dimanche 6 septembre 2015

L'AMOUR GREC, vu par PARMÉNIDE, DÉMOCRITE, ÉPICURE, BION, LUCRÈCE, VIRGILE, HORACE, PROPERCE ET OVIDE

Voir également : Plutarque et Athénée

Martial et Juvénal


TABLE



PARMÉNIDE d'ÉLÉE (fin -VIe siècle / milieu -Ve siècle), philosophe, fondateur de l'école éléate,

Je reproduis ici une communication personnelle de Patrick Négrier, que je remercie.
« Parménide au fragment XII attribue au daimôn le mélange (coït sexuel) d'un mâle avec une femelle puis à l'opposé du mâle " avec UN (et non pas une !) plus féminin que lui " : Αἱ γὰρ στεινότεραι πλῆντο πυρὸς ἀκρήτοιο, αἱ δ' ἐπὶ ταῖς νυκτός, μετὰ δὲ φλογὸς ἵεται αἶσα· ἐν δὲ μέσῳ τούτων δαίμων ἣ πάντα κυϐερνᾷ· πάντα γὰρ στυγεροῖο τόκου καὶ μίξιος ἄρχει πέμπουσ' ἄρσενι θῆλυ μιγῆν τό τ' ἐναντίον αὖτις ἄρσεν θηλυτέρῳ. »

De la nature, in Les Présocratiques, Paris : Gallimard, 1988, collection " Bibliothèque de la Pléiade " :
Fragment B xviii : conflit des sexes lors de la conception [cité par Célius Aurélien, Des maladies chroniques, livre IV, chapitre ix].




DÉMOCRITE (vers -460/vers -370), philosophe grec matérialiste,

Fragments, in Les Présocratiques, Paris : Gallimard, 1988, collection " Bibliothèque de la Pléiade " :
fr. B LXXIII : Éros est légitime quand il poursuit sans excès les belles choses.

B CXXVII : " Et Démocrite : La masturbation procure une jouissance comparable à l'amour. (Hérodien, Prosodie générale, cité par Eusthate de Thessalonique, Commentaire sur l'Odyssée, XIV, 428, page 1766).


ÉPICURE (-341/-270), philosophe athénien,

Lettres et sentences, Bibliotheca Teubneriana ; traduction PUF, 1987 : Diogène Laërce, Vie..., X :
X, 5 : À Pythoclès : ton retour charmant et divin ; 6 : Épictète l'appelle cinédologue ;
X, 132 : À Ménécée : la jouissance des garçons et des femmes n'engendre pas la vie heureuse.


BION de Smyrne (-IIe siècle), poète bucolique grec,

Bucoliques grecs, CUF, LCL ; Remacle :
Fragment VIII : Je rends visite à mon berger ; Hespéros avec sa lumière s'associe à l'amour d'un amant [cité par Goethe]
Fragment IX : Heureux sont ceux qui aiment, lorsqu'ils sont aimés en retour ; Thésée et Pirithoüs, Oreste et Pylade [cf Pindare], Achille et Patrocle [cité par Edward Carpenter et par Gide dans Corydon, IV].


LUCRÈCE (vers -98/-55), philosophe latin disciple des atomistes et poète,

De la nature, Collection Budé, Loeb Classical Library :
IV, 1053-1056 : traits de Vénus lancés par un garçon [puer] aux membres féminins ou par une femme ; umor lancée de corps à corps ;
V, 1111 : la beauté [masculine] eut alors grande valeur.


VIRGILE (vers -70/-19), érudit et poète national de Rome,

Bucoliques, Bibliotheca Teubneriana, CUF, Loeb Classical Library, Folio classique, GF :
II : 1 : Formosum pastor Corydon ardebat Alexim, le berger Corydon brûlait pour le bel Alexis [devise de la pédérastie selon Roger Peyrefitte] qui faisait les délices de son maître [cité par Properce et par Edward Carpenter] ;
Cette églogue, celle de l'amour grec entre Alexis et Corydon,
fut étonnamment la première des neuf à être traduite en français,
en 1543 ; le libraire-traducteur en était Loïs Grandin
et l’achevé d’imprimer datait du 20 septembre.

II : 65 : trahit sua quemque voluptas, chacun est entraîné par son plaisir [cité par Rabelais, Shenstone, Voltaire (" la pédérastie enseignée à la jeunesse "), Stendhal, Friedrich Nietzsche, etc. ; églogue entière traduite pour la première fois par Loïs Grandin en 1543].

Paul SÉRUSIER (1864-1927) Le Berger Corydon, 1913,
huile sur toile 73 x 99 cm © MuMa Le Havre / David Fogel


III [amour de Ménalque pour Amyntas ; thème repris par André Gide ] ; V ; VII.

Catalepton [d'Horace ?], Bibliotheca Teubneriana, CUF, Loeb Classical Library :
XIII, 13-14 : ces banquets que tu as partagés avec des mecs, étant puer ; 35-38 : cinède Lucien ; tu n'as rien à part des frères [cf Pétrone] et un Jupiter coléreux.

Énéide, Bibliotheca Teubneriana, CUF, Loeb Classical Library, Folio classique, GF :
I, 28 : honneurs rendus à Ganymède [cité par Macrobe]; 188 : fidèle Achate [cité par Lafitau ; cf aussi X, 332].
V, 252 : le garçon royal [Ganymède] ; 294-296 : amour de Nisus pour le garçon Euryale.
IX, 18 ; 424-430 : Nisus veut mourir à la place d'Euryale ; 614-620 : Phrygiens traités de Phrygiennes, car leurs tuniques ont des manches [cité par Aulu-Gelle].
X, 185 : Cycnus et son aimé Phaëthon ; 324-327 : Clytius et Cydon [commenté par Servius].

Géorgiques, Bibliotheca Teubneriana, CUF, Loeb Classical Library, Folio classique :
IV, 521 : Orphée déchiré par les femmes pour les avoir méprisées [cité par Forberg].


HORACE (-65/-8), poète lyrique et satirique,

Art poétique [Épître aux Pisons], Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library, GF :
85 : mission de chanter les amours pour des jeunes gens [juvenem curas] ; 161-165 : caractère, goûts, désirs extrêmes de l'adolescent imberbe.

Épîtres, Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library, GF :
I, xviii, 72-73 : chez un ami, ne pas s'enflammer pour une servante ou pour un jeune esclave.

Épodes, Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library, GF :
XI : l'amour pour les jeunes garçons [mollibus in pueris] ou pour les jeunes filles m'embrase ; j'aime Lyciscus, qui l'emporte sur n'importe quelle petite femme ; je ne serai libéré que par un autre amour pour une fille ou pour un garçon [cité par Naigeon] ; XIV : Anacréon et Bathylle.

Odes, Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library, GF :
I, 32 : Lycus [éphèbe chanté par Alcée] ; II, 5 : ambigïté sexuelle de Gygès [cité par Montaigne] ; III, 20 : Ganymède enlevé par Jupiter ; IV, 1 : ni femme ni garçon ne sont plus pour me plaire ; cruel Ligurinus ; 10 : cruel Ligurinus [cité par Marbode de Rennes].

Satires, Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé, Loeb Classical Library, GF :
I, ii, 32-35 [cité par Chateaubriand] ;117-118 : posséder une servante ou un jeune esclave [puer ; cité par Voltaire] ; vi, 84 : mon père me garda de tout soupçon infamant [cité par Festugière] ; II, iii, 325 : éprouvait des passions pour mille filles, mille jeunes garçons [cité par Festugière].


PROPERCE (vers -47/vers -15), poète latin imitateur des Alexandrins,



Loeb Classical Library :
Élégies, Paris : Belles Lettres, 1929 (rééditions en 1947, 1961, 1964, 1980, 1990,1995) :

I, 20 : Gallus aime un garçon qui ressemble à Hylas, fils de Théodamas ;
II, 4 : à mon ennemi, je souhaite d'aimer les filles ; à mon ami, de se réjouir avec les garçons ; 30 : Jupiter vola jusqu'aux maisons de Troie sous la forme d'un oiseau ; 34 : Alexis et Corydon [cf Virgile] ;
III, 7 : douleur d'Agamemnon à la mort de son aimé Argynnus ;
IV, 8 : un débauché, un épilé dont le sort est de se vendre, qui a honte de sa barbe.


OVIDE (-43/17 ou 18), poète latin dit « de la décadence »,

Amours, Collection Budé, Loeb Classical Library :
I, 20 : aut puer aut [...] puella.

Art d'aimer, Collection Budé, Loeb Classical Library, Folio classique :
I, 33-34 : nous chanterons les liaisons permises [cité par César de Rochefort] ; 524 : homme dévirilisé qui cherche à avoir un homme ; II, 682-684 : je hais les embrassements où l'un et l'autre ne se donnent pas : je trouve moins d'attraits dans l'amour des garçons [amor pueri ; cité par Edward Gibbon et Forberg] ; III, 437-438.

Fastes, Collection Budé, Loeb Classical Library :
III, 407 : Ampélos aimé de Bacchus [alias Dionysos ; cité par César de Rochefort].

Métamorphoses, Collection Budé, Loeb Classical Library, Folio classique ; traduction Actes Sud, 2001:
III Tirésias : 326 : Tirésias changé d’homme en femme ; Narcisse : 351-353 : âgé de 16 ans, il pouvait être pris à la fois pour un enfant et pour un jeune homme ; il était désiré par beaucoup de jeunes gens et de jeunes filles ; V, Persée contre Phinée, 47-73 : amour authentique de Lycabas pour Athis ;
VIII Le sanglier de Calydon, 302 : Thésée et Pirithoüs, unis par une tendre amitié ; 403-404 : Thésée à Pirithoüs : Toi que je chéris plus que moi-même ;
IX Iphis et Ianthé : 712 : Iphis habillée en garçon ;715 : fiancée à la blonde Ianthé ; 720 : l’amour toucha leurs deux jeunes cœurs ; 725 : fille,
Iphis brûlait pour une fille ; 727-728 : sentiment amoureux ignoré de tous, incroyable et étrange ; 731 : une vache ne brûle pas d'amour pour une vache, ni une jument pour une jument [cf Longus] ; 746 : passion aberrante, insensée ;
X, Orphée et Eurydice, 83-85 : Orphée apprit aux peuples de Thrace [nord-est de la Grèce, Turquie d'Europe et sud de la Bulgarie] à transférer leur amour sur des enfants mâles et à cueillir les premières fleurs de ce court printemps qui précède la jeunesse [cité par Voltaire ; c'est Thamyris ou Laïos qui aurait été le premier, selon d'autres auteurs] ; Cyparissus, 106-142 : Cyparissus consolé par Apollon ; Chant d’Orphée : Ganymède, Hyacinthe, 152-153 : aujourd’hui, c’est d’un ton plus léger que je vais chanter les garçons aimés des dieux et les filles aveuglées par des passions interdites ; 155-156 : le roi des dieux brûla d’amour pour un Phrygien, Ganymède [cité par Pierre Bayle] ; 200-201 : Phoebus : à moins que ce soit une faute d’aimer [Hyacinthe] :
XI Mort d'Orphée et châtiment des Ménades, 7 : l'homme qui nous méprise, disaient les Furies.


