vendredi 27 janvier 2023

DFHM : H à hyperviril (sauf hétéro- et homo-) et Icoglan à italien en passant par impudique, infamie et inversion





H

BARTHES : " Le pouvoir de jouissance d'une perversion (en l'occurrence celle des deux H : homosexualité et haschich) est toujours sous-estimé. La Loi, la Doxa, la Science ne veulent pas comprendre que la perversion, tout simplement, rend heureux ; ou pour préciser davantage, elle produit un plus. "
Roland Barthes par Roland Barthes, 1975.

Le n° 1 de la Revue H avait paru en été 1996.


HABITUDE(S), HABITUDES ANORMALES, HABITUDES CONTRE NATURE, HABITUDES PARTICULIÈRES

Victor HUGO : « Sans parler de ces poésies monstrueuses par lesquelles Anacréon, Horace, Virgile même, ont immortalisé d'infâmes débauches et de honteuses habitudes, les chants amoureux des poètes païens anciens et modernes, de Catulle, de Tibulle, de Bertin, de Bernis, de Parny, ne nous offrent rien de cette délicatesse, de cette modestie, de cette retenue sans lesquelles l'amour n'est plus qu'un instinct animal et qu'un appétit charnel.  »
" Idées au hasard ", Juillet 1824, dans Littérature et philosophie mêlées, Paris : Eugène Renduel, 1834.

Vidocq, Les Voleurs..., " Considérations sommaires sur les prisons, les bagnes et la peine de mort. " :


La Tribune :

« Affaire de Germiny », " Interrogatoire ", La Tribune -
Journal républicain socialiste, n° 20, 25 décembre 1876.


« Non-conformisme : […] Dans un autre sens, se dit de ceux qui ont des habitudes contre nature, qui ne se conforment pas aux lois de la nature. »
Littré, Dictionnaire …

« Les missionnaires en disponibilité à Paris se distinguent par ces habitudes contre nature qu’ils contractent dans les pays d’Orient. Il y a quelques années, l’un d’eux était dénoncé comme se livrant d’une façon quasi-publique à la pédérastie ; on l’invita simplement à un peu de prudence : il avait été signalé par l’inspecteur Charron. Vers la même époque, un curé était également noté comme racolant sur l'Esplanade des Invalides des mineurs et de jeunes soldats ; il ne fut jamais inquiété, malgré les rapports de l'inspecteur Campa, qui reçut même l'ordre de cesser toute surveillance. »
Léon. Fiaux, Rapport..., commission spéciale de la police des mœurs, avril 1883, dans La Police des mœurs en France..., " Mœurs du clergé ", Paris : E. Dentu, 1888, page 137.


« La fonction publique, jusque dans ses rouages les plus importants, est gangrénée par la pénétration communiste. Elle est aussi gangrénée, spécialement dans les plus hauts postes des diverses polices, par des personnages aux habitudes particulières. [...] Il s'agit de ces hommes qui appartiennent à la confrérie actuellement très à la mode des homosexuels. »
Raymond Dronne, Assemblée Nationale, 2e séance du 3 décembre 1954.

HANNETON

« Il s'allie avec ses mignons
Ainsi que font les hannetons. »
Pierre de L'Estoile, Mémoires-Journaux, décembre 1581.

L'existence d'une homosexualité animale exclusive ou occasionnelle (et les animaux sont plus proches que nous de la nature entendue dans un certain sens) avait été reconnue par : Aristote (perdrix), Athénée (colombes, perdrix), Elien (dauphin), Horapollon (perdrix), Pline l'Ancien (cailles, coqs, perdrix), Plutarque (coqs). Décidément, les perdrix ...

Animaux signalés depuis par de bons observateurs : abeilles, bonobos, castors, chauve-souris, chèvres, chiens, chimpanzés, hannetons, lions, lucioles, pigeons, poulains, poules, singes, tourterelles et vaches.

Article de Marcel Réja dans le Mercure de France du 1er mars 1928 :

...
... « En même temps que paraissait Corydon, on voyait ses petits amis s'enhardir terriblement et se multiplier d'une façon folle. Loin d'être stériles comme on croyait, leurs unions apparaissent merveilleusement prolifiques depuis qu'on leur a permis de montrer le bout de leurs antennes, les hannetons envahissent délibérément la salle et mettent les pattes dans le plat. II n'y en a plus que pour les hannetons ! Vont-ils donc supplanter définitivement les gens normaux ? »
[...]
« Même avant Marcel Proust, l'uranisme.ne condamnait pas toujours son homme au mépris général. Il y a des exceptions. Précisément dans le domaine de l'art et des lettres. Et pas des personnages de dixième ordre... Verlaine, Rimbaud, Shakespeare, Michel-Ange, etc., furent soit convaincus, soit véhémentement soupçonnés. Les bergers de Virgile, qui furent les compagnons de notre enfance studieuse, n'ont seulement jamais cherché à nier leur cas. »

HAUT RITE

« Ceux-là que sacre le haut rite »
Paul Verlaine, Parallèlement, " Ces passions … ", 1889. Première publication du poème dans La Cravache parisienne, 2 février 1889, sous le titre Parallèlement..


HÉBÉPHILIE

Attirance sexuelle pour les adolescents (au Québec)

HELLÉNIQUE

« M. Oscar Wilde est maintenant torturé pour avoir été un uraniste, un hellénique, un homosexuel, comme vous voudrez. »
AlfredDouglas, « Une introduction à mes poèmes, avec quelques considérations sur l’affaire Oscar Wilde », Revue Blanche, 15 juin 1896.

HÉRÉTIQUE, HÉRÉTIQUE EN AMOUR

Après la liaison réelle entre hérésie et déviance sexuelle autour du XIIIème siècle, un sens figuré d'hérétique est réapparu à la fin du XVIIème. Le musicien et poète Charles Coypeau d'Assoucy raconta que

" Les femmes galantes [...] m'appelaient hérétique, non en fait de religion, mais en fait d'amour. "
Aventures, 1677.

Hérétique : se dit aussi figurément et par extension de toux ceux qui ne pensent pas comme les autres sur quelque chose que ce soit. Ce marquis est un peu hérétique sur le chapitre des femmes. Il est bas [1771 : familier] en ce sens. "
Dictionnaire universel français et latin des pères jésuites de Trévoux, 1704, 1771.

« Hélas ! Amour, que tu fus consterné
Lorsque tu vis ce temple profané,
Et ton rival, de son culte hérétique,
Établissant l’usage antiphysique,
Accompagné de ses mignons fleuris,
Fouler aux pieds les myrtes de Cypris !
[…]
À l’hérétique il faut prêcher d’exemple. »
Anti-Giton, 1714.

Voltaire eut ensuite l’esprit de retourner cet emploi :

« Je vois que le grand d’Assoucy
Est aujourd’hui mal réussi,
Car hélas qu’aurait-il pu faire
Avec son luth et ses chansons
Auprès de vos vilains gitons
Et des déesses de Cythère ?
Le pauvre homme alors confondu
Eût quitté le rond pour l’ovale
Et se fût à la fin rendu
Hérétique en terre papale. »
Lettre à  Jacques-François de Sade [oncle du marquis], 29 août 1733.

Robert de Saint Jean : « Lorsque le scandale des mœurs d'Ernst Röhm apparut à tous, après le massacre du 30 juin 1934, l'opinion germanique attendit des explications. La victime était le chef de deux millions de S. A., et le seul Allemand qu'on avait vu debout aux côtés de Hitler sous les vivats, le jour de la prise de pouvoir. Dans son discours, le chancelier se présenta au Reichstag en justicier, inventa la fable d'un complot criminel, se posa en vengeur de la morale outragée. L'homme vertueux prit le ton solennel qui convenait : " Mères allemandes, j'ai voulu protéger la pureté de vos fils ! " Or, l'homosexualité était l'une des composantes de l'idéologie nazie, l'exaltation de la " beauté divine de l'aryen blond " avait suscité des ferveurs lacédémoniennes. Les Allemands, dans leur immense majorité, éprouvant des penchants " orthodoxes ", il fallait de toute urgence flétrir les " hérétiques ".
Nobles accents, sainte farce pour qui se rappelle le développement occulte de la pédérastie pendant les années trente chez tant de S. A. " fraternellement " liés. »
Passé pas mort, IV " Service de presse " Paris : Grasset, 1983.

Comme dissident et non-conformiste, hérétique souligne le caractère socialement marginal des hommes qui s'aiment ou couchent entre eux. Dans le même ordre d’idées, Marcel Proust avait utilisé dans Jean Santeuil l’expression dissident de l’amour de la femme et l'anarchiste Daniel Guérin avait sous-titré son Autobiographie de jeunesse « d’une dissidence sexuelle au socialisme ».

HERMAPHRODISME MORAL, HERMAPHRODITE MORAL

Ce concept est d’origine littéraire ; dans la préface à sa pièce La Mère coupable, Beaumarchais indiquait :

« Ouvrage composé dans une intention droite et pure : avec la tête froide d’un homme, et le cœur brûlant d’une femme, comme on l’a pensé de [Jean-jacques] Rousseau. J’ai remarqué que cet ensemble, cet hermaphrodisme moral, est moins rare qu’on ne le croit. » (juin 1762).

« Ici, on peut dire qu’il y a hermaphrodisme moral, si je puis me servir de ce terme. »
Dr Victor Trinquier, Système complet de médecine légale, « Attentats à la pudeur commis sur des individus du même sexe », tome 1, Paris : Germer-Baillière, 1835

Traduction de Casper (médecin-légiste), 1862 ; en allemand, geistige Zwitterbildung [1857].

« M. Chevalier a distingué trois variétés de l’inversion sexuelle […] 3° une inversion native : ce sont des héréditaires ou des hermaphrodites moraux. »
Alexandre Lacassagne, art. « Pédérastie », Dictionnaire Encyclopédique des Sciences Médicales, volume 22, 1886.

HOLEBI ou HoLeBi, adj. et subs.

« Il est difficile de dire combien d'homosexuels, de lesbiennes et de bisexuels compte notre pays [La Belgique]. Les holebis n'affichent pas tous ouvertement leur orientation sexuelle, loin s'en faut. »
Proposition de résolution relative à la reconnaissance sociale des holebis et à la mise en œuvre d'une politique d'égalité des chances en leur faveur, 28 juin 2005.

« Le mot holebi est pour homosexuel , lesbienne et bisexuel. Les holebis sont des gens avec un caractère non-hétérosexuel . Ce sont des hommes qui tombent pour des hommes, des femmes qui tombent pour des femmes ou des hommes et femmes qui tombent autant pour des hommes que pour des femmes. Le point de vue idéal de la société , homme - femme , fait souffrir les holebis. Des gens considèrent les holebis, encore en ce jour-ci, comme anormaux. Pourtant ce sont des gens normaux comme vous et nous. »
Amnesty international (Belgique), 3 avril 2006.

Le holebi est englobé dans le concept plus vaste, et antérieur, d’altersexuel.

HOMME-FEMME

Terme incarnant la conception ancienne de l’homosexualité comme étant une sorte d’hermaphrodisme somato-psychique.

« Bienheureux les Romains qui avaient les Césars,
Pour tyrans amateurs des armes et des arts :
Mais mal-heureux celui qui vit esclave infâme
Sous une femme hommace et sous un homme femme. »
Agrippa D’Aubigné (1552-1630), Tragiques (1616), II [Princes], 759-760.

« Il y a des femmes qui sont hommes, et des hommes qui sont femmes ; et j’avoue que je ne ferai jamais mon ami d’un homme-femme. »
Denis Diderot, Sur les femmes, 1772.


Jules Chéret, 1876.


« Des êtres d’une nature toute particulière qui constituent le genre Hommes-Femmes ; il [Heinrich Marx] les a baptisés des Urnings [uranistes]. »
François Carlier, La Prostitution antiphysique, VI. Dans Les deux prostitutions, Paris, E. Dentu, 1887

« [Octave] Uzanne avait été ces jours-ci à Bullier [au bal Bullier, aujourd’hui Closerie des Lilas], et il avouait qu’il avait été étonné d’y avoir vu la pédérastie acceptée par la jeunesse. Ça ne soulevait plus d’indignation ni même de dégoût. Et causerie et fraternisation avec la duchesse, avec la baronne, avec ces hommes-femmes qu’on vous présentait, qu’on invitait à prendre un bock à votre table. »
Edmond de Goncourt, Journal …, 2 avril 1886.

