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lundi 22 janvier 2024

INDEX NIETZSCHE (7/16) : LES JUIFS ET LE JUDAÏSME suivi de : Index Onfray




A /  Publications et Fragments posthumes jusqu'en 1881. 
B / Le nazisme et Nietzsche
C / Fragments posthumes 1882-1888, relevant de « La Volonté de puissance »
D / Michel Onfray (" Nietzschéen de gauche ")


Voir aussi les (trop ?) brèves (et un peu one sided) entrées " Antisémitisme " et " Judaïsme " dans le Dictionnaire Nietzsche, par Philippe Choulet.


A - Publications et Fragments posthumes jusqu'en 1881.

Fragments posthumes, 1874-1875,

U II 5a : début 1874 - printemps 1874 : 32[39] : Il [Richard Wagner] offensa les Juifs qui possèdent à présent en Allemagne la plus grande partie de l’argent et la presse. [Drittens beleidigte er die Juden, die jetzt in Deutschland das meiste Geld und die Presse besitzen.]

U II 8b, printemps-été 1875 : 5[166] : Sur la religion
IV Pas de religion de la vengeance et de la justice ! les Juifs, le peuple le plus mauvais. [IV Keine Religion der Rache und Gerechtigkeit! die Juden das schlechteste Volk.]

U II 5b, été 1876 : 17[20] : Que les Juifs soient le pire peuple de la Terre s'accorde bien au fait que c'est justement parmi les Juifs qu'est née la doctrine chrétienne de la peccabilité et abjection totale de l'Homme - et qu'ils l'ont ensuite rejetée. [Daß die Juden das schlechteste Volk der Erde sind, stimmt damit gut überein, daß gerade unter Juden die christliche Lehre von der gänzlichen Sündhaftigkeit und Verwerflichkeit des Menschen entstanden ist — und daß sie dieselbe von sich stießen. Cf Voltaire : « C’est à regret que je parle des Juifs: cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la Terre . Mais tout absurde et atroce qu’elle était, la secte des Saducéens fut paisible et honorée, quoiqu’elle ne crût point en l’immortalité de l’âme, pendant que les pharisiens la croyaient. » (Questions sur l’Encyclopédiearticle "Tolérance", section I].


Humain, trop humain I, 1878,

VIII " Coup d'œil sur l'État ", § 475. L'homme européen et la disparition des nations. : tout le problème des Juifs ne se présente qu'à l'intérieur des États nationaux, car c'est là que leur énergie et leur intelligence supérieures, ce capital d'esprit et de volonté longuement amassé de génération en génération, doivent en venir à un niveau de prépondérance qui provoque l'envie et la haine, de telle sorte que se répandent, dans presque toutes les nations actuelles — et d'autant plus qu'elles deviennent plus nationales — ces écrits grossiers qui entendent conduire les Juifs à l'abattoir, en bouc émissaire de toutes les difficultés dans les affaires publiques et intérieures. Dès lors qu'il ne s'agit plus du maintien des nations, mais de la production d'une race européenne mêlée et aussi forte que possible, le Juif en est un élément aussi utilisable et souhaitable que n'importe quel autre vestige national. Toute nation, tout être humain a des traits déplaisants, voire dangereux ; il est barbare d'exiger que le Juif fasse exception. Il se peut même que ces traits soient chez lui tout particulièrement dangereux et repoussants, et le jeune boursicotier juif est peut-être en somme la plus répugnante trouvaille du genre humain. Néanmoins, j'aimerais bien savoir jusqu'où, lors d'une explication générale, il ne faudra pas pousser l'indulgence envers un peuple qui, de tous, a eu l'histoire la plus douloureuse, non sans notre faute à tous [...] Ce furent les Juifs, libres penseurs, savants, médecins, qui, malgré la pire violence faite à leur personne, continuèrent à tenir l'étendard des Lumières et de l'indépendance d'esprit [...] grâce à eux, il n'y a pas eu de rupture dans l'anneau de culture qui nous relie maintenant aux Lumières de l'Antiquité gréco-romaine.


Aurore, 1881, 1887,

I, § 38. Les pulsions transformées par les jugements moraux. : Les Juifs ont ressenti la colère autrement que nous et l'ont déclarée sacrée : aussi l a sombre majesté humaine dont elle s'accompagnait s'est-elle vue placée chez eux à des hauteurs inconcevables pour un Européen : ils ont conçu leur Jéhovah furieux et sacré à l'image de leurs prophètes furieux et sacrés. Mesurés à leur échelle, les grands furieux parmi les Européens ne sont pour ainsi dire que des créatures de seconde main.

III, § 205. Du peuple d'Israël. : Parmi les spectacles auxquels nous convie le siècle prochain, il y a la décision sur le destin des Juifs européens [...] On a voulu les rendre méprisables en les traitant avec mépris pendant deux millénaires, en leur interdisant l'accès à tous les honneurs, à tout ce qu'il y a d'honorable, et en les repoussant au contraire d'autant plus bas dans les métiers les plus sordides - à dire vrai, ces procédés ne les ont pas rendus plus propres. Mais méprisables ? [...] Ils sont si assurés de leur souplesse intellectuelle et de leur astuce qu'ils n'ont jamais besoin, même dans la situation la plus difficile, de gagner leur pain par leur force physique, comme grossiers manœuvres, portefaix, esclaves agricoles. On voit encore à leurs manières que l'on n'a jamais mis de sentiments chevaleresques et aristocratiques dans leur âme, ni de belles armes à leur ceinture : une certaine importunité alterne avec une obséquiosité souvent tendre et presque toujours pénible. [...] Ils savent que l'Europe, comme un fruit bien mûr, devrait leur tomber dans les mains, qu'ils n'auront qu'à tendre.

IV, § 377 : Notre imagination se donne libre cours là où résident nos manques. Le principe fantaisiste " aimez vos ennemis ! " a dû être inventé par des Juifs les meilleurs haïsseurs qui furent jamais, et la plus belle glorification de la chasteté par des gens qui avaient passé leur jeunesse en d’abominables débauches.


Fragments posthumes, 1880-1881,

N V 1, début 1880 : ] : 1[73] : L'Europe a adopté la moralité juive et la tient pour meilleure, plus haute, mieux adaptée aux mœurs polies et aux connaissances de notre époque que les morales arabe, grecque, indoue, chinoise. [Europa hat die jüdische Moralität angenommen und hält diese für bessere, höhere, der gegenwärtigen Gesittung und Erkenntniß angemessenere als die arabische, griechische, indische, chinesische.]

M II 1, printemps 1880 : 3[56] : la manière des Juifs ; cela les rend importuns ; pour cela fort haïs . [109. Es ist die Art der Juden, ihre Chancen im Verhältniß zu Personen auszunützen, indem sie dicht an die Grenze derselben treten und es merken lassen, daß sie sich an der Grenze wissen. Dies macht sie zudringlich; wir alle wollen ja unnahbar sein und unbegrenzt erscheinen; die Juden wirken diesem phantastischen Unfaßbar-sein-wollen bei Einzelnen und bei Nationen entgegen und werden dafür sehr gehaßt.]
3[104] : Ce que les Romains détestaient chez les Juifs, ce n’était pas la race mais un type de superstition qui leur était suspect [169. Was die Römer an den Juden haßten, das war nicht die Rasse, sondern eine von ihnen beargwöhnte Art des Aberglaubens und namentlich die Energie dieses Glaubens.] [...] Crédat Judaeus Apella" (Horace) . [Horace, Satires, I, v, 100-101 : Apella le juif peut le croire, pas moi].

Mp XV 1a, été 1880 : 5[21] : L'homme peut supporter le mépris le plus épouvantable (comme les Juifs) pourvu qu'il éprouve par quelque biais un sentiment de (ainsi pour eux, l'argent). [Der Mensch kann die fürchterlichste Verachtung aushalten (wie die Juden), aber er muß das Gefühl der M<acht> irgendworin haben (so diese das Geld)]


N V 4, automne 1880 : 6[71] : réveil des bassesses de la persécution antijuive - voyez l'entraînement général à la haine.
6[214] : La lutte contre les Juifs a toujours été la marque d'une nature basse, envieuse et lâche ; mentalité passablement populacière. [Junge Mensc]hen, deren Leistungen ihrem Ehrgeize nicht gemäß sind, suchen sich einen Gegenstand zum Zerreißen aus Rache, meistens Personen, Stände, Rassen, welche nicht gut Wiedervergeltung üben können: die besseren Naturen machen direkten Krieg; auch die Sucht zu Duellen ist hierher gehörig. Das Bessere ist, wer einen Gegner wählt, der nicht unter seiner Kraft und der achtenswerth und stark ist. So ist der Kampf gegen die Juden immer ein Zeichen der schlechteren, neidischeren und feigeren Natur gewesen: und wer jetzt daran Theil nimmt, muß ein gutes Stück pöbelhafter Gesinnung in sich tragen.]


N V 5, hiver 1880-1881 : [6] : Tous pensent que les sentiments moraux actuels sont les sentiments moraux par excellence. Mais ce sont les sentiments juifs.

N V 7, automne 1881 : 12[116] : Chez les misojuifs (tel W[agner]) m’a frappé davantage l’affinité avec l’élément juif que la dissemblance — c’est une énorme jalousie. Les Allemands se partageraient à présent en Juifs et misojuifs. [An den eigentlichen Misojuden (wie W<agner>) ist mir eher die Verwandtschaft mit dem Jüdischen als die Unähnlichkeit aufgefallen — es ist eine ungeheure Eifersucht. Die Deutschen zerfielen jetzt in Juden und Misojuden, d.h. — — —]

M III 4a, automne 1881 : 15[66] : Dans l’ensemble la moralité de l’Europe est juive — une profonde étrangeté nous sépare encore maintenant des Grecs. [Jüdisch ist im Ganzen die Moralität Europas — eine tiefe Fremdheit trennt uns immer noch von den Griechen.]


Le Gai savoir, (1882),

III, § 136 : Le peuple élu : Les Juifs qui se sentent le peuple élu parmi les peuples, notamment parce qu'ils représentent le génie moral parmi les peuples (grâce à la capacité qu'ils ont eu de mépriser l'être humain plus profondément que ne le fit jamais aucun peuple) - les Juifs éprouvent, au contact de leur saint et divin monarque, une jouissance semblable à celle de la noblesse française au contact de Louis XIV.

III, § 140 : Trop juif.  Si Dieu voulait devenir un objet de l’amour, il aurait dû se départir d’abord du rôle de juge et de la justice : — un juge et même un juge clément n’est pas objet de l’amour. Le fondateur du christianisme n’avait pas de sens assez subtil pour cela, — en tant que Juif.


V, § 348 : S'il est une chose à laquelle un Juif soit le moins habitué, c'est qu'on le croie - il n'est que de considérer sous ce rapport les savants juifs - eux tous misent extraordinairement sur la logique [...] ils savent qu'ils vaincront par la logique, même là ou la répugnance raciale et sociale fait qu'on ne les croit pas volontiers. De fait, rien n'est plus démocratique que la logique : elle ne connaît pas de considération de personne et tient aussi les nez crochus pour des nez droits. [...] Partout où les Juifs sont parvenus à l'influence, ils ont enseigné à distinguer avec plus de subtilité, à conclure avec plus de rigueur, à écrire plus clairement et plus nettement : leur rôle fut toujours d'amener un peuple "à la raison".