Voir également : Plutarque et Athénée

Martial et Juvénal

Les animaux aussi ?

dimanche 30 août 2015

CINQ AUTEURS CHRÉTIENS PARLENT DES SODOMITES suivi de RATZINGER

Voir aussi mes pages :



Et la

TABLE



Bernardin de Sienne, Bonaventure, Catherine de Sienne, Jacques de Vitry et Jacques de Voragine.


JACQUES DE VITRY (vers 1165/1240), curé d'Argenteuil, prédicateur et cardinal, nommé cardinal-évêque de Tusculane (Latium, Italie actuelle) en 1228,


Jacques de Vitry (1263)

Histoire occidentale, 1597 ; traduction 1825 :
1 : la libido ne se souciait pas de la différence des sexes [prologue dans l'édition de 1825].
7 [vi dans l'édition de 1825] : une fornication simple n'était point réputée un péché. Les filles publiques, dans les rues, sur les places, devant leurs maisons, arrêtaient effrontément les clercs. Et si, par hasard, ils refusaient de les suivre, aussitôt elles criaient après eux en les appelant sodomites. Car ce vice honteux et abominable est tellement en vigueur dans cette ville [Paris], ce venin, cette peste y sont si incurables, que celui qui entretient publiquement une ou plusieurs concubines est réputé honorable.

Histoire orientale, 1597, traduction 1825 :
I, 5 "De origine et vita Mahometi" : Mahomet a introduit le vice sodomitique parmi son peuple [Per hoc enim latenter vitium Sodomiticum hostis nature in popula suo introduxit ; cité par John Boswell].



BONAVENTURE (Bagnoregio, 1217 / Lyon, 1274), théologien franciscain d'origine italienne, cardinal, Docteur séraphique, canonisé en 1482,

Saint Bonaventure, peint par Peter Paul Rubens
(Palais des beaux-arts de Lille)

Opera omnia [Œuvres complètes], volume 9, 1902 :
Sermon " In nativitate Domini ", XXII, septimo : tous les Sodomites, hommes et femmes, furent tués à la naissance de Jésus, comme dit [Saint] Jérôme dans le psaume Lux orta est justo [ce n'est pas si clair dans Jérôme, Commentaire sur Isaie, IX, 1 ; cf Jacques de Voragine].


JACQUES DE VORAGINE (vers 1230/1298), dominicain et archevêque de Gênes,

La Légende dorée, GF ; H. Champion :
Nativité de Jésus-Christ, III, 4 : destruction miraculeuse des sodomites [cf Bonaventure] ; cite Jérôme, Lux orta est [passage encore non retrouvé].
Saint Jean : amitié particulière avec Jésus.


CATHERINE DE SIENNE (1347/1380), mystique italienne,

Livre des dialogues, traduction 1953 :
124 : horreur du péché contre nature, que même les démons ne peuvent supporter [cité par Avenir de la Culture]


BERNARDIN DE SIENNE (1380/1444), prêcheur franciscain,

Statue de Bernardin de Sienne par Antonio Raggi, cathédrale de Sienne.

Opera omnia [Œuvres complètes], 1635, 1950 :
Feria sexte post I. Dominicam in Quadragesima :

Sermon XV " De l'horrible crime des Gomorrhéens "
L'horreur est triple : corruption, abomination, réprobation.
Art. 1 : corruption triple : cite Paul, Éphésiens, et Isidore.
Art. 2 : abomination triple : fureur, malice, dureté.
Art. 3 : réprobation triple : entêtement, impénitence, dissidence.
Les six degrés : accord de la raison, opération du crime, naissance d'une habitude, se faire gloire de ce péché, en faire l'apologie, désespérer ou présumer de la miséricorde divine.

[Dans les quatre étapes du devenir homosexuel marquées par Jean-Louis Bory (1919-1979) – se reconnaître, s'accepter, se faire reconnaître, se faire accepter –, ce qui surprend, c'est comme une réminiscence, en positif, des six étapes de la chute morale décrite par Bernardin]


Depuis (sans exhaustivité)

JOSEPH RATZINGER (1927-2022, pape BENOÎT XVI de 2005 à 2013)
« Pour éviter toute suprématie de l'un ou l'autre sexe, on tend à gommer leurs différences, considérées comme de simples effets d'un conditionnement historique et culturel. Dans ce nivelage, la différence corporelle, appelée sexe, est minimisée, tandis que la dimension purement culturelle, appelée genre, est soulignée au maximum et considérée comme primordiale. L'occultation de la différence ou de la dualité des sexes a des conséquences énormes à divers niveaux. Une telle anthropologie, qui entendait favoriser des visées égalitaires pour la femme en la libérant de tout déterminisme biologique, a inspiré en réalité des idéologies qui promeuvent par exemple la mise en question de la famille, de par nature biparentale, c'est-à-dire composée d'un père et d'une mère, ainsi que la mise sur le même plan de l'homosexualité et de l'hétérosexualité, un modèle nouveau de sexualité polymorphe. »
Lettre aux évêques de l'Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde, 31 juillet 2004.

BENOÎT XVI (1927-2022, pape de 2005 à 2013)
« Les différentes formes actuelles de dissolution du mariage, comme les unions libres et le " mariage à l’essai ", jusqu’au pseudo-mariage entre personnes de même sexe, sont au contraire l’expression d’une liberté anarchique qui se fait passer, à tort, pour une vraie libération de l’homme. Une telle pseudo-liberté s’est fondée sur une banalisation du corps, qui inclut inévitablement la banalisation de l’homme. […] Le libertinisme, qui se fait passer pour la découverte du corps et de ses valeurs, est en réalité un dualisme qui déprécie le corps en le plaçant pour ainsi dire en dehors de l’authentique être et dignité de la personne. »
Discours sur la famille et la communauté chrétienne, Latran, 6 juin 2005.

« L'homosexualité n'est pas conciliable avec la vocation de prêtre. On courrait un grand risque si le célibat devenait en quelque sorte un prétexte pour faire entrer dans la prêtrise des gens qui ne peuvent de toute façon pas se marier. […] En instaurant une séparation radicale entre sexualité et fécondité, ce qui est fait en utilisant la pilule, alors la sexualité devient arbitraire. Et dans ce cas tous les types de sexualité ont la même valeur. Conviction qui est rapidement suivie par l'idée que l'homosexualité a la même valeur que l'hétérosexualité. »
Lumière du monde. Le pape, l'Église et les signes des temps, Paris : Bayard, 2010.


dimanche 26 juillet 2015

JOSEPH HENRI ÉON

Né à Nantes rue de Lamotte-Picquet le 9 septembre 1877 (1E 1375 vue 49) - décédé 3 rue Duplaa à Pau (64) le 19 mars 1976, mon grand-père maternel.


Dossier Légion d'honneur



Chevalier puis officier de la Légion d'honneur : décrets du 10 juillet 1921, Marine, et du 2 septembre 1952, Défense nationale.

Médaille coloniale avec agrafe "Tunisie", Dinstinctivo Italien. Croix de guerre 1914-1918, comme mon grand-père paternel Julien René Courouve.


Acte naissance - Nantes 1877


Selon lui, " La religion, c'est bon pour les femmes et les enfants. "


- fils de Édouard Jean Joseph ÉONné le 18 octobre 1842 à Nantes, 6e canton (vue 54G/63), menuisier
lui-même fils de Joseph Michel Éon, né le 6 octobre 1815 à Saint-Herblain, menuisier, et de Henriette Eulalie Craissac, née le 13 février 1816 à Nantes, 6e canton.
- et de Amélie Athalie Marie DUTERTRE, ménagère, sans profession en 1910, née à Nantes (5e canton) le 24 décembre 1847 ;
elle-même fille de Mathurin Joseph Alexis Dutertre, né le 13 janvier 1819 à Riaillé (Loire-inférieureà, charpentier, et de Véronique Letourneux, née le 11 janvier 1815 à Couffé (Loire-inférieure), débitante de vin puis ménagère  
 - frère de Édouard Ernest Émile Éon, né le 30 août 1871 rue Deshoulières à Nantes, 5e canton, menuisier en voitures, matricule 244. Bon, en Tunisie du 18 novembre 1892 au 9 novembre 1894. Allemagne du 1er mars au 16 août 1915. Décédé à Puteaux le 28 novembre 1944, veuf de Marie Berthe Armandine Fabre.

 - frère de Marie Louise Éon, née le 26 février 1881 rue Lamotte-Piquet à Nantes, 6e, décédée le 4 septembre 1972 à Saint-Nazaire.

               Mariage Dutertre x Letourneux le 11 janvier 1847 à Nantes, 5e canton ; vue 6G/64.

   Mariage Éon x Dutertre à Nantes, 4e canton, le 19 juillet 1869 ; vue 44D/70.

Études à l'École des Arts et Métiers d'Angers. Engagé en 1895 pour cinq ans dans la Marine nationale ; élève mécanicien puis mécanicien torpilleur à Lorient. Inscrit au quartier de Toulon (5e dépôt) à compter du 27 septembre 1900 comme second maître mécanicienPremier maître mécanicien à Ajaccio en 1910. Mécanicien principal de 2e classe au centre d'aviation d'Ajaccio autour de 1918. Mécanicien principal de 1ère classe au centre d'aviation maritime d'Hourtin (Gironde) en 1921. Ingénieur mécanicien de 1ère classe puis ingénieur mécanicien principal.

Source numérisée :
État-civil Nantes

Premier mariage : Éon x Bertola : 16 ocobre 1900 à Toulon (Var). Second maître mécanicien du port de Toulon et Anne Marie Augustine Bertola, née à Toulon le 17 décembre 1879, Veuf de Anne Marie Augustine Bertola, décédée à Toulon le 21 septembre 1906.