Marcel Proust : « Un Grec du temps de Socrate, un Romain du temps d'Auguste, pouvaient être ce que l'on sait tout en restant des hommes absolument normaux, et non des hommes-femmes comme on en voit aujourd'hui. »
Sodome et Gomorrhe II, chapitre II, 1922.

« Les journaux de Londres ont récemment décrit le cas de Catherine Coome, qui vécut quarante ans déguisée en homme. Elle épousa une servante avec laquelle elle vécut quatorze ans. Ayant eu affaire avec la police, on découvrit son vrai sexe, et le public la nomma "l’homme-femme". »
J. Violet, La Débauche mondiale, 1927.

Pierre Saint-Amand : " Dans un passage de son essai sur le théâtre, Mercier reviendra sur l’affectation du personnage [le petit-maître]. Il mentionnera « le ton apprêté de leur mollesse […] ». C’est ici le terme homophobe qui désigne le plus directement l’effémination du fat, l’adoption des postures du sexe opposé. Dans le Tableau de Paris, ces jeunes fats acquièrent une identité sexuelle nouvelle : ils sont « les hommes-femmes de Paris ». "
Suite libertine. Vies du XVIIIe siècle, chapitre « Le Théâtre des Beaux », Paris : Classiques Garnier, 2021.

HONNEUR

Le More
« Si tu veux me servir deux jours d’enfant d’honneur.
Et sais-tu quel est cet usage ?
Il te le faut expliquer mieux.
Tu connais l’Echanson du Monarque des Dieux ?

Anselme.
Ganimède ?

Le More.
Celuy-là même.
Prend que je sois Jupin le Monarque suprême,
Et que tu sois le Jouvenceau :
Tu n’es pas tout-à-fait si jeune ni si beau.

Anselme.
Ah Seigneur, vous raillez, c’est chose par trop sûre :
Regardez la vieillesse, et la magistrature.

Le More.
Moi railler ? point du tout.

Anselme.
Seigneur.

Le More.
Ne veux-tu point ?

Anselme.
Seigneur… Anselme ayant examiné ce point
Consent à la fin au mystère.
Maudit amour des dons, que ne fais-tu pas faire !
En Page incontinent son habit est changé :
Toque au lieu de chapeau, haut-de-chausse troussé.
La barbe seulement demeure au personnage.
L’enfant d’honneur Anselme, avec cet équipage,
Suit le More partout. »
La Fontaine, Contes, III (1671), xiii, « Le petit chien ».

« Bardache : jeune garçon dont les gens de mœurs levantines abusent. On disait enfant d’honneur. »
Hector France, Dictionnaire de la langue verte, 1907, réédition Nigel Gauvin, 1990.

L’expression se rattache à la famille lexicale de : bras d’honneur, doigt d’honneur, honneur (sexe de l’homme), lieu d’honneur, trou d’honneur (glory hole).

HONTEUSE, HONTEUX

Selon le policier Félix Carlier, les honteuses constituaient vers le milieu du XIXe siècle une catégorie de tantes :

« On les appelle ainsi parce que les individus qui la composent cachent avec le plus grand soin à tous les yeux le vice qui les domine. Autant les persilleuses cherchent à se faire remarquer, autant les honteuses évitent les regards ; ceux ou celles-là en font un métier ; ceux ou celles-ci n’en font qu’une affaire de goût. »

Bruant signala honteux parmi les argots pour pédéraste.

« J’écris ce livre en partie à cause des mots, pour remplacer les vieux mots, qui nous stigmatisaient, par de nouveaux qui nous rendront justice. De "honteuse", je suis devenu "pédé". De "pédés", nous avons accédés, ceux d’entre nous à qui le sentiment de leur dignité n’est pas indifférent, au rang d’ "homosexuels".
Dominique Fernandez, L’Étoile rose, Paris : Grasset, 1978.

En 1981 encore, le T.L.F. donnait un exemple relevant de notre champ :

« HONTEUX […] qui a honte ou qui se cache d’être tel qu’il est. Inverti honteux. »

HORMO, HORMOSESSUALITÉ, HORMOSESSUEL

Raymond Queneau, Zazie dans le métro,

HORS GHETTO, HORS MILIEU, HM

Petites annonces dans GPH 1983-1988, Têtu, 2001.

HORS-NATURE

Rachilde (Marguerite Eymery, 1860-1953) Les Hors nature, mœurs contemporaines, Paris : Mercure de France, 1897.

« Écrire sur l’homosexualité n’implique pas du tout que l’on soit homosexuel. Des personnes fort honorables ont écrit sur ce vice. Rachilde, Gautier, Mendès, Baudelaire ont écrit sur les hors-nature. Ce vice appartient à la littérature en même temps que les autres vices. Il peut donc être étudié, mis dans le roman ou dans le poème sans que son auteur en souffre dans sa réputation. »
André Ibels, réponse à l’enquête de La Plume, n° 387, 15 mai 1912.

Léon Bocquet, appréciation sur Georges Eekhoud :
« Une grande commisération pour toute l'humanité pitoyable et déchue inspire l'œuvre de Georges Eekhoud. Il est le peintre ému et pathétique de tous les hors-la-loi et des hors-nature, rustres de Campine violents, farouches, lubriques, voyous des grandes villes, êtres d'exception en marge de la société mauvaise et hypocrite.
La psychologie de ses romans, hauts en relief et en couleur, intéresse les cas pathologiques les plus osés et les plus en abomi­nation aux vertus bourgeoises.  »
La Société nouvelle — Revue internationale — Sociologie, arts, sciences, lettres, 19e année, janvier  1914.

HUMEUR ITALIENNE

Cette expression dont l’équivalent allemand se rencontre sous la plume de la Princesse a probablement circulé à la Cour de Louis XIV.

"Je crois bien que le prince Max n'a pas l'humeur italienne, car ordinairement ce n'est pas le vice des bons et honnêtes allemands."
Madame [Princesse Palatine], Correspondance, 27 septembre 1690.

HYPERSEXUEL

« Le mot de chimère caractérise improprement l’hypothèse très valable et viable que nous proposons et d’après laquelle l’évolution poursuivrait, sans être parvenue à la fixer encore, la conception d’un type affranchi des limites du sexe, élevé à une notion de l’amour mieux qu’utilitaire et procréatrice, c’est-à-dire enrichie de possibilités multipliées, aussi différence de l’instinct primitif que la musique l’est du bruit. En ce type d’hypersexuel (nous pouvons risquer le mot) le sens de l’amour aura parcouru le même cycle que par exemple chez l’animal. »
Guy Debrouze, " Le préjugé contre les mœurs ", Akademos, n° 7, 15 juillet 1909.

HYPERVIRIL

« Les homosexuels "efféminés", les "hypervirils", les pédérastes, les travestis,  etc (pour ne parler que des comportements des homosexuels du sexe masculin), doivent pouvoir faire entendre leurs revendications propres, par et avec les moyens du groupe.
Cependant, les revendications communes seront toujours placées au premier plan. »
Manifeste programme pour la libération des homosexuels, Paris, 1975.

Voir plus loin supraviril.





I


ICOGLAN

Du turc icoglany, ancien nom de l’officier de palais dans l’empire ottoman ; c’était le ganymède oriental.

« Il n’y avait pas huit jours que j’étais entré en fonction, quand je [le baron] trouvai sur le soir un jeune icoglan très bien fait. […] Je [Pangloss] prétendais, moi, qu’il était beaucoup plus permis de remettre un bouquet sur la gorge d’une femme que d’être tout nu avec un icoglan. »
Voltaire, Candide ou l’Optimisme, chapitre XXVIII.

Au chapitre XI de La Nouvelle Justine, une note de Sade définissait icoglan par Nom des ganymèdes des sérails d’Asie.

« au milieu du harem d’icoglans ou de sultanes »
Marquis de Sade, La Philosophie dans le boudoir, 5e dialogue, Paris : Gallimard, 1998, édition Jean Deprun.

Alexandre Dumas Père : « Henri III, l’hermaphrodite antique, était destiné à voir le jour dans quelque ville d’Orient, au milieu d’un monde de muets, d’esclaves, d’eunuques, d’icoglans, de philosophes et de sophistes, et son règne devait marquer une ère particulière de molles débauches et de folies inconnues, entre Néron et Héliogabale. »
La Dame de Monsoreau, chapitre V, 1846.

« En veston gris, en chapeaux mous, par les quinconces,
Avec des mouvements calins et paresseux,
Rodent les icoglans parisiaques, ceux,
O Prudhomme, qu’au feu céleste tu dénonces. »
Laurent Tailhade, Poèmes aristophanesques, "Troisième sexe", 1904.

« Il s’est trouvé un membre de la Chambre de Pairs, le comte de Huntingdon, pour demander que l’âge du "consentement" auquel ces pratiques pourraient être autorisées soit abaissé de 21 à 18 ans. Demain, peut-être, un noble lord poussera la mansuétude jusqu’à réclamer qu’on réduise à quinze ans l’âge auquel les icoglans de la nouvelle Sodome pourront impunément s’adonner à leurs récréations. »
Raymond Lacoste, « Crise morale en Angleterre », Carrefour, n° 1083, 16 juin 1965.
Carrefour, revue littéraire hebdomadaire de 1944 à 1977 : créée en 1944 par Robert Buron, Émilien Amaury, F. Garas et Yves Helleu, la revue avait Gérard Boutelleau pour rédacteur en chef.


IDENTITÉ DE GENRE

« La ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, a présenté les principes du programme d'actions contre les violences et les discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre que le Premier ministre l'a chargée d'élaborer début septembre.
[…]
3. agir contre les discriminations au quotidien : l'Etat se mobilisera contre les discriminations dans l'emploi, dans le secteur public et le secteur privé. La charte de l'égalité dans la fonction publique fera l'objet d'une révision dans le cadre de l'agenda social, mettant en avant les valeurs du service public et de la fonction publique. Dans ce cadre, l'égalité des droits et la lutte contre les discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre seront réaffirmées. » (Communiqué du Conseil des ministres du 31 octobre 2012)


IMPUDIQUE, adj. et subst. ; IMPUDICITÉ, subst.

Ces termes se rencontrent dans de nombreuses traductions de textes latins ou italiens. Voir mon opuscule Les Petits Grecs…

« Or avait-il [Origène] attiré près de lui un vilain et impudique paillard du pays d'Éthiopie, duquel il le menaçait, s'il ne voulait accorder à faire sacrifices à leurs dieux ; car il lui dit que ce putier détestable le connaîtrait charnellement, et souillerait son corps par paillardise autant abominable et exécrable par-dessus toutes malédictions, comme elle est contre nature [...] Origène donc, faisant élection de la chose qui était pire, aima mieux renoncer à la foi qu'auparavant il avait eu en Jésus Christ et souiller par ce moyen son âme sans aucun profit, que de souffrir son corps être aucunement contaminé. » [cité par Montaigne et par Voltaire].
Nicéphore Calliste Xanthopoulos, Histoire ecclésiastique, V, 32,  traduction XVIe siècle :

« Je n’ose dire que le fard
Leur est plus commun qu’à la femme ;
J’aurais peur d’en recevoir blâme,
Et qu’entre eux ils pratiquent l’art
De l’impudique Ganymède. »
Les Vertus et propriétés des Mignons, 1576 [Journal de de L’Estoile]. Repris dans Le Cabinet du roi de France, 1581, page 299, sous le titre " Les indignités de la Cour ".



«  Le principal auteur du parnasse satyrique [Théophile de Viau], qui s'en prend aux destins et à la nature avec des paroles infâmes et avec des imprécations de sodomite, comme si Dieu était jaloux et envieux de ses impudicités. »
Garassus, La doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, ou prétendus tels : contenant plusieurs maximes pernicieuses à la religion, à l'Estat et aux bonnes mœurs, combattue et renversée, 1623.

Adamantius, médecin juif de langue grecque converti au christianisme (fin IVe siècle), " Quelque inceste, ou quelque impudicité encore plus détestable ", La Physionomie, ou des indices que la nature a mis au corps humain..., Paris : Toussaint du Bray, 1635, chapitre I " Des Yeux [leur mouvement] ".
" Aux visages gays un pronostic de luxure et d'impudicité ", chapitre XX.

