dimanche 21 avril 2024

DFHM : Ultramontain à uraniste en passant par Uranie — et Vaisseau à virer sa cuti en passant par Vice à la mode et Villette




UGOBER

Anagramme de bougre dans l’ouvrage de Beauchamp, 1722 ou 1728.

ULTRAMONTAIN, adj. et subs.

« Le commencement du mois de juin [1682] fut signalé par l’exil d’un grand nombre de personnes considérables accusée de débauches ultramontaines. Tous ces jeunes gens avaient poussé leurs débauches dans des excès horribles, et la Cour était devenue une petite Sodome. »
Louis François marquis de Sourches (1645-1716), Mémoires sur la fin du règne de Louis XIV.

« Au jeu d’amour, une gente donzelle
Voulut induire un cavalier romain ;
L’ultramontain, à son culte fidèle,
La refusait, et même avec dédain,
Quand pour lui plaire, elle tourna soudain
Ce qu’à Jupin, Ganimède réserve ;
Mais dans son goût,  malgré l’offre affermi,
Me fourrer là, dit-il, Dieu m’en préserve !
Je logerais trop près de l’ennemi. »
Jean-Baptiste Rousseau, Épigrammes, XXIII

« En réputation de préférer les plaisirs ultramontains, à ceux qu'il aurait pu prendre avec les Dames. »
Pierre de L'Estoile, Journal du règne de Henri III, 1587.
Édition Pierre Gosse, La Haye, 1744 (tome 2).


« Ultramontain : pédéraste, appelé ainsi à cause des vices hors nature attribués aux habitants de l’autre côté des montagnes alpines, l’Italie. »
Hector France, Dictionnaire de la langue verte, 1907, réédition Nigel Gauvin, 1990.

UNISEXUALITÉ

« L’unisexualité, tel est le dernier mot de cette dégradation de l’amour. Or, comme il ne se peut rien concevoir par l’entendement qui ne tende à se réaliser par le fait, l’unisexualité a pour expression pratique, chez tous les peuples, la PÉDÉRASTIE. »
Pierre Joseph Proudhon, Amour et mariage (1858), XIX.

Proudhon entendait pédérastie au sens de sodomisation, comme la plupart des médecins-légistes de l’époque, dont Tardieu, qu’il venait de lire.

« Les hommes qui ont séduit, corrompu, souillé les âmes et les vies de leurs semblables plus jeunes sont d’habitude des pervertis. Ils n’ont pas toujours été unisexuels. Ils ont plus de prise. Ils sont plus vicieux. L’unisexuel qui s’essaye à la bissexualité devient aussi corrompu que l’homme sexuel normal qui s’essaye à l’unisexualité : ils ont tous les vices, ceux qui leur reviennent et les autres. »
Marc-André Raffalovich, Archives d’Anthropologie Criminelle, mars 1894.

« Les femmes d’aujourd’hui s’intéressent beaucoup à l’unisexualité masculine. »
A. Raffalovich, « Quelques observations sur l’inversion », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 50, 15 mars 1894.

A. Raffalovich publia en 1896 l’ouvrage Uranisme et Unisexualité, puis trois séries de longs articles dans les AAC : « Annales de l’unisexualité » en 1897, « Chronique de l’unisexualité » en 1907 et 1909.

« L’unisexualité se ressemble chez les femmes comme chez les hommes ; l’inversion est une. »
Dr H. Legludic, Attentats aux mœurs, 1896.

UNISEXUEL(LE), adj. et subs.

Unisexuel et unisexué ont d’abord été appliqués aux végétaux et animaux n’ayant qu’un seul sexe. Puis Charles Fourier a parlé d’affection unisexuelle, de couples unisexuels et d’orgies unisexuelles. ; il a aussi utilisé les expressions amour ambigu et amour unisexuel :

« En amour, il y a ultragamie entre deux femmes saphiennes. Ce lien sort des attributions de l’amour qui comprennent les unions bisexuelles. Dans ce cas, les deux ressorts de l’amour engrènent dans la passion d’amitié ou affection unisexuelle. »
Charles Fourier, Œuvres complètes, Anthropos, 1967, t. IV, p. 367.

« De toutes nos relations, il n’en est pas de plus fausse que celle de l’amour ; on y a introduit une dissimulation si générale que nous ne pouvons plus lire les modernes du bon vieux temps ni les ouvrages anciens qui traitent de l’amour franchement, comme ceux de Plutarque, Virgile et autres […] À cette époque on admettait l’ambigu, l’amour unisexuel. Si les grands hommes de la Grèce revivaient aujourd’hui, ils seraient tous brûlés vifs. Solon, Lycurge, Agésilas, Épaminondas, Sappho, Jules César et Sévère seraient tous conduits à l’échafaud pour pédérastie ou saphisme. Ces même anciens méprisaient le trafic et le mensonge qui sont aujourd’hui en honneur, la banqueroute et l’agiotage qui sont devenus des usages aussi innocents qu’autrefois l’amour ambigu. »
Charles Fourier, Œuvres complètes, tome XI, vol. 4, pp. 219-220.

Les audaces de l’utopiste ont été sévèrement jugées par Proudhon :

« Je sais même que Fourier, qu’on n’accuse pourtant pas d’avoir eu des goûts socratiques, a étendu fort au delà des barrières accoutumées les relations amoureuses, et que ses spéculations sur l’analogie l’avaient conduit à sanctifier jusqu’aux conjonctions unisexuelles. »
Pierre-Joseph Proudhon, Avertissement aux propriétaires, 1841.

« Aussi l’amour unisexuel est-il susceptible d’inspirer une jalousie effrenée. »
Proudhon, Carnet n° 7, 1849.

« On me racontait hier que l’abbé de Lamennais pratiquait le culte d’Anacréon pour les petits garçons ; que même le vieux Barbet l’économiste lui avait servi d’amante. Une amante mâle de 60 ans !... Ce goût n’est pas rare aujourd’hui parmi les gens de lettres, les artistes et les grands. – On cite entr’autres, [Jean-Louis-Eugène] Lherminier [professeur au Collège de France], Germain Sarrut, et une foule que j’oublie. Nos mœurs tournent à la pédérastie, terme ordinaire, fatal, du développement érotique dans une nation. Quand la femme, prise d'abord pour organe de luxure, est devenue, par le raffinement de la volupté, un objet d'art, de l'art luxurieux, l'érotisme ne s'en tient pas là, il va jusqu'à l'affection unisexuelle. C'est logique. Qu'est-ce en effet que la volupté ? L'art de la masturbation, soit solitaire, soit à deux, de même ou de différent sexe. C’est bien ainsi que toutes nos notabilités de la politique, de la philosophie, du clergé, etc. entendent l’amour. […] Changarnier, Lamoricière, ont rapporté d’Afrique le goût des amours masculines. On assure que tous nos officiers et soldats qui tombent aux mains des Arabes passent tous par l’étrivière socratique. Courby de Cognord n’y aurait pas échappé. C’est même là une des causes des atrocités commises par nos troupes, notamment par le colonel Pélissier aux grottes de [le nom manque] .»
P. J. Proudhon, Carnet n° 8, année 1850.

Dans un pamphlet, le Dr Agrippa employait les expressions plaisir unisexuel, pratiques unisexuelles et amour unisexuel :

« Dans l’amour unisexuel, il y a une brutalité que ne s’accommode pas des soupirs et du dévouement délicat de l’amour honnête. »
La Première flétrissure, 1873.

La Justice, 25 septembre 1880, page 3 : " amours unisexuels " (affaire du capitaine Voyer).