V, § 357 : tous les Juifs deviennent douceâtres quand ils moralisent.

V, § 361 Du problème du comédien. : Les Juifs, ce peuple de l'art de l'adaptation par excellence. [...] Le Juif en tant que littérateur-né, en tant que dominateur de fait de la presse européenne exerce sa puissance en vertu de ses capacités de comédien : car le littérateur est essentiellement comédien.
 


Par-delà Bien et Mal, 1886,

V, " Contribution à l'histoire naturelle de la morale ", § 195 : Les Juifs - peuple "né pour l'esclavage", comme dit Tacite (1) et avec lui toute l'Antiquité, peuple "élu parmi les nations", comme ils le disent et le croient eux-mêmes [...] leurs prophètes ont fondu en une seule notion celles de "riche", "sans Dieu", "méchant", "violent", "sensuel" et pour la première fois ont donné un sens infamant au mot "monde" [...] importance du peuple juif : avec lui commence dans la morale la révolte des esclaves.

1. Tacite [vers 55  /  vers 118], Histoire, V, 5 : les pratiques des Juifs sont ineptes et misérables ; haine hostile à l’égard de tous les autres. V, 8 : les Juifs étaient le peuple le plus méprisé par les Assyriens, les Mèdes et les Perses ; le roi Antioche [Antiochus IV, vers -215/-163] s’efforça de détruire la superstition nationale et d’introduire la civilisation  grecque.
Montesquieu : " Il n'y avait pas de peuple si vil dans l'esprit des Romains que les Juifs. Tous les ouvrages sont pleins de l'ignominie dont ils les couvraient. C'est, cependant, un homme de cette nation_là qu'on leur proposa à adorer ; ce sont des Juifs qui l'annoncent, et des Juifs qui se donnent pour témoins. " (Mes Pensées, X, ii).



Par-delà Bien et Mal, 1886,

VIII " Peuples et patries ", § 250 : Ce que l'Europe doit aux Juifs ? Beaucoup de choses, bonnes et mauvaises [...] le grand style dans la morale, l'horreur et la majesté des exigences infinies, des significations infinies, tout le romantisme sublime des problèmes moraux.

Nous qui assistons en artistes et en philosophes à ce spectacle [le ciel de la civilisation européenne, son ciel vespéral], nous en sommes — reconnaissants aux Juifs.


VIII, § 251 : Je n'ai pas encore rencontré un seul Allemand favorable aux Juifs ; si radicalement que les esprits prudents et les têtes politiques condamnent l'antisémitisme proprement dit, cette prudence et cette politique ne répudient pas cette sorte de sentiment, mais seulement sa dangereuse démesure […] Pas un Juif de plus ! […] tel est le vœu instinctif d’une nation dont le type ethnique est encore faible et indécis et qui craint qu’une race plus forte ne vienne l’effacer ou l’éteindre. Or les Juifs constituent sans aucun doute la race la plus forte, la plus résistante et la plus pure qui existe actuellement en Europe [...] Un penseur qui prend à cœur l'avenir de l'Europe devra tenir compte dans ses plans aussi bien de Juifs que des Russes, qui désormais sont probablement les deux facteurs les plus certains des grands jeu et combat des forces. [...]

« Pour le moment, ce qu'ils veulent et souhaitent, et même avec une certaine insistance, c'est d'être absorbés par l'Europe, ils brûlent de se fixer enfin quelque part, d'y être acceptés et considérés, de mettre un terme à leur nomadisme de "Juifs errants" — ; on ferait bien de prendre conscience et de tenir compte d'une telle aspiration (où s'exprime peut-être déjà une certaine atténuation des instincts judaïques) ; c'est pourquoi il serait peut-être utile et juste d'expulser du pays les braillards antisémites. Bien accueillir avec précaution, en opérant un choix, un peu comme procède la noblesse anglaise. [...] ce qui me tient à cœur, le "problème européen" tel que je l'entends, la sélection d'une caste nouvelle dominatrice de l' Europe. —  » [Einstweilen wollen und wünschen sie vielmehr, sogar mit einiger Zudringlichkeit, in Europa, von Europa ein- und aufgesaugt zu werden, sie dürsten darnach, endlich irgendwo fest, erlaubt, geachtet zu sein und dem Nomadenleben, dem „ewigen Juden“ ein Ziel zu setzen — ; und man sollte diesen Zug und Drang (der vielleicht selbst schon eine Milderung der jüdischen Instinkte ausdrückt) wohl beachten und ihm entgegenkommen: wozu es vielleicht nützlich und billig wäre, die antisemitischen Schreihälse des Landes zu verweisen. Mit aller Vorsicht entgegenkommen, mit Auswahl; ungefähr so wie der englische Adel es thut. [...] denn ich rühre bereits an meinen Ernst, an das „europäische Problem“, wie ich es verstehe, an die Züchtung einer neuen über Europa regierenden Kaste. —]

Lettre à sa sœur Elisabeth du 7 février 1886, Nietzsche s'y présente comme « un incorrigible Européen et anti-antisémite [den unverbesserlichen Europäer und Anti-Antisemiten] ».


Lettre à Theodor Fritsch, 23 mars 1887 :
Die Juden sind mir, objektiv geredet, interessanter als die Deutschen ".


Généalogie de la morale, 1887, [Zur Genealogie der Moral]
I "« Bon et méchant », « Bon et mauvais »
§ 7 : Tout ce qui a été entrepris sur Terre contre les « nobles », les « puissants », les « maîtres », les « détenteurs du pouvoir » n’est rien en comparaison de ce que les Juifs ont fait contre eux : les Juifs, ce peuple sacerdotal qui ne put en définitive avoir raison de ses ennemis et de ses vainqueurs que par une radicale invalidation de leurs valeurs, donc par un acte d'une vengeance la plus spirituelle.

Ce sont les Juifs qui, avec une effrayante logique, osèrent retourner l’équation des valeurs aristocratiques.

Avec les Juifs avait commencé la révolte des esclaves dans la morale

I, § 9 : tout s’enjuive ou se christianise ou s’encanaille à vue d’œil (qu’importe les mots).

I, § 16 : Le symbole de cette lutte [entre les deux valeurs opposées « Bon et méchant », « Bon et mauvais »], écrit d'une écriture qui est restée lisible tout le long de l'histoire de l'humanité, c'est « Rome contre la Judée, la Judée contre Rome » : — jusqu'à nos jours, il n'y a pas eu d'événement plus grandiose que cette lutte, ce point d'interrogation, cette opposition à mort. Rome sentait dans le Juif quelque chose comme la contre-nature elle-même, en quelque sorte le monstre qui lui était diamétralement opposé ; à Rome on considérait le Juif comme " convaincu de haine contre tout le genre humain " [cf Tacite, Annales, XV, 44) : à bon droit, dans la mesure où on a le droit de lier le salut et l'avenir du genre humain à la suprématie absolue des valeurs aristocratiques, des valeurs romaines. Quels étaient en retour les sentiments des Juifs vis-à-vis de Rome ? On le devine à mille signes ; mais il suffit de se remettre en mémoire l'Apocalypse de saint Jean, c'est-à-dire le témoignage écrit de la plus sauvage explosion que l'esprit vindicatif ait sur la conscience. [...] Les Romains étaient les forts et les nobles, au point qu'il n'y eu jamais, qu'on a même jamais pu rêver plus fort et plus noble au monde jusqu'ici ; tout vestige qui nous vient d'eux, toute inscription ravit, pourvu que l'on devine ce que c'est qui est écrit là. Les Juifs étaient au contraire ce peuple sacerdotal du ressentiment par excellence, doué d’un génie sans pareil pour la morale populaire : il suffit de comparer avec les Juifs des peuples aux dons analogues, par exemple les Chinois ou les Allemands, pour discerner ce qui est de premier et ce qui est de cinquième ordre. Qui a provisoirement vaincu, Rome ou la Judée ? Il n'y a pas l'ombre d'un doute : considérez seulement devant qui l'on se prosterne aujourd'hui, à Rome même, comme devant la quintessence de toutes les valeurs suprêmes — et pas seulement à Rome, mais presque sur la moitié de la Terre, partout où l'homme est devenu docile ou veut devenir docile — [Die Juden umgekehrt waren jenes priesterliche Volk des Ressentiment par excellence, dem eine volksthümlich-moralische Genialität sonder Gleichen innewohnte: man vergleiche nur die verwandt-begabten Völker, etwa die Chinesen oder die Deutschen, mit den Juden, um nachzufühlen, was ersten und was fünften Ranges ist. Wer von ihnen einstweilen gesiegt hat, Rom oder Judäa? Aber es ist ja gar kein Zweifel: man erwäge doch, vor wem man sich heute in Rom selber als vor dem Inbegriff aller höchsten Werthe beugt — und nicht nur in Rom, sondern fast auf der halben Erde, überall wo nur der Mensch zahm geworden ist oder zahm werden will, — vor drei Juden, wie man weiss, und Einer Jüdin (vor Jesus von Nazareth, dem Fischer Petrus, dem Teppichwirker Paulus und der Mutter des anfangs genannten Jesus, genannt Maria). Dies ist sehr merkwürdig: Rom ist ohne allen Zweifel unterlegen.]

La Judée triomphe une fois de plus de l'idéal classique avec la Révolution française : la dernière noblesse politique de l'Europe, celle du XVIIe et du XVIIIe siècle français, s'écroule sous la poussée des instincts populaires du ressentiment. [In einem sogar entscheidenderen und tieferen Sinne als damals kam Judäa noch einmal mit der französischen Revolution zum Siege über das klassische Ideal: die letzte politische Vornehmheit, die es in Europa gab, die des siebzehnten und achtzehnten französischen Jahrhunderts brach unter den volksthümlichen Ressentiments-Instinkten zusammen].

II " La " faute ", la " mauvaise conscience " "
§ 11 : " C'est aujourd'hui chez les anarchistes et les antisémites que cette plante [le ressentiment] fleurit le mieux, ainsi qu'elle a toujours fleuri d'ailleurs, dans l'ombre, comme la violette, mais son odeur est différente. "

III " Que signifient les idéaux ascétiques ? "
§ 14 : " Dühring, le plus grand braillard de la morale qui existe aujourd'hui, même parmi ses pareils, les antisémites). Ce sont tous des hommes du ressentiment, ces hommes physiologiquement disgraciés et tarés "

Le Crépuscule des Idoles, 1889 [1888]

Le problème de Socrate, § 6 : La dialectique [...] ne peut être qu'une défense de fortune aux mains de ceux qui n'ont pas d'autres armes. A moins d'avoir à conquérir son droit de haute lutte, on n'y a pas recours. C'est pour cela que les Juifs furent dialecticiens.