Pierre Jarrige : Les Jésuites mis sur l'échafaud pour plusieurs crimes capitaux par eux commis dans la province de Guyenne. Avec la réponse aux calomnies de Jacques Beaufés, jésuite, Leide 1649.
Chapitre V " Les impudicités des jésuites dans leurs classes ": pages 42-45.

Dans la traduction de 1655 par le sieur Rault de l’ouvrage de Jean Baptiste Porta sur la physionomie humaine, figurait un article intitulé L’impudique, celui qui est adonné à la « paillardise masculine ».

« En réfutant la faute de Mr. Saldenus j'aurais pu censurer encore avec plus de fondement l'Auteur du Turco-Papismus ; car il cite Agrippa comme ayant narré que ce Pape établit des lieux de prostitution tant pour l'impudicité sodomitique que pour l'impudicité ordinaire, et accorda la permission du péché contre nature à un Cardinal. »
Pierre Bayle (1647-1706), " Sixte IV ", Dictionnaire historique et critique, Basle : Jean Louis Brandmuller, 1738 [réédition de l'édition de 1730 qui contient des inédits indatables, mais antérieurs à 1706, des éditions précédentes].

« Le péché contre nature est le crime de celui ou de celle qui a un commerce impudique avec quelque personne de son sexe, il se commet par un homme avec un autre homme, et par une femme avec une autre femme. »
Jean Antoine Soulatges, Traité des crimes, 1762, tome 1, page 253.

« Sera puni d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d’une amende de … 1° Quiconque aura soit pour satisfaire les passions d’autrui, excité, favorisé ou facilité habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l’un ou de l’autre sexe au dessous de vingt et un ans, soit pour satisfaire ses propres passions, commis un ou plusieurs actes impudiques ou contre nature avec un mineur de son sexe âgé de moins de vingt et un ans. »
Philippe Pétain, Pierre Laval, Loi n° 744 du 6 août 1942 [Journal officiel du 27 août 1942, page 2923].

INCOGNITO

Incognito Guide. Paris : ASL, 1965. Rééditions annuelles jusqu’en ???.

INCUBE

« Ho, bougre, bredache de tous les diables incubes, succubes et tout quand il y a. »
Rabelais, Quart Livre, 1e édition, 1548.

Moreau-Christophe avait opposé rivette à riveur ou incube.

INDIFFÉRENCE SEXUELLE, INDIFFÉRENT

« On naît uraniste plus ou moins ; on peut devenir inverti soit pendant cette période d’indifférence sexuelle (si finement observée par Max Dessoir) qui dure quelquefois jusqu’après la puberté – soit longtemps après. »
Marc-André Raffalovich, Uranisme et unisexualité : étude sur différentes manifestations de l'instinct sexuel, Lyon : A. Storck ; Paris : Masson, 1896.

« À signaler encore l’indifférent, aimant tantôt une personne de son sexe, tantôt une du sexe opposé. »
Dr Laupts, Archives d’Anthropologie Criminelle, 1896.

INFÂME, INFÄMETÉ, INFAMIE

D’après l’historien Henri Quentin, auteur, sous le pseudonyme de Paul d’Estrée, d’une étude intitulée « Les infâmes sous l’Ancien Régime », c’était de cet épithète qu’on désignait alors les êtres « adonnés aux plaisirs antiphysiques ». En règle générale, le mot ne notait pas seulement l’amour d’homme à homme, mais englobait tout ce que nous appelons aujourd’hui perversions. Toutefois, sur une période assez courte, infâme et infamie se sont appliqués de façon privilégiée à l’homosexualité masculine, et figurent parmi les plus péjoratifs de notre corpus.
Étymologiquement, l’infâme est celui qui a mauvaise réputation ; selon le dictionnaire d'Antoine Furetière, « On appelle aussi infâme tout ce qui n’est pas dans l’approbation générale des hommes. On le dit particulièrement de quelques vices. »

Dans Les Funérailles de Sodome et de ses filles (1600), le prédicateur R. Le Maçon parlait d’un « infâme appétit », de « concupiscences infâmes », d’une « infâmeté dénaturée », s’adressant à ceux qui formulaient une « demande abominable de l’action plus que brutale [animale] qui par l’usage commun est appelé sodomie, sans remords ou douleur de conscience » et qui, « ou en ténèbres, ou chacun en particulier, commettaient des choses infâmes. »

Sonnet de François Ogier à propos de Vauquelin des Yveteaux (1567-1649) : « Un sérail qui comprend l’une et l’autre Vénus [...] des valets, mais infâmes. » (Réponse au sonnet XIII).

Charles Coypeau d’Assoucy fut en danger d’être brûlé à Montpellier vers 1654 ; des vers furent composés à cette occasion :

« C’est dommage que dans Paris
Ces messieurs de l’Académie,
Tous ces Messieurs les beaux esprits
Soient sujets à telle infamie. »
Voyage curieux, historique et galant de Messieurs Bachaumont et La Chapelle, 1680.

D’Assoucy était poète, mais il ne fit jamais partie de l’Académie.

« L'aventure de MM. de La Ferté, Biran, Colbert, Argenson est bien infâme; ils ne sont que les malheureux d'une nombreuse confrérie. Nos pères n'étaient pas plus chastes que nous, mais ils se contentaient d'une débauche naturelle. On brode à présent sur les vices, on les raffine. »
Lettre de La Rivière à Bussy-Rabutin, 5 février 1680.

Assemblées de la manchette, N° 2 : l'abbé de Rochefort, 19 août 1705 :
« Il y avait à Paris un ecclésiastique du Château du Loir [Sarthe], qui se fait appeler l'abbé de Rochefort, si enclin au vice infâme de sodomie, que sa fureur a été de persécuter par tous les moyens possibles un cocher nommé Bertrand, auprès duquel il jouait de toutes sortes de ressorts pour l'attirer avec lui. Il s'est, à ce qu'on dit, retiré depuis peu au Château du Loir, et bien lui en a pris ; car on l'aurait fait enfermer à l'hôpital général. Le Roi m'ordonne de vous écrire de l'avertir de rester chez lui et d'avoir attention sur sa conduite, en lui faisant entendre que s'il ne se corrige, il s'attirera le traitement qu'un infâme comme lui mérite. »(G. B. Depping, Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, Imprimerie Nationale, 1851-1855, volume IV, page 298).

Pierre Bayle (1646-1706) : « On ne saurait assez déplorer, ou la malice, ou l'ignorance de l'homme, quand on songe que Théodore de Bèze a été accusé d'une infamie abominable, sur un fondement aussi frivole que l'est son épigramme, de suâ in Candidam et Audebertum benevolentiâ. Mr. [Louis] Maimbourg renouvela cette accusation dans son Histoire du Calvinisme [1682]. On le réfuta très solidement par l'examen de la pièce même, et on n'oublia point de fortifier l'apologie par le grand mérite d'Audebert. » Dictionnaire historique et critique, article " Audebert ".  

« Ces efféminés ne se marient point, et s’abandonnent aux plus infâmes passions ; aussi sont-ils souverainement méprisés. »
F.-X. de Charlevoix (1882-1761, jésuite), Journal de voyage dans l’Amérique septentrionale, tome 6, juillet 1721 [éd. 1644, pp.4-5].

En février 1727, l’avocat parisien Mathieu Marais reprit les vers sur D’Assoucy en évoquant un groupe d’amis, dont Damien Mitton et le chevalier de Méré ; selon Marais, c’était « comme une académie » et il ajoutait :

« C’est dommage que :
Tous ces beaux esprits
Soient sujets à telle infamie. »

Sur les Académiciens (les disciples de Platon), voir Diogène Laërce, Vies...

Le sens du mot est confirmé dans une lettre du président Bouhier à Mathieu Marais, le 24 janvier 1729 :
« Il [l’abbé Claude-François Fraguier] y justifie fort bien ce philosophe [Socrate] du soupçon de pédérastie, et il n’a pas oublié la plainte que faisait Alcibiade de n’avoir pu le faire succomber à son désir. Mais ce qu’il y a de plaisant, c’est qu’en traitant cette matière, le bon abbé ait paru ignorer la différence que faisaient les lois pour l’infamie entre l’agent et le patient, et ne se soit pas souvenu de notre Horace, qui se croyait fort pudique parce qu’il avait évité dans sa jeunesse le dernier de ces écueils. ». (Voir Horace, Satires, I, vi).
En 1727, un indicateur de police racontait dans son rapport comment on avait essayé de l’aborder :
« Étant sur le quai de Conti à neuf heures du soir, j’y ai trouvé ce Fautray, qui aussitôt qu’il m’a vu m’a donné le signal ordinaire des infâmes, et étant passé du côté du Collège des Quatre Nations [aujourd’hui Institut de France], il a fait semblant de pisser et m’a montré son vit. »Archives de la Bastille, 10256.
« C'est un endroit où les infâmes se mettent pour faire leurs infamies. »
Rapport de police (Paris), 26 mars 1747.

En 1748, un artisan déclarait à l'inspecteur de police :
« il  y a environ 14 ans qu’il a été débauché dans le goût de l’infamie à Reims où il était pour lors […] Depuis environ un an, il a fait des infamies avec le sacristain des Anglaises qui sont rue de Charenton, et cela deux fois […] Il a pareillement fait des  infamies avec le nommé Charpentier, officier sur les grains, demeurant derrière le petit St Antoine, et ce lors des danses de la place Royale l’été dernier. Dimanche dernier, il a rencontré sur le boulevard une personne à lui inconnue avec qui il a fait encore des infamies. »Archives de la Bastille, 10259.
Pour la même année, autre rapport :

« Passant sur le quai vi-à-vis du Collège des Quatre Nations [aujourd’hui Institut de France] sur les onze heures du soir, j’ai vu Veglay en veste blanche qui était avec un autre infâme comme lui qui portait épée. Ces deux infâmes m’ayant vu passer m’ont suivi pendant une demi-heure ; j’ai été contre les maisons du Collège, ils m’y ont suivi et se sont arrêtés dans un renfoncement en manière de porte où ils se montraient sans rien dire, habitude que présentement une partie des infâmes a prise. »

Cette habitude nouvelle était une réaction aux provocations policières. La police ayant remplacé les provocations par des convocations, ce Veglay semble avoir essayé d’organiser une sorte de résistance :
« Veglay a dit qu'il avait été convoqué à la police et qu'il avait comparu devant un monsieur Chaban ; que ce monsieur avait voulu l'intimider en le menaçant de la prison pour lui faire dire les personnes avec lesquelles il était en commerce infâme, mais que Veglay ayant répondu sur un autre ton, il l'avait renvoyé, et que le vrai moyen de bien se tirer de là était de ne jamais déclarer ses amis. » Archives de la Bastille, 10259, juin 1748.
Cette période de répression culmine en 1750 avec l’exécution de deux hommes pris en flagrant délit rue Montorgueil ; voici la déposition de l’un d’eux :

« Jean Diot est venu l’accoster et lui a proposé l’infamie, qu’il l’a même prié de le lui mettre par derrière, que pour cet effet Jean Diot a défait sa culotte et que lui déclarant [Bruno Lenoir] le lui a mis par derrière, sans cependant finir l’affaire, attendu qu’ils ont été surpris par le guet. »
Bibliothèque de l’Arsenal (Paris), mss 11717.

Pierre Bayle (1647-1706) : « On ne saurait assez déplorer, ou la malice, ou l'ignorance de l'homme, quand on songe que Théodore de Bèze a été accusé d'une infamie abominable, sur un fondement aussi frivole que l'est son épigramme, de suâ in Candidam et Audebertum benevolentiâ. Mr. Maimbourg renouvela cette accusation dans son Histoire du Calvinisme. On le réfuta très solidement par l'examen de la pièce même, et on n'oublia point de fortifier l'apologie par le grand mérite d'Audebert. » Dictionnaire historique et critique, 1738, entrée " Audebert (Germain) ", tome 1, page 381.

« L’Empereur adonné à des plaisirs infâmes ne se mariait point. »
Montesquieu, De l’Esprit des lois, 1748, VI, xiii (Impuissance des lois japonaises).

« Du temps de Plutarque, les parcs où l’on combattait à nu, et les jeux de la lutte, rendaient les jeunes gens lâches, les portaient à un amour infâme, et n’en faisaient que des baladins. »
Montesquieu, De l’Esprit des lois (1748), VIII, xi.

« Il est certain, autant que la science de l’Antiquité peut l’être, que l’amour socratique n’était point un amour infâme. »
Voltaire, « Amour nommé socratique », Dictionnaire philosophique, 1764.

