samedi 30 juillet 2022

NOTES SUR LE MARXISME (1/2)




I – Effets secondaires néfastes sur la probité intellectuelle
II - Prémonitions et mises en garde (avant Frédéric Nietzsche)
III - Engagements, égarements ; matériaux d'un sottisier politique
IV - Reculs critiques et autocritiques
V - Et après ?
VI – Définitions positives du marxisme



I – Effets secondaires malfaisants sur la probité intellectuelle la plus élémentaire :


GIDE : « Ce qui m’effraie, c’est que cette religion communiste comporte, elle aussi, un dogme, une orthodoxie, des textes auxquels on se réfère, une abdication de la critique … C’est trop. » André Gide (1869-1951), Journal, 13 août 1933.

Carte postale de la série " Les écrivains du monde pour la défense de l'URSS "
éditée en 1933 en l'honneur d'André Gide. (Merci à Philippe Brin)

SARTRE : « Pendant des années l’intellectuel marxiste crut qu’il servait son parti, en violant l’expérience, en négligeant les détails gênants, en simplifiant grossièrement les données et surtout en conceptualisant l’événement avant de l’avoir étudié. »
Jean-Paul Sartre (né en 1905 à Paris XVIe - mort le 15 avril 1980 à Paris XIVe), Questions de méthode, 1, " Marxisme et existentialisme ", 1957. [À rapprocher de l’inestimable avertissement kantien :
« des pensées sans contenu sont vides ; des intuitions sans concepts sont aveugles. [Gedanken ohne Inhalt sind leer, Anschauungen ohne Begriffe sind blind.] », Critique de la raison pure, I Théorie transcendantale des éléments, 2e partie " Logique transcendantale ", introduction, I " De la logique en général ", traduction Delamarre/Marty, Paris : Gallimard 1980, Collection " Bibliothèque de la Pléiade "].
BESANÇON : « Le système est bouclé sur lui-même puisque tout essai de réfutation révèle [à lire avec des guillemets] l’influence de la bourgeoisie, par conséquent la lutte des classes telle que le marxisme lui-même l’a définie. »
Alain Besançon (né en 1932 à Paris VIe, décédé à Paris le 9 juillet 1923), Les Origines intellectuelles du léninisme, Paris : Calmann-Lévy, 1977, XII.

FOUCAULT : « Pendant longtemps, la philosophie, la réflexion théorique ou la "spéculation" ont eu à l’histoire un rapport distant et peut-être un peu hautain. On allait demander à la lecture d’ouvrages historiques, souvent de très bonne qualité, un matériau considéré comme "brut" et donc comme "exact" ; et il suffisait alors de le réfléchir, ou d’y réfléchir, pour lui donner un sens et une vérité qu’il ne possédait pas par lui-même. Le libre usage du travail des autres était un genre admis. Et si bien admis que nul ne songeait à cacher qu’il élaborait du travail déjà fait ; il le citait sans honte.

Les choses ont changé, me semble-t-il. Peut-être à cause de ce qui s’est passé du côté du marxisme, du communisme, de l’Union soviétique. Il ne paraissait plus suffisant de faire confiance à ceux qui savaient et de penser de haut ce que d’autres avaient été voir là-bas. Le même changement qui rendait impossible de recevoir ce qui venait d’ailleurs a suscité l’envie de ne plus recevoir tout fait, des mains des historiens, ce sur quoi on devait réfléchir. Il fallait aller chercher soi-même, pour le définir et l’élaborer, un objet historique nouveau. C’était le seul moyen pour donner à la réflexion sur nous-mêmes, sur notre société, sur notre pensée, notre savoir, nos comportements, un contenu réel. C’était inversement une manière de n’être pas, sans le savoir, prisonnier des postulats implicites de l’histoire. C’était une manière de donner à la réflexion des objets historiques au profil nouveau.

On voyait se dessiner entre philosophie et histoire un type de relations qui n’étaient ni la constitution d’une philosophie de l’histoire ni le déchiffrement d’un sens caché de l’histoire. Ce n’était plus une réflexion sur l’histoire, c’était une réflexion dans l’histoire. Une manière de faire faire à la pensée l’épreuve du travail historique ; une manière aussi de mettre le travail historique à l’épreuve d’une transformation des cadres conceptuels et théoriques. Il ne s’agit pas de sacraliser ou d’héroïser ce genre de travail. Il corresponde à une certaine situation. C’est un genre difficile qui comporte beaucoup de dangers, comme tout travail qui fait jouer deux types d’activités différents. On est trop historien pour les uns et, pour les autres, trop positiviste. Mais, de toute façon, c’est un travail qu’il faut faire soi-même. Il faut aller au fond de la mine ; ça demande du temps ; ça coûte de la peine. Et quelquefois on échoue. Il y a en tout cas une chose certaine : c’est qu’on ne peut pas dans ce genre d’entreprise réfléchir sur le travail des autres et faire croire qu’on l’a effectué de ses propres mains ; ni non plus faire croire qu’on renouvelle la façon de penser quand on l’habille simplement de quelques généralités supplémentaires. Je connais mal le livre [de Jacques Attali] dont vous me parlez. Mais j'ai vu passer depuis bien des années des histoires de ceci ou de cela - et vous savez, on voit tout de suite la différence entre ceux qui ont écrit entre deux avions et ceux qui ont été se salir les mains. Je voudrais être clair. Nul n'est forcé d'écrire des livres, ni de passer des années à les élaborer, ni de se réclamer de ce genre de travail. Il n'y a aucune raison d'obliger à mettre des notes, à faire des bibliographies, à poser des références. Aucune raison de ne pas choisir la libre réflexion sur le travail des autres. Il suffit de bien marquer, et clairement, quel rapport on établit entre son travail et le travail des autres. Le genre de travail que j'évoquais, c'est avant tout une expérience - une expérience pour penser l'histoire de ce que nous sommes. Une expérience beaucoup plus qu'un système. Pas de recette, guère de méthode générale. Mais des règles techniques : de documentation, de recherche, de vérification. Une éthique aussi, car je crois qu'en ce domaine, entre technique et éthique, il n'y a pas beaucoup de différences. D'autant moins peut-être que les procédures sont moins codifiées. Et le principal de cette éthique, c'est avant tout de respecter ces règles techniques et de faire connaître celles qu’on a utilisées. »
Michel Foucault (1926-1984), « À propos des faiseurs », Libération, 21 janvier 1983, entretien avec Didier Éribon.



BOUVERESSE : « Pour n’avoir pas vu le goulag là où il crevait les yeux de tout le monde, un certain nombre d’intellectuels se croient obligés depuis quelque temps de le détecter partout où il n’est pas, en particulier dans l’exercice normal du droit de critique, qui devrait constituer justement, en matière intellectuelle, la plus fondamentale des libertés. »
Jacques Flavien Bouveresse (né dans le Doubs en 1940 - décédé le 9 mai 2021 à Paris XIIe), Le Philosophe chez les autophages, II, Paris : Minuit, 1984.



« Si l’on regarde ce qu’a produit la période durant laquelle on a pensé que la philosophie était de la " lutte de classes dans la théorie " [allusion à Louis Althusser], ou quelque chose de ce genre, il n’y a pas de quoi être fier: cela a produit essentiellement de la pseudo-science, de la mauvaise philosophie, et de la politique imaginaire. »
Jacques Bouveresse, « Entretien avec Christian Delacampagne », Le Monde, 25-26 juin 1995.


* * * * *

Cette malhonnêteté intellectuelle des marxistes, des staliniens, ce manque de probité, a muté en une police de la parole exercée par la correction (au double sens de rectification et de punition) politique sur les propos dits réactionnaires, antisémites et racistes d'abord, puis dit révisionnistes, puis dit homophobes, puis dits islamophobes, xénophobes ou nationalistes.


II - Prémonitions et mises en garde (avant Frédéric Nietzsche) :

CICÉRON  : « [La République] tombée aux mains d’hommes moins désireux de modifier l’État que de le détruire. »
Cicéron, Des devoirs, II, 1.

SÉNÈQUE : « Nous ne vivons pas sous un roi, que chacun dispose de lui-même.[…] Qui suit un autre, il ne suit rien. Il ne trouve rien, voire il ne cherche rien. »
Sénèque le Jeune, Lettres à Lucilius [Ad Lucilium epistulae morales], XXXIII, 4, 10 [pour les deux dernières phrases, c'est la traduction de Montaigne].

MONTAIGNE : « Le changement donne seul forme à l’injustice et à la tyrannie. […] amender les défauts particuliers par une confusion universelle et guérir la maladie par la mort […] Toutes grandes mutations ébranlent l'État, et le désordonnent. » MontaigneEssaisIII, ix, page 958 de l'édition Villey/PUF/Quadrige.

MONTESQUIEUDe l'Esprit des lois



PORTALIS : « Nous appelons esprit révolutionnaire, le désir exalté de sacrifier violemment tous les droits à un but politique, et de ne plus admettre d’autre considération que celle d’un mystérieux et variable intérêt d’État. » Jean-Étienne-Marie Portalis, 1746-1807, emprisonné sous la Terreur, Discours préliminaire sur le projet de Code civil.
Voilà une bonne définition du totalitarisme ; le KGB soviétique, que le quotidien Le Monde appelait Comité d'État pour la Sécurité, était en réalité un Comité pour la Sécurité de l'État [Комитет государственной безопасности].