Ce vocabulaire se retrouve dans le roman de Paul Bonnetain :

« Une demi-heure après, le crime irrémédiable était accompli ; l’ignorantin avait fait un nouvel élève à qui les monstrueux mystères des pratiques unisexuelles seraient désormais familiers. À jamais, il était détraqué, le petit malheureux qui souriait maintenant, l’œil humide de plaisir. »
Charlot s’amuse, 1883.

« Laissez passer la légion des solitaires, des unisexuels, des benjamites [cf Juges, XX] et des tribades. […] La chronique scandaleuse prétend que jamais ne fut si répandu le goût unisexuel, qu’il se propage singulièrement de par le monde, et que le bataillon de Lesbos, formé de recruteuses et d’entremetteuses, va grossissant chaque jour. »
Frédéric Loliée, Les Immoraux – Études physiologiques, Livre 2, VI-VII, 1891.

Digression sur le mot tribade :
Dictionnaire français... de Pierre Richelet, 1680 et 1706.

« D’autres croient que la similarité est une passion comparable à celle suscitée par la dissimilarité sexuelle. Hommes, ils aiment un homme ; mais ils affirment que s’ils étaient femmes, ils aimeraient une femme. Ce sont les unisexuels par excellence. Ce sont aussi les supérieurs, les plus intéressants. […] C’est une erreur de croire que les unisexuels, les invertis, se reconnaissent entre eux. C’est une de leurs vantardises, et qui a été fort répétée. Mais un de leurs sujets de conversation est justement de se demander si tel ou tel partage leurs goûts, leurs habitudes ou leurs tendances. Les efféminés se reconnaissent naturellement, mais on les reconnaît aussi aisément sans être efféminé soi-même. Mais la prudence, l’amour-propre, l’orgueil, le respect de soi-même, une affection profonde, mille sentiments empêchent un unisexuel de se livrer ainsi s’il n’est pas un débauché, ou très efféminé […] Les femmes d’aujourd’hui s’intéressent beaucoup à l’unisexualité masculine. On en parle beaucoup à présent ; les femmes sont très renseignées à ce sujet ; non seulement les femmes unisexuelles (qui sont toutes complices des hommes unisexuels à tous les degrés, du platonisme à l’abjection) mais aussi les femmes honnêtes. Les femmes n’ont pas peu contribué au sans-gêne de l’unisexualité masculine mondaine. Arrivées à un certain âge, les femmes qui ne s’attirent plus l’hommage des vrais hommes, s’entourent d’hommes unisexuels qui leur font la cour pour la galerie. »
André Raffalovich, « Quelques observations sur l’inversion », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 50, 15 mars 1894.

« Lorsqu’ils font semblant d’ignorer l’amour unisexuel ou de s’en indigner, les "gens honnêtes" mentent à dire d’expert. Cela fourmille au grand jour, sous le regard complaisant des sergots [agents de police] et de la foule. Maquillés, impudiques et frôleurs, vont et viennent les cynèdes en troupeau. Qui les désire n’a qu’un signe à faire pour en être obéi. »
Laurent Tailhade, La Touffe de sauge, édition de La Plume, 1901.

« Il y a un rapport constant entre la conduite et les principes des unisexuels et la conduite et les principes des hétéro-sexuels. Le relâchement des uns est le relâchement des autres. Sexuellement tous les hommes sont solidaires. »
André Raffalovich, « Les groupes uranistes à Paris et à Berlin », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 132, 15 décembre 1904.

« Quant au vice unisexuel masculin, quelques écrivains ont tenté de l’expliquer, sinon de l’excuser, chez les Grecs par la beauté même des hommes de l’Attique. »
B. de Villeneuve [Raoul Vèze], Le Baiser en Grèce, 1908.


« Puisque la législation barbare et injuste de certains États condamne avec sévérité les unisexuels, M. [Stuart] Merrill ne pense-t-il pas qu’il est du dernier intérêt de montrer qu’il a pu y avoir des hommes de génie parmi les  unisexuels ? Le prestige de ces hommes ne peut-il aider à défaire la barbarie et l’injustice des législations citées par M. Merrill ? Par quelle rage singulière MM. Les Humanitaires, chaque fois qu’un grand homme est donné comme unisexuel, s’efforcent-ils de dénier aux autres unisexuels le droit de le considérer comme un des leurs ? Si nous avions l’avantage de donner dans l’unisexualité, M. Merrill ou moi, la question ne nous serait pas indifférente. »
Guillaume Apollinaire, « Revue de la quinzaine », Mercure de France, tome 106, 16 décembre 1913.


Pris dans le livre de John Addington Symonds A Problem in Modern Ethics, 1891.


URANIE, VÉNUS URANIE, VÉNUS URANIENNE

Vénus Uranie est le nom francisé de l’Aphrodite Ourania, amour intellectuel (ou céleste) et pédérastique, en opposition à l’Aphrodite Pandémos, amour vulgaire (ou terrestre), bisexuel ou hétérosexuel ; cette distinction apparaît dans les Symposia [Banquets ou Beuveries] de Platon (180d-181) et deXénophon (viii, 9-10).

« Qui doute qu’il n’y ait deux Vénus ? L’une ancienne, fille du ciel, et qui n’a point de mère : nous la nommons Vénus Uranie ; l’autre plus moderne, fille de Jupiter et de Dioné [compagne de Zeus, forme locale de la Terre-Mère] : nous l’appelons Vénus populaire. Il s’ensuit que de deux Amours, qui sont les ministres de ces deux Vénus, il faut nommer l’un céleste, et l’autre populaire. ».
Jean Racine, traduction du Banquet de Platon, dans Œuvres complètes, tome II, Paris : Gallimard, 1952, collecton " Bibliothèque de la Pléiade "..

L’abbé François-Marie Coger, dans son Dictionnaire anti-philosophique pour servir de commentaire et de correctif au Dictionnaire philosophique (Avignon : Veuve Girard et François Seguin, 1767), écrivait : « Les Anciens ont connu deux sortes d'amour, le premier fils de Vénus Uranie, c’est-à-dire céleste ; le second engendré par Vénus terrestre... 



Aussi Chateaubriand, dans Génie du christianisme : « Ce qu’il y avait de plus sublime et de plus doux dans la fable [antique] possédait la virginité ; on la donnait à Vénus-Uranie et à Minerve, déesses du génie et de la sagesse ; l’Amitié était une adolescente. » Première partie « Dogmes et doctrines », livre I « Mystères et sacrements », chapitre ix, « Sur le sacrement d’ordre ».À leur suite, le Complément du Dictionnaire de l’Académie française (1842) définissait ainsi Uranie : « Nom de Vénus comme déesse de l’amour pur. »

« {…] ces Orientaux dont parle Julius Firmicus [Lib. De Errore prof. Relig] lesquels consacraient, les uns à la déesse de Phrygie, les autres à Vénus Uranie, des prêtres qui s’habillaient en femmes, qui affectaient d’avoir un visage efféminé, qui se fardaient. »
Joseph-François Lafitau (1681-1740), Mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps, tome 1, 1724.

« L’amour des hommes, dit-il, est en lui-même un sentiment pur, noble, divin. C’est l’amour des âmes. C’est un présent de Vénus Uranie. »
Dupin, La Prusse galante ou Voyage d’un jeune homme à Berlin, 12e journée, 1800.

« Carthage où l’on adore Vénus-Uranie [d’après Salvien, Du gouvernement de Dieu, VII]. »
Alfred de Vigny, Journal d’un poète, 16 juin 1837.

