reconnaissance de l'homosexualité sous la forme de l'extension du mariage, de l'adoption aux couples de même sexe (loi Taubira de mai 2013) et de la répression du délit d'homophobie].

La loi n° 82-683 du 4 août 1982 (proposition de loi AN n° 527 adoptée après trois rejets par le Sénat) abroge donc l'article 331 alinéa 2 du Code pénal. L'opposition RPR ne dépose alors pas de recours auprès du Conseil constitutionnel.

Cette abrogation en août 1982 d'une disposition issue du régime de Vichy fut parfois saluée comme l'abrogation de l'amendement Mirguet de juillet 1960... Cette confusion, apparue en 1974, et ressurgie en 2014, a sans doute comme cause, du côté d'Arcadie, le désir de minimiser les méfaits de la collaboration, et du côté de la gauche de masquer le fait que la disposition issue du sous-amendement Mirguet fut abrogée par le gouvernement Barre-Giscard en décembre 1980 et non par la gauche.


XI / B / Plateforme pour l’égalité des droits LGBT (Le Monde, 25 mars 2004)

Plateforme élaborée sous la direction de Daniel Borrillo et Didier Éribon ; son état d'avancement est impressionnant, par son quasi-achèvement en deux décennies. Dans l'excès, probablement. LGB, OK, mais TQIA+, cela semble tourner à l'hystérie et au délire.

" L’homophobie, la lesbophobie et la transphobie tuent : égalité des droits

1 La modification de l’article premier de la Constitution, assurant l’égalité des citoyen(ne)s sans distinction d’origine, de race ou de religion, pour y ajouter la notion d’égalité sans distinction de sexe, d’orientation sexuelle, d’identité de genre [version post-moderne du "troisième sexe"].

2 La condamnation des discriminations basées sur le sexe, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la victime au même titre que le sont celles liées au racisme ou à l’antisémitisme.
[Obtenu pour l'identité sexuelle par l'article 4 de la première loi Taubira, loi 2012-954 du 6 août 2012 qui modifie une quinzaine de dispositions du Code pénal. Et pour l'identité de genre, qui y remplace l’identité sexuelle, par l’article 225-1 du Code pénal tel que modifié par l’article 86 de la loi Urvoas  2016-1547 du 18 novembre 2016.
Les articles 170 et 171 de la loi Urvoas n° 2017-86 “ Égalité et citoyenneté “ du 27 janvier 2017 remplacent l’identité sexuelle par l’identité de genre dans plusieurs articles du Code pénal et de la loi sur la liberté de la presse.
" Considérant 89. Les dispositions contestées substituent, dans les articles 24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, les termes d'« identité de genre » à ceux d'« identité sexuelle ». Elles ajoutent ainsi à l'interdiction des discriminations liées au sexe et à l'orientation sexuelle celles liées à l'identité de genre. Il résulte des travaux parlementaires qu'en ayant recours à la notion d'identité de genre, le législateur a entendu viser le genre auquel s'identifie une personne, qu'il corresponde ou non au sexe indiqué sur les registres de l'état-civil ou aux différentes expressions de l'appartenance au sexe masculin ou au sexe féminin. Les termes « identité de genre », qui figurent d'ailleurs à l'article 225-1 du code pénal dans sa version issue de la loi du 18 novembre 2016 mentionnée ci-dessus, sont également utilisés dans la convention du Conseil de l'Europe du 12 avril 2011 [convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique] et dans la directive du 13 décembre 2011 mentionnées ci-dessus [directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil]. Dans ces conditions, les termes d'« identité de genre » utilisés par le législateur sont suffisamment clairs et précis pour respecter le principe de légalité. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit être écarté. " (2016-745 DC)
Cette loi " Égalité et citoyenneté " introduit la notion d' " identité de genre " dans 3 articles du Code pénal (132-77, 222-13 et 226-19), 4 articles de la loi sur la liberté de la presse (24, 32, 33 et 48-4), 5 articles du Code de procédure pénale (CPP) et 2 articles du Code des sports (L. 1321-3 et L. 1441-23).
Rappel : « La ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, a présenté les principes du programme d'actions contre les violences et les discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre que le Premier ministre l'a chargée d'élaborer début septembre. […] 3. agir contre les discriminations au quotidien : l'Etat se mobilisera contre les discriminations dans l'emploi, dans le secteur public et le secteur privé. La charte de l'égalité dans la fonction publique fera l'objet d'une révision dans le cadre de l'agenda social, mettant en avant les valeurs du service public et de la fonction publique. Dans ce cadre, l'égalité des droits et la lutte contre les discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre seront réaffirmées. » (Communiqué du Conseil des ministres du 31 octobre 2012)]

3 La pénalisation des propos discriminatoires (injures, diffamation, incitation à la haine) sexistes, homophobes, lesbophobes et transphobes, au même titre que le sont les propos racistes ou antisémites. [Obtenu pour les propos dits homophobes et discriminatoires par le titre III de la loi Halde n° 2004-1486 du 30 décembre 2004]