HUGO :
« Communisme. Une égalité d’aigles et de moineaux, de colibris et de chauves-souris, qui consisterait à mettre toutes les envergures dans la même cage et toutes les prunelles dans le même crépuscule, je n’en veux pas […] Communisme. Rêve de quelques uns et cauchemar de tous. »
Victor Hugo, Dossier " Idées ça et là ", VI, publié par Henri Guillemin (1903-1992) en 1951 dans Pierres.
MILL :
« Forcer des populations non préparées à subir le communisme, même si le pouvoir donné par une révolution politique permet une telle tentative, se terminerait par une déconvenue […] L’idée même de conduire toute l’industrie d’un pays en la dirigeant à partir d’un centre unique est évidemment si chimérique, que personne ne s’aventure à proposer une manière de la mettre en œuvre. […] Si l’on peut faire confiance aux apparences, le principe qui anime trop de révolutionnaires est la haine. » John Stuart Mill  (1806-1873), Essays on Economics and Society, Chapters on Socialism, 1879, « The difficulties of Socialism ».

MARX : « Toutes les révolutions ont perfectionné cette machine [le pouvoir gouvernemental] au lieu de la briser. »
Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, 1852, VII.
Depuis : « Jusqu’à présent, il n’est pas une révolution qui, en fin de compte, n’ait abouti à un renforcement de la mécanique administrative. » (LénineL'État et la révolution, 1917, II).
Et : « Il n’y a pas de " jusqu’à présent " qui tienne : la petite phrase reste vraie et ce que Lénine écrivait en 1917, il pourrait le récrire encore. », André GideJournal, Feuillets II, Été 1937.

III - Engagements, égarements ; matériaux pour un sottisier politique

HENRI BARBUSSE (1873-1935) : « J'estime que cette perversion d'un instinct naturel, comme bien d'autres perversions, est un indice de la profonde décadence sociale et morale d'une certaine partie de la société actuelle. À toutes les époques les signes de décadence se sont manifestés par des raffinements et des anomalies dans la sensation, dans l’impression et dans le sentiment. La complaisance avec laquelle certains écrivains mettent leur talent délicat au service de questions de cette espèce, alors que le vieux monde est en proie à des crises économiques et sociales formidables, et s’achemine inéluctablement vers le gouffre ou vers la révolution, ne fait pas honneur à cette phalange décadente d’intellectuels. Elle ne peut que renforcer le mépris que la saine et jeune puissance populaire éprouve pour ces représentants de doctrines maladives et artificielles, et tout cela hâtera, je l'espère, l'heure de la colère, et de la renaissance. »
Réponse au questionnaire sur la préoccupation homosexuelle en littérature, Les Marges, n° 141, 15 mars 1926. [En 1930, dans son ouvrage Russie, Barbusse traitait Proust, Cocteau et Gide de « littérateurs de fin d’Empire ».]

ARAGON : " Il s'agit de préparer le procès monstre
d'un monde monstrueux
Aiguisez demain sur la pierre
Préparez les conseils d'ouvriers et soldats
Constituez le tribunal révolutionnaire
J'appelle la Terreur du fond de mes poumons

Je chante le Guépéou (*) qui se forme
en France à l'heure qu'il est
Je chante le Guépéou nécessaire de France

Je chante les Guépéous de nulle part et de partout
Je demande un Guépéou pour préparer la fin d'un monde
Demandez un Guépéou pour préparer la fin d'un monde
pour défendre ceux qui sont trahis
pour défendre ceux qui sont toujours trahis
Demandez un Guépéou vous qu'on plie et vous qu'on tue
Demandez un Guépéou
Il vous faut un Guépéou

Vive le Guépéou véritable image de la grandeur matérialiste
Vive le Guépéou contre Dieu Chiappe et la Marseillaise
Vive le Guépéou contre le pape et les poux
Vive le Guépéou contre la résignation des banques
Vive le Guépéou contre les manœuvres de l'Est
Vive le Guépéou contre la famille
Vive le Guépéou contre les lois scélérates
Vive le Guépéou contre le socialisme des assassins du type
Caballero Boncour Mac Donald Zoergibel
Vive le Guépéou contre tous les ennemis du prolétariat. "
Louis Aragon (né à Paris XVIe en 1897 - décédé le 24 décembre 1982 à Paris VIIe), " Prélude au temps des cerises " dans Persécuté-Persécuteur, Paris : Denoël, 1931.
* Guépéou (ou GPU, ГПУ en alphabet cyrillique) était le sigle de Gossoudarstvénnoïe polititcheskoié oupravlénié (en russe : Государственное политическое управление, ; en français : Direction Politique de l’État).


Cité dans



MAXIME GORKI (1868-1936) :
« Dans le pays que le prolétariat dirige virilement et avec succès, l'homosexualité [гомосексуализм] qui déprave la jeunesse est considéré comme un crime social et puni comme tel, tandis que dans le pays "cultivé" des grands philosophes, des grands savants et des grands musiciens, il se manifeste librement et impunément. On a déjà composé un slogan sarcastique : "Exterminez les homosexuels – le fascisme disparaîtra. »
La Culture et le peuple, " Humanisme prolétarien ", 1934. [Œuvres complètes, tome XXVII, page 238 ; texte publié par ailleurs en article dans la presse soviétique (Izvestia-Известия,  Pravda-Правда) de l’époque ; traduit par Cl. C.]

La Culture et le peuple, " Du vieil homme et de l'homme nouveau " (1932),
Paris : Éditions sociales internationales, 1938, page 221.

Maurice Thorez, L'Humanité, 3 septembre 1936, page 2.


SARTRE : « La morale de [André] Gide est un des mythes qui marquent le passage de la grande propriété bourgeoise – possession concrète de la maison, des champs, de la terre, luxe intime – à la propriété abstraite du capitalisme. »
Jean-Paul Sartre, Les Carnets de la drôle de guerre, 1983, V, mardi 20 décembre 1939.


EDGAR MORIN (NAHOUM) (1947) : « Il y a des génies qui devancent l'histoire. Ils restent des décades ignorés, méconnus. Et puis l'histoire les rattrape. Et puis l'histoire les dépasse. Et pourtant l'heure où ils sont dépassés, l'heure où ils perdent leurs vertus est l'heure même de la gloire officielle, de la grande canonisation littéraire.
André Gide a reçu le Prix Nobel. Couronnement pleinement justifié s'il s'était agi d'honorer ce style admirable, se purifiant sans cesse, de l'auteur des « Nourritures terrestres », de la « Porte étroite », de la « Symphonie pastorale », des « Caves du Vatican », des « Faux Monnayeurs », ou l'immense influence libératrice sur la jeunesse que fut celle de Gide de 1923 à 1936.
Mais que reste-t-il de ce Gide-là ? Qu'est aujourd'hui le Gide couronné et le Gide officiel ?
Ma foi l'anticommunisme de Gide, depuis le retour de l'U.R.S.S. ne lui a pas subitement ôté son talent. Gide écrit toujours aussi admirablement. Mais depuis dix ans, l'anticommunisme a souillé le caractère universel du « message » gidien. Depuis 1936, il y a un Gide figé, amer, frivole. Un Gide qui, en 1947, n'a plus derrière lui ce qu'il a eu pendant vingt ans : la jeunesse. Un Gide qui ne sait plus enseigner la ferveur, mais la peur, mais un refus, un rejet.
Il est toujours triste de ne pouvoir admirer pleinement, comme on le désire. Il est toujours triste de dénoncer l'imposture de celui qui a su dénoncer tant d'impostures. Il est triste de voir s'être desséché ce qui fut l'une des belles consciences du siècle. Mais quoi ! La canonisation a commencé. Les voilà qui s'agitent avec leurs couronnes, ceux qui ont mis vingt ans à découvrir les « Nourritures », ceux qui ont hurlé après Corydon, ceux qui ont crié au scandale après le « Voyage au Congo ». La bourgeoisie commence à embaumer et maquiller – comme s'il était déjà mort – celui qui laisse dire et ne proteste plus – celui qui avait écrit pourtant en 1935 :
« Chaque homme porte en soi de quoi lutter contre soi-même et le combat restera toujours actuel, entre la pesanteur de la matière inerte et l'élan de l'esprit, entre l'invitation à la paresse et l'exigence de la ferveur. » [Discours prononcé par André Gide sur la Place Rouge le 20 juin 1936, pour les funérailles de Gorki ]
Il n'y a plus de combat depuis douze ans. Gide ne cherche plus. Il est d'accord avec ce qui est. Adapté. Et en échange : adopté.