« Apollonius. La connais-tu la Vénus uranienne, qui brille sous son arc d' étoiles ? T' a-t-on dit les mystères de l' Aphrodite prévoyante ? As-tu jamais palpé la poitrine sèche de la Vénus barbue, ou médité les colères d' Astarté furieuse ? N' aie souci, j' arracherai leurs voiles, je briserai leurs armures ; avec moi tu marcheras d' un pied robuste sur la crête de leurs temples, et nous atteindrons ensemble jusqu' à la mystérieuse et l' inaltérable, jusqu' à celle des maîtres, des héros et des purs, la Vénus apostrophienne, qui détourne les passions et tue la chair. »
Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine, 1849.

« Socrate veut prouver (dit-il dans le Banquet de Xénophon) que l’amour de l’âme l’emporte de beaucoup sur l’amour du corps. Néanmoins, en établissant la différence entre la Vénus Uranie et la Vénus Pandème, il admet comme un usage établi qu’un garçon ait commerce avec un homme. »
Audé [O.-J. Delepierre], Dissertation sur les idées morales des Grecs et sur le danger de lire Platon, 1879.

« M. André Gide est pédéraste. Ce n'est pas le diffamer que de le dire, il s'en fait gloire. Il a écrit un petit livre (Corydon) pour s'en flatter et défendre l'uranie, et un gros bouquin (Si le grain ne meurt...) pour s'en confesser.
Je ne le lui reproche pas. Je m'en moque éperdument. Chacun prend son plaisir où il le trouve. Il me semble seulement aussi puéril d'avouer et de proclamer le goût qu'on a pour les jeunes gens qu'il me parait déplacé d'ouïr les confidences d'un érotomane déclarant n'aimer que les dames à gros derrière ou les jeunes filles aux seins inexistants.
Ce n'est pas du non-conformisme. C'est de l'exhibitionnisme... Une triste manie, sans plus.
Cependant, voici un article du réquisitoire d'André Gide contre l'U.R.S.S. (note au bas de la page 63) qu'il vient de publier et par lequel il accède pour la première fois, à soixante et un ans, aux gros tirages : " Que penser, au point de vue marxiste (sic) de celle (la loi) plus ancienne contre les homosexuels qui, les assimilant à des contre-révolutionnaires (car le non-conformisme est poursuivi jusque dans les questions sexuelles) les condamne à la déportation pour cinq ans, avec renouvellement de peine s'ils ne se trouvent pas amendés par l'exil ? "
On a le droit et peut-être le devoir de penser que ces dispositions sont bien rigoureuses. Mais on ne peut pas sous-estimer le poids dont elles ont pesé, au trébuchet de M. Gide, et la mesure dans laquelle elles ont aidé à sa déception.
Passons. Au sens propre du mot, M. André Gide est un pauvre bougre. »
" Un pauvre bougre : André Gide " Le Merle blanc siffle et persifle le samedi, N° 140, 5 décembre 1936, page 1.

URANIEN, adj. et subs., URNIEN, adj.

« Apollonius. La connais-tu la Vénus uranienne, qui brille sous son arc d' étoiles ? T' a-t-on dit les mystères de l' Aphrodite prévoyante ? As-tu jamais palpé la poitrine sèche de la Vénus barbue, ou médité les colères d' Astarté furieuse ? N' aie souci, j' arracherai leurs voiles, je briserai leurs armures ; avec moi tu marcheras d' un pied robuste sur la crête de leurs temples, et nous atteindrons ensemble jusqu' à la mystérieuse et l' inaltérable, jusqu' à celle des maîtres, des héros et des purs, la Vénus apostrophienne, qui détourne les passions et tue la chair. »
Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine, 1849.

« C’est toute une révolution sociale que M. Marx [Heinrich Marx] propose. Il veut que la loi, après avoir créé le genre Urnien, garantisse à l’Urning un état social équivalent à celui de la jeune fille et de la femme […] il fonde une société pour la défense des intérêts Urniens. »
François Carlier, La Prostitution antiphysique, 1887.

Edward Carpenter, " L'amour homogénique et sa place dans une société libre ",
La société nouvelle, 1896



« L’auteur [Magnus Hirschfeld] connaît les milieux spéciaux d’uraniens qu’il décrit et consacre de nombreux passages aux réunions d’homosexuels, notamment au Club Lohengren, à la Société des monistes et à la société des Platoniques qui ont un caractère plus littéraire et aux cabarets fréquentés spécialement par des uraniens. […] Le conseiller, Dr Necke, évalue à plus de vingt le nombre des tavernes uraniennes à Berlin. […] C’est par certains propriétaires de locaux fréquentés par les uraniens, mais pas exclusivement par eux, que sont organisés, surtout durant le semestre d’hiver, ces grands bals d’uraniens qui tant par leur cachet spécial que par leur extension, constituent une spécialité de Berlin. »
« Les Homosexuels de Berlin – Le troisième sexe, par le Dr Magnus Hirschfeld », Revue de Droit pénal et de criminologie, 1908

Dans Corydon, IV, André Gide évoque les « périodes uraniennes » de l’histoire : « nullement des périodes de décadence »

Pierre Lièvre a parlé du « caractère uranien » de L’Immoraliste, et proclamé que lui était étrangère une « œuvre à tendance uranienne »
« André Gide », Le Divan, n° 131, juillet-août 1927.


URANISME

De l’allemand Uranismus, néologisme dû au magistrat K. H. Ulrichs, par référence à l’Aphrodite Ourania de Platon (Banquet, 180-181). Ulrichs fut suivi par Heinrich Marx, auteur en 1875 d’une brochure intitulée Urningsliebe [L’Amour de l’uraniste]. Les termes de cette famille sont associés à une réévaluation positive de l’homosexualité.

Marc Raffalovich a entendu par uranisme l’inversion sexuelle congénitale masculine (Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 55, 15  janvier 1895) ; il publia en 1896 l’ouvrage Uranisme et unisexualité.

"Le mot Adelphisme serait plus juste et moins médical d'aspect qu'Uranisme, malgré son exacte étymologie sidérale."
Alfred Jarry, Les Jours et les nuits, II, 1, 1897.

« Pour pouvoir juger l’uranisme il faut l’examiner – tout comme l’hétérosexualité – neutralement ; le considérer comme une expression de la sexualité. On oublie et on a toujours oublié que pour juger de la situation sociale de l’uraniste, une morale sexuelle préfixée doit fatalement induire en erreur.
La période d’indifférence sexuelle, aussi bien que le fait qu’un individu qui a toujours été hétérosexuel acquiert parfois, sous l’influence du milieu, des penchants homosexuels qui disparaissent aussitôt que les circonstances sont favorables à la manifestation hétérosexuelle, prouvent que l’uranisme n’est pas une anomalie. »
Dr A. Alétrino, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901.

Selon le principal contradicteur d’Alétrino, J. Crocq,

« L’uranisme n’existe pas sans désir charnel, mais il se complique fréquemment d’amour cérébral ; l’amour cérébral est même très souvent le point de départ de l’uranisme. Mais l’uranisme ne naît que le jour où le désir sexuel paraît. »
Dr J. Crocq, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901. Article reproduit dans le Journal de Neurologie, 1901, pp. 591-596, et dans le Bulletin de la Société de Médecine d’Anvers, août 1901, pp. 116-122.

