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mardi 3 janvier 2023

DFHM : Race d'ep à rouspan en passant par race maudite, regayifier, rivancher en prose, rivette et rocambole


Extrait de mon Dictionnaire français de l'homosexualité masculine.

Guy Hocquenghem en 1978. © Getty - Laurent MAOUS.


RACE D'EP, RASDEP

Verlan pour pédéraste, rapporté ou inventé par l’écrivain Guy Hocquenghem (1946-1988).

RACE MAUDITE, MALÉDICTION

MARCEL PROUST : « Race maudite puisque ce qui est pour elle l'idéal de la beauté et l'aliment du désir est aussi l'objet de la honte et la peur du châtiment, et qu'elle est obligée de vivre jusque sur les bancs du tribunal où elle vient comme accusée et devant le Christ, dans le mensonge et dans le parjure, puisque son désir serait en quelque sorte, si elle savait le comprendre, inadmissible, puisque n'aimant que l'homme qui n'a rien d'une femme, l'homme qui n'est pas "homosexuel", ce n'est que de celui-là qu'elle peut assouvir un désir qu'elle ne devrait pas pouvoir éprouver pour lui, qu'il ne devrait pas pouvoir éprouver pour elle, si le besoin d'amour n'était pas un grand trompeur et ne lui faisait pas de la plus infâme "tante" l'apparence d'un homme, d'un vrai homme comme les autres, qui par miracle se serait pris d'amour ou de condescendance pour lui, puisque comme les criminels elle est obligée de cacher son secret à ceux qu'elle aime le plus, craignant la douleur de sa famille, le mépris de ses amis, le châtiment de son pays ; race maudite, persécutée comme Israël et comme lui ayant fini, dans l'opprobre commun d'une abjection imméritée, par prendre des caractères communs, l'air d'une race, ayant tous certains traits caractéristiques, des traits physiques qui souvent répugnent, qui quelquefois sont beaux, des cœurs de femme aimants et délicats, mais aussi une nature de femme soupçonneuse et perverse, coquette et rapporteuse, des facilités de femme à briller à tout, une incapacité de femme à exceller en rien ; exclus de la famille, avec qui ils ne peuvent être en entière confidence, de la patrie, aux yeux de qui ils sont des criminels non découverts, de leurs semblables eux-mêmes, à qui ils inspirent le dégoût de retrouver en eux-mêmes l'avertissement que ce qu'ils croient un amour naturel est une folie maladive, et aussi cette féminité qui leur déplaît, mais pourtant cœurs aimants, exclus de l'amitié parce que leurs amis pourraient soupçonner autre chose que de l'amitié quand ils n'éprouvent que de la pure amitié pour eux, et ne les comprendraient pas s'ils leur avouaient quand ils éprouvent autre chose, objet tantôt d'un dégoût qui les incrimine dans ce qu'ils ont de plus pur, tantôt d'une curiosité qui cherche à les expliquer et les comprend tout de travers, élaborant à leur endroit une psychologie de fantassin qui, même en se croyant impartiale est encore tendancieuse et admet a priori, comme ces juges pour qui un Juif était naturellement un traître, qu'un homosexuel est facilement un assassin ; comme Israël encore recherchant ce qui n'est pas eux, ce qui ne serait pas d'eux, mais éprouvant pourtant les uns pour les autres, sous l'apparence des médisances, des rivalités, des mépris du moins homosexuel pour le plus homosexuel comme du plus déjudaïsé pour le petit Juif, une solidarité profonde, dans une sorte de franc-maçonnerie qui est plus vaste que celle des Juifs parce que ce qu'on en connaît n'est rien et qu'elle s'étend à l'infini et qui est autrement puissante que la franc-maçonnerie véritable parce qu'elle repose sur une conformité de nature, sur une identité de goût, de besoins, pour ainsi dire de savoir et de commerce, en voiture dans le voyou qui lui ouvre la portière, ou plus douloureusement parfois dans le fiancé de sa fille et quelquefois avec une ironie amère dans le médecin par qui il veut faire soigner son vice, dans l'homme du monde qui lui met une boule noire au cercle, dans le prêtre à qui il se confesse, dans le magistrat civil ou militaire chargé de l'interroger, dans le souverain qui le fait poursuivre, radotant sans cesse avec une satisfaction constante (ou irritante) que Caton était homosexuel, comme les Juifs que Jésus-Christ était Juif, sans comprendre qu'il n'y avait pas d'homosexuels à l'époque où l'usage et le bon ton étaient de vivre avec un jeune homme comme aujourd'hui d'entretenir une danseuse, où Socrate, l'homme le plus moral qui fût jamais, fit sur deux jeunes garçons assis l'un près de l'autre des plaisanteries toutes naturelles comme on fait sur un cousin et sa cousine qui ont l'air amoureux l'un de l'autre et qui sont plus révélatrices d'un état social que des théories qui pourraient ne lui être que personnelles, de même qu'il n'y avait pas de Juifs avant la crucifixion de Jésus-Christ, si bien que pour originel qu'il soit, le péché a son origine historique dans la non-conformité survivant à la réputation ; mais prouvant alors par sa résistance à la prédication, à l'exemple, au mépris, aux châtiments de la loi, une disposition que le reste des hommes sait si forte et si innée qu'elle leur répugne davantage que des crimes qui nécessitent une lésion de la moralité, car ces crimes peuvent être momentanés et chacun peut comprendre l'acte d'un voleur, d'un assassin mais non d'un homosexuel ; partie donc réprouvée de l'humanité mais membre pourtant essentiel, invisible, innombrable de la famille humaine, soupçonné là où il n'est pas, étalé, insolent, impuni là où on ne le sait pas, partout, dans le peuple, dans l'armée, dans le temple ; au théâtre, au bagne, sur le trône, se déchirant et se soutenant, ne voulant pas se connaître mais se reconnaissant, et devinant un semblable dont surtout il ne veut pas s'avouer de lui-même - encore moins être su des autres - qu'il est le semblable, vivant dans l'intimité de ceux que la vue de son crime, si un scandale se produisait, rendrait, comme la vue du sang, féroce comme des fauves, mais habitué comme le dompteur en les voyant pacifiques avec lui dans le monde à jouer avec eux, à parler homosexualité, à provoquer leurs grognements si bien qu'on ne parle jamais tant homosexualité que devant l'homosexuel, jusqu'au jour infaillible où tôt ou tard il sera dévoré, comme le poète reçu dans tous les salons de Londres, poursuivi lui et ses œuvres, lui ne pouvant trouver un lit où reposer, elles une salle où être jouées, et après l'expiation et la mort, voyant s'élever sa statue au-dessus de sa tombe, obligé de travestir ses sentiments, de changer tous ses mots, de mettre au féminin ses phrases, de donner à ses propres yeux des excuses à ses amitiés, à ses colères, plus gêné par la nécessité intérieure et l'ordre impérieux de son vice de ne pas se croire en proie à un vice que par la nécessité sociale de ne pas laisser voir ses goûts ; race qui met son orgueil à ne pas être une race, à ne pas différer du reste de l'humanité, pour que son désir ne lui apparaisse pas comme une maladie, leur réalisation même comme une impossibilité, ses plaisirs comme une illusion, ses caractéristiques comme une tare, de sorte que les pages les premières, je peux le dire, depuis qu'il y a des hommes et qui écrivent, qu'on lui ait consacrées dans un esprit de justice pour ses mérites moraux et intellectuels, qui ne sont pas comme on dit enlaidis en elle, de pitié pour son infortune innée et pour ses malheurs injustes, seront celles qu'elle écoutera avec le plus de colère et qu'elle lira avec le sentiment le plus pénible, car si au fond de presque tous les Juifs il y a un antisémite qu'on flatte plus en lui trouvant tous les défauts mais en le considérant comme un chrétien, au fond de tout homosexuel, il y a un anti-homosexuel à qui on ne peut pas faire de plus grande insulte que de lui reconnaître les talents, les vertus, l'intelligence, le cœur, et en somme comme à tout caractère humain, le droit à l'amour sous la forme où la nature nous a permis de le concevoir, si cependant pour rester dans la vérité on est obligé de confesser que cette forme est étrange, que ces hommes ne sont pas pareils aux autres.
Marcel Proust, Contre Sainte-Beuve suivi de Nouveaux mélanges , Paris : Gallimard, 1954 (1908-1909).