État-civil Toulon

Second mariage : Éon x Olivieri : 17 novembre 1910, à Ajaccio (Corse-du-Sud). N° 116. Avec l'autorisation accordée le 3 novembre 1910 par Messieurs les membres du conseil d'administration de la 1ère Flottille de torpilleurs de la Méditerranée.
François Marie Olivieri, rédacteur des postes et télégraphes, domicilié à Ajaccio, présent et consentant.
Témoins :
Oliviéri Jean, domicilié à Ajaccio, 59 ans, percepteur en retraite, oncle de l'épouse.
Éon Édouard, domicilié à Courbevoie, 39 ans, carrossier, frère de l'époux.
Vignat, Paul, domicilié à Ajaccio, 37 ans, employé à la Préfecture de la Corse.
Lodovici Antoinette, domiciliée à Ajaccio, 39 ans, sans profession.



lundi 18 mai 2015

AMOUR GREC : LES ANIMAUX AUSSI ?

RETOUR


L'existence d'une homosexualité animale exclusive ou occasionnelle (et les animaux sont plus proches que nous de la nature entendue dans un certain sens) avait été reconnue par : Aristote (perdrix), Athénée (colombes, perdrix), Elien (dauphin), Horapollon (perdrix), Pline l'Ancien (cailles, coqs, perdrix), Plutarque (coqs). Décidément, les perdrix ...

Animaux signalés depuis par de bons observateurs : abeilles, bonobos, castors, chauve-souris, chèvres, chiens, chimpanzés, hannetons, lions, lucioles, pigeons, poulains, poules, singes, tourterelles et vaches.

Cette homosexualité animale fut envisagée mais son existence niée par les auteurs et/ou textes suivants : Platon (Lois), Ovide, pseudo-Phocydide, Plutarque, Lucien, Longus, Jean Chrysostome, Célius Aurélien, Agathias (VIe siècle), Justinien, Altercation …, Vincent de Beauvais. Cette négation implique cependant une perception ancienne du concept d'homosexualité, ce qui démolit la thèse constructiviste.


CÉLIUS AURÉLIEN (Ve siècle), médecin latin originaire de Numidie [nord de l'actuelle Algérie],

Les Maladies chroniques, édition et traduction anglaise 1950 :
IV, ix De Mollibus sive Subactis : les gens ont du mal à croire que les efféminés [molles] ou passifs [grec malthacos] existent vraiment ; pas une maladie corporelle ; plutôt le vice d'un esprit corrompu, comme le dit Soranos ; ces malades peuvent être comparés aux femmes qu'on appelle tribades parce qu'elles exercent les deux Vénus ; les passifs [subactos] , comme les tribades, sont victimes d'une passion de l'esprit [animus]; théorie de Parménide : l'inversion résulte d'une circonstance de la conception ; il peut y avoir un désir pour les deux formes de Vénus ; d'autres pensent que c'est une maladie héréditaire ; la nature nous montre sa pureté par l'exemple des animaux sauvages que les philosophes appellent " miroirs de la nature ".


ÉLIEN (IIe/IIIe siècles), rhêteur romain puis écrivain d'expression grecque,

Histoires variées, traduction XIXe siècle, Bibliotheca Teubneriana, Collection Budé :
I, xv : Il [Aristote] ajoute que quand les [colombes] femelles sont dépourvues de mâles, elles font l'amour entre elles; mais que n'ayant pas la faculté de se féconder, elles pondent des œufs qui ne produisent point de petits.

Particularités des animaux : Bibliotheca Teubneriana, Loeb Classical Library :
VI, 15 : amour d'un dauphin pour un beau garçon.


HORAPOLLON (IVe/Ve siècles), philosophe alexandrin,

Hiéroglyphes, traduction Paris : Kerver, 1543.


II, 95 : Comment ils décrivaient la déshonnête affection qu'un malheureux porte aux enfants. Pour dénoter le péché contre nature ils peignaient deux perdrix mâles lesquels, privés de leurs femelles, abusent donc l'un de l'autre.


PLINE L'ANCIEN (23/79), auteur naturaliste latin,

Histoire naturelle, Collection Budé, Loeb Classical Library :

V, 17 ; 134 ; 136 ; Cinaedopolis ; VII, 184 : deux personnages de l'ordre équestre moururent en faisant l'amour avec le pantomime Mysticus ; X, xxxiii : les mâles des perdrix, privés de femelles, se battent et le vainqueur assouvit sa passion sur le vaincu ; Trogue dit que les cailles font de même, et les coqs quelquefois, et que les perdrix mâles cochent indifféremment les mâles sauvages nouvellement amenés ou vaincus ; X, xxxvi ; XV, iv : Grecs à l'origine de tous les vices [cité par Larcher] ; XXXIV, 19 (17) ; 55 : Polyclète de Sicyone a fait le Diadoumène, figure de jeune efféminé ; XXXVII, 153 : un poisson appelé cinaedus.




VINCENT DE BEAUVAIS (vers 1180/vers 1264), dominicain et précepteur,

Speculum maius :
Speculum doctrinale : édition 1965 :
IV, 162 : Adultère et sodomie : hors du lieu ad hoc : sur soi-même, mollesse ; sur un autre de son propre sexe, mâle sur mâle, femme sur femme, ou sur un autre genre [animaux], s'appelle sodomie ; citation d'Ovide ; aucun animal ne désire son propre sexe.




mardi 21 avril 2015

INDEX NIETZSCHE (8/16) : L’ÉGALITÉ (Die Gleichheit)

Fragments posthumes, 1871-1877,
U I 4a, 1871 : [70] : Égalité de l’enseignement pour tous jusqu’à 15 ans. Car la prédestination au lycée par les parents, etc. est une injustice.

Mp XIV 1b, 1876-1877 : [25] : On reproche au socialisme de ne pas tenir compte de l’inégalité de fait entre les hommes ; toutefois ce n’est pas là un reproche, mais bien une caractéristique, car le socialisme décide de négliger cette inégalité et de traiter les hommes en égaux […] c’est dans cette décision de passer outre que réside sa force exaltante.


Humain, trop humain, 1878,

VI, § 300 : Les deux sortes d’égalité. La recherche d'égalité peut être exprimée soit par le désir d'abaisser tous les autres à son niveau, ou de s'élever au niveau de tous. [Die Sucht nach Gleichheit kann sich so äussern, dass man entweder alle Anderen zu sich hinunterziehen möchte (durch Verkleinern, Secretiren, Beinstellen) oder sich mit Allen hinauf (durch Anerkennen, Helfen, Freude an fremdem Gelingen).]


Le Voyageur et son ombre, 1879,

§ 263 : Le chemin de l’égalité.

Quelques heures d’escalade en montagne font d’un coquin et d’un saint deux êtres passablement égaux. La fatigue est le plus court chemin pour aller à l’égalité et à la fraternité – et la liberté enfin nous est donnée de surcroît par le sommeil.

§ 285 : « Il n’y a jamais eu deux lots réellement égaux, et quand il en aurait, jamais l’envie de l’homme pour son voisin ne croirait à leur égalité. »


Fragments posthumes, 1880,

N V 4, automne 1880 : [49] : la puissance pousse à reconnaître la différence

La soumission veut instaurer l’égalité.

[162] : « Reconnaître l’identité d’un homme et d’un autre –, cela devrait être le fondement de la justice ? Voilà une identité très superficielle. Pour ceux qui reconnaissent l’existence d’individus, la justice est impossible – ego. »

[163] : « Si l’on souhaite des hommes ordinaires et égaux, c’est parce que les faibles redoutent l’individu fort et préfèrent un affaiblissement général à un développement dirigé vers l’individuel. Je vois dans la morale actuelle un artifice flatteur pour dissimuler l’affaiblissement général : tout comme le christianisme voulait affaiblir et ramener à l’égalité les hommes forts et intelligents. »

N V 6, fin 1880 : 7[303] : La science ne peut prouver ni que tous sont égaux, ni qu’un comportement fondé sur ce principe soit utile à la longue. [Die Wissenschaft kann weder beweisen, daß alle M gleich sind, noch daß ein Verfahren nach diesem Grundsatz auf die Dauer nützlich ist.]


Le Gai Savoir, 1882,
I, § 18 : "habitués comme nous le sommes à la doctrine de l'égalité des hommes, si ce n'est à l'égalité elle-même." [gewöhnt wie wir sind an die Lehre von der Gleichheit der Menschen, wenn auch nicht an die Gleichheit selber.]


Fragments posthumes, 1881,
M III 1, printemps-automne 1881 : [132] : la différence règne dans les plus petites choses, dans les spermatozoïdes, les ovules – l’égalité est un grand délire.


W I 1, printemps 1884 : [298] : Du rang. La terrible conséquence de l’ "égalité" – finalement chacun croit avoir le droit d’accéder à tout problème. Toute hiérarchie [Rangordnung] est perdue.

W I 6a, juin-juillet 1885 : [14] : Ce siècle veut que chacun se jette à plat ventre devant le plus grand des mensonges – ce mensonge s’appelle "égalité des hommes" – et que l’on révère exclusivement les vertus égalitaires et niveleuses. Il est donc foncièrement hostile à la naissance de philosophes tels que je les conçois.


Par-delà bien et mal, 1886,

III " Le phénomène religieux ", § 62 : « Des hommes pas assez aristocratiques pour apercevoir la hiérarchie des êtres et l'abîme entre un homme et un autre, voilà les hommes qui, avec leur "égalité devant Dieu", ont régné jusqu'à nos jours sur le destin de l'Europe. »

VII " Nos vertus ", § 219 : « Les jugements moraux et les condamnations morales constituent la vengeance favorite des esprits bornés à l'encontre de ceux qui le sont moins ; ils y trouvent une sorte de dédommagement pour avoir été mal partagés par la nature ; enfin, c'est pour eux une occasion d'acquérir de l'esprit et de s'affiner : la méchanceté rend intelligent. Ils se réjouissent au fond de leur coeur de penser qu'il existe un plan où les individus comblés des biens et des privilèges de l'esprit demeurent leurs égaux : ils luttent pour l' "égalité de tous devant Dieu" et, ne fût-ce que pour cela, ils ont besoin de croire en Dieu. »


Le Crépuscule des Idoles (1889),
Divagations d’un "inactuel", § 37 : « L’égalité, une vague assimilation de fait, qui ne fait que s’exprimer dans la doctrine de l’égalité des droits, relève essentiellement de la décadence : le fossé entre un homme et un autre, entre une classe et une autre, la multiplicité des types, la volonté d’être pleinement soi, de se distinguer, ce que j’appellerai la passion de la distance, voilà ce qui me semble propre à toute époque forte. »

§ 48 : « La doctrine de l’égalité ! Mais c’est qu’il n’y a pas de poison plus toxique : c’est qu’elle semble prêchée par la justice même, alors qu’elle est la fin de toute justice … "Aux égaux, traitement égal, aux inégaux, traitement inégal", telle serait la vraie devise de la Justice. Et ce qui en découle : " Ne jamais égaliser ce qui est inégal". »


L’Antéchrist, 1888,
§ 57 : « L’injustice n’est jamais dans l’inégalité des droits, elle est dans la prétention à des droits "égaux". »
[L'égalité des droits est pré-chrétienne, fondamentale mais incomplète puisqu'elle excluait les esclaves (tout comme l'égalité de 1789 excluait les femmes) : « Périclès : Parce que notre régime sert les intérêts de la masse des citoyens et pas seulement ceux d’une minorité, on lui donne le nom de démocratie […] Nous sommes tous égaux devant la loi […] nous nous gouvernons dans un esprit de liberté […] nous obéissons aux lois. » Thucydide, vers -460 / -400, La Guerre du Péloponnèse, II, 37-39.]