Pour un autre participant, M. Ferri,

« L’uranisme est encore un symptôme de la crise sociale qui marque toujours la transition d’une époque à une autre et qui maintenant se manifeste par exemple dans la répulsion psychologique que plusieurs gens ont pour le mariage, lequel du reste pour certaines classes sociales ne peut s’effectuer pour des raisons économiques que longtemps après la puberté. L’uranisme n’est qu’un autre reflet de cette crise morale et sociale que nous traversons et dont il faut aider la société à sortir. »

Ce à quoi M. Steinmetz avait répondu en anthropologue :

À notre époque on parle beaucoup d’uranisme, de suite M. Ferri fait la généralisation : aux époques de crise l’uranisme fait des progrès. C’est une induction un peu rapide ! Certainement le savant italien n’avait pas présente à l’esprit la statistique ethnographique assez riche de M. R. Burton dans les notes de sa belle traduction des Mille et une Nuits [The Book of the Thousand Nights, 1886], que je pourrais enrichir beaucoup moi-même. L’uranisme se trouve chez des peuples primitifs d’Amérique, d’Asie et d’Afrique, chez les anciens Perses et chez les Afgans modernes. Rien n’indique que ces peuples se trouvent dans des crises sociales. »

Remy de Gourmont fit un grand usage de ce terme dans son article de 1907 :


Léon Bocquet, appréciation sur Georges Eekhoud :
« Georges Eekhoud est le poète épique de la paysannerie pail­larde et de la gouaperie des faubourgs, des plèbes attirées de corps et d'âme vers la terre et la boue. Il est le défenseur et l'admirateur des réfractaires et des révoltés. Son anarchisme éro­tique n'est point d'ailleurs complaisance délibérée aux perversités, ni dévergondage d'esprit calculé, mais bien plutôt un sensualisme impérieux et instinctif, analogue à celui des hétérodoxes et éroto­manes dont il a conté l'histoire dans ce livre admirable d'érudition folkloriste : Les Libertins d' Anvers. L'uranisme, sous sa plume, devient art et mysticisme. Il lui sera beaucoup pardonné parce qu'une large sincérité dicte ses audaces.  »
La Société nouvelle —  Revue internationale — Sociologie, arts, sciences, lettres, 19e année, janvier 1914.

Plusieurs textes avaient mis en œuvre une argumentation dont on retrouve une bonne part dans les quatre dialogues de Corydon. Dans ces dialogues, uranisme et uraniste sont fréquents ; la traduction américaine de Hugh Gibb les avait rendus par homosexual et homosexuality, modernisant ainsi considérablement le texte de Gide.

« Remarquez je vous prie que Schopenhauer et Platon ont compris qu'ils devaient, dans leurs théories, tenir compte de l'uranisme ; ils ne pouvaient faire autrement. Platon lui fait, même, la part si belle que je comprends que vous en soyez alarmé. » (Corydon, Deuxième dialogue, II)

« Je reconnais avec vous que, après tout, la question de l'uranisme n'a pas, en elle-même, une grande importance ; mais je crois qu'après lecture de mes Mémoires vous reconnaîtrez que, pour moi, elle put en avoir une capitale, et que, du même coup, vous vous expliquerez mieux ce besoin de justification qui vous gêne dans mes écrits. Car ce n'est pas le fait d'être uraniste qui importe, mais bien d'avoir établi sa vie, d'abord, comme si on ne l'était pas. C'est là ce qui contraint à la dissimulation, à la ruse, et... à l'art. » (André Gide, lettre à André Rouveyre, 22 novembre 1924).

« Il ne se faisait pas sur la pédérastie une idée bien précise, avait besoin d’explications. L’entretien fut atrocement pénible. Ce n'est pas seulement à l'uranisme que Charlie [Du Bos] ne comprenait rien ; c'est à la vie. »
André Gide, Ainsi soit-il, 1951.

Le Manuel alphabétique de psychiatrie contenait dans sa 5e édition (PUF, 1975) un article intitulé « INVERSION SEXUELLE (URANISME, SAPHISME » ; par « uranisme classique », le Dr Bardenat semblait entendre l’homosexualité masculine associée à l’efféminement. Pour d’autres médecins, uranisme désigne plutôt l’homosexualité masculine en général :

« Quant à l’homosexualité, qu’elle soit lesbianisme ou uranisme, source possible de liens affectifs respectables, elle n’obéit pas cependant aux règles biologiques les plus élémentaires. »
M. Nicoli & B. Cviklinski, « La sexologie traverse aujourd’hui une crise conceptuelle », Quotidien du médecin, 7 novembre 1978.

Le Grand Robert de 1985 définissait uranisme par « homosexualité masculine ; les éléments de congénitalité, d’hermaphrodisme somato-psychique selon Ulrichs et de revendication militante néo-platonicienne sont oubliés, dans une progression assez fréquente du sens particulier au sens général.

« Signalons que le terme d' "uranisme" désigne l'homosexualité masculine et que Gide semble l'utiliser comme synonyme d' "homosexualité masculine", alors qu'il est généralement employé pour des hommes refusant tout comportement et toute occupation virils et se conduisant comme des femmes. » (Alain Goulet, Les Corydon d'André Gide, Paris : Orizons, 2014, II, 2., page 100).


URANISTE

De l’allemand Urning, néologisme dû au magistrat K. H. Ulrichs, par référence à l’Aphrodite Ourania de Platon (Banquet, 180-181). Ulrichs fut suivi par Heinrich Marx, auteur en 1875 d’une brochure intitulée UrningsliebeL’Amour de l’uraniste. La transposition en français se fit avec la traduction de Moll :

« Il est probable qu’une modification des dispositions pénales aurait pour effet d’améliorer la situation sociale des uranistes. »
Les perversions de l’instinct génital, 1893.

« L’éducation de l’uraniste est un devoir ; ce sera bientôt une nécessité. Si nous nous appliquons à découvrir l’uraniste enfant et à le perfectionner et à l’améliorer, si nous lui facilitons la continence, la chasteté, le sérieux, les devoirs, nous nous trouverons en face d’une classe nouvelle, apte au célibat, au travail, à la religion – puisque la réalisation de leurs désirs n’est pas de ce monde. »
Raffalovich, « L’uranisme (inversion sexuelle congénitale) », Archives d’Anthropologie Criminelle, n° 55, 15  janvier 1895.

Pour le Dr Saint-Paul, uraniste était synonyme d’inverti congénital, conformément à la théorie du troisième sexe d’Ulrichs. Le mot a rapidement diffusé hors des milieux médicaux :

« M. Oscar Wilde est maintenant torturé pour avoir été un uraniste, un hellénique, un homosexuel, comme vous voudrez. »
Alfred Douglas, « Une introduction à mes poèmes, avec quelques considérations sur l’affaire Oscar Wilde », Revue Blanche, 15 juin 1896.

" Ce n'est pas le fait d'être uraniste qui importe, mais bien d'avoir établi sa vie, d'abord, comme si on ne l'était pas. C'est là ce qui contraint à la dissimulation, à la ruse, et... à l'art. " (André Gide, lettre à André Rouveyre, 22 novembre 1924).

Dans les milieux médicaux, le sens s’est dilué :

« Uraniste. Syn. Homosexuel. Nom sous lequel on désigne, en médecine légale, les individus qui présentent une inversion de l’instinct sexuel, bien que leurs organes génitaux soient normalement conformés. »
Garnier & Delamare, Dictionnaire des termes techniques de médecine, 1900.