Julien GREEN : « Nous [avec le père Marie-Alain Couturier] avons étendu cette discussion [sur les fautes charnelles] à l'homosexualité que j'avais appelé une sorte de malédiction, car on ne voyait pas, disais-je, comment un homme possédé par cet instinct peut légitimement se libérer, puisque le mariage ne lui est pas possible. Le père Couturier a protesté contre ce terme de malédiction. " S'ils souffrent plus que d'autres, soyez sûrs que Dieu les aime davantage " (c'est-à-dire que leur souffrance les rend plus chers à Dieu). " Mais pourquoi la chose existe-t-elle ? " demandai-je. Il n'a pas pu me répondre. »
Toute ma vie Journal intégral ** 1940-1945, 25 octobre 1943, Paris : Bouquins éditions, 2021.

RAGOÛT D'Italie / RAGOÛT DE DELÀ LES MONTS

" Ce jeune monsieur n'aimait pas les femmes : M. de Vendôme a toujours depuis été accusé du ragoût d'Italie. On en a fait une chanson autrefois :
« Monsieur de Vendôme
Va prendre Sodome. » "
Tallemant des Réaux, Historiettes, " Mademoiselle Paulet ", tome I (Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade), page 474.



« On a un peu accusé M. de Schomberg [maréchal de France] d’aimer les ragoûts de delà les monts »
Tallemant des Réaux, Historiettes, " Le Page, ses deux femmes et sa fille ".


RAILLER, RAILLERIE

"Nicolas de Clémanges à Gerson : je passe sous silence les paillardises et les adultères, desquels ceux qui s'abstiennent ont accoutumé d'être l'objet des railleries et de la moquerie des autres ; on les appelle châtrés, ou l'on dit qu'ils sont sodomites."
Pierre Jurieu (1637-1713), Préjugés légitimes contre le papisme, Amsterdam, 1685 ; tome 1, chapitre XXVII, page 332.


« Je crois bien que le prince Max n'a pas l'humeur italienne, car ordinairement ce n'est pas le vice des bons et honnêtes allemands ; mais ici à la Cour je ne pense pas qu'on puisse trouver une demie douzaine de personnes qui n'en soient pas entachés. Quand Mr de Turenne sera donc de nouveau ici, il trouvera beaucoup d'amis aussi facilement qu'en Morée ; peut-être qu'il a consolé son oncle, le cardinal, de cette manière, dans son exil, car monsieur le cardinal ne déteste pas du tout la vie et avait toujours de bien beaux pages ; aussi il entendait bien raillerie sur ce sujet : j'ai vu une fois le duc de Villeroy lui amener un de ses pages, pour le lui montrer. C'était un garçon parfaitement beau, et ils riaient beaucoup là-dessus. »
Madame, princesse Palatine, lettre à Sophie de Hanovre, 27 septembre 1690.