Fragments posthumes, 1887-1888,

W II 3, nov. 1887 - mars 1888 : [341] : dans un troupeau l’égalité peut primer [sur la liberté] ; […] dans le socialisme il n’y aura pas de convoitise.

W II 5, printemps 1888 : [30] : quand le socialiste, avec une belle indignation, réclame "justice", "droit", " droits égaux", il est seulement sous l'effet de sa culture insuffisante, qui ne sait comprendre pourquoi il souffre.

W II 6a, printemps 1888 : 15[30], 2 : « Une autre idée chrétienne non moins folle s’est encore transmise dans la chair de la modernité : l’idée de l’égalité des âmes devant Dieu. On y trouve le prototype de toutes les théories de l’égalité des droits : c’est en religion que l’on a d’abord appris à l’Humanité à ânonner le dogme de l’égalité, on lui en a ensuite tiré une morale : et, quoi d’étonnant si l’homme finit par le prendre au sérieux, par le mettre en pratique ! je veux dire en politique, en démocratie, en socialisme, en pessimisme de l’indignation … » [Ein anderer christlicher nicht weniger verrückter Begriff hat sich noch weit tiefer ins Fleisch der Modernität vererbt: der Begriff von der Gleichheit der Seelen vor Gott. In ihm ist das Prototyp aller Theorien der gleichen Rechte gegeben: man hat die Menschheit den Satz von der Gleichheit erst religiös stammeln gelehrt, man hat ihr später eine Moral daraus gemacht: und was Wunder, daß der Mensch damit endet, ihn ernst zu nehmen, ihn praktisch zu nehmen! will sagen politisch, demokratisch, socialistisch, entrüstungs-pessimistisch…]
 
 

dimanche 19 avril 2015

INDEX NIETZSCHE (13/16) : LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, NAPOLÉON


Frédéric Nietzsche, la Révolution française, et Napoléon



INDEX NIETZSCHE 2/16) : "DIEU", LA RELIGION
Voir aussi dans le Dictionnaire Nietzsche l'entrée " Révolution française ", cc. 776b-778a par Balise Benoit.
* * * * *


Le Voyageur et son ombre, 1879,

§ 221 : « La dangerosité des Lumières C’est un ensemble de traits quasi déments, histrioniques, bestialement cruels, voluptueux, et surtout d’une sentimentalité toujours prête à se griser d’elle-même, qui constituent le fonds proprement révolutionnaire et qui, avant la Révolution, s’étaient incarnés dans la personne et le génie de Rousseau : or, l’être qu’ils définissent trouva encore, avec un enthousiasme perfide, à poser la philosophie des Lumières sur sa tête fanatique ; et celle-ci se mit à resplendir comme transfigurée par ce nimbe, ces mêmes Lumières qui lui étaient étrangères au fond et qui, agissant d’elles-mêmes, auraient comme un brillant rayon tranquillement traversé les nuées, longtemps satisfaites de réformer les individus seulement, en sorte qu’elles auraient aussi réformé, quoique très lentement, les mœurs et les institutions des peuples. Mais dès lors, lié à un phénomène violent et brutal, la philosophie des Lumières se fit elle-même violente et brutale. Le danger qu’elle représente en est devenu presque plus grand que l’élément utile d’émancipation et d’éclaircissement qu’elle a introduit dans le vaste mouvement révolutionnaire. Qui comprendra cela saura aussi de quelle confusion il s’agit de la tirer et de quelle salissure la purifier, afin de continuer ensuite l’œuvre des Lumières, pour elle-même, et d’étouffer en germe la Révolution, après coup, de faire qu’elle n’ait pas été. » [Die Gefährlichkeit der Aufklärung. — Alles das Halbverrückte, Schauspielerische, Thierisch-Grausame, Wollüstige, namentlich Sentimentale und Sich-selbst-Berauschende, was zusammen die eigentlich revolutionäre Substanz ausmacht und in Rousseau, vor der Revolution, Fleisch und Geist geworden war, — dieses ganze Wesen setzte sich mit perfider Begeisterung nochdie Aufklärung auf das fanatische Haupt, welches durch diese selber wie in einer verklärenden Glorie zu leuchten begann: die Aufklärung, die im Grunde jenem Wesen so fremd ist und, für sich waltend, still wie ein Lichtglanz durch Wolken gegangen sein würde, lange Zeit zufrieden damit, nur die Einzelnen umzubilden: sodass sie nur sehr langsam auch die Sitten und Einrichtungen der Völker umgebildet hätte. Jetzt aber, an ein gewaltsames und plötzliches Wesen gebunden, wurde die Aufklärung selber gewaltsam und plötzlich. Ihre Gefährlichkeit ist dadurch fast grösser geworden, als die befreiende und erhellende Nützlichkeit, welche durch sie in die grosse Revolutionsbewegung kam. Wer diess begreift, wird auch wissen, aus welcher Vermischung man sie herauszuziehen, von welcher Verunreinigung man sie zu läutern hat: um dann, an sich selber, das Werk der Aufklärungfortzusetzen und die Revolution nachträglich in der Geburt zu ersticken, ungeschehen zu machen.]


Le Gai Savoir, 1882 (1887 pour la préface et le cinquième livre),

V, § 350. À l'honneur des homines religiosi. : " Le protestantisme est déjà un soulèvement populaire au profit des honnêtes, des sincères, des superficiels (le Nord fut toujours plus débonnaire et plus plat que le Sud) ; mais ce fut la Révolution française qui plaça définitivement et solennellement le sceptre dans la main de « l’homme bon » (de la brebis, de l’âne, de l’oie, et de tout ce qui est incurablement plat et braillard et mûr pour la maison de fous des « idées modernes »). " [erst die französische Revolution hat dem „guten Menschen“ das Scepter vollends und feierlich in die Hand gegeben (dem Schaf, dem Esel, der Gans und Allem, was unheilbar flach und Schreihals und reif für das Narrenhaus der „modernen Ideen“ ist).]

V, § 362. Notre croyance en une virilisation de l'Europe.
C'est à Napoléon (et nullement à la Révolution française qui cherchait la « fraternité » entre les peuples et les universelles effusions fleuries) que nous devons de pouvoir pressentir maintenant une suite de quelques siècles guerriers, qui n'aura pas son égale dans l'histoire, en un mot, d'être entrés dans l'âge classique de la guerre, de la guerre scientifique et en même temps populaire, de la guerre faite en grand (de par les moyens, les talents et la discipline qui y seront employés). Tous les siècles à venir jetteront sur cet âge de perfection un regard plein d'envie et de respect : - car le mouvement national dont sortira cette gloire guerrière n'est que le contrecoup de l'effort de Napoléon et n'existerait pas sans Napoléon. C'est donc à lui que reviendra un jour l'honneur d'avoir refait un monde dans lequel l'homme, le guerrier en Europe, l'emportera, une fois de plus, sur le commerçant et le « philistin » ; peut-être même sur la « femme » cajolée par le christianisme et l'esprit enthousiaste du XVIIIe siècle, plus encore par les « idées modernes ». Napoléon, qui voyait dans les idées modernes et, en général, dans la civilisation, quelque chose comme une ennemie personnelle a prouvé, par cette hostilité, qu'il était un des principaux continuateurs de la Renaissance : il a remis en lumière toute une face du monde antique, peut-être la plus définitive, la face de granit. Et qui sait si, grâce à elle, l'héroïsme antique ne finira pas quelque jour par triompher du mouvement national, s'il ne se fera pas nécessairement l'héritier et le continuateur, au sens positif, de Napoléon : lui qui voulait, comme on sait, l'Europe unie pour qu'elle fût la maîtresse du monde. » [Unser Glaube an eine Vermännlichung Europa’s. — Napoleon verdankt man’s (und ganz und gar nicht der französischen Revolution, welche auf „Brüderlichkeit“ von Volk zu Volk und allgemeinen blumichten Herzens-Austausch ausgewesen ist), dass sich jetzt ein paar kriegerische Jahrhunderte auf einander folgen dürfen, die in der Geschichte nicht ihres Gleichen haben, kurz dass wir in’s klassische Zeitalter des Kriegs getreten sind, des gelehrten und zugleich volksthümlichen Kriegs im grössten Maassstabe (der Mittel, der Begabungen, der Disciplin), auf den alle kommenden Jahrtausende als auf ein Stück Vollkommenheit mit Neid und Ehrfurcht zurückblicken werden: — denn die nationale Bewegung, aus der diese Kriegs-Glorie herauswächst, ist nur der Gegen-choc gegen Napoleon und wäre ohne Napoleon nicht vorhanden. Ihm also wird man einmal es zurechnen dürfen, dass der Mann in Europa wieder Herr über den Kaufmann und Philister geworden ist; vielleicht sogar über „das Weib“, das durch das Christenthum und den schwärmerischen Geist des achtzehnten Jahrhunderts, noch mehr durch die „modernen Ideen“, verhätschelt worden ist. Napoleon, der in den modernen Ideen und geradewegs in der Civilisation Etwas wie eine persönliche Feindin sah, hat mit dieser Feindschaft sich als einer der grössten Fortsetzer der Renaissance bewährt: er hat ein ganzes Stück antiken Wesens, das entscheidende vielleicht, das Stück Granit, wieder heraufgebracht. Und wer weiss, ob nicht dies Stück antiken Wesens auch endlich wieder über die nationale Bewegung Herr werden wird und sich im bejahenden Sinne zum Erben und Fortsetzer Napoleon’s machen muss: — der das Eine Europa wollte, wie man weiss, und dies als Herrin der Erde. —]

Fragments posthumes, 1885,

W I 6a, juin-juillet 1885 : 37[9] : « Ici comme ailleurs, le siècle prochain marchera sur les brisées de Napoléon, le premier en date et le plus moderne des hommes des temps nouveaux. Pour les tâches des siècles prochains, la “vie publique” et les Parlements sont les organisations les plus inadéquates. » [hierin, wie in anderen Dingen, wird das nächste Jahrhundert in den Fußtapfen Napoleons zu finden sein, des ersten und vorwegnehmendsten Menschen neuerer Zeit. Für die Aufgaben der nächsten Jahrhunderte sind die Arten „Öffentlichkeit“ und Parlamentarismus die unzweckmäßigsten Organisationen.]