«  On demandera comment dans un désert aussi inhabitable qu’il l’est aujourd’hui, et où l’on ne trouve que quelques hordes de voleurs arabes, il pouvait y avoir cinq villes [Sodome, Gomorrhe, Séboin, Adama et Segor] assez opulentes pour être plongées dans les délices, et même dans des plaisirs infâmes qui sont le dernier effet du raffinement de la débauche attachée à la richesse : on peut répondre que le pays alors était bien meilleur.  »
Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie, 1770, article " Asphalte Lac Asphaltide Sodome ". 

« On n’y trouve [au café d’Alexandre] que des raccrocheuses, des bougres et des bardaches. Il se passe dans ce café des infamies, des horreurs qu’il est inutile de nommer ; les titres de ceux qui l’habitent les font assez deviner. »
Mayeur de Saint-Paul, Le Désœuvré, ou L’Espion du Boulevard du Temple, 1781, chapitre VI.
« Ce crime horrible qui outrage également et la nature et les lois, ce forfait épouvantable sur lequel la main de Dieu s'est appesantie tant de fois, cette infamie en un mot si nouvelle pour moi que je la concevais à peine, je la vis consommer sous mes yeux, avec toutes les recherches impures, avec toutes les épisodes affreuses que pouvait y mettre la dépravation la plus réfléchie. L’un de ces hommes, celui qui dominait l’autre […] » Marquis de Sade, Les Infortunes de la vertu, Paris, Gallimard, 1995 [1787], édition Michel Delon.

Victor HUGO : « Sans parler de ces poésies monstrueuses par lesquelles Anacréon, Horace, Virgile même, ont immortalisé d'infâmes débauches et de honteuses habitudes, les chants amoureux des poètes païens anciens et modernes, de Catulle, de Tibulle, de Bertin, de Bernis, de Parny, ne nous offrent rien de cette délicatesse, de cette modestie, de cette retenue sans lesquelles l'amour n'est plus qu'un instinct animal et qu'un appétit charnel.  » " Idées au hasard ", Juillet 1824, dans Littérature et philosophie mêlées, Paris : Eugène Renduel, 1834. 

« Sur le tombeau de Dioclès [législateur du –Ve siècle], de jeunes garçons célébraient chaque année la fête des baisers : le plus lascif obtenait la couronne : Dioclès avait été un infâme. »
Chateaubriand, Études historiques, V, 3e partie, 1831.

A.J.B. Beau, traducteur du poète latin Martial, dans ses annotations :

« Loevis amicus : un ami à la peau douce. Martial [IX, 9-10] entend Patrocle. encore une infamie ! ce Patrocle dont Achille, dans Racine [Iphigénie, I, 2], nous fait un héros,

            Patrocle et moi, seigneur, nous irons nous venger,

c’était un loevis amicus, ô antiquité !
Épigrammes de Martial, 1843, tome 3.

« Les Césars, à l’exception peut-être de l’imbécile Claude, furent tous, au rapport de Suétone, des infâmes. »
Pierre Joseph Proudhon, Amour et mariage, chapitre XXVII, 1858.

« Chaque jour je deviens moins dur et moins moqueur
Pour tous ceux que le monde appelle des infâmes. »
Amédée Pigeon, Les Deux amours, Paris : A. Lemerre, 1876.


Paul Bourget : « C'était le collège qui continuait à les lier l'un à l'autre, et les souvenirs d'enfance. Leur enfance ?... Armand, qui tournait la rue Royale et gagnait les Champs-Élysées, se rappela soudain le défilé de la pension Vanaboste, le jeudi, et la promenade trois par trois, sous la surveillance d'un pauvre diable de maître d'étude qui cherchait à se dissimuler parmi les groupes pour avoir l'air d'un passant comme les autres et non pas d'un chien de cour chargé de garder un troupeau d'élèves. Et quel troupeau ! La plupart avait le teint pali, les yeux creusés, un appauvrissement énervé de tout l'être qui disait de secrètes débauches. Que d'ignominies et de bassesses dans ce monde où les plus âgés avaient dix-neuf ans, où les plus jeunes en avaient huit ! Entre les murs de la prison, comme entre les murs du grand lycée où ils se rendaient deux fois par jour, il n'était question que d'infâmes amours entre ces grands et ces petits. Parmi ces amours contre nature, les unes étaient franchement sensuelles et avaient pour théâtres tous les coins déserts de la maison, depuis les dortoirs jusqu'à l'infirmerie. Et parmi les jeunes Français internés dans des collèges semblables, combien participaient à cette luxure, et les autres se salissaient l'imagination en la repoussant ! Il y avait aussi entre ces collégiens des liaisons exaltées et chastes. La lecture d'une certaine églogue de Virgile, d'un dialogue de Platon, de quelques sonnets de Shakespeare montaient la tête aux plus littéraires, et Alfred Chazel avait un jour reçu, étant en troisième, une pièce de vers écrite par un rhétoricien de Henri IV, qui commençait par ce vers prodigieux dont ils avaient ri comme des fous :
Alfred, mon pâle Alfred, mon Aimé, mes Délices... »
Un Crime d'amour, Paris : Alphonse Lemerre, 1886.
 
« Le monde dit que c’est infâme ;
Mais que me fait, ô mon vainqueur ! »
Paul Verlaine, Hombres [1887], V.

Le sens homosexuel de ces mots a donc culminé pendant le deuxième quart du XVIIIe siècle. C’est cette période que l’on retrouve dans le polar historique d’Alice Yvernat :

« La différence entre vous et moi, c’est que moi je suis perdu, définitivement perdu pour la société. Je suis un infâme d’inclination. J’aime le mâle, le viril, fût-il rude, celui qui me domine, qui se joue de moi, même si je dois d’aventure y laisser quelques plumes. Je suis une sœur, un inverti, en un mot un foutu bougre ! Mes propos vous choquent, n’est-ce pas mon mignon ? Vous voyez bien que nous ne sommes pas faits du même bois. Je n’aime pas les femmes … »
Les Billets indiscrets, chap. 13, Paris : L’Embarcadère, 2005.

INSENSIBLE

"Il entre à peine dans cet âge charmant que les insensibles appellent l'âge ingrat, et qui selon les Grecs est l'âge même de l'amour."
André Gide, Journal, juin 1921.

INTERSEXUALITÉ, INTERSEXUEL

« On peut être plus homosexuel dans certaines relations "intersexuelles" sur un mode anormal, que dans certaines relations effectivement "homosexuelles". »
Dr Hesnard, « Homosexualité et endocrines », Évolution psychiatrique, 1933, n° 1.

INVERSION, INTERVERSION

En 1790, un texte satirique d’inspiration contre-révolutionnaire, Les Petits bougres au manège, caricaturait ce qu’il appelait la « société sodomique », soit le milieu homosexuel parisien, et stigmatisait en même temps « l’inversion de l’ordre civil et politique ». Mais sans doute le lien n’était pas encore bien clair entre ce mot inversion et les amours masculines. Ce lien, c’est la psychiatrie de la fin du XIXe siècle qui l’a établi, sous l’influence de l’expression italienne « inversione dell’ istinto sessuale » (A. Tamassia, 1878) et par souci de traduire l’expression allemande de C. Westphal « conträre Sexualempfindung » (1869), littéralement sensation sexuelle contraire.

A. Ritti proposa en 1878 l’expression « attraction des sexes semblables », par analogie avec l’électromagnétisme :

« Westphal considère cet état pathologique comme une perversion (une sorte d’interversion) congénitale de l’instinct sexuel, en ce sens qu’une femme est physiquement femme, mais psychiquement homme, et un homme physiquement homme et psychiquement femme. »
« De l’attraction des sexes semblables », Gazette hebdomadaire de Médecine et de Chirurgie, n° 1, 4 janvier 1878.

On reconnaît ici la théorie de l’hermaphrodisme somato-psychique du magistrat allemand Ulrichs (une âme de femme prisonnière d’un corps d’homme). Charcot et Magnan ont rendu compte des écrits d’Ulrichs et de Westphal, ils ont aussi traduit par « inversion de l’instinct sexuel » l’expression de Tamassia.

« L’inversion de l’instinct sexuel peut se montrer dans les deux sexes : pour l’homme, c’est la pédérastie ; pour la femme, le tribadisme. Dans les deux cas, c’est un individu qui recherche la satisfaction de son instinct sexuel avec un individu du même sexe. […] M. Chevalier a distingué trois variétés de l’inversion sexuelle : 1° une inversion acquise, par exemple, dans la prostitution pédérastique et saphique ; 2° une inversion des agglomérations exclusives : ainsi les pensions, les internats, les armées, les prisons ; 3° une inversion native : ce sont des héréditaires ou des hermaphrodites moraux. »
Alexandre Lacassagne, article « Pédérastie », Dictionnaire Encyclopédique des Sciences Médicales, volume 22, 1886.

« Les Allemands qui comptent, paraît-il, parmi eux de nombreux cas d’inversion sexuelle, ont imaginé une ingénieuse théorie pour expliquer la déviation mentale instinctive, mais obscène, de ces détraqués. L’âme, disent-ils, pénètre dans le corps au 40e jour de la vie intra-utérine (Numantius) ; mais parfois Dieu se méprend et envoie une âme de femme dans un corps d’homme […] Quant à enfermer les urningen (c’est le nom que [Heinrich] Marx donne à ces invertis), ce serait reculer " jusqu’à l’époque où la loi condamnait les sorciers et les hérétiques " ! »
Dr E. Monin, Misères nerveuses, 1890.

Le quaificatif disparaît dans le titre de l’article du psychologue d’origine russe « Quelques observations sur l’inversion » (Archives d’Anthropologie Criminelle, mars 1894). Il s’agissait d’une réponse à une « Enquête sur l’inversion sexuelle » lancée par le Dr Saint-Paul dans la même revue en janvier 1894.

« L’unisexualité se ressemble chez les femmes comme chez les hommes ; l’inversion est une. »
Dr H. Legludic, Attentats aux mœurs, 1896.

« INVERSION : Psychologie. Anomalie consistant en ce qu’un homme a des instincts sexuels féminins, ou une femme des instincts masculins. »
André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 1902-1923, Bulletin de la Société Française de Philosophie.

« Moi l’inversion c’était pas mon genre. »
Louis-Ferdinant Céline, Voyage au bout de la nuit, Paris : Denoël & Steele, 1932.

« Il arrive que la pédérastie et l’homosexualité conduisent à l’inversion sexuelle [pénétré au lieu de pénétrant].  L’inverti l’est le plus souvent congénitalement. Mâle, il prend dans l’amour une attitude passive, en détournant un organe, qu’il me semble inutile de nommer, de sa fonction propre, pour le faire servir à un usage second, qu’il serait téméraire de dire imprévu, attendu que le phallus est bien utilisé à deux fins par la Nature, ce qui a pu paraître une invitation, un exemple à suivre dans le besoin. »
Marcel Jouhandeau, "Corydon résumé et augmenté", Ces Messieurs, 1951.

INVERTI

En 1885, Magnan présenta l’expresion « sexuel inverti » ; certains ont par la suite proposé « interverti », mais inverti domina assez rapidement. Comme les métaphores spatiales (devant/derrière), inverti suggère une altérité radicale et encourage les réactions de rejet.

« Les invertis du sens génital, avant toute procédure, doivent être soumis à l’examen du médecin. Le médecin seul a compétence pour décider si le prévenu est un aliéné irresponsable, à colloquer dans un hospice où l’on peut essayer de le guérir, ou un vicieux et un criminel, à envoyer devant des juges. Pour le vicieux ou le vicié, je demande la sévérité : l’inverti doit être mis hors la société et placé au rang de la bête, dont il a pris le caractère, parce qu’il déshonore l’espèce et qu’il est devenu dangereux. Il ne peut, en effet, arriver à ses fins sans corrompre ou pervertir les autres. »
Eugène Hubert, « L’inversion génitale et la législation », Bruxelles, 1892.

L’écrivain naturaliste et socialiste Émile Zola avait lui aussi considéré l’inverti comme un ennemi public :

« Tout ce qui touche au sexe touche à la vie sociale elle-même. Un inverti est un désorganisateur de la famille, de la nation, de l’humanité. L’homme et la femme ne sont certainement ici-bas que pour faire des enfants, et ils tuent la vie le jour où ils ne font plus ce qu’il faut pour en faire. »
Lettre au Dr Laupts, 25 juin 1895.