"Les Français sont encore les inventeurs d'une autre manière d'exercer leur raillerie, en laquelle ils excellent sur toutes les autres nations, c'est en ces chansons plaisantes et malignes qui courent fréquemment, et dont les auteurs sont d'ordinaire inconnus ; elles ne sont jamais produites par les poètes de profession, ce sont des gens de la Cour, de la ville, ou des troupes qui, étant en débauche et plus échauffées par le vin que par l'amour du prochain, les font d'ordinaire à table et le verre à la main ; ce sont aussi quelquefois des dames peu charitables qui font contre d'autres dames, ou contre des hommes qui leur auront déplu, de ces chansons ingénieuses et plaisantes, dont le venin est d'autant plus dangereux, qu'étant animé par l'harmonie du chant et de la poésie, il s'insinue agréablement en flattant l'oreille des auditeurs et la malignité qui règne parmi les hommes, et que ces sortes de chansons s'apprennent avec beaucoup de facilité, et ne s'oublient pas si facilement. On y voit quelquefois des contre-vérités finement trouvées sur les défauts, et sur les bruits médisants qui ont couru des personnes dont elles parlent, quelquefois on y caractérise malicieusement ceux qu'on y fait parler, en leur faisant dire des choses qui conviennent à leurs faiblesses et à leur ignorance, ou à leurs autres défauts."
François de Callières (1645-1717), diplomate et académicien, Des bons mots et des bons contes …, 1692, discours sixième, " De la raillerie et des railleurs de notre temps ".

« Le prince de Ligne est bien heureux de ne pas vivre en Hollande, où il paraît qu’on n’entend pas raillerie aussi bien qu’ici. »
Jean Bouhier, lettre à Mathieu Marais, 7 août 1730.

Bouhier dit par là qu’en Hollande, où il venait d’y avoir plusieurs exécutions d’homosexuels, on était bien moins tolérant qu’en France.

Dans Spicilège, Montesquieu parle d’un passage d’Aristophane [Assemblée des femmes, 109-114] comme d’une « raillerie sur Alcibiade ».

 « Vraiment, cela devient insupportable, surtout avec ce sérieux et cette fade sentimentalité. De ce biais, c’est ridicule. Qu’on ne parle pas des Anciens ! Les mœurs ont changé. Le progrès se fait par la différenciation, comme l’a dit [Herbert] Spencer. D’ailleurs, Aristophane et les autres comiques ou satiriques ne se privaient point de railler, ni nos pères non plus, avec leur verdeur gauloise. Et puis, en voilà assez, et la mesure est comble ["elle commence seulement à se remplir craintivement", commentera André Gide]. »
Paul Souday, Le Temps, 4 février 1926.

Le concept d’homophobie a aujourd’hui partiellement remplacé et complètement dénaturé celui de raillerie.


RAMASSER DES ÉPINGLES, RAMASSER DES MARRONS/RAMASSEUR DE MARRONS

« Ramasser des épingles : Se livrer à la pédérastie passive. »
Hector France

Au XVIIIe siècle, il y avait des marronniers dans le jardin des Tuileries à Paris.

« Je suis ramasseur de marrons »
Décret en faveur des putains …, vers 1790.

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.


« Dans le peuple on dit : – Il va ramasser des marrons dans l’allée des Veuves [aujourd’hui avenue Montaigne]. L’allusion est claire. (Argot du peuple). »
Charles Virmaître, Dictionnaire d’argot fin-de-siècle,
Paris : A. Charles, 1894, dans la définition de passif.


RAPPROCHEMENT DE SEXES SEMBLABLES

"Ce militaire [...] nous fit voir un coq qui, après avoir terrassé son adversaire, cherchait à le sodomiser, et insistant quelquefois jusqu'à l'éjaculation, quand l'ennemi battu était acculé de manière à ne pouvoir fuir. L'observateur prétendait avoir vu assez souvent les chiens se livrer au rapprochement de sexes semblables, et cela jusqu'à intromission ; il pensait que les mêmes influences climatologiques produisaient et ces accouplements chez les animaux et la sodomie chez l'homme."
Dr F. Jacquot, médecin de l'armée d'Afrique, " Des aberrations de l'appétit génésique ", Gazette Médicale de Paris, 28 juillet 1849.


REGAYIFIER

« On murmure que le Red Light souhaiterait « regayifier » son after du dimanche matin (ah, ah, je rigole), et que Laurent Garnier voudrait à nouveau jouer régulièrement pour les gays, comme à ses débuts. »
Yannick Barbe, Tétu, février 2004.

RÉGULIER

Robert de Saint Jean : « Il [l'écrivain François Mauriac] choisit définitivement vers la trentaine la voie régulière. »
Passé pas mort, III " En revenant de la revue " Paris : Grasset, 1983.

RENCULER

« 15. Il encule le prêtre tout en disant sa messe, et quand celui-ci a consacré, le fouteur se retire un moment ; le prêtre se fourre l’hostie dans le cul, et on le rencule quand par là-dessus. »
Marquis de Sade, Les Cent vingt journées de Sodome, 3e partie [1785], Paris : Gallimard, 1990, édition Michel Delon.

RETOURNER (SE)

« C’est à ce maître si connu [de Villette], si zélé pour les sectateurs de Gomorrhe, que je dois mes notions sur la fouterie à visage retourné, c’est un de mes passe-temps délicieux. »
Compère Mathieu, Suite des Pantins des Boulevards, 1791.

« Dans un autre coin, ce sont des blagues sur Oscar Wilde, au milieu desquelles j’entends Léon Daudet jeter dans un rire :"oh ! celui-là, sa mère, quand elle le regardait dans son berceau, a dû penser : ‘en voilà un qui saura se retourner !’ ". »
Edmond de Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire de 1851 à 1896, Paris : Fasquelle/Flammarion, 1956, 25 avril 1895.

RÉTROACTIF

« L’Univers sait que l’équivoque marquis de Villette est le Président perpétuel du formidable district des citoyens rétroactifs, partant zélé partisan de la Constitution, où tout est sens devant derrière. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 1793, 1ère partie, troisième fragment, « À bon chat : bon rat ». Voir DEVANT/DERRIÈRE.



Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864, Supplément.

RITE

« Ceux-là que sacre le haut rite »
Paul Verlaine, Parallèlement, "Ces passions …", 1889. Première publication du poème dans La Cravache parisienne, 2 février 1889, sous le titre Parallèlement.