Par-delà bien et mal, 1886,

II « L’esprit libre », § 38 : « Comme il en advint encore récemment, dans toute la lumière des temps nouveaux, de la Révolution française, cette farce sinistre et superflue (1) si on la regarde de près, mais que les nobles et enthousiastes spectateurs de l’Europe entière, qui la suivirent si longuement et si passionnément de loin, interprétèrent au gré de leurs indignations ou de leurs enthousiasmes jusqu’à ce que le texte disparût sous l’interprétation, de même il se pourrait qu’une noble postérité travestît encore une fois le sens de tout le passé et par là en rendit peut-être la vue supportable. – Ou plutôt, n’est-ce pas déjà chose faite ? Ne fûmes-nous pas nous-mêmes cette « noble postérité » ? Et ce passé, dans la mesure où nous sommes conscients d’un tel phénomène, n’est-il pas du même coup aboli ? » [Wie es zuletzt noch, in aller Helligkeit der neueren Zeiten, mit der französischen Revolution gegangen ist, jener schauerlichen und, aus der Nähe beurtheilt, überflüssigen Posse, in welche aber die edlen und schwärmerischen Zuschauer von ganz Europa aus der Ferne her so lange und so leidenschaftlich ihre eignen Empörungen und Begeisterungen hinein interpretirt haben, bis der Text unter der Interpretation verschwand: so könnte eine edle Nachwelt noch einmal die ganze Vergangenheit missverstehen und dadurch vielleicht erst ihren Anblick erträglich machen. — Oder vielmehr: ist dies nicht bereits geschehen? waren wir nicht selbst — diese „edle Nachwelt“ ? Und ist es nicht gerade jetzt, insofern wir dies begreifen, — damit vorbei ?]

1. Autres qualifications ou métaphorisations :
Une conquête (Portalis, Jaurès)
Une épidémie de l’esprit (Sénac de Meilhan)
Une conversion totale du gouvernement d’un peuple (Chateaubriand)
Un retour du factice au réel (Victor Hugo)
Un simple déménagement (Goncourt)
Un bloc (Clémenceau)
Les vacances de la vie (André Malraux)
Un bloc de contradictions (B. Charbonneau)
Un problème qui se donne pour une solution (J. Julliard)



III « Le phénomène religieux », § 46 : « En tout temps ce ne fut pas la foi, mais le détachement de la foi, cette insouciance mi-stoïque mi-souriante à l'endroit du sérieux de la foi qui indigna les esclaves et les dressa contre leurs maîtres.La philosophie « éclairée » indigne : l’esclave veut de l’absolu, il ne comprend que ce qui est tyrannique, en morale comme ailleurs, il aime comme il hait, profondément, jusqu’à la douleur, jusqu’à la maladie ; ses souffrances nombreuses et cachées se révoltent contre le goût aristocratique qui semble nier la souffrance. Le scepticisme à l’égard de la souffrance, simple attitude, au fond, de la morale aristocratique, n’a pas peu contribué à susciter la dernière grande révolte d’esclaves qui a commencé avec la Révolution française. » [Die „Aufklärung“ empört: der Sklave nämlich will Unbedingtes, er versteht nur das Tyrannische, auch in der Moral, er liebt wie er hasst, ohne Nuance, bis in die Tiefe, bis zum Schmerz, bis zur Krankheit, — sein vieles verborgenes Leiden empört sich gegen den vornehmen Geschmack, der das Leiden zu leugnen scheint. Die Skepsis gegen das Leiden, im Grunde nur eine Attitude der aristokratischen Moral, ist nicht am wenigsten auch an der Entstehung des letzten grossen Sklaven-Aufstandes betheiligt, welcher mit der französischen Revolution begonnen hat.]

V « Contribution à l’histoire naturelle de la morale », § 191 : « L'instinct, ou comme disent les chrétiens la "foi", ou comme je dis, moi, le "troupeau" l'a emporté jusqu'ici en matière de morale. Il faudrait faire une exception pour Descartes, le père du rationalisme (et par conséquent le grand-père de la Révolution), qui ne reconnaissait pas d'autre autorité que celle de la raison ; mais la raison n'est qu'un instrument, et Descartes était superficiel. » [in Dingen der Moral hat bisher der Instinkt, oder wie die Christen es nennen, „der Glaube“, oder wie ich es nenne, „die Heerde“ gesiegt. Man müsste denn Descartes ausnehmen, den Vater des Rationalismus (und folglich Grossvater der Revolution), welcher der Vernunft allein Autorität zuerkannte: aber die Vernunft ist nur ein Werkzeug, und Descartes war oberflächlich.]

V, § 199 : « Quel bienfait pour ces Européens, pour ce bétail humain, quelle délivrance d’un malaise qui devenait intolérable, que l’apparition d’un maître absolu : c’est ce que montrèrent pour la dernière fois sur une vaste échelle les répercussions du phénomène napoléonien : l’histoire de ces répercussions est pour ainsi dire celle du plus haut bonheur auquel ce siècle ait pu atteindre dans ses meilleurs moments et dans ses hommes les plus remarquables. » [Welche Wohlthat, welche Erlösung von einem unerträglich werdenden Druck trotz Alledem das Erscheinen eines unbedingt Befehlenden für diese Heerdenthier-Europäer ist, dafür gab die Wirkung, welche das Erscheinen Napoleon’s machte, das letzte grosse Zeugniss: — die Geschichte der Wirkung Napoleon’s ist beinahe die Geschichte des höheren Glücks, zu dem es dieses ganze Jahrhundert in seinen werthvollsten Menschen und Augenblicken gebracht hat.]

VII « Nos vertus », § 239 : « Depuis la Révolution française l'influence de la femme a diminué en Europe à mesure qu'elle obtenait plus de droits et formulait plus de prétentions : et « l'émancipation de la femme », pour autant qu'elle est le vœu et l'œuvre des femmes elles-mêmes (et non pas seulement des imbéciles de l'autre sexe), se révèle comme un des symptômes les plus remarquables du graduel affaiblissement, du dépérissement des instincts les plus essentiellement féminins.» [Seit der französischen Revolution ist in Europa der Einfluss des Weibes in dem Maasse geringer geworden, als es an Rechten und Ansprüchen zugenommen hat; und die „Emancipation des Weibes“, insofern sie von den Frauen selbst (und nicht nur von männlichen Flachköpfen) verlangt und gefördert wird, ergiebt sich dergestalt als ein merkwürdiges Symptom von der zunehmenden Schwächung und Abstumpfung der allerweiblichsten Instinkte.]

VIII, « Peuples et patries », § 245 : « Sa musique [de Beethoven] baigne dans le clair-obscur d'un deuil éternel et d'une éternelle espérance qui déploie ses ailes, — la lumière même qui baigna l'Europe lorsqu'elle rêva avec Rousseau, dansa avec la Révolution autour de l'arbre de la liberté et pour finir adora presque Napoléon. » [seiner Musik liegt jenes Zwielicht von ewigem Verlieren und ewigem ausschweifendem Hoffen, — das selbe Licht, in welchem Europa gebadet lag, als es mit Rousseau geträumt, als es um den Freiheitsbaum der Revolution getanzt und endlich vor Napoleon beinahe angebetet hatte.]

IX, « Qu’est-ce qui est aristocratique ? », § 258 : Quand une aristocratie, comme celle de la France au début de la Révolution, rejette ses privilèges dans un geste de dégoût sublime et tombe victime des visées extravagantes de son sens moral, on doit parler de corruption : ce geste ne fut au fond que le dernier acte d'une corruption séculaire, qui l'avait amenée à se démettre graduellement de ses prérogatives seigneuriales pour se contenter d'être une fonction de la monarchie (elle ne fut plus, à la fin, que sa parure). [Wenn zum Beispiel eine Aristokratie, wie die Frankreichs am Anfange der Revolution, mit einem sublimen Ekel ihre Privilegien wegwirft und sich selbst einer Ausschweifung ihres moralischen Gefühls zum Opfer bringt, so ist dies Corruption].


La Généalogie de la morale (1887),

I « " Bon et méchant ", " bon et mauvais " [„Gut und Böse“, „Gut und Schlecht“] »,
§ 16 : « Dans un sens plus décisif, plus radical encore, la Judée triomphe une fois de plus de l’idéal classique avec la Révolution française : la dernière noblesse politique de l’Europe, celle du XVIIe et du XVIIIe siècle français, s’écroule sous la poussée des instincts populaires du ressentiment – jamais sur Terre on n'avait connu allégresse plus grande, enthousiasme plus tapageur. Au milieu de ce vacarme se produisit la chose la plus inattendue, la plus énorme : avec une magnificence jusqu'alors inconnue, l'idéal antique lui-même se présenta en chair et en os au regard et à la conscience de l'humanité, – et de nouveau, mais plus fortement, plus simplement, de façon plus insistante que jamais, face au vieux mot d'ordre mensonger du ressentiment publiant le privilège de la majorité, face à la volonté de bassesse, d'humiliation et de nivellement de déclin de l'homme, retentit le mot d'ordre contraire, effrayant et enchanteur, du privilège de la minorité. Comme une dernière flèche montrant l'autre chemin apparut Napoléon, le plus singulier, le plus tardif des hommes, et avec lui le problème incarné de l'idéal aristocratique en soi — considérez bien quel problème c'est là : Napoléon, cette synthèse de l'inhumain et du surhomme...» [In einem sogar entscheidenderen und tieferen Sinne als damals kam Judäa noch einmal mit der französischen Revolution zum Siege über das klassische Ideal: die letzte politische Vornehmheit, die es in Europa gab, die des siebzehnten und achtzehntenfranzösischen Jahrhunderts brach unter den volksthümlichen Ressentiments-Instinkten zusammen, — es wurde niemals auf Erden ein grösserer Jubel, eine lärmendere Begeisterung gehört! Zwar geschah mitten darin das Ungeheuerste, das Unerwartetste: das antike Ideal selbst trat leibhaft und mit unerhörter Pracht vor Auge und Gewissen der Menschheit, — und noch einmal, stärker, einfacher, eindringlicher als je, erscholl, gegenüber der alten Lügen-Losung des Ressentiment vom Vorrecht der Meisten, gegenüber dem Willen zur Niederung, zur Erniedrigung, zur Ausgleichung, zum Abwärts und Abendwärts des Menschen die furchtbare und entzückende Gegenlosung vom Vorrecht der Wenigsten ! Wie ein letzter Fingerzeig zum andren Wege erschien Napoleon, jener einzelnste und spätestgeborne Mensch, den es jemals gab, und in ihm das fleischgewordne Problem des vornehmen Ideals an sich — man überlege wohl, was es für ein Problem ist: Napoleon, diese Synthesis von Unmensch und Übermensch…]