*

Comment donc situer Gide ? Le moment des Prix Nobel est le moment de l'éclipse de son influence réelle. Cette éclipse durera-t-elle ? L'œuvre de Gide se débrouillera avec la postérité. Cela ne nous regarde pas. Ce qui nous regarde, c'est d'expliquer pourquoi Gide n'est plus le maître des ferveurs et des révoltes de la jeunesse.
Mais tout d'abord, il faut rappeler pourquoi et comment il eut une grande influence libératrice. Il faut se souvenir de la querelles des « peupliers », du refus de la mythologie barrésienne : « La Terre et les morts ». Il faut se souvenir du « Familles, je vous hais » à l'époque où la pesante hypocrisie des familles bourgeoises étouffait les jeunes gens. Il faut se souvenir de la révolte contre l'oppression colonialiste : « Voyage au Congo », « Retour du Tchad », épanouissement de cette révolte, l'adhésion au communisme... « Les Nouvelles nourritures » où il était dit : « C'est dans l'abnégation que chaque affirmation s'achève. Tout ce que tu résignes en toi prendra vie. Tout ce qui cherche à s'affirmer se nie ; tout ce qui se renonce s'affirme. La possession parfaite ne se prouve que par le don. Tout ce que tu ne sais pas donner te possède... [Morin coupe ici deux phrases des Nourritures terrestres : « Sans sacrifice il n'est pas de résurrection. Rien ne s'épanouit que par offrande. » Note de Fabrice Picandet]. Ce que tu prétends protéger en toi s'atrophie. » On ne dit pas cela dans les académies, même en Suède. C'est à nous de le dire.
Et aujourd'hui, 25 ans après, jour du Prix Nobel, Gide déclare à l'Associated Press, en faisant allusion au communisme, et pour s'opposer : « Je suis farouchement individualiste. » Mais a-t-il oublié que cet individualisme est celui-là même qui « cherchant à s'affirmer se nie » et que disant cela, il n'est plus un grand individu ? Et le voilà desséché, recroquevillé et bien attablé devant de petits problèmes : faisant des gloses sur tel vers d'Iphigénie, ou agitant des considérations distinguées sur tel point de grammaire, ou bien frémissant de peur devant le monde, lui qui auparavant frissonnait d'inquiétude. Oui, « Ce que tu prétends protéger en toi s'atrophie. » C'est ce Gide que porte universellement au Panthéon la cohorte des atrophiés.

*

À l'époque où elle exerça son heureuse influence, l'œuvre de Gide n'était pas, comme aiment le dire les conformistes, une œuvre de décadence. Au contraire, c'était un « appel direct » pour le « retour aux joies naturelles ». C'était une réaction contre l'univers artificiel du symbolisme qui s'était lui-même nommé décadence.
Bien sûr, il est faux, et [mot illisible], de vouloir chercher en Gide une pensée organisatrice et créatrice. Gide fut un révolutionnaire de la sensibilité. Mais il ne fut nullement révolutionnaire de l'intelligence. Les vues générales de Gide, dans son « Journal », appuyées de métaphores botaniques, sont d'une grande pauvreté. Gide devait obscurément sentir cette faiblesse. Il fut heureux de s'opposer à l'intellectualisme, et de dire un jour, à propos de Dostoïevski : « Ce qui s'oppose à l'amour, ce n'est point tant la haine que la rumination du cerveau. » D'où la promotion des valeurs de pure sensibilité : « ferveur, inquiétude ». D'où une philosophie « gidienne » qui si on voulait la réduire à quelques concepts serait une banalité ridicule.
D'où aussi les multiples métamorphoses de Gide, ses perpétuelles adhésions à des doctrines et des fois contradictoires ; d'où son impuissance à comprendre rationnellement ce qu'était l'U.R.S.S., d'où peut-être l'abdication finale actuelle dans les jeux frivoles de la linguistique, dans les discours vides où seule sa magnifique voix grave éveille encore quelque résonance, tandis que les pharisiens désormais applaudissent; d'où aussi le fait que l'œuvre de Gide est une œuvre essentiellement poétique « parlant de l'âme à l'âme » mais en rien une œuvre qui enseigne à penser.
D'autre part de le message Gidien a épuisé son [mot illisible] parce que depuis cette guerre les problèmes de la jeunesse, les problèmes de l'homme qui cherche une vérité ont fondamentalement changé. Le message Gidien était une « recherche de la vraie vie », problème essentiel des intellectuels de l'entre-deux guerres, qui se sentant isolés du peuple, isolés des conditions dramatiques de la vie humaine, étaient avides, eux qui tournaient dans leur univers [un mot illisible] et paisible, d'intensité, d'aventure.
Gide proposa le premier l'aventure des instincts, des passions, le mépris des conventions et des traditions. Il a dit le premier : « vivez sans remords de vivre ».
Ce fut un point de départ nécessaire.... Beaucoup se perdirent, mais beaucoup trouvèrent une issue.
Aujourd'hui, après cette guerre mondiale, le problème des hommes de littérature n'est plus de vivre. La vie nous a emporté dans ses remous énormes ; guerre, [un mot illisible], la plus prodigieuse des aventures. Nous [deux mots illisibles] par notre expérience [un mot illisible]. Le problème de la littérature est désormais : la conscience. Prendre conscience du vécu, du réel. Là Gide n'est plus d'aucun secours. Grand écrivain mais nullement penseur, nullement maître de conscience. Au contraire : esprit faux – et qui le reconnaît d'ailleurs.
Aujourd'hui l'œuvre de Gide n'a plus d'efficacité, de prolongements sinon purement esthétiques.
Gide n'a pu, depuis quinze ans, se transformer une fois de plus, ouvrir un chemin nouveau. Au contraire, il a fait marche arrière. Il rentre dans le sein des familles bourgeoises. « Après [Arthur] Kœstler, tu liras les Retouches au retour d'U.R.S.S. mon petit chéri. » — « Oui, maman. » Dommage pour l'humanité. Dommage pour Gide. Sa vieillesse n'est pas l'épanouissement goethéen. C'est quelque chose qui se dessèche. Emportez ces cendres, [un mot illisible]. »
Edgar Morin [Edgar Nahoum], « " Familles, je vous haïssais" » ANDRÉ GIDE et le PRIX NOBEL », Action Hebdomadaire de l'indépendance français, n°164, 19-25 novembre 1947. Fac-simile sur Gidiana.

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ARAGON/MONOD : « Aux yeux de [Trofim Denissovitch] Lyssenko [1898-1976], des mitchouriniens, des kolkhosiens et sovkhosiens de l’U.R.S.S., du Parti bolchevik, de son Comité central, et de Staline, la victoire de Lyssenko est effectivement, comme le reconnaît avec stupeur le Dr Jacques Monod (1), une victoire de la science, une victoire scientifique, le refus le plus éclatant de politiser les chromosomes. » Louis Aragon, « De la libre discussion des idées », Europe, octobre 1948.

1. « Ce qu'il s'agit de comprendre, c'est comment Lyssenko a pu acquérir assez d'influence et de pouvoir pour subjuguer ses collègues, conquérir l'appui de la radio et de la presse, l'approbation du comité central et de Staline en personne, au point qu'aujourd'hui la " Vérité " dérisoire de Lyssenko est la vérité officielle, garantie par l'État, que tout ce qui s'en écarte est " irrévocablement banni " de la science soviétique (" Pravda ", cité d'après " Soviet news " [publication de l'ambassade soviétique à Londres] du 27 août [1948] et que les opposants qui contre lui défendaient la science, le progrès, les vrais intérêts de leur patrie sont honteusement chassés, cloués au pilori comme " esclaves de la science bourgeoise " et pratiquement accusés de trahison.
Tout cela est insensé, démesuré, invraisemblable. C'est vrai pourtant. Que s'est-il passé ? » — Jacques Monod, Combat, 15 septembre 1948.

ANONYME« Le véritable marxiste, enfin, ne se juge marxiste qu'à partir du moment où il lui semble pouvoir mériter l'épithète enthousiasmante de " stalinien ". » " Présentation ", La Nouvelle Critique - Revue du marxisme militant, n° 1, décembre 1948, page 11.


La Nouvelle Critique Revue du marxisme militant.
" La revue est créée en 1948 par le Parti communiste français.
N° 1, décembre 1948

Jean Kanapa (né en 1921 dans le Val-d'Oise - décédé le 5  septembre 1978 à Saint-Cloud, Hauts-de-Seine, agrégé de philosophie en 1943, classé 4e sur 15) en a été le rédacteur en chef jusqu'en 1959, puis Jacques Arnault lui succède. Dirigée à partir de 1967 par le journaliste Francis Cohen, elle cesse de paraître en février 1980.
Créée pour diffuser dans les milieux intellectuels ce que le Parti communiste français présente comme les analyses marxistes liées à son combat politique, ce qu'affiche son sous-titre « revue du marxisme militant », elle se distingue de ce point de vue de La Pensée, autre revue du PCF.
À partir du début des années 1960 elle devient un des lieux des débats qui s'ouvrent parmi les intellectuels communistes. Cette ouverture - qui va croissant dans les années 1970 - et des problèmes financiers conduisent à la disparition de la revue en 1980. " (avec PANDOR.u-bourgogne.fr)
Organisme responsable de l'accès intellectuel : Maison des Sciences de l'Homme de Dijon. (USR UB-CNRS 3516).

DESANTI : « La science prolétarienne est aujourd'hui la véritable science [...] Les nouveaux et modernes Galilée s'appellent Marx, Engels, Lénine et Staline. »
Jean [-Toussaint] Desanti, né en 1914 à Ajaccio (Corse-du-Sud) - décédé le 20 janvier 2002 à Paris Xe, ENS-Ulm (1935), agrégé de philosophie (1942, classé 2e sur 8), dans l’ouvrage collectif Science bourgeoise et science prolétarienne, Paris : LNC, 1950.

Conclusion de l'article " Descartes et les petits bourgeois ",
n° 17 de juin 1950 de La Nouvelle Critique.
Voir plus loin Gorki (1929) et Althusser (1976).