RIVANCHER EN PROSE

« rivancher en prose : sodomiser, dans l’argot des voleurs. »
Pierre Leclair, Histoire des brigands, chauffeurs et assassins d’Orgères, Chartres, an VIII (1799).

L’explication est dans le sens de cul qu’avaient prose et proye ; cf emproseur. Selon Alfred Delvau, rivancher vient du verbe italien rivangare, retourner la terre avec une bêche.

RIVETTE

À la fin du XVIIIe siècle, ce mot est apparu avec un sens voisin de bardache ; on le rencontre dans l’écrit anonyme Vie privée et publique du ci-derrière marquis de Villette (1792) :

« Bougre en même temps et rivette
Le ci-devant marquis Villette
Pour les femmes et pour le con
Sent la plus vive aversion.
Sans être natif de Sodome,
À la femme il préfère l’homme,
Quand il est jeune, et neuf surtout,
Pourquoi pas ? Chacun a son goût. »

L’origine de ce sens est à chercher du côté de river, ou rivancher (action du coït selon Vidocq, 1837) ; cf rivancher en prose. L’équivalent anglais de river, soit to screw, a conservé son sens sexuel.

Vidocq a mis pour rivette : « Jeune sodomite. Les voleurs de province donne ce nom aux filles publiques. » (Les Voleurs, tome 2, page 65, 1837).

Chez Francisque Michel, il n’y a que le sens provincial « fille de joie, jeune débauchée. »

Selon le policier très kantien Canler, les rivettes formaient une des catégories de tantes :

« La quatrième catégorie se compose des rivettes. ceux-ci n’ont rien qui puisse les faire distinguer des autres hommes, et il faut à l’observateur, pour les deviner, la plus grande attention jointe à la plus grande habitude. On en rencontre à tous les degrés de l’échelle sociale. Pour satisfaire leur penchant, ces individus s’adressent de préférence à la jeunesse. Aussi les chanteurs s’attachent-ils plus particulièrement aux rivettes, qu’ils exploitent presque toujours avec succès. »
Louis Canler, Mémoires de Canler, ancien chef du service de sûreté, 1862.

Pour Moreau-Christophe, au contraire, les chanteurs se servaient de « l’appeau trompeur d’un succube, ou jeune rivette, rendu à leurs intérêts – un Jésus, comme ils l’appellent blasphématoirement. » (Variétés de coquins, 1865). Cet auteur opposait rivette à riveur ou incube.

« Rivette : De la famille des enculés. Homme qui vous déboutonne, vous prend de force et vous suce la pine. »
J. Ch[ou]x, Le Petit Citateur, 1881.

"Ceux qui ne recherchent qu'une satisfaction personnelle pour leur passion antiphysique, et qui payent les services qu'on leur rend, forment la première catégorie [de pédérastes]. Ce sont, à proprement parler, les vrais pédérastes ; on les désignent ordinairement sous le nom d'amateurs. On leur donne aussi le nom de rivettes."
François Carlier, Les Deux prostitutions. 1860-70, Paris : E. Dentu, 1887.

Virmaitre, Dictionnaire..., 1894.


RIVEUR

Moreau-Christophe a opposé rivette à riveur ou incube (Variétés de coquins, 1865).

ROCAMBOLE

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864, Supplément.
Les Aphrodites (1793), œuvre du romancier Andréa de Nerciat (1739-1800).

ROND

« Je vois que le grand d’Assoucy
Est aujourd’hui mal réussi,

Car hélas qu’aurait-il pu faire
Avec son luth et ses chansons
Auprès de vos vilains gitons
Et des déesses de Cythère ?

Le pauvre homme alors confondu
Eût quitté le rond pour l’ovale
Et se fût à la fin rendu
Hérétique en terre papale. »
Voltaire, lettre à  Jacques-François de Sade [oncle du marquis], 29 août 1733.

« Accourez, bougres, bardaches, bardachins et bardachinets, comtemplez et voyez si la mobilité de mon rond ne met pas en défaut la mobilité du vôtre. »
Les Enfants de Sodome à l’Assemblée natinale, 1790, discours de la Tabouret.

ROUSPAN(T), ROUSPANTEUR

Rouspan(t) viendrait de l’italien ruspanti, nom donné aux gitons du dernier grand-duc de Toscane.

« ROUSPANT. — Ils font chanter les pédérastes qu’ils soutiennent. Ce sont les "macs" de ces monstres. »
François Vidocq, Les Voleurs, tome 2, page 72, 1837.

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.

« Rouspant. Proxénète pour le troisième sexe et ses admirateurs. »
Lucien Rigaud, Dictionnaire du jargon parisien - L'argot ancien et l'argot moderne, Paris : Paul Ollendorff, 1878.

« ROUSPANT : Homme qui fournit des sujets aux tantes. C'est le procureur des pédérastes (Argot des souteneurs). »
Charles Virmaître, Dictionnaire d'argot fin-de-siècle, Paris : A. Charles, 1894. Noter là encore
la surdétermination, deux termes du lexique en renfort pour en définir un troisième.

« Rouspan : complice de pédéraste qui arrive au moment psychologique et se fait passer pour agent des mœurs, pour faire chanter le client. »
Hector France. Dictionnaire de la langue verte : archaïsmes, néologismes, locutions étrangères, patois, Paris : Librairie du Progrès, 1907. Réédition par Nigel Gauvin en 1990.