L’auteur de « J’accuse » avait peut-être nuancé son opinion lorsqu’en 1896 il proposa à ce médecin de publier un texte (une longue confession) qu’il avait reçu d’un correspondant anonyme, « Roman d’un inverti », en fait plutôt un trans qu'un homo.

Le psychologue d’origine russe Raffalovich opposa invertis efféminés et non efféminés.

« Il y a des invertis qui sont plutôt un mâle et demi qu'un mâle à demi. »
A. Raffalovich, "L'Uranisme (inversion sexuelle congénitale)", Archives d’Anthropologie Criminelle, janvier 1895.

À la fin du XIXe siècle, inversion et inverti sont très utilisés, tout en commençant à être concurrencés par les dérivés de Urning (uranisme, uraniste) et par la série en homo-.

Il semble qu’inverti ait été bien accepté par la majorité du milieu homosexuel parisien. En 1924, il y aura la revue Inversions ; dans les années 1960, un collaborateur d’Arcadie citait volontiers cette devise : « Un homme inverti en vaut deux ». Avant 1910, déjà, le Dr Saint-Paul avait reçu cette lettre d’un « inverti français » :

« Je désirerais former un groupement d'invertis sérieux. – Ce groupement aurait pour but de rechercher tout ce qui serait capable d'améliorer la situation morale de l'inverti, situation qui est toujours si critique à cause de l'isolement forcé, situation qui souvent est la cause de catastrophes intimes. Il est bien entendu que le groupement ne comprendrait que ceux dont la bonne moralité est certaine, bien que son action humanitaire pourrait, par la suite, s'étendre à tous ceux qui ont le désir de rentrer dans la bonne voie. L'oeuvre de ce groupement, en plus des avantages intellectuels et moraux qu'elle offrirait à chacun, faciliterait nécessairement l'étude de cette question si importante et d'actualité qu'est la question sexuelle et pourrait contribuer à la découverte et à la pratique de règles d'hygiène physique et morale qui adouciraient le sort cruel légué aux invertis. »
L’Homosexualité et les types homosexuels, 1910.

Marcel Proust commenta l'évolution linguistique dans cette note du cahier 49 (vers 1901-1911) :
« Ce terme [tante] conviendrait particulièrement, dans tout mon ouvrage, où les personnages auxquels il s'appliquerait, étant presque tous vieux, et presque tous mondains, ils seraient dans les réunions mondaines où ils papotent, magnifiquement habillés et ridicules. Les tantes ! on voit leur solennité et toute leur toilette rien que dans ce mot qui porte jupe, on voit dans une réunion mondaine leur aigrette et leur ramage de volatiles d'un genre différent. « Mais le lecteur français veut être respecté » et n'étant pas Balzac je suis obligé de me contenter d'inverti. Homosexuel est trop germanique et pédant, n'ayant guère paru en France — sauf erreur  et traduit sans doute des journaux berlinois, qu'après le procès Eurlenbourg.» (cité par Antoine Compagnon, Préface à Sodome et Gomorrhe, Gallimard, collection folio classique).
André Gide donna à inversion un sens strict, l’associant à l’efféminement et n’en faisant qu’une des annexes de l’homosexualité ; il faisait dire au Visiteur :
« Mes yeux cherchaient en vain, dans la pièce où il m’introduisit, ces marques d’efféminement que les spécialistes retrouvent à tout ce qui touche les invertis, et à quoi ils prétendent ne s’être jamais trompés. »
C. R. D. N., 1911, Premier dialogue.

Dans le texte intermédiaire de 1920, Gide prétendait laisser de côté « les invertis, dont la tare est trop évidente » (quatrième dialogue) ; ces six derniers mots, très durs, furent supprimés dans l’édition définitive dont la préface évoquait seulement :

« certains cas d’homosexualité, ceux dont précisément je ne m’occupe pas dans ce livre – les cas d’inversion, d’efféminement, de sodomie. »

Gide réagissait ainsi à la théorie de l’homme-femme, acceptée par Marcel Proust ; inverti est employé une vingtaine de fois dans La Recherche, et y est le terme le plus fréquent :

« L'inverti se croit seul de sa sorte dans l'univers ; plus tard seulement, il se figure – autre exagération – que l'exception unique, c'est l'homme normal. »
Sodome et Gomorrhe, II, 1, 1922.

« Les homosexuels mettent leur point d’honneur à n’être pas des invertis. D’après la théorie, toute fragmentaire du reste, que j’ébauche ici, il n’y aurait pas en réalité d’homosexuels. Si masculine que puisse être l’apparence de la tante, son goût de virilité proviendrait d’une féminité foncière, fût-elle dissimulée. Un homosexuel ce serait ce que prétend être, ce que de bonne foi imagine être, un inverti »
Marcel Proust, " Esquisses IV ", À la recherche du temps perdu, tome III, Paris : Gallimard, 1988.

François Mauriac fit cette critique de Corydon :

« J’entends mal votre distinction entre homosexuels et invertis … Quand je songe à tous ceux que je connais, je ne vois que des malheureux, des diminués, des êtres déchus, dans la mesure où ils ne luttent pas. Mais c’est vrai qu’il y a là un grand mystère et que l’hypocrisie du monde a trop vite fait de ne pas méditer. »
Lettre à André Gide, 28 juin 1924.

Le mot ne pouvait échapper au lexique célinien :
" Il [Léon Blum] nous met les points sur les i. Dans un style d'ailleurs très sémite, tout ramifié, tout enveloppé, tout nègre, c'est-à-dire précieux, réticent, sucé, onctueux, surhuhamélisé, sirupeux, enculeux, un vrai lambeau d'Harachloucoum, ce que les Français du lycée invertis, négrifiés de même, appellent le Beau Style. " (Bagatelles pour un massacre)

La traduction en 1923 des Trois essais sur la théorie de la sexualité portait généralement inversion (conformément au texte allemand) et une fois seulement homosexualité (III, 5) ; ainsi Marcel Proust et la psychanalyse se rencontrèrent-ils pour contribuer à diffuser ce terme, repris par les critiques de Proust, tel Jean-Paul Sartre :

« Nous refusons de croire que l’amour d’un inverti présente les mêmes caractères que celui d’un hétérosexuel. Le caractère secret, interdit du premier, son aspect de messe noire, l’existence d’une franc-maçonnerie homosexuelle, et cette damnation où l’inverti a conscience d’entraîner avec lui son partenaire : autant de faits qui nous paraissent influencer le sentiment tout entier et jusque dans les détails de son évolution. »
Jean-Paul Sartre, " Présentation ", Les Temps Modernes, 1er  octobre 1945.

« Un garçon entre, le type le plus marqué que j’aie vu de l’inverti : démarche dansante, jeux de mains affectés, cheveux décolorés, le visage pâli, déshonoré, flétri par de récentes débauches. »
Marcel Jouhandeau, Journaliers 1957 – 1959, I.

« Les dieux de l’Olympe étaient, presque tous, d’intrépides pédérastes, voire même des invertis : les textes grecs nous en sont garants. »
Marc Daniel [Michel Duchein], Des Dieux et des garçons. Étude sur l’homosexualité dans la mythologie grecque, Paris : Arcadie, 1967. Sur cette mythologie, voir le § XVII de ma page https://laconnaissanceouverteetsesennemis.blogspot.com/2016/10/ces-petits-grecs-constantes-et.html

Éric Zemmour : « L’inverti honni d’hier est devenu le gay admiré d’aujourd’hui, celui qui légitime le désir du pauvre « hétérosexuel » – « hétéro de base », minable beauf – pour la femme. »
Le Premier sexe, Paris : Denoël, 2006.

IRONIE DE L'ORDRE

« Que dis-tu de ceci : des brigands grecs ont un jour une riotte avec la gendarmerie. Ils s’emparent de l’officier et de trois gendarmes, les enculent à outrance et les renvoient ensuite sans leur avoir fait autre chose. Quelle ironie de l’ordre ! »
Gustave Flaubert, Lettre à Louis Bouilhet, 10 février 1851, Correspondance, Paris : Gallimard, 1973, édition Jean Bruneau.

IRRUMATEUR, IRRUMATION, IRRUMER

Ces termes désignaient le comportement de celui qui se fait sucer ... le vit (comme on disait au XVIIIe siècle). " L’irrumation est un type de fellation où le mouvement de va-et-vient du pénis est fait par le bénéficiaire de la fellation plutôt que par la personne qui la pratique. " (fr.wikipedia.org)

« Le Général de la Ligue n'ayant plus que deux places de son parti échappé, ne se pouvait reconcilier avec ce Prince, comme il fit avec l'autre pour se le faire irrumer. On gagne plus à celui-ci qu'à se faire enrhumer aux tranchées. »
Agrippa d’Aubigné, Confession catholique du Sieur de Sancy, I, 3.

« Je ne touche point ici aux masturbateurs, irrumateurs, fellateurs, encore que cela soit spécifique et journalier à ceux de delà les monts [les Italiens], et à ceux de par deçà qui ont étudié autour d'eux, abomination qui semble bourgeonner par la France à leur imitation. »
Antoine Fusi, Le Franc-Archer de la vraie Église, 1619.

« Depuis quelques années en ça, le général [des galères de Toulon] a défendu l’entrée aux femmes. De sorte qu’il ne se pèche plus maintenant là-dedans qu’en sodomie, mollesse, irrumation et autres pareilles tendresses. »
Jean-Jacques Bouchard, Les Confessions, Paris : Liseux, 1881 [vers 1630].

ITALIEN, adj. et subs.

Henri Estienne, 1566-1592 :

Apologie pour Hérodote, livre I, chapitre 13.

« À l’exemple de la plupart des jeunes Français, il [le comte de Guiche] avait compromis sa santé par la pratique du vice italien et particulièrement au service des plaisirs de Monsieur. Mais il m’a été assuré, d’autre part, que le duc de Nevers [neveu de Mazarin] avait été le premier à corrompre Monsieur [frère de Louis XIV], lequel était un prince d’une grande beauté. Aussi la reine-mère avait-elle éloigné Monsieur du duc de Nevers, que l’on accusait d’avoir importé en France la mode du vice italien
Primi Visconti, Mémoires sur la Cour de Louis XIV, 1908 [1673].

« Je crois bien que le prince Max n'a pas l'humeur italienne. »
Princesse Palatine, Correspondance, septembre 1690.

« Ce ménage ne fut jamais uni : le goût de M. de Brissac était trop italien. »
Saint-Simon, Mémoires, 1693.

« Pour ses mœurs [celles du maréchal d’Huxelles], elles étaient italiennes. »
Saint-Simon, Mémoires, 1703.

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.

mardi 24 janvier 2023

DFHM : Manchette à mouchard en passant par masculin, mignon et monosexie


MANCHETTE

La connotation homosexuelle dont l’origine n’est pas connue avec certitude n’a été pratiquement rencontrée qu’au XVIIIe siècle. Le polémiste protestant Agrippa d'Aubigné nous fournit une piste :
Tragiques, II " Princes ".


Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1680 et 1706 :

Il se peut aussi que manchette soit dérivé de manche dans le sens que lui donne Mirabeau : « Les Sodomistes pensaient apparemment comme un grand seigneur moderne. Un valet de chambre de confiance lui fit observer que du côté qu’il préférait, ses maîtresses étaient conformées comme des ganymèdes, qu’on ne pouvait trouver au poids de l’or ; qu’il pouvait … des femmes. " Des femmes ", s’écria le maître, " eh ! c’est comme si tu me servais un gigot sans manche " »
H. G. Mirabeau, Erotika Biblion, 1783.