L'Antéchrist, 1894,

§ 24 : Les Juifs sont le peuple le plus étonnant de l'Histoire mondiale parce que, placés devant la question de l'être et du non-être, en pleine et inquiétante conscience, ils ont choisi l'être à tout prix : ce prix fut la falsification radicale de toute nature, de tout naturel, de toute réalité, tant dans le monde intérieur que dans le monde extérieur.

Les Juifs sont le peuple le plus fatal de l'humanité : à travers les séquelles de leur influence, ils ont rendu l'homme si faux qu'aujourd'hui, un chrétien peut éprouver des sentiments antijuifs sans comprendre qu'il n'est que l'ultime conséquence du judaïsme.

Le peuple juif est un peuple d’une force vitale prodigieusement résistante, qui, placé dans des conditions impossibles, volontairement et par une profonde habileté à survivre, prend le parti des instincts de décadence – non parce qu’il est dominé par ces instincts, mais parce qu’il a deviné en eux une puissance grâce à laquelle on peut s’imposer contre "le monde".

Pour l’espèce d’hommes qui, dans le judaïsme et le christianisme, vise au pouvoir [Macht], et qui est l’espèce sacerdotale, la décadence n’est qu’un moyen.

§ 25 : L'histoire d'Israël est inestimable en tant qu'histoire de la dénaturation des valeurs naturelles.

§ 26 : L'idée de Dieu faussée ; l'idée morale faussée - le clergé juif ne s'en tint pas là [...] avec un mépris sans bornes pour toute tradition, pour toute réalité historique, ils ont réinterprété dans un sens religieux tout leur propre passé national, c'est-à-dire qu'ils en on fait une stupide mécanique de salut.

§ 44 : Dans le christianisme, conçu comme l'art de mentir pieusement, c'est tout le judaïsme, toute une préparation rigoureuse, toute une pratique juive plusieurs fois séculaire, qui atteint à l'ultime maîtrise. Le chrétien, cette ultima ratio du mensonge, c'est encore une fois le Juif, encore trois fois le Juif.

Des petits super-Juifs ont retourné les valeurs en fonction d’eux-mêmes.

§ 46 : Comme fréquentations [zum Umgang], nous choisirions les " Premiers chrétiens " tout aussi peu que des juifs polonais : sans même qu'il soit besoin de leur faire le moindre reproche ... Ni les uns ni les autres ne sentent bons. [...] Ai-je encore à dire que dans tout le Nouveau Testament apparaît une unique Figure digne d'être honorée? C'est Pilate, le procurateur romain. Prendre au sérieux une querelle de Juifs - il ne s'y résoudra pas. Un Juif de plus ou de moins - quelle importance ?

§ 47 : Nommer "Dieu" sa propre volonté, thora, voilà qui est typiquement juif.


Nietzsche contre Wagner Dossier d'un psychologue

Comment je me suis affranchi de Wagner, § 1 : « Depuis que Wagner était en Allemagne, il s’abaissait peu à peu à tout ce que je méprise – et même à l’antisémitisme. »


B / Le nazisme et Nietzsche

Pour des hommes de la génération de Me Maurice Brun, avocat honoraire, ancien député (1973-1978) et adhérent fidèle du Cercle Condorcet de Montluçon, le nom de Nietzsche est associé au nazisme. Ce serait plus justifié avec Fichte, antisémite et nationaliste, - et Hegel, précurseur de Marx pour un aspect de son œuvre.

Le livre La Volonté de puissance fut concocté par sa sœur Élisabeth (publication :1901-1906-1911).

Nietzsche était hostile aux nationalistes allemands et aux antisémites (se disait choqué par les " écrits qui entendent mener les Juifs à l'abattoir ").

Pour la science, pour l'instruction. Hitler au contraire : " L'instruction scientifique viendra en dernier lieu. "

Pas anti-homosexuel. Ses passages sur ce sujet.

Parle de guerre - mais c'est une guerre de l'esprit.

Anti-religieux, donc anti-judaïsme, notamment sur les questions morales.

Rêve d'eugénisme : élimination ou extinction des " ratés ".

Le nom de Nietzsche n'apparaît pas dans Mein Kampf. Celui de Schopenhauer deux fois ; il y a un buste de Schopenhauer dans la bibliothèque du Berghof (résidence secondaire d'Hitler dans les Alpes bavaroises).
« L'œuvre de Nietzsche est brutalement interrompue par la démence au début de 1889. Sa sœur Elisabeth se fit gardienne autoritaire de l'œuvre et de la mémoire. Elle fit publier un certain nombre de notes posthumes. Les critiques lui reprochent moins peut-être des falsifications (les seules qui soient manifestes concernent les lettres) que des déformations : elle a cautionné l'image d'un Nietzsche antisémite et précurseur du nazisme — l'anti-Nietzsche par excellence. » (Gilles Deleuze, Michel Foucault, " Introduction générale ", in Le Gai Savoir, Paris : Gallimard, 1967).

Je tombe sur ces lignes ahurissantes de Roger Laporte (1925-2001) : " [...] dans la mesure où tout penseur est responsable de ce qu'il écrit et publie, il [Nietzsche] ne peut être tenu pour quitte d'une complicité involontaire avec le nazisme, complicité, à tout prendre, peut-être plus grave que celle de Heidegger. " (dans Les Philosophes 2 De Hume à Sartre, Paris: Hachette, 1985 ; collection Le Livre de poche - biblio essais 4236).

Timothy W. RybackHitler's Private Library [La bibliothèque privée d'Hitler],  2008 : chapitre 4, " Le philosophe égaré ". (photo Herman Seidl).
J'y trouve :
Hitler à la cinéaste Leni Riefenstahl : " Je ne peux pas tirer grand chose de Nietzsche. C'est un artiste plus qu'un philosophe, il n'a pas la compréhension limpide de Schopenhauer. Naturellement, j'apprécie le génie de Nietzsche. Il écrit sans doute le plus beau langage que la littérature puisse offrir aujourd'hui, mais ce n'est pas mon guide. " (Memoiren 1902-1945, 1990).


 

Enfin, la valorisation des " esprits libres " s'accorde mal avec les totalitarismes.

Pierre-André Taguieff : « La position anti-antisémite de Nietzsche est tout le contraire d’un héritage intellectuel et moral. Elle a suscité une double rupture dont le philosophe a payé le prix : avec les milieux wagnériens et avec son milieu familial, en particulier avec sa sœur Elisabeth. Cette prise de position publique contre l’antisémitisme a été le produit d’une réflexion exigeante sur la « question juive », telle qu’elle était posée en son temps, ainsi que d’un travail sur soi témoignant d’un rare courage et d’une probité intellectuelle peu commune. L’évolution de Nietzsche vaut pour preuve que nul n’est voué à ressasser les préjugés de son enfance, ni à rester fidèle à des convictions devenues intolérables. C’est à cela qu’on reconnaît les libres esprits. »
Nietzsche contre l’antisémitisme (2019).


C / Fragments posthumes 1882-1888 relevant de
« La Volonté de puissance »
(les éditions et traductions sous ce titre sont
incomplètes et de très mauvaise qualité)


« L'œuvre de Nietzsche est brutalement interrompue par la démence au début de 1889. Sa sœur Elisabeth se fit gardienne autoritaire de l'œuvre et de la mémoire. Elle fit publier un certain nombre de notes posthumes. Les critiques lui reprochent moins peut-être des falsifications (les seules qui soient manifestes concernent les lettres) que des déformations : elle a cautionné l'image d'un Nietzsche antisémite et précurseur du nazisme — l'anti-Nietzsche par excellence. » (Gilles Deleuze, Michel Foucault, Introduction générale, in Le Gai Savoir, Paris : Gallimard, 1967).

Voir dans le Dictionnaire Nietzsche l'entrée " Nazisme ", cc. 633b-639b, par Fabrice de Salies.

N. B. Le nom de Friedrich Nietzsche ne paraît pas dans les deux tomes du Mein Kampf d'Adolf Hitler. Celui d’Arthur Schopenhauer deux fois (Volume I, chapitres x et xi).


1882
N V 9a, juillet-août 1882 : [23] : sur le fait que la race sémite appartienne à la race indo-européenne, je suis d'accord avec G.I. Ascoli et E. Renan.


M III 4b, printemps-été 1883 : [12] : les juifs, pervertis par leur captivité en Égypte.


W I 1, printemps 1884 : 25[218] : Valeur de l'antisémitisme [Néologisme allemand forgé en 1879 par le journaliste socialiste Wilhem Marr], pour pousser les Juifs à se donner de plus hauts buts et à trouver trop bas d'être absorbés dans des États nationaux.

25[221] : Lorsque le Christianisme sera détruit, alors seulement on sera plus équitable envers les Juifs.

25[234] : En Europe les Juifs sont la race la plus ancienne et la plus pure. C'est pourquoi la beauté de la Juive est la plus haute.

25[282] : Imitation – comme talent du Juif.

25[441] : servilité chez les Juifs d’aujourd’hui, aussi chez les ALLEMANDS.

25[462] : L'Européen comme une super-race. De même le Juif : c'est finalement une espèce dominatrice, bien que très différente des simples anciennes races dominantes qui n'avaient pas modifié leur environnement.

W I 2, été-automne 1884 : [335] : " Compénétration des deux races, allemande et slave - nous avons besoin aussi des hommes d'argent les plus habiles, les Juifs, absolument, pour avoir domination sur la Terre. " [Ein In-einander-wachsen der deutschen und der slavischen Rasse, — auch bedürfen wir der geschicktesten Geldmenschen, der Juden, unbedingt, um die Herrschaft auf der Erde zu haben.]

Z II 5b, automne 1884 : [2] : tous les Chrétiens se livrent à des trafics de Juifs.


N VII 1, avril-juin 1885 : [90] la désensualisation dérivee des juifs

[111] : Les Allemands devraient élever une caste dominante : j'admets que les Juifs possèdent des capacités qui sont indispensables comme ingrédients chez une race qui doit faire une politique mondiale. Le sens de l'argent exige d'être appris, hérité et mille fois hérité : à présent encore les Juifs en bénéficient au même titre que les Américains.

W I 3a, mai-juillet 1885 : [76] : " Aristocratie de l'esprit " est un mot de passe pour les Juifs.

W I 4, juin-juillet 1885 : [42] : Si l'on ne tenait compte que de leur intelligence, de leur zèle et de leur habileté, les Juifs prussiens seraient déjà en possession des plus hautes situations dans l'État, particulièrement dans le domaine administratif : bref, ils auraient "le pouvoir" entre les mains (comme ils l'ont déjà - au dire de divers témoignages - "dans la poche"). Ce qui les en exclut, c'est leur incapacité à être les représentants du pouvoir. [...] les Juifs n’ont jamais été une race de chevaliers. […] Cet étiolement du Juif tient à un climat inapproprié et au voisinage de Slaves, de Hongrois et d'Allemands laids et soumis : parmi des Portugais et des Arabes, la race supérieure des Juifs est préservée.
[43] : Les dangers de l'âme juive sont : 1) elle cherche volontiers à s'implanter partout en parasite 2 ) elle sait "s'adapter" [...] l'habitude de dépenser beaucoup d'intelligence et d'entêtement pour de très petits profits a marqué son caractère d'une trace profonde : au point que même les grands commerçants les plus estimables sur le marché de la finance juive ne peuvent s'empêcher, lorsque les circonstances le permettent, de tendre la main, de sang-froid, pour de mesquins et petits profits supplémentaires qu'un financier prussien ne réaliserait qu'en rougissant de honte.
[45] : C. Problème d'une fusion de l'aristocratie européenne ou plus encore de la noblesse prussienne avec des Juives.
[47] : Les dangers de l'âme juive : parasitisme et théâtralité.