Fragments posthumes, 1887-1888

« L'espèce supérieure fait défaut, c'est-à-dire celle dont la fécondité et la puissance inépuisables maintiennent la croyance en l'homme. (Que l'on songe à ce que l'on doit à Napoléon : presque tous les espoirs supérieurs de ce siècle.) » (Fragments posthumes, automne 1887, 9[44].
« Napoléon. le lien intime et nécessaire entre l'homme supérieur et l'homme redoutable. L'" homme ", rétabli ; le tribut mérité de mépris et de crainte restitué à la femme. La " totalité ", comme santé et activité supérieure; la ligne droite, le grand style dans l'action découverts à nouveau; l'instinct le plus puissant qui affirme la vie elle-même, l'instinct de domination. » (Fragments posthumes, automne 1887, 10[5].
« Napoléon, la passion pour de nouvelles possibilités de l'âme, l'élargissement de l'âme dans l'espace... » (Fragments posthumes, été 1888, 16[34].

L’Antéchrist, 1888,

§ 11 : « Kant n’a-t-il pas vu dans la Révolution française le passage de la forme inorganique de l’État à sa forme organique ?
§ 62 : « Le ver du péché, par exemple : c'est de cette misère-là que le christianisme a enrichi l'humanité ! – " L'égalité des âmes devant Dieu ", ce faux-semblant, ce prétexte offert aux rancunes de toutes les âmes viles, cette notion explosive, qui finalement s’est faite Révolution, idée moderne et principe du déclin de toute l'organisation sociale, – c'est de la dynamite chrétienne ... Les bienfaits "humanitaires" du christianisme ! Arriver à produire à partir de l'humanitas une auto-contradiction, un art de s'auto-avilir, une volonté de mensonge à tout prix, une aversion et un mépris pour tous les instincts bons et francs ! » [„Humanitäre“ Segnungen des Christenthums! Aus der humanitas einen Selbst-Widerspruch, eine Kunst der Selbstschändung, einen Willen zur Lüge um jeden Preis, einen Widerwillen, eine Verachtung aller guten und rechtschaffnen Instinkte herauszuzüchten! —]

Le Crépuscule des Idoles, 1888,
« Divagations d'un " inactuel " », § 44, Ma conception du génie : « [...] Prenons le cas de Napoléon. La France de la Révolution, et plus encore de l'époque prérévolutionnaire, aurait, par elle-même, produit le type exactement opposé à celui de Napoléon : et elle a effectivement produit ce type. Et comme Napoléon était autre, héritier d'une civilisation plus robuste, plus immuable, plus antique que celle qui était en train de se disloquer et de s'évanouir en France, c'est lui qui y devint le maître, c'est lui qui était d'emblée le maître unique. Les grands hommes sont nécessaires, l'époque où ils apparaissent est accidentelle. »
§ 48. Ce que j'entends par progrès. : « Napoléon était un cas de " retour à la nature " au sens où je l'entends [une montée] (par exemple in rebus tacticis, et, plus encore, comme le savent les militaires, en stratégie). — Mais Rousseau, à quoi voulait-il au fond revenir, celui-là ? Rousseau, le premier homme moderne, un idéaliste et une canaille en une personne : il avait besoin de " dignité " morale pour soutenir son propre regard. [...] Je hais Rousseau jusque dans la Révolution : elle est l'expression dans l'Histoire mondiale de ce doublet d'idéaliste et de canaille  La farce  sanglante que fut le déroulement de cette Révolution, son " immoralité " me touche peu : ce que je hais, c'est sa moralité rousseauiste, — les soi-disants " vérités " de la Révolution, par lesquelles ses effets se font encore sentir, gagnant à sa cause tout le plat et le médiocre. La doctrine de l'égalité !... » [Napoleon war ein Stück „Rückkehr zur Natur“, so wie ich sie verstehe (zum Beispiel in rebus tacticis, noch mehr, wie die Militärs wissen, im Strategischen). — Aber Rousseau — wohin wollte der eigentlich zurück? Rousseau, dieser erste moderne Mensch, Idealist und canaille in Einer Person; der die moralische „Würde“ nöthig hatte, um seinen eignen Aspekt auszuhalten [...] — Ich hasse Rousseau noch in der Revolution: sie ist der welthistorische Ausdruck für diese Doppelheit von Idealist und canaille. Die blutige farce, mit der sich diese Revolution abspielte, ihre „Immoralität“, geht mich wenig an: was ich hasse, ist ihre Rousseau’sche Moralität — die sogenannten „Wahrheiten“ der Revolution, mit denen sie immer noch wirkt und alles Flache und Mittelmässige zu sich überredet. Die Lehre von der Gleichheit!…]



dimanche 12 avril 2015

DFHM : DOSSIER DE PRESSE DU VHM 1985

DOSSIER DE PRESSE DU

VOCABULAIRE DE L'HOMOSEXUALITÉ MASCULINE

PARIS : Payot, 1985 ; collection Langages et sociétés dirigée par Louis-Jean Calvet



BCLF : « En lexicologie, le terme "vocabulaire" désigne généralement un micro-lexique isolable à l’intérieur de la totalité appelée "lexique" car autonomisé et conçu à partir d’un référent singulier. Il y a ainsi des vocabulaires techniques, professionnels ou autres, mais aussi des vocabulaires "interdits" ou "clandestins" qui, du fait de leur objet, se situent dans les zones obscures et périphériques du lexique commun. C’est précisément le cas du vocabulaire de l’homosexualité masculine dont ce livre propose une présentation synthétique, l’auteur partant du principe que l’enquête linguistique est encore la meilleure façon d’approcher la complexité de la question homosexuelle – question le plus souvent commise au silence depuis des siècles mais que le langage, cependant, reflète multiplement à travers une "parole" dispersée.
  Un des aspects les plus intéressants de cette enquête est de montrer que le vocabulaire en question ne se compose pas que de termes négatifs (argotiques notamment) ou en miroir (médicaux, juridiques) définissant l'homosexualité comme une déviation ou une altération de la norme, mais encore qu’il peut être appréhendé comme lieu symbolique de manifestation d’une identité socio-culturelle marginalisée mais non pas muette et négligeable en fait. Ce vocabulaire, c’est aussi un "glossaire" aux vocables spécifiques, non réducteurs, issus ni du mépris, ni d’une simple différence. » (Bulletin critique du livre français, n° 472, avril 1985)


CANARD ENCHAÎNÉ : « Le fin exégète du "Monde" (1/11) a bien vu ce qu’il y avait de vicelard dans cette lettre [du pape aux évêques] : "La nouveauté est que cette condamnation est étendue aujourd’hui aux simples tendances homosexuelles." Doux Jésus ! Je lis, dans le "Vocabulaire de l’homosexualité masculine", de Claude Courouve (Payot), ces définitions exquises du policier parisien Carlier : "Les prostitués parisiens tout jeunes prennent le nom de "petits jésus". Lorsqu’ils ont vieilli, qu’ils ont gagné de l’audace et de l’expérience, ils deviennent des "jésus"." Avec un peu de bol, ils finissent cardinaux ou secrétaire particulier de Pie XII. Ce même "Vocabulaire" m’apprend l’origine de l’étrange expression trouvée danss "Lucien Leuwen", du regretté Stendhal : "Milord Link est un "évêque de Clogher", mais ne pas le dire." Il se trouve que, en juillet 1822, Percy Jocelyn, évêque de Clogher, près de Londres, fut surpris en compagnie d’un soldat (pas de plomb) dans le "backroom" (déjà !) d’un pub. » (Jeanne Lacane, "Les calices de l’exploit", Le Canard Enchaîné).


MOTT : « Livre sérieux, aboutissement de profondes et intelligentes recherches à partir de sources diversifiées ; c'est un ouvrage indispensable à qui s'intéresse à l'étude des variantes sexuelles du passé ou du présent. (Luiz Mott, Ciencia e Cultura [Brésil])


ÉdJ : « La langue française a ses quartiers réservés. En voici un décrit historiquement pour la première fois : le tableau n’est sans doute pas complet, mais on ne peut demander au premier explorateur de tout découvrir dans un tel domaine, où les textes sont rares et peu repérés.  L'ouvrage est fait d'une série de notices classées alphabétiquement et illustrées de nombreux exemples : grâce à ce petit dictionnaire, on peut reconstituer non seulement des moments de l'histoire de la langue, mais de l'histoire des mœurs aussi ; entre l'hypocrisie et le franc-parler, le langage est passé par des voies insolites. » (Pierre Enckel, L'Événement du Jeudi, 7-13 février 1985)