On rencontre cette connotation dans les rapports de la police parisienne à partir de 1726 ; j'en ai fait une publication séparée :

« Il m’a conté la manière dont il avait été arrêté aux Tuileries pour le fait de la manchette, et qu’on en arrêtait aussi à la Demie-Lune et sous les arcades de la place Royale. » (6 janvier 1726)
« Lui ayant dit que j’avais été portier aux Jacobins pendant trois ans, il m’a dit : puisque c’est comme ça, je ne puis pas me fier à vous parce qu’on m’a dit qu’il y avait un jeune homme qui avait été portier aux Jacobins qui faisait arrêter ceux qui étaient de la manchette. » (2 juillet 1727)
« Ils ont tous deux été trois ou quatre fois cet été dernier au Lion d’Argent à la Courtille, où il y avait beaucoup de monde de la manchette, que toute la conversation ne roulait que sur cela, la plupart des hommes qui s’y trouvaient se traitaient de « Madame » et prenait toutes les manières des femmes en faisant comme elles des révérences ; c’est ce qui les a détournés d’y aller. » (16 janvier 1748)
« Il a été rapporté au magistrat que le 29 octobre [1747] Caron s’est trouvé dans une assemblée de gens de la manchette au nombre de vingt qui s’est tenue chez un marchand de vin à l’enseigne du Fer à Cheval à la Courtille, et que tous ont eu affaire les uns avec les autres soit dans ce cabaret soit après en être sortis. » (23 janvier 1748)
Archives de la Bastille, 10256, 257, 259.

Vers sur Deschauffour faits en 1726 :
« L’ordre de la manchette en lui perd son vrai père,
Aux gitons de Paris il tenait ordinaire.
Tout le monde le pleure, et l’église et l’épée. »
De B… [Bois]-Jourdain, Mélanges historiques, satiriques et anecdotiques [...] contenant des détails ignorés ou peu connus sur les événements et les personnes marquantes de la fin du règne de Louis XIV, des premières années de celui de Louis XV, et de la Régence, Paris : Chèvre et Chanson, 1807, tome 2, page 337.

« Leurs discours ressemblent à leurs mœurs, ils ont un langage à part ; plein d’affèterie, ils s’appellent entre eux Frères, Gitons et Ganymèdes. Ces noms bizarres sont leurs noms d’amitié. Ils ont parmi eux un Ordre de Chevalerie dont on ignore l’origine et les prérogatives ; ils tiennent tous à si grand honneur de le porter, qu’il n’y a que les misérables qui ne l’aient pas, on l’appelle Ordre de La Manchette. »
Godard de Beauchamps, Histoire du prince Apprius [Priapus], 1728. (les anagrammes ont été éclaircis)


Dans les Journal et Mémoires du marquis René-Louis d’Argenson, ami de Voltaire, il est question, à la date du 29 mai 1740, d’un certain de Vilaines, « célèbre dans l’ordre de la Manchette », « jouant un grand rôle dans le parti de la Manchette » (tome 3, page 87 de l’édition Vve Jules Renouard, 1859).

Marquis d'Argenson, 29 mai 1740 :

" Ce personnage [Vilaines] est par sa nature porté à l'intrigue, utile à ses amis, et le fond de cette vue est un goût naturel de se mêler d'intrigues de cour. Il est célèbre dans l'ordre de la Manchette. Ce désordre de jeunesse porte à l'amitié et conduit au cœur tendre pour ses amis, quoique le désordre y cesse avec les violentes arsées (sic) qui font le b[ougre]. Celui-ci se trouve grand ami du cardinal de Tencin, que les jésuites lui ont donné pour ami, et il le sert avec jugement, selon le temps.

Ledit Tencin, après avoir tiré si grand parti qu'il a fait du cardinal de Fleury, a considéré d'où venait le vent et où il allait; il a trouvé qu'il allait précisément au sieur Bachelier, et a pénétré que le fond de ce crédit venait des conseils de M. Chauvelin, et qu'il ne pouvait conduire autre part.
[...]
Pour cet effet, il [le cardinal de Tencin] se sert de gens tous désavouables, et tel est de Vilaines jouant un grand rôle dans le parti de la Manchette, ayant vu Courcillon, Deschauffours et même Chausson1. Il est le maître de quelques jeunes gens, secrets sectateurs de cette non conformité, il est bien reçu aux Jésuites, et commande à quantité d'évêques; il va dicter et recevoir des dictées de politique chez la de Tencin, sœur du cardinal, il a de l'esprit, ce qui paraît par une grande facilité à parler de toutes sortes de choses, depuis la politique jusqu'aux marionnettes. Il est homme du monde, il y a toujours été reçu sur cette universalité, et comme homme de bonne compagnie. Ainsi il joint à ses amis de parti quantité de vieux amis, de tous partis indifférents. Il a servi, il a des procès, il est garçon commode, enfin il est dévot, car tous ces pauvres b[ougres]. meurent le c[ul] dans un bénitier. "

1. " Deschauffours avait été brûlé pour crime de sodomie, le 24 mai 1726. Chausson, que d'Argenson appelle Sauchon, avait eu le même sort vers 1674. Si l'on veut juger des progrès que cette hideuse démoralisation avait faits jusque dans les rangs de la jeune noblesse, il faut lire les révélations que renferme à ce sujet le procès-verbal d'un interrogatoire écrit de la main du lieutenant de police d'Argenson : Mss de la Bibliothèque du Louvre. "

Journal et mémoires du marquis d'Argenson, tome 3 / publiés pour la première fois d'après les manuscrits autographes de la Bibliothèque du Louvre, pour la Société de l'histoire de France, par E. J. B. Rathery. Auteur : Argenson, René-Louis de Voyer (1694-1757 ; marquis d'). 1859-1867. Contributeur : Rathery, Edmé-Jacques-Benoît (1807-1875). Société de l'histoire de France. Éditeur scientifique.

« Il y a grande brouillerie dans le ménage du jeune électeur [de Bavière, Maximilien III Joseph] et de l'électrice saxonne : ce prince avant son mariage était de la manchette; il s'est remis au goût régulier, et a pris une maîtresse. » (d'Argenson, Journal et mémoires, tome 5, 6 juillet 1748, page 235.



Jean-Jacques Rousseau utilisa l’expression chevalier de la manchette dans ses Confessions :

« Cette aventure me mit pour l’avenir à couvert des entreprises des Chevaliers de la manchette, et la vue des gens qui passaient pour en être, me rappelant l’air et les gestes de mon effroyable Maure, m’a toujours inspiré tant d’horreur, que j’avais peine à la cacher. »
1ère partie, livre II.

Une des expressions du marquis d’Argenson fut reprise dans l’un des écrits anonymes de la période révolutionnaire, et d’abord dans son titre, Les Enfants de Sodome à l’Assemblée Nationale, ou Députation de l’Ordre de la Manchette :
« Que peut aujourd’hui l’abbé Viennet [député à la Convention, père d’un écrivain célèbre] pour l’Ordre de la Manchette ? Rien sans doute ; mais l’ordre lui doit beaucoup de prosélytes : c’est lui qui, par le moyen de son théâtre bourgeois, a perverti Dumay, commis au Domaine ; Cotte, commis d’architecte ; Mandron le jeune, tapissier ; Michu, de la comédie italienne, lui doit son avancement dans l’Ordre. »


Littré donne ces définitions : « Un marquis de la manchette, un homme qui tend la main, un mendiant. Les chevaliers de la manchette, les pédérastes. »

L’explication du sens homosexuel pourrait alors être dans le geste de la main vers le sexe du partenaire. Mais R. H. Van Gulik apporte une autre piste en signalant qu’en Chine ancienne l’expression « manche coupée » était devenue une désignation littéraire de l’amour masculin après que l’empereur Ai-ti ait coupé la manche de son vêtement pour éviter de réveiller son favori endormi à ses côtés.

On rencontre encore parfois le mot, par exemple dans le polar historique d’Alice Yvernat :
« Il n’avait pas l’impression d’être comme ceux de la manchette. Lui, il aimait vraiment. Et qu’y a-t-il de commun entre un amour véritable et la débauche à laquelle certains se livraient ? »
Les Billets indiscrets, chapitre 7, Paris : L’Embarcadère, 2005.

MANIÉRÉ

« Le général Bigeard avait exprimé une volonté : que ses cendres fussent, à sa mort, répandues au-dessus de Diên Biên Phu. Le Vietnam, dont les autorités ont toujours été aussi humaines que les gars du 25e RIC étaient maniérés, a refusé. »
François Miclo, " Général, nous voilà ! Bigeard aux Invalides ", Causeur.fr, 28 novembre 2011.

MANUÉLISER

« [En septembre 1743] M. de Villars porta la main dans la culotte de lui déclarant [Jean-Baptiste Mars], qu’il manuélisa en lui faisant des reproches de ce qu’il n’avait pas l’érection, de ce qu’il n’agissait pas réciproquement avec la même liberté avec lui duc de Villars qui, pendant qu’il touchait d’une main lui déclarant, se manuélisait de l’autre, et parvint seul à l’éjaculation. »
Archives de la Bastille 1, 11536.

MARCHER

Donner dans les relations masculines.

« Axiome : tout Saint-Malo marche. » (Dans la Correspondance Gide/Ghéon).

Julien Green : « [Robert] Levesque nous dit qu'à Rome tout le monde " marche ", que les hommes font l'amour cinq ou six fois par jour, qu'un garçon comprend dès le premier coup d'œil et consent toujours. »
Journal intégral 1919-1940, 13 avril 1935, Paris : Robert Laffont, 2019.

« Il a été groom au Lido pendant quelque temps et me dit que Cartonnet est connu pour faire de l'œil aux gigolos qu'il préfère de beaucoup aux femmes, et qu'il aime surtout se faire baiser. Ce même Cartonnet " marcherait pour de l'argent ". » Journal... 2 octobre 1936.

MARI

« Mari : très facilement employé dans le milieu gay pour désigner son copain du moment. »
www.tasante.com 2002.

La loi Taubira " mariage pour tous " de 2013 a bouleversé la situation...

MASCULIN

« De combien de mots masculins
A-t-on fait des mots féminins
[...]
Sans que l'abbé de Boisrobert
Ce premier chansonnier de France,
Favori de son éminence,
Cet admirable patelin,
Aimant le genre masculin,
S'opposât de tout son courage
À cet efféminé langage. »
Gilles Ménage, Le Parnasse alarmé ou Requête des dictionnaires, 1649, page 8.

À la mort de l’archevêque d’Albi Séroni, on fit circuler ces vers irrespectueux :

« Pleurez, pleurez jeunes garçons
Un prélat si fort débonnaire
Qui retranchait de vos leçons
Deux des genres de la Grammaire :
De même qu’en pays latin,
Il n’usait que du masculin. »
Recueil Maurepas, BnF, mss fr. 12640, année 1685, tome 25, p. 399.

De même après l’expulsion des Jésuites :

« Vous ne savez pas le latin :
Ne criez pas au sacrilège
Si on ferme votre collège
Car vous mettez au masculin
Ce qu’on ne met qu’au féminin. »
Chansonnier Clairambault-Maurepas, année 1762.

MALÉDICTION, MAUDIT cf RACE MAUDITE

MAUVAIS GENRE

Caricature d'Abel Faivre, Le Rire, septembre 1907.


MÉNAGE, MÉNAGE MASCULIN

« Quel beau ménage ils faisaient à la turquesque. Aussi les petits enfants criaient tout haut que Quelus et Maugiron étaient bardaches […] peu après faisant un nouveau ménage. »
La Vie et faits notables de Henri de Valois, 1589.

« À peine arrivée dans la rue, toute la société [les amis lettrés de Sautelet] s’est mise à parler du ménage masculin de Fiévée et Th. Leclerq. On a beaucoup jasé sur ce sujet. »
Delécluze, Journal, 12 avril 1826.

MÉTIER

Métier eut une connotation homosexuelle à partir du XIIe siècle chez des auteurs comme Gautier de Coincy et dans des œuvres anonymes telles que l’Eneas, le Lai de Lanval et l’histoire de Gille de Chyn.

« Il transfigure cette abomination brutale des Sodomites que l’Écriture condamne si aigrement, et la fait évanouir à ce que bougrerie ne soit pas estimée péché. Ce que je crois il ne fait pas sans cause. Car je pense bien qu’il a pratiqué le métier suivant le privilège de son ordre. »
Jean Calvin, Épître contre un cordelier détenu à Rouen, Recueil des opuscules, 1566, page 719.

« Ci-dessous gît un pauvre prêtre,
Plaintif que Bougoin son maître
Lui fit faire plus d’un métier.
L’esprit revient et lui reproche
Qu’il virait en été la broche,
Et l’hiver il était portier.
Agrippa d’Aubigné, Les Aventures du baron de Fæneste, III, 16.

Virer la broche et portier sont des métaphores fugaces auxquelles je n'ai pas cru devoir consacrer une notice.

« Cet honnête homme fut mis par force au métier. »
Agrippa D’Aubigné, Confession catholique du sieur de Sancy, I, 7.