Le Juif ne « représente » pas.

W I 5, août-septembre 1885 : [13] : impératif qui commande l'instinct allemand et qui ordonne : "plus de nouveaux Juifs ! Et que la porte de l'Est soit soit tenue fermée!" [...] laideur effrayante et méprisable de Juifs nouvellement émigrés de Pologne, de Russie, de Hongrie et de Galicie.

N VII 3, été 1886 - automne 1887 : 5[5] : le type d’homme qui, dans l’Europe actuelle, reçoit bien avant les autres l’intellectualité en don héréditaire.

W II 1, automne 1887 : [50] : Rien de moins innocent que le Nouveau Testament. On sait sur quel sol il a crû. […] Ce peuple-là manipule la pia fraus [pieux mensonge] à la perfection.

Dès que des Juifs se produisent en tant que l’innocence même, il y a grave danger : l’on doit toujours tenir en réserve son petit fond de raison, de méfiance, de malice quand on lit le Nouveau Testament.

[53] : les Juifs ont frôlé le génie dans la sphère de l'art avec H. Heine et avec Offenbach

[88] : Pilate, l’unique personnage honnête, son dédain pour ce bavardage judaïque sur la « vérité », comme si semblable peuple avait le droit de prendre part à la discussion quand il s’agit de vérité.

[109] : NB. Donner aux Juifs le courage de qualités nouvelles, alors qu'ils sont passés dans de nouvelles conditions d'existence.


W II 2, automne 1887 : [62] : cacher son envie à l'égard de l'intelligence mercantile des Juifs sous des formules de moralité, voilà qui est antisémite, vulgaire, lourdement canaille.

[72] : astuce juive des premiers chrétiens

[199] : l' "instinct d'élu" juif : ils revendiquent sans autre forme de procès toutes les vertus pour eux-mêmes, et comptent pour leur contraire le reste du monde : signe profond de la vulgarité d'âme.

[200] : Morale du désintéressement [...] le Juif s'y trahit en ce sens qu'en fin de compte elle est représentée comme profitable ...

toujours le saint égoïsme juif à l’arrière-plan du sacrifice et de l’abnégation de soi.

[201] : Platon contaminé de bigoterie juive.


W II 3, novembre 1887 - mars 1888 : 11[384] : le christianisme est infiltré pa la judaïne [Die erste Entartung des Christenthums ist der Einschlag des Judain, — eine Rückbildung in überwundene Formen…]


W II 5, printemps 1888 : [182] : Esprit : le propre des races tardives (Juifs, Français, Chinois). Les antisémites ne pardonnent pas aux Juifs le fait que les Juifs ont de l'"esprit" - et de l'argent : l'antisémitisme, une appellation pour les "mal partagés".

L’instinct du grand financier va contre tout extrême – et c’est pourquoi les Juifs sont pour l’instant la puissance la plus conservatrice.

S’ils ont besoin et envie d’exercer un pouvoir par et sur le parti révolutionnaire également, ce n’est qu’une conséquence de ce qui précède.

Ils savent devenir puissants partout où il y a puissance.

[223] : Les Juifs font la tentative de s'imposer après avoir perdu deux castes, celle des guerriers et celle des agriculteurs.

Mp XVII 5, juillet-août 1888 : [3] : Les tchandala ont pris le dessus : à commencer par les Juifs. Les Juifs sont, dans une Europe incertaine, la race la plus forte ; car, par la durée de leur évolution, ils sont supérieurs au reste. Leur organisation suppose un devenir plus riche, une carrière plus périlleuse, un nombre plus élevé de degrés gravis, que n'en peuvent revendiquer tous les autres peuples. Mais c'est presque la formule de la supériorité. — Une race, comme tout autre formation organique, ne peut que croître, ou bien périr ; l'état stationnaire n'existe pas. Une race qui n'a pas dépéri est une race qui n'a cessé de croître. [...] — Les Juifs sont intelligents au sens le plus absolu : rencontrer un Juif peut être une bénédiction. Par ailleurs, on n'est pas impunément intelligent : par cela même on a facilement les autres contre soi. Mais l'avantage reste quand même aux intelligents. — Leur intelligence empêche les Juifs d'être absurdes à notre manière : par exemple nationalistes. [...] Ils sont même maintenant un antidote contre cette dernière maladie de la raison européenne. — Les Juifs seuls ont dans l'Europe moderne touché à la forme suprême de l'intellectualité : c'est la bouffonnerie géniale. Avec Offenbach, avec Heinrich Heine, la culture européenne devient culture au carré ; il n'est point encore à la portée des autres races d'avoir de l'esprit à ce point. Cela touche à Aristophane, à Pétrone, à Hafiz. — C'est sans doute Paris qui représente aujourd'hui la culture la plus ancienne et la plus tardive de l'Europe ; l'esprit de Paris est sa quintessence.

N VII 4, automne 1888 : 21[6] : Ah, quelle bénédiction est un Juif parmi du bétail allemand !... C'est ce qu'ont sous-estimé messieurs les antisémites. Qu'est-ce qui distingue au fond un Juif d'un antisémite? Le Juif sait qu'il ment quand il ment : l'antisémite ne sait pas qu'il ment toujours —

21[7] Les antisémites ont un but qui est manifeste jusqu'à l'indécence : — l'argent juif. [...]
Définition de l'antisémite : envie, ressentiment, rage, impuissante comme leitmotiv de l'instinct, la prétention de l'élu : la plus parfaite manière moralisante de se mentir à soi-même — celle qui n'a à la bouche que la vertu et tous les grands mots. Et ce trait typique : ils ne remarquent même pas à qui ils ressemblent à s'y méprendre ? Un antisémite est un Juif envieux — c'est-à-dire le plus stupide de tous...

W II 9c, octobre-novembre 1888 : [1] : 3 : entre 1876 et 1886, j'ai dû à des Juifs ou à des Juives presque tous mes moments agréables dans les hasards des rencontres. Les Allemands sous-estiment quel bienfait représente la rencontre d'un Juif, - on n'a plus de raison d'avoir honte, on peut même être intelligent.
6 : Même en faveur des antisémites, envers qui, comme on sait, je suis aussi mal disposé que possible, je saurais faire valoir bien des traits positifs, d'après une expérience non négligeable : cela n'empêche pas, cela détermine plutôt, que je mène une guerre impitoyable à l'antisémitisme - il est une des aberrations les plus maladives de l'autocontemplation hébétée et bien peu justifiée du Reich allemand ...



D - MICHEL ONFRAY SUR LES JUIFS



Traité d'athéologie - Physique de la métaphysique, Paris : Grasset, 2005. Réédité dans la collection Le Livre de Poche, n° 30637, en octobre 2006.

« (II) Monothéismes, i, 3 La kyrielle des interdits. […] Les Évangiles n'interdisent ni le vin ni le porc, ni aucun aliments, pas plus qu'ils n'obligent à porter des vêtements particuliers. L'appartenance à la communauté chrétienne suppose l'adhésion au message évangélique, pas aux détails de prescription maniaque. […] Juifs et musulmans obligent à penser Dieu dans chaque seconde de la vie quotidienne. »

(IV) Théocratie, I, 3 : "Le mythe du peuple élu fonde l'essence et l'existence d'une Nation désormais dotée d'un destin."

I, 4.: "L'État d'Israël s'appuie sur la Torah pour justifier la colonisation de la Palestine [...] Les juifs sont le peuple élu (Deut. VII, 6), choisi par Dieu, contre tous les autres, malgré tous les autres [...] Yahvé justifie le massacre de tout ce qui vit, hommes et bêtes, femmes et enfants, les vieillards, les ânes, les bœufs, le menu bétail dit le texte, tout doit être passé au fil de l'épée (Jos. VI, 21 [Et interfecerunt omnia, quae erant in ea, a viro usque ad mulierem, ab infante usque ad senem; boves quoque et oves et asinos in ore gladii percusserunt.]). La conquête du pays de Canaan, la prise de Jéricho se paient du prix de toute vie. La ville est incendiée. L'or et l'argent échappent à la vindicte et sont consacrés à Yahvé, pour sa grandeur, ses largesse et sa complicité dans ce qu'il convient bien de nommer le premier génocide : l'extermination d'un peuple. [...] Yahvé parle à son peuple élu et n'a aucune considération pour les autres. La Torah invente l'inégalité éthique, ontologique et métaphysique des races.".

II, 2 : "L'invention juive de la guerre sainte. [...] Peu importe ces Cananéens, Dieu a décidé de leur extermination : « je les exterminerai » dit-il (Ex. XXIII, 23 [Praecedet enim te angelus meus et introducet te ad Amorraeum et Hetthaeum et Pherezaeum Chananaeumque et Hevaeum et Iebusaeum, quos ego conteram.]) [...] Aux Palestiniens, il promet la destruction totale - la guerre sainte selon l'expression terrifiante et hypermoderne [1] du livre de Josué (VI, 21)."
1. Expression qui n'est pas dans le texte...

II, 10 : Amour du prochain, suite ... [...] Le Lévitique, par exemple, prend soin de préciser qu'un Juif évitera d'utiliser l'un des siens comme esclave (XXV, 39-55). Un contrat de louage, oui, qui se termine au bout de six années et permet au juif domestique de recouvrer sa liberté. En revanche, un non-juif peut demeurer dans l'état serf jusqu'à sa mort." 


 

mercredi 4 octobre 2023

INDEX NIETZSCHE (6/16) : LA CONNAISSANCE, LES SCIENCES suivi de LES MATHÉMATIQUES



Voir, dans le Dictionnaire Nietzsche, les excellentes entrées
" Connaissance ", cc. 150b-156b, par Scarlett Marton 
" Science ", cc. 812b-816a, par Philippe Choulet 


La vision dionysiaque du monde, 1870 [publié en 1928]

§ 3 : « Le manque de connaissance de l'homme sur lui-même est le problème de Sophocle, le manque de connaissance de l'homme sur les dieux, celui d'Eschyle. » [Der Mangel an Erkenntniß im Menschen über sich ist das sophokleische Problem, der Mangel an Erkenntniß im Menschen über die Götter das äschyleische.]