Le mot a occupé une large place dans la grande polémique de 1901, lors du Congrès international d’anthropologie criminelle :

« Malgré les autres noms qu’on a essayé de faire adopter, celui de « Urning », gracieusement transformé par les Français en « Uraniste », s’est maintenu, et sert encore à désigner une classe déterminée d’hommes chez lesquels existe cette particularité que le sexe propre a plus d’attraction sur eux que le sexe opposé. En classant les hommes d’après leur manifestation sexuelle, les Uranistes forment une classe distincte. Il ne faut donc pas les confondre avec les sadistes, les masochistes, les nécrophiles, les fétichistes, les flagellants et les efféminés, qui tous sont des personnes présentant des anomalies sexuelles. […] En parlant ici d’Uranistes, j’ai avant tout en vue les hommes qui, comme hommes, se sentent attirés vers d’autres hommes, sans me demander si ces derniers se sentent plus, autant, ou un peu moins virils qu’eux. Par conséquent j’écarte tous les efféminés, aussi bien les efféminés proprement dits que que ceux qui le sont devenus par perversion, par l’influence de l’exemple ou par dépravation. »
Dr A. Alétrino, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901. André Gide lui aussi écartera les efféminés.

« Il y a entre l’attraction homosexuelle de l’homme normal et l’attraction homosexuelle de l’uraniste la différence qu’il y a entre la communion d’idées, l’amitié, l’affection même et le désir, la différence qu’il y a entre l’amour fraternel et l’amour conjugal. »
Dr J. Crocq, « La situation sociale de l’uraniste », Compte-rendu des travaux de la 5e session, Congrès international d’Anthopologie criminelle, Amsterdam, septembre 1901. Article reproduit dans le Journal de Neurologie, 1901, pp. 591-596, et dans le Bulletin de la Société de Médecine d’Anvers, août 1901, pages 116-122.

« Pour un médecin, un … uraniste est un malade. Pour un poète aussi délicat que le créateur de Michel, c’est un … convalescent. »
Rachilde, « L’Immoraliste, par André Gide », Mercure de France, n° 151, juillet 1902.

Dans les années 1904-1905, l’écrivain Raffalovich décrivit les « groupes uranistes à Paris et à Berlin », et même un « syndicat des uranistes ».

Archives d'anthropologie criminelle, 15 décembre 1904.



« L'uraniste est une variété normale de l'homo sapiens»
A. Alétrino, "Uranisme et dégénérescence", Archives d’Anthropologie Criminelle, 1908.


Dans Corydon, écrit entre 1909 et 1918, uranisme et uraniste sont employés fréquemment ; mais on ne les trouve pas chez Proust.

« Je ne prétends pas que tous les uranistes le soient [bien portants et virils] ; l'homosexualité, tout de même que l'hétérosexualité, a ses dégénérés, ses viciés et ses malades [...] mon livre traitera de l'uranisme bien portant ou, comme vous disiez tout à l'heure : de la pédérastie normale. » (Corydon, Premier dialogue, III)

« Calmez-vous ! calmez-vous ! votre uraniste est un grand inventeur. » (Corydon, Deuxième dialogue, I)

Robert de Saint Jean : « Dans ses romans [ceux de François Mauriac] aucun personnage important n'est uraniste ; à peine quelques silhouettes à peine esquissées çà et là. »
Passé pas mort, III " En revenant de la revue ", Paris : Grasset, 1983.

USAGE DES GARÇONS

« Un jeune abbé dissolu qui, pour s’égayer, avait parlé dans sa diatribe des filles de joie de Babylone, de l’usage des garçons, de l’inceste, et de la bestialité. »
Voltaire, La Défense de mon oncle [1767], Avertissement.

* * * * *

VAGIN MASCULIN
Alfred Delvau, Dictionnaire érotique moderne..., 1864.
Plaute, L'Imposteur, acte IV, scène 7 : " BALLION à HARPAX : La nuit, quand le militaire était de service, allais-tu avec lui ? son épée entrait-elle bien dans ton fourreau ? "

VAISSEAU

« La pédérastie est dans les habitudes des forçats. Au bagne, on appelle vaisseau le pédéraste et frégate son complice. »
Revue pénitenciaire et des institutions préventives, octobre-décembre 1846, page 493.

VARIANTE, VARIATION

Naecke, 1904, 1909 ; Sigmund Freud, vers 1924.

VAUTRIN

D’après le nom du personnage des romans d’Honoré de Balzac.

« Bichon : Petit jeune homme qui joue le rôle de Téhodore Calvi auprès de n’importe quels Vautrins. »
Alfred Delvau, 1866.

VÉNUS

« L’une et l’autre Vénus »
Lettre de Guez de Balzac sur Nicolas Vauquelin des Yveteaux (1567-1649) qui pratiquait « L’une et l’autre Vénus »
Sonnet de François Ogier à propos de Vauquelin des Yveteaux : « Un sérail qui comprend l’une et l’autre Vénus [...] des valets, mais infâmes. » (Réponse au sonnet XIII).

VÉNUS URANIE cf URANIE

VEUVES

« Allée des Veuves : guinguettes inféodées à la secte dominatrice des sodomites.
Veuve était, dans la langue imagée des sodomites, le synonyme de patient, avec le sens du mot latin patiens. »
Paul Lacroix (1808-1884), cité par Pisanus Fraxi [Henry Spencer Ashbee], Centuria librorum absconditorum, London, privately printed, 1879.

« Allée des Veuves, s ; f. : Avenue qui se trouve dans les Champs-Elysées. Ancien lieu de rendez-vous [parisien] de Messieurs et Mesdames les pédérastes. Aujourd’hui, ils et elles se rencontrent partout. »
J. Ch.x, Le Petit Citateur, 1881..

VICE À LA MODE

« L’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. »
Molière, Dom Juan, V, 2, Dom Juan à Sganarelle.

De Madame, princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV : « Quand on a raconté à Mme Cornuel la vie dévergondée des dames du faubourg (car on les appellent ainsi pace qu’elles habitent toutes au faubourg St Germain), elle a dit : "Mon Dieu, ne les blâmez pas, vous verrez que c’est une mission qu’on aura envoyée là, pour ramener les jeunes hommes du vice à la mode". Cette dame a maintenant 87 ans. »
Lettre à Sophie de Hanovre, 1er février 1693.

« Ce vice, qui s’appelait autrefois le beau vice, parce qu’il n’était affecté qu’aux grands seigneurs, aux gens d’esprit ou aux Adonis, est devenu si à la mode qu’il n’est pas aujourd’hui d’ordre de l’État depuis les ducs jusqu’aux laquais et au peuple qui n’en soit infecté. Le commissaire Foucault, mort depuis peu, était chargé de cette partie et montrait à ses amis un gros livre où étaient inscrits tous les noms de pédérastes notés à la police ; il prétendait qu’il y en avait à Paris presque autant que de filles, c’est-à-dire environ 40 000. »
Mémoires secrets …, 13 octobre 1783.

VICE DE NON-CONFORMITÉ

« […] un certain vice de non-conformité dont on l’accusait [Cambacérès]. Vice qui, du reste, est fort ancien en France. »
Aubriet, Vie de Cambacérès, 1824.