" La supériorité soviétique, c'est la supériorité de ce qui naît sur ce qui meurt, du nouveau sur l'ancien, de la suppression totale de l'exploitation de l'homme par l'homme, de la science marxiste-léniniste-stalinienne. C'est la supériorité du Parti qui, sur des bases scientifiques, guide le prolétariat opprimé, aliéné, vers la transformation révolutionnaire de la société, puis vers l'édification de la société sans classes où l'homme est un dieu pour l'homme. "
Jean Kanapa, 1921-1978, agrégé de philosophie, directeur de La Nouvelle Critique Revue du marxisme militant.
Conclusion de " L'ART ET SA MORALE ou Supériorité du cinéma soviétique ", dans le n° 27 de juin 1951 de la NC.
On voit à quel point un agrégé de philosophie pouvait se laisser abuser sur la notion de science.


SARTRE : « Le citoyen soviétique possède, à mon avis, une entière liberté de critique.»
Jean-Paul Sartre, Libération, 15 juillet 1954.

" Le marxisme [...] philosophie indépassable de notre temps. "
Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, Paris : Gallimard, 1960.

Raymond Aron : " En 1977, ce qui me frappait et domina la première partie du Plaidoyer [Aron, Plaidoyer pour l'Europe décadente, 1977], c'était le dialogue entre les dissidents soviétiques et la gauche plus ou moins marxiste de l'Occident. Le marxisme demeure la philosophie indépassable de notre époque, répète Sartre lors même qu'il rompt avec le parti communiste. À celui qu'il appelle avec ironie le maître à penser de 1' Occident, Alexandre Soljenitsyne répond : « Le marxisme est tombé si bas qu'il est devenu simplement un objet de mépris ; pas une personne sérieuse dans notre pays, pas même les élèves dans les écoles, ne peut parler du marxisme sans sourire. » (Mémoires, IV, 6, Paris : R. Laffont, 2010).

« Un anticommuniste est un chien, je ne sors pas de là, je n’en sortirai plus jamais. »
Jean-Paul Sartre, Les Temps Modernes, octobre-novembre 1961 (repris en 1964 dans Situations IV). [L'existentialisme n'était pas un humanisme …]


SOLLERS (né en 1936) : " Dès la parution en 1971 du livre Les Habits neufs du président Mao, Simon Leys est critiqué par les membres de la revue Tel Quel, dont Philippe Sollers est un des principaux animateurs. Simon Leys qualifiait ces contradicteurs de « maoïstes mondains ». Ce n'est que vingt-sept ans plus tard que Philippe Sollers reconnaîtra la justesse des analyses de Simon Leys :
« Il n’y a, me semble-t-il, dans l’œuvre monumentale de Simon Leys rassemblée aujourd’hui sous le titre Essais sur la Chine, qu’une erreur, d’ailleurs secondaire et cocasse, celle qui met sur le même plan, à deux ou trois reprises, l’auteur de ces lignes et des personnages aussi considérables que Nixon, Kissinger ou Alain Peyrefitte. Je rougis de cette promotion injustifiée due à mon « maoïsme » de jeunesse [Sollers avait quand même 35 ans en 1971], sur lequel je me suis expliqué cent fois en vain (mais il faudrait refaire chaque année son autocritique, on le sait). Trente ans [sic] ont passé, et la question reste fondamentale. Disons-le donc simplement : Leys avait raison, il continue d’avoir raison, c’est un analyste et un écrivain de premier ordre, ses livres et articles sont une montagne de vérités précises, on va d’ailleurs le louer pour mieux s’en débarrasser, ce qui n’est pas mon cas, curieux paradoxe. » (Philippe Sollers, Le Monde, 3 avril 1998). " (avec fr.wikipedia.org)

CHÂTELET : « Il faut s’y résoudre : pour "dépassé" qu’il soit dans la tête de ceux qui ne l’entendent point, le marxisme demeure la référence décisive dont se réclament deux des plus puissants États, aujourd’hui [U.R.S.S., Chine populaire] ; il inspire les luttes de nombreuses couches sociales – ouvrières, agricoles, intellectuelles – des pays industrialisés. »
François Châtelet [beau-frère de Lionel Jospin, né à Paris XVIe en 1925, décédé à Garches (Hauts-de-Seine) le 26 décembre 1985], Introduction au Manifeste du Parti communiste, Paris : LGF, 1973.


LOUIS ALTHUSSER, né en 1918 à Birmandreis (Algérie) - décédé le 22 octobre 1990 à La Verrière (Yvelines), ENS-Ulm (1939) ; agrégé de philosophie (1948), classé 2e sur 15) : « Ceux qui ont pu s'imaginer que je fus converti au communisme par Hélène [Rytmann] doivent savoir que ce fut par [Pierre] Courrèges.  » L’Avenir dure longtemps suivi de Les faits, X, Paris : Stock,  1992. Réédité par Flammarion en collection Champs-essais en 2013.

« Comme tout "intellectuel", un professeur de philosophie est un petit bourgeois. Quand il ouvre la bouche, c’est l’idéologie petite-bourgeoise qui parle: ses ressources et ses ruses sont infinies. »
Positions (1964-1975), Paris : Éditions sociales, 1976, " La philosophie comme arme de la révolution ", 2.

Ce que l'écrivain soviétique Maxime Gorki écrivait en 1929 :
La Culture et le peuple, Paris : Éditions sociales internationales, 1938.


Louis Althusser

« Lénine disait à très juste titre que sans théorie révolutionnaire il n’est pas d’action révolutionnaire possible ; ce mot n’a nullement vieilli. Il suffit [sic et lol] de trouver les formes qui peuvent aujourd’hui lui donner sens et vie, en évitant tous les travers que nous ne connaissons que trop. Tâche longue et ardue, mais à la limite nullement impossible, à condition de l'entreprendre dès maintenant avec patience et rigueur et sans jamais se payer de mots, en exigeant toujours (Kant, Marx) de " penser par soi-même (1)" sans laisser soit les textes sacrés, soit les pères fondateurs, soit les dirigeants des organisations, soit la spontanéité des masses elles-mêmes penser à notre place.»
L’Avenir dure longtemps suivi de Les faits, « Matériaux », II " Fragments de L'Avenir dure longtemps ", 3 "Situation politique : analyse concrète ?", Livre de poche, 1994. Réédité en collection Champs-essais en 2013.
1. Exigence bien antérieure à Marx et Kant ; voir mon article "L'esprit faux ..."

Louis Althusser



AUROUX : « Le marxisme se présente comme unité (de la théorie et de la pratique), comme totalité (reprenant dans l’unité de la praxis la diversité des déterminations humaines et mondaines), et comme universalité (historique et concrète). C’est donc le totalitarisme qui rend le marxisme adéquat à incarner l’essence historique du projet philosophique. »


Sylvain Auroux, Barbarie et philosophie, IV, Paris, PUF, 1990.


MICHEL ONFRAY : « Les Lumières qui suivent Kant sont connues : Feuerbach, Nietzsche, Marx (1), Freud, entre autres. » Traité d'athéologie. Physique de la métaphysique, Paris : Grasset, 2005 ; Introduction, § 5 " L'immense clarté athéologique ".

« Tout ce qui définit habituellement le fascisme [...] la guerre expansionniste vécue comme preuve de la santé de la nation ; la haine des Lumières — raison, marxisme (1), science, matérialisme, livres ; le régime de terreur policière. » (Traité d'athéologie ..., Paris : Grasset, 2005 ; 4e partie "Théocratie", III " Pour une laïcité post-chrétienne ", § 8).

1. Ranger l'idéologie marxiste — idéologie des totalitarismes soviétique et maoïste — parmi les Lumières, c'est inattendu de la part d'un philosophe contemporain. Mais depuis on en a vu d'autres de sa part. Cependant pour Yvon Quiniou, le Onfray libertaire serait " hostile d'une manière obsessionnelle au marxisme (de Marx) ".


IV - Reculs critiques et autocritiques :

MERLEAU-PONTY : « Si le marxisme, après avoir pris le pouvoir en Russie et s’être fait accepter par la moitié du peuple français, semble aujourd’hui incapable d’expliquer dans son détail l’histoire que nous vivons, si les facteurs essentiels de l’histoire qu’il avait dégagés sont aujourd’hui mêlés dans le tissu des événements à des facteurs nationaux ou psychologiques qu’il considérait comme secondaires, et recouverts par eux, n’est-ce pas la preuve que rien n’est essentiel en histoire, que tout compte également, qu’aucune mise en perspective n’a de privilège, et n’est-ce pas au scepticisme que nous sommes conduits ? La politique ne doit-elle pas renoncer à se fonder sur une philosophie de l’histoire, et, prenant le monde comme il est, quels que soient nos vœux, nos jugements ou nos rêves, définir ses fins et ses moyens d’après ce que les faits autorisent ? Mais on ne se passe pas de mise en perspective, nous sommes, que nous le voulions ou non, condamnés aux vœux, aux jugements de valeur, et même à la philosophie de l’histoire. »
Maurice Merleau-Ponty, « Pour la vérité », Les Temps Modernes, n° 4, janvier 1946. [Une version modifiée de ce texte (« par un tiers du peuple français », « les facteurs de l’histoire ») fut proposée comme sujet-commentaire au bac A dans l'académie de Paris en 1991].