Lettre S

jeudi 7 avril 2022

DES CHRÉTIENS FACE À L'ISLAM




Arrivée des croisés à Constantinople : Louis VII le Jeune et Conrad, empereur d'Allemagne, entrent dans
la ville, suivis d'un important cortège de seigneurs et de chevaliers. 
Grandes Chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, Tours, vers 1455-1460
Paris, BnF, département des Manuscrits, Français 6465, fol. 202


PIERRE LE VÉNÉRABLE, THOMAS d'AQUIN, BOSSUET, JURIEU, CHATEAUBRIAND, CHARLES DE FOUCAULD, PAUL VI, JEAN PAUL II, FRANÇOIS, RÉMI BRAGUE


1150 environ : Pierre le Vénérable (vers 1093 - 1156), abbé de Cluny :

« Qu’on donne à l’erreur mahométane le nom honteux d’hérésie ou celui, infâme, de paganisme, il faut agir contre elle, c’est-à-dire écrire. Mais les Latins et surtout les modernes, l’antique culture périssant, suivant le mot des Juifs qui admiraient jadis les apôtres polyglottes, ne savent pas d’autre langue que celle de leur pays natal. Aussi n’ont-ils pu ni reconnaître l’énormité de cette erreur ni lui barrer la route. Aussi mon cœur s’est enflammé et un feu m’a brûlé dans ma méditation. Je me suis indigné de voir les Latins ignorer la cause d’une telle perdition et leur ignorance leur ôter le pouvoir d’y résister ; car personne ne répondait, car personne ne savait. Je suis donc allé trouver des spécialistes de la langue arabe qui a permis à ce poison mortel d’infester plus de la moitié du globe. Je les ai persuadés à force de prières et d’argent de traduire d’arabe en latin l’histoire et la doctrine de ce malheureux et sa loi même qu’on appelle Coran. Et pour que la fidélité de la traduction soit entière et qu’aucune erreur ne vienne fausser la plénitude de notre compréhension, aux traducteurs chrétiens j’en ai adjoint un Sarrasin. Voici les noms des chrétiens : Robert de ChesterHerman le DalmatePierre de Tolède ; le Sarrasin s’appelait Mohammed. Cette équipe après avoir fouillé à fond les bibliothèques de ce peuple barbare en a tiré un gros livre qu’ils ont publié pour les lecteurs latins. Ce travail a été fait l’année où je suis allé en Espagne et où j’ai eu une entrevue avec le seigneur Alphonse, empereur victorieux des Espagnes, c’est-à-dire en l’année du Seigneur 1141. » (cité par Jacques le Goff, Les Intellectuels au Moyen Âge, " Le temps qui court ", Paris : Le Seuil, 1957 ; merci à Jean-Baptiste de Morizur).


1265 : THOMAS d'AQUIN (1224 ou 25 / 1274), Somme contre les Gentils.

Livre I, chapitre 2 : " Réfuter toutes les erreurs est difficile, pour deux raisons. La première, c'est que les affirmations sacrilèges de chacun de ceux qui sont tombés dans l'erreur ne nous sont pas tellement connues que nous puissions en tirer des arguments pour les confondre. C'était pourtant ainsi que faisaient les anciens docteurs pour détruire les erreurs des païens, dont ils pouvaient connaître les positions, soit parce qu'eux-mêmes avaient été païens, soit, du moins, parce qu'ils vivaient au milieu des païens et qu'ils étaient renseignés sur leurs doctrines. - La seconde raison, c'est que certains d'entre eux, comme les Mahométans et les païens, ne s'accordent pas avec nous pour reconnaître l'autorité de l'Écriture, grâce à laquelle on pourrait les convaincre, alors qu'à l'encontre des Juifs, nous pouvons disputer sur le terrain de l'Ancien Testament, et qu'à l'encontre des Hérétiques, nous pouvons disputer sur le terrain du Nouveau Testament Mahométans et Païens n'admettent ni l'un ni l'autre. Force est alors de recourir à la raison naturelle à laquelle tous sont obligés de donner leur adhésion. Mais la raison naturelle est faillible dans les choses de Dieu. "

Livre I, chapitre 6 : " Dieu, même de nos jours, ne cesse de confirmer notre foi par les miracles de ses saints. Les fondateurs de sectes ont procédé de manière inverse. C'est le cas évidemment de Mahomet qui a séduit les peuples par des promesses de voluptés charnelles au désir desquelles pousse la concupiscence de la chair. Lâchant la bride à la volupté, il a donné des commandements conformes à ses promesses, auxquels les hommes charnels peuvent obéir facilement. En fait de vérités, il n'en a avancé que de faciles à saisir par n'importe quel esprit médiocrement ouvert. Par contre, il a entremêlé les vérités de son enseignement de beaucoup de fables et de doctrines des plus fausses. Il n'a pas apporté de preuves surnaturelles, les seules à témoigner comme il convient en faveur de l'inspiration divine, quand une œuvre visible qui ne peut être que l'œuvre de Dieu prouve que le docteur de vérité est invisiblement inspiré. Il a prétendu au contraire qu'il était envoyé dans la puissance des armes, preuves qui ne font point défaut aux brigands et aux tyrans. D'ailleurs, ceux qui dès le début crurent en lui ne furent point des sages instruits des sciences divines et humaines, mais des hommes sauvages, habitants des déserts, complètement ignorants de toute science de Dieu, dont le grand nombre l'aida, par la violence des armes, à imposer sa loi à d'autres peuples. "


1665 : Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704) :

Par Hyacinthe Rigaud, 1698.