VICE GREC

« Pendant deux siècles [VIIe-VIe] nous avons vu les deux institutions qui forment le corps humain, l'orchestrique et la gymnastique, naître, se développer, se propager autour de leurs points de départ, se répandre dans tout le monde grec, fournir l'instrument de la guerre, la décoration du culte, l'ère de la chronologie, offrir la perfection corporelle comme principal but à la vie humaine, et pousser jusqu'au vice (1) l'admiration de la forme accomplie.
(1) Le vice grec, inconnu au temps d'Homère, commence, selon toutes les vraisemblances, avec l'institution des gymnases. Cf Becker, Chariclès (Excursus).
Hippolyte Taine, Philosophie de l'art en Grèce, Paris : Germer Baillière, 1869, III " Les institutions ", ii " La gymnastique ".  »

VICE ITALIEN

« À l’exemple de la plupart des jeunes Français, il [le comte de Guiche] avait compromis sa santé par la pratique du vice italien et particulièrement au service des plaisirs de Monsieur. Mais il m’a été assuré, d’autre part, que le duc de Nevers [neveu de Mazarin] avait été le premier à corrompre Monsieur [frère de Louis XIV], lequel était un prince d’une grande beauté. Aussi la reine-mère avait-elle éloigné Monsieur du duc de Nevers, que l’on accusait d’avoir importé en France la mode du vice italien
Primi Visconti, Mémoires sur la Cour de Louis XIV, 1908 [1673].

VICE PHILANDRIQUE

« mon éloignement extrême pour le vice philandrique [régnant dans l’école janséniste de Bicêtre]. »
Restif de la Bretonne, Monsieur Nicolas, seconde époque.

VICE SOCRATIQUE

" Les Anglais pratiquent, en grand, le vice socratique. "
Carrefour, 16 juin 1965.

VILLETTE

À cause de l’homosexualité supposée du marquis Charles Michel de Villette.(1736-1793).

« Mad. Durut : si j'étais un aussi joli garçon que vous, je ne me contenterais pas de tourner la tête aux femmes, je voudrais m'amuser encore à me faire lancer par tous les Villettes du Royaume. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 1ère partie, quatrième fragment, Lampsaque : 1793.
« […] jour de solennité le Jeudi, en l'honneur de Jupiter, le Villette de l’Olympe, comme tout le monde le sait. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 2e partie, premier fragment "L'Œil du maître", Lampsaque : 1793.

VIRER SA CUTI

Changer d’opinions en général, et spécialement « devenir homosexuel » (Grand Robert 1985), ou hétérosexuel.

Anciennement, on disait : changer de religion ou changer de côté. Noter la connotation homosexuelle de côté, repérée pendant la Révolution française ; connotation qui implique l'opposition droite/gauche.

VIRIL

En 1909, Guy Debrouze se proposait d’étudier

« les types infiniment variés de l’homosexuel, depuis l’ordinaire à caractères féminins prédominants, jusqu’au type supra-viril en qui s’essaye une formule supérieure du sexe . Entre ces deux extrêmes, qu’elle le veuille ou non, est comprise toute l’humanité. »
« Le préjugé contre les mœurs », Akadémos, n° 7, 15 juillet 1909.

" [...] le vieux Monsieur n'est pas du tout l'amant de Mme Swann, mais un pédéraste. C'est un caractère que je crois assez neuf, le pédéraste viril, épris de virilité, détestant les jeunes gens efféminés [...]."
Marcel Proust, Lettre à Gaston Gallimard, novembre 1912, Lettres à la NRF, Gallimard, 1932 (Cahiers Marcel Proust, n° 6).

VOILE ET VAPEUR

« Voile et vapeur : navigation entre les deux sexes. »
Delpal, Paris bleu tendre, 1972.

VOYAGE EN TERRE JAUNE

France-Inter, 29 avril 1999.


Lettre T

CHRONOLEXICOGRAPHIE

dimanche 11 février 2024

CYCLE " DROIT, POLITIQUE, SOCIÉTÉ " DANS MON BLOG " CONNAISSANCE OUVERTE "

 PORTAIL DU BLOG


Un totalitarisme encore actif


NOTES CONTRE LA PÉDOPHILIE ET SUR LES SEUILS DE CONSENTEMENT

NOTES SUR LE MARXISME (1/2) , Mises en garde, égarements, reculs critiques

LA CONNAISSANCE OUVERTE ET SES ENNEMIS , La correction politique (alias politiquement correct), un totalitarisme qui monte en puissance


ALBERT CAMUS AUX ÉTUDIANTS SUÉDOIS (1957) suivi de LES MOYENS JUSTIFIENT LA FIN , Contient la célèbre condamnation du moyen terroriste

MACRON, PHILOSOPHE EN POLITIQUE suivi de JOLIS MOTS 2014-2024

MES SUGGESTIONS DE RÉVISION (REFONTE) CONSTITUTIONNELLE , Notamment mon opposition au " coup d'État juridictionnel " (selon l'expression adéquate d'Éric Zemmour) du Conseil constitutionnel instituant en 1971 un bloc de constitutionnalité 




CONTRE L’ÉLIGIBILITÉ ET LE VOTE ÉTRANGERS , Pour une souveraineté nationale rétablie

CALENDRIER 2024-2025 DES COMMÉMORATIONS D'ATTENTATS ISLAMISTES , 90 attentats en France ou contre des Français


vendredi 9 février 2024

LE SÉNATEUR ROBERT BADINTER SUR L'IMMIGRATION

 

Robert Badinter au Sénat, séance du 4 février 1997

Discussion d'un projet de loi sur l'immigration, cf loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
Photo babelio.com


« Les leçons de l'Histoire à cet égard ne nous font certes pas défaut. La première et la plus évidente est que la France a toujours été une terre d'immigration [mais jamais de la manière actuelle, quantitativement comme qualitativement] et qu'elle le demeurera, j'en suis convaincu. Depuis que le destin de la France s'est confondu avec la République, vague après vague, le flux d'immigrants n'a jamais cessé. Parce que la France était un pays de faible natalité, il lui a fallu, nous le savons bien, faire largement appel à la main-d'œuvre étrangère pour assurer son développement industriel, l'appel à la paysannerie n'y suffisant pas.

Ainsi sont venus les Belges et les Italiens avant 1914, les Polonais et les juifs d'Europe centrale et orientale dans l'entre-deux-guerres, les Espagnols, les Portugais et, enfin, les Maghrébins [Eux venaient d'États non laïques]. Tous ont été appelés en renfort de main-d'œuvre à bon marché par les entreprises lors des grandes périodes d'expansion industrielle.

Mais, dans notre histoire, à chaque fois que la crise a succédé à la prospérité, on a vu renaître les mêmes tensions, les mêmes mouvements de xénophobie et de racisme, des mouvements toujours exploités par les pires démagogues et dégénérant, parfois, hélas ! en violences meurtrières contre les Belges, qui représentaient 40 % des immigrés il y a un siècle, en pogroms contre les Italiens à la fin du siècle dernier et, dans l'entre-deux-guerres en excès racistes trop connus pour que je les rappelle dans notre hémicycle ou, depuis les années soixante-dix, en chasses au faciès, parfois mortelles, contre les Maghrébins.

En vérité, mes chers collègues, la xénophobie n'a pas épargné la République ; mais, à ce jour, la République a toujours dominé la xénophobie. En effet, génération après génération, le principe républicain de l'intégration [voire de l'assimilation] a toujours permis de fondre dans la nation française, dès la deuxième génération, ces courants successifs d'immigrés. Si la République a surmonté ainsi les passions et les pulsions, c'est parce qu'elle repose sur la conception citoyenne d'une nation composée de femmes et d'hommes tous égaux en droit et en dignité, quelle que soit leur origine, de femmes et d'hommes partageant la même culture et le même destin.