Cinq préfaces à cinq livres qui n'ont pas été écrits, 1872, [Fünf Vorreden zu fünf ungeschriebenen Büchern]
1 "Sur le Pathos de la vérité" : L'art est plus puissant que la connaissance, car il veut la vie, tandis que le but ultime qu'atteint la connaissance n'est que  l'anéantissement.  [Die Kunst ist mächtiger als die Erkenntniß, denn sie will das Leben, und jene erreicht als letztes Ziel nur — die Vernichtung. —]


La naissance de la tragédie, 1872,

§ 7 : " La connaissance tue l’action, car l’action exige que l’on se drape dans l’illusion  c’est la leçon d’Hamlet. [Die Erkenntniss tödtet das Handeln, zum Handeln gehört das Umschleiertsein durch die Illusion — das ist die Hamletlehre]


Fragments posthumes, 1872-1873,

P I 20b, été 1872 - début 1873 : 19[133] : " La nature ne connaît pas de figure, pas de grandeur, c'est seulement pour un [sujet] connaissant que les choses apparaissent grandes ou petites. " [Die Natur kennt keine Gestalt, keine Größe, sondern nur für ein Erkennendes treten die Dinge so groß und so klein auf.]


La philosophie à l’époque tragique des Grecs, [avril 1873 - 1875], 1896,
Selon Enrico Müller, cet écrit repose dans sa plus grande partie sur un cours donné par Nietzsche en été 1872 à Bâle. Voir l'entrée " Philosophie à l'époque tragique des Grecs " dans le Dictionnaire Nietzsche, cc. 705a-710a.
§ 3 : Thèse selon laquelle l'eau serait l'origine et la matrice de toutes choses. Est-il vraiment nécessaire de s'y arrêter et de la prendre au sérieux ? [dem Satze, daß das Wasser der Ursprung und der Mutterschooß aller Dinge sei: ist es wirklich nöthig, hierbei stille zu stehen und ernst zu werden?][...] pour trois raisons :
 - cet énoncé traite de l'origine des choses [der Satz etwas vom Ursprung der Dinge aussagt]
 - il le fait sans image ni fabulation [
er dies ohne Bild und Fabelei thut und vom Wasser redet]
 - il contient la pensée que tout est un [alles ist eins]
La troisième raison fait de Thalès [de Milet (Turquie actuelle), -Ve siècle] le premier philosophe grec.
En tant que mathématicien et astronome, Thalès s'était fermé à tout ce qui est mystique ou allégorique.
" S'il [Thalès] a, en l'occurrence, bien utilisé la science et employé des vérités démontrables pour les dépasser aussitôt, c'est précisément là un trait typique de l'esprit philosophique. " [Wenn er dabei die Wissenschaft und das Beweisbare zwar benutzte, aber bald übersprang, so ist dies ebenfalls ein typisches Merkmal des philosophischen Kopfes.
" Une acuité dans l'activité de discernement et de connaissance, une grande capacité de distinction constituent donc, suivant la conscience du peuple, l'art propre au philosophe. [ein scharfes Herausmerken und -erkennen, ein bedeutendes Unterscheiden macht also, nach dem Bewußtsein des Volkes, die eigenthümliche Kunst des Philosophen aus.]
[...]
En choisissant et en distinguant ce qui est extraordinaire, étonnant, difficile, divin, la philosophie se définit par rapport à la science, de même qu'elle se définit par rapport à l'habileté en préférant l'inutile. La science se précipite sans faire de tels choix, sans une telle délicatesse, sur tout ce qui est connaissable, aveuglée par le désir de tout connaître à n'importe quel prix. La pensée philosophique est au contraire toujours sur les traces des choses les plus dignes d'être connues. " [Durch dieses Auswählen und Ausscheiden des Ungewöhnlichen Erstaunlichen Schwierigen Göttlichen grenzt sich die Philosophie gegen die Wissenschaft eben so ab, wie sie durch das Hervorheben des Unnützen sich gegen die Klugheit abgrenzt. Die Wissenschaft stürzt sich, ohne solches Auswählen, ohne solchen Feingeschmack, auf alles Wißbare, in der blinden Begierde, alles um jeden Preis erkennen zu wollen; das philosophische Denken dagegen ist immer auf der Fährte der wissenswürdigsten Dinge, der großen und wichtigen Erkenntnisse.]


Vérité et mensonge au sens extra-moral, 1873,

§ 2 : " La journée de veille d’un peuple stimulé par le mythe, comme par exemple les Grecs anciens, est en fait, par le miracle continu tel que le conçoit le mythe, plus semblable au rêve qu’à la journée du penseur dégrisé par la science. " [Der wache Tag eines mythisch erregten Volkes, etwa der älteren Griechen, ist durch das fortwährend wirkende Wunder, wie es der Mythus annimmt, in der That dem Traume ähnlicher als dem Tag des wissenschaftlich ernüchterten Denkers.]


Fragments posthumes, 1872-1873,

U I 4bn été 1872 - début 1873 : 21[13] : " Là où l'être humain cesse de connaître, il commence à croire. Il jette sa confiance morale sur ce point, espérant être payé de retour : le chien nous regarde avec des yeux pleins de confiance et veut que nous lui fassions confiance.
La connaissance n'a pas autant d'importance pour le bien-être de l'être humain que la foi. Même lorsque quelqu'un découvre une vérité, p. ex. une vérité mathématique, sa joie est le fruit de la confiance absolue qu'il a de pouvoir construire là-dessus. Quand on a la foi, on peut se passer de la vérité. " [Wo der Mensch zu erkennen aufhört, fängt er zu glauben an. Er wirft sein moralisches Zutrauen auf diesen Punkt und hofft nun mit gleichem Maße bezahlt zu werden: der Hund blickt uns mit zutraulichen Augen an und will daß wir ihm trauen.
Das Erkennen hat für das Wohl des Menschen nicht so viel Bedeutung wie das Glauben. Selbst bei dem Finder einer Wahrheit z.B. einer mathematischen ist die Freude das Produkt seines unbedingten Vertrauens, er kann darauf bauen. Wenn man den Glauben hat, so kann man die Wahrheit entbehren.]

P I 20b, été 1872 - début 1873 : 19[11] : La pulsion de connaissance sans discernement vaut la pulsion sexuelle indifférente – signes de vulgarité ! [Der Erkenntnißtrieb ohne Auswahl steht gleich dem wahllosen Geschlechtstrieb — Zeichen der Gemeinheit!]
19[22] : la pulsion de connaissance sélective rend à la beauté sa puissance.
19[24] : Il ne s’agit pas d’une destruction de la science, mais d’une domination. Elle dépend en effet totalement dans tous ses buts et méthodes de conceptions philosophiques, mais elle l’oublie facilement. La philosophie qui domine doit penser le problème de savoir jusqu’où la science doit se développer : elle doit fixer la valeur
19[41] : la culture d’un peuple se manifeste dans le domptage uniforme imposé aux pulsions de ce peuple : la philosophie dompte la pulsion de connaissance. 
19[75] : La pensée philosophique peut être décelée au cœur de toute pensée scientifique ; même dans la conjecture. [Das philosophische Denken ist mitten in allem wissenschaftlichen Denken zu spüren: selbst bei der Conjektur.]
19[76] : Il n’y a pas de philosophie en aparte, coupée de la science : on pense pareillement ici et là.
[136] : Toutes les sciences ne reposent que sur le fondement général du philosophe.
[141] : Tout savoir se constitue par séparation, démarcation, limitation ; pas de savoir absolu d’un tout !
[156] : " La proposition : il n’y a pas de connaissance sans être connaissant, ou pas de sujet sans objet et pas d’objet sans sujet [Schopenhauer, Le Monde …, « Suppléments », II, xix], cette proposition est parfaitement vraie, mais extrêmement triviale. " [C’est cela que Sartre prit pour une découverte de Husserl]. 
[172] : " C'est dans le philosophe que la connaissance et la culture se rejoignent. "
[182] : " L’humanité a dans la connaissance un beau moyen de sa ruine. " [Die Menschheit hat an der Erkenntniß ein schönes Mittel zum Untergang.]
[235] : " Toutes les lois de la nature ne sont que des relations d’un x à un y et un z. Nous définissons les lois de la nature comme la relation à un xyz, où chaque terme, à son tour, ne nous est connu que comme relations à d'autres xyz. "
[236] : la connaissance n’a que la forme de la tautologie. Tout progrès de la connaissance consiste à identifier le non-identique.


De l'utilité et des inconvénients de l'histoire pour la vie, 1874,

Préface : « " Je hais tout ce qui ne fait que m'instruire, sans augmenter ou stimuler directement mon activité. " [Goethe à Schiller, 19 décembre 1798] Ce sont ces mots de Goethe qui, comme un vigoureux Ceterum censeo [Caton l'Ancien, Ceterum censeo Carthaginem esse delendam], pourrait ouvrir notre considération sur la valeur et la non-valeur des études historiques. »



Humain, trop humain Un livre pour esprits libres, 1878,

I " Des principes et des fins ", § 6. L'esprit de la science puissant dans le détail, non dans le tout. : 
Antagonisme entre les domaines scientifiques particuliers et la philosophie. Cette dernière veut la même chose que l'art, donner le plus de profondeur et de sens possible à la vie et à l'action ; dans les premiers [les domaines scientifiques particuliers], on cherche la connaissance et rien de plus, — quoi qu'il put en sortir. Jusqu'à présent, il n'y a pas encore eu de philosophe entre les mains de qui la philosophie n'ait pas tourné à quelque apologie de la connaissance. [Hier ist der Antagonismus zwischen den wissenschaftlichen Einzelgebieten und der Philosophie. Letztere will, was die Kunst will, dem Leben und Handeln möglichste Tiefe und Bedeutung geben; in ersteren sucht man Erkenntniss und Nichts weiter, — was dabei auch herauskomme. Es hat bis jetzt noch keinen Philosophen gegeben, unter dessen Händen die Philosophie nicht zu einer Apologie der Erkenntniss geworden wäre; in diesem Puncte wenigstens ist ein jeder Optimist, dass dieser die höchste Nützlichkeit zugesprochen werden müsse. Sie alle werden von der Logik tyrannisirt: und diese ist ihrem Wesen nach Optimismus.]

II " Pour servir à l'histoire des sentiments moraux ",
§ 38. Utile, mais dans quelle mesure ?
§ 68. Moralité et succès. : les sciences en plein essor se sont ralliées point par point à la philosophie d’Épicure, mais ont point par point réfuté le christianisme. [Wie es mit der grösseren Wahrheit steht, ist daraus zu ersehen, dass die erwachenden Wissenschaften Punct um Punct an Epikur’s Philosophie angeknüpft, das Christenthum aber Punct um Punct zurückgewiesen haben.]

III " La vie religieuse ",
 § 110. La vérité dans la religion. : il n’existe ni parenté, ni amitié, ni même hostilité entre la religion et la science effective : elles vivent sur des astres différents. Toute philosophie qui laisse une queue de comète religieuse s'allumer dans l'obscurité de ses pespectives ultimes donne à suspecter toute la part d'elle-même qu'elle présente comme science : tout cela aussi, on s'en doute, est de la religion, quoique sous la pompe de la science. [In der That besteht zwischen der Religion und der wirklichen Wissenschaft nicht Verwandtschaft, noch Freundschaft, noch selbst Feindschaft: sie leben auf verschiedenen Sternen. Jede Philosophie, welche einen religiösen Kometenschweif in die Dunkelheit ihrer letzten Aussichten hinaus erglänzen lässt, macht Alles an sich verdächtig, was sie als Wissenschaft vorträgt: es ist diess Alles vermuthlich ebenfalls Religion, wenngleich unter dem Aufputz der Wissenschaft. —]
§ 128 : la science moderne a pour but aussi peu de douleur que possible, une vie aussi longue que possible

IV " De l'âme des artistes et écrivains ", § 222 : l’homme scientifique prend la suite de l’homme artistique.