« Cet objet lugubre d'un chrétien captif dans les prisons des mahométans, me jette dans une profonde considération des grands et épouvantables progrès de cette religion monstrueuse. O Dieu, que le genre humain est crédule aux imposture de Satan! O que l'esprit de séduction et d'erreur a d'ascendant sur notre raison! Que nous portons en nous-mêmes, au fond de nos cœurs, une étrange opposition à la vérité, dans nos aveuglements, dans nos ignorances, dans nos préoccupations opiniâtres. Voyez comme l'ennemi du genre humain n'a rien oublié pour nous perdre, et pour nous faire embrasser des erreurs damnables. Avant la venue du Sauveur, il se faisait adorer par toute la Terre sous les noms de ces fameuses idoles devant lesquelles tremblaient tous les peuples; il travaillait de toute sa force à étouffer le nom du vrai Dieu. Jésus-Christ et ses martyrs l'ont fait retentir si haut depuis le levant jusqu'au couchant, qu'il n'y a plus moyen de l'éteindre ni de l'obscurcir. Les peuples qui ne le connaissaient pas, y sont attirés en foule par la croix de Jésus-Christ; et voici que cet ancien imposteur, qui dès l'origine du monde est en possession de tromper les hommes, ne pouvant plus abolir le saint nom de Dieu, frémissant contre Jésus-Christ qui l'a fait connaître à tout l'univers, tourne toute sa furie contre lui et contre son Évangile : et trouvant encore le nom de Jésus trop bien établi dans le monde par tant de martyrs et tant de miracles, il lui déclare la guerre en faisant semblant de le révérer, et il inspire à Mahomet, en l'appelant un prophète, de faire passer sa doctrine pour une imposture; et cette religion monstrueuse, qui se dément elle-même, a pour toute raison son ignorance, pour toute persuasion sa violence et sa tyrannie, pour tout miracle ses armes, armes redoutables et victorieuses, qui font trembler tout le monde, et rétablissent par force l'empire de Satan dans tout l'univers.  »
Panégyrique de saint Pierre Nolasque.


1683 JURIEU (1637-1713)

Pierre Jurieu, par Étienne Desrochers

" Il n'y a point du tout de comparaison entre la cruauté des Sarrasins contre les chrétiens, et celle du papisme contre les vrais fidèles. En peu d'années de guerre contre les Vaudois, ou même dans les seuls massacres de la Saint-Barthélémi, on a répandu plus de sang pour cause de religion, que les Sarrasins n'en ont répandu dans toutes leurs persécutions contre les chrétiens. Il est bon qu'on soit désabusé de ce préjugé, que le mahométisme est une secte cruelle, qui s'est établie en donnant le choix de la mort ou de l'abjuration du christianisme ; cela n'est point, et la conduite des Sarrasins a été une débonnaireté évangélique, en comparaison de celle du papisme, qui a surpassé la cruauté des cannibales. Ce n'est donc pas la cruauté des mahométans qui a perdu le christianisme de l'orient et du midi, c'est leur avarice. Ils faisaient acheter bien cher aux chrétiens la liberté de conscience, ils imposaient sur eux de gros tributs. " (Pierre Jurieu, Apologie [...] pour la Réformation, 1683).


1797 : François-René de CHATEAUBRIAND (1768-1848) :

« Peut-on supposer que quelque imposteur, quelque nouveau Mahomet, sorti d’Orient, s’avance la flamme et le fer à la main, et vienne forcer les Chrétiens à fléchir le genou devant son idole ? La poudre à canon nous a mis à l’abri de ce malheur*. »
* Non pas si les gouvernements chrétiens ont la folie de discipliner les sectateurs du Coran. Ce serait un crime de lèse-civilisation que notre postérité, enchaînée peut-être, reprocherait avec des larmes de sang à quelques misérables hommes d’État de notre siècle. Ces prétendus politiques auraient appelé au secours de leurs petits systèmes les soldats fanatiques de Mahomet, et leur auraient donné les moyens de vaincre en permettant qu’on leur enseignât l’art militaire. Or, la discipline militaire n’est pas la civilisation ; avec des renégats chrétiens pour officiers, les brutes du Coran peuvent apprendre à vaincre dans les règles les soldats chrétiens.
Le monde mahométan barbare a été au moment de subjuguer le monde chrétien barbare ; sans la vaillance de Charles Martel nous porterions aujourd’hui le turban : le monde mahométan discipliné pourrait mettre dans le même péril le monde chrétien discipliné. (nouvelle édition 1826). » Cf SAINT-FOIX (1698-1776) : « Abdérame, lieutenant du calife de Damas, après avoir conquis l'Espagne, franchit les Pyrénées, s'avança jusqu'à Tours à la tête de quatre cent mille Sarrasins. Charles-Martel, par son activité, sa prudence et sa valeur, remporta la victoire la plus complète sur cette formidable armée, le 22 juillet 732 ; à peine, disent la plupart des historiens, en échappa-t-il vingt-cinq mille. Si ce vaillant homme n'avait pas arrêté cet impétueux torrent, on verrait peut-être aujourd'hui autant de turbans en France qu'en Asie ; quelle obligation ne lui avons-nous donc point ! » Essais historiques sur Paris et sur les Français, 1754-1757.
Essai sur les révolutions, 1797, IIe partie, chapitre LV " Quelle sera la religion qui remplacera le christianisme ".

1811 : « L’esprit du mahométisme est la persécution et la conquête : l’Évangile au contraire ne prêche que la tolérance et la paix […] Où en serions-nous si nos pères n’eussent repoussé la force par la force ? Que l’on contemple la Grèce et l’on apprendra ce que devient un peuple sous le joug des Musulmans. Ceux qui s’applaudissent tant aujourd’hui du progrès des Lumières auraient-ils donc voulu voir régner parmi nous une religion qui a brûlé la bibliothèque d’Alexandrie, qui se fait un mérite de fouler aux pieds les hommes et de mépriser souverainement les lettres et les arts ? Les croisades, en affaiblissant les hordes mahométanes au centre même de l’Asie, nous ont empêchés de devenir la proie des Turcs et des Arabes. »
Itinéraire de Paris à Jérusalem.

1821 : Joseph de MAISTRE :
Les Soirées de Saint-Pétersbourg, dixième entretien.