La négation du goulag par les communistes n'entraîna pas de répression judiciaire ; le P. C. F. (un des promoteurs, avec Laurent Fabius, de la loi Gayssot de juillet 1990) tenta même, sans succès, de disqualifier les dénonciateurs de ce goulag ; les députés communistes Virgile Barel et Jacques Duclos traitèrent David Rousset de journaliste hitlérien, de policier, de roussin (Assemblée nationale, 1ère séance du 26 décembre 1949, JO N° 120, page 7250).
Affaires Kravchenko : Victor Kravchenko porta plainte contre Les Lettres françaises pour diffamation, et gagna ce procès le 4 avril 1949. Дело Кравченко.
Affaire David Rousset : plainte de David Rousset contre Les Lettres françaises, procès gagné en 1951. Me Joe Nordmann (né en 1910 dans le Haut-Rhin - décédé le 12 novembre 2005 à Neuvéglise-sur-Truyère (Cantal)), négateur de l'existence du Goulag au procès Kravchenko, s'excusa, un demi-siècle plus tard, de son aveuglement sectaire dans Aux Vents de l'histoire (Avocat et communiste), Arles : Actes-Sud, 1996.
FOUCAULT : « Il est faux de dire " avec certain post-hégélien célèbre " [Karl Marx], que l’existence concrète de l’homme c’est le travail. Car la vie et le temps de l’homme ne sont pas par nature travail, ils sont : plaisir, discontinuité, fête, repos, besoins, hasards, appétits, violences, déprédations, etc… »
Michel Foucault (1926-1984), Le Pouvoir et la norme, 1973.

JACQUES BOUVERESSE : « La philosophie peut prendre et même réussir jusqu’à un certain point à faire prendre ce que le véritable esprit critique considèrerait comme l’expression la plus typique du dogmatisme et du conformisme idéologique du moment pour la forme la plus impitoyable et la plus sophistiquée de la critique. »
Le Philosophe chez les autophages, 1, Paris : Minuit, 1984.

POIROT-DELPECH : « Aux yeux du marxiste [Bertolt] Brecht, le ventre fécond figure principalement, sinon exclusivement, le capitalisme. Jusqu’à sa mort à Berlin-Est, l’été 1956, qui est celui des chars russes à Budapest, il n’écrira rien qui laisse entendre que le communisme peut produire, aussi, la barbarie. En réduisant le nazisme à un phénomène de gangstérisme minable et en éludant les processus instinctifs qui ont conduit une grande majorité d’Allemands à y adhérer, l’auteur a pris le risque de sembler négliger la responsabilité des peuples et de couvrir un autre gang, le stalinien (vingt millions de morts, hors guerre, selon les dernières estimations). »
Bertrand Poirot-Delpech, « Petites phrases », Le Monde, 15 décembre 1993.

COURTOIS : « Transposant la science de l’homme, avec ses lois propres, à l’étude des sociétés, [Karl] Marx a appliqué à la sphère politique ce qui relevait du domaine biologique [évolutionnisme de Darwin], amorçant toutes les dérives du siècle suivant. En affirmant qu’il existait des lois gérant l’évolution de la société, Marx a conclu à la nécessité de suivre ces lois. C’est le vers d’Aragon: "Les yeux bleus de la Révolution/brillent d’une cruauté nécessaire." ["Front rouge", Littérature de la révolution mondiale, janvier 1932]. Ces gens-là ont tué au nom d’une nécessité historique à laquelle nul ne pouvait prétendre échapper. »
Stéphane Courtois, « Crimes communistes : le malaise français », Politique internationale, n° 80, été 1998.


V - Et après ?

KRIEGEL : « Tout se passe en vérité comme si le déclin et la défaite du marxisme qui avait eu, lui, la prétention d’imposer la classe, la lutte des classes, la mission émancipatrice de la classe ouvrière comme mode unique de la structuration et de la stratification sociale, comme "moteur de l’histoire", n’avait donné sa chance, à gauche, qu’à un autre manichéisme élisant l’ethnie – expression pudique, équivalent respectable du concept de race – comme principe organisateur de la société en général et de la société de l’avenir en particulier. Encore la classe jouit-elle d’attributs qui sont ceux d’une société relativement moderne. Tandis que la race, hors des sociétés les plus archaïques, n’est plus qu’un concept tout à la fois scientifiquement récusé et socialement redoutable.»
Annie Kriegel, « Une vision panraciale », Le Figaro, 2 avril 1985.

TORT : « Être marxiste aujourd'hui, c'est donner un contenu universel à la logique égalitaire en l'étendant sans restriction au terrain de la citoyenneté. Etre marxiste aujourd'hui, c'est comprendre que l'égalité ne triomphera que dans l'élément du mixte, et non dans le sein délabré des vieilles finasseries identitaires. Toute revendication d'identité, analysée dans le présent contexte historique et politique, dissimulant de plus en plus malaisément ce qu'elle recouvre d'implication suprématistes résiduelles ou résurgentes. Qu'on veuille bien considérer ces réflexions que je vais développer à ce propos comme un essai pour remplacer par une problématique réelle les lieux communs ordinaires du discours politicien. »
Patrick Tort, Être marxiste aujourd'hui, Paris: Aubier, 1986.


VI – Définitions (positives) du marxisme :

Une méthode d’appropriation et de synthèse des résultats de la science (Friedrich Engels)
La science prenant conscience d’elle-même (Paul Labérenne)
Une logique historique (Claude Lefort)
L’idéologie conquérante de la classe qui porte en elle l’avenir de toute l’humanité (Laurent Casanova, 1950)
La science fondamentale du prolétariat (Jean-Toussaint Desanti)
Pour l’essentiel cette idée que l’histoire a un sens (Maurice Merleau-Ponty)
Une méthode d’explication et d’action (Roland Barthes, 1955)
Le système de coordonnées qui permet seul de situer et de définir une pensée en quelque domaine que ce soit, de l’économie politique à la physique, de l’histoire à la morale (Roger Garaudy)
La seule méthode qui rende compte de l’ensemble du mouvement historique dans un cadre logique (Jean-Paul Sartre).













jeudi 21 juillet 2022

PAS DE LAÏCITÉ AU MAGHREB


Dans ces cinq pays (Algérie, Égypte, Maroc, Mauritanie, Tunisie), l'islam est la religion de l'État.

Les mots ou expressions mis en gras le sont par moi.

CONSTITUTION DE L'ALGÉRIE de 1996

CONSTITUTION DE L'ÉGYPTE de 2014

CONSTITUTION DU MAROC, 1er juillet 2011

CONSTITUTION DE LA MAURITANIE, 30 juillet 1991

CONSTITUTION DE LA TUNISIE de 2014





Préambule
:
[alinéa 3] Placée au cœur des grands moments qu’a connus la Méditerranée au cours de son histoire, l’Algérie a su trouver dans ses fils, depuis le royaume numide et l’épopée de l’Islam jusqu’aux guerres coloniales, les hérauts de la liberté, de l’unité et du progrès en même temps que les bâtisseurs d’Etats démocratiques et prospères dans les périodes de grandeur et de paix.
[4] Le 1er Novembre 1954 aura été un des sommets de son destin. Aboutissement d’une longue résistance aux agressions menées contre sa culture, ses valeurs et les composantes fondamentales de son identité que sont l’Islam, l’Arabité et l’Amazighité, le 1er Novembre aura solidement ancré les luttes présentes dans le passé glorieux de la Nation.
[12] " L’Algérie, terre d’Islam, partie intégrante du Grand Magreb, pays arabe, méditerranéen et africain, "

" Art. 2 - L’Islam est la religion de l’État. "
" Art. 9 - Les institutions s’interdisent :
[...]
- les pratiques contraires à la morale islamique [...] "
" Art. 171 - Il est institué auprès du Président de la République, un Haut Conseil Islamique chargé notamment :
- d’encourager et de promouvoir l’ijtihad [réflexion par laquelle les oulémas ou muftis et les savants musulmans interprètent les textes fondateurs de l'islam et en déduisent le droit musulman]
- d’émettre son avis au regard des prescriptions religieuses sur ce qui lui est soumis;
- de présenter un rapport périodique d’activité au Président de la République.
Art. 172 - Le Haut Conseil Islamique est composé de quinze (15) membres, dont un Président, désignés par le Président de la République, parmi les hautes compétences nationales dans les différentes sciences. "
" Art. 178 - Toute révision constitutionnelle ne peut porter atteinte :
[...]
3- à l’Islam, en tant que religion de l’État; [...] "

Dans une étude sur le cléricalisme, Paul Lallot écrit :
- le 20 mars 2006, le parlement d’Algérie a adopté une loi prévoyant des peines de prison pour toute tentative de « convertir un musulman à une autre religion ».
      - le 5 mai 2021, le président du Haut Conseil Islamique (1) déclare qu’un Algérien ne peut être que musulman, qualifiant les non-musulmans de « résidus » qu’il convient d’ « éradiquer ».
      - en Kakylie, les personnes qui s’affranchissent de la pratique religieuse pendant le ramadan peuvent être condamnées à des amendes ou à de la prison ferme.
      - le ministre des cultes [Mohammed Aïssa] a récemment demandé aux imams de lutter contre l’athéisme et l’homosexualité, tous deux considérés comme des « fléaux sociaux ».
      Ces faits, parmi beaucoup d’autres, dans un pays où 98 à 99% des habitants se déclarent musulmans, traduisent une emprise très forte de la religion sur l’État et en retour une promotion de la religion par l’État. L’interpénétration est si forte qu’on ne peut distinguer une zone « laïque » d’une zone « cléricale ». Ces deux mots n’ont pas de sens en islam.
    (1) Le Haut Conseil Islamique [...] donne des avis à la lumière des prescriptions religieuses.