Il y a cinq ou six mois qu’on a mis à la Bastille un nommé Deschauffours qui était un particulier dans Paris, grand bougre de son métier, bel homme et bien fait. Cet homme connaissait beaucoup de monde dans le grand et dans le médiocre, car en général ce n’est pas l’amusement petit-bourgeois. »
Barbier, Journal, mai 1726, BnF, mss fr. 10286, f° 9.

Résurgence inattendue en 1914 :

Francis Carco : « La franchise du môme sidérait la Caille. Le « métier » lui plaisait vraiment, il avait ça dans le sang, et c'était plus comme les Titine et les Bambou qui se forçaient aux pires boulots... Lui aussi, la Caille, il s'y était forcé !... Mais ce qui l'asseyait, c'était chez le frangin de Bambou c'te facilité pour des mœurs contre nature qui, à lui, pour la même raison qu'elles le remuaient, le débectaient horriblement... »
Jésus-la-Caille, Paris : Mercure de France, 1914, deuxième partie, VIII.

METTRE

« Vous ne savez pas le latin :
Ne criez pas au sacrilège
Si l’on ferme votre collège
Car vous mettez au masculin
Ce qu’on ne met qu’au féminin. »
Chansonnier Clairambaut-Maurepas, année 1762.

« Tous les conquérants, ils doivent, c'est bien naturel, mettre les conquis! c'est la loi des plus vives Espèces !… »
Céline, Bagatelles pour un massacre, 1937.

« Regarde comme ils sont heureux tes "Français de race" d'avoir si bien reçu les Romains... d'avoir si bien tâté leur trique... si bien rampé sous les fourches... si bien orienté leurs miches... si bien avachi leurs endosses. Ils s'en congratulent encore à 18 siècles de distance!.. Toute la Sorbonne en jubile!... Ils en font tout leur bachot de cette merveilleuse enculade! Ils reluisent rien qu'au souvenir!... d'avoir si bien pris leur pied... avec les centurions bourrus... d'avoir si bien pompé César... d'avoir avec le dur carcan, si étrangleur, si féroce, rampé jusqu'à Rome, entravés pire que les mulets, croulants sous les chaînes... sous les chariots d'armes... de s'être bien fait glavioter par la populace romaine... Ils s'esclaffent encore tout transis, tout émus de cette rétrospection... Ah! qu'on s'est parfaitement fait mettre!... Ah! la grosse! énorme civilisation!... On a le cul crevé pour toujours... Ah! mon popotas!... fiotas! fiotum!... Ils s'en caressent encore l'oigne... de reconnaissance... éperdue... Ah! les tendres miches!... Dum tu déclamas!... Roma!... Rosa! Rosa!... Tu pederum!... Rosa! Rosa! mon Cicéron! »
Céline, Bagatelles pour un massacre, 1937.

Blague racontée dans les années 1950 : " Jean Marais vient voir Cocteau à son domicile. Un domestique le reçoit et demande : - C'est pour le maître ? - Non, juste pour le voir. "

La formule insultante " allez vous faire mettre ", " va te faire mettre " n'est pas encore tombée en désuétude.

MFL

Sigle d’un groupe de la fin des années 1970, transposé du MLF, et signifiant Mouvance folle lesbienne ; un groupe d’hommes, contrairement à ce que l’on pourrait croire.

MFLGBT

Sigle assez ridicule correspondant à : Marche des fiertés lesbienne, gay, bi et transgenre

M. G.

Abbréviation de mœurs grecques ou de mauvais genre dans la correspondance de Marcel Proust.

« l’air m. g. «  (29 février 1904) ; « M. est bien m. g. » (février 1905).

MIGNARD, MIGNARDER

« Un gros prieur son petit fils baisait
Et mignardait au matin en sa couche. »
Clément Marot, Épigramme 168, vers 1530

« Il [Zola] s’étend sur les salauderies qui ont lieu dans les collèges de province et qui ont un coin de brutalité que ne présentent pas les branlades mignardes des collèges parisiens. »
Edmond de Goncourt, Journal, 18 avril 1883.

MIGNON

D’origine incertaine, peut-être de minet, chat, ou de l’espagnol niño, garçon. L’adjectif chez Rabelais (Gargantua, chapitre 54) et Du Bellay est dénué de nuance péjorative, mais sans doute aussi de toute connotation homosexuelle.

L’emploi comme substantif fut noté par Pierre de L’Estoile en juillet 1576 :

« Mignons. Le nom de Mignons commença, en ce temps, à trotter par la bouche du peuple, auquel ils étaient fort odieux, tant pour leurs façons de faire qui étaient badines et hautaines, que pour leurs fards et accoutrements efféminés et impudiques, mais surtout pour les dons immenses et libéralités que leur faisait le Roi, que le peuple avait opinion être la cause de leur ruine, encore que la vérité fut que telles libéralités, ne pouvant subsister en leur épargne un seul moment, étaient aussitôt transmises au peuple qu’est l’eau par un conduit. » (origine probable de la théorie du ruissellement).

Ces favoris d’Henri III furent aussi appelés « ganymèdes effrontés », « compagnons de mignétise », et par un ligueur « beaux petits fouille-merde ». On faisait des reproches au Roi :

« Il s’allie avec ses mignons
Ainsi que font les hannetons. »
(De L’Estoile, décembre 1581)

Dans des sonnets dits « peu chrétiens », Ronsard formula les mêmes accusations :

« Le Roi, comme l’on dit, accole, baise et lèche,
De ses poupins mignons le teint frais, nuit et jour ;
Eux, pour avoir argent lui prêtent, tour à tour,
Leurs fessiers rebondis, et endurent la brêche.
[…]
Avec vos mignons consommez le loisir
Qui est dû, selon droit, à la chose publique.
[…]
Les culs plus que les cons sont maintenant ouverts ;
Les mignons de la Cour y mettent leurs lancettes. »
(BnF, mss fr. NA 6888, pp. 136-137)

Chez Montaigne, mignon signifie le plus souvent ami ou favori, mais la connotation d’homosexualité existe dans cette paraphrase de Diogène Laërce :
 
« Archelaus le physicien, duquel Socrate fut le disciple et le mignon selon Aristoxenus. »
(Essais, II, xii, page 556 de l’édition Villey/PUF/Quadrige ; DL, Vie..., II, 19 ; mignon correspond ici au grec παιδικά, garçon aimé).
Le terme se trouve dans les traductions d’ouvrages grecs, par exemple celles de Diogène Laërce et de la Bibliothèque d’Apollodore.

Agrippa d’Aubigné ne laissa aucun doute sur les mœurs des Mignons qu’il disait « putains de la Cour » :
Tragiques, 1616, II " Princes.

Furetière définissait plus délicatement :
« Favori, en matière d’amitié, ou d’amour. Du temps de Henri III, les favoris s’appelaient mignons ; et ce terme emportait quelque chose qui n’est pas fort honnête. »

Michelet crut pouvoir innocenter ce petit monde :

« Puisque ce mot de mignons est arrivé sous ma plume, je dois dire pourtant que je ne crois ni certain ni vraisemblable le sens que tous les partis, acharnés contre Henri III, s’accordèrent à lui donner. »
(Histoire de la France au XVIe siècle. La ligue et Henri IV, chapitre 5.

Vers sur le musicien Lully, composés en 1681 ou 1685 :

« La vieille Cortain se fâche
Que Brunet soit mon mignon ;
Elle est une vieille vache,
Il est un joli bardache ;
Elle a le con lâche et profond,
Il a le cul petit et rond. »
BnF, mss fr. 12688, page 284 (recueil Clairambault, tome 3)

De Pierre Bayle (1647-1706) : " Antinous, mignon de l'empereur Hadrien " dans l'article " Antinous " du Dictionnaire historique et critique. Autre emploi à l'article " Arcésilas ".

Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706 (rien en 1680) :


Fénelon évoqua en 1712 les « infâmes mignons » d’Henri III dans ses Dialogues des morts (§§ 67-68).

« La duchesse de La Ferté a dit qu’on remarquait dans l’histoire que la galanterie des rois roulait, l’un après l’autre, sur les hommes et sur les femmes, qu’Henri II et Charles IX aimaient les femmes, et Henri III les mignons ; Henri IV aimait les femmes. Louis XIII les hommes, Louis XIV les femmes et qu’à présent le tour des mignons était revenu. »
Mathieu Marais, Journal et Mémoires, août 1722.

« Le propre jour que le maréchal de Villeroy est venu à Versailles, on a découvert que le jeune duc de La Trémouille, premier gentilhomme du Roi, lui servait plus que de gentilhomme, et avait fait de son maître son Ganymède. Ce secret amour est bientôt devenu public, et l’on a envoyé le duc à l’Académie avec son gouverneur pour apprendre à régler ses mœurs. Le Roi a dit que c’était bien fait. Voilà donc le tour des mignons et l’usage de la Cour de Henri III. »
Id., ibid., 27 juin 1724.

" Les dames ont fait les diables ; elles l[le prince de Ligne]'ont fait suivre et surprendre dans un vilain cabaret à Paris, avec quatre ou cinq de ses mignons. "
Lettre de Mathieu Marais au président Louis Bouhier, 24 juillet 1730.

René-Louis d'Argenson :
Journal et Mémoires, volume VIII, année 1754, page 210.

« Il [un Monsignor romain] voulut m’apprendre les catégories d’Aristote et fut sur le point de me mettre dans la catégorie de ses mignons : je l’échappai belle. »
Voltaire, Histoire des Voyages de Scarmentado.

« On parle de l’affaire Coin, du théâtre où paraissaient des femmes qu’on insultait, qu’on débinait et que remplaçaient des hommes nus ; de David, chef de bureau au Ministère de la Guerre, qui fournissait les mignons de la Garde en si grand nombre que le gouvernement a cru à une conspiration militaire et que c’est pour cela que la police est intervenue. »
Edmond et Jules de Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire de 1851 à 1896, Paris : Fasquelle/Flammarion, 1956, 10 octobre 1864.

« Lapin : enfant ou adolescent vicieux qui remplit dans les collèges le rôle des mignons de Henri III, ou celui d'Alcibiade près de Socrate. »
Hector France, Dictionnaire de la langue verte, 1907, réédition Nigel Gauvin, 1990.

L'écrivain Yvan Audouard distinguait trois sortes d'homosexuels au café de Flore :
" Les " grands mignons " qui [s'étaient] fait un nom en littérature, et [que le patron] estim[ait] ; les " petits mignons " qui [étaient] bien élevés, qui n'affich[ai]ent pas leurs sentiments, et qu'il absol[vait] ; enfin les " vilains mignons " qui [faisaient] profession de l'être et auxquels il continu[ait] de botter périodiquement les fesses ".
" Yvan Audouard vous présente le troisième sexe comme si vous en étiez " , France Dimanche, nº 120, 19 décembre 1948, page 7. [Cité dans Geoffroy Huard, Au-delà de la libération gay - Le monde homosexuel à Paris de l’après-guerre au Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire.]

" On voit très bien que Monsieur Philippot s'empare des leviers de commande, place ses hommes, ses mignons, partout, et il fait un pression constante évidemment sur Marine Le Pen et le pauvre bureau politique ; elle ne doit pas laisser des apparatchiks s'emparer de l'appareil ; c'est Philippot ou Le Pen, un des deux, il faut que les choses soient claires (...) On n'a pas forcément raison parce qu'on est un jeune con. ". (Jean-Marie Le Pen, 11 mai 2015)

« Interrogé sur le caractère "homophobe" de certains de ses propos sur les "mignons" de Florian Philippot, il a expliqué qu'il ne " condamnait pas les homosexuels à titre individuel mais quand ils chassent en meute oui ". C'est-à-dire selon lui " quand de conserve ils manœuvrent d'une certaine manière et se conduisent comme des hétérophobes et des gens qui détestent ceux qui ne sont pas comme eux ".
" M. Philippot et ses amis recrutent plutôt dans leur milieu socio-culturel, si j'ose dire, et ont sur leurs amis une influence d'un type différent de celui qui gouverne généralement les relations entre les hommes ordinaires ", a-t-il dit. " Quand les gens se servent de leur particularité, je la dénonce ", a-t-il ajouté.  » (lepoint.fr, 13 mai 2015).

On a donc là un des termes de l'Ancien Régime monarchique ayant le mieux survécus à la modernité.