1828 François-René de CHATEAUBRIAND (1768-1848) « Considérée sous le double rapport des intérêts généraux de la société et de nos intérêts particuliers, la guerre de la Russie contre la Porte [l'empire turc] ne doit nous donner aucun ombrage. En principe de grande civilisation, l'espèce humaine ne peut que gagner à la destruction de l'empire ottoman : mieux vaut mille fois pour les peuples la domination de la Croix à Constantinople que celle du Croissant. Tous les éléments de la morale et de la société politique sont au fond du christianisme, tous les germes de la destruction sociale sont dans la religion de Mahomet. On dit que le sultan actuel a fait des pas vers la civilisation : est-ce parce qu'il a essayé, à l'aide de quelques renégats français, de quelques officiers anglais et autrichiens, de soumettre ses hordes fanatiques à des exercices réguliers ? Et depuis quand l'apprentissage machinal des armes est-il la civilisation ? C'est une faute énorme, c'est presqu'un crime d'avoir initié les Turcs dans la science de notre tactique : il faut baptiser les soldats qu'on discipline, à moins qu'on ne veuille élever à dessein des destructeurs de la société.  »
Lettre à M. le comte de La Ferronnays, Rome, 30 novembre 1828, Mémoire, seconde partie.


1916 : Charles de FOUCAULD :

« Des musulmans peuvent-ils être vraiment français ? Exceptionnellement, oui. D'une manière générale, non. Plusieurs dogmes fondamentaux musulmans s'y opposent ; avec certains il y a des accommodements ; avec l'un, celui du « Medhi », il n'y en a pas : tout musulman, (je ne parle pas des libre-penseurs qui ont perdu la foi), croit qu'à l'approche du jugement dernier le Medhi surviendra, déclarera la guerre sainte, et établira l'islam par toute la terre, après avoir exterminé ou subjugué tous les non musulmans. Dans cette foi, le musulman regarde l'islam comme sa vraie patrie et les peuples non musulmans comme destinés à être tôt ou tard subjugués par lui musulman ou ses descendants ; s'il est soumis à une nation non musulmane, c'est une épreuve passagère ; sa foi l'assure qu'il en sortira et triomphera à son tour de ceux auxquels il est maintenant assujetti ; la sagesse l' engage à subir avec calme son épreuve; " l'oiseau pris au piège qui se débat perd ses plumes et se casse les ailes ; s'il se tient tranquille, il se trouve intact le jour de la libération ", disent-ils. » Lettre du Père Charles de Foucauld adressée le 29 juillet 1916 à René Bazin (1853-1932), de l'Académie française, président de la Corporation des publicistes chrétiens, parue dans le Bulletin du Bureau catholique de presse, n° 5, octobre 1917.


1964 Pape PAUL VI : " Le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui, professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour. " (Lumen Gentium, 16, Concile Vatican II, 1964).


1965 DÉCLARATION SUR LES RELATIONS DE L'ÉGLISE AVEC LES RELIGIONS NON CHRÉTIENNES, "NOSTRA AETATE", 28 octobre 1965 :

« 3. La religion musulmane

L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre [Saint Grégoire VII, Épître III, 21 ad Anzir (El-Nâsir), regem Mauritaniae, éd. E. Caspar in mgh, Ep. sel. II, 1920, I, p. 288, 11-15 ; Migne éd.,  Patrologia Latina 148, colonne 451 A], qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa Mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement, où Dieu rétribuera tous les hommes après les avoir ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne. »


1979 Pape Jean-Paul II

" Musulmans et Chrétiens, nous sommes dépositaires d’inestimables trésors spirituels, parmi lesquels nous reconnaissons des éléments qui nous sont communs, même vécus selon nos propres traditions : l’adoration du Dieu miséricordieux, la référence au patriarche Abraham, la prière, l’aumône, le jeûne… éléments qui, vécus d’une manière sincère, peuvent transformer la vie et donner une base sûre à la dignité et à la fraternité des hommes. Reconnaître et développer cette communauté spirituelle – à travers le dialogue interreligieux – nous aide aussi à promouvoir et à défendre dans la société les valeurs morales, la paix et la liberté (cf. Jean-Paul II, Discours à la communauté catholique d’Ankara, 29 novembre 1979). "
2014-11-29 Radio Vatican

1987 Jacques ELLUL
Ce que je crois, Paris : Grasset, 1987


1999 : Pape Jean-Paul II :
" 1. En approfondissant le thème du dialogue interreligieux, nous réfléchissons aujourd'hui sur le dialogue avec les musulmans, qui « adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux » (Lumen Gentium, n. 16; cf. CEC; n. 841). L'Église les considère avec estime, convaincue que leur foi en Dieu transcendant concourt à la construction d'une nouvelle famille humaine, fondée sur les plus hautes aspirations du cœur de l'homme.
Les musulmans eux-aussi, comme les juifs et les chrétiens, considèrent la figure d'Abraham comme un modèle de soumission inconditionnée aux décrets de Dieu (Nostra Aetate, n. 3). A l'exemple d'Abraham, les fidèles s'efforcent de reconnaître dans leur vie la place qui revient à Dieu, origine, maître, guide et fin ultime de tous les êtres (Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, Message aux musulmans pour la fin du Ramadan, 1417/1497). Cette disponibilité et ouverture humaine à la volonté de Dieu se traduit par une attitude de prière, qui exprime la situation existentielle de chaque personne devant le Créateur. 
Dans le sillage de la soumission d'Abraham à la volonté divine se trouve sa descendante, la Vierge Marie, Mère de Jésus qui, en particulier dans la piété populaire, est également invoquée avec dévotion par les musulmans. " (Audience générale, 5 mai 1999, " Le dialogue avec l'Islam " ).