Article recommandé : « Liberté de conscience, athéisme et laïcité en Algérie », de Nedjib Sidi MoussaScience Po - Centre de recherches internationales, février 2018. 



ÉGYPTE : voir en bas de page



CONSTITUTION DU MAROC, 1er juillet 2011

Préambule
[alinéa 2] État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s'est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen.
[3] La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l'attachement du peuple marocain aux valeurs d'ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde.
[5]
[...] - Approfondir le sens d'appartenance à la Oumma arabo-islamique, [...]

Article 1er
[3] La nation s'appuie dans sa vie collective sur des constantes fédératrices, en l'occurrence la religion musulmane modérée, l'unité nationale aux affluents multiples, la monarchie constitutionnelle et le choix démocratique.

Article 3.
L'Islam est la religion de l'État, qui garantit à tous le libre exercice des cultes.

Article 7
[4] Ils [les partis politiques] ne peuvent avoir pour but de porter atteinte à la religion musulmane, au régime monarchique, aux principes constitutionnels, aux fondements démocratiques ou à l'unité nationale et l'intégrité territoriale du Royaume.

Article 41
[1] Le Roi, Amir Al Mouminine, veille au respect de l'Islam. Il est le Garant du libre exercice des cultes.
[2] Il préside le Conseil supérieur des Oulémas, chargé de l'étude des questions qu'il lui soumet.
[3] Le Conseil est la seule instance habilitée à prononcer les consultations religieuses (Fatwas) officiellement agréées, sur les questions dont il est saisi et ce, sur la base des principes, préceptes et desseins tolérants de l'Islam.
[5] Le Roi exerce par dahirs les prérogatives religieuses inhérentes à l'institution d'Imarat Al Mouminine qui Lui sont conférées de manière exclusive par le présent article.

Article 64
Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi ou recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion d'une opinion ou d'un vote émis par lui dans l'exercice de ses fonctions, hormis le cas où l'opinion exprimée met en cause la forme monarchique de l'État, la religion musulmane ou constitue une atteinte au respect dû au Roi.

Article 175.

Aucune révision ne peut porter sur les dispositions relatives à la religion musulmane, sur la forme monarchique de l'État, sur le choix démocratique de la nation ou sur les acquis en matière de libertés et de droits fondamentaux inscrits dans la présente Constitution.




PRÉAMBULE

Confiant dans la toute puissance d'ALLAH, le peuple mauritanien proclame sa volonté de garantir l'intégrité de son Territoire, son indépendance et son unité nationale et d'assumer sa libre évolution politique, économique et sociale. 
Fort de ses valeurs spirituelles et du rayonnement de sa civilisation, il proclame en outre, solennellement, son attachement à l'Islam et aux principes de la démocratie tels qu'ils ont été définis par la déclaration Universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 et par la charte Africaine des droits de l'homme et des peuples du 28 Juin 1981 ainsi que dans les autres conventions internationales aux quelles la Mauritanie a souscrit.

Considérant que la liberté, l'égalité et la dignité de l'homme ne peuvent être assurées que dans une société qui consacre la primauté du droit, soucieux de créer les conditions durables d'une évolution sociale harmonieuse, respectueuse des préceptes de l'islam, seule source de droit et ouverte aux exigences du monde moderne, le peuple mauritanien proclame, en particulier, la garantie intangible des droits et principes suivants :

le droit à l'égalité
les libertés et droits fondamentaux de la personne humaine ;
le droit de propriété ;
les libertés politiques et les libertés syndicales ;
les droits économiques et sociaux ;
les droits attachés à la famille, cellule de base de la société islamique.
Conscient de la nécessité de resserrer les liens avec les peuples frères, le peuple mauritanien, peuple musulman, arabe et africain, proclame qu'il œuvrera à la réalisation de l'unité du Grand Maghreb, de la nation arabe et de l'Afrique et la consolidation de la paix dans le monde.

Article Premier : La Mauritanie est une république Islamique, indivisible, démocratique et sociale. [...]

ART. 5 : l'Islam est la religion du peuple et de l'État.

ART. 23: Le Président de la République est le chef de l'État . Il est de religion musulmane.

ART 29 : Le président de la République nouvellement élu entre en fonction à l'expiration du mandat de son prédécesseur.

« avant d'entrer en fonction le Président de la République prête serment en ces termes:

« " je jure par Allah l'Unique de bien et fidèlement remplir mes fonctions dans le respect de la constitution et des lois, de veiller à l'intérêt du peuple mauritanien, de sauvegarder l'indépendance et la souveraineté du pays, l'unité de la patrie et l'intégrité du territoire national.

je jure par Allah l'Unique de ne point prendre ni soutenir , directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relative à la durée du mandat présidentiel et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente constitution".»

Le serment est prêté devant le conseil constitutionnel, en présence du bureau du Sénat, du Président de la Cour Suprême et du président du Haut Conseil islamique.»

ART. 94 : Il est institué auprès du Président de la République un Haut Conseil Islamique composée de cinq (5) membres.

Le Président et les autres membres du Haut Conseil Islamique sont désignés par le Président de la République.

Le Haut Conseil Islamique se réunit à la demande du Président de la République. [...]



CONSTITUTION DE LA TUNISIE de 2014

Au chapitre 5 du projet de nouvelle Constitution, le président tunisien Kaïs Saïed a introduit la mention « au sein d'un système démocratique » dans la phrase affirmant que la Tunisie « fait partie de la communauté islamique » et que « l'État doit travailler pour atteindre les objectifs de l'islam ».
(AFP/Figaro, 9 juillet 2022)

Dans l'attente de la traduction officielle de la Constitution de Tunisie de 2014, traduction annoncée sur le site du Conseil constitutionnel, voici des extraits d'une traduction non officielle trouvée sur le www. Mettre l'islam dans sa Constitution, ce n'est pas le fait d'une démocratie.

Les mots ou expressions mis en gras le sont par moi.


" Au Nom de Dieu Clément et Miséricordieux

PRÉAMBULE

Nous, représentants du peuple tunisien, membres de l’Assemblée nationale constituante ;
[...]
Exprimant l'attachement de notre peuple aux enseignements de l’Islam et à ses finalités caractérisées par l’ouverture et la modération, des nobles valeurs humaines et des hauts principes des droits de l’Homme universels, Inspirés par notre héritage culturel accumulé tout le long de notre histoire, par notre mouvement réformiste éclairé fondé sur les éléments de notre identité arabo-musulmane et sur les acquis universels de la civilisation humaine, et par attachement aux acquis nationaux que notre peuple a pu réaliser ;
[...]
Sur la base de la place qu'occupe l’être humain en tant qu'être digne ; Afin de consolider notre appartenance culturelle et civilisationnelle à la nation arabe et musulmane ; de l’unité nationale fondée sur la citoyenneté, la fraternité, la solidarité et la justice sociale ; En vue de soutenir l’Union maghrébine, qui constitue une étape vers l’union arabe et vers la complémentarité entre les peuples musulmans et les peuples africains et la coopération avec les peuples du monde ;
[...]
 Article 1
La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l'Islam est sa religion, l'arabe sa langue et la République son régime.
Il n'est pas permis d'amender cet article.

Article 6
L’État est gardien de la religion. Il garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes ; il est le garant de la neutralité des mosquées et lieux de culte par rapport à toute instrumentalisation partisane.
L’État s’engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance, à protéger les sacrés et à interdire d’y porter atteinte, comme il s’engage à interdire les campagnes d’accusation d’apostasie et l’incitation à la haine et à la violence. Il s’engage également à s’y opposer.

Article 39
[...]
 L'État veille aussi à enraciner l'identité arabo-musulmane et l’appartenance nationale dans les jeunes générations et à ancrer, à soutenir et à généraliser l’utilisation de la langue arabe, ainsi que l’ouverture sur les langues étrangères et les civilisations humaines et à diffuser la culture des droits de l’Homme.

Article 74
La candidature à la présidence de la République est un droit pour toute électrice et pour tout électeur jouissant de la nationalité tunisienne par la naissance, et étant de confession musulmane.
[...]

Article 149
[...]
Dieu est le garant de la réussite.
 


CONSTITUTION DE L'ÉGYPTE de 2014 :

Au nom d'Allah le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux

Voici Notre Constitution.
[...]
L’Égypte est le berceau de la foi et bannière de la gloire des religions révélées. Sur son sol grandit le prophète Moïse, celui à qui Allah a parlé et à qui s’est manifesté la lumière divine ; celui qui reçut le message au Mont Sinaï.

Sur son sol, les Égyptiens ont hébergé la Vierge Marie et son nouveau-né, puis donné des milliers de martyrs en défendant l’Église du Christ, paix soit sur lui.

Et lorsque le sceau des Messagers, notre Maître Mohammed (paix et bénédictions soient sur lui), fut envoyé à toute l'humanité, pour parfaire les vertus morales, notre cœur et notre esprit s’ouvrirent à la lumière de l’Islam. Nous étions les meilleurs soldats de la terre dans la lutte pour la cause d’Allah. Nous répandîmes dans l’univers le message de la Vérité et les sciences de la religion.