La République a refusé aussi bien la conception allemande d'un peuple fondé sur le sang et la langue que la conception américaine d'une nation, ou plutôt d'un Etat composé de communautés d'origines diverses, partageant, certes, les mêmes institutions, mais pas nécessairement la même culture, et conservant, au sein du même Etat, des identités particulières. La République française, elle, a été, ne l'oublions pas, toujours plus inspirée par [Ernest] Renan que par [Maurice] Barrès. C'est pourquoi elle a pu, non sans de grandes épreuves toujours renouvelées, fondre dans la communauté nationale tous les courants d'immigration. Je ne suis pas [en 1997], au regard de cette histoire, pessimiste sur l'avenir. Je suis convaincu que la République, pourvu que nous demeurions fidèles à ses principes, continuera son œuvre et qu'elle sera fidèle à elle-même.

Quand je disais, monsieur [Christian] Bonnet, que j'étais sur ce point optimiste, je n'ai pas pu m'empêcher de relever que vous aviez commis une erreur en citant notre maître, Fernand Braudel. Dans une vision pessimiste - vous avez eu la courtoisie de le préciser, ce dont je vous remercie - vous avez dit que, comme Braudel, vous vous interrogiez : « Déjà très diverse, ce qui fait sa richesse, la France peut-elle courir le risque de le devenir davantage encore ? » La citation exacte, la voici : « Très diverse, la France ne peut-elle courir le risque de le devenir, biologiquement, davantage encore ? » [L'Identité de la France, 1986]. Nous aimions tous beaucoup Fernand Braudel. Et parfois, on a de la mémoire !

De cette longue et souvent douloureuse histoire de l'immigration en France, il nous faut tirer aujourd'hui la leçon. Parmi ceux que l'on appelle « immigrés », et qui sont établis sur le territoire français - ai-je besoin de le rappeler ? - beaucoup sont devenus ou deviendront des Français par naturalisation. Par ailleurs, la quasi-totalité de leurs enfants, nés ou grandis sur le sol de France, sont [Si éduqués dans la culture française], voués à être français.
Le sort de ces immigrés-là, de loin les plus nombreux, est lié au nôtre, et leur avenir se confond avec le nôtre.
Vous me disiez à l'instant, monsieur le ministre, ou plutôt vous me murmuriez, qu'il ne doit s'agir, dans ce débat, que d'immigrés en situation irrégulière. Je vous répondrai que c'est précisément là, je le crains, que réside votre erreur de vision au regard d'un cadrage juridique. En effet, quand on parle de l'immigration, même quand il ne s'agit que d'immigration temporaire ou illégale, il est question d'un enjeu essentiel pour l'avenir de la France et de la République : l'intégration dans la communauté nationale des immigrés déjà français ou voués inévitablement à le devenir.
Or, selon les dispositions adoptées, selon le degré de contrôle et la mesure répressive auxquels les étrangers sont soumis, ces immigrés-là, qui sont ou deviendront français, par l'effet d'une sensibilité particulière que j'ai personnellement toutes les raisons de connaître, peuvent être amenés à ressentir qu'ils seront toujours considérés comme des étrangers sur la terre de France ou comme des Français de seconde catégorie, à l'image de ceux qu'à Athènes, jadis, on appelait d'un mot que ceux qui nous ont précédé ont bien connu : les « métèques ».
Or rien ne saurait être plus préjudiciable à la communauté nationale, ni plus contraire à l'idée républicaine que de laisser susciter ou de laisser se développer, à la faveur de législations successives, ce sentiment d'exclusion ou de rejet chez les jeunes immigrés de la seconde génération, qui sont ou seront français. De leur degré d'identification à la nation française dépend, pour une part, l'avenir de la République. Car, s'ils devaient [notamment du fait de l'islamisme] s'éprouver différents des autres, à cet instant-là, ces Français issus de l'immigration se replieraient inévitablement sur des communautés particulières qui demeureraient étrangères à la communauté nationale. Ainsi aurait-on suscité sans le vouloir ce que nous redoutons tous la fin du modèle républicain d'intégration, et ce au plus grand profit de l'extrême droite de M. Le Pen.

C'est au regard de cette exigence particulière et si forte de toute loi concernant les étrangers que votre loi, en dehors de toute considération juridique - nous en débattrons demain - se révèle, je le crains, mauvaise. De quel message est-elle en effet porteuse, tout particulièrement à l'égard de ceux que j'évoquais et dont les valeurs et l'intérêt de la République requièrent l'intégration totale, l'adhésion entière ?
Avec ironie, on a qualifié jadis une loi célèbre de loi « de justice et d'amour ». La vôtre, monsieur le ministre, relèverait plutôt de l'ordre des lois « de police et de soupçons ».
S'agit-il de mettre un terme aux situations aberrantes, et parfois inhumaines, engendrées par les lois de 1993 qui ont été votées avec tant d'enthousiasme par votre majorité ? A l'époque déjà, les juristes attentifs pouvaient déceler les conséquences désastreuses qui résulteraient de la mise en œuvre de certaines dispositions de cette loi.

Pour bon nombre de « sans-papiers », leur condition a été le fruit de ces textes qui interdisaient aussi bien la régularisation de leur situation que la reconduite à la frontière. Leur sort s'est inscrit dans une sorte de vide juridique, dans une zone singulière - puisque l'on ne peut pas parler de non-droit, disons d'absence de droit - suscitée par un législateur plus préoccupé, je le crains, de l'effet produit sur l'opinion publique que des conséquences humaines.
Face à une telle situation, n'aurait-il pas été plus sage, plus humain aussi, de s'en rapporter aux critères de régularisation proposés par les médiateurs des « sans-papiers » ou, à défaut, de demander l'intervention du médiateur de la République ? Le Conseil d'État, consulté, a rappelé, ce qui était une évidence juridique, qu'il n'existe pas de droit acquis à la régularisation - il n'était point besoin de consulter le Conseil d'État pour le savoir - mais que celle-ci, en présence de situations individuelles, pouvait toujours relever d'une telle possibilité.
Quelle a été la voie choisie ? La télévision, en a donné, hélas ! des images qui saisissaient le cœur. Tout à l'heure, Michel Rocard vous dira l'impression, désastreuse pour la France, qu'elles ont donnée à l'étranger. Pour ma part, je me bornerai à une simple question : quels mouvements de l'âme de telles actions à force ouverte peuvent-elles faire naître chez des jeunes Français immigrés de la seconde génération ?

Alors, que nous proposez-vous pour prévenir le renouvellement de telles extrémités ? La logique, le bon sens, l'humanité commandaient la solution préconisée par M. [Pierre] Mazeaud à l'Assemblée nationale, à la page 45 de son rapport : « l'attribution, de plein droit, d'une carte de séjour à toutes les personnes non expulsables, pour peu que leur présence ne constitue pas une menace à l'ordre public... [On sait aujourd'hui ce que valent ces garanties] » Mais, singulièrement, ni la majorité à l'Assemblée nationale ni vous-même, monsieur le ministre, n'avez pu vous résoudre à une pareille disposition générale de régularisation. Les cartes de séjour seront donc délivrées dans telle ou telle hypothèse, et nous savons que l'Assemblée nationale en a encore réduit le nombre.
Nous débattrons au cas par cas en montrant les limites et les conséquences de ces choix. Mais faut-il vraiment, en France, marchander à ce point la générosité et, plutôt qu'une large disposition générale réglant tous les cas, sélectionner certains et vouer les autres à l'illégalité ? Je n'emploie pas le terme de clandestinité, qui est trop chargé de sens dans un domaine où l'imagination prend trop de place, où les phantasmes sont redoutables et où les périls sont masqués par l'ombre.
Pourquoi refuser la proposition du président Mazeaud ? Quel risque faisait-elle courir ? Quelle impression une pareille frilosité dans la régularisation des situations les plus cruelles peut-elle susciter dans le cœur de ces jeunes immigrés qu'il s'agit d'intégrer, sans réticence et avant tout, à la communauté nationale ?