2013 : Pape François : " Nous chrétiens, nous devrions accueillir avec affection et respect les immigrés de l’Islam qui arrivent dans nos pays, de la même manière que nous espérons et nous demandons être accueillis et respectés dans les pays de tradition islamique. Je prie et implore humblement ces pays pour qu’ils donnent la liberté aux chrétiens de célébrer leur culte et de vivre leur foi, prenant en compte la liberté dont les croyants de l’Islam jouissent dans les pays occidentaux ! Face aux épisodes de fondamentalisme violent qui nous inquiètent, l’affection envers les vrais croyants de l’Islam doit nous porter à éviter d’odieuses généralisations, parce que le véritable Islam et une adéquate interprétation du Coran s’opposent à toute violence. " (Evangelii Gaudium, § 253)


2016 Rémi BRAGUE

Rémi Brague, Le Figaro, 20 juillet 2016


Pour répondre à l'objection : " Dans la Bible aussi il y a de la violence ".

Dans quelques Psaumes (LVIII ; CVIII, 14 ; CIX ; etc.), l'auteur (le roi David) en appelle à Dieu pour qu'il punisse ses ennemis. Mais dans le Coran, c'est Dieu qui est supposé enjoindre directement aux musulmans d'être violents envers les mécréants. C'est complètement différent !

Quelques autres exemples de violence divine dans l'Ancien Testament :

NOMBRES XV, 35 Le Seigneur dit à Moïse : Cet homme [qui ramassait du bois le jour du sabbat] sera puni de mort, toute l'assemblée le lapidera hors du camp.
36 Toute l'assemblée le fit sortir du camp et le lapida, et il mourut, comme le Seigneur l'avait ordonné à Moïse. [35 Dixitque Dominus ad Moysen: “ Morte moriatur homo iste ; obruat eum lapidibus omnis turba extra castra ”. 
36 Cumque eduxissent eum foras, obruerunt lapidibus ; et mortuus est, sicut praeceperat Dominus.]
XVIII, 7 Toi [Aaron, grand prêtre], et tes fils avec toi, vous observerez les fonctions de votre sacerdoce pour tout ce qui concerne l'autel et pour ce qui est en dedans du voile: ce sera votre service. Je vous accorde en don l'exercice du sacerdoce. L'étranger qui approchera sera mis à mort. [7 Tu autem et filii tui custodite sacerdotium vestrum et omnia, quae ad cultum altaris pertinent et intra velum sunt, administrabitis. Ministerium do vobis sacerdotium in donum; si quis externus accesserit, occidetur.]

JOSUÉ VI-VIII : Massacres de Jéricho et d'Haï. Mais on ne trouve pas ce qu'avait cru y lire Michel Onfray : " la 'guerre sainte' selon l'expression terrifiante et hypermoderne du livre de Josué (VI,21)" (Traité d'athéologie, 4e partie, II, § 2 " L'invention juive de la guerre sainte ").
XI, 20 Car c'était l'intention du Seigneur qu'ils s'obstinassent à faire la guerre contre Israël, afin qu'Israël les dévouât par interdit, sans qu'il y eût pour eux de miséricorde, et qu'il les détruisît, comme le Seigneur l'avait ordonné à Moïse. [20 Domini enim sententia fuerat, ut indurarentur corda eorum, et pugnarent contra Israel et caderent et non mererentur ullam clementiam ac perirent, sicut praeceperat Dominus Moysi.]

I SAMUEL XV, 3 : " Va maintenant, et frappe Amalek, et vous détruirez entièrement tout ce qui est à lui, et tu ne l’épargneras pas, mais tu feras mourir les hommes et les femmes, les enfants et ceux qui tètent, les bœufs et les moutons, les chameaux et les ânes. " [3 Nunc igitur vade et demolire Amalec et percute anathemate universa eius; non parcas ei, sed interfice a viro usque ad mulierem et parvulum atque lactantem, bovem et ovem, camelum et asinum.]

II CHRONIQUES, XV, 13 Et quiconque ne chercherait pas le Seigneur, le Dieu d'Israël, devait être mis à mort, petit ou grand, homme ou femme[13 si quis autem non quaesierit Dominum, Deum Israel, moriatur a minimo usque ad maximum, a viro usque ad mulierem.].

ÉZÉCHIEL, XXXIII, 13-16 (traduction Le Maistre de Saci) : 
13 Si après que j’aurai dit au juste qu’il vivra très-certainement, il met sa confiance dans sa propre justice, et commet l’iniquité ; toutes ses œuvres justes seront mises en oubli, et il mourra lui-même dans l’iniquité qu’il aura commise.
14 Si après que j’aurai dit à l’impie, Vous mourrez très-certainement ; il fait pénitence de son péché, et il agit selon la droiture et la justice ;
15 si cet impie rend le gage qu’on lui avait confié ; s’il restitue le bien qu’il avait ravi ; s’il marche dans la voie des commandements de la vie ; et s’il ne fait rien d’injuste, il vivra très-assurément, et ne mourra point.
16 Tous les péchés qu’il avait commis ne lui seront point imputés ; il a fait ce qui était droit et juste, et ainsi il vivra très-certainement.


Ces derniers passages semblent les seuls comparables aux dizaines de versets du Coran envisageant violence extrême envers les mécréants.

Quant aux Évangiles et aux Épîtres des chrétiens, s'ils contiennent quelques passages "énergiques" (le glaive, égorgez), difficile d'y trouver une incitation quelconque à la violence de masse :
« Je ne suis pas venu apporter la paix sur la Terre, mais le glaive. » (Matthieu, X, 34).
« Fais entrer les gens de force [compelle intrare], afin que ma maison se remplisse. » (Luc, XIV, 23).
« Quant à mes ennemis , ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux , amenez les ici , et égorgez-les tous devant moi ! [adducite huc et interficite ante me!» (Luc, XIX, 27)
Soulignons aussi l'énorme mauvaise foi de nombreuses personnes de gauche ou bobos écolos qui ressassent qu'il ne faut pas stigmatiser, ou que " Coran et Ancien testament " c'est pareil, tout en ignorant ce texte du Coran, et pire, en refusant de le lire ! (même des profs de philosophie sont capables de ça !)