C’est l’Égypte. Une patrie dans laquelle nous vivons et qui vit en nous.
[...]
Nous écrivons maintenant une Constitution qui confirme que les principes de la charia islamique sont la source principale de la législation et que la référence pour leur interprétation réside dans l’ensemble des décisions de la Cour constitutionnelle suprême à ce propos.

Titre premier. L'État.
Article premier.
La République arabe d'Égypte est un État, souverain, un et indivisible, dont aucune partie ne peut être cédée. Son régime est républicain et démocratique, fondé sur la citoyenneté et sur la primauté du droit.
Le peuple égyptien fait partie de la nation arabe, oeuvre pour son intégrité et son unité. L’Égypte fait partie du monde islamique, appartient au continent africain, est fière de son prolongement asiatique. Elle contribue à l’édification de la civilisation humaine.

Article 2.

L'islam est la religion de l'État. L'arabe est sa langue officielle. Les principes de la charia islamique sont la source principale de la législation.

Article 3.

Les principes de la religion des Égyptiens chrétiens ou juifs sont la source principale des législations qui régissent leur statut personnel, leurs affaires religieuses et le choix de leurs dirigeants spirituels.

[...]

Titre II. Principes fondamentaux de la société.
Chapitre premier. Les principes sociaux.

Article 7.

L'Azhar est une institution islamique scientifique et indépendante. Il s'attribue exclusivement l'exercice de l'ensemble de ses affaires. Il est la référence principale des sciences théologiques et des affaires islamiques. Il assume la responsabilité de la prédication et la propagation des sciences de la religion et de la langue arabe en Égypte et dans le monde. [...]


samedi 4 juin 2022

DIX PRINCIPES DE LOGIQUE CLASSIQUE (et deux APPENDICES)



Montaigne, Essais, II, 1, exemplaire de Bordeaux, 1588.
" Distingo, est le plus universel membre de ma logique. "


Arthur Schopenhauer, portrait en 1815 par Ludwig Sigismund Ruhl

   Note que l'on pourra à juste titre qualifier de " très sommaire ", mais je n'ai encore rencontré aucune tentative de faire un point à la fois synthétique et vulgarisateur sur les principes à retenir et l'ordre dans lequel les prendre. Toute suggestion ou documentation sera donc la bienvenue.
Pascal : «  Toute notre dignité consiste dans la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever, non de l’espace et de la durée. Travaillons donc à bien penser. Voilà le principe de la morale. » (Pensées, 347, L 200)
« Afin d'éviter toutes les erreurs, on n'a besoin que d'appliquer les règles les plus vulgaires des logiciens avec beaucoup de constance et de rigueur. »
 (Leibniz, Remarques sur la partie générale des principes de Descartes, 1ère partie)
Méthode et règles cartésiennes ; art de penser ; lois de la pensée.
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Descartes phénoménologue : « 9. Ce que c’est que penser
Par le mot de penser, j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes; c’est pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir, est la même chose ici que penser. »
Principes de la philosophie (1644), partie I, § 9.
Au sens strict, penser (avec plus ou moins de logique ) s'oppose à sentir ainsi qu'à croire.

KANT : « Que la logique ait suivi depuis les temps les plus anciens ce chemin sûr [celui de la science], le fait qui le montre est que, depuis Aristote, elle n'a pas eu besoin de faire un pas en arrière, si l'on veut bien ne pas compter pour améliorations l'élimination de quelques subtilités superflues, une détermination plus claire de l'exposé, toutes choses qui touchent plus à l'élégance qu'à la sûreté de la science. Il est encore remarquable à son propos que, jusqu'ici, elle n'a pu faire un seul pas en avant, et qu'ainsi, selon toute apparence, elle semble close et achevée. » Critique de la raison pure, Préface de la seconde édition, 1787, traduction Delamarre/Marty, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade. [Daß die Logik diesen sicheren Gang schon von den ältesten Zeiten her gegangen sei, läßt sich daraus ersehen, daß sie seit dem Aristoteles keinen Schritt rückwärts hat tun dürfen, wenn man ihr nicht etwa die Wegschaffung einiger entbehrlicher Subtilitäten, oder deutlichere Bestimmung des Vorgetragenen als Verbesserungen anrechnen will, welches aber mehr zur Eleganz, als zur Sicherheit der Wissenschaft gehört. Merkwürdig ist noch an ihr, daß sie auch bis jetzt keinen Schritt vorwärts hat tun können, und also allem Ansehen nach geschlossen und vollendet zu sein scheint.]


I / Principe de non-contradiction et d'identité ou, plus simplement, d’incompatibilité : La proposition : « A et non A » est fausse pour toute proposition A. Énoncé par Aristote, Métaphysique, IV, page 1005b, lignes 19-20. Non A désigne la négation de A ; la logique classique employait le terme contradictoire ; non A, négation de A, est fausse quand A est vrai, et inversement.
En termes plus simples, ce principe affirme qu'une proposition soumise à la logique ne peut être à la fois vraie et fausse.
Leibniz : " La première des vérités de raison est le principe de contradiction ou, ce qui revient au même, le principe d'identité, ainsi qu'Aristote l'a remarqué justement. " (Remarques sur la partie générale des principes de Descartes, traduit du latin par Paul Schrecker).
En logique algébrisée, si a est la fonction de vérité de la proposition A (a = 1 pour A vrai, et 0 pour A faux ; avec a² = a), alors la fonction de vérité de non-A est 1 - a, et celle de A et non-A est a(1 - a) = a - a² = 0.

Paradoxes associés  : « Je mens ».
Bertrand Russell : L'ensemble des ensembles n'appartenant pas à eux-mêmes appartient-il à lui-même ? Si on répond oui, alors, comme par définition les membres de cet ensemble n'appartiennent pas à eux-mêmes, il n'appartient pas à lui-même : contradiction. Mais si on répond non, alors il a la propriété requise pour appartenir à lui-même. Formellement, si l'on pose :

y ∈ y ⇔ y ∉ y, donc chacune des possibilités, y ∈ y et y ∉ y, mène à une contradiction.

Forme imagée, paradoxe du barbier. Un barbier se propose de raser tous les hommes qui ne se rasent pas eux-mêmes, et seulement ceux-là. Le barbier doit-il se raser lui-même ?


II / Principe d’apodicité ou d’incomplétude : Le point de départ d’une démonstration n’est pas démontrable. Énoncé par Aristote, Métaphysique, IV, vi, page 1011a, ligne 13.
Une démonstration est donc une relation de vérité entre deux propositions ; si... alors...


Les deux principes suivants concernent les relations entre le genre et l'espèce (les deux premiers des cinq universaux selon Porphyre de Tyr (3e siècle) : le genre, l’espèce, la différence spécifique, le propre, l’accident).




III / Principe de spécification ou de division : Variété de l’homogène sous des espèces inférieures. " Distingo [sic] est le plus universel membre de ma Logique. " (Montaigne, Essais, II, i, page 335 de l'édition Villey/PUF). Kant, Critique de la raison pure, Appendice à la Dialectique transcendantale, De l'usage régulateur des idées de la raison pure.


Voir aussi Platon, Philèbe, 13-16 et Politique, 262ab.

Ce principe, encore appelé distinguo interne (ou analyse), et celui qui le suit (distinguo externe ou synthèse), sont attachés à la distinction et aux liens de l’unité et de la multiplicité. Selon Kant, qui leur adjoint le principe de la continuité des formes, ce sont des principes transcendantaux de la raison, car portant sur la façon de connaître en général, et non sur une connaissance particulière. On accuse légitimement de "confusion" ceux qui ignorent ce principe de spécification.
Ce principe s'apparente au second précepte de Descartes.
Discours de la méthode, deuxième partie.


IV / Principe d’homogénéité, de rassemblement ou de généralisation : Homogénéité du divers sous des genres plus élevés. Énoncé par Platon, Lois, XII, page 965cd. Repris par Kant, Critique de la raison pure, Appendice à la " Dialectique transcendantale ", De l'usage régulateur des idées de la raison pure.
Schopenhauer :

...
« Le divin Platon et l'étonnant Kant unissent leurs voix impressionnantes pour recommander une règle, comme méthode de toute philosophie, et même de tout savoir en général. On doit, disent-ils, satisfaire à deux lois, celle de l'homogénéité [généralisation] et celle de la spécification, dans la même mesure et non à l'une au détriment de l'autre. » (Arthur Schopenhauer, De la Quadruple racine du principe de raison suffisante, chapitre premier,  Introduction, § 1 " La méthode ", 1813-1847).
Le sociologue Edgar Morin, qui donc n'inventait rien, dans " Réforme de la pensée" : « Le principe de simplicité impose de disjoindre et de réduire. Le principe de complexité enjoint de relier, tout en distinguant.  »
Illustration du principe de généralisation par Montaigne : " Quelque diversité d’herbes qu’il y ait, tout s’enveloppe sous le nom de salade. " Essais, I, 46.
Ce slogan de la correction politique, " pas d'amalgame ", refuse les connexions légitimes, mais qui dérangent un confort pseudo-intellectuel.