4 La mise en place d’une politique efficace de prévention de l’homophobie, de la lesbophobie, de la transphobie et du sexisme, notamment en milieu scolaire et dans les organismes accueillant du public (OFPRA, institution pénitentiaire, CNAM, Police Nationale...).
[Obtenu : " L’association " Le Refuge Formation " a pour mission la lutte contre l’homophobie, et plus généralement les LGBT-phobies, ainsi que la formation au travail social auprès des victimes de LGBT-phobies. Les objectifs de l’association sont, entre autres, d’intervenir dans les écoles et les établissements scolaires auprès des équipes pédagogiques et administratives afin d’échanger sur l’homosexualité avec les élèves, déconstruire avec eux les préjugés, et les sensibiliser à l’impact positif ou négatif que peuvent avoir leurs mots et leurs comportements. " Les associations agréées par l'Éducation nationale.
Pour la " transphobie ", voir la circulaire Blanquer du 29 septembre 2021.]

5 Le droit au mariage civil pour les couples de même sexe ; l’extension aux couples homosexuels de l’ensemble des avantages (sociaux, fiscaux, séjour...) dont bénéficient les couples hétérosexuels ; l’égalité des droits entre les différents statuts civils et fiscaux : PACS, mariage, concubinage et célibat. [Obtenu pour le mariage par la seconde loi Taubira en ce domaine, loi 2013-404 du 17 mai 2013].

6 L’accès à la procréation médicalement assistée et à l’adoption quelles que soient l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou le statut marital du/de la ou des demandeur(e)s. [Obtenu pour l'adoption par les couples mariés, homos comme hétéros, par la loi 2013-404 du 17 mai 2013. La loi Véran n° 2021-1017 du 2 août 2021 ouvre la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, selon l'article 1er, I, 1° : “ Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation  “ (article L. 2141-2 du Code de la santé publique)].

7 Que les trans ne soient plus classé(e)s comme malades mentaux par le système de soins français. [obtenu par le décret Bachelot 2010-125 du 8 février 2010 : " Article 1
Au 4 du I de l'annexe de l'article D. 322-1 du Code de la sécurité sociale, les mots : « ― troubles précoces de l'identité de genre ; » sont supprimés. "].
[La loi n° 2022-92 du 31 janvier 2022 interdit les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne.]
 
8 La simplification de la procédure de changement d’état civil pour les trans (transsexuel(le)s et transgenres) qu’elles ou ils soient opéré(e)s ou non, et l’accès à une prise en charge médicale choisie, rapide et efficace. [Article 61-5 du Code civil, créé par l’article 56 de la loi Urvoas n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle].

9 La suppression de toute mention relative au sexe sur les papiers d’identité et documents administratifs. " [« Dans une note de service interne adressée à ses agents le 6 juillet [2022], la direction générale des finances publiques (DGFIP) enjoint les contrôleurs fiscaux à ne pas heurter l'identité de genre des contribuables en bannissant les mentions de civilité de l'ensemble de leurs communications. Concrètement, la note, consultée par Le Figaro, recommande de revoir l'accroche et la formule de politesse en début et en fin de courrier, ainsi que le bloc destinataire où sont inscrits le nom et l'adresse de la personne à qui la communication est adressée. Finis les « Bonjour Monsieur » et « Bonjour Madame » en préambule, les contrôleurs fiscaux se contenteront d'un simple « Bonjour », tout court. » (Le Figaro, 13 juillet 2022).
Saisi par l'association Mousse-LGBT, et après avoir interrogé la CJUE, le Conseil d’État juge le 31 juillet 2025 que SNCF Connect ne peut pas imposer à ses clients de s'identifier sous Monsieur ou Madame].

" Ces exigences sont un pré-requis pour lutter contre les discriminations, dans la loi, dans les faits, dans les têtes. Nous invitons les structures associatives et politiques et les individu(e)s dont la lutte contre les discriminations fait partie du combat politique, à rejoindre le Collectif pour l’égalité des droits et à soutenir cette plate-forme de revendications. "

Organisations signataires : Académie Gay et Lesbienne, Act Up-Paris, Act Up-Lyon, Alternative libertaire, CADAC (Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception), CCP (Collectif Contre le Publisexisme), CLF (Coordination Lesbienne en France), CNDF (Collectif National pour les Droits de Femmes), Conservatoire des Archives et des Mémoires Homosexuelles, DEGEL (Debout Étudiant-es Gais Et Lesbiennes), Étudions Gayment, Femmes Publiques, Fierté LGBT Lille, FTCR (Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives), GLB (Gais et Lesbiennes Branchés), GAT (Groupe Activiste Trans), Gay Kitsch Camp [Lille], Homonormalité, JCR (Jeunesses Communistes Révolutionnaires), La Dixième Muse, La voix de l’âme, LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire), Les Mauves, Les Panthères roses, Les Verts, LGBT-Formation, Mix-cité, PASTT (Prévention Action Santé Travail pour les Trangenres), ProChoix, Ras l’front, Scalp-Reflex, SNEG (Syndicat National des Entreprises Gaies), SOS-Homophobie, SUD Étudiant, SUD PTT, Tasse de Thé (association et portail pour les lesbiennes), Tiresias, Trans Action, Vamos !
Personnalités politiques signataires : Clémentine Autain (adjointe au maire de Paris), Olivier Besancenot (porte parole de la LCR), Patrick Bessac (conseiller régional PCF d’Ile-de-France), Jean Brafman (conseiller régional d’île de France, Groupe communiste, alternative citoyenne, républicain), Sergio Coronado (Adjoint au maire du 14e ardt de Paris, [depuis député écologiste, Français établis hors de France, 2e circonscription]), Jean-Luc Estournel (adjoint au maire de Villeurbanne), Hélène Flautre (députée Européenne, les Verts), Christophe Girard (ancien adjoint au maire de Paris), Noël Mamère (ancien député de Gironde, les Verts [réélu en 2012, 3e circonscription), Pierre Quay-Thevenon (adjoint au maire (PC) de Saint-Denis), Roseline Vachetta (député Européenne, LCR).