J'en viens au deuxième volet de votre texte, monsieur le ministre : le renforcement des dispositions répressives à l'encontre des étrangers en situation irrégulière. Nous en débattrons également.
Nous aurons aussi l'occasion d'examiner leur portée et, éventuellement - mais, sur ce point, je rends hommage à l'habilité et à la précision de notre excellent rapporteur, M. [Marc] Masson - d'en écarter certaines où j'ai décelé un certain parfum d'inconstitutionnalité. À propos de ces dispositions, on a évoqué le manteau d'Arlequin, une mosaïque, un patchwork. En tout cas, une sorte de fil rouge court à travers ces dispositions et leur donne au moins une unité d'inspiration : la volonté d'accroître, autant que faire se peut, dans les limites de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les pouvoirs de l'administration, de réduire les garanties et les droits reconnus aux étrangers en situation irrégulière, de rendre toujours plus difficiles la venue et l'hébergement temporaire de parents et d'amis étrangers, au moins de ceux qui sont originaires des pays les plus pauvres et les plus défavorisés.

L'inventaire, le catalogue de ce que vous nous proposez, est, à cet égard éloquent. Quelle inflation de mesures coercitives ! Une simple énumération suffit pour en prendre conscience : relevés d'empreintes et création d'un fichier dactyloscopique ; visites sommaires et immobilisations de quelques heures des véhicules autres que les voitures particulières dans la zone frontière de Schengen ; extension des contrôles d'identité aux personnes se trouvant dans les locaux professionnels ; retenue du passeport de l'étranger en situation irrégulière contre remise d'un récépissé. Je poursuis l'énumération dans le domaine de la rétention administrative : doublement des délais de rétention avant l'intervention du juge judiciaire de vingt-quatre à quarante-huit heures ; refus de proroger de la même durée le délai de vingt-quatre heures accordé à l'étranger pour exercer les voies de recours ; droit pour le ministère public, et lui seul, si le juge met un terme à la rétention administrative, de demander que l'appel soit déclaré suspensif et l'étranger, du même coup, maintenu en détention ; élargissement du domaine de la rétention judiciaire.
Par ailleurs, les conditions de renouvellement de la carte de résident sont si obscures que j'attends des explications pour mesurer la précarisation éventuelle qu'elles risquent d'engendrer. Mais, surtout, pourquoi attenter au droit d'hébergement ? Pourquoi cette obligation faite à celui qui entend recevoir parents, amis ou fiancé d'en aviser l'autorité municipale ? Il va falloir dénoncer leur départ à la mairie. On évoque la possibilité de visites inopinées d'agents de l'OMI [Office des migrations internationales], qui, en vérité, ont bien autre chose à faire !
Vous me direz que ces dispositions ne peuvent gêner que les étrangers en situation irrégulière. Hélas, non ! Par ricochet, elles blesseront aussi les immigrés voués à demeurer en France et qui, pour beaucoup, sont déjà ou deviendront Français. C'est à eux que certains maires refusent déjà les certificats d'hébergement. Et quand ils les auront obtenus, que leur demandera-t-on ? De dénoncer non seulement l'arrivée en France, mais aussi le départ de leurs parents, de leur fiancé. Mettons-nous dans la situation de chacun de ceux-là. Qui ne voit ce que pareille exigence peut susciter chez des âmes fières et sensibles, surtout chez les jeunes gens ? Quelle aberration de vouloir aller toujours plus loin dans la voie du fichage, du contrôle, des surveillances ! En cet instant, je me souviens avec amertume de ce brillant jeune étudiant tunisien qui est venu m'annoncer son départ tant il était las d'être systématiquement interpellé, contrôlé, fouillé sans ménagement, et m'en donnait les détails. Aurait-il été traité différemment s'il avait été Français, né en France, d'origine tunisienne ?

Pensons-y toujours quand nous légiférons. La France ne doit pas être terre d'accueil et patrie des Droits de l'homme uniquement dans les grands discours à l'usage des forums internationaux.
Reste la question politique. Grâce à ces dispositions qu'une partie de votre majorité souhaiterait encore durcir - tenez ferme, à l'image du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Mazeaud - vous espérez détacher de la tentation du Front national une partie des électeurs. Quelle erreur ! En durcissant toujours plus les lois contre l'immigration au-delà du nécessaire, en inventant des dispositifs toujours plus complexes et qui heurtent toujours plus les sensibilités, vous accréditez de plus en plus, dans l'opinion publique, le discours du Front national sur l'invasion de la France par des hordes d'immigrés clandestins ! [avec leurs femmes voilées] Vous assurez ainsi ses succès électoraux puisque, dans ce domaine, il pourra toujours affirmer que vous ne serez jamais que sa pâle copie - tant mieux pour vous ! - et qu'il vaut toujours mieux préférer l'original. Il y a pis encore : des lois telles que celle-ci nourrissent inévitablement dans les esprits la plus dangereuse confusion. L'amalgame se fait entre étrangers entrés en fraude et étrangers devenus des « sans-papiers » ; l'amalgame se fait entre étrangers en situation irrégulière et immigrés qui ne le sont pas, puis entre immigrés et délinquants et, finalement, entre immigration et insécurité, renforçant par là même la confusion entretenue par le Front national.

Votre projet de loi, même pavé de bonnes intentions, en même temps qu'il nous aliène les cœurs de tant de jeunes Français issus de l'immigration ouvre un boulevard non seulement aux succès électoraux du Front national, mais, ce qui est plus grave encore pour nous tous aux progrès incessants de son idéologie xénophobe, à ce que j'appellerai la « lepénisation » des esprits. »

Robert Badinter (né à Paris XVIe en mars 1928 - décédé le 9 février 2024 à Paris VIe).

vendredi 12 janvier 2024

CYCLE " PHILOSOPHIE GÉNÉRALE "

 PORTAIL DU BLOG



Raphaël, " École d'Athènes " (détail), Platon tenant
le Timée et Aristote l'Éthique à Nicomaque


PHILOSOPHIE - NAISSANCE DU PHILOSOPHE suivi de E / DESCARTES INUTILE ET INCERTAIN Avec ma définition empirique de la philosophie et une réponse à la question À quoi sert la philosophie ?

INDEX AMOUREUX ET PHILOSOPHIQUE DES ESSAIS DE MICHEL EYQUEM DE MONTAIGNE Avec notamment une indexation des passages relatifs aux concepts autrui et raison.



INDEX NIETZSCHE (1/16) : LES PHILOSOPHES, LA PHILOSOPHIE Ces indexations portent sur les œuvres publiées et les fragments posthumes

DOXOGRAPHIE DE LA DIALECTIQUE

MACRON : PAUL RICŒUR M’A RÉÉDUQUÉ SUR LE PLAN PHILOSOPHIQUE (2015)

LA PHILOSOPHIE NOYÉE DANS LE CAFÉ Réflexions critiques sur le phénomène des cafés-philo parisiens, avec dans la partie D une réflexion sur la pratique de la citation

DICTIONNAIRE NIETZSCHE 2017 Critique de l'ouvrage dirigé par Dorian Astor



L'ESPRIT FAUX (1/2), ET AUTRES TYPES HÉSIODIENS Réflexions sur la formule " Penser par soi-même "