MIGNON DE COUCHETTE

Sens hétérosexuel au XVIIe siècle seulement :

« Le voilà, le beau-fils, le mignon de couchette,
Le malheureux tison de ta flamme secrète »
Molière, Sganarelle, acte unique, scène VI.

De Pierre Bayle (1647-1706), l'expression mignon de couchette dans l'article " Jules III " de son Dictionnaire historique et critique.

« Le Créateur nous a fait l’un pour l’autre.
Qui voudra donc aller contre la loi
Du tout-puissant ? Ce ne sera pas moi.
Que l’on m’amène un mignon de couchette
Beau, fait au tour (*), un Adonis enfin ;
D’autre côté, telle quelle soubrette :
Je plante là mon ange masculin,
Et je m’en vais cajoler ma grisette. »
Jean-Baptiste Rousseau, Contes et épigrammes, 1724, « La fourmi ».
* : Je retrouve " fait au tour " dans le Journal intégral de Green, 18 avril 1932, page 412.

« Et Jocko son barbier, marquis de la pincette
Et Monsieur de Maki son mignon de couchette. »
Germain Nouveau, Le Maron travesti.

MIGNONISME

« Les Crétois ont été les premiers à ériger le mignonisme en système. »
Combes-Dounous, annotations des Dissertations de l’orateur grec Maxime de Tyr, 1802.

MIGNONNEMENT

Selon Agrippa d’Aubigné, « marcher mignonnement » faisait partie des lois de la Cour royale (Tragiques, 1616, II " Princes ").

MINET

Terme d'affection ou de mépris ; possède une  connotation homosexuelle que l'Académie n'a pas notée.

" Fig. Jeune homme, jeune fille, à l'existence facile et oisive, aux ^préoccupations frivoles. "
Dictionnaire de l'Académie française, 9e édition.

« J'ai pas peur des petits minets
Qui mangent leur ronron au Drugstore
Ils travaill'nt tout comme les castors
Ni avec leurs mains, ni avec leurs pieds. »
Jacques Dutronc, Les playboys, 1966.

« Dans chaque club, les garçons se tiennent sur la scène très éclairée par petits groupes de quatre ou six ; ils portent la tenue distincte de l'établissement et de sa spécialité, minimale et sexy : maillot 1900 à bretelles ou cycliste pour les athlètes, boxers shorts, strings pour les minets ou pseudo-voyous, les follassons ont droit à des mini-jupes. »
Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie, Paris : Robert Laffont, 2005.

MISER

Aphérèse de sodomiser.

« C’est le destin des Français de se faire miser dans le cours des âges. »
Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre.

« Ils connaissaient les tantes et les pédés par ce qu’en disait Théo, par ce qu’ils en disaient eux-mêmes, s’interpelant en riant, avec ces phrases : "Il en est, de la pédale qui craque !… Tu les prends en long, en large ou en travers ? Va te faire miser, eh ! Va voir chez tonton, tu gagneras mieux ta croûte !…" Mais ces expressions, vite lancées, ne leur représentaient rien de précis. »
Jean Genet, Querelle de Brest, 1947.

MODE

« L’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. »
Molière, Dom Juan, V, 2, Dom Juan à Sganarelle.
De Madame, princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV : « Quand on a raconté à Mme Cornuel la vie dévergondée des dames du faubourg (car on les appellent ainsi pace qu’elles habitent toutes au faubourg St Germain), elle a dit : "Mon Dieu, ne les blâmez pas, vous verrez que c’est une mission qu’on aura envoyée là, pour ramener les jeunes hommes du vice à la mode". Cette dame a maintenant 87 ans. »
Lettre à Sophie de Hanovre, 1er février 1693.
« Ce vice, qui s’appelait autrefois le beau vice, parce qu’il n’était affecté qu’aux grands seigneurs, aux gens d’esprit ou aux Adonis, est devenu si à la mode qu’il n’est pas aujourd’hui d’ordre de l’État depuis les ducs jusqu’aux laquais et au peuple qui n’en soit infecté. Le commissaire Foucault, mort depuis peu, était chargé de cette partie et montrait à ses amis un gros livre où étaient inscrits tous les noms de pédérastes notés à la police ; il prétendait qu’il y en avait à Paris presque autant que de filles, c’est-à-dire environ 40 000. »
Mémoires secrets …, 13 octobre 1783.

MŒURS

Dans cette disposition et les suivantes (articles 187-2, 416, 416-1 du CP, art. 2-6 du CPP), mœurs a une connotation homosexuelle 
Loi Badinter/Delebarre 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social.

Voir Appendices de 1985

MOLLESSE

Du grec malakia et du latin mollitia. La mollesse est décrite et souvent stigmatisée par de nombreux auteurs anciens : Alcuin d'York, Augustin, Célius Aurélien, Cyprien de Carthage, Démosthène, Horace, Juvénal, Pétrone, Philon d'Alexandrie, Salvien, Sénèque le Jeune, Sénèque le Père, Tacite, Tite-Live, et Vincent de Beauvais (au sens de masturbation) ; sans parler de tous ceux qui citèrent la 1ère Épître aux Corinthiens de l'apôtre Paul.

Jean Benedicti, La Somme des péchés..., 1587, 1601. Pour cet auteur, la sodomie n’est le fait que de l’actif, les bardaches, patients, ne commettant que le péché de mollesse.



Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1680 et 1706 :

Pierre Saint-Amand : " Dans un passage de son essai sur le théâtre, Mercier reviendra sur l’affectation du personnage [le petit-maître]. Il mentionnera « le ton apprêté de leur mollesse […] ». C’est ici le terme homophobe qui désigne le plus directement l’effémination du fat, l’adoption des postures du sexe opposé (68).
68. La mollesse est associée depuis l’Antiquité à l’homosexualité passive. Voir Marie-Jo Bonnet, Les relations amoureuses entre les femmes, Paris, Odile Jacob, 1995, p. 61. Les molles, dans les écrits de l’Antiquité recherchent des satisfactions sexuelles anormales ; ils représentent l’absence de toute puissance virile. Voir David M. Halperin, One Hundred Years of Homosexuality, New York, Routledge, 1990, p. 22-24. Halperin a raffiné son analyse de la mollitia dans un autre livre. Il s’agirait pour lui d’un des modèles du pré-homosexuel. Il étudie cette catégorie intéressante de l’inversion de l’identité sexuelle (masculine). Voir How to Do the History of Homosexuality, Chicago, University of Chicago Press, 2002, p. 121-130. Sur la notion de mollesse, pour le contexte français, je renvoie à l’étude de Christophe Martin, « La fontaine de Salmacis. Hantise de la mollesse et construction de la masculinité chez Rousseau », dans Masculinités en révolution, de Rousseau à Balzac, dir. Daniele Maira et Jean-Marie-Roulin, Saint-Étienne, PUSE, 2013, p. 31-48. "
Suite libertine. Vies du XVIIIe siècle, chapitre « Le Théâtre des Beaux », Paris : Classiques Garnier, 2021.

MÔME

Vidocq mettait pour ce mot : « adolescent, joli garçon. » Ce terme d’argot prit ensuite le sens de

« petit garçon livré à la pédérastie »
Anonyme [Pierre Joigneaux ?], L’Intérieur des prisons, 1846.

« On m’a même proposé des mômes, ô mon ami. Mais j’ai refusé. »
Gustave Flaubert, lettre à Camille Rogier, 11 mars 1851.

« Enfants, on les appelle mômes ou gosselins, adolescents ce sont des cousines, plus âgés, ce sont des tantes. »
Larchey, « Dictionnaire des excentricités du langage », Revue anecdotique des excentricités contemporaines, n°5, septembre 1859.

Charles Perrier releva dans l’argot de la prison centrale de Nîmes les mots girond et môme, avec le sens de prostitué ; en vieillissant, le môme devenait une tante ou une copaille (Les Criminels, tome 2, 1905).

« S’ils aiment tant la femme, pourquoi, et surtout dans ce monde ouvrier où c’est mal vu, où ils se cachent par amour-propre, ont-ils besoin de ce qu’ils appellent un môme ?
Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, « La Prisonnière »

Selon un observateur, dans un pénitencier guyanais,

« Les homosexuels du type actif s’appellent les hommes, ceux du type passif les mômes […] Pour un forçat, l’épithète de môme est la plus grosse injure après celle de bourricot. »
Dr L. Rousseau, Un Médecin au bagne, chapitre VII, 1930.

MONOSEXIE, MONOSEXUALITÉ, MONOSEXUÉMONOSEXUEL

Le concept d’une sexualité ne s’exerçant qu’à l’intérieur de l’ensemble des êtres d’un seul sexe fut représenté à l’aide des préfixes mono et uni. L’utopiste Charles Fourier avait imaginé, avant 1837, le néologisme monosexie :

« On voit dès à présent que les femmes dans leur état de liberté de perfectibilité comme celles de Paris, ont beaucoup de penchant au saphisme. Les journaux de Paris se sont plaints quelquefois que ce goût se généralisait parmi les jeunes personnes de la capitale ; ce sexe est plus que l’autre enclin à la monosexie. »
" Le saphisme en harmonie ", Le Nouveau monde amoureux, tome VII.

Monosexie est donc, avec homoïousien et unisexualité, un précurseur de la série des termes allemands en homo- ; « monosexual » est un des termes utilisés par Kertbeny dans la lettre de 1868. On peut regretter que ce terme monosexie, moins lourd que d’autres (mais aussi moins clair), n’ait eu aucun succès. Quelques auteurs ont suggéré l’emploi de monosexuel et monosexualité ; on en trouvait encore des traces dans l’ouvrage de Paul Reboux, Sens interdits, 1951.


Michel Foucault : « Il y a deux âges d’or de la problématisation de l’homosexualité comme monosexualité, c’est-à-dire des rapports entre hommes et hommes, et hommes et garçons. Le premier, c’est celui de la période grecque, hellénistique qui se termine en gros au cours de l’Empire romain. Les derniers grands témoignages en sont : le dialogue de Plutarque, les dissertations de Maxime de Tyr et le dialogue de Lucien. »
« Entretien avec Jean Pierre Joecker, M. Overd et Alain Sanzio », Masques, n° 13, printemps 1982.


" Nombreux sont ceux parmi les opposants au texte qui évoquent à son sujet une « révolution anthropologique » fondamentale et irréversible au travers de l’instauration possible pour les enfants d’un double lien de filiation monosexué. " Erwan Binet, RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 344), ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, 17 janvier 2013, III, B.

" Le terme « homoparentalité » est assez ambigu : les relations homosexuelles qu’entretiennent les personnes avec qui vit l’enfant ne concernent que les adultes ; elles ne concernent en rien l’enfant et moins encore les liens juridiques qui unissent les adultes à ce dernier. On devrait donc sans doute davantage parler de « parentalité monosexuée », reposant sur l’indifférence sexuée, plutôt que de parentalité homosexuelle qui se fonderait sur la sexualité partagée par le couple alors qu’il s’agit bien de la question de la parentalité exercée par deux personnes de même sexe. Pour autant, le terme « homoparentalité » est aujourd’hui entré dans le débat public et parfaitement compris de tous. " Ibid., IV, A, 1.


" Si l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe permettra l’établissement, dans les deux cas qui viennent d’être mentionnés [adoption d'un enfant par le conjoint et adoption conjointe], d’une double filiation monosexuée, le régime de l’adoption simple comme de l’adoption plénière n’emporte pas de mensonge sur les origines de celui-ci. " Ibid, IV, C.

D’autres enfin témoignent d’une opposition à l’établissement – notamment dans le cadre de l’adoption – d’un double lien de filiation monosexuée, en ce qu’il contredirait l’altérité sexuelle au fondement du modèle reproductif naturel. Ibid, Annexe N° 3.

MOUCHARD

« On m’a traité de mouchard.
Mouchard veut dire : homme qui ne pense pas comme nous.
Synonyme au XVIIIe siècle : pédéraste. »
Charles Baudelaire, Pauvre Belgique.

Nous n’avons pu vérifier l’affirmation relative au XVIIIe siècle ; mais au début du règne de Louis XV on appelait mouches les provocateurs qui approchaient les gens de la manchette pour lier conversation, puis les faire arrêter.

Jules Choux donnait en 1881, dans Le Petit citateur - Notes érotiques et pornographiques

« en être : être mouchard ou pédéraste ; quelquefois tous les deux ; ce qui s’appelle joindre l’utile à l’agréable. » Ouvrage réédité par la BnF.