GPH / LEROI : « Il n’existait pas jusqu’à nos jours, et sauf erreur, d’inventaire lexicographique des discours tenus en langue française sur l’homosexualité masculine. Un inventaire aussi de l’évolution de ces discours et de leurs éventuelles filiations. Après dix ans de recherches qui se sont traduites par diverses brochures (bibliographies, rapports de police, etc.) et articles dans la presse gaie des années 1975 puis, notamment, dans Universalia 81 et l’Encyclopaedia Universalis 1984, volume 9, Claude Courouve est en mesure de nous faire ce cadeau. Son Vocabulaire de l’homosexualité masculine va du Moyen Âge à nos jours, les XVIe, XVIIe et surtout XVIIIe et XIXe siècles dominant son propos. On trouvera par exemple le sens et l’origine de termes connus et toujours en vigueur. Quelques-uns de la langue dite vulgaire comme "bougre" (XIIe s.), "en être" (XVIIe s.), "folle", "honteuse", "tante" ou "tapette" (XIXe s.). Quelques autres d’origine savante et tirés du latin comme "contre nature" (XIIIe s.), du grec comme "pédéraste" (XVIe s.) (avec ses dérivés : "pédé", XIXe, et "pédale", XXe), "antiphysique" (XVIIIe s., = contre nature), ou de l’allemand comme "homosexualité" (XIXe s.). On repérera le couple d’identités opposées homosexuel/hétérosexuel et son émergence avec la symétrie " aimer les femmes/les garçons " (XVIe s.) et " coniste/culiste " (XVIIe s.). On aura plaisir à rencontrer des termes tombés en désuétude : "rivette" (XVIIIe s.), "corvette" (XIXe s.), etc. En revanche, il manque peut-être des mots plus utilisés : " homophobie"  (que l’auteur a pourtant introduit en France, semble-t-il), "équivoque", "fille" ; ou, au contraire, "congénère", "fiotte". Il est vrai qu’il s’agit là d’un vocabulaire et non d’un dictionnaire porté naturellement à l’exhausitivité. Plus largement, on comprendra comment on fit du jeune roi Louis XV un roi hétérosexuel en lui mentant et en l’impressionnant. On découvrira depuis quand et par qui l’amitié du Christ et de saint Jean a été interprétée de façon homosexuelle, et quelques autres choses encore. Et, se détachant de cet ouvrage, on notera l’importance de la religion (monothéiste, ici le christianisme, catholique et protestant, cf. "contre nature", "péché", sodomie" …), la mutation de l’hérésie religieuse en hérésie sociale (cf. "bougre", "hérétique en amour", "non-conformiste"), la continuation de l’idéologie religieuse et d’une mentalité bourgeoise par d’autres moyens (un prétendu athéisme qui dénonce le "vice clérical", notamment à travers les Jésuites ; le prétendu communisme athée qui parle de "vice bourgeois" …) Un autre aspect intéressant mis en relief est que les mots créés tout au long de l’histoire pour signifier un amour qui s’est d’autant plus dit qu’il ne fallait pas le nommer (selon certains doctes canonistes et parmi eux quelques saints), forment une longue liste non dénuée de sens. Foucault nous l’avait appris, l’homosexualité relève de l’ordre du discours, de l’ordre des discours. Et cela convient parfaitement à Claude Courouve : " passer par les mots qui ont servi à en parler " pour aborder la complexité extrême de la question homosexuelle " sans introduire de biais initial " ; encore peut-on regretter l’absence d’une certaine vue d’ensemble (quitte à voir celle-ci modifiée au fur et à mesure des recherches). Le sujet, à travers la problématique de la parole envisagée, fait ainsi intervenir, dans un cadre multidisciplinaire, histoire de la littérature, droits canon et pénal, psychanalyse et psychologie, éthologie, sociobiologie, anthropologie, histoire des mœurs, des sciences et des idées. Et au-delà du simple fait sexuel auquel on veut parfois la réduire (ce que ne font ni les meilleurs esprits ni l’auteur), l’homosexualité apparaît à travers cette étude pour ce qu’elle est, une manière d’être en société, marginale sociologiquement peut-être (tout du moins encore) mais non pas culturellement marginale. Loin donc de constituer un simple particularisme, on constate qu’elle représente une universalité, universalité du temps, de société, de conditions et de mœurs, une manière d’être au monde. Et l’auteur de souligner avec raison dans sa préface qu’ " il est aujourd’hui impossible d’envisager une science de l’homme sans se heurter tôt ou tard à la question homosexuelle. " Un index (un peu sous-développé mais avec le mérite d’exister, trop d’éditeurs actuels l’oublient), une bibliographie et, en appendices, des textes des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles ainsi qu’un index du vocabulaire de [Marcel] Proust dans la Recherche ajoutent à l’intérêt d’un livre facile d'accès malgré son érudition et qui met bien en lumière les rapports entre corps et langage. » (Alain Leroi, Gai Pied Hebdo, n° 158)


GBB : « A remarkable summa of his recent research in which the topics that he has shared with us are integrated into their proper context. [...] The articles are structured so as to begin with the origin of the word, followed by its vicissitudes through the centuries, with attention to cognate and contrasting termes. The points made are demonstrated by about 1000 source citations - piquant, precise, and sometimes unsettling - so that the book yields a major dividend of an anthology of primary sources. [...] What perhaps is not clear is that it is in fact three books in one. In the foreground, of course, is the realm of historical semantics, which the author handles with superb skill. Then we have materials for the still missing general history of homosexuality in French literature, a topic whose very richness has perhaps deterred other scholars. Finally, the book touches on many episodes of the history of homosexual behavior in France, providing references to published and unpublished material. » (Dr Wayne R. Dynes, GBB-Cabirion [New York]


altersexualite.com : « Lexique indispensable et anthologie littéraire, pour les éducateurs, Vocabulaire de l’homosexualité masculine, de Claude Courouve, Payot, coll. Langages et sociétés
Dimanche 15 juin 2008, par Lionel Labosse
Cet ouvrage de référence porte bien son titre. Il ne s’agit pas seulement d’un dictionnaire, mais d’un essai très documenté sur les mots qui, au cours de l’histoire, ont désigné les hommes homosexuels. 74 articles, une introduction, des annexes et des index font le point sur ces mots, certains totalement oubliés, d’autres mal compris ou dont le sens a glissé. L’impressionnant index des auteurs démontre que l’ouvrage est aussi une anthologie littéraire et historique, avec souvent des textes rares ou inédits dénichés par le chercheur, qui n’hésite pas non plus à citer les petites annonces (p. 101) ! Claude Courouve est une personnalité originale dans le monde altersexuel. Introducteur en France du mot homophobie, cet érudit a pratiqué les « gay studies » avant la lettre, et s’est opposé (comme votre serviteur) à la pénalisation des propos homophobes. Cet ouvrage est issu des recherches qu’il avait menées pour sa thèse de philosophie.
Le paradoxe : dire ou taire l’infamie
Dès l’introduction, l’auteur souligne le paradoxe inhérent au vocabulaire infamant. Si la condamnation religieuse est sans recours : « Contrairement au meurtre et à l’inceste, il n’existe en effet dans les Testaments aucun exemple d’acte homosexuel pardonné ensuite », « le christianisme a dû produire en abondance des discours sur ce comportement qu’il condamnait, et a parfois paradoxalement fait connaître ce qu’il souhaitait anéantir » (p. 16). C’est ainsi qu’il faut comprendre « l’abrogation de l’ancien droit réprimant le crime de sodomie […] due bien plus à ce désir de silence […] qu’à une volonté révolutionnaire » (p. 24). Il note que « à toutes les époques, l’homosexualité masculine a été imputée aux nations étrangères » (p. 28)
De nombreux articles fort utiles expliquent l’origine de mots plus ou moins oubliés, mais parfois très utilisés à une période précise : antiphysique, très répandu au XVIIIe, a disparu pour une raison évidente, comme bardache, terme méprisant désignant le garçon passif, ou achrien (néologisme de Renaud Camus), peut-être parce qu’il n’apportait aucun élément de sens supplémentaire ; bougre avait beaucoup varié dans son sens avant de désigner les homosexuels, et a continué après ; homophile tend à disparaître avec la revue Arcadie. L’article évêque de Clogher m’a beaucoup intéressé : il signale un fait divers, un évêque arrêté dans une « backroom » avant la lettre, le 19 juin 1822. Stendhal aurait repris l’expression dans des notes manuscrites pour Lucien Leuwen, en précisant : « Milord Link est un évêque de Clogher, mais ne pas le dire », ce qui préfigure la polémique récente autour de Harry Potter et les Reliques de la Mort, de J.K. Rowling. Pour les passionnés, il s’agit de Percy Jocelyn, évêque anglican de l’Église d’Irlande. Il y a aussi de nombreux noms de personnages réels ou inventés qui ont pu désigner les homosexuels par antonomase : Corydon, Jésus, Adonis, Vautrin, etc. L’article inversion / inverti nous rappelle que la distinction entre homosexuel et transgenre était loin d’être claire (citation de Karl Heinrich Ulrichs : « une âme de femme prisonnière dans un corps d’homme »). L’article Pédale / Pédé nous apprend que le mot a pu désigner dans l’argot des voyous, « un gars qui trahit son copain pour une fille ». L’expression « point de côté » a désigné un « ennemi des pédérastes », parfois un « agent des mœurs », au XIXe siècle. Certains mots rarissimes sont signalés sans faire l’objet d’un article : anandryne, anandre, agyne (p. 195). La distinction entre sodomite et sodomiste mérite d’être signalée : « Les noms en –iste désignant souvent les partisans d’une doctrine ou d’une pratique (tel naturiste), sodomiste reflète l’idée d’identité homosexuelle, le sentiment d’appartenir, par cet élément de personnalité, à une catégorie sociologique ».
Certains écrivains sont omniprésents, comme notre cher Voltaire, qui utilisa « une trentaine de mots ou expressions, dont agent et patient ». On note que cette bipartition fonctionnelle [1] n’est pas récente ; elle est constamment attestée depuis le « pathicus », passif des Romains, et imprègne le vocabulaire. Certains mots tentaient de contourner cette ornière, comme la partition proposée par Magnus Hirschfeld entre éphébophiles, androphiles et gérontophiles. Ce dernier inventa aussi « normosexuel », mot dont j’ignorais l’existence quand j’ai forgé « orthosexie » (bien avant de découvrir grâce à Google books que Renaud Camus avait déjà utilisé le mot « orthosexuel » jadis). Quelques autres bipartitions sont à relever : culiste / coniste / anticoniste ; nature / contre-nature (C’est Platon qui inventa le concept, dans Phèdre, 251 b, et dans Les Lois, 636cd) ; conformiste / non-conformiste. Claude Courouve signale la dissymétrie du couple homo/hétérosexuel, le second n’ayant quasiment pas de synonyme.
Une anthologie des normopathes et des rebelles à travers les âges
L’ouvrage est aussi par la force des choses une confondante anthologie de l’homophobie (depuis les simples moqueries jusqu’à l’évocation d’exécutions), qui pourra fournir des extraits intéressants aux enseignants. Signalons par exemple le Traité des peines et amendes de J. Duret, de 1572 (art. bougre), qui laïcise les lois du Lévitique précisant qu’en cas de bestialité, l’humain et la bête doivent être tués ensemble ! Des propos de Zola sont mémorables (« un inverti est un désorganisateur de la famille, de la nation, de l’humanité »), des frères Goncourt sur Verlaine (p. 176), des couplets ironiques sur l’exécution de Deschauffours, des élucubrations d'Étienne Pivert de Senancour [2] (texte reproduit en annexe) ; mais Pierre Joseph Proudhon, souvent cité, mérite la palme : « Tout meurtre commis par un citoyen quelconque sur le pédéraste […] est excusable. Est réputé pédéraste le succube et l’incube » (p. 175).
Ces propos virulents font ressortir par contraste les rares écrivains qui ont osé aller contre la normopathie : Montaigne, Diderot, ou quelques inconnus, comme le Dr Alétrino qui notait : « l’influence dépravante exercée sur la société par les hétérosexuels est plus forte que celle des homosexuels » (p. 133). Fourier introduisit l’usage du mot unisexuel, quelques années avant la création d’homosexuel. On relèvera les tâtonnements d’André Gide, sa condamnation des invertis, corrigée par la suite. La lecture de certaines citations d’écrivains connus des siècles passés laisse souvent perplexe, car malgré leur connaissance du grec et du latin, et la traduction en français de ces textes au XVIe siècle, ils ont pu affirmer sans craindre le ridicule que ce qu’ils traitaient de vice était une décadence moderne inconnue des anciens. Rares sont les contre-exemples, comme ces propos de Marie de Gournay rapportés par Tallemant des Réaux : « À Dieu ne plaise […] que je condamne ce que Socrate a pratiqué » (p. 170).
Pour la bonne bouche, si je puis dire, citons pour finir cet extrait d’une annexe édifiante : « L’habitude de voir ces malheureux a donné à M. Cullerier une grande facilité pour les reconnaître sur-le-champ, aussi se trompe-t-il rarement à cet égard : la plus forte preuve qu’il en donne est la disposition de l’ouverture du rectum, qui présente la forme d’un entonnoir. Ce signe est presque certain, et l’on peut avoir la presque conviction que ceux qui le présentent sont entachés de ce vice ; aussi devrait-on, en médecine légale, y faire la plus sérieuse attention. » (Dr Pierre Reydellet, art. « Pédérastie » du Dictionnaire des sciences médicales de Panckoucke, 1819). On retrouve ici l’origine de l’invention du fameux adjectif infundibuliforme par le Dr Tardieu (cf. Les origines de la sexologie 1850-1900, de Sylvie Chaperon).
 [1] Je ne sais pas pour vous, mais quand un partenaire potentiel me pose en question n°1 « Tu es actif ou passif », il reste à tout jamais potentiel…
[2] « un organe qui ne fut pas destiné aux jouissances de l’amour, et que la débauche seule y consacra quand ses caprices infâmes perdirent la pudeur »