V " Caractères de haute et basse civilisation ", § 251 : L’avenir de la science. La science donne beaucoup de satisfaction à celui qui y consacre son travail et ses recherches, mais fort peu à celui qui en apprend les résultats.
Suspicion sur la métaphysique, la religion et l'art qui consolent.
§ 252 Le plaisir de la connaissance.
§ 271 L'art de raisonner. : « Le plus grand progrès qu'aient fait les êtres humains consiste en ce qu'ils ont appris à raisonner correctement. Ce n'est pas là chose aussi naturelle que le suppose Schopenhauer (1) lorsqu'il dit : " Tous sont capables de raisonner, fort peu de juger. " [Ethik, 114], mais chose apprise tard et encore loin d'avoir établi son autorité . Aux temps anciens, le raisonnement faux est la règle : et les mythologies de tous les peuples, leur magie et leur superstition, leur culte religieux, leur droit, sont des mines inépuisables de preuves de cette proposition. » [Die Kunst, zu schliessen. — Der grösste Fortschritt, den die Menschen gemacht haben, liegt darin, dass sie richtig schliessen lernen. Das ist gar nicht so etwas Natürliches, wie Schopenhauer annimmt, wenn er sagt: „zu schliessen sind Alle, zu urtheilen Wenige fähig“, sondern ist spät erlernt und jetzt noch nicht zur Herrschaft gelangt. Das falsche Schliessen ist in älteren Zeiten die Regel: und die Mythologien aller Völker, ihre Magie und ihr Aberglaube, ihr religiöser Cultus, ihr Recht sind die unerschöpflichen Beweis-Fundstätten für diesen Satz.]
1. Cf Diderot : « Celui qui osera prononcer dans une question qui excède la capacité de son talent naturel, aura l’esprit faux. Rien n’est si rare que la logique : une infinité d’hommes en manquent. » (Réfutation de l’ouvrage d’Helvétius intitulé L’Homme, IV).

IX " L'homme seul avec lui-même ", § 554. Demi-savoir. Celui qui parle une langue étrangère à peu près en jouit davantage que celui qui la parle bien. Le plaisir est pour le demi-savant. [Der, welcher eine fremde Sprache wenig spricht, hat mehr Freude daran, als Der, welcher sie gut spricht. Das Vergnügen ist bei den Halbwissenden.]
§ 630 : l’homme à convictions n’est pas l’homme de la pensée scientifique.
§ 631 : l'esprit scientifique doit progressivement mûrir chez l'homme cette vertu d'abstention prudente 
§ 635 : " Les méthodes scientifiques sont un aboutissement de la recherche au moins aussi important que n’importe quel autre de ses résultats ; car c’est sur la compréhension de la méthode que repose l’esprit scientifique. " [Im Ganzen sind die wissenschaftlichen Methoden mindestens ein ebenso wichtiges Ergebniss der Forschung als irgend ein sonstiges Resultat: denn auf der Einsicht in die Methode beruht der wissenschaftliche Geist]



Fragments posthumes, 1876-1879,

Mp XIV 1b, fin 1876 – été 1877 : 23[13] : " La science est la mort de toutes les religions, peut-être aussi un jour celle des arts. " [Die Wissenschaft ist der Tod aller Religionen, vielleicht einmal auch der Künste.]
23[17] : " Les personnes qui n’ont pas de formation scientifique ne font que bavarder quand elles parlent de sujets sérieux et difficiles, et elles le font avec présomption. Socrate a raison. " [Menschen, die keine wissenschaftliche Cultur haben, schwatzen, wenn sie über ernste und schwere Gegenstände reden und thun es mit Anmaaßung. Sokrates behält recht.]
23[144] : " Il est dans la nature des esprits non scientifiques de préférer n'importe quelle explication d'une chose à l'absence d'explication ; s'abstenir, ils ne veulent pas y penser. " [Es ist nach Art der unwissenschaftlichen Menschen, irgend eine Erklärung einer Sache keiner vorzuziehn, sie wollen von der Enthaltung nichts wissen.]

Mp XIV 2a, automne 1878 : 36[2] : Une chouette de plus pour Athènes. — Que la science et le sentiment national sont des contraires, on le sait, même s'il se fait que des faux-monnayeurs politiques nient à l'occasion cette vérité : et enfin ! viendra aussi le jour où l'on comprendra que toute civilisation élevée ne peut aujourd'hui s'entourer encore de barrières nationales qu'à son propre détriment. Il n'en fut pas toujours ainsi : mais la roue a tourné et continue à tourner. [Noch eine Eule nach Athen. — Daß Wissenschaft und Nationalgefühl Widersprüche sind, weiß man, mögen auch politische Falschmünzer gelegentlich dies Wissen verleugnen: und endlich! wird auch der Tag kommen, wo man begreift, daßalle höhere Cultur nur zu ihrem Schaden sich jetzt noch mit nationalen Zaunpfählen umstecken kann. Es war nicht immer so: aber das Rad hat sich gedreht und dreht sich fort.

N I 3c, 1878 - juillet 1879 : [5] : « Les Thraces font la transition vers la science les premiers : Démocrite [d'Abdère] Protagoras [d'Abdère] Thucydide. »


Opinions et sentences mêlées [Hth II], 1879,

§ 98 : à un être purement connaissant, la connaissance serait indifférente. [für ein rein erkennendes Wesen wäre die Erkenntniss gleichgültig.]

§ 205. Air vif. : " Le meilleur et le plus sain dans la science comme dans la montagne est l'air vif qui souffle en elles. — Les esprits douillets (comme les artistes) redoutent et dénigrent la science à cause de cet air-là. " [Das Beste und Gesündeste in der Wissenschaft wie im Gebirge ist die scharfe Luft, die in ihnen weht. — Die Geistig-Weichlichen (wie die Künstler) scheuen und verlästern dieser Luft halber die Wissenschaft.]

§ 215 : La morale des savants.
" Un progrès rapide et régulier des sciences n'est possible que si l'individu n'est pas obligé d'être trop méfiant, de vérifier un à un les calculs et les assertions des autres dans des domaines qui ne lui sont pas familiers ; mais la condition en est que chacun ait dans sa propre sphère des concurrents extrêmement méfiants, et qui le surveillent de très près. C'est cette coexistence de 'pas trop méfiant' et de 'extrêmement méfiant' qui engendre la probité dans la République des savants. " [Moral der Gelehrten. — Ein regelmässiger und schneller Fortschritt der Wissenschaften ist nur möglich, wenn der Einzelne nicht zu misstrauischsein muss, um jede Rechnung und Behauptung Anderer nachzuprüfen, auf Gebieten, die ihm ferner liegen: dazu aber ist die Bedingung, dass Jeder auf seinem eigenen Felde Mitbewerber hat, die äusserst misstrauisch sind und ihm scharf auf die Finger sehen. Aus diesem Nebeneinander von „nicht zu misstrauisch“ und „äusserst misstrauisch“ entsteht die Rechtschaffenheit in der Gelehrten-Republik.]
§ 221 : Grecs d'exception.
« Que l'on rende dignement hommage à la grandeur de ces Grecs d'exception qui créèrent la science. Raconter leur histoire, c'est raconter l'histoire la plus héroïque de l'esprit humain. » [würdige man die Grösse jener Ausnahme-Griechen, welche die Wissenschaft schufen! Wer von ihnen erzählt, erzählt die heldenhafteste Geschichte des menschlichen Geistes!]
§ 318 : Du gouvernement des savants.
« Aucune puissance du monde n'est actuellement assez forte pour réaliser le bien, – à moins que la croyance à l'utilité supérieure de la science et des savants ne finisse par paraître évidente même aux plus rebelles et qu'ils ne la préfèrent à la foi dans le nombre, aujourd'hui régnante. Dans l'esprit de cet avenir, que notre mot d'ordre soit : " Plus de respect pour les savants ! Et à bas tous les partis ! " » [keine Macht der Welt ist jetzt stark genug, das Bessere zu verwirklichen, — es sei denn, dass der Glaube an die höchste Nützlichkeit der Wissenschaft und der Wissenden endlich auch dem Böswilligsten einleuchte und dem jetzt herrschenden Glauben an die Zahl vorgezogen werde. Im Sinne dieser Zukunft sei unsere Losung: „Mehr Ehrfurcht vor dem Wissenden! Und nieder mit allen Parteien!“]


Fragments posthumes, 1880,

M II 1 3[9], printemps 1880 : « Platon [République IX, 580d] et Aristote [Métaphysique I, i, 980b] ont raison de considérer les joies de la connaissance comme le bien le plus désirable, – à supposer qu’ils veuillent exprimer là une expérience personnelle et non générale : car pour la plupart des gens, les joies de la connaissance comptent parmi les plus faibles et se situent bien au dessous des joies de la table. » 

N V 3, été 1880 : [290] : Je sais si peu de choses des résultats de la science. Et pourtant ce peu me semble déjà inépuisablement riche pour éclairer l’obscur et pour la mise à l’écart des façons primitives de penser et d’agir.
[295] : les sciences représentent la moralité supérieure par rapport aux déchiffreurs d’énigmes et constructeurs de systèmes.

N V 4, automne 1880 : [3] : l’histoire de la science montre la victoire des pulsions nobles : il circule beaucoup de moralité dans la praxis  de la science.



Aurore  Réflexions sur les préjugés moraux, 1881,

I, § 6 : la science nous oblige à abandonner la croyance en des causalités simples
§ 48 : « Connais-toi toi-même », c’est toute la science. Ce n’est qu’au terme de la connaissance de toutes choses que l’être humain se connaîtra. Car les choses ne sont que les frontières de l’être humain. [« Erkenne dich selbst »  ist die ganze Wissenschaft. — Erst am Ende der Erkenntniss aller Dinge wird der Mensch sich selber erkannt haben. Denn die Dinge sind nur die Gränzen des Menschen.]

III, § 195 : nous avons besoin avant tout d’un savoir mathématique et mécanique […] ce martyre qu’est l’histoire des sciences dures.

V, § 424. Pour qui la vérité existe. : la vérité n’est faite que pour les âmes puissantes et ingénues […] les autres cherchent des remèdes à leur mal […] De là le peu de plaisir que ces gens prennent à la science

§ 429. La nouvelle passion. : nous préférons tous la destruction de l’humanité à la régression de la connaissance !

§ 432. Chercheurs et expérimentateurs. : Aucune méthode scientifique n’est la seule à pouvoir donner accès à la connaissance !