XII - Ébauche d'une vue d'ensemble des qualifications de l'homosexualité :

" Une abomination " (Lévitique). C'est une de celles qui auront le plus grand retentissement.
"Amitié poussée à l'extrême" (Platon)
" Plus par coutume que par nature les mâles se mêlent aux mâles " (Montaigne, Essais, livre I, chapitre xxiii, page 115 de l'édition Villey/PUF, paraphrasant Aristote, Éthique à Nicomaque, VII,1148b ; chapitre xxii, page 119 de l'édition Balsamo/Pléiade)
" Le sentier de la vertu " (Plutarque)

" Contre la loi de la nature et l'ordre de la raison " (Pierre Damien)
« Aberration monstrueuse », « union de sexes semblables » (Gilles de Corbeil)
" Le péché le plus grave après la bestialité " (Thomas d'Aquin)
" Contre l'ordre de nature, pour ce qu'il se commet contre l'ordre du sexe " (Jean Bénédicti, 1601)

" Crime de ceux qui commettent des impuretés contraires à l'ordre même de la nature " (Encyclopédie, 1765, à propos de la sodomie)
" La passion la plus honteuse qui ait jamais souillé la nature humaine " (Kant, Remarques touchant les Observations ...)

" Faute d'orthographe de la nature humaine " (La Douceur, 1772, à propos de la pédérastie)
" Vice des peuples guerriers " (marquis Donatien de Sade, 1795, à propos de ce qu’il appelle pédérastie)
" Petit défaut " (Aubriet, 1824, parlant de Cambacérès)
" Le seul lien qui rattache la magistrature à l'humanité " (Charles Baudelaire, à propos de ce qu’il appelle pédérastie)
" Un amour sans nom, ou plutôt un vice infâme " (Paul Gide [père d'André Gide], 1867, à propos de la pédérastie grecque)
" Un problème qui a l'attention des philosophes, aussi bien que des médecins et des naturalistes " (Remy de Gourmont, 1907, à propos de ce qu’il appelle uranisme)
" Variante anomale de la libido " (Dr Paul Näcke, 1909)
"Variante de l'organisation sexuelle génitale" (Sigmund Freud, 1920)
"Une habitude sexuelle" (Louis Aragon, 1928, sur ce qu’il appelle "pédérastie")
" Un crime social " (Maxime Gorki, 1934)

" Un amour comme un autre, ni meilleur ni pire " (Klaus Mann, 1934)

" La force qui aime la force " (Jean Cocteau, 1936, à propos de la seule pédérastie)
" Le trait dominant des pédagogues " (René Allendy, 1939)
« Secret, interdit […] messe noire […] damnation » (Jean-Paul Sartre, 1945)

"Un péril" (Dr Marcel Eck, psychiatre catholique, janvier1960)
"Un fléau social" (député Paul Mirguet, juillet1960)

« Une anomalie sexuelle » (Jean-Paul Sartre, 1963)
« Un comportement sexuel comme les autres, une des expressions de la liberté fondamentale du corps. » (Comité pour une Charte des libertés, avec Robert Badinter, Liberté, libertés, 1976).
« Un des côtés de l'hermaphroditisme humain » (Gilbert Lascault, professeur de philosophie à l'Université de Paris-X - Nanterre, 1977 ; j'ai été son étudiant et j'avais assisté à sa soutenance de thèse d'État)
« Pas une forme de désir, mais quelque chose de désirable » (Michel Foucault, 1981)
« Une occasion historique de rouvrir des virtualités relationnelles et affectives » (Michel Foucault, 1981)
« Une déviance, une anomalie » (Jean-Marie Le Pen, 1984)
" Une forme de déviation, de marginalité, que le corps social peut supporter, sans l'avaliser jusqu'au bout " (Jean-Paul Aron, 1987)
" Une question personnelle et individuelle " (Michel Hannoun, médecin et député, 1987)
« L'homosexualité, ce n'est pas l'indifférence sexuelle » (Jacques Derrida, 2001)
« La voie mystique par excellence » (Michel Masson, Le Monde, 15 octobre 2005)
« Une anomalie » (Alain de La Morandais, Olivier Mazerolle, janvier 2013)