LE MONDE : « Si le mot qu’a inspiré à lord Alfred Douglas son amitié particulière avec Oscar Wilde, "l’amour qui n’ose pas dire son nom" , a fait fortune, l’homosexualité a porté bien des noms infâmes et s’est désignée elle-même en des termes parfois sophistiqués, souvent ironiques, la plupart du temps presque médicalement neutres. Dans son Vocabulaire de l’homosexualité masculine, qui devrait intéresser les profanes aussi bien que les initiés, Claude Courouve, se présentant comme un lexicographe amateur, chausse les bottes de l’explorateur professionnel pour défricher de A à Z le vaste continent de l’ " identité de glossaire " homosexuelle, selon le célèbre mot de Proust. Truffé d'anecdotes, empli de documents médicaux et de références littéraires - la littérature libertine et les écrivains modernes comme [André] Gide, Apollinaire, [Marcel] Jouhandeau, [Dominique] Fernandez, [Gabriel] Matzneff, sont à l'honneur - ce lexique nous renseigne aussi avec érudition sur l'apparition de certains termes. L’expression " l’amour de l’évêque de Clogher ", périphrase que l’on trouve chez Stendhal, tire son origine d’un fait-divers du dix-neuvième siècle : l’évêque de Clogher fut pris en flagrant délit en compagnie d’un soldat … À la mode au dix-neuvième siècle, le mot "Germiny" fait passer à la postérité un conseiller municipal de Paris, surpris dans les toilettes avec un bijoutier. L’expression inspira à Alphonse Daudet une cruelle réflexion sur son épouse : " On lui raconterait que je suis un Germiny, qu’elle ne saurait bien si ce n’est pas vrai.  » (R[oland] J[accard], Le Monde, 12 avril 1985)


NO : « Il est vrai que l'on ne peut guère évoquer l'homosexualité masculine en laissant de côté la cohorte des désignations qui l'ont, au cours des siècles, magnifiée ou stigmatisée [...] Claude Courouve a entrepris une exploration systématique de ce lexique, et le dictionnaire qu'il publie en ce début d'année constitue à n'en pas douter l'un des plus beaux hymnes qui se puissent imaginer à l'inventivité du langage et à la beauté des mots, un chant où se mêlent sans préséances aux vocables les plus sophistiqués et aux références imposées par la littérature les argots les plus verts forgés dans l'ombre des prisons ou entre les ruisseaux et les trottoirs. [...] Il nous offre également une petite anthologie des textes où ces appellations déploient leur force évocatrice. » (Didier Éribon, Le Nouvel Observateur


RHLF : « "Quel que soit le jugement que vous portiez de mes idées, j’espère de mon côté que vous n’en conclurez rien contre l’honnêteté de mes mœurs." Le temps n’est plus où l’on devait, comme le docteur Bordeu mis en scène par Diderot dans Le Rêve de d’Alembert, s’entourer de précautions oratoires avant de parler d’homosexualité. La sérieuse collection "Langages et sociétés" a eu raison d’accueillir ce vocabulaire rassemblé par Claude Courouve et la non moins sérieuse Revue d’Histoire littéraire de la France d’en accueillir un compte-rendu. La question homosexuelle se présente en grande partie dans notre civilisation comme une problématique de parole. Comment évoquer ce qui ne pouvait se dire sans ambages puisque la nomination avait en elle-même quelque chose de contagieux ? La réponse se trouvait dans la prolifération de termes et d’expressions, collectionnés par C. Courouve, entre la Renaissance et aujourd’hui.
  Son introduction (pp. 11-32) évoque les fluctuations du statut tant juridique que social de l’homosexualité masculine et repère, sans prétention linguistique, quelques-uns des fonctionnements du discours sur le sujet. L’altérité sexuelle est fréquemment assimilée à la différence historique (emprunts à l’Antiquité gréco-latine), à la différence nationale (le vice allemand, italien, ou la transformation de bulgare en bougre) à la différence religieuse (hérétique, non-conformiste, ou le jeu métaphorique  sur le juif et l’homosexuel chez [Marcel] Proust (1) ). À côté de ces détours, le vocabulaire dominant procède par anathèmes (abominable, contre-nature, honteux, infâme …) ou, au contraire, par euphémisme (amateur, amitié particulière, mignon …). Le refus de penser l’homosexualité comme une réalité générale conduit à utiliser comme termes génériques des noms propres, des noms souvent rendus célèbres par un fait-divers ou un scandale : les contemporains de la Révolution parlent d’un Villette, Stendhal d’un évêque de Clogher, [Edmond de] Goncourt d’un Germiny, [Marcel] Proust de salaïsme (du nom d’Antoine Sala). Autant d’anecdotes que nous rappelle C. Courouve. La langue courante a accueilli également des termes d’argot, en particulier de l’argot des prisons : lope, pédale, tante, tapette. On pourrait ajouter en verlan : race d’ep (selon l’orthographe de Guy Hocquenghem) ou DP. Certains termes donnent lieu à une étonnante dérivation : on tire de Corydon, lancé par [André] Gide, corydonnesque, corydonien, corydonnerie, s’encorydonner ! Pour échapper au jugement de valeur préalable, certains spécialistes créent homosexualité, hétérosexualité, bisexualité. Enfin l’amour qui n’osait pas dire son nom, selon la formule de l’ami d’Oscar Wilde, lord Alfred Douglas, revendique le droit de parler librement et tout d’abord de choisir son nom. [André] Gide réclame des distinctions entre inversion, homosexualité et pédérastie, rapportée à son étymologie. À la libération des années 1970 correspondent la diffusion de l’adjectif venu d’Outre-Atlantique gai et le néologisme arbitrairement créé par Renaud Camus achrien.

  Claude Courouve n'entreprend pas de construire une théorie, il enregistre des occurrences, note des déplacements lexicaux, avance des hypothèses, dans la riche documentation constituée par les soixante-dix articles et quelques qui vont d'abominable/abomination à uranisme/uraniste. On pourrait toujours ajouter de nouvelles fiches. Nerciat aurait pu être plus systématiquement utilisé : au néologisme andrin, noté ici, se seraient ajoutés androphile, florentiner (le vice italien), loyoliser (on parle aussi à l’époque du péché des Jésuites), postdamique, contamination de postérieur et de Potsdam, résidence résidence de Frédéric II dont les goûts étaient de notoriété publique). Le nom d’un de ses personnages, l’abbé Bujaron, évoque l’italien bugiaroni, francisé par Tallemant des Réaux en bugiarron. La rubrique devant / derrière s’enrichit avec Nerciat des termes imagés fente / écusson / boutonnière / œillet … (2) Sans doute auraient pu également être mis à profit des travaux qui apportent des documents et qu’on s’étonne de ne pas voir citer (3). Du moins le lecteur trouve-t-il en appendice du livre de C. Courouve cinq textes peu connus qui, de La Mothe Le Vayer au Dictionnaire des sciences médicales de 1819, traitent de l’homosexualité, et un index des termes utilisés par [Marcel] Proust dans La Recherche (pp. 238-240). C’est donc pour finir à la littérature que renvoie justement cette étude. La floraison lexicale s’accompagne d’une extraordinaire invention littéraire comme si la fiction et le travail formel avaient été longtemps la meilleure réponse à l’interdit verbal. » (Michel Delon, Revue d'histoire littéraire de la France, janvier-février 1987, pages 169-170).

1. Voir Jeanne Bem, « Le Juif et l'homosexuel dans À la recherche du temps perdu », Littérature, 37, février 1980.
2. Voir le glossaire de Nerciat établi par Apollinaire pour son édition dans la Bibliothèque des curieux
3 Qu'il s'agisse des articles de Pierre Nouveau, « Le péché philosophique ou l'homosexualité au XVIIIe siècle » Arcadie, 254, fév. 1975 et nos suivants ou de Pierre Peyronnet, « Le péché philosophique », Aimer en France 1760-1860, Clermont-Ferrand,1980 ; des essais de Pierre Hahn, Nos ancêtres les pervers. La Vie des homosexuels sous le second empire, Olivier Orban, 1979 ou de J.-P. Aron et R. Kempf, LePénis et la démoralisation de l'Occident, Grasset, 1978 (réédité sous le titre La Bourgeoisie, le sexe et l'honneur).


Frédéric Martel, dans son ouvrage Le rose et le noir - Les homosexuels en France depuis 1968 (Paris : Le Seuil, 1996) citait le mien dans la rubrique Essais culturels (page 427).