V / Principe du tiers exclu : De deux propositions contradictoires, l’une doit être vraie, l’autre fausse. Aristote, De l’interprétation, VII. La proposition « A ou non A » est vraie pour toutes les interprétations de A. Ce principe, encore appelé ‘loi de bivalence’, est en même temps l’axiome d’existence d'une proposition contradictoire pour toute proposition.

Selon une des lois d'Augustus De Morgan, non(A ou non A) = non A et A, ce qui est faux d'après le premier principe ;
donc A ou non A est vraie.

En logique algébrisée, A ou B a pour fonction de vérité a + b - ab.
Pour A ou non A : a + 1 - a - a(1 - a) = 1 - a + a² = 1, donc vrai.


VI / Principe de raison suffisante (PRS) ou de causalité :

« Rien ne peut se produire sans cause ; il n’arrive rien qui n’ait pu arriver. » Cicéron, La Divination, II, xxviii, 61 : "Nihil enim fieri sine causa potest; nec quicquam fit, quod fieri non potest." Reformulé par plusieurs auteurs :

Francis Bacon (1561-1626) : « Il n’y a rien de si petit qui dans l’ordre de la nature se fasse sans cause » (De l’Accroissement des sciences, II, xiii, Premier exemple).

Baruch Spinoza (1632-1677) : « À toute chose on doit assigner une cause ou raison, tant du fait qu’elle existe que du fait qu’elle n’existe pas » (Éthique, I, proposition. XI).

Leibniz (1646-1716) : « Aucun fait ne saurait se trouver vrai, ou existant, aucune énonciation véritable, sans qu’il y ait une raison suffisante pour qu’il en soit ainsi et pas autrement » (Monadologie, § 32).

Christian von Wolff ou Wolf (1679-1754) : « Il n’est rien sans sa raison d’être » (Ontologie, § 70).

Selon Arthur Schopenhauer (De la Quadruple racine du principe de raison suffisante, chapitre VIII, § 52, 2e édition, 1847), la signification générale de ce principe de raison suffisante est que
" toujours et partout aucune chose n’existe que par l'intermédiaire d'une autre [immer und überall Jegliches nur vermöge eines Andern ist] " ;
il juge indispensable de le diviser en quatre branches :
le rapport de succession temporelle,
le rapport de contiguïté spatiale,
l’inférence logique,
la causalité des phénomènes physiques et biochimiques.


VII / Principe d’analogie : « Il faut assigner les mêmes causes aux effets naturels de même genre, autant que faire se peut. » Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, III, " Règles qu’il faut suivre ", 2.

En droit, cela donne le principe de parallélisme des formes : un acte issu d'une procédure ne peut être modifié ou abrogé qu'en suivant cette procédure.


VIII / Principe (ou règle) d’élimination (modus ponens) : Si A implique B (équivalent à " B ou non-A ") et si A, alors B.
Diogène Laërce, Vie, doctrine et sentences des philosophes illustres, VII [Stoïciens], § 80 : « Si le premier, le second ; or le premier ; donc le second ». On peut y associer la règle pascalienne enjoignant de substituer mentalement la définition à la place des définis (De l'Art de persuader).

" Ne perdons jamais de vue la grande règle de définir les termes. " Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie, article " Alexandre ".

" Si seulement, au lieu de s'indigner, on cherchait à savoir de quoi l'on parle. Avant de discuter, l'on devrait toujours définir. " André Gide, Journal, " Feuillets 1918 ".


IX / Principe (ou règle) du syllogisme :

Si A implique B (B ou non-A) et si B implique C (C ou non-B), alors A implique C (C ou non-A). Aristote, Topique, I, i, 100a25.

Rabelais en donne un exemple plaisant :

" Il n'est (dit Gargantua) point besoin torcher cul, sinon qu'il y ait ordure ; ordure n'y peut être si on n'a chié ; chier donc nous faut devant que le cul torcher. " (Gargantua, XIII).

Louis Couturat, 1868-1914, distinguait, après Aristote, le syllogisme catégorique (tout a est b, et tout b est c, donc tout a est c) et le syllogisme hypothétique (si tout a est b, et si tout b est c, alors tout a sera c).

Paradoxe associé : « Le jambon fait boire, le boire désaltère, par quoi le jambon désaltère. » (Montaigne, Essais, I, 26)


X / Principe de cohérence transitive des choix :

Si A est préféré à B, et B à C, alors A sera préféré à C. Valable uniquement pour un individu ou un groupe de deux. Lors de choix effectués par un groupe de trois personnes ou plus, ce principe de cohérence peut se trouver violé par le choix résultant des préférences des  membres du groupe : c’est le paradoxe de Condorcet, un des aspects de l’irrationalité des foules, approfondi par Kenneth J. Arrow.


Appendices :

I / Christianisme et marxisme :

  Le marxisme introduisit un dualisme logique : la dialectique, qui admet et promeut le contradictoire, l’identité des contraires, le raisonnement circulaire, et que Lénine appelait, a-t-on dit, " l'algèbre de la révolution ", est opposée à la logique classique qui exigeait et exige toujours la non-contradiction.

  En 1947, le stalinien Jean Kanapa opposa le « rationalisme des Facultés de philosophie, confit, desséché et momifié, simple précepte épistémologique » au « rationalisme total, vivant, dialectique ». Mais Staline finit par être obligé, vers 1950, de réintroduire l'enseignement universitaire de cette logique classique. En France, Jean Toussaint Desanti tenta de promouvoir la "science prolétarienne" contre la "science bourgeoise".

  Le dualisme logique prend en sociologie la forme du constructionnisme (construction sociale de la réalité) dont un des partisans, Philippe Corcuff, essaye désespérément d'élaborer une logique autre que celle du raisonnement classique en introduisant un " raisonnement circulaire " (" Entre malentendus sociologiques et impensé politique ", Le Débat, n° 103, janvier-février 1999, page 117), qui rejoint la " logique " hégélienne de l'identité de l'identité et de la différence, et, avant Hegel, le second Pascal, celui du manuscrit inachevé publié sous le titre Pensées.

  On rejoint la circularité chrétienne chère notamment aux papes Jean-Paul II et Benoît XVI : la foi en Dieu fondée sur le témoignage de Dieu, la vérité de la Révélation réservée à ceux qui croient en Dieu, la raison et la foi qui ne peuvent se contredire car [sic] elles viennent toutes deux de Dieu (Voir les §§ 9, 15 et 43 de la Lettre encyclique de Jean-Paul II, Fides et Ratio [La foi et la raison], 15 octobre 1998).

  Philippe de Lara relevait que
" Si grandioses que soient ces tentatives, elles butent sur le mur du non-sens. " (" Nouvelle sociologie ou vieille philosophie ", Le Débat, n° 103, janvier-février 1999, pages 121-129 ; la vieille philosophie en question étant la dialectique hégéliano-marxiste.)

   Pour maintenir à tout prix l'erreur marxiste ou néo-marxiste, il faudrait changer le critère d'appréciation, ici, rien de moins que la logique ... L’idée que l’on a de ce qui doit être fausse alors la vision que l’on a de ce qui estLe réel passe en jugement devant l'irréel.

Maurice Merleau-Ponty soutenait pourtant que le marxisme ne critique la pensée formelle
« qu’au profit d’une pensée prolétarienne [souligné par Cl. C.] plus capable que la première de parvenir à l’"objectivité", à la "vérité", à l’"universalité", en un mot de réaliser les valeurs du libéralisme. » (Humanisme et terreur, Paris : Gallimard, 1947, deuxième partie, chapitre I).

II / Des associations ont considéré comme raciste cette réplique d'Éric Zemmour : 

« Pourquoi [quand on est noir ou arabe] on est contrôlé 17 fois ? Pourquoi ? Parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes. C'est comme ça. C'est un fait. » ; phrase rapportée par la presse sous la forme : « Les Français issus de l'immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes… C'est un fait » (6/3/2010, dans l'émission de Thierry Ardisson).

La formule des probabilités conditionnelles qui relaxe immédiatement Zemmour de l'accusation de racisme, la voici (d'après un article de Jean-Michel Claverie) :

U : univers des possibles
p : probabilité d'un événement E (sous hypothèse d'équiprobabilité) ; p(E) = card(E)/card(U)
I : un individu est immigré (E = I)
T : un individu est trafiquant (E = T)

p(T/I) est la probabilité de l'événement T sachant que l'événement I est réalisé.

p(T/I) = [p(I/T)x p(T)]/p(I)

Ceci d'après les deux manières de calculer p(I∩T), probabilité de "I et T", qui est aussi p(T∩I)

Application numérique :

Si l'on prend :

p(I/T) = 0,5
p(T) = 1/10 000
p(I) = 0,1

alors p(T/I), la probabilité qu'un immigré soit trafiquant, n'est égale qu'à 1/2 000.


Le même traitement mathématique est applicable à la phrase de Dieudonné qui dit que les plus grands escrocs sont pratiquement tous juifs, ce qui ne veut pas dire que les juifs sont pratiquement tous de grands escrocs.

" La plupart des trafiquants sont noirs et arabes " a été lu à l'envers comme signifiant " la plupart des noirs et arabes sont trafiquants ". On comprendra peut-être mieux sur cet exemple :

" la plupart des prisonniers sont des hommes " [exact, 96 %] ne signifie pas " la plupart des hommes sont en prison ".

Mais la correction politique ignore la théorie élémentaire des ensembles, qui apparemment n'est pas enseignée dans les écoles de journalerie (pas plus que la logique).