Fragments posthumes, 1881,

M III 1, printemps-automne 1881 : [80] : La connaissance vaut en tant que : 1) elle réfute la « connaissance absolue » 2) elle découvre le monde objectif et dénombrable des successions nécessaires.
[124] : Certaines impulsions, par exemple l’impulsion sexuelle, sont susceptibles d’un grand affinement, d’une haute sublimation par l’intellect (amour de l’humanité, vénération de Marie et des saints, enthousiasme, exaltation artistiques ; Platon entend que l’amour de la connaissance et de la philosophie serait une impulsion sexuelle sublimée) dans le même temps continue à s’exercer son ancienne action immédiate.
[132] : La raison ! Sans la connaissance, elle est quelque chose d’absolument insensé, même chez les plus grands philosophes !
[162] : Il nous faut aimer et cultiver l’erreur, c’est le sein maternel de la connaissance.

M III 4a, automne 1881 : [26] : Passion de la connaissance laquelle justement veut reconnaître la connaissance et du même coup celui qui en est passionné !


Le Gai Savoir [la gaya scienza], 1882, 1887,

II, § 107 : ultime reconnaissance envers la science

III, § 112 : Il suffit de considérer la science comme une humanisation relativement fidèle des choses
III, § 246 : la mathématique n’est que le moyen de l’universelle et dernière connaissance de l’humain.

IV " SANCTUS JANUARIUS ", § 293 : sévérité de la science ; atmosphère claire, transparente, tonifiante, virile
§ 300 : préludes de la science : magie, alchimie, astrologie
§ 319 : En interprètes de nos expériences vécues. " Nous autres, assoiffés de raison, nous voulons scruter nos vécus avec autant de rigueur qu’une recherche scientifique, heure par heure, jour par jour ! Nous voulons être nous-mêmes nos propres cobayes d’expérimentation et de recherche.
IV, § 333 : Ce qui s'appelle connaître. [Was heisst erkennen] — Non ridere, non lugere, neque destestari, sed intelligere ! dit Spinoza [Citation approximative : Éthique, III, Préface : Nam ad illos revertere volo, qui hominum Affectûs et actiones detestari, vel ridere malunt, quàm intelligere].

IV, § 335. Vive la physique ! : " Vive la physique ! Et davantage encore ce qui nous y contraint — notre probité ! ". Cf D'Alembert, " Ce n'a été qu'avec beaucoup de peine que les Écoles ont enfin osé admettre une Physique qu'elles s'imaginaient être contraire à celle de Moïse. ". " Discours préliminaire... ", Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné..., tome I, 1751.

V, 1887, § 344. En quoi nous aussi sommes encore pieux. : Dans la science les convictions [Ueberzeugungen] n’ont pas droit de cité […] ce n’est que lorsqu’elles se décident à s’abaisser modestement au niveau d’une hypothèse, à adopter le point de vue provisoire d’un essai expérimental, d’une fiction régulatrice, que l’on peut leur accorder l’accès et même une certaine valeur à l’intérieur du domaine de la connaissance – avec cette restriction toutefois, de rester sous la surveillance policière de la méfiance – […] Reste à savoir s’il ne faudrait pas, pour que pareille discipline [de l’esprit scientifique] pût s’instaurer, qu’il y eût déjà conviction […] la science elle aussi se fonde sur une croyance, il n’est point de science « sans présupposition ». […] [Wille zur Wahrheit] : Pourquoi ne pas tromper ? Mais pourquoi ne pas se laisser tromper ? […] [Erkenntnisss] – la croyance à la science ne saurait avoir pris son origine dans un calcul d’utilité, elle est née en dépit du fait que l’inutilité et la dangerosité [Gefährlichkeit] de la « volonté de vérité », de la « vérité à tout prix » sont constamment démontrés. […]
C’est toujours une  croyance métaphysique sur quoi repose notre croyance en la science.
§ 355. L'origine de notre concept de " connaissance ". " Notre besoin de connaître n'est-il justement pas ce besoin de bien connu, la volonté de découvrir dans tout ce qui est étranger, inhabituel, problématique, quelque chose qui ne nous inquiète plus ? Ne serait-ce pas l'instinct de peur qui nous ordonne de connaître ?  "


Fragment posthume, 1885-1886,

W I 8, automne 1885 - automne 1886 : " Connaître", c'est un rapporter à : par essence un regressus in infinitum. " [„Erkennen“ ist ein Zurückbeziehn: seinem Wesen nach ein regressus in infinitum.]


Essai d'autocritique, 1886 (août),

§ 1 : " La science elle-même, notre science, — oui, envisagée comme symptôme de vie, que signifie, au fond, toute science ? Quel but, pis encore quelle origine de toute science ? [die Wissenschaft selbst, unsere Wissenschaft — ja, was bedeutet überhaupt, als Symptom des Lebens angesehn, alle Wissenschaft? Wozu, schlimmer noch, woher — alle Wissenschaft? Wie? Ist Wissenschaftlichkeit vielleicht nur eine Furcht und Ausflucht vor dem Pessimismus? Eine feine Nothwehr gegen — die Wahrheit? Und, moralisch geredet, etwas wie Feig- und Falschheit? Unmoralisch geredet, eine Schlauheit? Oh Sokrates, Sokrates, war das vielleicht dein Geheimniss? Oh geheimnissvoller Ironiker, war dies vielleicht deine — Ironie? ——]

§ 2 : " voir la science sous l'optique de l'artiste et l'art sous celle de la vie... [die Wissenschaft unter der Optik des Künstlers zu sehn, die Kunst aber unter der des Lebens….]

Par-delà bien et mal, 1886 (septembre),

VI, « Nous, les savants », § 204 : la déclaration d’indépendance de l’homme de science, son affranchissement de la philosophie, est une conséquence indirecte de la pensée démocratique et de ses prétentions
VII, " Nos vertus ", § 229 : l’homme de connaissance, lorsqu’il contraint son esprit à connaître contre sa pente naturelle, et bien souvent aussi contre les vœux de son cœur –, en l’obligeant à nier là où il voudrait approuver, aimer, adorer, – se comporte comme un artiste de la cruauté raffinée ; le simple fait d’étudier un sujet sérieusement et à fond est une violence volontaire contre la tendance foncière [Grundwillen] de l’esprit qui se dirige inlassablement vers l’apparence et la superficie : dans toute volonté de connaître il entre déjà une goutte de cruauté.
§ 230 : C’est cette aspiration à l’apparence, à la simplification, au masque, au manteau, bref à la surface  car toute surface est un manteau  que contrecarre la tendance sublime à la connaissance, laquelle va et veut aller à la racine et à la complexité des choses ; il y a là une cruauté de la conscience intellectuelle et du goût que tout penseur courageux reconnaîtra en soi. […] Replonger l’homme dans la nature ; faire justice de nombreuses interprétations vaniteuses, aberrantes et sentimentales qu’on a griffonnées sur cet éternel texte primitif de l’homme naturel ; vouloir que l’homme se tienne désormais en face de l’homme comme, aujourd’hui déjà, dans la discipline de l’esprit scientifique, il se tient en face de l’autre nature. [Diesem Willen zum Schein, zur Vereinfachung, zur Maske, zum Mantel, kurz zur Oberfläche — denn jede Oberfläche ist ein Mantel — wirkt jener sublime Hang des Erkennenden entgegen, der die Dinge tief, vielfach, gründlich nimmt und nehmen will [...] Den Menschen nämlich zurückübersetzen in die Natur; über die vielen eitlen und schwärmerischen Deutungen und Nebensinne Herr werden, welche bisher über jenen ewigen Grundtext homo natura gekritzelt und gemalt wurden; machen, dass der Mensch fürderhin vor dem Menschen steht, wie er heute schon, hart geworden in der Zucht der Wissenschaft, vor der anderen Natur steht]


Généalogie de la morale, 1887,
III, § 23 : Lorsqu’aujourd’hui la science n’est pas la manifestation la plus récente de l’idéal ascétique […], elle est une couverture pour le mécontentement, le manque de foi [Unglauben], le remords, la despectio sui, la mauvaise conscience.

Crépuscule des Idoles, [1888]
« Maximes et traits », § 5 : Il est bien des choses que je veux, une fois pour toutes, ne point savoir. La sagesse fixe des limites même à la connaissance.

L’Antéchrist,
§ 12 : le prêtre, qu’a-t-il à faire de la science ?
§ 13 : les découvertes les plus précieuses, ce sont les méthodes
§ 59 : « la probité de la connaissance était déjà là il y a plus de deux mille ans ».
Loi contre le christianisme : être chrétien est d’autant plus criminel qu’on se rapproche le plus de la science

Ecce Homo,
Avant-propos, § 3 : chaque pas en avant dans la connaissance est la conséquence de la probité [Sauberkeit] envers soi.


Fragments posthumes, 1884-1888,

W I 1, printemps 1884 : [192] : la « cause première », comme la « cause en soi », n’est pas une énigme, mais une contradiction.

NVII 1, avril-juin 1885 : 34[244] : NB. « Connaître » est la manière de nous faire sentir que nous savons déjà quelque chose : donc le combat d'un sentiment de quelque chose de nouveau et la transformation de l’apparemment neuf en quelque chose d’ancien. [NB. „Erkennen“ ist der Weg, um es uns zum Gefühl zu bringen, daß wir bereits etwas wissen: also die Bekämpf]ung eines Gefühls von etwas Neuem und Verwandlung des anscheinend Neuen in etwas Altes.]
34[246] : Nous ne voulons pas du tout "connaître", mais ne pas être perturbés dans la croyance que nous savons déjà. [Wir wollen gar nicht „erkennen“, sondern nicht im Glauben gestört werden, daß wir bereits wissen.]

W I 4, juin-juillet 1885 : [23] : la « Connaissance » : une échelle qui permet de comparer des erreurs plus anciennes et des erreurs plus récentes.

W I 8, automne 1885 – automne 1886 : Connaître signifie : « entrer en relation conditionnelle avec quelque chose »

Mp XVII 3b, fin 1886 – printemps 1887 : 7[4] : toute connaissance humaine est soit expérience, soit mathématique

Mp XVII 3b, fin 1886 – printemps 1887 : 7[15] : Constater ce qui est, comme il est, paraît être quelque chose d’indiciblement plus élevé, plus sérieux que tout « ce devrait être ainsi » : car cette dernière formule, en tant que critique et prétention humaine, apparaît condamnée dès le départ au ridicule.
La stupéfaction devant le non-accord de nos désirs et du cours du monde a conduit à connaître le cours du monde.

Mp XVII 3b, fin 1886 – printemps 1887 : 7[60] : Contre le positivisme, qui en reste au phénomène, « il n’y a que des faits », j’objecterais : non, justement, il n’y a pas de faits, seulement des interprétations [Interpretationen]. Nous ne pouvons constater aucun factum « en soi » : peut-être est-ce un non-sens de vouloir ce genre de chose. « Tout est subjectif », dites-vous : mais ceci est déjà une interprétation [Auslegung], le « sujet » n’est pas un donné, mais quelque chose d’inventé-en-plus, de placé-par-derrière. – Est-ce finalement nécessaire de poser en plus l’interprète [Interpreten] derrière l’interprétation ? Ceci est déjà de l’invention, de l’hypothèse.
Dans la mesure exacte où le mot « connaissance » a un sens, le monde est connaissable : mais il est interprétable [deutbar] autrement, il n’a pas un sens par-derrière soi, mais d’innombrables sens « Perspectivisme ».
Ce sont nos besoins qui interprétètent [auslegen] le monde : nos pulsions et leurs pour et contre. Chaque pulsion est une manière de recherche de domination, chacune a sa perspective, qu’elle voudrait imposer comme norme à toutes les autres pulsions.

W II 3, nov. 1887 – mars 1888 : [57] : Comprendre – est-ce approuver ?

W II 3, nov. 1887 – mars 1888 : la religion a faussé la conception de la vie : la science et la philosophie n’ont toujours été que les ancillae [servantes] de la religion.

W II 5, printemps 1888 : 14[105] : notre connaissance est devenue scientifique dans la mesure où elle sait recourir au nombre et à la mesure
Possibilité d’un ordre scientifique des valeurs selon une échelle numérique et quantitative de la force
14[188] : 2)
" Avec un mot, on n’éclaircit rien." [mit einem Wort erklärt man Nichts.]

W II 6a, printemps 1888 : [46] : Affirmer que la vérité est là et que c’en est fini de l’ignorance et de l’erreur, c’est là l’une des plus graves perversions qui soient. La « vérité » est […] plus funeste que l’erreur et l’ignorance, parce qu’elle entrave les forces nécessaires pour œuvrer en faveur des Lumières et de la connaissance
[58] : Pourquoi accéder à la connaissance ? pourquoi pas, plutôt, se faire des illusions ?

W II 7a, printemps-été 1888 : [32] : "L’erreur est une lâcheté … toute acquisition de la connaissance résulte du courage, de la dureté envers soi, de la probité envers soi …" [Der Irrthum ist eine Feigheit… jede Errungenschaft der Erkenntniß folgt aus dem Muth, aus der Härte gegen sich, aus der Sauberkeit gegen sich…]




LES MATHÉMATIQUES


Fragment posthume, 1872-1873

P I 20b, été 1872 - début 1873 : [96] : " Ce fut un grand mathématicien [Thalès] qui inaugura la philosophie en Grèce. De là son goût pour l'abstrait, le non-mythique. Malgré sa répugnance pour le mythe, il passe pour le "sage" de Delphes : les adeptes de l'orphisme montrent la pensée abstraite sous forme d'allégorie.
Les Grecs reprennent la science des Orientaux. Les mathématiques et l'astronomie sont plus anciennes que la philosophie. "


De l'utilité et des inconvénients de l'histoire pour la vie, 1874,

§ 1 : " Dans la mesure où elle sert la vie, l'histoire sert une force non historique : elle ne pourra et ne devra donc jamais devenir, dans cette position subordonnée, une science pure comme par exemple les mathématiques. "


Humain, trop humain, 1878,

I, § 11 : les mathématiques ne se seraient certainement pas constituées si l'on avait su d'emblée qu'il n'y a dans la nature ni ligne exacte, ni cercle réel , ni mesure absolue de grandeur [Ebenso steht es mit derMathematik, welche gewiss nicht entstanden wäre, wenn man von Anfang an gewusst hätte, dass es in der Natur keine exact gerade Linie, keinen wirklichen Kreis, kein absolutes Grössenmaass gebe].


Fragment posthume 1876-1877,
Mp XIV 1b, fin 1876 – été 1877 : [39] : moyens d'expression bien définis, nombres, lignes, qui ne prêtent à aucune équivoque

Aurore, III, § 195 : nous avons besoin avant tout d'un savoir mathématique et mécanique [wir ein mathematisches und mechanisches Wissen zu allernächst nöthig haben]

Le Gai Savoir [la gaya scienza], III, § 246 : Mathématiques. . — Nous voulons faire entrer à tout prix la finesse et la rigueur des mathématiques dans toute la science, autant qu'il est en notre pouvoir ; non pas dans la croyance que nous connaîtrions mieux les choses par cette voie, mais afin d'établir notre relation humaine aux choses. La mathématique n’est que le moyen de l’universelle et dernière connaissance des hommes. [Mathematik. — Wir wollen die Feinheit und Strenge der Mathematik in alle Wissenschaften hineintreiben, so weit diess nur irgend möglich ist, nicht im Glauben, dass wir auf diesem Wege die Dinge erkennen werden, sondern um damit unsere menschliche Relation zu den Dingen festzustellen. Die Mathematik ist nur das Mittel der allgemeinen und letzten Menschenkenntniss.]

Crépuscule des Idoles,
La "raison" dans la philosophie, § 3 : cette logique appliquée, les mathématiques [jene angewandte Logik, die Mathematik]


L'Antéchrist,

§ 59 : À quoi bon les Grecs ? À quoi bon les Romains ? Toutes les conditions nécessaires à une culture savante, toutes les méthodes scientifiques étaient déjà là, on avait déjà découvert les règles du grand art, l’art incomparable de bien lire  cette condition d’une tradition dans la culture, de l’unité de la science ;  la science de la nature, associée à la mathématique et à la mécanique, était sur la meilleure voie,  le sens des faits [Thatsachen], l’ultime et le plus précieux de tous les sens, avait ses écoles, sa tradition déjà plusieurs fois séculaire ! Comprend-on cela ? L'essentiel était déjà trouvé pour pouvoir se mettre au travail ; — les méthodes, on ne le répétera jamais assez, sont l'essentiel, et aussi le plus difficile, ce qui se heurte le plus longtemps aux habitudes et à la paresse. Tout ce que, par un immense effort sur nous-mêmes — car, d'une manièe ou d'une autre, nous avons encore dans le sang tous les pires instincts, les chrétiens —, nous venons de reconquérir : un regard libre sur la réalité, la main prudente, la patience et le sérieux dans les plus petites choses, toute la probité de la connaissance — elle était déjà là ! Il y a plus de deux millénaires !  [Wozu Griechen? wozu Römer? — Alle Voraussetzungen zu einer gelehrten Cultur, alle wissenschaftlichen Methoden waren bereits da, man hatte die grosse, die unvergleichliche Kunst, gut zu lesen, bereits festgestellt — diese Voraussetzung zur Tradition der Cultur, zur Einheit der Wissenschaft; die Naturwissenschaft, im Bunde mit Mathematik und Mechanik, war auf dem allerbesten Wege, — derThatsachen-Sinn, der letzte und werthvollste aller Sinne, hatte seine Schulen, seine bereits Jahrhunderte alte Tradition! Versteht man das? Alles Wesentlichewar gefunden, um an die Arbeit gehn zu können: — die Methoden, man muss es zehnmal sagen, sind das Wesentliche, auch das Schwierigste, auch das, was am längsten die Gewohnheiten und Faulheiten gegen sich hat. Was wir heute, mit unsäglicher Selbstbezwingung — denn wir haben Alle die schlechten Instinkte, die christlichen, irgendwie noch im Leibe —, uns zurückerobert haben, den freien Blick vor der Realität, die vorsichtige Hand, die Geduld und den Ernst im Kleinsten, die ganzeRechtschaffenheit der Erkenntniss — sie war bereits da! vor mehr als zwei Jahrtausenden bereits! Und, dazu gerechnet, der gute, der feine Takt und Geschmack! Nicht als Gehirn-Dressur! Nicht als „deutsche“ Bildung mit Rüpel-Manieren! Sondern als Leib, als Gebärde, als Instinkt, — als Realität mit Einem Wort…Alles umsonst! Über Nacht bloss noch eine Erinnerung! — Griechen! Römer!]


Fragments posthumes 1884-1887,

W I 1, printemps 1884 : [307] : La mathématique contient des descriptions (définitions) et des déductions à partir de définitions. Leurs objets n'existent pas. La vérité de leurs déductions repose sur l'exactitude de la pensée logique. – Quand la mathématique est appliquée, il arrive la même chose que dans les explications selon le schème "moyens et fins" : le réel est d'abord arrangé et simplifié (FAUSSÉ – –)
[314] : Il n'y a pas de compréhension [Begreifen] en mathématiques, mais seulement un constat de nécessités : de relations qui ne changent pas, de lois dans l'être.
[327] : vérité objective des lois logiques, mathématiques, mécaniques, chimiques.

Fragments posthumes, N VII 1, avril-juin 1885 : 34[58] : « Le nombre est notre grand moyen de nous rendre le monde disponible. Notre compréhension est à la mesure de ce que nous pouvons dénombrer, c.-à-d. s'étend aussi loin qu'il est possible de percevoir une constante. » [Die Zahl ist unser großes Mittel, uns die Welt handlich zu machen. Wir begreifen so weit als wir zählen können d.h. als eine Constanz sich wahrnehmen läßt.]
34[131] : « Une proposition telle que " deux choses égales à une troisième sont égales entre elles " présuppose : 1) des choses 2) des égalités : les unes et les autres n'existent pas. Mais grâce à ce monde fictif et figé des nombres et des concepts, l'homme acquiert un moyen de maîtriser des masses énormes de faits à l'aide de signes et de les inscrire dans sa mémoire. Cet appareil de signes constitue sa supériorité justement parce qu'il lui permet de s'éloigner le plus loin possible des faits particuliers. » [ein solcher Satz „2 Dinge, einem dritten gleich, sind sich selber gleich“ setzt 1) Dinge 2) Gleichheiten voraus: beides giebt es nicht. Aber mit dieser erfundenen starren Begriffs- und Zahlenwelt gewinnt der Mensch ein Mittel, sich ungeheurer Mengen von Thatsachen wie mit Zeichen zu bemächtigen und seinem Gedächtnisse einzuschreiben. Dieser Zeichen-Apparat ist seine Überlegenheit, gerade dadurch, daß er sich von der Einzel-Thatsache möglichst weit entfernt.]
34[169] : « Le nombre lui-même est de part en part notre invention. » [Die Zahl selber ist durch und durch unsere Erfindung.]

W I 7a, août-septembre 1885 : [27] : Les mathématiques et la mécanique ont été longtemps considérées comme des sciences d'une valeur absolue, et de nos jours seulement on ose soupçonner qu'elles ne sont ni plus ni moins que de la logique appliquée, fondée sur l'hypothèse précise et indémontrable qu'il existe des "cas identiques" – la logique elle-même étant une écriture chiffrée parfaitement conséquente, fondée sur l'hypothèse généralisée qu'il y a des cas identiques.

Mp XVII 2a, août-septembre 1885 : [7] : les mathématiciens qui poursuivent leurs déductions jusqu'à ce que pour eux l'atome soit utilisable !

Mp XVII 3b, fin 1886 – printemps 1887 : [4] : la mathématique est possible à des conditions auxquelles la métaphysique n'est jamais possible.
Toute connaissance humaine est soit expérience, soit mathématique. [Mathematik ist möglich unter Bedingungen, unter denen Metaphysik nie möglich ist alle menschliche Erkenntniß ist entweder Erfahrung oder Mathematik]


 INDEX NIETZSCHE (7/16) : JUIFS, JUDAÏSME